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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 110 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er octobre 2024

[Enregistrement électronique]

(1550)

[Français]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la 110e réunion du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
    Je vais commencer par faire quelques rappels. La réunion d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride. Les délibérations sont diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, je précise que la diffusion Web montrera toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité. Les captures d'écran ou la prise de photos de l'écran ne sont pas autorisées.
    C'est la première réunion que nous consacrons à notre nouvelle étude sur la tarification du carbone et la réciprocité des normes. Ce sujet d'étude a été proposé par M. Drouin.
    Monsieur Perron, je vois que vous voulez intervenir. Soyez très bref, s'il vous plaît, puisque nous avons des témoins devant nous.
    Je veux juste mentionner quelque chose, pour que cela figure au compte rendu.
    J'ai fait une remarque aux analystes à propos du titre du document d'information que nous avions reçu. Soit dit en passant, les analystes font un travail extraordinaire, mais je trouvais que le titre avait été un peu trop élagué et qu'on perdait le sens de ce que j'avais ajouté, c'est-à-dire le fait que nous allions vraiment étudier les exigences s'appliquant aux produits venant de l'extérieur. J'en ai déjà discuté avec eux de façon très cordiale, ils ont reçu mes commentaires positivement et ils vont rectifier le tir. Je tenais simplement à mentionner qu'on avait été vigilant à cet égard.
     D'accord. Nous aurons peut-être l'occasion cet après-midi, après notre réunion, de discuter de la façon dont le texte de la motion sera publié.

[Traduction]

    Je vais commencer par nos témoins d'aujourd'hui. Nous avons quatre témoins de quatre ministères différents.
    Je vais commencer par quelqu'un que vous connaissez tous. Du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, nous avons Tom Rosser, sous-ministre adjoint.
    Bienvenue au Comité, monsieur Rosser
    Du ministère des Finances, nous avons Michèle Govier, directrice générale de la Division de la politique commerciale internationale.
    De l'Agence canadienne d'inspection des aliments, nous avons Kathleen Donohue, vice-présidente des Affaires internationales, et Evelyn Soo, directrice exécutive de la Direction de la salubrité des aliments et de la protection des consommateurs.
    Enfin pour le ministère de l'Environnement, nous accueillons Judy Meltzer, sous-ministre adjointe déléguée, Direction générale de la protection de l'environnement. Je crois comprendre que vous n'avez pas de déclaration liminaire, mais que vous serez disponible pour répondre aux questions.
    Je vais commencer par M. Rosser. Vous avez jusqu'à cinq minutes pour faire une déclaration liminaire.
    Agriculture et Agroalimentaire Canada a pour mandat d'assurer la compétitivité, la durabilité et l'adaptabilité à long terme de notre secteur agricole et agroalimentaire. Le Canada figure parmi les principaux exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires dans le monde. De ce fait et grâce à un système commercial prévisible et réglementé, le Canada joue un rôle stratégique vital dans la sécurité alimentaire mondiale.
    Le commerce permet l'échange de biens, de services et de technologies, et contribue à la productivité et à la croissance du secteur agricole, toutes les deux essentielles pour renforcer la durabilité du secteur et accroître la sécurité alimentaire mondiale. On compte de plus en plus sur le commerce pour atteindre ces deux objectifs, mais pour réaliser d'autres visées aussi. Partout dans le monde, le dialogue porte de plus en plus sur ces questions.
    Le Canada croit fermement dans le système multilatéral et participe activement aux discussions internationales sur le commerce et la durabilité. À l'Organisation mondiale du commerce par exemple, le Canada est coorganisateur de ce que l'on appelle les DSCDE, soit les discussions structurées sur le commerce et la durabilité environnementale. Dans ce forum, qui est ouvert à tous, les membres et parties prenantes externes tiennent des discussions transparentes sur les idées et les politiques qui favorisent des pratiques commerciales respectueuses de l'environnement.
    De même, en tant que membre de l'OCDE, le Canada soutient la recherche qui s'y fait sur la relation entre le commerce et la durabilité dans le secteur agricole. Les discussions internationales sur ces enjeux témoignent d'un large éventail de mesures qu'envisagent les différents pays pour améliorer la durabilité, y compris la recherche et l'innovation, les mesures réglementaires, les subventions et d'autres formes de soutiens financiers, et le développement de capacités techniques.
    Étant donné qu'il joue un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire mondiale, le Canada est d'avis que les mesures devraient être les moins restrictives possible. Les agriculteurs canadiens sont fiers, et avec raison, d'avoir su protéger l'environnement à travers le temps. Cet héritage est fondé sur leur volonté de s'améliorer continuellement.
    Grâce à notre Stratégie pour une agriculture durable, notre gouvernement espère, aux côtés de ses partenaires, apporter une contribution à la réalisation des objectifs environnementaux et climatiques du Canada de 2030 et 2050. Cette stratégie contribuera à orienter les mesures collectives à prendre pour améliorer le bilan environnemental du secteur agricole à long terme, avec pour but de faire progresser la durabilité, la compétitivité et l'adaptabilité de ce secteur.

[Français]

    L'agriculture représente environ 10 % des émissions de gaz à effet de serre au Canada, tandis qu'à l'échelle mondiale, le pourcentage est plutôt d'environ 30 %. Au cours des 30 dernières années, le Canada a doublé sa production agricole, tandis que ses émissions de gaz à effet de serre sont restées plus ou moins stables. C'est donc dire qu'il y a eu une chute importante dans l'intensité des émissions.
    Dans l'élaboration de notre stratégie, le fait d'avoir des données fiables est une pierre angulaire de la politique environnementale, puisque c'est ce qui nous permettra de mesurer les progrès.
    En ce qui concerne les ajustements à la frontière pour le carbone, nous sommes au courant du fait que plusieurs pays explorent cette possibilité dans certains secteurs, comme ceux de l'aluminium, de l'acier et des engrais. À notre connaissance, aucun pays n'a proposé une mesure semblable dans le secteur agricole.
    Le Canada travaille depuis longtemps avec ses alliés afin de promouvoir un meilleur accès au marché international et de réduire le plus possible les barrières non tarifaires au commerce international.
    Comme le Comité va sans doute l'entendre au cours de ses travaux, les intervenants agricoles au Canada s'intéressent fortement aux enjeux situés à l'interface entre l'environnement et le commerce international, et ils participent souvent à des discussions à ce sujet, non seulement au Canada, mais aussi à l'international.
    Je remercie les membres du Comité de leur intérêt pour ce sujet.
    Merci beaucoup, monsieur Rosser.
    Je cède maintenant la parole à Mme Govier pour cinq minutes.
(1555)

[Traduction]

    Bonjour, je m'appelle Michèle Govier, et je suis directrice générale de la Division de la politique commerciale internationale au ministère des Finances du Canada. Mon équipe dirige la politique fédérale en matière d'importation, y compris la politique sur les tarifs douaniers et les recours commerciaux, ainsi que l'examen continu, par le gouvernement, des ajustements à la frontière pour le carbone (AFC). Je comprends que le Comité aimerait en connaître davantage au sujet des consultations d'AFC que nous avons entreprises en 2021-2022. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour parler du travail que nous accomplissons dans ce domaine.
     Les AFC visent à tenir compte des différents coûts du carbone auxquels les entreprises sont confrontées, dans tous les pays, lorsque les biens qu'elles produisent sont destinés au commerce international. Habituellement, il s'agit de taxes à la frontière visant à reproduire la tarification nationale du carbone pour les biens importés — mais les remises sur le carbone pour les biens exportés pourraient aussi être envisagées. Les principaux objectifs des AFC consistent à réduire le risque de fuite de carbone — c'est‑à‑dire le déplacement des investissements ou de la production vers des pays où le coût du carbone est inférieur), soutenant ainsi une plus grande ambition climatique et maintenant des règles du jeu équitables pour les industries assujetties à la tarification du carbone.
     Compte tenu de leur complexité administrative et de leur lourd fardeau en matière de conformité, les AFC sont généralement envisagés pour les secteurs à forte intensité d'émissions et les plus exposés aux échanges commerciaux, tels que l'acier, l'aluminium, le ciment et les engrais, entre autres. L'Union européenne sera la première à imposer un AFC. Son mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, ou MACF est actuellement dans une période transitoire, consistant uniquement en déclarations. Les taxes à la frontière sont prévues d'entrer en vigueur en 2026 pour un ensemble restreint de secteurs — c'est‑à‑dire le ciment, l'électricité, les engrais, le fer et l'acier, l'aluminium et l'hydrogène. Le Royaume-Uni est également sur la voie pour imposer un MACF en 2027.
    En 2020, le gouvernement du Canada a annoncé qu'il se pencherait sur les AFC pour faire face aux risques de fuite de carbone et aux pressions concurrentielles associées à la tarification nationale du carbone. En août 2021, le gouvernement a lancé des consultations pour recueillir les points de vue d'un large éventail d'associations industrielles représentant les entreprises des secteurs à forte intensité d'émissions et exposés aux échanges commerciaux, des syndicats, des universitaires, des organisations non gouvernementales, des groupes de réflexion et des provinces et territoires.
     À l'appui de ces consultations, le gouvernement a publié le document « Explorer les ajustements à la frontière pour le carbone pour le Canada », qui aborde les considérations politiques liées aux AFC selon divers points de vue, soit économique, environnemental, et celui des relations commerciales internationales.
     Voici les principaux messages exprimés par les intervenants canadiens lors de nos consultations sur les AFC: un intérêt à l'égard d'un AFC de la part de certains secteurs où la décarbonation pose de plus grands défis et où les risques de fuite de carbone associés à une hausse du prix du carbone sont plus importants, ainsi qu'une forte préférence pour le maintien des mesures existantes d'atténuation des fuites de carbone — par exemple, les allocations gratuites fournies par le biais des systèmes de tarification fondés sur le rendement —, conjointement avec les AFC.
     Les inquiétudes concernaient généralement la possibilité d'éventuelles mesures de rétorsion, les coûts administratifs et l'impact sur les prix, ainsi que l'importance de la coordination avec les États-Unis.
     Plusieurs intervenants du secteur agricole ont participé aux consultations et voici leurs principaux commentaires: soutien mitigé et prudent à l'application des AFC aux produits agricoles, notamment en raison des craintes qu'ils puissent conduire à un protectionnisme commercial accru dans le secteur. Ils reconnaissent que les sources et les coûts du carbone dans le secteur agricole sont plus complexes et ne se prêteraient pas bien à une comptabilisation du carbone associée à un AFC. L'une des recommandations était que la meilleure façon d'assurer la compétitivité de l'agriculture canadienne passe par l'allègement initial de la tarification du carbone, plutôt que par la protection commerciale. Ils ont également exprimé leurs préoccupations concernant l'incidence des AFC sur le coût des intrants agricoles, comme les pesticides et les engrais.
     En explorant les AFC, nous avons relevé des considérations inhérentes à tous les administrations qui envisagent l'instauration d'un AFC, notamment: les avantages d'un AFC pour garantir un environnement équitable et prévisible pour les entreprises dans le cadre de la décarbonation de l'industrie; comment concevoir des AFC qui seraient conformes aux obligations commerciales internationales; l'évaluation des incidences en matière de coût et du fardeau de la conformité des AFC, y compris la transmission des coûts aux industries en aval.
    Toutefois, d'autres considérations revêtent une importance particulière pour le Canada: les différents systèmes provinciaux et territoriaux de tarification du carbone au Canada rendent difficile la conception d'un AFC qui permet d'ajuster avec précision les coûts du carbone partout au pays. À cela s'ajoute l'importance des États-Unis en tant que partenaire commercial et l'absence de tarification fédérale du carbone aux États-Unis.
    Le gouvernement continue d'étudier cet outil stratégique, dans l'optique de ces considérations et en tenant compte du contexte national, notamment du programme général du Canada de transition vers la carboneutralité, ainsi que des évolutions sur la scène internationale. Depuis nos consultations, nous n'avons pas reçu d'autres observations du secteur agricole exprimant un intérêt à l'égard des AFC.
    Je serai ravie de répondre à vos questions. Merci.
(1600)
    Merci beaucoup, madame Govier.
    Je veux m'assurer de bien comprendre, les AFC… Je n'ai pas entendu à quoi renvoie l'acronyme. Est‑ce aux ajustements à la frontière pour le carbone?
    Il s'agit des ajustements à la frontière pour le carbone, oui.
    D'accord, merci.
    Je me tourne maintenant vers Mme Donohue, de l'ACIA.
    Vous avez cinq minutes. La parole est à vous.

