FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 28 février 2019
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous.
Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
Ceci sera la dernière séance que nous allons consacrer à l'étude du rôle du Canada dans les mesures internationales de soutien du développement de la démocratie.
Ce matin, nous recevons deux groupes d'experts.
Pour le premier groupe, je souhaite la bienvenue à M. Christian Lamarre, qui est chargé de programme pour le Secrétariat des Nations unies au Fonds des Nations unies pour la démocratie.
Souhaitons également la bienvenue au président exécutif du conseil de Canada Global, M. Robert Greenhill.
Merci d'être là.
Messieurs, vous avez chacun environ 10 minutes pour nous faire part de vos observations. Ensuite, nous allons passer aux questions des membres du Comité, questions qui, j'en suis persuadé, seront fort nombreuses.
Monsieur Lamarre, nous allons commencer par vous.
Monsieur le président, distingués membres du Comité, je vous remercie.
Le Fonds des Nations Unies pour la démocratie, le FNUD, est honoré de l'accueil que vous lui faites et il remercie le Canada d'être parmi ses donateurs. Sachez que c'est aussi un honneur pour moi, en tant que Canadien, de me retrouver devant vous.
[Français]
Je vais faire ma présentation en anglais, mais je pourrai répondre aux questions en français également.
[Traduction]
Au cours des 10 ans, voire davantage, qui se sont écoulés depuis le rapport de 2007 de ce comité, le FNUD a acquis une expérience pertinente et étoffée pour ce qui est de demander la constitution d'une fondation canadienne indépendante pour le développement de la démocratie dans le monde.
Pour éviter que cet exposé ne traîne en longueur, je vais vous faire grâce des détails et des exemples, mais sachez que je vous fournirai volontiers toutes les informations supplémentaires que vous me demanderez pendant la période de questions et par la suite.
Il y a quelques années, le FNUD a eu le privilège de prêter main-forte à l'Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme alors qu'il était encore naissant. Ce serait un honneur pour le FNUD de fournir ce type d'aide au Canada.
Au cours des 12 dernières années, le FNUD a aidé à concevoir, à financer et à mettre sur pied plus de 750 projets dans plus de 120 pays. Nos subventions de 2 ans oscillent entre 100 000 et 300 000 $US chacune, et elles appuient des partenaires dans des pays qui en sont à divers stades de démocratisation.
Les activités du FNUD sont entièrement financées par des contributions volontaires. Hormis le Canada, le FNUD peut compter sur plus de 40 pays donateurs. Nombre d'entre eux sont des pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine à revenu moyen ou faible. Leurs contributions font vivre un personnel de sept personnes au siège de l'ONU. C'est la taille de notre équipe. Nous sommes sept et pas un de plus. Nous n'avons pas de bureaux à nous sur le terrain. Nous réduisons au minimum notre personnel et notre budget opérationnel en tirant parti de la présence et de l'infrastructure importantes des Nations unies et d'autres partenaires. Il nous arrive de prêter main-forte à l'évaluation de la viabilité des demandeurs ou au suivi des étapes d'un projet donné.
Nous nous trouvons souvent en première ligne des luttes populaires contre l'autoritarisme croissant et contre la fermeture graduelle de l'espace que devrait occuper la société civile, mais notre expérience montre que même dans des environnements difficiles, nous pouvons trouver des brèches propices à l'avancement de la démocratie.
Un gouvernement qui se méfierait d'une implication extérieure dans des domaines que l'on présume relever de la volonté politique peut néanmoins consentir à un projet de renforcement des capacités dans ce que l'on considère comme faisant partie de la sphère sociale. Il pourrait par exemple s'agir d'un projet visant à améliorer l'accès aux infrastructures et aux services locaux pour les personnes handicapées ou vivant avec le VIH. Un autre exemple pourrait être un projet visant à stimuler la participation des jeunes à la gérance environnementale locale. Je pourrai donner plus d'exemples durant la période des questions.
Bien que l'objectif immédiat — c'est-à-dire de répondre à un besoin communautaire — soit politiquement neutre, les participants repartent avec des compétences et des capacités qu'ils peuvent mettre à profit pour faire valoir d'autres droits et demander des comptes aux responsables, ce qui contribue à l'édification d'une culture démocratique.
C'est pour cette raison que les domaines thématiques du FNUD vont de domaines plus étroitement liés à la politique, comme l'appui aux processus électoraux, à l'état de droit et aux droits de la personne, à des domaines plus fondamentaux, comme la mobilisation des jeunes, l'égalité des sexes, l'activisme communautaire et le renforcement de l'interaction de la société civile avec le gouvernement.
Lorsque j'ai participé au maintien de la paix dans le cadre de la Mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali, j'ai constaté à quel point il était difficile — voire impossible, à vrai dire — pour les communautés vulnérables d'affirmer leurs droits et leurs intérêts lorsque la société civile était faible et désorganisée. Sur la base de ces enseignements, le FNUD a recherché et soutenu des projets susceptibles de faire avancer la liberté d'information et d'expression, et de permettre à la société civile malienne de se mettre en rapport avec le secteur de la défense et de la sécurité.
Dans des environnements aussi difficiles, et partout où nous travaillons, les partenariats locaux sont absolument essentiels. La grande majorité des fonds du FNUD vont à des organismes locaux de la société civile, à de petits groupes communautaires souvent négligés par d'autres en faveur d'entités plus grandes et mieux connues qui gèrent et administrent des projets internationaux.
En fournissant des conseils et des services de mentorat, et en facilitant l'échange des enseignements tirés des bénéficiaires et des partenaires, le FNUD s'efforce de faire en sorte que les candidats aient la capacité technique de mettre en oeuvre les projets qu'ils proposent. Nous faisons cela pour permettre à ces organismes de tirer le meilleur parti des sommes relativement modestes qu'ils reçoivent, et parce qu'un changement ne peut durer que s'il est piloté localement. En d'autres termes, nous devons investir dans les capacités qu'auront les populations locales à faire valoir leurs droits et à améliorer leur bien-être longtemps après la fin de notre engagement.
J'ai pu m'en rendre compte lorsque j'ai travaillé pour le Programme des Nations unies pour le développement, en Afghanistan. Là-bas, de nombreux acteurs internationaux ont préféré donner leurs projets en sous-traitance à des ONG intermédiaires plutôt que de travailler avec des groupes et des leaders communautaires qui s'occupaient des besoins et des priorités identifiés localement.
Bien sûr, le FNUD collabore également avec des ONG internationales — dont cet organisme tout canadien, Journalistes pour les droits humains, qui a fait un travail novateur au Soudan du Sud et en Syrie, et qui est maintenant un partenaire au Mali —, mais le FNUD va au-delà de sa collaboration opérationnelle avec les organismes internationaux de la société civile. Nous les incluons dans nos structures de gouvernance où ils servent aux côtés des États membres donateurs et bénéficiaires, d'éminentes personnalités et d'autres agences des Nations unies. En raison de cette diversité de donateurs, de conseillers et de partenaires de gouvernance, et parce qu'être un membre considérablement autonome de la famille des Nations unies nous donne une bonne foi multilatérale, le FNUD a souvent un avantage dans les situations où les intérêts bilatéraux pourraient inspirer de la méfiance.
Monsieur le président, distingués membres du Comité, beaucoup de choses ont été dites au sujet de l'époque difficile dans laquelle nous vivons et des défis auxquels l'expérience démocratique est confrontée. J'espère que les quelques observations que je vous ai livrées au nom du Fonds des Nations Unies pour la démocratie vous seront profitables. J'ai hâte d'essayer de répondre à vos questions, et sachez que l'équipe du FNUD sera honorée de répondre à toutes celles que vous pourriez avoir par la suite.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous être utile. Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président.
[Français]
Bonjour à tous.
C'est un grand honneur pour moi d'être parmi vous aujourd'hui.
[Traduction]
Au nom de la communauté internationale, j'aimerais vous remercier de la présence d'esprit que vous avez eue d'aborder cette question à ce moment-ci, car si le rapport que vous examinez était important en 2007, il est assurément essentiel aujourd'hui. Si l'histoire nous a appris une chose, c'est que les régimes autoritaires qui attaquent la primauté du droit chez eux sont plus enclins à mettre à mal la primauté du droit à l'étranger. Il ne s'agit pas seulement d'une question de diplomatie et de droits de la personne; il s'agit d'une question de primauté du droit et de sécurité internationale.
J'étais président de l'ACDI lorsque le rapport initial a été publié en 2007, puis j'ai passé de nombreuses années au Forum économique mondial, où j'ai pu observer directement le déclin de la gouvernance démocratique dans le monde et m'entretenir en privé avec des centaines de personnes appartenant à différents groupes d'intervenants dans ces pays.
Aujourd'hui, j'aimerais vous faire part de mon point de vue dans trois domaines. Premièrement, j'aimerais me pencher sur la cause de cette détérioration; deuxièmement, je vais tenter de cerner les mesures que le Canada pourrait prendre à cet égard; et troisièmement, je parlerai de ce que le Comité peut faire de particulier pour que, cette fois, ses recommandations aient un réel impact.
Premièrement, pourquoi la démocratie se détériore-t-elle ainsi? Nombre des personnes qui vous ont précédé ont souligné le rôle d'un groupe de nations qui se revendiquent presque de leur propension à l'autoritarisme, partageant des pratiques exemplaires quant à la façon de démanteler les systèmes d'État de droit dans leurs différents pays. Une question importante est de savoir pourquoi ces régimes ont pu voir le jour là où ils sont. Dans la grande majorité des cas, ils ont été élus. Et souvent, ils l'ont été dans le cadre d'un processus raisonnablement transparent. Ce ne sont donc pas les élections qui sont l'aspect le plus déconcertant, mais ce qui s'est produit après.
Pour comprendre pourquoi tant de régimes autoritaires ont été élus, et ce, même dans des pays qui avaient des démocraties d'une certaine solidité, il est important de reconnaître qu'il y a une vague de désenchantement ou de désillusion à l'égard de la démocratie parmi les citoyens de divers pays du monde. Les pays qui, comme en Amérique latine, ont rejeté l'autoritarisme dans les années 1970 et 1980 finissent par se sentir désenchantés par ce que la démocratie apporte ou n'apporte pas.
Dans de nombreux sondages, les trois éléments suivants sont montrés du doigt. Premièrement, il y a la corruption, la corruption profonde et tentaculaire. Contrairement à d'autres indicateurs qui tendent à s'améliorer à mesure que les pays s'enrichissent — comme la pauvreté ou les problèmes de soins de santé — la corruption a souvent tendance à s'aggraver avec la multiplication des possibilités de maximalisation de la rente. Deuxièmement, il y a la criminalité et le manque de sécurité dans les cas où les policiers sont les prédateurs plutôt que les protecteurs, ainsi que l'absence de justice. Troisièmement, il y a la faiblesse des institutions, la faiblesse de ces systèmes où le leadership n'a pas de limite et où l'on ne fournit ni services, ni espoir, ni prospérité, ni débouchés. Là où le monde n'est pas juste, les choses ne sont pas équitables.
Les sondages en Amérique latine ont montré que le mécontentement à l'égard de la démocratie est passé de 51 % en 2009 à 71 % récemment. Plus de la moitié des Latino-Américains croient encore au concept de démocratie, même si le soutien à cet égard a chuté de 13 %. L'écrasante majorité d'entre eux disent: « Nous croyons à la démocratie, mais nous ne la voyons pas. »
Permettez-moi de souligner une fois de plus l'action extrêmement corrosive que la corruption exerce sur les systèmes démocratiques. L'organisme Transparency International a publié l'année dernière un rapport de premier plan où l'on concluait que la démocratie allait continuer d'être menacée dans le monde tant et aussi longtemps que l'on ne contrôlerait pas la corruption. Patricia Moreira a noté que la corruption détruit petit à petit la démocratie en créant un cercle vicieux: la corruption affaiblit les institutions démocratiques et les institutions ainsi affaiblies sont moins en mesure de contrôler la corruption.
Je crois humblement que si votre rapport n'aborde pas la nécessité d'une action concertée contre la corruption, nous allons passer à côté de ce qui doit être fait concrètement à l'heure actuelle pour améliorer la promotion et la résilience de la démocratie dans le monde.
