FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 30 avril 2019
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous.
Je suis ravi d'ouvrir la séance. Il s'agit de la troisième séance que nous consacrons à notre étude sur les menaces qui pèsent sur la démocratie libérale en Europe.
Je souhaite la bienvenue aux membres du Comité, qui sont de retour après les deux semaines qu'ils ont passées dans leurs circonscriptions. Je souhaite également la bienvenue à nos deux témoins de marque, qui comparaissent à partir de la Hongrie et de New York.
Tout d'abord, nous accueillons le président de la Central European University, l'honorable Michael Ignatieff, qui comparaît par vidéoconférence. M. Ignatieff a été nommé président et recteur de la Central European University en 2016. Auparavant, il a été professeur à la Kennedy School of Government de la Harvard University, et, bien entendu, il a été député de 2006 à 2011 et il est un ancien chef du Parti libéral du Canada.
Bonjour, monsieur Ignatieff.
Nous accueillons également un témoin qui se trouve à New York. Il s'agit du secrétaire général de l'Union interparlementaire, M. Martin Chungong. M. Chungong possède plus de 30 ans d'expérience dans le domaine de la démocratie parlementaire. De plus, dans le cadre de son travail à l'UIP, il est un champion de l'égalité des sexes et, à ce titre, il s'assure que l'égalité entre les sexes est partie intégrante du travail et du fonctionnement de l'UIP.
Messieurs, nous sommes impatients de vous entendre ce matin. Vous pouvez prendre de 10 à 12 minutes chacun pour faire une déclaration préliminaire. Par la suite, tous les députés pourront vous poser des questions, et je suis sûr qu'elles seront très intéressantes.
Monsieur Ignatieff, puisque c'est vous qui êtes le plus loin, commençons par vous, au cas où nous aurions des problèmes de connexion vidéo.
Allez-y, s'il vous plaît, monsieur.
Merci, monsieur le président. Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter un exposé devant le Comité. Certains de ses membres faisaient partie de mes collègues à l'époque où je siégeais à la Chambre. Je salue chaleureusement les membres du Comité de tous les partis de la Chambre. Salutations de Budapest.
La Central European University offre des programmes de maîtrise et d'études supérieures reconnus mondialement à des étudiants de plus de 100 pays, dont le Canada. Comme vous le savez, depuis deux ans, le gouvernement hongrois essaie de nous chasser du pays, mais nous sommes encore ici, comme symbole de la liberté universitaire en Europe. D'autres universités dans le monde, dont du Canada, nous appuient et nous obtenons un appui sans réserve du gouvernement canadien à l'égard de notre position et de notre droit de rester ici.
Le Comité a entendu les témoignages d'éminents spécialistes universitaires de l'Europe centrale et orientale et je souscris à leurs conclusions. J'ai lu leurs témoignages et j'ai pensé essayer de me concentrer sur les répercussions pour le Canada. Je vais faire un petit survol général, car je crois que cela pourrait être utile au Comité dans la préparation de son rapport.
L'une des façons de réfléchir aux conséquences de la situation alarmante de la démocratie libérale en Europe centrale et orientale, c'est de le situer dans un contexte plus général. On pourrait presque dire que l'océan Atlantique n'a cessé de s'étendre depuis deux ou trois générations. Ce que je veux dire par là, c'est que l'écart entre l'Europe et l'Amérique du Nord s'accentue continuera de s'accentuer.
C'est, entre autres, parce que le souvenir de notre histoire commune est en train de s'estomper. Des Canadiens se sont battus et sont morts pour la liberté en Europe durant les deux grandes guerres mondiales. Ce souvenir est très important dans nos mythes fondateurs, mais il s'estompe de la mémoire des Canadiens et de celle des Européens également. Les gens ne se rappellent pas à quel point le Canada a joué un rôle central dans leur liberté.
Cela a des conséquences sur le plan stratégique. Comme vous le savez, notre allié américain remet publiquement en question la valeur de l'Alliance de l'Atlantique Nord, de l'OTAN. Je me demande parfois si les Canadiens finiront par faire de même. Nous l'avons fait de manière si récurrente au fil du temps. Si ce n'est pas devenu une question importante dans la politique canadienne, c'est simplement parce que cela ne nous coûte pas très cher, et que ce n'est pas un élément central dans le débat canadien, mais ce n'est qu'une question de temps avant que les Canadiens se demandent ce que le Canada fait à l'OTAN.
Pour ce qui est de l'Europe, les Européens sont de plus en plus conscients qu'ils devront se défendre, que l'Alliance de l'Atlantique Nord leur a permis de traverser la guerre froide, mais qu'ils devront commencer à dépenser dans la défense et à se défendre eux-mêmes.
Un autre facteur qui change les relations entre l'Europe et le Canada, c'est la mesure dans laquelle notre propre population se transforme. Une proportion de plus en plus petite de notre population a des origines européennes. Une proportion de plus en plus importante a des origines asiatiques, africaines et latino-américaines. C'est une révolution dans notre pays qui est très positive, mais elle a pour effet d'affaiblir le lien canado-européen.
Lorsque les Européens, particulièrement ceux de l'Europe centrale et orientale, regardent le Canada, ils voient un modèle qu'ils rejettent de plus en plus. Vancouver, Calgary, Winnipeg, Toronto et Montréal ont accueilli favorablement l'idée d'un avenir multiculturel. À cet égard, le Canada est l'un des pays qui réussit le mieux.
[Français]
C'est une chose formidable pour notre pays.
[Traduction]
Cependant, Varsovie, Prague, Budapest et Belgrade ont rejeté un tel avenir.
[Français]
Nous avons un avenir multiculturel à Montréal, à Québec et partout au pays, mais c'est un avenir que les Européens de l'Est ne reconnaissent plus.
[Traduction]
Parallèlement, au sens le plus large, par la force des choses, l'axe du monde s'éloigne peu à peu du lien nord-atlantique qui a été au centre de notre politique étrangère durant tout le XXe siècle. L'axe du monde passe de l'Atlantique Nord à l'Asie-Pacifique, et je crois, de mémoire, que cela signifie que le Canada est en train de vivre la transformation la plus importante de sa politique étrangère. Le Canada peine à préserver ses relations avec les États-Unis. Il éprouve de graves difficultés dans ses relations avec la Chine, et il doit nécessairement repenser ses relations avec l'Europe. C'est l'un des architectes de l'ordre mondial d'après 1945.
Le Canada a été un partenaire fondateur de l'ONU, de l'OTAN et des institutions de Bretton Woods, et ce, parce que nous pensions que le multilatéralisme était un levier d'influence essentiel pour une puissance moyenne. Or, ces institutions, toutes ces institutions multilatérales, connaissent des difficultés, particulièrement parce que la confrontation de plus en plus importante entre la puissance hégémonique que sont les États-Unis et les puissances montantes empêche ces institutions multilatérales d'être efficaces.
C'est un tour d'horizon un peu sombre, mais il vise à nous faire réfléchir aux relations canado-européennes d'une nouvelle façon. Que doit maintenant faire notre pays s'il ne peut plus compter sur les structures d'alliance traditionnelles?
Deux ou trois choses me semblent assez évidentes. Nous devrons consacrer plus d'argent à la défense. Nous devrons nous engager à défendre la paix d'autres pays grâce à nos compétences en matière de maintien de la paix. Nous devons demeurer un symbole d'espoir pour les gens qui veulent émigrer et devenir des Canadiens. Nous devons trouver comment, dans un important pays producteur pétrolier, nous pouvons respecter nos engagements à l'égard des changements climatiques sans faire éclater notre fédération.
Par-dessus tout, nous devons nous assurer que notre démocratie libérale demeure viable.
[Français]
Cela veut dire maintenir l'unité nationale du pays, qui est le pays de tous.
[Traduction]
Nous devons faire en sorte que nos fédérations restent civiles, et il nous faut être un bon exemple de liberté.
Nous devons enseigner à notre population que la démocratie libérale assure un équilibre entre la règle de la majorité et les droits des minorités; entre la souveraineté parlementaire et la primauté du droit; et entre le gouvernement de cabinet et la surveillance par le Parlement. La démocratie libérale doit constamment être réinventée et enseignée à la prochaine génération, et je sais que c'est une chose que les parlementaires prennent très au sérieux dans leurs fonctions au Parlement.
Qu'est-ce que cela signifie pour l'Europe de l'Est? Pour tout dire, je pense que nous ne pouvons pas exporter la démocratie. Nous ne pouvons pas exporter notre modèle de multiculturalisme en Europe centrale et orientale. Le monde a peut-être besoin de plus de Canada, mais je doute qu'il en veuille plus. C'est en quelque sorte un choc, mais je crois que c'est salutaire. Notre pays est très admiré. J'aime le Canada. Je l'aime encore plus en n'y étant pas présentement, mais il serait insensé de notre part de penser que nos modèles sont exportables.
Il nous faut comprendre ce qui nous regarde ou non. Empêcher le virage autoritaire en Europe centrale et orientale n'est pas fondamentalement l'affaire du Canada. C'est l'affaire de l'Union européenne, qui a conclu — de façon très controversée — qu'il vaut mieux garder les éléments autoritaires dans le club démocratique que les expulser. Or, je ne crois pas que le Canada puisse assumer la pérennité, l'avenir indéfini, de l'Union européenne, car cette tension entre une Europe fondée sur des principes démocratiques et une Europe de l'Est de plus en plus autoritaire pourrait, dans 10 ou 15 ans, faire éclater toute cette merveilleuse expérience.