[Français]

    Bon après-midi.
    Je remercie les membres du Comité de me donner l'occasion de m'adresser à eux aujourd'hui à propos d'un sujet assez important.
    Je m'appelle Kathleen Donohue. Je suis vice-présidente de la direction générale des Affaires internationales à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ou ACIA.
    Aujourd'hui, mes observations porteront sur le traitement des aliments importés par rapport à ceux produits au Canada.

[Traduction]

    L'Agence canadienne d'inspection des aliments est un organisme de réglementation à vocation scientifique dont le mandat est d'assurer la salubrité des aliments, la santé des animaux et la protection des végétaux afin d'améliorer la santé et le bien-être de la population, de l'environnement et de l'économie du Canada. Tous les aliments vendus au Canada, qu'ils soient préparés au pays ou importés, doivent respecter les normes de salubrité alimentaire et de qualité nutritionnelle ainsi que les exigences d'étiquetage du Règlement sur la salubrité des aliments au Canada et du Règlement sur les aliments et drogues.
    Le rôle de l'ACIA comprend la tenue d'activités fondées sur le risque visant à assurer la salubrité et la conformité des aliments, qu'ils soient locaux ou importés. Pendant l'inspection, l'ACIA vérifie que les aliments sont conformes aux exigences du Canada en matière de salubrité des aliments. L'ACIA prend des mesures lorsqu'un produit ne respecte pas la réglementation canadienne, et ce peu importe l'origine du produit alimentaire. Si un produit est importé, l'agence collabore avec les gouvernements étrangers pour gérer tout risque lié à la salubrité des aliments, au besoin.
    L'ACIA vérifie que les produits provenant de titulaires d'une licence pour la salubrité des aliments au Canada répondent aux exigences fédérales relatives aux aliments. Cette vérification comprend l'échantillonnage et l'analyse des produits, leur inspection et la vérification des plans de contrôle préventif. L'ACIA peut émettre des avis de surveillance à la frontière et effectuer des inspections aux points d'entrée pour empêcher l'entrée au Canada d'aliments non conformes, notamment au moyen d'ordonnances de retrait du Canada, ou de destruction du produit ainsi que de suspension ou d'annulation de licences. Les autres mesures de non-conformité peuvent comprendre la demande de mesures correctives, des saisies et des détentions, et même des poursuites.
    L'ACIA peut conclure des ententes avec des partenaires commerciaux internationaux qui énoncent des conditions précises pour les importations, y compris des conditions qui exigent que le gouvernement étranger produise des certificats pour certains produits.

[Français]

    L'ACIA réalise à l'étranger des audits de systèmes d'inspection des aliments ainsi que des vérifications d'établissements étrangers en fonction des risques, afin de s'assurer que les produits exportés par ces pays et ces établissements satisfont aux exigences canadiennes en matière d'importation.
    En ce qui concerne les produits alimentaires présentant un risque élevé, comme la viande et les mollusques, le système d'inspection d'un pays étranger doit être approuvé au préalable par l'ACIA pour que des produits de ce pays puissent être exportés vers le Canada. Ces évaluations visent à garantir que les produits exportés vers le Canada sont conformes aux lois et aux règlements canadiens.
    En résumé, l'ACIA exige que les produits alimentaires importés respectent le même niveau de protection que ceux produits au Canada. Elle dispose de plusieurs mécanismes pour s'assurer que les produits importés répondent aux exigences du Canada en matière de salubrité des aliments. Par ailleurs, elle peut prendre les mesures nécessaires lorsque ces produits ne répondent pas à ces exigences.
    Merci.
    Je serai heureuse de répondre à toutes vos questions.
    Merci beaucoup, madame Donohue.
    C'est maintenant le moment de poser des questions.
    Nous commençons par les conservateurs.
    Monsieur Barlow, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les fonctionnaires du ministère d'être ici présents.
    Il me semble très intéressant que cette étude soit l'initiative du gouvernement, mais que les fonctionnaires n'étaient pas prêts à aborder le sujet la semaine dernière. Je suis un peu inquiet à l'idée que le gouvernement envisage de mettre en œuvre cette politique sans même être prêt à en discuter en comité.
    Monsieur Rosser, je vais commencer par réagir à vos commentaires.
    Vous avez mentionné que l'ensemble des émissions du domaine de l'agriculture représentent 30 % des émissions mondiales. Les émissions canadiennes représentent 1,6 % des émissions mondiales, et l'agriculture représente 10 % de cette statistique. C'est ce que vous avez dit. Ce sont les chiffres que vous avez fournis concernant nos émissions. Nous sommes clairement bien en dessous de la moyenne mondiale en agriculture.
    Pour ce qui est de notre compétitivité dans le domaine de l'agriculture, pour un grand nombre de nos activités, nous sommes tributaires du commerce international et de l'accès au commerce dans d'autres pays. Selon vous, quel serait l'effet sur la compétitivité du Canada si l'on mettait en place un ajustement à la frontière pour le carbone sur les produits de l'agriculture, alors que nous dépassons déjà de loin d'autres pays en ce qui concerne les émissions et nos réalisations environnementales?
(1605)
    Le député a tout à fait raison, grosso modo, l'agriculture est responsable de 10 % des émissions totales au Canada. Il n'existe pas de source absolue qui permet d'effectuer des comparaisons à l'échelle mondiale, par marchandise, de l'intensité des émissions. Toutefois, les données laissent à penser que le Canada s'en tire très bien en matière de gaz à effet de serre et de durabilité dans le domaine de l'agriculture.
    Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, les acteurs du monde agricole, particulièrement ceux qui sont le plus exposés au commerce, s'intéressent énormément aux conversations portant sur les mesures internationales relatives au commerce. Je pense que c'est parce que leur principale préoccupation, qui est aussi la nôtre, c'est que quelles que soient les mesures mises en place, celles‑ci ne permettent pas aux partenaires d'affaires de créer de nouvelles barrières non tarifaires ou barrières commerciales.
    C'est comme cela, du moins, que je décrirais le point de vue du secteur agricole.
    Je vous remercie, monsieur Rosser.
    Je trouve intéressant que vous et Mme Govier, du ministère des Finances, utilisiez le mot « intérêts » pour décrire les préoccupations très réelles que soulèvent les intervenants que vous avez consultés. Je dirais qu'ils ne sont pas « intéressés ». Ils sont très inquiets des répercussions que cela pourrait avoir, étant donné qu'aucun autre pays, selon vos propres mots, n'envisage d'appliquer une telle mesure aux produits agricoles. Je me demande vraiment pourquoi nous voudrions emprunter cette voie, si aucun autre pays ne le fait.
    Je vais passer à Mme Govier.
    Nous savons maintenant que le coût d'administration de la taxe sur le carbone s'élève à lui seul à environ 82 millions de dollars par année. Il faut près de 500 bureaucrates pour s'acquitter de cette tâche. Je dirais que ce n'est pas le meilleur rendement du capital investi.
    Le ministère des Finances a‑t‑il procédé à une analyse semblable du coût de l'administration d'un ajustement à la frontière pour le carbone pour le ministère des Finances, l'ASFC ou tout autre ministère qui serait chargé d'administrer ce programme?
    Nous n'avons pas fait d'évaluation détaillée des coûts d'administration. D'après ce que nous comprenons et ce que nous croyons, ils seraient assez élevés. Ce n'est pas comme d'appliquer un tarif régulier, si l'on établit, par exemple, que le tarif sera de 10 %, puis qu'il suffit de l'appliquer. Il doit y avoir une évaluation des émissions intégrées dans les marchandises importées, ainsi qu'un travail préparatoire sur les émissions dans notre propre pays, pour permettre une comparaison.
    Nous savons que les mesures prises par l'Union européenne ont nécessité trois ans de travail et la dotation d'un groupe. La Commission du commerce international des États-Unis est en train de mener une étude préliminaire sur les émissions contenues dans les marchandises. C'est un processus assez lourd aussi.
    Je ne dirais pas que ce ne serait pas quelque chose d'assez lourd, mais cela dépendrait aussi de la conception du système.
    J'espère donc que si vous continuez dans cette voie ou si le gouvernement vous demande de suivre cette voie, vous ferez ce genre d'analyse du coût du programme et de ses avantages, le cas échéant, pour notre secteur agricole canadien, en particulier, puisque c'est notre domaine.
    Cette question s'adresse peut-être à M. Rosser, ou à la personne qui est la mieux placée pour y répondre. Vous avez parlé de la mise en œuvre de cette mesure par l'Union européenne en 2026 dans des secteurs très précis, mais pas en agriculture. Avez-vous consulté les États-Unis, qui sont notre principal partenaire commercial et souvent notre principal concurrent en ce qui concerne les produits agricoles?
    Si vous avez mené cette consultation ou eu cette discussion, quelle est la réaction des États-Unis à la mise en œuvre précipitée par le Canada d'un ajustement à la frontière pour le carbone en agriculture?
    Je céderais probablement la parole à ma collègue, Mme Donohue. Elle et moi discutons fréquemment avec nos homologues américains de diverses questions liées au commerce et à l'environnement.
    Je ne sais pas si nous avons discuté précisément avec eux des ajustements à la frontière pour le carbone dans le secteur agricole, simplement parce que ni eux ni nous ne sommes très avancés dans l'examen d'une telle mesure.
    Mme Donohue a probablement eu au moins autant de discussions avec nos homologues américains que moi.
(1610)
    Je suis ici à titre de vice-présidente de la Direction générale des affaires internationales de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, mais je suis à cheval entre deux ministères. Je relève à la fois du sous-ministre d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et de la présidente de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
    Du point de vue d'Agriculture Canada, je suis d'accord avec M. Rosser. Nous n'avons pas encore eu de discussions avec les États-Unis au sujet d'un quelconque programme d'ajustements à la frontière pour le carbone.
    Merci.
    Je vous remercie.
    À titre de précision, d'après la façon dont M. Barlow a formulé sa question, elle porte sur l'idée que le gouvernement envisage une telle mesure. Notre comité étudie la situation dans le monde. À titre de président, je tiens à préciser aux membres du Comité qu'aucun des témoignages ne porte à conclure que le gouvernement envisage une telle mesure au Canada. Nous parlons d'autres pays.
    Est‑ce bien exact, madame Govier?
    Nous envisageons ce genre de mesure depuis 2020 — un AFC —, mais pas dans le secteur agricole, pour le moment. Nous avons mis l'accent sur les secteurs à fortes émissions qui sont exposés au commerce, que j'ai mentionnés plus tôt dans ma déclaration.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Drouin, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins qui sont avec nous.
    Puisque nous parlons des États-Unis, je sais que le sénateur Cassidy, un républicain, et le sénateur Whitehouse, un démocrate, ont tous deux présenté un projet de loi afin d'imposer essentiellement un tarif aux pays qui n'ont pas de tarification de la pollution ou qui ne mesurent pas l'intensité en carbone de la pollution. Concernant l'idée que les États-Unis n'en parlent pas nécessairement, il est certain que les gens qui ont le pouvoir de présenter un projet loi en parlent.
    Mon but ici n'est pas de prédéterminer ce qui pourrait arriver demain matin, mais ce qui pourrait arriver dans 5, 10 ou 15 ans. Vous avez tous témoigné du fait que l'Union européenne et le Royaume-Uni imposeront, d'ici 2026‑2027, un tarif d'ajustement pour le carbone sur les engrais, un intrant que nous utilisons tous — que les agriculteurs utilisent pour produire des aliments —, mais le carbone est aussi un intrant dans les industries de l'acier, de l'aluminium et du ciment. Le monde entier se penche sur la question. Les fuites de carbone sont un enjeu majeur.