De façon plus générale, lorsqu'il est question de corruption, de criminalité et d'hypocrisie, si nous ne mettons pas davantage l'accent sur l'aspect gouvernance de la gouvernance démocratique, nous risquons de perdre l'aspect démocratique. Je pense que c'est le principal enseignement de la dernière décennie. L'importance de la gouvernance a été soulignée plus récemment dans le Rapport sur le développement dans le monde qu'a publié la Banque mondiale en 2017, rapport qui mettait l'accent sur la gouvernance et la loi. Il s'agissait d'un virage par rapport aux objectifs de développement durable de 2015. En effet, pour la première fois, l'objectif 16 note que la paix, la justice et des institutions efficaces sont essentielles au développement. C'est une lacune qui est reconnue à l'échelle internationale. Le problème c'est que l'on ne peut pas espérer combler cette lacune de façon systématique avec l'amélioration de la capacité et du soutien.
Je dirais même qu'au cours des 10 dernières années, les agences bilatérales de développement ont réduit leur appui à l'endroit de la gouvernance démocratique, pour deux raisons.
La première est la conséquence involontaire de l'attention compréhensible qui est prêtée aux produits livrables à court terme — aux résultats. Vous pouvez citer le nombre de bébés vaccinés et le nombre d'enfants envoyés à l'école. Cependant, vous ne pouvez pas démontrer au cours d'un cycle électoral l'incidence que vous avez eue en construisant un secteur public efficace, en mettant en place des mécanismes de contrôle ou en contribuant à renforcer une génération de procureurs publics en Amérique latine. Par conséquent, ces résultats ont tendance à attirer moins l'attention.
La deuxième raison, c'est que bon nombre de ces pays sont ce qu'on appellerait des « diplômés » du développement. Selon son mode de fonctionnement, le développement international vise, comme il se doit, les personnes les plus démunies des pays à faible revenu. À titre de rappel, je précise que nous nous occupons des pays dont les revenus sont inférieurs à 1 000 $ par habitant. Lorsque leurs revenus s'élèvent à environ 1 145 $ par habitant, ils ne sont plus admissibles aux subventions du programme d'aide au développement international de la Banque mondiale. Puis lorsque leurs revenus atteignent 2 000 $ par habitant, ils reçoivent très peu d'aide au développement, ce qui est logique en ce sens que ces pays peuvent financer leurs propres soins de santé ou leur éducation.
Lorsque nous nous penchons sur les enjeux liés au soutien de la liberté de presse, des droits de la personne, de la société civile et des institutions, ainsi que sur certains des pays qui ont connu des difficultés et des circonstances favorables — comme l'Ukraine, la Tunisie, les Philippines, l'Afrique du Sud, le Brésil, le Chili, la Russie, la Malaisie, la Turquie et la Hongrie —, nous constatons que tous ces pays sont hors du champ d'action du développement traditionnel.
Par conséquent, au Canada, nous faisons face au fait que très peu des 5 milliards de dollars que nous consacrons annuellement au développement peuvent être affectés de façon à profiter des circonstances favorables en Tunisie. L'Afrique du Sud, où une commission spéciale étudie la question de l'appropriation de l'État et où il y a un véritable besoin et désir de recevoir une aide internationale visant à renforcer ses institutions, est hors du champ d'action du développement. En définissant les besoins en matière d'aide au développement en fonction du revenu par habitant, nous avons limité notre champ d'action. Si cette approche était compréhensible dans le passé, elle va maintenant à l'encontre des enseignements dégagés au cours des 10 dernières années.
Le deuxième défi structurel à relever, c'est qu'il n'y a aucune organisation multilatérale centrale qui s'occupe de cette question. Le PNUD joue un rôle important à cet égard, mais ce n'est pas sa priorité. Il n'y a pas d'Organisation mondiale de la Santé en matière de gouvernance. Il n'y a aucune organisation que l'ancien président de la Malaisie aurait pu appeler pour dire qu'il souhaitait avoir accès aux meilleures capacités internationales pour l'aider à combattre une épidémie de corruption. Qui aurait-il pu appeler? Si vous faites face à une épidémie d'une maladie infectieuse, vous appelez l'OMS. Mais sinon, qui appelez-vous? Il n'y a pas d'organisation centrale qui s'occupe de ce problème crucial.
Nous sommes aux prises avec un problème structurel mondial. En fait, cela ressemble à la situation dans laquelle la communauté internationale se trouvait dans les années 1990 en ce qui concerne les maladies infectieuses. Il n'y avait pas suffisamment de financement, de structures et de stratégies pour faire face au VIH-sida, à la tuberculose et à la malaria, alors un ensemble de nouvelles initiatives a été créé pour lutter contre ces maladies, dont le Fonds mondial, l'Alliance Gavi et d'autres projets de ce genre. Voilà la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui en ce qui concerne l'affection contagieuse de l'autoritarisme.
Que devrions-nous faire? À ce stade, le Canada peut jouer un rôle de chef de file. Premièrement, nous jouissons d'une énorme crédibilité à cet égard. Dans le rapport de Freedom House qui traite de la flambée de l'autoritarisme, il est aussi indiqué que le Canada possède l'indice de liberté le plus élevé du G7. De plus, selon divers autres critères, nous sommes perçus comme l'un des pays les plus bienveillants, en ce qui a trait à notre engagement à faire le bien. Nous avons la crédibilité, la capacité et l'intérêt personnel nécessaires pour jouer un rôle de chef de file relativement à cet enjeu crucial.
Que pouvons-nous faire? Premièrement, avant de parler de la création de nouvelles institutions, nous pouvons modifier la façon dont notre aide au développement est actuellement structurée, en la faisant passer d'un modèle en « I » à un modèle en « L ». Cela voudrait dire que, même si nous accordons la grande majorité de notre aide aux pays les plus pauvres, nous reconnaissons aussi l'importance d'apporter à la gouvernance démocratique un soutien de base sous-jacent, et nous reconnaissons la nécessité d'intégrer explicitement dans nos politiques la capacité de continuer à appuyer la gouvernance démocratique des pays, une fois qu'ils ont atteint le statut de diplômés du développement traditionnel. Cela reconnaîtrait la nécessité de maintenir ces engagements à l'égard de la gouvernance.
Deuxièmement, si des circonstances favorables surviennent, comme en Tunisie, en Malaisie et à d'autres endroits, nous pouvons jouer un rôle constructif pendant une période prolongée.
En fait, ce passage d'un modèle en « I » à un modèle en « L » — « L » comme la liberté sous-jacente qui découle de ces activités — semble simple, mais nous serions les premiers à élaborer le rôle que nous pourrions jouer. Voilà la première recommandation que je vous ferais.
La deuxième est que le Canada dispose d'actifs uniques en leur genre que nous pouvons déployer.
La fondation canadienne pour le développement démocratique était une bonne suggestion en 2007. Je crois qu'aujourd'hui, c'est une recommandation essentielle, et j'espère que votre comité l'appuie, non pas pour imiter ou rivaliser avec le NDI et ses semblables ou la Fondation Westminster pour la démocratie, mais plutôt pour compléter ces organisations.
En fait, nous pouvons aller plus loin. Nous disposons d'un ensemble d'actifs canadiens uniques en leur genre que nous pouvons déployer plus fréquemment. Je l'appelle le corps judiciaire, mais cette recommandation liée au corps judiciaire comporte en réalité trois volets.
Le premier volet consiste à prendre l'Arrangement sur la police civile au Canada. L'arrangement est une institution unique en son genre qui nous permet de déployer quelque 200 agents provinciaux et municipaux de la GRC dans des États fragiles et des situations de conflit partout dans le monde. Cet arrangement a apporté une énorme contribution dans le passé. Nous devrions faire passer à 500 le nombre d'agents qui sont envoyés chaque année, et nous devrions utiliser cet arrangement pour contribuer à renforcer la primauté du droit non seulement dans les États fragiles, mais aussi dans les démocraties en voie de consolidation. Nous devrions compléter ce contingent en tirant parti des actifs de notre ministère de la Justice et de nos éminents juges, afin de renforcer les systèmes judiciaires du monde entier. Nous devrions aussi donner à tous les greffiers des cours supérieures et de la Cour suprême — à nos jeunes gens les plus talentueux et les plus brillants — l'occasion de passer un an ou deux à l'étranger au service d'institutions judiciaires internationales, immédiatement après leur stage.
Au moyen de cet arrangement, nous pourrions en fait déployer des capacités canadiennes uniques en leur genre pour nous attaquer au problème relatif à la primauté du droit. Voilà comment nous pourrions déployer des actifs canadiens uniques en leur genre.
Dans le cadre du troisième volet, nous pouvons créer une plaque tournante pour l'ODD 16, intitulé « Paix, justice et institutions efficaces ». Dans les années 1970, nous avons créé une plaque tournante mondiale pour la recherche et la science appliquées au développement, en établissant le CRDI, dont le premier président a été Lester B. Pearson. Nous avons besoin d'un CRDI pour la bonne gouvernance. Cela consisterait en fait à mobiliser les meilleurs penseurs du monde entier dans ce domaine à partir d'une plaque tournante canadienne.
Je recommande donc que nous établissions à Ottawa un centre international pour la paix, la justice et des institutions efficaces et que nous l'intégrions dans le CRDI ou dans une structure dirigeante semblable. L'une des mesures que nous devrions prendre consiste à organiser annuellement, pendant la semaine qui précède l'Assemblée générale des Nations unies, une escale à Ottawa pour les chefs d'État qui se rendent dans notre partie du monde, parce que nous devrions tenir une conférence mondiale portant sur les enjeux clés de la justice et de la primauté du droit.
Nous devrions parler de la lutte contre la corruption, de la gouvernance des Autochtones et de la réforme de la police. Ainsi, nous façonnerions chaque année l'ordre du jour de la semaine qui précède l'Assemblée générale des Nations unies, et nous apposerions un drapeau canadien sur cet important enjeu.
Voilà l'ensemble de mes recommandations. Elles sont audacieuses, mais je pense qu'elles sont opportunes et faisables.
La difficulté consistera à concrétiser ces recommandations, parce que...
Monsieur Greenhill, vous avez dépassé de deux minutes le temps qui vous était imparti. Si vous pouviez finir de communiquer vos recommandations, nous pourrions céder la parole aux membres et étudier ces recommandations plus à fond dans le cadre de nos séries de questions.
Merci.
En ce qui concerne la façon de concrétiser ces idées, il est clair que les principales recommandations du rapport de 2007 n'ont pas été adoptées. Les principaux services d'aide aux institutions qui existaient à l'époque ont été démantelés. De plus, nous nous apprêtons à entrer dans la période très partisane des élections. Votre comité peut jouer un rôle unique en montrant que la partisanerie s'arrête à la frontière en ce qui concerne cet enjeu crucial.
J'ai trois recommandations à vous faire. Premièrement, vous devriez vous employer à formuler un ensemble de recommandations approuvées à l'unanimité, contrairement à la dernière fois, en ce qui concerne l'engagement du Canada à l'égard de la promotion internationale de la démocratie. Deuxièmement, vous devriez demander que chaque parti appuie ces recommandations et les intègre dans sa plateforme électorale. De plus, chaque parti devrait dire: « Nous appuyons ces recommandations et, si nous sommes élus, nous nous engageons à les mettre en oeuvre au cours des deux premières années de notre mandat, en travaillant avec les autres partis et la société civile canadienne ». Chaque parti devrait le faire, un point c'est tout.
Le Comité permanent devrait accepter d'examiner cette mise en oeuvre six mois après les élections, et prévoir un suivi un an et deux ans plus tard.
Grâce à cet ensemble de recommandations, je crois que vous aurez la chance d'avoir non seulement des recommandations très importantes à mettre en oeuvre, mais aussi une incidence très significative.
[Français]
Merci beaucoup.
[Traduction]
Merci beaucoup.
Je vous remercie tous deux de vos témoignages.
Nous allons passer immédiatement aux séries de questions, et nous commencerons par céder la parole à M. Aboultaif.