Que pouvons-nous faire? En tant que Canadien qui travaille en Europe centrale et orientale, je suis très impressionné par la qualité de nos diplomates. Bon nombre d'entre eux sont des ambassadeurs, dont trois, je crois, sont des femmes, et ils sont absolument formidables, mais ils me disent tous en privé qu'ils n'ont pas de ressources. Les Danois, les Suédois, les Néerlandais, les Allemands et surtout les Norvégiens ont de l'argent à investir dans la société civile, la liberté des médias, l'éducation démocratique, les échanges d'étudiants et les échanges en recherche universitaire entre le Canada et les pays de cette région, mais nos diplomates ont très peu de ressources, et c'est dommage.
Nous savons ce qui se produit lorsque nous investissons. L'investissement canadien dans la démocratie ukrainienne, surtout dans la surveillance des élections, a joué un rôle essentiel dans la stabilisation de cette démocratie, et nous devons suivre cette voie. Lorsqu'on pense à l'Europe centrale et orientale, il ne faut pas oublier les Balkans. On parle de conflits latents qui peuvent éclater à tout moment. Nous aurions intérêt à investir dans la société civile et la consolidation de la paix dans cette région, surtout étant donné que les chances qu'ils entrent bientôt dans l'Union européenne sont très minces. Nous ne pouvons pas négliger nos obligations en matière de sécurité. Nous avons envoyé de l'aide pour les États baltes et leur souveraineté. Nous avons ainsi envoyé le message que nous sommes prêts à nous allier à d'autres pour défendre la souveraineté de ces États. Cela semblait extrêmement important.
Enfin, nous devons déterminer avec quelle équipe nous pouvons jouer. Les Américains, à un degré stupéfiant, se sont retirés de la sécurité et de la stabilisation de l'Europe. Ils considèrent de plus en plus l'Europe comme un concurrent géostratégique et économique. Notre pays est la société de l'Atlantique Nord qui maintient son engagement envers la démocratie libérale en Europe, et nous devons trouver l'équipe avec laquelle nous pouvons jouer. Il semble que les pays nordiques, les Pays-Bas, la France, l'Allemagne et l'Espagne constituent l'équipe de choix dont nous voulons faire partie et avec laquelle nous voulons travailler constamment pour que l'expérience démocratique se poursuive en Europe. Ce sont ces démocraties qui nous donnent une certaine influence. Voilà l'équipe dont nous voulons faire partie, et je ne crois pas qu'il y en ait une autre. Je ne pense pas que les Américains feront un retour dans cette région du monde.
Enfin — et je m'arrêterai là —, le message qu'envoie notre pays est incroyablement optimiste dans ce monde perturbé. Nous sommes des gens très pragmatiques qui se lèvent tous les matins pour faire fonctionner notre énorme pays. Les gens admirent le fait que nous le faisons si bien. C'est un message d'espoir et d'optimisme dont le monde entier a besoin, et j'espère que nous investirons dans nos ressources diplomatiques et que nous aurons la finesse d'esprit qu'il faut pour transmettre message d'espoir et d'optimisme à cette région du monde.
Je vous remercie beaucoup de votre attention. Je serai ravi de répondre à toutes vos questions.
Merci beaucoup, monsieur Ignatieff.
Nous passons tout de suite à M. Chungong. Vous pouvez également prendre de 10 à 12 minutes, et nous passerons aux questions par la suite. Merci, monsieur.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux de prendre la parole devant votre auguste comité ce matin.
Bien entendu, je comparais devant vous à titre de secrétaire général de l'Union interparlementaire, mais la plupart des points de vue que j'exprimerai aujourd'hui sont les miens et ne devraient pas être perçus comme étant les positions officielles de l'organisation.
En m'adressant à votre comité aujourd'hui, l'image qui me vient à l'esprit est celle de ce mouvement de masse qui est récurrent en France depuis novembre dernier, soit le mouvement des Gilets jaunes. Ce gilet incarne le mécontentement, la colère et le désenchantement de la population européenne et a alimenté beaucoup de violence qui n'a pas sa place dans une démocratie, surtout une démocratie libérale.
Vous vous demandez alors peut-être pourquoi les fondements mêmes de la démocratie sont ébranlés dans le bastion de la démocratie que devrait être l'Europe. Je crois que ce qui se passe en Europe rappelle ce qui se passe dans le reste du monde. Le monde est devenu un grand village, et il y a un certain nombre de facteurs qui peuvent être généraux, mais également propres à l'Europe. Si vous me le demandiez, je vous dirais que les facteurs sont à la fois politiques, sociétaux et économiques.
Lorsque nous regardons ce qui se passe en Europe, nous avons l'impression, et c'est l'impression qu'ont les gens, que leur économie les déçoit. Il y a une croissance du PIB en Europe, mais les bénéfices ne sont pas ressentis par le citoyen ordinaire. Nous avons vu récemment, par exemple, que des retraités en France se plaignent de leur pension [Difficultés techniques]... Cela ne peut se comparer...
Monsieur le secrétaire général, nous avons des problèmes de vidéo. Nous suspendons brièvement les travaux, le temps de rétablir la communication.
D'accord. Merci. Je suis vraiment désolé.
Je disais que les gens croyaient vraiment ne plus pouvoir compter sur leurs systèmes économiques, qui ne procuraient aucun avantage aux petites gens, qui privilégiaient immensément les riches.
On constate aussi beaucoup de désillusion à l'égard des institutions politiques de la gouvernance, notamment en Europe. Alors que de plus en plus de citoyens informés veulent participer davantage aux processus démocratiques, nous voyons se réduire les possibilités de consultation démocratique. Elles se ramènent aux élections qui ont lieu tous les quatre ou cinq ans, alors que, compte tenu des moyens modernes de communication, la mobilisation démocratique doit être plus fréquente et plus régulière.
Des facteurs extérieurs, comme l'afflux de migrants en Europe, alimentent le mécontentement, lequel nourrit la xénophobie, à cause de la crainte qu'éprouvent les Européens « autochtones » pour les emplois ou les possibilités qui leur sont dévolus.
On pourrait énumérer beaucoup de ces facteurs, mais je tiens à mentionner également le terrorisme émergent en Europe. Il est alimenté par la mésentente, l'intolérance et le développement du discours haineux, terreaux du populisme qui fait perdre leurs scrupules aux politiciens, qui n'hésitent plus à faire appel aux sentiments d'inquiétude dans la population.
Accordez-moi seulement quelques moments pour décrire brièvement le rôle des parlements dans cette situation. En leur qualité d'institutions de la démocratie, ils doivent rétablir la confiance populaire dans les institutions européennes de la gouvernance ainsi que dans celles du reste du monde. Cette transformation doit commencer par l'intérieur d'eux-mêmes. Ils doivent être perçus comme représentatifs, plus accessibles et plus responsables à l'égard des citoyens, utiles, efficaces. C'est important pour nous éloigner de la conception abstraite de la démocratie et du parlement et nous rapprocher de la réalité, dans notre recherche de moyens pour que les parlements soient utiles à tous les citoyens. C'est très important.
La notion de parlement représentatif n'est pas uniquement une question de nombre, du nombre de femmes ou de jeunes députés, mais aussi de capacité du parlement de répondre aux enjeux qui interpellent un échantillon représentatif de la société.
Si je pouvais en dire un peu plus sur la représentation des femmes au parlement, l'Europe se situe à peine au-dessus de la moyenne mondiale, qui est de 24,3 %, tandis que, en Europe, c'est 28 %. Ce n'est pas assez. Pour réaliser l'égalité des sexes, il faut chercher à augmenter...
[Difficultés techniques]
Il faut aussi s'attaquer à un autre problème, d'après une étude que nous avons réalisée l'année dernière: la violence contre les femmes, le sexisme, le harcèlement sexuel et d'autres formes d'inconduite sexuelle contre les femmes parlementaires. Dans notre enquête sur les parlements européens, nous avons constaté qu'au moins 85 % des femmes avaient signalé avoir subi une forme de violence, psychologique, physique ou autres. C'est inacceptable, parce que c'est un obstacle majeur à la participation des femmes à la politique.
Je crois aussi que les parlements devraient s'attaquer à la question de l'autonomisation des jeunes. Beaucoup de jeunes sont indifférents aux processus de la gouvernance, à la démocratie d'aujourd'hui, parce qu'ils croient que leurs voix ne sont pas entendues. Ils constatent que les questions qui les intéressent, comme le changement climatique, l'emploi et les possibilités d'éducation, rien de cela n'entre en ligne de compte dans les prises de décisions. Il importe de les faire participer aux décisions. C'est important pour nous d'accroître leur nombre dans les parlements pour rajeunir la démocratie.
Voilà les problèmes précis et incontournables que les parlements doivent tenter de résoudre pour restaurer la confiance dans la démocratie et ses institutions.
Permettez-moi de simplement conclure en disant que je reste optimiste. La démocratie, la démocratie libérale n'est pas à l'article de la mort. Elle ne mourra pas. Elle a prouvé sa résilience au fil des ans.
À propos, c'est la seule forme d'organisation politique à posséder des valeurs semblables et capable de se corriger elle-même.
Revenons à mes propos du début, sur le mouvement des gilets jaunes en France. Si le régime, là-bas, était autoritaire, le gouvernement aurait dépêché des troupes, des soldats, pour réprimer les émeutes à Paris. Mais, au contraire, dans cette démocratie cependant imparfaite, il a décidé d'organiser un débat général pour écouter le peuple, ses motifs de préoccupation et chercher une solution. Voilà la valeur démocratique que nous voulons promouvoir.
Nous croyons aussi qu'il nous importe de réaffirmer la validité et les valeurs du multilatéralisme. Nous sommes un gouvernement dans un village planétaire, et les problèmes que chaque pays doit régler débordent les frontières nationales. Nous ne pouvons pas paraître agir chacun de notre côté. Nous voulons interpeller ceux qui contestent les bases mêmes du multilatéralisme.