[Français]

    Ici, on parle de clauses de réciprocité; en Europe, on parle de clauses miroirs. Les agriculteurs font grandement pression sur la Commission européenne au sujet des clauses miroirs. De quoi s'agit-il, en fait? On veut que les normes agricoles qui s'appliquent en Europe s'appliquent de la même façon aux pays importateurs, comme le Canada. En effet, le Canada exporte des produits agricoles en Europe.
    Ma première question s'adresse à la représentante du ministère des Finances.
    Je sais qu'il y a eu des consultations sur les mécanismes d’ajustement à la frontière pour le carbone. Bien sûr, en agriculture, on dit que ce n'est pas le moment d'appliquer de tels mécanismes, parce qu'on ne sait pas encore comment mesurer les émissions de carbone de façon efficace. Je sais qu'en Europe, c'est ce qu'on a dit. Les conversations à l'échelle internationale vont-elles un peu dans le même sens, c'est-à-dire que, bien que le domaine agricole veuille bien en arriver là un jour ou l'autre, on n'a pas encore trouvé de façon efficace d'y parvenir?
    Je vais répondre à la question en premier, si vous me le permettez, et Mme Govier voudra peut-être ajouter quelque chose par la suite.
    Du point de vue agricole, c'est absolument vrai qu'il y a des discussions à l'échelle internationale. Je pense notamment à l'Organisation mondiale du commerce, à l'Organisation de coopération et de développement économiques et aux réunions de l'ONU à propos de questions agricoles situées à l'interface entre l'environnement et le commerce international. Les ajustements à la frontière pour le carbone sont un aspect de ces discussions, mais je crois qu'elles portent sur le sujet de façon plus large.
    C'est vrai que le fédéral n'est pas sur le point de proposer des politiques dans le domaine agricole. Quoi qu'il en soit, des discussions plus larges se tiennent à l'échelle internationale. À titre de gouvernement, nous sommes bien engagés à cet égard. Nous rencontrons souvent des représentants d'associations agricoles canadiennes qui assistent à des réunions de l'Organisation mondiale du commerce ou à des réunions de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques.
    Souvent, on entend dire que le Canada est responsable de moins de 2 % des émissions de gaz à effet de serre, alors on se demande pourquoi, dans ce cas, il agirait.
    J'aimerais savoir un peu à quoi ressemblent les discussions à l'échelle internationale. J'ai vu les chiffres, et c'est vrai que le Canada est responsable de moins de 2 % des émissions de gaz à effet de serre. En revanche, il est aussi vrai que, mis ensemble, tous les pays qui sont responsables de moins de 2 % des émissions de gaz à effet de serre sont responsables, au bout du compte, d'au moins 40 % des émissions totales dans le monde. Voilà la raison pour laquelle il doit y avoir un effort mondial.
    Quelle est l'attitude des pays responsables de moins de 2 % des émissions de gaz à effet de serre, que ce soit à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques ou au sein d'autres organisations internationales? Est-ce qu'ils s'appuient sur cet argument pour dire qu'ils ne vont rien faire, qu'ils vont observer la situation en retrait et attendre que les États‑Unis et la Chine agissent? Est-ce l'attitude qu'adopte la communauté internationale à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques ou dans les autres forums internationaux?
(1615)
    Je peux seulement parler des réunions auxquelles j'ai assisté récemment, comme celles réunissant des ministres de l'Agriculture. Quand on fait un tour de table, on voit toujours que les répercussions des changements climatiques sur l'agriculture et sur le système agroalimentaire sont une question prioritaire pour presque tout le monde. On ne fait pas de distinction entre les petites îles des Caraïbes et les grands producteurs et exportateurs agricoles. Autrement dit, on ne fait généralement pas de distinction entre les petits et les grands émetteurs. Tout le monde s'intéresse aux répercussions des changements climatiques sur la production agroalimentaire.
    Mon collègue a mentionné le coût lié à l'instauration de mécanismes d'ajustement à la frontière pour le carbone.
    Je sais que des auditeurs européens se trouvent présentement ici, au Canada, pour évaluer les chaînes d'approvisionnement d'industries comme celles du ciment, de l'acier et de l'aluminium, par exemple.
    Le coût sera-t-il assumé par le gouvernement canadien ou par les États qui veulent instaurer un tel tarif?
    Quelles sont vos interactions avec ces auditeurs?
    Nous n'avons pas d'interactions avec eux. Ce sont les exportateurs canadiens qui sont concernés par ces inspections. Notre équipe, au ministère des Finances, s'occupe des importations. Il y a peut-être d'autres personnes au gouvernement qui s'en préoccupent.
    En ce qui concerne le coût, cela dépend de la façon dont le système est conçu. Le coût pourrait être assumé par le gouvernement, ou bien il pourrait être refilé aux exportateurs ou aux importateurs. Différentes façons de faire sont possibles.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Chers collègues, je dois m'excuser, mais d'autres devoirs m'appellent. Il ne s'agit pas de tarifs, mais de mes devoirs de parent.
    Je vais quitter, mais mon bon collègue, Ken McDonald, prendra la relève.
    Merci.
    Dieu merci, nous aurons de l'expertise de l'Atlantique.
    Je suis heureux d'accueillir le député d'Avalon.
    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur McDonald.

[Français]

    Monsieur Perron, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    La petite mise au point que j'ai faite au début de la séance était importante. Au nom de ma formation politique, j'ai accepté que le Comité étudie les exigences relatives aux changements climatiques, mais je voulais que le Comité ratisse plus large et explore la question des normes qu'on exige pour les aliments qui entrent au Canada.
    Madame Donohue, vous en avez beaucoup parlé. Vous avez dit que les produits importés devaient respecter les mêmes normes et offrir les mêmes niveaux de protection que les produits canadiens. Toutefois, ce n'est pas ce que les producteurs locaux nous disent. Ils nous disent plutôt que les produits qui arrivent de l'extérieur du pays ne sont pas assujettis aux mêmes normes que les produits canadiens et que, souvent, les producteurs étrangers utilisent des intrants qui sont interdits ici.
    Comment expliquez-vous cela? Qui dit vrai? Expliquez-moi les nuances, s'il y en a, parce que c'est important.
    Merci de la question, monsieur Perron.

[Traduction]

    À l'Agence canadienne d'inspection des aliments, nous nous attendons à ce que tous les aliments, qu'il soient importés ou produits au pays, répondent aux mêmes exigences réglementaires et de qualité. Je comprends et je reconnais ce que vous nommez. S'il y a un problème particulier, nous sommes certainement disposés à examiner la question et à comprendre la nature de la plainte.
    En ce qui concerne nos exigences, nous nous attendons à ce que les personnes qui importent ou produisent des aliments sous la surveillance de l'Agence... Elles doivent avoir une licence valide délivrée par l'Agence. Elles doivent également être conscientes des dangers associés aux aliments qu'elles importent ou produisent. Il faut mettre en place des contrôles pour y remédier. C'est ce que nous appelons un plan de contrôle préventif.
    Enfin, nous nous attendons à ce qu'elles tiennent des registres pour assurer la traçabilité, de sorte que s'il y a un problème, nous soyons en mesure de retracer les produits.
(1620)

[Français]

    Cependant, en ce qui concerne les produits utilisés pour la production agricole, c'est-à-dire les produits phytosanitaires, vous n'avez pas tant de contrôle sur ce qui arrive de l'extérieur, d'après ce que je comprends. Est-ce exact?
    Non, ce sont les mêmes exigences réglementaires.

[Traduction]

    Encore une fois, les denrées alimentaires importées ou produites au Canada doivent répondre aux mêmes exigences réglementaires.