Bonjour, messieurs Lamarre et Greenhill. Je vous remercie de comparaître devant notre comité aujourd'hui. Il est très rafraîchissant d'entendre vos réflexions ce matin.
Ma première question est destinée à M. Lamarre.
En 2019, votre organisation a invité des intervenants à présenter des demandes pour un vaste éventail de projets dans le domaine du développement démocratique. Pour tirer le meilleur parti de vos programmes, je crois que vous avez toujours besoin de ces efforts de collaboration. Si vous deviez choisir un programme, sur quel programme pensez-vous que vous concentreriez surtout vos efforts afin d'obtenir les meilleurs résultats?
Fait intéressant, nous n'avons pas la possibilité de les choisir. À l'étape de la présélection, nous embauchons des évaluateurs externes qui passent en revue les 2 300 demandes de subventions. Ensuite, nous faisons appel à un coordonnateur résident. Le système de coordonnateurs résidents est un réseau de cadres supérieurs de l'ONU établis dans presque tous les pays du monde. Grâce à eux, nous obtenons aussi des commentaires sur les demandeurs. Nous avons également accès à un groupe consultatif sur les programmes, composé d'entités implantées au siège de l'ONU qui passent en revue les demandes et les propositions de projet.
L'ensemble du processus de consultation réduit le nombre de projets à environ 50, et nous sommes en mesure de financer ces projets parce que nous disposons d'un budget annuel d'environ 9 millions de dollars. Ensuite, ces 50 projets sont approuvés par notre conseil consultatif. Le secrétariat n'a donc pas la possibilité de choisir les projets. Ce n'est pas nous qui déterminons si une priorité existe dans le pays en question ou qui choisissons un projet particulier pour ce pays. Tout cela est fondé sur la meilleure demande. Certaines années, nous avons indiqué que nous accordions la priorité à des demandes liées à la participation des jeunes ou à des demandes liées aux processus électoraux.
En fait, cette année, toutes les demandes étaient acceptées. Nous ne nous sommes jamais penchés sur un seul thème. Il s'ensuit que dans chacune de nos propositions de projet, une partie doit être consacrée à l'équilibre entre les sexes ou à l'égalité des sexes. Chaque proposition de projet doit également faire valoir la façon dont le projet aide des collectivités vulnérables.
Cela m'amène à ma deuxième question. Nous devons insérer des éléments comme l'égalité des sexes, la participation des jeunes, etc. Nous savons que tous ces éléments contribueront à enrichir la démocratie d'une façon ou d'une autre.
La principale question sera toujours la suivante: comment pouvons-nous mesurer notre réussite? Un processus d'évaluation est grandement nécessaire afin d'être en mesure d'évaluer... Je crois fermement en l'importance de faire de son mieux et de s'investir dans une cause afin de pouvoir obtenir les meilleurs résultats. Ces fonds ne sont pas offerts en tout temps. Si nous voulons qu'ils soient utiles, nous devons nous assurer que les mesures sont appropriées et qu'elles donnent les résultats escomptés.
Cependant, comme vous l'avez mentionné au début, messieurs, il est très difficile de mesurer exactement les résultats lorsque nous évaluons une démocratie. L'un des meilleurs dénouements que nous devrions, au moins, être en mesure d'obtenir, ce sont quelques normes de référence liées à ce que nous devons accomplir et au moyen de savoir si nous l'avons accompli, afin de pouvoir corriger le tir ou peut-être mieux orienter nos efforts.
Pouvez-vous nous renseigner sur les règles ou les méthodes d'évaluation que vous utilisez?
Des normes de référence ou des indicateurs de rendement sont intégrés dans nos documents de projet. Chaque projet a son propre document de projet, qui fait fonction de contrat liant l'organisme de mise en oeuvre, l'ONG locale ou l'organisation de la société civile locale au Fonds des Nations Unies pour la démocratie.
Il y a des moments au cours du cycle de vie où nous évaluons effectivement les projets. Nous appelons cela une mission de surveillance des jalons. Nous établissons des jalons dans le cycle de vie des projets pour pouvoir visiter les responsables et observer la façon dont ils font les choses en vue de déterminer si le projet fonctionne, ainsi que d'obtenir directement les commentaires des participants.
À la fin du projet, des vérifications sont effectuées et des rapports narratifs sont produits, mais parfois — pas toujours et je vous expliquerai pourquoi — nous procédons à une évaluation du projet en bonne et due forme. Nous n'évaluons pas tous nos projets parce que ce processus est coûteux et notre budget, limité. Nous le faisions dans le passé. Il nous fallait réunir une masse critique d'évaluations de projet afin de comprendre vraiment les résultats observés sur le terrain et de voir ce qui se passait. Nous l'avons fait il y a quelques années à la demande de nos donateurs et de notre conseil. Nous avons évalué quelque 90 projets il y a quelques années. De nos jours, nous évaluons chaque année 10 des 50 propositions qui ont été financées, soit environ 20 % d'entre elles, ce qui nous donne une bonne mesure des réalisations et, parfois, des problèmes à régler en cours de route.
Monsieur Greenhill, je fais écho à votre appel à orienter notre attention vers l'enrichissement de la démocratie, l'incitation à la démocratie ou les efforts continus pour favoriser la démocratie, car j'estime que, si le Canada est au premier rang dans ce domaine à l'échelle mondiale, et fier de l'être, cela nous donne l'occasion de jouer un rôle constructif.
Jusqu'où devrions-nous aller? Vous avez également mentionné des chiffres en ce qui concerne les fonds que nous avons et ceux que nous devrions avoir. À votre avis, dans quelle mesure devrions-nous poursuivre nos efforts, et quels secteurs d'intérêt ou priorités devrions-nous avoir?
Monsieur Greenhill, pourrais-je vous demander de donner une réponse relativement concise à cette question? Nous pourrons peut-être revenir sur ce sujet dans le cadre d'une question ultérieure.
Je précise très brièvement que je me concentrerais sur le renforcement des principales institutions de gouvernance, sur la primauté du droit, sur la justice et sur les mécanismes de contrôle interne. Le coût de ce qui est proposé est ambitieux, mais il représente moins de 1 % des sommes que nous consacrons à l'heure actuelle au développement, à la défense et à la diplomatie.
Merci, madame Vandenbeld.
Monsieur Greenhill, je vous remercie très rapidement de votre excellent exposé.
Vous nous avez incités à sortir des sentiers battus, mais l'un des sujets que vous avez omis d'aborder est une autre caractéristique particulière du Canada, à savoir notre multiculturalisme. Vous avez parlé, par exemple, d'envoyer des juges ou des agents de police. Certains Canadiens parlent différentes langues et comprennent différentes cultures. C'est un atout que nous avons et dont d'autres pays sont privés. Cela accroît donc la possibilité que nous jouions un rôle de chef de file. Je crois que nous pouvons approuver à l'unanimité certaines de vos recommandations.
Nous offrons ici un programme de stage parlementaire dans le cadre duquel nous invitons de jeunes Ukrainiens à venir au Canada. Le programme est en marche depuis 25 ans, et il est couronné de succès. Plus de 200 des diplômés du programme occupent maintenant des postes à divers échelons du gouvernement ukrainien. Souvent, nous comptons sur eux. Ce sont des agents de la démocratie au sein de leur pays.
Si le Parlement entreprenait un projet de ce genre et ciblait des pays où le développement démocratique évolue, qu'en penseriez-vous?
Je pense que le programme particulier auquel vous faites allusion est excellent et qu'il pourrait certainement être appliqué à un nombre limité d'autres pays où nous avons un véritable rôle à jouer.
L'Ukraine est une merveilleuse exception à la règle qui nous pousse à rester dans les sentiers battus. En raison de l'extraordinaire mobilisation de la communauté ukraino-canadienne, les gouvernements, y compris lorsque je travaillais à l'ACDI ou ailleurs, ont continué d'entretenir un dialogue avec l'Ukraine, même si ses revenus dépassaient la limite par habitant prescrite, parce que nous avons tous compris qu'il y avait des efforts à déployer là-bas en matière de gouvernance. C'est un excellent exemple du genre d'initiatives que nous devrions entreprendre plus souvent. Si nous faisions en Tunisie ou à d'autres endroits ce que nous faisons en Ukraine, nous apporterions une énorme contribution.
L'argument que vous avez fait valoir, monsieur, en ce qui concerne la qualité de nos agents de police et des hauts responsables de la justice canadienne, est très convaincant. Ils ont effectivement une bonne compréhension linguistique, culturelle et contextuelle. En fait, en ce qui a trait à la question des évaluations, lorsque l'Arrangement sur la police civile au Canada a été évalué il y a quelques années, les évaluateurs ont déclaré que le Canada, qui est l'un « des seuls pays à déployer des policiers en exercice, est un chef de file autant en ce qui concerne la réforme de la police civile que la réforme du secteur de la sécurité », et ils ont fait remarquer en particulier à quel point les gens dans ces pays accueillaient favorablement les sensibilités culturelles et les capacités linguistiques de nos agents de police. Ce sont des compétences que nous continuerons de développer, et c'est pourquoi l'idée de mettre l'accent sur cet enjeu est puissante.
Monsieur Greenhill, je tiens à vous remercier d'avoir proposé des idées très nouvelles et d'avoir expliqué comment nous pourrions nous assurer que le concept se concrétise cette fois-ci. Depuis 20 ans, le projet a adopté diverses formes; il n'en a pas été question que dans le rapport de 2007. Je pense qu'il y a une grande volonté politique derrière le concept, mais vous nous avez fourni une sorte de plan de mise en oeuvre et de cadre, et je vous en remercie.
Monsieur Lamarre, j'ai géré un projet financé par le Fonds des Nations Unies pour la démocratie concernant les femmes en politique, dans le cadre duquel des coordonnateurs résidents étaient affectés dans chaque continent. Je vous remercie d'avoir financé cette initiative. Je voulais vous interroger sur un point particulier, car vous avez une optique internationale. Ma question concerne le financement des projets.
Quelles sont les limites si on adopte un mécanisme de financement qui accorde des fonds projet par projet? Est-il possible d'instaurer un centre qui favorise la dissémination croisée des connaissances afin de permettre la création et le transfert du savoir, lequel deviendrait ensuite un pôle d'échange où on pourrait mettre en commun les leçons tirées de l'expérience? Comment pouvons-nous transférer le savoir, pas seulement d'un projet à l'autre, mais aussi quand des occasions se présentent à l'échelle internationale? Il ne s'agit pas seulement de savoir ce que le Canada peut faire, mais de tenter de devenir un centre d'échange concernant certaines démarches entreprises dans le monde. Quel risque y a-t-il à opter pour une approche de financement projet par projet au lieu d'adopter un mécanisme d'envergure globale?
Je vous laisserai parler en premier, monsieur Lamarre, puis j'entendrai M. Greenhill.
Merci.
Je ne considérerais pas que l'approche projet par projet a des limites. Nous procédons de cette manière parce que nous gérons un fonds. D'autres entités des Nations unies ont des programmes et des projets différents. Pour notre part, nous avons réussi, au cours des 10 dernières années, à acquérir une expérience dont nous avons tiré moult leçons.
Nous avons notamment mis en place un système sur notre site Web grâce auquel nous pouvons consulter des leçons concernant divers projets. Nous pouvons effectuer des recherches par thèmes et par pays. Cela s'inscrit dans nos réalisations.
Nous offrons également du financement récurrent. Dans certains cas, nous accordons une deuxième subvention à une organisation. Notre conseil d'administration a décidé de procéder ainsi il y a quelques années pour mieux encadrer la situation et conférer une certaine longévité au financement.
Je pense que vous soulevez un point crucial. Ce qu'il faut, c'est déterminer comment nous pouvons comprendre collectivement la manière dont nous pouvons faire fonctionner la gouvernance démocratique et instaurer des démocraties plus résilientes pour qu'elles résistent à la montée de l'autoritarisme. Pour ce faire, nous avons besoin d'une organisation centrale. L'Organisation mondiale de la Santé fonctionne ainsi dans le domaine des maladies infectieuses, mais nous n'avons pas encore de tel organisme. Voilà pourquoi j'ai indiqué que nous avons besoin d'un institut responsable du seizième objectif de développement durable ou de l'équivalent du Centre de recherche en infectiologie dans le domaine de la saine gouvernance, car le Canada devrait contribuer à l'établissement d'un centre mondial où les données seraient réunies. Si nous ne le faisons pas, nous réaliserons bien des projets ponctuels intéressants, mais il n'existe pas actuellement d'endroit où réunir une masse critique.