Dans les parlements et entre parlements, nous devons collaborer. Nous croyons que les parlements doivent faire front commun pour réaffirmer la validité des valeurs démocratiques qui touchent la liberté et le respect des droits de la personne.
Je tiens notamment à préciser que les parlements sont menacés, parce que les députés le sont. Même en Europe, qui, comme je l'ai dit, est censée être un bastion de la démocratie, nous voyons ce qui se produit en Turquie. On y jette les parlementaires en prison pour avoir cherché à exprimer leur opinion et à s'acquitter de leur tâche de députés. C'est inacceptable. Il faut réagir énergiquement, non seulement à l'intérieur des frontières nationales, mais, également, par la coopération entre les parlementaires, la solidarité parlementaire avec les députés dont l'intégrité de leur parlement serait en péril, ce qui est néfaste pour la démocratie.
Je m'arrête ici, pour répondre à vos questions.
Merci beaucoup, monsieur le secrétaire général.
Merci aussi à vous, monsieur Ignatieff.
Passons maintenant directement aux questions, en commençant par M. Genuis.
Heureux de vous revoir, monsieur Ignatieff. Je me rappelle notre première rencontre, quand vous avez prononcé un discours à l'Université Carleton, où j'étudiais. Beaucoup de protestataires n'étaient pas d'accord avec certaines de vos opinions. Je n'en faisais pas partie, j'étais là seulement pour écouter.
Je veux connaître vos idées sur un certain nombre de questions soulevées au cours de l'étude. D'abord, je crois qu'il importe de ne pas faire d'amalgame entre l'opposition à certains aspects de l'intégration européenne, même celle des partisans du départ de leur pays de l'Union européenne, et l'opposition aux valeurs démocratiques libérales. En fait, une grande partie de l'euroscepticisme se formule en termes démocratiques c'est-à-dire sous la forme d'une critique des excès, perçus comme non démocratiques, des institutions centrales européennes. Je suis curieux de vous entendre dire si, en principe, vous êtes d'accord avec la perception, par certains, de menaces contre la démocratie provenant de la centralisation et des pouvoirs pris par des bureaucrates non élus à Bruxelles. Je ne l'entends pas de façon péjorative, mais ça fait partie du discours. Je serais curieux d'entendre votre réponse à ce motif de préoccupation.
Vous mettez le doigt sur des éléments importants. Il serait grotesque de dénoncer les partisans du départ de l'Union européenne et du Brexit comme hostiles aux doctrines de la démocratie libérale. Leur discours exprime en grande partie leur volonté de restaurer la démocratie libérale britannique, la souveraineté parlementaire britannique.
Leur démarche est éminemment démocratique, éminemment libérale, et le débat, éminemment courtois et respectueux de la démocratie.
D'autre part, il est évident que beaucoup d'Européens sont hostiles à une centralisation plus poussée des pouvoirs à Bruxelles. Ils n'appartiennent pas à des forces antidémocratiques. Ce sont souvent d'éminents démocrates. La difficulté, dans les nations centrales européennes, provient du fait que la campagne menée contre Bruxelles, qui est inspirée par la Hongrie, par exemple, semble avoir très peu de points communs avec la démocratie. Sous couvert de défense de la démocratie hongroise, elle est vraiment la défense d'un État à parti unique et de sa clique pour définir les conditions du débat et réduire les adversaires au silence. C'est une opposition constante contre Bruxelles, du lundi au vendredi, dans les médias nationaux, puis, le samedi et le dimanche, cet État encaisse les chèques de Bruxelles. C'est un spectacle très désagréable.
Enfin, le bien que je discerne pour l'Europe est qu'il s'y déroule un débat permanent et passionné, dans 27 pays, sur la conciliation de la souveraineté appropriée des parlements et des gouvernements nationaux avec les pouvoirs qu'il convient d'accorder aux institutions européennes.
Je ne les crois pas présomptueux ni trop puissants. J'irais même jusqu'à dire qu'ils devraient être encore plus forts, puisque... Si vous prenez l'exemple...
Puis-je intervenir, parce que je voulais poser une question complémentaire?
Je comprends que nous puissions en dire beaucoup dans le débat sur l'intégration européenne. Comme je le dis, je ne crois pas vraiment que ce soit mes oignons d'exprimer des opinions tranchées d'un côté comme de l'autre.
Je voulais connaître une suite à certaines de vos observations sur la Hongrie. Indirectement, vous avez cité le rapport Sargentini qui, visiblement, n'était pas considéré comme favorable au gouvernement hongrois, mais voici ce que disait ce rapport sur les élections:
Dans ses constatations et conclusions préliminaires, adoptées le 9 avril 2018, la mission d'observation électorale limitée du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE a déclaré que l'administration technique des élections était professionnelle et transparente, que les droits et libertés fondamentaux étaient respectés [...] L'administration électorale s'est acquittée de son mandat de manière professionnelle et transparente et a bénéficié dans l'ensemble de la confiance des différents acteurs.
Le rapport Sargentini dit qu'on fait confiance à l'administration électorale. Les critiques formulées à l'endroit de la démocratie hongroise dans ce rapport renvoient — dans le contexte électoral, à un « climat défavorable » — à des préoccupations concernant la publicité gouvernementale et les circonscriptions uninominales. Encore une fois, ce sont des sujets de discussion importants. Je ferai observer — et vous vous souviendrez aussi qu'il en a été discuté — que des questions comme la publicité gouvernementale, les mérites relatifs des circonscriptions uninominales et le ton du débat, généralement, font partie de ce qui se discute aussi dans notre démocratie canadienne.
Je me demande. Alors que nous parlons de menaces pour la démocratie libérale, nous comparons le Canada à d'autres pays, et vous avez dit que l'Atlantique s'élargissait... Si des affaires SNC-Lavalin avaient éclaté dans des pays d'Europe centrale, quel aurait été le ton des critiques là-bas et comment seraient-elles interprétées relativement à l'importance de la primauté du droit et à l'indépendance des institutions?
Le temps commence à manquer. Je tiens à vous donner la chance de répondre, mais êtes-vous d'accord avec les conclusions, à cet égard, du rapport Sargentini? Avez-vous d'autres idées sur ses conclusions concernant l'administration électorale?
En Hongrie, le gouvernement contrôle 80 % des médias. La place accordée à la discussion politique indépendante rapetisse continuellement. La capacité du tribunal constitutionnel et des tribunaux de superviser l'intégrité du processus électoral et de la garantir diminue.
Effectivement, l'OSCE a jugé régulières les élections de 2018. La démocratie n'a pas disparu de ce pays. Sauf votre respect, je pense que vous tirez une espèce de corrélation entre les controverses ayant eu lieu au Canada et celles qui ont eu lieu en Hongrie, et il me semble que ça fait paraître normale une situation qui, en Hongrie, ne l'est simplement pas. Depuis huit ans, ce pays s'écarte, de manière très gravement structurelle, des normes de la démocratie libérale européenne. Ça semble seulement un fait empirique. Il semble...
Je ne voulais pas laisser entendre que c'était normal. Je ne voudrais pas que nous normalisions l'affaire SNC-Lavalin. Pour répondre à votre observation sur le contrôle des médias, nous avons, dans notre pays, un débat sur un programme de sauvetage des médias d'une valeur de 600 millions de dollars, offert par le gouvernement et où le gouvernement est...
Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec mon collègue Wrzesnewskyj.
Heureux de vous revoir. Ça fait longtemps qu'on s'est vu. Soyez le bienvenu.
L'expression « démocratie libérale » risque d'entraîner la confusion. On vous attribue la maxime qu'il ne saurait y avoir d'autre démocratie que libérale. Pourriez-vous, s'il vous plaît, examiner un peu plus les détails techniques du libéralisme et dire quels en sont les éléments qui font la démocratie?
Eh bien, je ne veux certainement pas dire libéral dans le sens du parti libéral, et j'espère que tout le monde, ici, est un démocrate libéral dans le sens qu'il croit dans la règle de la majorité tempérée par les droits des minorités. C'est une règle essentielle de la démocratie libérale. La primauté du droit, la séparation et l'indépendance du judiciaire, des médias libres... Le génie de cette démocratie est d'employer comme contrepoids à la règle de la majorité une foule d'autres institutions — les tribunaux, la presse, les organismes indépendants de réglementation — pour assurer au système son équilibre. En conséquence, les minorités ne se font pas écraser et les majorités n'écrasent personne. Les parlements peuvent se prononcer, mais sans enfreindre la loi. C'est un système d'équilibres. C'est ce que nous entendons par « démocratie libérale ». Je pense que cette notion commande un appui général — universel — au-dessus de la division des partis au Canada. C'est l'une des grandes sources de notre force.
Monsieur Ignatieff, on vous attribue le mot selon lequel la Hongrie s'est éloignée du communisme sans s'approcher de la démocratie libérale. Vous l'avez repris en partie dans vos réponses aux questions. La Hongrie se dirige vers un État à parti unique, ratifié par une démocratie. Pourriez-vous s'il vous plaît expliquer un peu mieux cette observation? Dans votre déclaration préliminaire, vous n'avez pas seulement fait allusion à Budapest, mais vous avez mentionné Prague et Varsovie. Quel est ce modèle, dont vous parlez, d'État à parti unique ratifié par une démocratie?
À chacune des trois ou quatre élections qu'il a remportées, le régime Orbán s'est organisé pour contrôler de plus en plus les médias, conduire les médias indépendants à la faillite et commencer à modifier la constitution et à supprimer l'indépendance des tribunaux. Il a ensuite imposé de plus en plus de contrôles centralisés à l'économie, au sens où il se sert systématiquement du pouvoir politique pour récompenser ses petits copains. Voilà ce que j'entends par la consolidation d'un État à parti unique. Il faut du temps. Sa ratification par une démocratie est importante, parce que c'est la source de sa légitimité.