[Français]

    Loin de moi l'idée de vous coincer, mais je vais prendre l'exemple du canard, qui présente un problème sur le plan de l'importation et de la génétique. Vous en êtes certainement au courant. La France, qui n'est quand même pas un pays du tiers-monde, nous a donné des garanties en ce qui concerne la génétique d'une espèce qui n'est pas vaccinée, mais son importation n'est toujours pas autorisée. Je pense qu'il y a un voyage de prévu, mais cela compromet la production de l'année prochaine. J'imagine que vous en êtes conscients.
    Je peux aussi vous parler du canard provenant de la Hongrie ou de la Pologne. Quand on regarde l'emballage et qu'on l'ouvre, on voit tout de suite que le produit ne répond pas aux normes canadiennes, en raison de la présence de plumes et d'un paquet d'autres facteurs.
    Pendant ce temps, comme vous l'avez dit tantôt dans votre énoncé, vous vous concentrez sur les produits locaux. Comprenez-moi bien, je ne suis pas en train de demander qu'on soit négligent. C'est correct que l'ACIA soit exigeante. Cependant, nos producteurs locaux ont l'impression qu'on s'acharne sur eux, alors que les produits de l'extérieur ne sont pas équivalents. Ça fait plus de cinq ans qu'ils me le disent, alors ça ne doit pas être une impression spontanée qui s'efface après un mois.
    Je pourrais aussi vous parler des carottes qui ont été importées de Chine l'année dernière. Pour savoir quels produits ont été utilisés pour cultiver des aliments, il faut toujours bien que vous ayez la collaboration des autorités locales. Dans le cas de la Chine, à cet égard, je ne sais pas trop comment le dire, mais ce n'est pas le nirvana.
    Je vous laisse nous en parler.
    Je vous remercie encore une fois de vos questions, monsieur Perron.

[Traduction]

    Je pourrais vous parler du canard provenant de France et de la génétique du canard. Il est donc vrai que nous avons actuellement une suspension temporaire des importations de volaille et de produits de volaille en provenance de France, en raison du programme de vaccination contre l'influenza aviaire hautement pathogène de la France. À l'heure actuelle, nous n'autorisons pas l'importation de volaille ou de produits avicoles en provenance de pays qui se font vacciner contre l'influenza aviaire hautement pathogène, ou IAHP. Nous imposons ces restrictions sur les importations parce que nous devons faire preuve de diligence raisonnable. Nous travaillons en ce moment…

[Français]

    Je m'excuse de vous interrompre, madame Donohue, mais il me reste seulement 40 secondes.
    Nos producteurs nous disent que les produits qui entrent au pays ne sont pas conformes aux normes canadiennes. Comment expliquez-vous cela?
    Il y a des inspecteurs qui travaillent pratiquement à temps plein dans certaines de nos usines de production agroalimentaire. En revanche, à quelle fréquence inspecte-t-on les produits étrangers? Quelle est la rigueur, dans tout cela?
     Je peux parler de la fréquence des inspections.

[Traduction]

    Nous utilisons une approche fondée sur le risque pour nos inspections. Vous avez mentionné plus tôt le problème des importations de canards hongrois, et je sais que l'an dernier, nous avons reçu une plainte au bureau des plaintes et des appels de l'Agence. Nous nous sommes penchés sur la question, et nous avons effectué des inspections de produits et des inspections de contrôle préventif des importateurs de viande de canard en provenance de la Hongrie. Nous avons constaté un manque à certains égards chez un importateur, et nous lui avons demandé de mettre en oeuvre ce que nous appelons des mesures correctives.

[Français]