Je dois dire que je pense personnellement que vous êtes les témoins le plus importants que nous ayons entendus, et je voudrais que nous puissions bénéficier de votre présence toute la journée.
Certaines séances ont duré jusqu'à six heures hier soir, mais je pense que ce ne sera malheureusement pas le cas de celle-ci.
Peu importe l'entité qui est créée, je pense qu'il serait crucial de poursuivre le dialogue avec vous et votre organisation.
J'ai bien des questions. La première concerne un sujet que nous avons abordé au début. Pour appuyer davantage l'édification d'une démocratie efficace, les droits de la personne, la justice et la lutte contre la corruption, le Canada doit-il créer encore une autre organisation ou devrait-il fournir du financement par l'entremise des entités qui existent déjà? C'est le premier défi auquel nous devons faire face.
Si nous décidons de recommander la création d'une nouvelle organisation, où avons-nous fait fausse route avec l'organisation précédente?
J'aimerais enfin savoir si cette organisation, advenant que nous la mettions sur pied, devrait appuyer directement la transmission de l'information et la prestation de soutien, ou agir à titre de mécanisme de financement, comme l'organisation de M. Lamarre. Nous avons entendu les deux possibilités.
J'aimerais recevoir vos conseils à ce sujet. À dire vrai, je pense que ce serait une bonne idée de faire le suivi, si vous êtes disposés à nous faire parvenir vos conseils éclairés, car l'organisme de M. Lamarre n'offre manifestement que du financement.
Monsieur Lamarre, je m'intéresse fortement au processus que vous suivez. J'ai déjà travaillé pour la Commission de coopération environnementale, mise sur pied par le Canada, les États-Unis et le Mexique. Nous disposions d'un fonds discrétionnaire, dont le contenu était destiné à des organisations locales.
Je sais que le Canada est déjà actif à cet égard, notamment dans le domaine judiciaire. Certains des groupes dont nous avons parlé ont des antennes dans certains pays bénéficiaires, ce qui les aide à trouver les organisations appropriées. Vous semblez toutefois disposer d'un processus particulier dans le cadre duquel les organisations locales elles-mêmes vous présentent des demandes de financement. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi vous avez choisi cette façon de faire?
En ce qui concerne la création d'une organisation distincte, quand le rapport a été publié en 2007, je l'ai trouvé utile, considérant que l'idée de créer un tel organisme avait du bon. Aujourd'hui, plus de 10 ans plus tard, je pense que c'est essentiel. Ce qu'il s'est passé au Canada — sous les gouvernements tant libéral que conservateur, ce qui montre que la question n'est pas empreinte de partisanerie — témoigne de l'effritement qui peut se produire à cet égard si on ne porte pas une attention constante à la question. Les témoignages du National Democratic Institute et de l'International Republican Institute sur l'importance des pare-feux, qui font en sorte que l'engagement et le soutien d'un pays sur le plan du développement de la démocratie puissent continuer malgré les problèmes et les défis partisans du jour, me portent à croire que nous avons besoin d'un tel organisme.
Je propose en fait d'établir deux institutions distinctes. L'une tirerait parti du meilleur que le Canada a à offrir, notamment en appuyant des organismes clés comme la CANADEM, la Banque canadienne de ressources pour la démocratie et les droits de la personne, les centres parlementaires et d'autres entités. Ce groupe ne devrait pas être en opposition avec les groupes existants, mais plutôt leur apporter son soutien. La seconde institution serait l'institut de saine gouvernance, qui exploiterait les capacités des meilleurs groupes.
Je pense que l'engagement des institutions est nécessaire pour modifier la dynamique entourant aujourd'hui la gouvernance démocratique à l'échelle mondiale.
Je vais revenir à vous et vous pourrez m'indiquer comment nous pouvons instaurer ce pare-feu, mais peut-être pouvons-nous entendre M. Lamarre.
Merci.
Le fonds est créé de manière à ce que nous soyons... Comme nous avons des bureaux dans divers pays, nous prenons part aux programmes de ces derniers. Nous finançons des sociétés civiles locales dans certains pays où les gouvernements préféreraient que nous passions par leur entremise. C'est d'ailleurs ce que nous faisons; nous les informons que nous allons entreprendre un projet dans leur pays.
Par exemple, le Fonds des Nations Unies pour la démocratie travaille main dans la main avec le gouvernement pour choisir un programme local. Nous avons décidé de nous adresser à un autre échelon de la société dans chaque pays pour donner à la société civile l'occasion de collaborer avec nous. Les Nations unies veulent chercher des architectes locaux en évitant les intermédiaires.
Il faut également tenir compte de notre taille. Notre effectif et nos fonds étant limités, nous souhaitons éviter d'ajouter une couche de bureaucratie. Nous voulons également assurer la reddition de comptes. En collaborant directement avec la société civile, nous pouvons y parvenir. L'objectif consiste à renforcer l'autonomie.
Certaines organisations s'adressent effectivement à nous et doivent présenter leur cause. Pour notre part, nous réussissons à rester dans une zone où nous pouvons dire que nous agissons pour le compte des Nations unies, tout en collaborant directement avec la société civile dans chaque pays. Il faut faire preuve de doigté dans mon domaine.
Notre fonds est conçu de telle sorte qu'il fonctionne de manière légèrement différente de celle des autres entités des Nations unies. Il a été conçu à cette fin, sinon, nous ne pourrions accomplir notre mission.
Bonjour à vous deux et merci beaucoup de témoigner ce matin.
Monsieur Greenhill, je commencerai par vous, car je pense que vous avez exprimé avec éloquence quelque chose qui me trouble depuis quelques années.
Le problème vient en partie du manque de leadership de la part des États-Unis. On a observé l'engagement de l'Europe de l'Est, particulièrement en Hongrie et en Pologne. Les pays de Visegrad deviennent plus populistes, même s'il s'agit de démocraties assez bien établies. La démocratie fait son apparition dans certains pays d'Afrique historiquement divisés en clans et en tribus. Il y a donc des problèmes géopolitiques internes et externes.
Laissons cela de côté. De toutes les personnes auxquelles nous avons parlé, aucune n'a fait valoir l'argument économique. Si nous intervenons dans un pays afin d'y favoriser la démocratie, je pense qu'il faudrait du même coup y établir un système économique, car l'un ne va pas sans l'autre, selon moi.
Si on retourne dans l'histoire, à la conférence de Bretton Woods tenue en 1944 et à la création du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, ces initiatives visaient en partie à stabiliser l'Europe et à assurer la stabilité financière pour que les problèmes financiers ne provoquent pas d'autres complications. Je sais qu'il y a fort à faire au chapitre de la gouvernance démocratique et je pense que c'est excellent, mais jusqu'à présent, personne n'a indiqué que nous devrions favoriser l'économie en parallèle.
Vous avez soulevé des points fort intéressants, des points d'une grande profondeur quand vous parlez de la corruption endémique, de la criminalité, du manque de sécurité et de la faiblesse des institutions. Tous ces problèmes sont omniprésents parce que le système économique n'est pas harmonisé. En période de vaches maigres, les problèmes économiques qui surgiront ébranleront encore davantage les institutions démocratiques. Voilà pourquoi la démocratie ne fonctionne pas toujours pour tout le monde.
Quand le Canada harmonisera-t-il ses démarches avec les sociétés en voie de stabilisation, pas seulement au chapitre de la démocratie, mais aussi sur les plans financiers et économiques?
Permettez-moi de formuler trois brèves réponses à ces questions.
Sachez d'abord que les pays dont le revenu moyen est déjà supérieur, situation qui corrige par le fait même les problèmes de gouvernance, peuvent exploiter des occasions économiques fabuleuses, que ce soit en faisant appel aux personnes talentueuses qui vivent sous la contrainte des kleptocrates du pays ou en créant des occasions d'investissement.
J'ajouterais qu'il s'agit d'une question extrêmement importante pour les entreprises canadiennes également, car la corruption constitue un important obstacle non tarifaire au commerce qui les empêche d'investir et d'agir dans certaines régions. Si nous résolvons ce problème, nous faisons en sorte que les investissements des entreprises canadiennes puissent aider ces pays.
Enfin, pour ce qui est des pays les plus pauvres et les moins développés, il est nécessaire, mais insuffisant d'acquérir le droit à la gouvernance. Comme Madeleine Albright l'a souligné, les gens veulent voter, mais ils veulent aussi manger.
Votre comité a très clairement indiqué, il y a deux ou trois ans, que le Canada devait renforcer son engagement à l'étranger. Il y a 50 ans paraissait le rapport Pearson, qui préconisait un pourcentage de 0,7 %. Notre engagement est à son plus bas en 50 ans; il est très inférieur à ce qu'il était quand le rapport Pearson a été publié en 1969. En fait, parce que nous avons ralenti nos activités dans ce domaine, nous sommes en train d'échapper le ballon. Au cours des 15 prochaines années, nous pourrions éradiquer l'extrême pauvreté dans le monde, mais il faudrait que des pays comme le Canada soutiennent le développement officiel pendant une ou deux décennies; or, nous avons réduit nos activités.
Votre comité accomplit, dans le domaine de la gouvernance, un important travail qui est absolument essentiel, mais je pense qu'on ne peut faire abstraction des recommandations importantes que vous avez formulées sur l'aide officielle au développement à titre complémentaire.
Ma deuxième question concerne la sphère géopolitique. Certains pays comme le Venezuela, la République démocratique du Congo et d'autres pays dotés de ressources, principalement en Afrique et en Amérique latine, sont la cible d'interventions de pays étrangers qui ne veulent peut-être pas qu'ils suivent la voie de la démocratie.
Nous nous rendons dans un pays pour tenter d'expliquer à ses dirigeants que la démocratie constitue la voie à suivre, alors qu'un pays étranger plus puissant leur affirme d'oublier la démocratie, car ils peuvent bénéficier d'occasions économiques en procédant autrement. Ils leur disent « Faites fi de la primauté du droit, des normes environnementales et de la saine gouvernance; nous allons vous fournir les ressources dont vous avez besoin », en recourant à la corruption dans bien des cas.
Comment pouvons-nous combattre pareil discours? Comme vous l'avez fait remarquer, les gens votent, mais veulent aussi manger, alors comment pouvons-nous contrecarrer ces interventions?
C'est une excellente question. La réponse brève, c'est qu'il faut intervenir intelligemment et à long terme, collaborant avec les groupes de la société civile et les jeunes dirigeants qui veulent vraiment que leur pays s'engage dans une meilleure voie. Il faut veiller à ce que les accords de développement international et les autres ententes mettent davantage l'accent sur la primauté du droit; voilà qui exige de graves conversations.
Dans le cadre d'une initiative de partenariat contre la corruption que j'ai supervisée à l'occasion du Forum économique mondial, nous disions que quand on lutte contre la corruption, cette dernière réplique. En Malaisie, un scandale a éclaté quand d'anciennes têtes dirigeantes de Goldman Sachs ont été accusées. Ces dirigeants recourent aux meilleures capacités du monde. Nous devons être tout aussi avisés.
Merci beaucoup.
Comme nous devons écourter légèrement ce volet de la séance afin de préparer des instructions de rédaction pour notre rapport après le prochain groupe de témoins, je vais suspendre la séance. Nous prendrons une pause de cinq minutes, puis nous entendrons les prochains témoins pour que nous accordions le même temps à nos deux groupes.
Cela étant dit, je partage l'avis de certains membres du Comité; nous avons entendu aujourd'hui des témoignages exceptionnellement importants, des témoignages qui ont été consignés au compte rendu et dont nous pourrons nous servir à la fin de notre étude. Je tiens à vous remercier tous les deux d'avoir comparu ce matin afin de nous faire part de vos points de vue éclairés.
Chers collègues, nous suspendons la séance pour cinq minutes.
Mesdames et messieurs, nous reprenons la séance.
Nous allons maintenant entendre notre deuxième groupe, lequel est composé d'éminents témoins.