Vous posez à juste titre la question de l'application de ce constat à d'autres pays. Je pense que la Hongrie y est allée beaucoup plus loin que partout ailleurs. L'opposition, en Pologne, est beaucoup plus vigoureuse, mais le parti au pouvoir s'est servi de certains trucs hongrois aux dépens du tribunal constitutionnel polonais, comme vous le savez. En Tchéquie, c'est plus mitigé.
Essentiellement, il s'agit de régimes politiques qui, au lieu d'appuyer, de soutenir, de respecter et de défendre un pouvoir faisant contrepoids — que ce soit les tribunaux, les médias, les organismes indépendants de réglementation ou l'Europe — cherchent à rassembler le pouvoir dans une poignée de membres du régime.
Dans la même veine, il est intéressant de constater qu'ils traversent ce processus, mais que le populisme est aussi une de leurs importantes méthodes utilisées pour maintenir et renforcer leur soutien. En 2015, le régime Orbán a ciblé des réfugiés syriens. Cela s'est révélé très efficace. En 2016, les cibles étaient les Nations unies, l'Union européenne, et les organismes qui forçaient l'entrée de migrants en Hongrie. Peu après, c'était les ONG. George Soros a notamment été une cible idéale, et on l'a dépeint comme un banquier juif philanthrope qui appuyait les valeurs dégénérées dans la société ouverte et le libéralisme, ce qui allait à l'encontre du slogan de M. Orbán, « Dieu, patrie, famille », et de tout le concept d'une démocratie illibérale chrétienne.
La conséquence, c'est que vous et l'université d'Europe centrale, un établissement prestigieux hautement respecté, êtes forcés de vous rendre à Vienne. Vous n'avez pas parlé de Vienne, mais le gouvernement là-bas est un gouvernement de coalition. Le parti de second rang dans cette coalition est un parti d'extrême droite qui a en fait une influence considérable sur la politique en Autriche. Craignez-vous un peu de voir des processus similaires à votre nouvel emplacement, à Vienne?
Certaines personnes disent que je tombe de Charybde en Scylla. Le gouvernement de coalition a très bien collaboré avec nous, mais vous avez raison de dire qu'il y a un parti d'extrême droite. Il faut comprendre que c'est un parti constitutionnel. Certains partis se soustraient complètement de l'ordre constitutionnel et encouragent la violence contre d'autres personnes. Le FPÖ n'en est pas encore là, mais vous avez raison d'être préoccupé, et cela met en lumière le problème: le virage de plus en plus à droite des formations politiques en Europe centrale et en Europe de l'Est. Comme vous le dites, ce sont des formations qui dépendent de la mobilisation continue de leur base en créant des ennemis, et vous les avez énumérés.
Je pense que pour un public canadien, il est extrêmement important de remarquer le ton et les affirmations antisémites répétés ici. Tous les Canadiens devraient en être préoccupés. L'attaque ne vise pas que George Soros; c'est le même refrain sur le spéculateur cosmopolite sans racine qui détruit la vie de chrétiens ordinaires respectueux de Dieu. Nous savons d'où viennent ces propos, et c'est du poison chaque fois que nous l'entendons, peu importe l'endroit. Je pense que les Canadiens ont des raisons de s'inquiéter.
On a ciblé l'université que j'ai l'honneur de diriger, pas parce que je la dirige, je l'espère, mais parce que c'est ici un établissement indépendant depuis 25 ans. Cela me permet de revenir à ce que j'ai répondu à une question précédente. La principale difficulté, je crois, de la démocratie en Europe est l'hostilité envers les institutions qui s'opposent au majoritarisme: les médias, les tribunaux, les membres de la société civile qui posent des questions inquisitrices, les organismes de réglementation indépendants, qui appuient une vision selon laquelle le peuple doit diriger, le peuple doit décider.
Eh bien, ce n'est pas la démocratie. La démocratie est l'équilibre entre l'opinion légitime de la majorité, qui doit toujours être souveraine, et le pouvoir compensateur représenté par les universités, les tribunaux et ainsi de suite.
[Français]
Merci beaucoup.
Je présente mes excuses à M. Chungong, car je vais poser mes questions à M. Ignatieff, du moins les deux premières.
Monsieur Ignatieff, j'aimerais revenir à la question de l'image du Canada dans le monde et de la perception que les Européens peuvent avoir du Canada. Vous avez souligné que cette image était changeante et que l'influence elle-même avait diminué. J'aimerais vous soumettre une possibilité qui peut expliquer cela.
Auparavant, l'image du Canada était relativement stable et cohérente au fil des années. De plus en plus, on voit des images polarisées du Canada. Par exemple, en ce qui a trait à la question des migrants, au début du mandat du gouvernement en place, on parlait de l'accueil des réfugiés et du fait que le Canada était une terre ouverte.
Ce matin, j'étais à un déjeuner organisé par Amnistie internationale, où on nous parlait justement de cette vision du Canada comme terre d'accueil. On nous disait que présentement, en fin de mandat, on se retrouve avec un discours qui porte sur des enjeux comme le magasinage d'asile ou de refuge politique, qui est une vision complètement contraire à celle qui était annoncée en début de mandat.
De votre point de vue, est-ce que cette incohérence des positions des gouvernements entraîne cette diminution d'influence qu'on peut percevoir en Europe?
Monsieur Caron, en tout respect, je crois que les Européens prennent très peu conscience ou connaissance de la politique interne du Canada. Ils gardent une opinion très favorable du Canada en tant que pays d'accueil, d'un côté, et pays bilingue, de l'autre, c'est-à-dire qu'on y parle deux langues.
En dépit de toutes les controverses internes — vous avez abordé quelques-unes de ces controverses —, je crois que les Européens gardent une opinion très favorable du Canada, mais ils insistent sur le fait que notre modèle n'est pas le leur. Ils sont beaucoup plus réticents envers le multiculturalisme et ils veulent résister à un avenir comme celui du Canada. Bien sûr, cela dépend des pays, mais c'est surtout vrai dans les pays de l'Est.
Je vous remercie de la question.
En fait, j'ai souligné la question des migrants, mais nous aurions pu parler également du rôle changeant du Canada en ce qui a trait à nos engagements internationaux, particulièrement aux forces de maintien de la paix. Peut-être que la politique interne passe inaperçu en Europe, mais il y a quand même des engagements internationaux ou une présence internationale qui est également changeante par rapport à ce qu'on connaissait il y a peut-être 15 ou 20 ans.
Ma deuxième question porte justement sur les modèles. Vous avez parlé du multiculturalisme et de la manière dont le principe s'est implanté au Canada. En fait, ce n'est peut-être pas le modèle qui serait bienvenu — je ne sais pas si c'est le bon terme — ou accueilli en Europe, par exemple. Ce l'est de moins en moins.
Même au Canada, c'est changeant. Si la plupart des provinces du pays acceptent encore le multiculturalisme comme étant la valeur principale, on voit au Québec, par exemple, le principe de l'interculturalisme commencer à prendre de l'ampleur depuis plusieurs années déjà. Le multiculturalisme lui-même avait été développé un peu en opposition au melting-pot américain, et il s'agissait des deux modèles parmi lesquels on pouvait choisir.
Si le Québec adopte l'interculturalisme, y a-t-il la possibilité de voir en Europe l'adoption d'un modèle qui ne soit ni le multiculturalisme ni le melting-pot, mais qui soit plus approprié? Si oui, quel est le modèle vers lequel on se dirige et qui pourrait être une barrière contre la montée de l'autoritarisme?
Monsieur Caron, toujours avec le plus grand respect, je n'ai jamais compris exactement ce que voulait dire « interculturalisme ». Cela me dépasse un peu.
Je sais bien qu'il y a un grand débat, dans tout le Canada et pas seulement au Québec, sur le bon moyen d'intégrer les nouveaux arrivants au Canada. À mon avis, il faut plusieurs modèles. Je ne suis pas attaché à un seul modèle. Je crois que l'intégration se passe d'une façon à Vancouver, d'une autre à Toronto, et qu'il y a un troisième modèle à Montréal.
Je crois qu'il faut encourager ces différences et n'avoir pour seules limites que celles de la démocratie libérale, qui sont les limites prévues par la Charte canadienne des droits et libertés.
Il y a une deuxième composante à la question.
De quelle manière un modèle différent en Europe pourrait-il être développé afin de pouvoir former un rapport contre la montée de l'autoritarisme dans certains pays, comme en Hongrie ou en Pologne? Est-ce envisageable?
Je l'espère bien.
Pour tourner la page ici, en Hongrie, il faut avoir une opposition interne. Cela dépend des Hongrois et des forces d'opposition du gouvernement actuel. Je n'ai pas de leçons à leur donner, parce que je suis en dehors de la politique au Canada et en Hongrie.
Il est évident qu'il faut l'intervention des instances européennes, c'est-à-dire la Cour européenne, la Commission européenne et le Conseil européen, qui sont les seuls gros organismes qui ont la possibilité de freiner la descente vers un autoritarisme pur.
Bonjour, monsieur Ignatieff. C'est un plaisir de vous avoir parmi nous aujourd'hui.
Je veux commencer par la Hongrie, comme vous êtes là et que votre expérience là-bas est très grande.
M. Orbán, qui était un jeune activiste, semble devenir autoritaire. Il a étudié à Oxford grâce à une bourse de George Soros. Certains membres de son cabinet et son porte-parole sont diplômés de l'université d'Europe centrale.
Je me demande pourquoi il n'y a pas d'opposition au sein de son parti. Est-ce tout simplement parce que tout le monde le suit aveuglément? Quelle est la situation?