     Merci beaucoup, madame Donohue et monsieur Perron.
    Monsieur Cannings, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
    J'aimerais essayer de comprendre, personnellement, tout d'abord, la proposition de l'Union européenne ou le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières que l'Union européenne propose de mettre en place en 2026.
    Je suppose que Mme Govier est la mieux placée pour répondre à cette question. Où se situe le Canada en matière de tarification du carbone par rapport à l'Union européenne? Sommes-nous sur un pied d'égalité avec elle, ou allons-nous en souffrir dans nos exportations vers l'Union européenne? Je veux voir comment les choses se présentent.
(1625)
    Je peux peut-être laisser Mme Meltzer vous répondre à ce sujet, parce que je connais surtout notre propre mesure d'AFC pour les importations. Je connais certains aspects du MACF, mais je ne suis pas la spécialiste en la matière. Nos collègues d'Affaires mondiales suivent la situation de plus près sous cet angle.
    De toute évidence, nous estimons avoir une tarification du carbone assez robuste et nous avons collaboré très activement avec l'Union européenne pour veiller à ce que cela soit reconnu dans son système. Les Européens en sont encore à l'étape du rapport, alors il est probablement prématuré de dire exactement ce qui va se passer. À l'heure actuelle, les exportateurs fournissent des renseignements pour qu'on puisse connaître leur profil d'émissions, mais je pense que nous devrons attendre que des mesures soient en place pour voir comment cela va fonctionner. Je pense qu'il y a beaucoup de conversations à ce sujet, et je pense qu'il serait préférable qu'Affaires mondiales donne plus de détails sur l'état de ces discussions.
    Madame Meltzer, je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter.
    C'est tout à fait exact. Nous travaillons également très fort avec Affaires mondiales pour nous assurer que nos collègues de l'Union européenne comprennent bien comment les systèmes fonctionnent au Canada, les systèmes provinciaux, territoriaux et fédéraux, mais c'est un peu prématuré. Ils en sont encore à l'étape du rapport, alors je n'ai pas de réponse précise.
    Je ne sais pas si c'est le cas partout en Europe ou seulement dans certains pays, mais je crois comprendre que la tarification du carbone par tonne de carbone y est considérablement plus élevée qu'ici. N'est‑ce pas le cas?
    Encore une fois, sans vouloir trop m'avancer, compte tenu de l'état d'avancement de la mise en œuvre du MACF, je souligne que nous devons tenir compte des différentes façons dont ces industries à forte intensité d'émissions et tributaires du commerce sont taxées dans les systèmes canadiens de tarification fondés sur le rendement, y compris selon nos autres systèmes commerciaux industriels, comme celui du Québec. Nous devons procéder à un examen minutieux pour nous assurer que les Européens comprennent bien tous les systèmes provinciaux. Ce sont des systèmes qui font partie des marchés du carbone, qui sont des systèmes d'échange.
    Nous continuerons de travailler en étroite collaboration pour nous assurer qu'ils comprennent bien nos systèmes et le prix par tonne à mesure que les choses progressent.
    J'ai une autre question. Nous vivons dans un monde où il y a beaucoup d'accords commerciaux. Nous avons un accord commercial avec l'Union européenne, et nous avons des accords commerciaux comme l'ACEUM avec les États-Unis et le Mexique.
    Comment les ajustements à la frontière pour le carbone s'insèrent-ils dans ce cadre? Est‑ce que tout cela est « légal sur le plan commercial », comme on dit, ou comment cela serait‑il mis en oeuvre dans ce monde?
    Les règles de l'Organisation mondiale du commerce sont probablement notre cadre de fonctionnement le plus large. Évidemment, les nouvelles mesures frontalières intéressent les membres de l'OMC. L'essentiel est de s'assurer que la mesure est prise strictement à des fins environnementales. Il ne s'agit pas strictement de protéger nos industries ou quoi que ce soit d'autre. Nous souhaitons véritablement veiller à ce que notre pays atteigne ses objectifs de gestion du carbone, tout en évitant les fuites de carbone, soit des situations où des émissions de carbone seraient attribuées à d'autres pays, ce qui constituerait un mauvais bilan environnemental. Il faut aussi que l'ajustement corresponde à la réalité des producteurs nationaux.
    Les accords commerciaux de base comprennent des dispositions de non-discrimination et des dispositions de traitement national, ce qui signifie qu'on place l'exportateur étranger sur un pied d'égalité avec le marché national. Nos entreprises sont soumises à la tarification du carbone, donc le prix qu'on cherche à imposer aux autres doit permettre d'égaliser les chances.
    Tout se jouera dans les détails; il y aura probablement des différends, et on se demandera si les pays ont atteint le bon équilibre.
    Le seul secteur qui semble figurer sur la liste de l'Union européenne et qui aurait une incidence sur nos agriculteurs est celui des engrais. Je me demande si l'un des témoins pourrait décrire à quel point cela représente un risque pour nous. Je sais que nous fabriquons des engrais ici. Nous en importons probablement des États-Unis. J'aimerais avoir une idée de ce à quoi nous exposera ce genre de mesure.
(1630)
    Je peux peut-être essayer de répondre à cette question, simplement pour dire que nous utilisons le terme « engrais », mais je crois comprendre que l'Union européenne cible plus précisément les engrais azotés. Nous n'en exportons pas beaucoup vers l'Union européenne, contrairement à d'autres types d'engrais.
    En importons-nous?
    Nous importons des engrais azotés dans l'Est du pays. Le gaz naturel représente environ 80 % du coût variable de production. Il peut donc provenir d'Afrique du Nord, de Trinité‑et‑Tobago ou de diverses autres régions du monde.
    Je suis moins certain de la nature du flux commercial, mais je serais surpris que nous en importions des volumes importants de l'Union européenne.
    Merci, monsieur Cannings.
    La parole va maintenant à M. Steinley, qui aura jusqu'a cinq minutes.
    Monsieur Rosser, j'ai écouté les réponses que vous avez données à mon collègue, M. Barlow, et vous avez dit qu'il n'y a pas vraiment de comparaison possible pour ce qui est de la façon dont nous nous en tirons sur le plan environnemental avec ces 10 % d'émissions agricoles par rapport à d'autres régions du monde. Dans le prochain groupe de témoins, nous accueillerons un collègue du Global Institute for Food Security, qui a mené une étude en 2022 sur l'empreinte carbone et la production de diverses cultures, dont le canola, le blé non dur, les pois, le blé dur et les lentilles. Son équipe a comparé l'empreinte carbone de nos producteurs à celle de pays comme l'Australie, la France, l'Allemagne, l'Italie et les États-Unis, et les résultats ont démontré que les producteurs canadiens, en particulier en Saskatchewan et dans l'Ouest canadien, produisent les cultures qui produisent le moins d'émissions de gaz à effet de serre ou d'équivalents en dioxyde de carbone parmi ces régions.
    Nous avons des données tangibles qui montrent que nous faisons déjà un très bon travail et que nous ne devrions pas essayer de pénaliser davantage nos agriculteurs. Le ministère de l'Agriculture tient‑il compte de ces données lorsqu'il envisage de mettre en oeuvre certaines de ces politiques?
    À ce sujet, il y a effectivement des gens qui ont fait une analyse comparative de l'intensité des gaz à effet de serre, y compris les témoins à venir.
    Ce que je voulais dire par mon commentaire précédent, c'est qu'il n'y a pas de source mondiale unique et incontestée dont on dirait: « Ah, ces gens ont les données que nous voulons. » Il y a différentes sources et, en général, celles qui existent montrent que le rendement du Canada est très favorable.
    Encore une fois, différentes études en présentent des gradients différents. Je sais que celle‑ci a été publiée, et nous tenons absolument compte de toutes les analyses qui existent dans ce domaine.
    S'il y a d'autres sources, pourriez-vous communiquer au Comité certaines d'entre elles?
    C'est l'une des études les plus définitives que j'aie vues en ce qui concerne nos éléments de comparaison. Dans le cadre de l'étude, la chaîne d'approvisionnement a également été comparée, et pas seulement ce qui se passe dans les champs. Toutes les étapes de l'exportation ont été comparées, du champ à l'assiette.
    S'il existe d'autres études que vous utilisez à Agriculture Canada, à Environnement Canada ou à Santé Canada pour élaborer la majeure partie de notre politique agricole, pourriez-vous nous les indiquer?
    L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture publie certainement des données comparatives dans ce domaine. L'OCDE ne le fait pas régulièrement, mais je crois qu'elle l'a déjà fait dans le passé.
    Nous serions certainement heureux de faire parvenir au Comité les analyses dont nous avons connaissance dans ce domaine.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Rood.
    J'adresse la question suivante à Mme Donohue ou Soo.
    Des membres de l'industrie et des agriculteurs m'ont dit que votre agence ne disposait pas des ressources nécessaires pour exercer ses fonctions en temps voulu ou même pour appliquer correctement la réglementation existante.
    Avez-vous une idée du fardeau supplémentaire que les mécanismes d’ajustement carbone aux frontières, ou MACF, imposeraient à l'ACIA? Est‑il possible que le ministère des Finances connaisse les coûts qu'entraînera l'aide supplémentaire qui devra être apportée à l'ACIA?
    Non, pas en ce qui concerne les MACF. Nous n'avons pas examiné l'incidence que cet enjeu aurait sur notre travail à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui met l'accent sur la salubrité des aliments et la santé des animaux et des plantes.