Je veux souhaiter la bienvenue à Paul LaRose-Edwards, directeur exécutif de la CANADEM.
Nous recevons également Jean-Paul Ruszkowski, président et chef de la direction, ainsi que Maureen Boyd, présidente du conseil d'administration, du Centre parlementaire.
Merci de comparaître.
Vous serez les derniers témoins que nous entendrons dans le cadre de notre étude. Je demanderais aux deux groupes de faire un exposé de 10 minutes, comme le veut la coutume, puis les membres du Comité vous poseront des questions.
Monsieur Edwards, nous vous demanderions de prendre la parole en premier.
Monsieur le président et distingués membres du Comité, je vous remercie de m'offrir l'occasion de m'adresser à vous.
La CANADEM fait la promotion de la démocratie depuis deux décennies. Pour ma part, j'oeuvre en faveur de la démocratie depuis 30 ans, commençant lors de mon affectation diplomatique au Secrétariat pour les pays du Commonwealth, à Londres, en Angleterre, il y a longtemps de cela, en 1989.
J'ai distribué un bref mémoire sur une facette des deux décennies de travail de promotion de la démocratie de la CANADEM, nommément le travail d'observation des élections. J'espère que ce document montre clairement que le Canada dispose déjà, grâce à la CANADEM, d'une plateforme solide et très compétente de promotion de la démocratie à l'échelle internationale. J'ajouterais qu'il en existe d'autres.
Nous avons montré que nous sommes capables d'être à la hauteur et d'agir efficacement dans des situations difficiles, comme nous l'avons fait en Afghanistan dès 2002. Quand on nous a subitement demandé de déployer des équipes de réforme des forces de police et du système juridique, nous nous sommes exécutés. Puis, de nouveau, en 2008, avec à peine un mois de préavis, on nous a demandé de mettre sur pied une équipe permanente autonome d'experts du renforcement de la capacité de gouvernance à Kaboul, laquelle devait notamment collaborer avec la Commission électorale indépendante de l'Afghanistan. Dans les deux cas, non seulement nous disposions des experts compétents, mais nous étions suffisamment solides pour établir notre propre complexe, assurer notre sécurité et fournir nos véhicules et nos services alimentaires, administratifs et logistiques dans un environnement très difficile.
Au Canada, vous disposez déjà d'au moins un solide organisme de promotion de la démocratie: la CANADEM. Et nous sommes capables d'en faire bien plus, fort d'un effectif de plus de 48 000 personnes, dont 8 000 experts en démocratie.
Vous avez posé trois questions. Vous vouliez d'abord savoir comment le domaine de la promotion de la démocratie a évolué depuis 2007. Comme vous l'avez entendu, il a considérablement changé. À l'étranger, les organismes, dont diverses ONG actives dans des pays étrangers, se sont substantiellement renforcés. Voilà qui est très bénéfique pour la promotion de la démocratie mondiale, mais cela a aussi fait en sorte qu'il est plus difficile pour le Canada de se réinvestir facilement dans la promotion directe de la démocratie et le renforcement de la capacité.
Votre deuxième question concernait le rôle et l'efficacité du Canada dans ce domaine. Au cours de la dernière décennie, le Canada a réduit ses activités directes de promotion de la démocratie à l'échelle internationale. Vous savez, par exemple, que Droits et Démocratie a cessé ses activités à Montréal. Le financement des efforts de promotion de la démocratie des ONG canadiennes, comme le Centre parlementaire et la CANADEM, a pratiquement été réduit à néant. Les initiatives d'observation des élections ont été réduites, puis éliminées entièrement en 2016. Elles n'ont repris que partiellement en Ukraine. Pour ce qui est des démarches indirectes du Canada sous la forme du financement d'ONG et d'autres organismes non canadiens, elles se sont poursuivies, mais à un degré apparemment moindre. Je dis « apparemment », car le manque de transparence quant à la manière dont Affaires mondiales dépense son argent n'a fait que croître.
Je conjure le Comité d'insister auprès d'Affaires mondiales pour qu'il permette à tous de savoir quelles sont les activités et les entités qu'il finance. Tout indique que les ONG canadiennes reçoivent de moins en moins d'argent, alors que les ONG étrangères continuent de recevoir un certain financement. Quant aux organismes des Nations unies et aux autres organisations multilatérales, ils bénéficient d'un financement substantiel, le tout sans examen, sans reddition de comptes et sans vérification de la manière dont ils dépensent les fonds canadiens. Mais ne vous méprenez pas sur mes propos: j'appuie sans réserve les Nations unies.
Dans une perspective d'avenir, votre troisième question portait sur la manière dont le Canada peut appuyer le mieux possible le développement de la démocratie dans le monde. C'est, bien entendu, une question bien plus difficile. Vos délibérations permettront de faire la lumière sur la raison pour laquelle le Canada est, depuis la fin des années 1990, aussi limité dans son travail direct de renforcement de la capacité démocratique et a même réduit ses activités de promotion directe de la démocratie au cours de la dernière décennie. En comprenant les motifs de ce recul, on saura mieux comment le Canada peut aller de l'avant dans l'avenir.
Je clorai mon propos en répondant aux questions suivantes: convient-il de créer un nouvel organisme canadien de promotion de la démocratie ou faudrait-il auparavant financer et renforcer les ONG canadiennes existantes, puis déterminer lesquelles réussissent et peuvent être renforcées davantage pour devenir des championnes canadiennes de la démocratie à l'échelle internationale? Les ONG canadiennes existantes sont-elles incapables de prendre autant d'expansion? Le Canada doit-il alors investir temps et argent afin d'établir un nouvel organisme canadien de promotion de la démocratie? Je ne suis vraiment pas certain de ce qu'il convient de faire à cet égard.
Merci. Je serai ravi de répondre à toutes vos questions.
Merci beaucoup. Nous sommes vraiment honorés de comparaître devant vous après tous ces distingués témoins qui nous ont précédés.
Ces témoins ont fait trois constats des plus convaincants qu'il vaut la peine de répéter: le besoin croissant de développement démocratique à l'échelle planétaire; la nécessité de stabiliser le financement et l'affectation des ressources; et la possibilité d'exploiter l'expertise canadienne à son plein potentiel. Nous allons nous appuyer sur nos 50 années d'une expérience acquise au fil de plus de 120 projets dans 70 pays pour traiter brièvement de chacun de ces éléments.
Pour ce qui est du besoin accru de développement démocratique à l'échelle internationale, j'aimerais vous rappeler les paroles de Derek Mitchell concernant les défis qui découlent des inégalités économiques, de la corruption, des mentalités qui changent plus lentement que les institutions, et des frustrations et réactions négatives qui en découlent. Il a été également souligné le rôle joué par la technologie numérique qui, selon lui, ne fait qu'exacerber ces réactions hostiles.
D'autres témoins ont indiqué que les États-Unis ne semblaient plus jouer le rôle de leadership qui était auparavant le leur. M. Twining, président de l'IRI, a fait valoir que l'aide au développement devrait être axée sur la démocratie, le respect des droits, la gouvernance, la transparence, la reddition de comptes et la lutte contre la corruption. Nous sommes tout à fait d'accord. Au Centre parlementaire, nous estimons que tous les citoyens ont le droit de participer pleinement au processus démocratique et que l'efficacité du Parlement est essentielle à une saine gouvernance. Nos projets produisent des résultats. Je peux vous en donner quelques exemples.
Au cours des 20 dernières années, le Centre parlementaire a mis en oeuvre 50 projets dans plus de 30 pays africains. Nous nous sommes surtout employés à renforcer les comités aux fins de la surveillance et de l'établissement des lois, à appuyer les réseaux interparlementaires régionaux et à doter les secrétariats parlementaires de moyens suffisants.
Nous travaillons à la mise au point des outils nécessaires pour évaluer les résultats. Nous avons ainsi établi l'Indice parlementaire africain qui permet d'évaluer la performance de différents parlements. Nous sommes déterminés à promouvoir l'inclusivité et l'égalité entre les sexes. En Indonésie, notre projet pilote primé Our Voice a utilisé une technologie novatrice — une plateforme de sondage via SMS — pour permettre aux femmes de se servir de leur téléphone pour donner leur opinion sur les services publics offerts. Ce projet a contribué à l'élimination des obstacles qui empêchent traditionnellement les femmes de participer aux processus décisionnels, entraînant ici une transformation concrète du mode de fonctionnement des autorités villageoises.
Nous collaborons aussi avec d'autres organisations. À titre d'exemple, nous coopérons avec des institutions se consacrant à l'émancipation des femmes et des jeunes en Indonésie. Nous voulons appuyer leur travail. Nous avons aussi des partenariats à l'échelle planétaire. Dans le cadre d'un projet très avant-gardiste, le Canada a financé l'élaboration d'un plan stratégique pour renforcer l'Assemblée nationale du Burkina Faso. L'Union européenne, la Suède et la Suisse ont décidé d'apporter leur contribution à ce projet à hauteur de 10 millions de dollars pour les trois prochaines années.
Les secrétaires parlementaires Kamal Khera et Andrew Leslie ont tous les deux cité le projet du Burkina Faso comme exemple de coopération internationale. C'était à l'occasion d'une réception tenue par l'ambassadeur de l'Union européenne avec son homologue suisse et le chargé d'affaires de la Suède.
Nous voulons continuer de miser sur la capacité créatrice, l'innovation, la coopération et les partenariats pour faire progresser la démocratie internationale, et notamment pour appuyer nos efforts visant à renforcer les capacités des parlements et des différents législateurs. Le Canada offre un soutien financier considérable pour la surveillance des élections. On s'est parfois retrouvé ainsi avec des parlementaires élus sans posséder les outils dont ils avaient besoin. Nous estimons donc que tous nos efforts doivent être complémentaires. Nous souhaitons intégrer une composante de gouvernance à toutes nos missions militaires à l'étranger.
Tout plan de développement démocratique devrait prévoir le renforcement de la surveillance exercé par le Parlement du pays à l'égard des services de sécurité. Nous devons former les leaders, appuyer le travail des écoles de leadership, mobiliser les jeunes et promouvoir l'inclusivité. Il nous faut mettre à contribution les nouvelles technologies, y compris l'intelligence artificielle, pour concevoir de nouveaux outils de promotion et de renforcement de la démocratie.
Nous avons besoin à cette fin d'un financement pluriannuel. Cela m'amène au deuxième élément que nous appuyons dans l'argumentation des témoins qui nous ont précédés, soit celui de la nécessité de nationaliser et de stabiliser le financement et l'affectation des ressources. De 2006 à 2016, nous avons vu diminuer les ressources obtenues du gouvernement du Canada pour appuyer nos efforts de renforcement de la gouvernance.
Je me ferai un plaisir de discuter plus à fond de tous ces éléments ainsi que de notre situation comparativement à celle d'autres pays.
Anita Vandenbeld a parlé du fonds de dotation du Congrès qui permet à l'IRI et au NDI de miser sur la résilience, la cohérence et une présence constante pour appuyer la démocratie. Nous n'avons pas de fonds de dotation semblable. Nous n'avons pas non plus de financement de base ni même de financement pluriannuel qui serait garanti.
Christopher MacLennan, sous-ministre adjoint responsable des Enjeux mondiaux et du développement, a témoigné devant vous. Il a indiqué qu'il n'y avait pas de fonds spécialement consacrés à cette fin, mais plutôt des programmes bilatéraux et d'autres initiatives permettant de tirer ponctuellement parti des occasions qui se présentent. Il a dit que cela expliquait la fluctuation des chiffres que l'on peut observer d'une année à l'autre.
Cela résume bien la problématique que nous vivons. Il est difficile pour le Centre parlementaire et les autres ONG de fonctionner sans savoir quand et comment il sera possible d'avoir accès aux fonds nécessaires. Il faudrait que le processus décisionnel soit plus rapide de telle sorte que nous puissions réagir sans tarder lorsque des pays comme l'Ukraine ou le Venezuela se retrouvent dans une situation précaire. Reste quand même qu'un processus décisionnel rapide et prévisible ne servirait absolument à rien s'il ne s'accompagnait pas du financement nécessaire. Cela demeure l'aspect fondamental.