Deuxièmement, pourquoi s'intéresse-t-on à lui dans le groupe de Visegrad? Il change les principes fondamentaux de la démocratie non seulement en Hongrie, mais aussi dans les autres pays du groupe.
C'est ce qui s'est produit lors de la transition européenne du communisme à la démocratie libérale en général.
L'histoire d'Orbán est celle, en quelque sorte, de toute la région. Il a commencé sa carrière, comme vous l'avez correctement dit, en tant qu'insurgé anticommuniste, et il a — tout le mérite lui revient — joué un rôle très courageux en demandant le retrait des troupes russes en 1989.
Je pense qu'il a ensuite remarqué un espace à droite qui n'était pas occupé par l'élite de la transition libérale et, comme un politicien futé, il a commencé à l'occuper. Je crois qu'il est influencé par les tendances internationales. Il a commencé comme conservateur démocrate de l'union chrétienne sociale, un parti inspiré du modèle allemand, et il s'est ensuite déplacé progressivement vers la droite.
La mesure dans laquelle il se déplacera vers l'extrême droite dépend de la mesure dans laquelle les institutions européennes interviendront pour l'en empêcher.
Je pense qu'il essaie de parfaire une sorte de démocratie chrétienne de deuxième génération, pas comme celle mise en place par Adenauer ou De Gasperi dans la période d'après-guerre, mais une démocratie chrétienne dans laquelle le christianisme est vraiment un symbole d'hostilité envers les musulmans et les étrangers. Le christianisme peut être autre chose, par exemple un langage de compassion, mais ce n'est pas une chose qu'on entend souvent.
Pour ce qui est de votre question sur le groupe de Visegrad, je pense qu'il est un modèle pour les Polonais, qui ont adopté certaines de ses mesures visant la cour constitutionnelle de la Hongrie très directement. Je pense que les Tchèques sont plus réticents. Quant aux Autrichiens, je crois qu'ils aiment sa politique d'immigration, mais pas d'autres aspects de son illibéralisme.
Je n'accorderais pas trop d'importance à son influence au sein du groupe de Visegrad.
Dans le même ordre d'idées, vous savez qu'on a enclenché la procédure de l'article 7 contre la Pologne.
On y a recours contre la Hongrie. N'assiste-t-on pas à un ralentissement, car la situation avec Orbán n'est pas nouvelle? Cela dure depuis 2011 ou 2012, lorsque le Parlement européen l'a remarquée pour la première fois. Maintenant, six ou sept ans plus tard, on a enclenché la procédure de l'article 7 contre la Pologne et la Hongrie. Quelle a été la réponse du Parlement européen?
Elle est très lente. L'Europe a recours à une sorte de processus consensuel éléphantesque en raison de ses 27 membres. Le Canada comprend ce que c'est en tant que fédération. Tout se fait ainsi lentement au Canada pour de bonnes raisons, mais je pense que nous arrivons à un point critique. Par exemple, le Parti populaire européen, le plus grand au Parlement, a dit à Victor Orbán de conclure une entente pour permettre à son université, l'université d'Europe centrale, de rester s'il veut rester dans le parti. À ce stade-là, des conséquences concrètes entrent en jeu. S'il est mis à la porte du Parti populaire européen, il n'aura pas le pouvoir, l'accès ou les ressources qui sont à sa disposition en tant que membre du groupe dominant au Parlement.
L'autre avenue, bien entendu, est la Cour européenne de justice.
Les moulins de la politique européenne tournent très lentement, et des gens comme moi s'en impatientent.
Merci beaucoup. Il est très bon de vous revoir, monsieur Ignatieff.
Je suis très heureuse que vous soyez parmi nous et que vous ayez mentionné que nous ne devrions pas oublier les Balkans, notamment l'ex-Yougoslavie. Je sais d'ailleurs que vous avez beaucoup écrit sur ce scénario.
Quand nous parlons de la distance entre l'Amérique du Nord et l'Europe, il y a dans la mémoire collective l'intervention plus récente en ex-Yougoslavie, qui a été suivie d'une période importante pendant laquelle les Canadiens sont passés par l'OSCE et des institutions multilatérales pour fournir de l'expertise sur les transitions démocratiques. Je pense qu'il y avait à un moment donné énormément d'espoir, et l'idée de la démocratie s'accompagnait d'attentes élevées.
Je me demande si la résurgence des impulsions nationalistes et de l'autoritarisme, de l'antipluralisme et même dans certains cas un recul de l'égalité des sexes... Dans beaucoup de pays en transition, les femmes avaient plus de pouvoir économique, elles étaient plus éduquées et plus engagées dans les institutions politiques en place, avant la transition démocratique. À certains égards, les attentes élevées, l'incapacité à y répondre, la corruption et un certain nombre d'autres forces expliquent peut-être le recul. Est-ce que cela signifie que pour un pays comme le Canada, il pourrait y avoir une occasion par l'entremise de l'OSCE et d'autres institutions de fournir ce genre d'expertise pour les institutions?
Je veux également que M. Chungong se joigne à la discussion, car les institutions parlementaires... J'étais conseillère principale auprès du Parlement du Kosovo lorsque l'État a déclaré son indépendance, et le Parlement devait être modernisé du jour au lendemain. De nombreux Canadiens ont participé.
Pourriez-vous tous les deux dire quel pourrait être le rôle du Canada à cet égard?
Je salue vos années d'expérience dans les Balkans. Comme vous le savez, c'est un conflit figé. Vous savez aussi que le phénomène de ce regroupement en un parti unique est très avancé en Serbie. Cela ne va pas bien dans beaucoup d'autres régions. Ce sont des pays qui n'ont même pas vraiment fait de transition vers la démocratie, encore moins vers une démocratie libérale.
L'inquiétude pour le Canada, c'est que l'Europe, l'OSCE et l'Union européenne ont essentiellement quitté les Balkans. Elles n'y ont plus de présence. Je pense que la seule façon pour le Canada d'intervenir à nouveau serait avec une sorte d'équipe de hockey formée de Canadiens, de Nordiques, de Néerlandais et peut-être d'Allemands pour intervenir en équipe et dire que les choses sont au point mort et que nous n'intervenons pas pour jouer aux scouts, mais plutôt pour empêcher une éventuelle guerre. Le Canada doit dire qu'il était là dans les années 1990 — exactement comme vous le dites — et qu'il a fait de son mieux pour qu'on arrête de tuer des gens, qu'il souhaite maintenant en faire autant.
Je suis un peu pessimiste au sujet des Balkans et j'espère que la région sera à l'avant-plan dans votre rapport. C'est l'endroit dans cette partie du monde où il y a un risque de conflit, sans oublier, il va sans dire, l'Est de l'Ukraine, qui est un...
Merci, monsieur Ignatieff.
Je suis désolé. Je veux que Mme Kusie puisse poser une dernière question, car nous commençons à manquer de temps.
Madame Kusie, allez-y, s'il vous plaît.
Merci beaucoup, monsieur Ignatieff. Je ne vous ai jamais rencontré, mais j'ai lu votre livre, Fire and Ashes. Deux passages ont particulièrement retenu mon attention. Il y a d'abord lorsque votre père a été écarté pour le poste de... Je sais qu'il est ensuite devenu ambassadeur en Yougoslavie, mais c'est la seule fois que vous l'avez vu pleurer. Cela a grandement retenu mon attention, ainsi que la fois où le frère de Bob Rae vous a dit de reculer au congrès à la direction.
Ma question est pour le secrétaire général, M. Chungong.
Monsieur, quel a été l'effet de votre nomination en tant que premier secrétaire général non européen de l'Union interparlementaire? Quel point de vue unique avez-vous ainsi sur la démocratie en Europe? Les Européens ont-ils reconnu face à ce défi votre point de vue unique de premier secrétaire non européen de l'Union interparlementaire?
Merci beaucoup de poser la question.
[Difficultés techniques] général, mais j'ai été élu à titre de secrétaire général d'une organisation mondiale qui souscrit à toutes sortes de systèmes politiques et d'expériences démocratiques. C'est ainsi que nous faisons la promotion de la diversité au sein de l'organisation.
[Difficultés techniques]
Je suis désolé. Nous avons perdu le contact avec le secrétaire général.
Nous allons lui demander s'il peut nous faire parvenir une note d'information à ce sujet pour que nous puissions l'ajouter.
Merci de votre question, madame Kusie.
Nous allons suspendre la séance brièvement le temps que le prochain groupe de témoins prenne place.
Monsieur Ignatieff, merci beaucoup de vous être joint à nous ce matin. En son absence, je remercie également monsieur Chungong.
La séance est suspendue.
Chers collègues, je vous demanderais de rejoindre vos places. Nous allons reprendre.
Nous allons maintenant entendre notre deuxième groupe de témoins de ce matin pour poursuivre notre étude des menaces qui pèsent sur la démocratie libérale en Europe.
Je souhaite tout d'abord la bienvenue à M. Jason Stanley. Il est professeur de philosophie titulaire de la chaire Jacob Urowsky à l'Université Yale et auteur de cinq livres. Son plus récent s'intitule How Fascism Works: The Politics of Us and Them, comment le fascisme fonctionne: la politique d'eux et de nous. Il explore l'idéologie du fascisme et les différentes techniques adoptées par les fascistes pour obtenir et garder le pouvoir.
Je souhaite également la bienvenue à M. Timothy Snyder, professeur d'histoire titulaire de la chaire Richard C. Levin à l'Université Yale, qui se joint à nous par vidéoconférence à partie de Vienne, en Autriche. Les travaux de recherche et les publications de M. Snyder mettent l'accent sur l'histoire politique moderne de l'Europe de l'Est et sur la dynamique des crises internationales au cours de l'histoire politique européenne. Il a publié le livre The Road to Unfreedom: Russia, Europe, America en 2018, et On Tyranny: Twenty Lessons from the Twentieth Century en 2017.