    En ce qui concerne nos ressources, nous adoptons en général une approche fondée sur les risques pour cibler nos inspections et vérifier la conformité. Pour ce faire, nous examinons le lieu, la portée et la fréquence de nos activités en fonction du type de produit importé et des risques qu'il peut poser pour la santé humaine et pour la protection des consommateurs. Cela nous permet de concentrer nos ressources dans les secteurs où les besoins et les risques sont les plus importants.
    Je vous remercie de votre question.
(1635)
    J'ajouterais simplement que, dans la mesure où les ajustements à la frontière pour le carbone haussent le coût des produits des entreprises qui veulent pénétrer le marché canadien, il est probable qu'ils réduisent la quantité de produits importés qui entrent au Canada. Par conséquent, je pense que l'ACIA n'aurait pas besoin de ressources supplémentaires.
    Je pense que c'est plutôt le côté administratif qui serait touché. Par exemple, les compétences d'ECCC pourraient être nécessaires pour faire en sorte que nous connaissons les émissions intégrées dans les marchandises, celles de l'ASFC pourraient être nécessaires à la frontière, et celles du ministère des Finances pourraient aussi être nécessaires dans une certaine mesure.
    En ce qui concerne les émissions intégrées, le processus pourrait créer des fardeaux administratifs pour le pays exportateur. Je suis curieuse de savoir si le ministère des Finances a estimé à combien ces coûts pourraient s'élever au Canada.
    Les coûts auxquels vous faites allusion concernent-ils la conformité aux MACF de l'Union européenne, par exemple?
    Je n'ai pas cette information. Comme je l'ai indiqué, ce sont davantage mes collègues d'Affaires mondiales Canada qui suivent l'évolution des MACF et ses conséquences pour les exportateurs canadiens. Alors, il vaudrait mieux adresser ces questions à eux.
    Je vous remercie beaucoup de vos réponses.
    Nous allons maintenant céder la parole à Mme Taylor Roy pendant cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à préciser qu'en réalisant cette étude, nous essayons d'évaluer les répercussions qu'aura l'application des MACF par l'Union européenne ou les États-Unis, où cette question fait l'objet d'un débat intéressant à l'heure actuelle. En fait, je crois que les statistiques indiquent que 73 % des Américains estiment que des mécanismes frontaliers devraient être mis en place pour protéger leurs agriculteurs.
    Les MACF mis en place par d'autres pays ne profiteraient-ils pas en fait aux pays qui ont des politiques environnementales rigoureuses et dont les agriculteurs ont déjà de bons antécédents en matière de protection de l'environnement?
    Je peux parler brièvement de cet aspect.
    En général, cela devrait être le cas. Je sais que certaines de nos industries exportent des produits vers l'Union européenne dans des secteurs qui seront touchés par les MACF. Elles estiment qu'elles bénéficieront de leur caractère écologique parce qu'elles sont plus propres. Dans la mesure où c'est le cas, elles pourraient tirer parti de ces avantages, selon la façon dont tous ces mécanismes sont conçus.
    Toute réduction ou tout recul de notre programme environnemental pourrait avoir pour effet de placer nos agriculteurs dans une position concurrentielle défavorable si les MACF sont effectivement mis en place par de nombreux pays vers lesquels nous exportons nos produits, car le Canada est un grand pays exportateur.
    Est‑ce exact?
    C'est exact. Dans la mesure où nos exportations dépendent des prix établis au Canada ou de notre rendement en matière de réduction des émissions au Canada, cela pourrait être le cas si ces prix ou ce rendement se détériorent par rapport à ceux d'autres pays qui exportent vers ces marchés.
    Mes collègues conservateurs nous ont dit — et je partage leur avis — que notre secteur agricole a en fait un rendement relativement satisfaisant en ce qui concerne les émissions de carbone. Il me semble que nous serions avantagés, non seulement parce que nos exportations ne seraient pas soumises à des droits de douane, ou à des droits de douane aussi élevés que ceux imposés sur les importations en provenance d'autres pays comme l'Union européenne ou les États-Unis, mais aussi parce que nous aurions un programme environnemental ou une tarification de la pollution en place au Canada, et parce que nous encouragerions les Canadiens à élaborer ces nouvelles technologies. Il pourrait y avoir un plus grand marché pour ces produits si certains de ces autres pays sont maintenant assujettis aux MACF de l'Union européenne, des États-Unis ou d'autres pays. Est‑ce exact?
    On cherche à mettre en place des MACF en partie pour augmenter le degré d'ambition, non seulement sur le marché où les produits sont mis en vente, mais aussi ailleurs, afin que les pays puissent bénéficier d'un meilleur accès et obtenir un meilleur rendement. Je ne peux pas parler directement de la façon dont cela touchera le secteur agricole, mais en principe, c'est exact.
    Pour ajouter à cela, je précise que, outre les MACF et les cas d'ajustement à la frontière pour le carbone, nous voyons de nombreux exemples où des partenaires commerciaux mettent en oeuvre des idées qui sont bonnes en théorie, mais qui peuvent créer des barrières non tarifaires et entraver le commerce.
    Si le système fonctionne comme prévu, je pense que les produits agricoles canadiens s'en sortiront très bien si des partenaires commerciaux soumettent les produits canadiens à des MACF ou des mesures connexes. La difficulté réside dans le fait qu'il s'agit de mesures compliquées à mettre en oeuvre. Que ce soit délibérément ou non, les partenaires commerciaux pourraient nuire au commerce.
    Il semble bien que ce soit la voie dans laquelle le monde s'engage actuellement. L'Union européenne se penche sur les nombreux secteurs, et les États-Unis aussi. Une mesure législative a été présentée pour examiner cet enjeu. Le Canada aura‑t‑il vraiment le choix, dans ce cas? Nous serons alors soumis aux MACF des autres pays. Nous disposons d'un solide programme de tarification de la pollution. Pour protéger nos agriculteurs, ne devrions-nous pas mettre en place ces mécanismes d'ajustement à la frontière afin d'éviter les importations en provenance de pays qui n'appliquent pas les mêmes normes environnementales que nous?
(1640)
    Pour clarifier les choses, je suppose que la politique la plus importante qui nous aide sur ces marchés est notre tarification du carbone. Le fait que nous ayons ou non un ajustement carbone à la frontière ne nous donnera pas un meilleur accès au marché de l'Union européenne. Il s'agit plutôt de remédier aux fuites de carbone qui pourraient survenir sur notre marché.
    Oui, mais dans la mesure où nous importons certains produits dans certains secteurs, cela ne permettrait‑il pas d'égaliser un peu les chances, de manière à ce que les pays qui ne disposent pas de mécanismes de tarification du carbone ne soient pas avantagés par rapport à nos agriculteurs?
    Oui.
    Je vous remercie beaucoup de votre réponse.
    Je vais céder mes 30 dernières secondes à la présidence.
    Je vous en remercie. Je suis toujours reconnaissant de ces dons.

[Français]

    Monsieur Perron, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Donohue, vous ne serez pas surprise de me voir m'adresser à vous de nouveau, car nous n'avions pas fini notre discussion.
    Vous dites qu'il y a eu une interdiction dans le cas du canard de Hongrie, mais il reste que ce produit a réussi à entrer au Canada. Il aura fallu que les gens de l'industrie se rendent compte du problème et fassent une dénonciation. Je ne suis pas sûr qu'un produit local qui aurait présenté les mêmes défauts aurait pu être mis sur le marché.
    N'y a-t-il pas un problème quelque part?
    Je vous remercie de la question.

[Traduction]

    Comme je l'ai déjà mentionné, nous adoptons une approche globale de la gestion fondée sur les risques. L'ACIA est une organisation à vocation scientifique. Nous procédons à une évaluation scientifique des risques en nous appuyant sur trois critères, si vous voulez.
    Le premier est notre cadre réglementaire. Nous avons des politiques de contrôle des importations conçues pour assurer le respect des normes nationales et internationales de salubrité alimentaire. Comme je l'ai indiqué, les produits importés et les produits fabriqués au Canada doivent respecter ces normes. L'autre élément est notre inspection et notre suivi. Nous inspectons régulièrement les importations de denrées alimentaires. Pour ce faire, nous utilisons une approche fondée sur les risques pour déterminer où nous devrions concentrer nos ressources. Nous cherchons également à collaborer avec...

[Français]

    Je comprends très bien ce que vous dites, madame Donohue. D'ailleurs, je vous remercie de collaborer et de bien vouloir répondre à nos questions. Cependant, ce que je comprends, c'est que les produits provenant de l'étranger ne font pas l'objet d'autant d'inspections que les produits locaux. Il faudrait peut-être corriger le tir.
    Tantôt, j'ai parlé des carottes en provenance de la Chine. Comment expliquez-vous que les États‑Unis ne laissent pas entrer ce produit sur leur territoire, en invoquant la protection de la qualité du sol et la protection contre des maladies, mais que le Canada en ait laissé entrer sur son territoire l'année passée? Ce que j'entends habituellement, c'est que les normes canadiennes sont souvent plus élevées que les normes américaines. Alors, qu'est-ce qui explique la situation, dans le cas des carottes provenant de la Chine?
    Je dois vous avouer que je ne suis pas au courant de la situation particulière des carottes provenant de la Chine.
    Je peux cependant vous dire qu'à l'Agence, nous avons le Programme national de surveillance des résidus chimiques.