Nous nous entendons également quant au rôle accru que pourraient jouer les Canadiens. Comme l'indiquait Tom Axworthy: « Partout dans le monde, des Canadiens donnent des conseils sur des questions comme l'élaboration d'une charte des droits, le système judiciaire, le fédéralisme et le développement des partis. Tous les pays du monde, sauf le Canada, emploient des Canadiens pour s'occuper de ces questions. »
S'il est possible pour les Canadiens de trouver du travail dans ces domaines, il y a des situations où nous coopérons avec d'autres gouvernements dont les règles ne permettent pas aux organisations canadiennes d'avoir accès aux fonds prévus.
Il faut surtout se demander pourquoi le Canada ne semble pas vouloir tirer parti de cette image de marque, fruit de l'expertise canadienne. Nous sommes reconnus à l'échelle internationale pour notre excellence relativement aux services publics, au système judiciaire, aux entités législatives et à la société civile, incluant les partis politiques. Notre façon canadienne de faire les choses est à la fois pluraliste et inclusive. Je pense que nous sommes tout à fait prêts à faire le travail, et nous voulons le faire.
Merci beaucoup.
Maureen.
C'est parfait.
Comme l'indiquait Jean-Paul, je suis présidente du conseil d'administration à titre bénévole. Je travaille à temps plein comme directrice du Programme de participation parlementaire et diplomatique de l'Université Carleton.
En plus de m'occuper de l'orientation des députés nouvellement élus et de la séance annuelle d'orientation pour les nouveaux diplomates étrangers au Canada, j'ai organisé une vingtaine de colloques dont celui sur la promotion de la démocratie à l'étranger qui s'est tenu il y a environ un an en partenariat avec le caucus pour la démocratie et le Centre parlementaire. Soit dit en passant, nos conférenciers à cette occasion étaient trois Canadiens qui travaillent à l'étranger pour des organisations qui ne sont pas canadiennes.
Comme vous le savez, le Centre parlementaire a vu le jour il y a plus de 50 ans avec pour mandat d'offrir du soutien au Parlement canadien. Au fur et à mesure que les comités et les parlementaires en sont venus à bénéficier d'un appui plus senti par ailleurs, le Centre parlementaire s'est davantage mis au service de législatures étrangères. Il n'en reste pas moins que nous apprécions vivement les excellentes relations que nous avons établies avec les députés et les sénateurs qui participent à nos projets à l'étranger et auprès de délégations étrangères qui nous rendent visite.
Nous savons que notre travail est apprécié. Nous avons célébré notre 50e anniversaire en mars dernier avec un comité d'accueil honoraire composé de tous les anciens premiers ministres et de tous les anciens gouverneurs généraux. Les 300 invités présents ont pu entendre des allocutions du Président de la Chambre, M. Regan, de David Johnston, du ministre par intérim des Institutions démocratiques et d'un trio de femmes parlementaires composé des députées Vandenbeld et Laverdière et de la sénatrice Andreychuk.
Le Centre parlementaire se prépare en vue des 50 prochaines années. Nous avons renouvelé notre conseil d'administration. David Johnston est notre nouveau président honoraire. Parmi les nouveaux membres de notre conseil, notons M. Allan Rock, président émérite de l'Université d'Ottawa; Mme Catherine Cano, PDG de CPAC; M. Graham Fox, président et chef de la direction de l'Institut de recherche en politiques publiques; Mme Audrey O'Brien, greffière émérite; M. Fen Hampson, directeur du programme des politiques et de la sécurité mondiale au Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale (CIGI); et notre vice-président, M. Yaroslav Baran.
Nous pouvons donc compter sur un conseil d'administration solide et déterminé, et les initiatives déjà planifiées ne manquent pas. Nous souhaitons rétablir une connexion plus étroite et des liens plus forts avec le Parlement. Nous avons mis sur pied un groupe, Parlementaires pour le Centre parlementaire, qui travaillent dans le sens de nos objectifs. Nous vous invitons tous à joindre les rangs de ce groupe si ce n'est pas déjà fait. Nous nous dirigeons vers une démarche de leadership éclairé.
D'autres témoins ont mentionné la nécessité de promouvoir la démocratie au Canada également. Nous sommes d'accord. Nous voulons mobiliser les Canadiens, et les jeunes tout particulièrement. Nous allons ainsi organiser au printemps un marathon de programmation intitulé « Democracy Rebooted » qui permettra à des jeunes et à des programmeurs du gouvernement et du secteur privé de créer de 10 à 15 prototypes d'outils et de politiques pour une démocratie plus saine.
Je veux prendre un moment pour remercier notre chef de la direction, Jean-Paul Ruszkowski, qui a dirigé le Centre parlementaire au cours des neuf dernières années et qui tirera sa révérence cet automne. Notre processus de mise en candidature pour le remplacer sera lancé le mois prochain, et j'invite les parlementaires à nous faire part de leurs suggestions s'ils croient connaître un candidat à la hauteur de la tâche. Notre nouveau chef de la direction sera en poste au début de la prochaine législature.
En 2017, votre comité recommandait l'établissement d'une nouvelle fondation canadienne indépendante pour le développement de la démocratie à l'échelle internationale ou d'une instance équivalente. Cette instance équivalente vous l'avez devant vous avec le Centre parlementaire, une organisation d'ores et déjà capable de remplir ce mandat. Nous nous sommes bâti une réputation sans tache au fil des 50 dernières années et nous sommes déterminés à continuer à contribuer au développement de la démocratie à l'échelle planétaire au cours des 50 prochaines années. Pourquoi ne pas faire appel davantage à nos services?
Merci.
Merci.
Nous allons passer directement aux questions.
La première intervenante sera Mme Kusie. Vous avez six minutes.
Merci, monsieur le président.
[Français]
Monsieur Ruszkowski, c'est toujours un plaisir de vous voir. Merci d'être ici aujourd'hui.
[Traduction]
Maureen, c'est vraiment un plaisir de vous voir. Je regrette simplement de ne pas vous avoir croisée avant cette semaine. J'aime bien toujours préciser d'entrée de jeu que je suis très fière d'avoir été pendant 15 ans à l'emploi d'Affaires mondiales Canada où j'ai occupé différents postes, dont le dernier à titre de consule générale adjointe à Dallas, au Texas.
Comme je ne suis pas une membre régulière de ce comité, je trouve tout cela fort intéressant. C'est la deuxième séance à laquelle je participe dans le cadre de cette étude, ce qui me donne un aperçu des différentes approches qui sont explorées. D'après ce que je puis constater, on s'emploie surtout à intervenir auprès de la société civile en cherchant à améliorer les choses sur le terrain dans les différents pays concernés.
Je m'intéresse toujours de plus près au portrait d'ensemble, à l'aspect leadership. Nous recevions un représentant d'une agence des Nations unies au sein du groupe de témoins précédent. J'ai lu récemment le livre de Madeleine Albright qui, en toute franchise, m'a un peu déçue. J'ai l'impression qu'elle s'est contentée d'un simple survol de tous les dictateurs que l'Histoire nous a donné en mentionnant que le président actuel des États-Unis en fait partie, ce que plusieurs ne contesteront certes pas. J'ai préféré le récent ouvrage How Democracies Die où Ziblatt et Levitsky parlent de la dégradation progressive de la démocratie dans le monde.
Je vais adresser ma première question à vous deux, monsieur Ruszkowski et madame Boyd. Selon vous, quel rôle devraient jouer les Nations unies pour la protection de la démocratie à l'échelle internationale? S'il me reste du temps, j'aurais aussi quelques questions très précises à poser à M. LaRose-Edwards concernant la manière dont nous nous y prenons pour intervenir en ce sens auprès de la société civile.
Nous allons partout dans le monde pour créer ces institutions et essayer d'améliorer les choses, tant et si bien que le Canada est devenu un chef de file mondial en la matière comme l'indiquent ces études. Je ne peux toutefois pas m'empêcher de me demander à quoi va servir vraiment ce travail si nos dirigeants ne s'adressent pas aux plus hautes instances étrangères pour transmettre ce même message de l'importance d'une démocratie forte, surtout dans le cadre de nos relations avec les dictatures et leurs chefs.
Pouvez-vous donc nous dire d'abord comment vous percevez le rôle des Nations unies pour le renforcement de la démocratie? Je vous rappelle que nos témoins précédents nous ont indiqué qu'il n'y avait pas d'organisme central s'occupant de démocratie. Je voudrais bien pour ma part qu'il y en ait un. À mon sens, c'est un rôle que pourraient jouer les Nations unies. De plus, dans quelle mesure est-il important que les dirigeants canadiens servent de messagers pour la promotion de la démocratie à l'échelle mondiale?
Merci.
La première question est la plus difficile. Comme vous le savez, l'Organisation des Nations unies est un vaste conglomérat d'entités ayant des missions et des mandats très distincts. Mon expérience sur le terrain m'amène surtout à m'inquiéter du fait qu'il n'est pas toujours très facile de comprendre exactement les objectifs visés par ces différentes entités.
Je vais vous donner un exemple. On avait institué pour le Nigeria un important fonds commun pour la démocratie. Les gouvernements des États-Unis, du Canada et du Royaume-Uni y contribuaient. Nous avons fait des pieds et des mains pour coopérer avec le bureau responsable de ce fonds à Abuja. La situation est devenue très étrange, car on n'a jamais pu nous expliquer clairement comment nous devrions nous y prendre. Lorsqu'on nous a enfin dit que nous devions obtenir le soutien de la législature nigériane, nous l'avons fait, mais rien ne s'est produit par la suite.
Notre haut-commissaire à l'époque, Chris Cooter, souhaitait ardemment obtenir un bilan de l'utilisation de ce fonds commun, un désir partagé par son homologue britannique. Nous n'avons jamais pu obtenir de réponses satisfaisantes pour nos contribuables.
Il est très difficile de se retrouver sur le même pied que les Nations unies qui interviennent dans toutes sortes de domaines différents. C'est une situation qui me préoccupe vraiment.
Dans l'ensemble, le Canada a su jouer un rôle bénéfique, mais a toutefois manqué d'audace. Nous en sommes rendus au point où il faut prendre certains risques. Je pense notamment au travail accompli par votre président, Michael Levitt, au Venezuela. C'est un modèle à suivre pour le Canada qui doit se montrer davantage proactif et se faire plus visible. Nous devons mettre en commun nos ressources et mobiliser nos alliés, comme nous le faisons au Venezuela.
Le dossier vénézuélien montre bien quel genre de contribution le Canada peut apporter. Je crois que Mme Freeland a décidé d'exercer un plus grand leadership en la matière. Nous pouvons compter sur un excellent envoyé spécial en la personne d' Allan Culham. Je voudrais voir davantage d'initiatives semblables à celle menée au Venezuela.
Merci.
Je tiens à remercier également nos témoins.
Mes questions s'adressent à M. LaRose-Edwards.
À la page 2 du document que vous nous avez remis, on trouve un tableau portant sur les missions d'observation des élections de CANADEM en Ukraine au fil des ans. Il y a eu un grand nombre de ces missions, et aussi un nombre considérable d'observateurs.
Y a-t-il un autre pays du monde où nous avons été aussi présents pour faire l'observation d'élections?
Non, comme nous le savons, l'Ukraine est presque un cas à part en raison de l'importante communauté canado-ukrainienne. Dans ce contexte, il apparaît tout à fait logique de mener une importante mission canadienne indépendante dans ce pays en plus de déployer des effectifs dans le cadre des missions d'observation des élections de l'OSCE, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.
Vous avez indiqué d'entrée de jeu qu'il y avait d'autres diasporas au Canada et qu'il pourrait donc être possible de reproduire ce modèle dans certains autres pays. Ce n'est jamais chose facile. Les diasporas sont elles-mêmes extrêmement politisées, ce qui rend plus difficile de mener des missions canadiennes indépendantes, mais cela demeure un outil à considérer.