Nous pouvons commencer par vous, s'il vous plaît, monsieur Stanley. Nous allons ensuite passer au professeur Snyder. Vous pouvez prendre environ de 10 à 12 minutes pour votre témoignage. Nous allons ensuite entendre les questions des députés.
Vous avez la parole, monsieur Stanley.
Je vais commencer par répondre à une question soulevée dans le groupe précédent, à propos de ma façon de voir la démocratie libérale.
Je suis philosophe. Selon nous, la démocratie libérale repose sur deux valeurs: la liberté et l'égalité. Au cœur de ces deux valeurs se trouve la vérité. Vous ne pouvez pas avoir de liberté sans vérité. Personne ne pense que les Nord-Coréens sont libres, s'ils votent pour leur leader chaque fois, parce qu'on leur a menti.
On peut alors avoir un vote majoritaire sans avoir de démocratie libérale, car à défaut d'avoir accès à la vérité, on ne sait pas du tout pour qui voter ou ce qu'il faut faire. On n'est pas libre, car on agit en se fiant à des mensonges. Il n'y a pas d'égalité sans vérité, car l'égalité politique revient à dire la vérité aux gens au pouvoir. La démocratie libérale est un système conçu pour préserver ces deux valeurs, la liberté et l'égalité, que nous chérissons tant.
Merci au Comité de m'entendre, car à mon avis, le Canada représente actuellement ces valeurs dans le monde.
Les philosophes politiques ont l'habitude de diviser la démocratie en un système électoral, un ensemble d'institutions et une culture. Nous pouvons voir les attaques actuelles contre la démocratie comme des attaques contre les institutions et la culture. La démocratie illibérale est l'idée que l'on peut attaquer les institutions et la culture et laisser en place le mode de scrutin majoritaire.
Nous avons pris connaissance des attaques contre la démocratie libérale et des institutions essentielles. Jair Bolsonaro vient tout juste d'annoncer qu'il réduira le financement aux départements de philosophie et de sociologie des universités; l'Université d'Europe centrale est attaquée en Hongrie; les universités subissent des attaques. Le système d'éducation est essentiel à la démocratie libérale. Cette méthode de démantèlement des institutions de la démocratie libérale se concentre sur les tribunaux et les universités. Nous portons attention aux tribunaux, mais nous devons en faire autant pour les universités. C'est ce que font les politiciens qui exploitent cette méthode: ils tentent de transformer les universités en centres de formation professionnelle plutôt que d'en faire des endroits où les gens découvrent leur citoyenneté. Nous devons porter attention à cela.
La culture de la démocratie libérale est une culture qui valorise la liberté et l'égalité. Le secrétaire général, dans le groupe de témoins précédent, a parlé d'une rhétorique extrême, ce qui détruit la norme de l'égalité — l'égalité des sexes, l'égalité des minorités religieuses et ainsi de suite.
Comme je suis philosophe, ma profession consiste à me dissocier des témoins précédents, et je vais donc saisir l'occasion. J'ai parlé de la méthode employée pour attaquer la démocratie libérale. Je pense qu'il est utile de la voir comme une méthode, pas comme une idéologie. Je pense que, disons, Viktor Orbán cherche à accéder au pouvoir, et il utilise une méthode pour y parvenir. C'est une méthode.
Des témoins précédents ont dit que cette méthode était le populisme. Je vais aborder la question sous un autre angle. Tout d'abord, je pense que le populisme est mal défini. Je ne peux pas penser à une définition du populisme dans laquelle cette attitude ne permet pas de gouverner des gens qui sont parfaitement libéraux. Je pense que c'est également injuste, car lorsqu'on regarde la crise de la démocratie libérale, il faut regarder l'échec des élites, comme la guerre en Irak et la crise financière. J'hésite à jeter le blâme, dans l'attaque contre la démocratie libérale, sur le populisme, alors que le nombre de fausses nouvelles était le plus élevé en 2003 dans mon pays et au Royaume-Uni. Les élites sont donc à l'origine des problèmes, et le peuple a tout à fait raison de s'en méfier.
Est-ce la faute du populisme? Oui, le Venezuela a de terribles problèmes: c'est une kleptocratie. En décrivant la situation, on se rend compte que c'est en quelque sorte différent de ce qui se produit ailleurs, notamment en Europe. Je pense que le problème auquel nous faisons face est l'ethnonationalisme ainsi que le néofascisme, comme je l'ai avancé dans mon travail, à l'instar de M. Snyder.
Dans un témoignage précédent, Yascha Mounk a tenté de contester cette affirmation. Il a dit que le problème n'est pas l'islamophobie, car nous devons, entre autres, penser à Erdogan, qui n'est manifestement pas islamophobe. Mais je pense que c'est une mauvaise façon d'aborder la question. Le problème est l'ultranationalisme, et l'islamophobie fera surface quand il est question d'ultranationalisme chrétien. Le nationalisme blanc sera la forme d'ethnonationalisme dans mon pays, les États-Unis — ou le vôtre. L'islamophobie et le nationalisme blanc sont des manifestations du problème de l'ethnonationalisme.
Le problème, c'est le nationalisme ethnique d'extrême droite. C'est la méthode que les politiciens cyniques utilisent pour que la population oublie ses véritables problèmes. Je ne crois pas que cela contrevient à la loi, parce que nous pouvons modifier la loi, comme nous le voyons en Hongrie et en Pologne et comme nous le voyons de plus en plus dans mon pays.
Nous devons prêter attention à la structure de ces mouvements néofascistes ultranationalistes d'extrême droite. Nous devons les comprendre pour les repérer lorsqu'ils apparaissent, et il y a certains éléments fondamentaux. Les partisans parlent de revitaliser une sorte de fierté ultranationaliste. Cela tire profit de la victimisation du groupe dominant et du sentiment d'avoir perdu sa culture en raison des groupes minoritaires et de l'égalité des sexes et de la perte de la dominance du sexe masculin.
Ces groupes sont farouchement antiféministes. L'UEC a été prise pour cible en raison d'une idéologie de genre. Jair Bolsonaro au Brésil s'attaque à des institutions qui prônent une idéologie de genre et le féminisme. L'Université européenne à Saint-Pétersbourg a été prise pour cible en raison d'une idéologie de genre. Nous devons prêter attention à la manière dont ces mouvements désignent le féminisme comme cible. Comme il en a été question avec les précédents témoins, ces groupes attaquent les institutions et les médias en ressortant de vieux stéréotypes antisémites selon lesquels les institutions dominantes, comme les médias et les universités, sont des centres d'endoctrinement de la gauche, et ces institutions sont dirigées dans l'ombre par une élite antinationaliste.
Ces partisans cherchent à créer un État à parti unique. Ils cherchent à dépeindre l'autre partie et les groupes minoritaires comme des traîtres. Ils dépeignent les immigrants et les groupes minoritaires comme des criminels fainéants qui menacent la loi et l'ordre et qui sont un fardeau pour l'État. Nous avons une situation paradoxale aux États-Unis où les immigrants sont à la fois des fainéants qui sont un fardeau pour l'État et des gens qui volent des emplois.
Ce que représente le Canada, compte tenu de cette attaque contre les normes relatives au libéralisme, c'est un pays qui a réussi à intégrer des groupes minoritaires et des immigrants et à accueillir des immigrants. Le Canada a plus de difficulté avec son passé colonialiste et les peuples autochtones que mon pays, étant donné qu'un élément important de ce mouvement essaie d'effacer les problèmes du passé. Ce mouvement essaie de dire que nous devrions être fiers de la victoire et de la domination du groupe dominant.
Si vous voulez protéger la démocratie libérale, vous voulez préserver le souvenir des problèmes et la mémoire de l'histoire du pays, y compris les erreurs et les tragédies. C'est sans surprise que l'Allemagne est une nation fondamentalement démocratique et libérale, parce que son système d'éducation s'applique fortement à garder vivant le souvenir du passé.
Le Canada se penche de plus en plus sur les questions autochtones, et cela fait partie de la culture démocratique libérale du Canada. C'est une culture qui comprend l'égalité entre les sexes, la tolérance des minorités religieuses et des immigrants et le soutien à l'égard des universités. Il n'est pas question ici de transformer les universités en centres de formation professionnelle; il faut qu'elles restent des endroits où nous confrontons le passé et où nous avons des discussions importantes sur les politiques.
Enfin, je vais terminer mon exposé avec l'idée selon laquelle c'est une méthode qui est utilisée. Nous avons des politiciens cyniques. Tous ces politiciens font campagne en promettant de lutter contre la corruption, ce qui est ironique. Je crois que Poutine a fait campagne en promettant justement de lutter contre la corruption en 2011. Mon président a aussi fait campagne en promettant de lutter contre la corruption. Toutefois, quand nous entendons « corruption », il n'est pas question de la corruption. Cela veut dire que ce sont les mauvaises personnes qui sont au pouvoir. La lutte contre la corruption signifie que ce sont les mauvaises personnes qui sont au pouvoir: des femmes, des groupes minoritaires, etc.
La lutte contre la corruption signifie que le groupe non dominant peut se faire entendre. Lorsque des expressions veulent dire le contraire de ce qu'ils signifient, c'est un signe. C'est la même chose lorsque la lutte contre la corruption est utilisée de manière cynique comme méthode pour faire élire des politiciens corrompus.
Nous devons non seulement nous assurer que les institutions ne sont évidemment pas corrompues pour éviter que d'autres puissent les utiliser de manière aussi cynique, mais aussi être particulièrement à l'affût de l'utilisation cynique de campagnes mettant l'accent sur la lutte contre la corruption.
Merci.
Merci beaucoup, monsieur Stanley.
Passons maintenant à M. Snyder, qui témoigne, je le rappelle, en direct de Vienne, en Autriche.