[Traduction]

    Nous vérifions chaque année la conformité. Cela consiste à tester les aliments appartenant à des catégories particulières, notamment la viande, les produits laitiers, les œufs, le miel, les produits de l'érable et les fruits et les légumes transformés.
    Ma réponse a‑t‑elle respecté les 40 secondes qui restaient? J'espère que c'est le cas.
    Vous avez très bien respecté le délai, madame Donohue, et je vous en remercie.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Perron.
    Monsieur Cannings, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

[Traduction]

    Là encore, je vais essayer encore de comprendre comment les MACF de l'Union européenne fonctionnent en ce moment.
    Je suppose que nous sommes dans cette phase de déclaration ou que nous entrons dans cette phase, où les importateurs européens dans ces secteurs — je suppose qu'il s'agit seulement des secteurs des engrais, de l'acier et du ciment — devront déclarer l'intensité carbonique des matériaux. S'ils importent de l'aluminium canadien, par exemple, ils essaient maintenant de déterminer son intensité carbonique.
    Je suppose que la taxe sur le carbone du Canada y est pour quelque chose, n'est‑ce pas?
     Je précise encore une fois que je ne veux pas parler à tort et à travers du système.
    Au cours de la phase de déclaration, je pense qu'ils cherchent moins à savoir si notre tarification du carbone est comparable à celle de l'Union européenne ou si un droit de douane s'applique. Il s'agit plutôt de passer en revue les mécanismes de déclaration pour s'assurer que les informations fournies sont bien étayées et que les méthodologies sont toutes correctes. Ils s'assurent que de bonnes informations leur parviendront au cours de cette phase. Ce type d'évaluation de la tarification du carbone devient plus pertinent lorsque le droit de douane est effectivement mis en place.
(1645)
    S'agit‑il d'une sorte d'analyse du cycle de vie? Le calcul de l'intensité carbonique d'un produit fabriqué en plusieurs étapes peut parfois s'avérer très compliqué.
    Oui. Je pense qu'il ne se limite pas au produit même.
    Je compte sur Mme Meltzer pour me corriger si je me trompe, mais je ne crois pas qu'il s'agisse d'une analyse complète du cycle de vie.
    J'ajouterai que, là encore, nous nous en remettons à Affaires mondiales pour ce qui est des particularités des MACF.
    Cependant, ils cherchent à obtenir un prix sur le carbone explicite. C'est ce que les MACF prennent en compte. Il s'agit de savoir si un pays a une tarification du carbone explicite.
    Je pense que je vais en rester là.
    Fort bien, monsieur Cannings.
    Nous allons maintenant amorcer notre dernière série de questions.
    Monsieur Barlow, la parole est à vous. Vous pouvez intervenir pendant cinq minutes.
    Je ne sais pas si j'aurai besoin d'autant de temps, monsieur le président, mais je vous en suis reconnaissant.
     Je pense que c'est un point très important à souligner, et M. Rosser et Mme Govier l'ont en quelque sorte abordé: les ajustements à la frontière pour le carbone imposés par l'Union européenne ou les États-Unis ne profitent pas aux producteurs canadiens, car notre secteur de l'agriculture a une excellente empreinte carbone, ce qui nous permet de bénéficier d'un meilleur accès aux marchés.
    Je vais vous donner un exemple concret que M. Rosser connaît certainement bien. L'entreprise Harmony Beef de l'Alberta a refait toute sa salle d'abattage pour répondre aux normes de l'Union européenne en matière d'importation de viande bovine. L'Union européenne n'importe pas une seule livre de bœuf canadien, bien qu'une usine de transformation de la viande de l'Alberta ait fait pratiquement tout ce qu'elle pouvait pour se conformer aux normes de l'Union européenne. Je considère les MACF comme une autre barrière commerciale non tarifaire que l'Union européenne ou d'autres pays mettront en place pour protéger leurs propres producteurs, comme l'a déclaré Mme Leah Taylor Roy.
     Madame Donohue, vous êtes peut-être mieux placée pour le savoir.
    Je crois comprendre que, lorsque l'Union européenne mettra en œuvre les MACF en 2026‑2027, le secteur de l'agriculture n'en fera pas partie. Y a‑t‑il une norme fixe, disons, ou une organisation chargée de superviser et d'administrer des ajustements à la frontière pour le carbone qui sont très clairement définis? Si un autre pays — le Canada, par exemple — souhaite importer un produit européen ou exporter un produit dans l'Union européenne, savons-nous exactement quelles seront les règles du jeu et quelles seront les normes que nous devrons respecter? D'après votre expérience, pourrait-il s'agir d'une autre barrière commerciale non tarifaire qui compliquera encore plus l'accès des producteurs canadiens à ces marchés?
    Je sais que c'est une question très vaste, mais je pense qu'il est très important que nous comprenions exactement dans quoi nous nous engageons.
    Je vais peut-être tenter de vous donner une réponse initiale, mais d'autres collègues auront peut-être quelque chose à ajouter à ce sujet.
    Oui, il est tout à fait vrai que nous sommes inquiets, que même des mesures environnementales bien intentionnées... En ce qui concerne les ajustements à la frontière pour le carbone dans le secteur agricole, nous parlons encore d'hypothèses, car personne n'en a proposé. Cependant, même si ces mesures étaient très bien conçues, on pourrait certainement craindre qu'elles ne soient... comme certaines des barrières non tarifaires que les membres ont citées à propos de l'exportation de viande de bœuf. Nous rencontrons ces difficultés constamment, et il est certainement possible que les ajustements à la frontière pour le carbone, qui sont des mesures de lutte contre le changement climatique, se transforment en barrières non tarifaires. C'est un risque que nous nous efforcerons de gérer activement.
    Je pense que la perspective d'éviter ce genre de mesures est l'une des discussions qui passionnent les intervenants agricoles canadiens, non seulement à l'échelle nationale, mais aussi à l'échelle internationale.
    J'avais un autre argument à faire valoir, mais il m'échappe, alors pour gagner du temps, je m'en tiendrai là.
    Pour répondre à votre question, je précise qu'il n'y a pas de norme en place à l'heure actuelle, mais il pourrait très bien s'agir d'une autre barrière commerciale non tarifaire visant à bloquer notre accès à ces marchés, comme l'a mentionné Mme Taylor Roy, et à protéger leurs producteurs. Un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières respecte‑t‑il les exigences de l'OMC, ou l'OMC s'est-elle employée à garantir que les pays qui mettent en œuvre ce type de politiques créeront des garde-fous très clairs quant à la manière d'avoir accès à leurs marchés? Le savez-vous?
    Il n'existe pas de règles de l'OMC portant précisément sur ce type de mesures, et le rôle de l'OMC est différent. Elle ne joue pas le rôle de gendarme. Il incombe vraiment aux membres d'exprimer leurs préoccupations à ce sujet. Je crois que d'autres pays ont fait part à l'OMC de leurs préoccupations concernant les MACF. À mon avis, il reste à voir si cette situation deviendra un différend où ces concepts seront réellement mis à l'épreuve. Je suppose qu'il est un peu prématuré de se prononcer sur la question de savoir si cela va poser des problèmes.
(1650)
    Je vous remercie, monsieur Barlow.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Louis pendant un maximum de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens moi aussi à remercier les témoins. Je vous suis reconnaissant de votre présence et de votre travail assidu. Je pense que vous pouvez nous aider à explorer les avantages stratégiques de la transition continue vers la durabilité dans le secteur agricole canadien.
    Au cours des dernières années, le Canada a constaté un virage important vers la durabilité et la carboneutralité dans son secteur agricole. Les Canadiens accordent de plus en plus la priorité à ces aspects, reconnaissant l'importance des pratiques durables pour la sécurité alimentaire à long terme et pour la santé environnementale. Nous ressentons cet élan dans le secteur agricole pour stimuler le changement grâce aux technologies, aux infrastructures, aux politiques et aux finances.
    L'un des exemples que je connais à l'échelle locale est le travail qui se fait à l'Arrell Food Institute de l'Université de Guelph pour élaborer un plan visant à favoriser l'agriculture adaptée au climat. L'objectif est de produire 26 % plus d'aliments d'ici 2050 tout en réduisant les émissions, ce qui signifie qu'on peut avoir simultanément une productivité plus grande, une agriculture plus durable et des profits plus élevés pour les agriculteurs. J'espère que nous pourrons tous nous entendre et travailler ensemble pour obtenir ces résultats.
    Je voulais adresser les premières questions à Tom Rosser, du ministère de l'Agriculture, et c'est au sujet des incitatifs financiers, des programmes et des mécanismes de soutien qui sont déjà en place pour encourager les agriculteurs et les entreprises agroalimentaires à adopter des pratiques plus durables.
    Je remercie le député de sa question. Je pense qu'il est tout à fait vrai qu'un rendement solide en matière de durabilité — peu importe les mesures d'ajustement à la frontière ou l'approche éventuelle adoptée par d'autres pays — peut être bon sur le plan économique pour le secteur agricole, même s'il y a des cas où les agriculteurs ont besoin d'aide pour mettre en œuvre quelque chose qui aura des avantages à long terme en matière de durabilité. Je ne les aborderai pas en détail, mais je soupçonne que les membres du Comité en connaissent un grand nombre.
    Notre ministère a annoncé quelque chose comme 1,5 milliard de dollars en programmes dans le domaine agroenvironnemental au cours des dernières années pour essayer d'aider les agriculteurs à saisir ces occasions et pour reconnaître que même les avantages économiques à long terme et les avantages environnementaux ont parfois un coût initial qui peut constituer un obstacle pour les agriculteurs qui adoptent ces pratiques.
    Cela m'amène à la question de la Stratégie pour une agriculture durable et des avantages à long terme qu'il faut saisir dès maintenant. Est‑ce possible? Pouvons-nous adopter la durabilité, atteindre la carboneutralité, protéger l'environnement, aider notre économie et, essentiellement, nourrir plus de gens avec moins d'intrants?
    Je tiens à souligner qu'un certain nombre de groupements de producteurs spécialisés du secteur agricole se sont fixé des objectifs de carboneutralité pour 2050, et ils ont très hâte de travailler en partenariat. L'un des incitatifs pour essayer de saisir ces occasions est l'élaboration d'un système de crédits compensatoires, et Mme Meltzer pourra peut-être en parler brièvement.
    Merci, monsieur Rosser.
    J'aimerais renchérir sur ce que M. Rosser vient de dire au sujet des mesures. Le système canadien de crédits compensatoires pour le carbone a été lancé en 2022 et offre essentiellement la possibilité d'obtenir des réductions qui vont au‑delà du « statu quo », par exemple, dans le secteur agricole, qui est un secteur prioritaire, afin de générer des revenus à partir d'initiatives volontaires qui réduisent ou éliminent les émissions.
    Environnement et Changement climatique Canada élabore actuellement différents protocoles pour des projets agricoles et tente de trouver des possibilités de crédits pour la réduction du méthane provenant des bovins de boucherie, de la gestion du fumier et de l'augmentation de la matière organique des sols. C'est un moyen parmi d'autres d'essayer d'aller de l'avant et de reconnaître la valeur ajoutée de ce genre d'initiatives.
    Je vous remercie. Cela peut également accroître la résilience face à des conditions météorologiques extrêmes. C'est quelque chose qui peut aider, et j'en suis ravi.
    Dans la minute qui me reste, je pourrais peut-être passer à Mme Govier.
    En ce qui concerne la transition vers la durabilité dans le secteur agricole, comment cela peut‑il améliorer l'avantage concurrentiel du Canada sur le marché mondial de nos jours?
    Je ne suis pas certaine d'être la personne la mieux placée pour répondre à cette question. Je peux parler de l'incidence que cela pourrait avoir si un marché mettait en place des mesures frontalières. La tarification instaurée au moyen d'une mesure frontalière semblable à celle de l'Union européenne contribue certes à la façon dont nos experts sont reconnus. S'il s'agit d'un système différent, qui repose davantage sur l'intensité des émissions plutôt que sur la tarification, il pourrait y avoir des avantages là aussi, mais cela dépend vraiment de ce qui est en vigueur dans ces marchés.
(1655)
    Il n'y a pas de meilleur moment pour commencer; c'est maintenant ou jamais. Je vous remercie de votre temps.
    Merci, monsieur le président.
    À titre de président, je vais me prévaloir de mon droit de poser quelques questions, au risque d'agacer mes collègues.
    Tout le concept dont nous parlons ici peut aller dans les deux sens. Si l'agriculture canadienne est bien prise en compte dans la gérance de l'environnement, elle peut constituer un avantage commercial, mais à condition qu'elle soit reconnue sur le marché international.
    Ma question s'adresse peut-être à Mme Govier ou à vous, madame Meltzer.
    Qui, au sein du gouvernement du Canada, prend l'initiative de collaborer avec nos partenaires internationaux? Je constate que l'agriculture n'est pas encore envisagée pour les mécanismes d'ajustement à la frontière dans les pays dont nous avons parlé. Je suppose que cela pourrait être un sujet de préoccupation, comme l'a souligné M. Barlow, ou un avantage concurrentiel pour le Canada, selon la façon dont le tout est mis en œuvre. En fait, l'avantage net dépend vraiment de la façon dont nous nous y prenons pour faire connaître les données probantes dont nous disposons au pays dans ce domaine. Nous savons que des agriculteurs ailleurs dans le monde, comme en Europe, réclament des dispositions semblables. Force est donc de constater que l'agriculture pourrait entrer en ligne de compte plus tard.
    Qui prendra les devants? Cette responsabilité incombe‑t‑elle à Affaires mondiales Canada, au ministère des Finances ou à Environnement et Changement climatique Canada? Comment nous y prenons-nous? Voilà ma question.
    Je dirais que cela relève davantage d'Affaires mondiales Canada, même si cela se fait en contact très étroit, aussi bien avec Environnement et Changement climatique Canada qu'avec nous-mêmes. Si l'agriculture était concernée, il est évident que ce ministère aurait aussi son mot à dire.
    Comme je l'ai indiqué, nous avons été un peu plus loin pour éclairer nos réflexions à l'interne en tirant des leçons de l'expérience de l'Union européenne et de l'approche qu'elle adopte. Cependant, nous réfléchissons aussi beaucoup à la façon de nous assurer que les autres marchés sont au fait de notre situation et de l'importance de maintenir notre accès à ces marchés à la lumière de notre performance environnementale.
    Je dirais que ces enjeux sont au coeur des discussions sur différentes tribunes internationales ainsi qu'avec les États-Unis, un pays avec lesquels nous échangeons sur de nombreux autres sujets.
    J'ai deux autres brèves questions.
    Pour que les choses soient bien claires concernant la proposition de l'Union européenne relativement au MACF pour 2026, a‑t‑on dit qu'elle repose sur la prémisse d'une tarification du carbone, ou y a‑t‑il une mesure quelconque de l'intensité en carbone par unité de ciment, d'engrais ou autre? S'agit‑il simplement d'avoir un prix qui dicte les tarifs ou de ne pas en avoir du tout?
     Je crois comprendre que les entreprises pourraient individuellement faire valoir qu'elles ont une très faible empreinte carbone, ce qui leur permettrait d'avoir accès aux marchés, qu'il y ait tarification ou non, mais comme les choses ont peut-être évolué depuis sur ce front, il est sans doute préférable que les gens d'Affaires mondiales vous confirment le tout.
    Nous pourrions peut-être nous engager à faire un suivi auprès de nos collègues d'Affaires mondiales et obtenir une réponse aussi complète que possible.
    Ma dernière question porte sur la position des États-Unis. Certains membres du Comité ont eu l'occasion de rendre visite au Congrès américain le printemps dernier. J'y étais moi-même en juillet et j'ai essayé de connaître la position américaine, parce que même si cela a été mentionné dans les témoignages, il n'y a pas de tarification fédérale du carbone aux États-Unis. Il y a certes une grande quantité de fonds publics qui sont utilisés aux fins des mesures incitatives prévues dans la loi américaine pour la réduction de l'inflation. Il s'agit en l'espèce de déboursés tout ce qu'il y a de plus concrets.
    Madame Govier, pouvez-vous nous expliquer la position américaine? D'après ce qui ressort de votre témoignage, vous seriez responsable de toutes les formes d'équivalence réciproque pouvant s'appliquer au Canada du fait que d'autres pays imposent des mesures semblables. Quel est le point de vue des États-Unis? Est‑ce que vous ou peut-être M. Rosser avez une opinion sur l'agriculture? Il m'a semblé qu'il s'agissait davantage d'une approche de type Club que d'une approche axée sur la tarification. Soit vous faites quelque chose pour faire partie de la solution environnementale, soit vous n'agissez pas, si bien qu'en conséquence, vous vous heurtez ou non à un mur tarifaire.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la position américaine? C'est d'une importance cruciale compte tenu du lien commercial qui unit nos deux pays.
    Je conviens avec vous qu'il s'agit d'une relation essentielle. Il va de soi que nous voulons nous assurer que les échanges commerciaux entre nos pays se déroulent bien.
    Il y a eu différentes propositions législatives aux États-Unis. Je n'entrerai pas dans les détails, car je ne connais pas tout cela de mémoire, mais je dirais que, comme les États-Unis n'ont pas de tarification fédérale du carbone, ils envisageraient quelque chose de très différent de ce que prévoit faire l'Union européenne, soit une tarification fortement axée sur le prix. Leur système se fonderait probablement sur l'intensité des émissions.
    Il pourrait y avoir cette idée que les pays les moins polluants se rassemblent pour poser certains gestes, mais il y a différentes propositions sur le tapis. La direction que prendront les choses n'est pas encore tout à fait claire, notamment quant aux mesures précises que l'administration américaine pourrait vouloir prendre à ce moment‑là.
    Merci beaucoup, chers collègues, de m'avoir permis d'intervenir pendant quelques instants.
    En votre nom, je remercie nos invités de leur témoignage d'aujourd'hui et de leur contribution par l'entremise de leurs différents ministères. Merci beaucoup à nos témoins.
    Chers collègues, ne vous éloignez pas trop. Nous allons nous interrompre pendant quelques minutes pour ensuite entendre M. Webb et les représentants de l'Association des producteurs maraîchers du Québec.
    Nous serons de retour dans deux minutes. La séance est suspendue.
(1700)