Si l'on pousse plus loin l'analyse, on peut dire que c'est ce que nous faisons depuis des décennies. À la fin de chaque mission indépendante, nous procédons aussi bien à l'interne qu'avec le ministère des Affaires étrangères à une réévaluation pour déterminer s'il était logique de le faire et si notre contribution a apporté quelque chose de plus. Nous en sommes toujours arrivés à la conclusion que c'était assurément le cas. Parmi les enseignements tirés de ces évaluations, il y avait également la nécessité de réfléchir à la possibilité de reproduire ce modèle avec d'autres pays du monde.
Excellent. Merci pour cette réponse.
Je peux vous le confirmer. Il ne faut pas s'arrêter seulement aux chiffres, car les besoins peuvent changer. On atteint presque les 500 observateurs dans quelques-unes de ces missions qui ont commencé en 2004. L'apport de la diaspora fait en sorte que l'on n'a plus besoin de ces centaines d'interprètes — pour le russe et l'ukrainien — sans compter la meilleure compréhension de la culture dont elle nous fait bénéficier.
J'ai participé à la Mission d'observation de l'OSCE pour les élections parlementaires en Crimée. Après une longue journée de travail, je suis passé rapidement par l'hôtel pour prendre une douche et me changer. J'ai revu tous mes collègues dans le salon de l'hôtel. C'était des membres de la diaspora qui avaient pris une douche, s'étaient changés et étaient ressortis. Ils peuvent ainsi parfois insuffler une énergie très différente. J'ai pu le constater à maintes reprises dans plusieurs endroits. L'engagement envers la démocratie n'est pas tout à fait le même pour ces gens qui se retrouvent dans leur pays d'origine.
Il a été question tout à l'heure du Venezuela. Il est bien certain que nous sommes de tout coeur avec tous ceux qui souffrent sous le joug du régime vénézuélien et que nous espérons voir des possibilités nouvelles s'offrir à eux.
De combien de temps de préparation et de quel genre de ressources une organisation comme la vôtre, CANADEM, aurait-elle besoin pour organiser une mission d'observation dans un pays où il n'y en a pas encore eu, comme c'était le cas en Ukraine?
Notre statut d'ONG nous permet entre autres de pouvoir réagir plus rapidement qu'une grande organisation comme la fonction publique. Nous nous sommes donné une réglementation très simple qui nous permet de passer à l'action dans le temps de le dire, soit littéralement en quelques jours à peine.
Cela dit, l'observation des élections s'est transformée considérablement au cours des dernières décennies. Il ne s'agit plus simplement de déployer un grand nombre d'observateurs à court terme pour le jour de l'élection uniquement. C'est désormais un cycle complet qui exige la présence d'observateurs à long terme, une composante clé.
Pour poursuivre dans le sens de ce que vous indiquiez, c'est un cycle qui ne se termine pas au soir de l'élection. On ne peut pas se contenter de produire un rapport avant de passer à autre chose. Parmi les forces de la communauté canado-ukrainienne, on peut noter non seulement cette énergie qu'elle insuffle à l'observation des élections, mais aussi le travail effectué sur ces dossiers de bien des manières différentes entre les élections. C'est à ce niveau que s'accomplit le plus gros du boulot pour la promotion de la démocratie. L'observation directe des élections est cruciale et le rôle des observateurs à long terme gagne en importance, mais il ne faut pas négliger les activités de suivi.
Je crois que ceux que la chose intéresse pourront se réjouir grandement du rôle joué par Mission Canada cet automne à l'issue des élections présidentielles et parlementaires.
Nous cherchons des façons de maintenir ce même niveau d'énergie entre la période électorale de cet automne et les prochaines élections ukrainiennes qui auront lieu dans quatre ans. Nous nous employons tous à trouver des moyens de faire en sorte que le processus produise des résultats plus concrets en évitant de se limiter aux seules missions à court terme.
Il est bien certain que nous pourrions faire la même chose partout dans le monde, mais nous pouvons peut-être décider de concentrer nos efforts sur certains pays à l'échelle régionale et continentale. Il y a aussi toute la question — que vous avez abordée dans l'une de vos diapos — des sommes dépensées et des résultats obtenus. Il est vraiment difficile d'évaluer ces résultats. En 2004, j'ai présenté mes arguments en faveur d'un contingent important d'observateurs en sortant de nulle part une statistique indiquant que pour chaque dollar dépensé, nous allions épargner 100 $ en éventuels coûts liés à la sécurité.
C'est encore le cas en Ukraine. Nous consacrons des ressources importantes à la mission qui s'en vient. Vous avez parlé des possibilités de suivi à cet égard.
Est-ce que vous disposez de ressources suffisantes pour cette mission? Peut-être pourriez-vous faire brièvement le point avec nous sur le déroulement de cette mission, car vous avez déjà des gens sur le terrain.
Tout se déroule très bien. Nous avons déjà 50 observateurs à long terme sur place dans le cadre de la mission du Canada. Nous en avons huit autres qui travaillent sous la direction de l'OSCE. Le processus de sélection tire à sa fin pour les observateurs à court terme. Leur déploiement débutera dans quelques semaines.
Tout se passe donc très bien et nous sommes loin de manquer de ressources. Il y a toujours des détails à régler. Nous allons ainsi notamment financer nous-mêmes au cours des quatre prochaines années un relevé des capacités au sein de la société civile canadienne dans son ensemble — les Canado-Ukrainiens et les autres — pour le travail à long terme à accomplir là-bas, en Ukraine.
Cela fait partie des choses que nous voulons faire nous-mêmes. Il n'y a pas de financement prévu à cette fin, mais nous estimons que c'est suffisamment important pour que nous trouvions un moyen de rassembler les fonds nécessaires.
Merci à nos trois témoins.
J'espère bien être invitée à vos activités. Voilà maintenant 11 ans que je suis ici, et je n'ai jamais entendu parler de votre groupe auparavant.
Je crois que c'est vous, monsieur LaRose-Edwards, qui avez soulevé cette question. J'aimerais savoir ce que vous pensez de deux recommandations possibles pour notre comité si jamais nous décidons qu'une nouvelle entité est requise.
Il est bien certain que vous accomplissez d'ores et déjà du bon travail. Nous avons entendu les représentants de différentes organisations canadiennes qui font déjà un travail formidable. Nous avons aussi entendu des gens des Nations unies ainsi que des États-Unis et de l'Europe. Ne croyez-vous pas qu'avant de constituer un nouveau groupe et de déterminer le mandat à lui confier, il serait bon que nous procédions à une analyse des lacunes à combler par rapport au travail qu'effectuent maintenant ces différentes entités qui s'emploient notamment à instaurer des démocraties ou à en améliorer le fonctionnement, y compris toutes celles dont nous avons déjà parlé, à lutter contre la corruption et à s'assurer que justice est faite? Pourriez-vous alors nous en dire plus long au sujet du principal besoin à combler selon vous?
Dans le même ordre d'idées, pouvez-vous nous aider à y voir plus clair quant à une éventuelle intention de remplacer tout ce qui existe déjà ou de plutôt reconnaître le besoin constant de soutien pour l'excellent travail accompli par les autres groupes, en s'appuyant sur une meilleure compréhension des rôles de chacun? J'aimerais bien savoir ce que vous en pensez.
C'est beaucoup pour nous.
L'histoire de CANADEM a suivi cette voie. Au départ, nous recevions 147 000 $ par année. Après un certain temps, nous avons fait nos preuves, et nous avons obtenu plus de financement. Depuis quatre ans, c'est le gouvernement britannique qui nous finance le plus parce que nous avons fait nos preuves et il nous aide beaucoup sur ce plan.
C'est toujours la voie que je privilégie. Les gros boums semblent toujours bons, mais ils sont difficiles à réaliser. Il faut adopter des mesures législatives. Où obtient-on les fonds? Qu'en est-il de l'embauche de personnel? Tout cela prend du temps.
Pendant ce temps, il y a des organismes existants — le Centre parlementaire, notre organisme — qui peuvent être à la hauteur et faire des choses. Cela permet également de se pencher sur CANADEM et de dire « Paul a beaucoup parlé, mais en fait, il ne peut pas vraiment livrer la marchandise, alors nous allons cesser de les financer ou nous allons continuer de les financer au même niveau », ou l'inverse.
De nombreux organismes au Canada ont le potentiel d'être à la hauteur et d'agir efficacement. Puis, on en choisit quatre ou cinq parmi eux qui peuvent être de principaux porte-paroles pour le Canada.
L'une des choses que les ONG peuvent faire — et vous en avez parlé également —, c'est aider à maintenir une distance. Eh bien, les ONG, selon leurs dirigeants et la composition de leur personnel, sont très indépendantes. Elles font les choses de la façon qu'elles croient la bonne, et elles sont indépendantes.
J'ignore si cela a couvert une assez bonne partie des questions, mais je sais que Jean-Paul a probablement quelque chose à ajouter.
Vous avez dit, entre autres, qu'il faut s'assurer que les organismes qui fonctionnent bien ne sont pas dérangés ou distraits par la création d'un nouvel organisme.
Je ne suis pas du tout objectif. Je crois que le Centre parlementaire est très bien placé pour faire beaucoup de travail. Il en est de même pour CANADEM. C'est l'idée de conserver ce que nous avons déjà.
Je suis également d'accord en ce qui concerne la difficulté d'avoir quelque chose de plus grande envergure par voie législative. Je suis très déçu que nous ayons perdu Droits et Démocratie, mais qui dit que cela ne pourrait pas se reproduire? L'idée, c'est vraiment de conserver les ressources que nous avons. C'est aussi de s'assurer que les organismes sont bien financés, que des efforts sont déployés pour mettre en oeuvre des programmes pluriannuels et qu'Affaires mondiales Canada nous considère comme des partenaires et non comme des groupes marginaux.
Puis-je ajouter une petite chose?
En 2007, vous avez recommandé qu'il y ait deux organismes. Rien ne s'est passé, et c'est ce qui est préoccupant. Nous avons l'impression qu'il faut procéder par étapes; obtenons des fonds.
Nous avons ici des données que nous pouvons vous distribuer, mais elles ne sont qu'en anglais. Si vous le souhaitez, vous pouvez nous les demander plus tard. Elles indiquent que comparativement à d'autres pays, le Canada ne finance pas beaucoup l'aide publique au développement et cela va en majeure partie, comme nous l'avons souligné...
Que ce soit parce qu'il est plus facile pour Affaires mondiales de donner les fonds aux Nations unies, parce qu'il n'a alors pas à contrôler l'argent par la suite, ou peu importe la raison, nous ne sommes pas financés aussi généreusement. Notre conseil d'administration consacre énormément de temps à chercher des fonds alors qu'il pourrait faire beaucoup plus pour promouvoir la démocratie à l'étranger.
Personne n'a vraiment répondu à ma question.
Je pense qu'au départ, la proposition de créer un nouveau groupe ne signifie nullement que nous pensons que les organismes actuels ne font rien. Dans un premier temps, il faut déterminer clairement quels sont les avantages des institutions existantes que le Canada décide de continuer à financer et, par la suite, repérer les lacunes. C'est probablement ce que le groupe ferait.
Il y a un aspect dont j'aimerais que les gens parlent — et nous n'aurons pas l'occasion d'entendre d'autres témoins —, et c'est que lorsqu'une entité est établie indépendamment comme une ONG ou constituée en société, elle peut accepter des fonds du public ou de sociétés privées, mais si elle est créée à titre d'entité gouvernementale, ce n'est pas nécessairement le cas.
Je pense donc qu'il nous faut nous pencher sur de nombreuses questions, mais je vous remercie beaucoup de vos commentaires.
Je vous remercie tous les trois de nous faire profiter de vos connaissances et de votre expérience.
Ma première question s'adresse à M. LaRose-Edwards.
Vous avez comparu devant notre comité il y a 13 ans. Qu'est-ce qui a changé au cours de ces 13 années? Les changements sont-ils positifs ou, compte tenu de l'évolution de la technologie dans le monde, pensez-vous qu'ils sont positifs? Comment expliquez-vous les changements, si vous en voyez?
Sur la scène internationale... En fait, je suis optimiste à cet égard. Je pense que le monde progresse très bien. Les gens sont de plus en plus attentifs aux questions démocratiques, et je crois que dans l'ensemble, les choses vont bien. De nombreux organismes dans le monde font la promotion de la démocratie et font du très bon travail.