Vous avez la parole, monsieur Snyder.
Je vous remercie énormément de me donner l'occasion de témoigner devant le Comité. Je vous souhaite bon succès dans ce projet que vous commencez.
J'aimerais présenter dans mon exposé une très courte liste de sept secteurs qui sont, de mon avis d'historien, à la fois des secteurs préoccupants, mais aussi des secteurs qui offrent des possibilités. J'estime que chacun de ces secteurs présente un risque pour la démocratie libérale et donne aussi des outils à la démocratie libérale pour se défendre.
Mon exposé portera sur ce qui s'est passé au cours des dernières années, même si je parlerai un peu de ce qui s'est aussi passé au début du XXe siècle. Je présume que c'est à cela que nous pensons tous lorsque nous nous inquiétons de la fin de la démocratie libérale.
Soit dit en passant, c'est mon premier point. La démocratie libérale ne se trouve pas dans la nature; ce n'est pas une caractéristique de l'univers. La démocratie libérale se compose d'institutions, de valeurs et de pratiques en lesquelles des gens croient. Il n'est jamais arrivé que la démocratie libérale se retrouve seule et soit incontestée. L'existence de la démocratie libérale repose uniquement sur la volonté de ses partisans de la défendre. Par conséquent, c'est précisément mon premier secteur préoccupant ou qui offre des possibilités: l'éthique.
Une grande erreur que nous avons commise dans les démocraties libérales occidentales au cours des 30 dernières années a été de sombrer dans le déterminisme et de croire que c'était la fin de l'histoire et que la démocratie libérale était la seule option. C'est évidemment ironique, parce que le problème avec le communisme, avant 1989, était précisément le déterminisme: la certitude de pouvoir prédire l'avenir en s'appuyant sur le présent.
Nous sommes tombés dans le même panneau. Lorsque des gens estiment qu'il n'y a aucune autre solution ou si vous dites que l'histoire n'a pas d'importance, ce que vous faites, c'est de priver votre propre société démocratique d'un sentiment de responsabilité. Si la démocratie se produit indépendamment de ce que nous faisons, aucun citoyen précis n'a à faire quoi que ce soit. C'est la mentalité qui tuera la démocratie. Par conséquent, le premier point est l'éthique.
Le deuxième point est le temps. Cela peut vous apparaître étrange. Vous regardez probablement vos montres en vous demandant si j'ai bientôt fini. Vous avez peut-être une folle envie de sortir votre téléphone de votre poche. La démocratie a besoin de temps. Pour que les gens croient que leur vote est important, ils doivent réfléchir au passé. Ils doivent penser aux choix qui s'offrent à eux dans le présent, et ils doivent comprendre qu'il y aura un avenir.
Cela peut vous sembler très simple, mais c'est précisément cette continuité normale et l'écoulement normal du temps qu'attaquent les ennemis de la démocratie, et cet assaut se fait sur deux fronts. Premièrement, ces personnes utilisent la technologie pour nous rendre fébriles et obsédés par les émotions liées à un instant précis, ce qui fait en sorte que le présent semble se poursuivre indéfiniment et que nous ne réfléchissions jamais au passé ou à l'avenir.
La deuxième méthode, comme l'a souligné M. Stanley, est de pousser des nations ou d'anciens groupes dominants à revenir à un genre de version mythique du passé, soit une époque où nous avions toujours raison, où les autres avaient toujours tort et où nous étions toujours les victimes, et nous sommes par conséquent toujours le groupe méritant. Un tel discours, que ce soit M. Poutine, M. Trump ou M. Orbán, est vraiment très répandu. Cela fait partie d'un très petit nombre de choses que les gens qui remettent en question la démocratie ont en commun.
Le troisième secteur préoccupant ou qui offre des possibilités — je répète que c'est très important —, c'est l'humanité. Je vais être très littéral à ce sujet. La démocratie signifie que le peuple détient le pouvoir. Toutefois, au XXIe siècle, nous connaissons une époque où des gens consacrent un nombre incalculable de temps à des entités qui ne sont pas humaines, et ces entités occupent nos cerveaux. L'Américain moyen passe 11 heures par jour devant un écran. La manière dont nous pensons est de plus en plus déterminée par des algorithmes qui ont été conçus pour faire diversion ou nous pousser dans certaines directions. De très nombreuses recherches montrent que les techniques comportementalistes utilisées sur Internet, en particulier sur les réseaux sociaux, ont aussi tendance à nous polariser sur le plan politique. C'est une conséquence précise du monde dans lequel nous vivons actuellement.
C'est un point très fondamental. Il y a des entités numériques dans nos vies. Ils ne suivent pas les lois humaines; ils suivent d'autres lois. Ces entités et les gens qui les programment n'ont normalement absolument aucune affiliation avec le concept de la démocratie. Nous devons donc nous assurer que c'est vraiment le peuple qui détient le pouvoir.
J'aimerais vous donner un exemple saisissant, soit l'intervention russe dans la politique américaine en 2016. Les principaux agents que la Fédération de Russie a utilisés pour essayer de sceller le résultat des élections présidentielles américaines étaient évidemment des entités numériques. Toutefois, ces entités numériques étaient conçues par des entreprises américaines. Les dirigeants de ces entreprises favorisaient généralement l'autre candidate aux élections présidentielles, soit Hillary Clinton. Nous devons donc nous demander qui détient vraiment le pouvoir: est-ce un qui ou un quoi?
Le quatrième point très connexe — et je vais me faire ici l'écho des commentaires de M. Stanley — concerne l'exactitude des faits. Sans cela, une sphère publique est impossible. Sans cela, il n'y a rien à discuter. Il n'y a aucun sujet commun. Il nous est impossible d'aller sur la place publique et d'échanger des opinions, si nous ne nous entendons pas sur un ensemble de faits.
La primauté du droit est aussi impossible sans l'exactitude des faits. Les procédures judiciaires semblent inutiles si nous ne pouvons pas arriver à des conclusions de fait sur lesquelles nous nous entendons tous. Cette situation a évidemment des conséquences sur les politiques, parce que les faits ne poussent pas dans les arbres, en dépit de ce que la grande tradition anglo-saxonne prétend. Les faits demandent du travail. La fiction est bon marché. En fait, c'est gratuit, mais les faits demandent du travail, ce qui signifie que les États qui souhaitent protéger la démocratie doivent investir massivement dans l'exactitude des faits, soit le journalisme et surtout le journalisme local. Cela signifie aussi que des pays comme le Canada, qui sont des régions en difficulté, mais qui ont une forte voix, devraient envisager d'investir dans une politique étrangère qui fait la promotion du journalisme d'investigation au-delà de leurs propres frontières.
Le cinquième point, soit le cinquième secteur préoccupant ou qui offre des possibilités, a trait à la mobilité. Les gens ont beaucoup de difficulté à prendre la démocratie au sérieux lorsqu'ils ne croient pas que leur vote à un quelconque effet sur leur propre capacité de changer leur vie ou de progresser vers un avenir meilleur. Par exemple, l'histoire de la Grande Dépression nous apprend que le sentiment de stase et le sentiment qu'une personne ne peut pas progresser ont tendance à radicaliser la population ou à la pousser vers ce que nous appelons maintenant des « votes de protestation », comme c'était le cas aux États-Unis en 2016. M. Trump avait raison sur le plan sociologique lorsqu'il a dit que le rêve américain est mort. C'est l'une des raisons pour lesquelles il a obtenu un meilleur résultat que ce que les gens prédisaient.
C'est lié au sixième secteur préoccupant, et c'est un élément qu'a mentionné M. Stanley et que j'aimerais aussi souligner, soit l'égalité. Les gens peuvent seulement croire en la démocratie s'ils croient que c'est leur vote ou leur participation à titre de citoyens qui changent la donne et non, par exemple, l'argent douteux, les contributions électorales ou les personnes bien nanties qui ont une plus grande influence sur le plan qualitatif qu'eux. Lorsque les gens croient qu'ils ne vivent plus dans une société égalitaire, ils risquent de se laisser tenter par diverses choses comme les votes de protestation. Comme nous l'avons vu dans des endroits aussi éloignés que l'Ukraine et les États-Unis, les gens sont aussi vulnérables à l'idée de voter pour un oligarque parce qu'ils se disent que, si les oligarques sont aux commandes de toute manière, nous ferions aussi bien de voter pour l'oligarque qui essaie au moins de se montrer sympathique à notre endroit.
La communication est une autre raison très importante pour laquelle l'égalité est importante. Si vous laissez les inégalités de richesse et de revenu prendre trop d'ampleur dans une société démocratique, les gens ne croient plus qu'ils vivent dans le même monde, et ils ont raison. Ils croient qu'ils n'ont plus rien à se dire. Les mieux nantis seront aussi tentés de s'enfuir avec leurs ressources et leurs idées.
C'est lié au septième et dernier point que j'aimerais souligner, et cela concerne l'énergie. C'est intéressant de constater que, lorsqu'une personne essaie de définir ce qu'est le populisme ou que nous demandons à une personne les éléments qu'ont en commun les divers mouvements populistes, les deux éléments que ces divers mouvements que nous qualifions de populistes ont tendance à avoir en commun sont en fait très étranges. Tous ces mouvements aiment M. Poutine, et ils nient l'existence du réchauffement climatique. J'irais même jusqu'à dire que ce sont deux éléments qui semblent très peu liés à la politique démocratique normale ou aux intérêts de la population, soit des choses qui sont censées définir le populisme, mais n'empêche que c'est vrai. Chaque fois qu'un nouveau prétendu parti populiste fait son entrée dans un parlement européen, que ce soit l'Alternative pour l'Allemagne, l'AfD en Allemagne ou hier le Vox en Espagne, ces deux aspects sont toujours présents. Ces partis aiment toujours Poutine, et ils nient toujours l'existence du réchauffement climatique.