Pour ce qui est du Canada, je ne suis pas aussi optimiste. Au cours des 13 dernières années, le Canada a régressé à bien des égards, en fait. Nous obtenons de moins en moins de financement du gouvernement canadien. Comme je l'ai dit, depuis quatre ans, c'est le gouvernement britannique qui nous finance le plus.
Nous avons commencé à présenter des propositions dans lesquelles nous n'incluons pas notre logo, car notre organisme a l'air d'être trop canadien. Cela m'agace tellement que nous devions même penser à faire cela. Si l'on est considéré comme étant juste canadien... Parmi les 48 000 personnes que compte notre registre, 60 % ne sont pas des Canadiens, la plupart proviennent du Sud global, mais nous comptons un grand nombre de Canadiens.
Les choses progressent dans le monde, en fait, mais elles sont restées inchangées ou ont peut-être régressé un peu au Canada.
Pouvez-vous nommer deux ou trois aspects pour lesquels nous pouvons aider votre organisme à faire mieux?
Je suis d'accord avec Jean-Paul à ce sujet. Il serait utile de recevoir un financement stable. Je ne veux pas dire qu'il ne serait pas évalué — il faut surveiller les choses de près —, mais il doit y avoir du financement. Il y a également le sentiment, et c'est peut-être un mal canadien — j'ai été témoin de cela pendant toute ma carrière —, que dès qu'un organisme devient un organisme de taille moyenne, on commence à dire « réduisons encore le financement; nous ne voulons pas en faire trop; finançons le National Democratic Institute ».
D'accord. Pourquoi n'avons-nous pas notre propre National Democratic Institute? Le Canada a des National Democratic Institute naissants — le Centre parlementaire et d'autres.
Nous n'avons pas tendance à avancer à cet égard.
Je regarde du côté des Norvégiens. Les Norvégiens et les Européens soutiennent leurs ONG sur le terrain. Nous n'avons pas un tel soutien de la part du Canada parce que le Canada considère que ce n'est peut-être pas approprié.
Je reviens à la même chose sur cette question, mais je pense que le Canada pourrait être plus sûr de lui-même et mieux utiliser ses fonds. Tout ce qu'il faut, c'est qu'il prenne des risques.
Il y a une deuxième chose que j'aimerais mieux comprendre.
Votre organisme collabore avec les Nations unies et l'Union européenne à des projets liés à la réforme du secteur de la sécurité. Quels sont les liens entre le développement démocratique et la réforme de la sécurité?
Évidemment, ils sont étroitement liés. De plus, j'appuie sans réserve l'ONU. Je pense que c'est une organisation extrêmement importante. Nous devons renforcer l'ONU en allant chercher un plus grand nombre de gens qualifiés. J'ai toujours estimé que ce sont les individus qui changent les choses et font les réformes.
Je pense alors qu'il nous faut renforcer l'ONU, mais nous ne devrions pas penser qu'elle fait toujours bien les choses. Certains aspects de l'ONU sont terribles. J'ai déjà été membre du personnel de différentes parties de l'ONU. Certaines sont formidables, mais d'autres sont terribles. Cependant, le Canada a pris l'habitude de simplement faire un chèque à l'ONU en disant « voici 120 millions de dollars; bonne chance ». Nous ne faisons pas de suivi et nous ne voyons pas si l'argent est bien dépensé. Certaines parties de l'ONU méritent ce type de largesse, mais d'autres non.
J'ignore si cela répond à votre question.
Or, l'ONU réunit bon nombre de ces aspects, et voilà en quoi des relations multilatérales sont utiles.
Puis-je seulement dire une chose?
Cela vous semblera peut-être un peu simpliste, mais je suis contre l'externalisation des valeurs canadiennes. C'est essentiellement ce que je veux dire. Si nous voulons projeter une image dans le monde et maintenir la bonne marque que nous avons, nous devons l'appuyer, en prendre le contrôle et ne pas avoir peur d'être Canadiens.
Puisque vous avez la parole, Jean-Paul, dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné que les États-Unis sont plutôt absents maintenant sur la scène internationale au chapitre du leadership. L'autre chose que vous avez dite, c'est que vous avez besoin d'argent.
Ma petite expérience de la vie m'a appris que l'argent ne peut pas tout acheter. Je veux savoir où se situe le Canada dans tout cela. Parle-t-on d'un rôle de premier plan? Parle-t-on d'un engagement pour les 50 prochaines années, comme l'a dit M. LaRose-Edwards?
Quel rôle devrait jouer le Canada, à votre avis?
Je pense que nous devrions jouer un rôle de chef de file, et nous devrions affecter les ressources qu'il faut; autrement dit, il s'agit de joindre le geste à la parole. À mon avis, ce que nous faisons au Venezuela... Je veux que tout le monde ici prenne conscience du fait que c'est la toute première fois qu'en Amérique latine, des dirigeants latino-américains disent au président du Venezuela qu'il doit partir. C'est vraiment une chose dont le Canada peut s'enorgueillir.
Merci.
Nous allons prendre une pause, mais il y aura deux dernières interventions de trois minutes. Ce sont les députées Vandenbeld et Kusie qui auront la parole. Nous devrons ensuite passer aux instructions pour la rédaction d'un projet de rapport, car sinon, ce merveilleux rapport ne poursuivra pas son chemin.
Vous disposez de trois minutes, madame Vandenbeld.
Merci.
Par souci de transparence, je précise qu'il y a 19 ans, j'ai eu ma première affectation internationale avec CANADEM en Bosnie; et qu'il y a 14 ans, j'étais agente de programme pour le Centre parlementaire et, en fait, plus récemment, j'ai siégé au conseil d'administration. Je suis donc bien au courant de l'excellent travail que vous accomplissez, et je crois que sa mise à profit constituera l'un des objectifs du Comité.
Ma question porte sur le besoin de créer une vaste entité qui finance ce type d'activité, tout en étant un centre d'échanges, et qui est capable de combler cette lacune.
Lorsqu'on a commencé à en parler il y a environ 20 ans, ce qui a mené à l'étude de 2007, le Centre parlementaire à l'époque, CANADEM et, je crois, le Centre de recherches pour le développement international, Droits et Démocratie et un certain nombre d'organismes s'y sont opposés avec véhémence. Je me souviens qu'on a parlé du conseil.
Si nous avions mis cela en oeuvre en 2007... Je sais que Droits et Démocratie n'existe plus, et je pense que vos deux organismes sont bien en place aujourd'hui, avec des capacités bien moindres en raison des dons privés et extérieurs. Les choses auraient-elles été différentes aujourd'hui pour vous et pour certains des organismes qui n'existent plus si nous avions mis cela en oeuvre en 2007, avec un mécanisme de financement indépendant du bon vouloir des gouvernements?
Je crois que la situation aurait été pire, car il aurait absorbé tous les fonds.
Si cela devait être un organisme semblable au National Endowment for Democracy aux États-Unis, qui est responsable de débourser des fonds, c'est différent.
Si je suis ambivalent quant à l'idée de créer ce tout nouvel organisme, c'est en raison du temps et des efforts qu'il faut consacrer à sa création et à son financement. Si son rôle consiste en majeure partie à financer des organismes au Canada pour accomplir du bon travail, alors tous les efforts menés pour sa création sont sensés, particulièrement s'il y a un financement garanti.
Par exemple, vous pourriez dire que 10 % du financement pour l'aide étrangère irait automatiquement à cette fondation, qui déterminerait alors les meilleures façons de dépenser cet argent — une partie serait destinée à l'ONU, une autre, à des ONG canadiennes, grandes ou petites —, mais la fondation n'exécuterait pas elle-même un programme. Je crois que ce serait logique.
Je pense que nous devrions être ouverts d'esprit dans la mesure où nous devons conserver les ressources que nous avons et les appuyer. Ce sera là le premier signal que le gouvernement du Canada affecte vraiment des ressources et s'assure qu'il y a une marque canadienne.
Cela n'exclut pas la possibilité de voir comment nous pourrions créer un organisme-cadre, comme vous l'avez décrit, Anita. Évidemment, nous ne devons pas oublier que le développement de la démocratie est vraiment un outil pour notre politique étrangère. Les gens qui pensent le contraire se font des illusions; c'est un outil de politique étrangère. Voilà pourquoi il serait sensé de créer un organisme-cadre. Or, on ne peut pas le remplacer par des discussions.
Merci, monsieur le président.
Madame Boyd, je voulais vous donner une occasion de répondre à mes deux dernières questions, s'il vous plaît, concernant le rôle que joue l'ONU dans la promotion de la démocratie et les répercussions qu'ont les paroles et les actions des hauts dirigeants au Canada sur la démocratie à l'échelle internationale.
Merci.
Merci beaucoup.
Je ne crois pas avoir beaucoup à ajouter à ce que j'ai dit plus tôt sur le rôle de l'ONU. Il ne fait aucun doute que nous devons l'appuyer. Ce que je crains, c'est qu'il est très facile pour Affaires mondiales de donner l'argent à l'ONU d'un coup et de ne pas être responsable de la suite des choses.
Nous devons augmenter le financement. Des gens ont parlé de la Norvège et de la Suède. Nous avons donné environ le même montant que la Suède et la Norvège en 2016 — près de 5 milliards de dollars. Dans notre cas, toutefois, cela représentait 0,26 % du revenu national brut, alors que l'aide fournie par la Suède et la Norvège représentait respectivement 1 % et 1,12 % de leur revenu national brut. Elles ne se contentent pas de belles paroles. Nous pourrions faire beaucoup mieux que ce que nous faisons.
Voilà pourquoi je suis un peu ambivalente. Certes, nous devons appuyer les Nations unies, mais nous devons appuyer le Canada également. En ce moment, on privilégie trop un côté.
Pour ce qui est du leadership, nous avons une marque, en effet. Nous sommes reconnus partout dans le monde pour l'excellence de nos institutions. Il est très important que les Canadiens en fassent la promotion à tous les niveaux, et il s'agit non seulement des hauts dirigeants, mais aussi de nos missions à l'étranger, comme vous l'avez fait.
De 1987 à 1992, j'étais à Hong Kong, avant et après les événements survenus à la place Tiananmen. Le rôle qu'a joué le Canada a été énorme à cet égard. Alors, oui, nous devons le faire, mais il ne s'agit pas seulement des plus hautes sphères — cela inclut les mécanismes cachés.
Pour la dernière minute dont je dispose, je reviens à vous, monsieur LaRose-Edwards, et ma question concerne la technologie.
Lorsque le Canada participe à la surveillance d'élections, quelle proportion du travail que vous accomplissez est effectuée avant l'élection pour ce qui est de la détection des menaces, des problèmes possibles et de leur atténuation? Concernant les observateurs électoraux, vous en avez parlé brièvement en expliquant certaines des fonctions et la façon dont cela peut mener à une élection légitime. C'est un élément intéressant, à l'approche des élections de 2019 au Canada. C'est un environnement différent, bien entendu, mais peut-être pas du point de vue de la cybersécurité.
Pourriez-vous nous dire brièvement ce que vous faites avant de détecter les menaces et les problèmes possibles?
Normalement, le financement d'une mission d'observation des élections arrive à la toute dernière minute. Nous avons donc obtenu le financement pour la mission actuelle la veille de Noël. Le truc, dans ce cas, c'est de trouver les bons spécialistes et ils font déjà cela. Ils le font depuis des années et ils sont professionnels. Voilà ce que nous avons fait. Nous avons affecté le personnel nécessaire à cette mission, avec les 50 observateurs à long terme. La plupart d'entre eux sont des professionnels d'expérience, de sorte qu'ils savaient qu'il y avait de bonnes possibilités que nous les choisissions. Ensuite, ils font leur demande, de sorte que c'est là, le truc. C'est peut-être à la dernière minute, mais si l'on trouve les bons spécialistes, ils y arrivent.
Merci beaucoup.
Je veux remercier nos trois témoins et, bien entendu, nos deux autres témoins — qui, je crois, sont toujours ici, à l'arrière —, de leurs témoignages captivants.
Chers collègues, je vais suspendre la séance pour environ une minute et demie, le temps que la salle se vide, de sorte que nous puissions siéger à huis clos et faire nos travaux avant la pause.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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