Je crois que c'est très évocateur de ce que nous devons faire dans une démocratie. Dans une démocratie, nous devons nous assurer que l'oligarchie des hydrocarbures n'influe pas sur les processus électoraux. Dans une démocratie, nous devons nous assurer de lutter contre le problème du réchauffement climatique, parce qu'autrement les gens perdent leurs perspectives d'avenir et que la démocratie commence à perdre tout son sens.
Voilà les sept secteurs préoccupants que je souhaitais vous souligner: l'éthique, le temps, l'humanité, l'exactitude des faits, la mobilité, l'égalité et l'énergie.
Merci beaucoup de votre attention.
Merci beaucoup à nos deux témoins.
Nous avons quelques questions d'ordre administratif à régler parce qu'on a demandé la tenue d'un vote au Parlement dans 22 minutes. Je propose que nous tentions d'obtenir le consentement unanime pour continuer pendant 10 minutes de plus, et que chacun des partis dispose d'environ deux minutes pour poser une question initiale. J'inviterais ensuite tous les autres députés qui ont des questions à les soumettre par écrit, et nous pourrons demander à nos deux témoins d'y répondre par écrit, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Ainsi, nous pourrons au moins poursuivre.
Tout d'abord, avons-nous le consentement unanime pour continuer?
Merci.
Madame Kusie, commencez s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Stanley, je suis diplômée de la Rutgers University. Je suis désolée que vous soyez descendu au niveau de Yale.
Des voix:Ah, ah!
Mme Stephanie Kusie: Dans vos observations préliminaires, vous avez dit: « Vous ne pouvez pas avoir de liberté sans vérité » et « l'égalité politique revient à dire la vérité aux gens au pouvoir ». Monsieur Stanley, je vous suggère de vous informer sur les événements récents liés au scandale relatif à SNC-Lavalin qui se sont produits au Canada, ainsi que sur la démission regrettable de l'ancienne procureure générale du Cabinet en raison de la compromission de ces principes.
Ma question porte sur votre troisième commentaire principal. Vous avez dit que le problème majeur était selon vous l'existence d'une rhétorique extrême. Je pense qu'au Canada, cela s'est surtout manifesté dans l'utilisation de la « diplomatie sur Twitter ». Par exemple, notre ministre des Affaires étrangères a formulé des commentaires sur Twitter au sujet d'une personne détenue en Arabie saoudite. Au lieu d'utiliser les voies diplomatiques traditionnelles, elle a utilisé un gazouillis.
Selon vous, quels sont les effets des médias sociaux et de la diplomatie des médias sociaux sur ce problème que nous observons dans le monde? Quelle est leur incidence?
M. Snyder a parlé du fait que les machines remplacent la délibération démocratique. Elles nous imposent une certaine structure, de 280 ou 130 caractères. Dans mon pays, on en voit évidemment les effets. On voit l'effet de la structure imposée à la discussion par les médias sociaux, et les délibérations démocratiques ne devraient pas fonctionner ainsi.
Je sais que M. Snyder est en train d'écrire un livre sur ce sujet, et je l'invite donc à nous donner son point de vue.
Twitter en particulier présente deux problèmes. Le premier est qu'en fin de compte, Twitter définit le problème. Par exemple, pour ce qui est des relations entre les États-Unis et la Corée du Nord, c'est ce qui se passe sur Twitter et non dans le monde réel qui finit par compter. Le second problème est la distraction constante. C'est-à-dire qu'il se passe des choses dans le monde réel qui requièrent notre attention, mais que Twitter diffuse l'information tellement rapidement que nous sommes incapables de réagir à ce qui existe réellement.
C'est une façon étrange d'envisager cette question, mais Twitter est, en fait, un moyen que nous utilisons pour aborder... Nous agissons comme des machines. Nous sommes rapides. Nous faisons des choses absurdes. Nous cherchons à répondre aux questions par oui ou par non. Nous recherchons des émotions. C'est le genre de chose qui nous éloigne de la démocratie. Un politicien charismatique et talentueux [Difficultés techniques ] est un politicien parfait sur Twitter.
Malheureusement, notre temps est limité. Je vais donc poser deux questions en espérant qu'on ait le temps de répondre à l'une ou à l'autre.
Monsieur Snyder, au cours de la dernière heure, M. Ignatieff a déclaré que les États communistes sont devenus des États à parti unique ratifiés par une démocratie. L'Ukraine semble avoir résisté à cette tendance. Nous avons assisté à deux révolutions en faveur de la démocratie en 15 ans et à une révolution par les urnes la semaine dernière. Quelle incidence les conflits sanglants du passé et le temps ont-ils sur l'évolution de la démocratie ukrainienne?
Monsieur Stanley, dans l'épilogue de votre livre, How Fascism Works, vous décrivez en détail les dangers de la normalisation du mythe fasciste. Comment se produit aujourd'hui la normalisation de l'ethnonationalisme?
L'Ukraine est peut-être plus consciente que les autres pays d'Europe et d'Occident de la nécessité d'entretenir des liens avec d'autres pays démocratiques pour être une démocratie. Il s'agit selon moi de l'objectif principal de la révolution du Maïdan.
Un autre objectif principal de ce que vous appelez à raison des révolutions pro-démocratiques en Ukraine est de mettre l'accent sur l'égalité. Dans les deux cas — en 2004 et en 2014 — le problème ne provenait pas simplement du fait qu'un État voisin — la Russie — s'oppose à la démocratie, mais également d'une menace à laquelle nous faisons également face au Canada: l'oligarchie.
Enfin, l'Ukraine occupe la première ligne sur le champ de bataille de l'exactitude des faits. Nombre des journalistes les plus courageux et les plus intéressants qui travaillent à des questions liées non seulement à la guerre, mais aussi aux inégalités et à l'évasion fiscale en général sont ukrainiens. Ils nous rendent un service.
Pour ce qui est de l'ethnonationalisme, comme M. Snyder et moi-même le soulignons, on retrouve partout l'idée selon laquelle nous avons été puissants et que nous allons le redevenir. C'est le cas en Hongrie, aux États-Unis et en Turquie. Comme l'a affirmé notre collègue, Greg Grandin, cela touche particulièrement les pays qui peuvent se remémorer un quelconque passé impérial et qui estiment avoir perdu leur grandeur passée.
Peut-être que la santé de la démocratie libérale du Canada est attribuable au fait qu'elle n'est pas confrontée à ce problème. En Turquie, cela remonte à l'Empire ottoman. Aux États-Unis, il s'agit de la notion selon laquelle on a subi une humiliation en acceptant l'ordre mondial. Au Royaume-Uni, l'idée que l'Union européenne a envahi le Royaume-Uni est relayée parmi les partisans du Brexit. Cela n'a de sens que si l'on considère le Royaume-Uni comme un empire, donc...
Merci, monsieur Stanley.
Il s'agit en quelque sorte d'une séance de questions en rafale. Ce n'est pas facile pour des universitaires ou des politiciens.
Nous allons maintenant passer à M. Caron pour les deux dernières minutes.
[Français]
Merci beaucoup.
Professeur Stanley, dans une rubrique Vox, on vous avait soumis la possibilité que la montée actuelle du fascisme ou de l'autoritarisme soit en fait une réponse. Elle peut fonctionner, parce qu'elle établit une autre réalité mythique qui entre en contraste, au bout du compte, avec l'ennui profond de la manière dont nos politiques fonctionnent dans la démocratie libérale.
Ce que nous faisons en tant que comité est vraiment ennuyant pour le Canadien moyen ou pour le citoyen moyen d'une démocratie. Comment peut-on faire face à cela? Comment peut-on faire connaître notre démocratie, en premier lieu, et la rendre attrayante pour établir un rapport contre la montée du fascisme ou de l'autoritarisme?
Je pose la question à M. Snyder aussi.
[Traduction]
C'est le système d'éducation. Vous devez préserver vos programmes de prématernelle et vos études universitaires, les sciences humaines et l'histoire, et ne pas en faire des centres de formation professionnelle, et vous devez enseigner l'histoire du genre.
Vous devez enseigner les mauvais épisodes de l'histoire et ce que les groupes minoritaires ont vécu, pour que les gens connaissent la vérité et sachent quand on leur ment. Il y a aussi le journalisme. Vous devez financer d'autres sources de journalisme. Ces méthodes ne ciblent pas les médias et les universités sans raison.
Je pense que les personnes qui croient au libéralisme et à la démocratie doivent passer à l'offensive. Elles doivent dire « ce sont de bonnes choses » au lieu de simplement dire « nous sommes normaux et le reste du monde est anormal ». Je pense qu'elles doivent aussi passer à l'offensive pour [Difficultés techniques] les problèmes liés à l'autoritarisme. L'autoritarisme est attrayant aujourd'hui parce que les gens en ont oublié les aspects négatifs. À mesure que la situation stagnera et que les dirigeants commenceront à mourir, elle le sera moins. Il serait tragique que les libéraux de la démocratie abandonnent avant que nous arrivions à ce stade, mais je pense que nous devons être en mesure de démontrer que ce que nous avons n'est pas seulement normal, mais réellement beaucoup mieux.
Je tiens à remercier les quatre témoins de la séance d'aujourd'hui pour leur témoignage, et surtout pour leur compréhension. C'est la démocratie parlementaire à l'œuvre ce matin: nous avons un vote en plein milieu des témoignages.
Merci beaucoup de vous être joints à nous. Je suis certain que nous vous enverrons des questions. N'hésitez pas à nous envoyer vos réponses par écrit, et nous nous assurerons qu'elles soient intégrées aux témoignages.
Sur ce, la séance est levée.
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