(1700)

[Français]

    J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre deuxième groupe de témoins aujourd'hui.
    Nous recevons d'abord M. Steven Webb, qui est le directeur général du Global Institute for Food Security.
    Nous recevons aussi Mme Catherine Lefebvre et M. Patrice Léger Bourgoin, de l'Association des producteurs maraîchers du Québec.
    Je vous remercie beaucoup d'être de nouveau parmi nous aujourd'hui. Je vous remercie également de votre travail dans le secteur de façon générale.
    Donc, je...
    Je m'excuse de vous interrompre, monsieur le président, mais pouvez-vous m'indiquer si les tests de son ont été faits pour les témoins qui participent à la réunion par vidéoconférence?
    Oui, ils ont bien été faits par notre équipe, comme c'est toujours le cas. Soyez-en assuré, monsieur Perron.
    Jusqu'à cinq minutes seront accordées à chaque organisme pour l'allocution d'ouverture, après quoi nous procéderons à une série de questions.

[Traduction]

    Nous allons commencer par M. Steven Webb. La parole est à vous. Je crois que vous nous parlez aujourd'hui depuis la Saskatchewan.
    Bonjour, monsieur le président, et merci de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
    Je m'appelle Steve Webb. Je suis directeur général du Global Institute for Food Security, ou GIFS, à l'Université de la Saskatchewan. En collaboration avec ses partenaires, le GIFS s'emploie à découvrir, mettre au point et mettre en œuvre des solutions novatrices pour la production d'aliments durables à l'échelle mondiale.
    Faisant office de catalyseur d'innovation en agriculture, le GIFS relie les différents éléments de l'écosystème agroalimentaire pour faire progresser l'innovation et faciliter la transition vers la commercialisation afin d'assurer à tous une sécurité alimentaire sous le signe de la résilience et de la durabilité.
    Il y a un fossé à combler entre nos investissements en recherche et la mise en oeuvre d'innovations ayant une incidence sur le marché. Nous le savons parce qu'aussi bien le Conference Board du Canada que l'Indice mondial de l'innovation ont mis en évidence l'écart entre nos investissements dans l'innovation et notre performance en la matière. Cela signifie simplement que les retombées de nos investissements ne sont pas proportionnelles à l'importance des sommes que nous engageons. Le GIFS s'efforce de colmater cette brèche en misant sur des solutions qui accélèrent l'innovation.
    En ce qui concerne le sujet d'aujourd'hui, l'ajustement carbone à la frontière est essentiellement une taxe, ou un droit, que l'on impose sur les marchandises importées d'un autre pays qui n'a peut-être pas un régime de tarification du carbone aussi rigoureux. En théorie, tous les biens circulant dans un pays, qu'ils soient produits localement ou importés, devraient être soumis au même mécanisme de tarification du carbone. Les droits à payer seront fondés sur l'ampleur de l'empreinte carbone liée à la production du bien.
    Les ajustements à la frontière pour le carbone visent à uniformiser les règles du jeu en matière de commerce international et à encourager la réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale. Cependant, il y a un certain nombre de facteurs à prendre en considération afin que ces mécanismes d'ajustement ne constituent pas en fin de compte un obstacle au commerce canadien et qu'ils n'aient pas d'incidence négative sur la productivité.
    Une question cruciale se pose dans ce contexte. Comment harmoniser les protocoles de mesure, de déclaration et de vérification qui tiennent compte des disparités régionales dans l'agriculture lorsque nous cherchons à évaluer les émissions de carbone dans la production? Il est important de noter que l'ajustement carbone à la frontière a été conçu en fonction des secteurs de la construction de type classique, comme l'électricité, l'aluminium et l'acier, le ciment et divers procédés de travail bien définis. L'agriculture est différente. Compte tenu de l'environnement naturel dans lequel se déroulent les activités agricoles, celles‑ci varient non seulement d'une année à l'autre, mais aussi d'un endroit à l'autre, ce qui complexifie d'autant les efforts de mesure, de vérification et de déclaration.
    L'agriculture canadienne est en position de force. Comme il a été mentionné au cours de la dernière séance, une étude commandée par le GIFS montre que nos principales cultures, en particulier dans l'Ouest canadien avec notamment le canola, le blé non dur, les pois fourragers, le blé dur et les lentilles, ont toutes l'intensité carbone la plus faible comparativement aux autres régions du monde, surtout si l'on tient compte de l'incidence des pratiques agronomiques sur les émissions de carbone dans le sol.
    Il n'en demeure pas moins que nous devons nous assurer d'harmoniser à l'échelle planétaire les normes de mesure, de déclaration et de vérification applicables à l'agriculture. Nous n'en sommes pas encore là. C'est le premier défi que nous avons à relever.
    Il y a aussi la question de la compétitivité. Nos exportations agricoles pourraient être assujetties à des coûts supplémentaires dans d'autres régions qui considèrent que notre réglementation sur le carbone est moins stricte que la leur, ce qui augmenterait les coûts d'exportation et réduirait notre capacité concurrentielle à l'échelle mondiale.
    Il faut également considérer l'incidence possible d'une telle mesure sur des accords commerciaux comme celui conclu entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Selon la façon dont nous et nos partenaires nous situons en la matière, ces ajustements pourraient nuire à l'efficacité de ces accords ou lui être favorables. En négociant de tels accords, on cherche à assurer une certaine équité dans les échanges commerciaux, et ces ajustements pourraient être considérés comme avantageux pour le Canada.
    Il faut veiller à bien saisir la notion d'équité pour les exportations, non seulement du Canada, mais aussi des pays à faible revenu. À quel point serait‑il juste d'imposer les mêmes droits sur les exportations des pays à faible revenu sans permettre à leurs agriculteurs d'être aussi efficients et efficaces que les producteurs canadiens?
    Enfin, même si l'imposition d'un ajustement à la frontière pour le carbone peut permettre d'uniformiser les règles du jeu en matière de tarification du carbone, cette mesure peut aussi mener à la création de nouvelles sources de revenus pour les producteurs canadiens grâce à la séquestration du carbone et à la production de certaines des cultures à plus faible intensité carbonique au monde.
    Il y a différentes considérations que nous devons bien avoir à l'esprit. L'harmonisation et le soutien à l'échelle mondiale sont essentiels à la mise en oeuvre de cette mesure dans le secteur agricole. Moins du quart des pays signataires de l'Accord de Paris ont mis en place un régime de tarification du carbone. Compte tenu des répercussions possibles sur le commerce international, des organisations comme l'OMC doivent s'aligner sur un cadre d'action où les ajustements carbone à la frontière ne sont pas considérés comme une barrière commerciale non tarifaire ou une subvention gouvernementale injuste.
    L'agriculture est différente, et nous avons besoin de temps et d'investissements pour harmoniser les protocoles de mesure, de déclaration et de vérification afin de mettre en œuvre efficacement une politique, de bien en saisir les coûts et de déterminer comment ces coûts et les revenus pouvant en découler peuvent être partagés.
    En terminant, lorsque je discute de ce sujet, je me dis que tout ce qui peut être mesuré peut aussi être amélioré, et que l'innovation est essentielle.
    Merci, monsieur le président, de me donner l'occasion de m'exprimer sur ce sujet. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions des membres du Comité.
(1705)
    Merci beaucoup, monsieur Webb.

[Français]

    Nous passons maintenant à nos amis de l'Association des producteurs maraîchers du Québec.
    Madame Lefebvre, vous avez la parole.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, merci beaucoup de l'invitation.
    Toutes les questions relatives à la réciprocité des normes continuent d'être au cœur de nos préoccupations. Le phénomène de la mondialisation des marchés a repris de plus belle depuis que les chaînes d'approvisionnement se sont remises de l'épisode pandémique. Plus que jamais, les producteurs maraîchers québécois sont en concurrence avec leurs homologues des États‑Unis, mais aussi avec ceux de l'Amérique latine, de l'Europe, et même de l'Asie.
    Dans ce contexte, la transition vers une économie à faibles émissions de carbone soulève bien des interrogations. Compte tenu de l'importance des échanges internationaux, les écarts dans la tarification du carbone peuvent poser problème. Il faut éviter que ces écarts entraînent un déséquilibre accru sur le plan de la compétitivité des producteurs maraîchers.
    La question des ajustements à la frontière pour le carbone est complexe. Elle ne doit pas être prise à la légère. Il doit nécessairement y avoir une symétrie des normes pour éviter que les producteurs canadiens paient les frais de la réglementation. En d'autres mots, les producteurs maraîchers d'ici doivent obtenir la parité vis-à-vis des produits d'importation. Il est aussi impératif d'examiner sérieusement, en collaboration avec les provinces et à la lumière des développements internationaux, notamment en Europe, les opportunités et les menaces liées à la création d'un système canadien d'ajustements à la frontière pour le carbone.
    Nos différentes analyses démontrent que les coûts de production sont déjà plus élevés au Québec que chez nos principaux concurrents, et ce, en raison de la forte réglementation provinciale et fédérale. Cette situation se traduit par une pression qui s'exerce sur les marges bénéficiaires de nos fermes et qui devient de moins en moins supportable, au point de mettre en danger la survie de notre secteur. Il ne faut pas exacerber cette situation déjà problématique.
    En ce qui concerne la qualité des produits locaux, le Canada dispose de règles de salubrité et de traçabilité permettant de s'assurer qu'ils sont sécuritaires pour la santé humaine. En outre, l'utilisation des produits phytosanitaires est fortement encadrée. Pour nous, les autorités réglementaires doivent être intransigeantes. Toutes les importations de fruits et légumes doivent respecter les mêmes exigences que celles appliquées ici, au pays. Aucun compromis ne saurait être acceptable. Or, ce n'est pas le cas actuellement.
(1710)
    Prenons l'exemple des fameuses carottes provenant de Chine. Dans ce cas, les conditions de production demeurent largement méconnues. Est-ce que les produits phytosanitaires utilisés sont autorisés en sol canadien? Posent-ils un danger pour la consommation humaine ou pour l'environnement? Selon nous, ce sont des questions qui devraient vous interpeller. Or, je n'ai pas été convaincu par les explications qu'on nous a données plus tôt aujourd'hui.
    La carotte de Chine ne se retrouve pas au comptoir des supermarchés américains. La Chine, de même que 180 autres pays et territoires, ne détient pas d'autorisation pour exporter des carottes aux États‑Unis. Les critères invoqués sont le contrôle et la protection des sols contre la propagation de maladies pouvant circuler outre-frontière par l'entremise des légumes racines.
    Le Canada intervient énergiquement et rapidement pour fermer son territoire aux automobiles électriques chinoises. Pourtant, il se refuse à appliquer le même traitement aux légumes chinois, alors que son voisin américain le fait. Il faut se poser la question: s'agit-il d'une approche à deux vitesses? Poser la question, c'est y répondre.
    La présence des carottes chinoises sur le territoire canadien alors que des stocks locaux sont toujours disponibles exerce une pression à la baisse sur les prix des carottes au pays, puisque les grossistes et les détaillants les utilisent comme produits de substitution pour augmenter leur rapport de force dans la négociation avec les producteurs locaux.
    Alors, en réponse à votre question de tantôt, madame Taylor Roy, je peux vous assurer que les bonnes pratiques environnementales et sociales des producteurs canadiens n'ont aucune incidence lorsque vient le temps de vendre les produits aux grossistes et aux détaillants, où le prix de vente à la ferme fait foi de tout.
    Lorsqu'il est question de clauses miroirs — on en a parlé tantôt — en matière de réciprocité des normes, les méthodes de production ne sont pratiquement pas encadrées dans les accords internationaux. En effet, les exigences relatives à la manière dont les produits sont cultivés ne sont généralement pas imposées aux produits importés. Cela devient de plus en plus problématique.
    Nous vous soumettons un seul exemple survenu plus tôt cette année, en 2024. Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, soutenu par plusieurs autres provinces canadiennes, a transmis une demande d'homologation pour un produit se substituant à un autre couramment utilisé, mais que le fabricant avait décidé d'arrêter de commercialiser. Dans la demande d'homologation, le ministère québécois faisait valoir que la requête était nécessaire à la production de betteraves en l'absence d'options efficaces à un coût raisonnable. Au soutien de la demande, il était estimé que les pertes financières associées au refus d'homologation seraient de 15 millions de dollars par année, soit la moitié de la valeur de la récolte québécoise. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire a refusé l'homologation de ce produit, qui est pourtant largement utilisé chez nos concurrents américains. Dans ces circonstances, comment voulez-vous concurrencer à armes égales nos voisins situés juste au sud de la frontière?
    En conclusion, le secteur maraîcher vit une pression accablante exercée sur sa capacité de concurrence. Cette pression est occasionnée par un environnement réglementaire exigeant et sans réciprocité des normes pour contraindre les concurrents à des normes tout aussi exigeantes.
    Merci de votre écoute.
    Merci beaucoup, monsieur Léger Bourgoin et madame Lefebvre.

[Traduction]

    Chers collègues, nous allons maintenant passer aux questions. Nous allons essayer de faire deux tours de table. Nous le devons bien à nos témoins.
    Je vais commencer par vous, monsieur Barlow, pour six minutes.
(1715)
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être avec nous aujourd'hui pour nous faire part de leurs points de vue.
    Mes questions s'adressent à M. Webb.
    Tout d'abord, je tiens à vous remercier du travail que le GIFS a accompli en analysant l'agriculture canadienne et notre empreinte carbone par rapport à d'autres régions du monde. Je pense que ces résultats témoignent on ne peut mieux de la contribution des agriculteurs canadiens qui sont devenus une référence mondiale en la matière.
    J'estime que nos dirigeants et notre gouvernement devraient s'employer à inciter le reste de la planète à se hisser à la hauteur des accomplissements du Canada, notamment en ce qui concerne l'utilisation d'engrais, l'efficience et l'agriculture de précision. Nous pouvons certes nous targuer de ces résultats impressionnants, et votre travail nous aide assurément à le faire.
    En ce qui concerne votre témoignage, vous avez dit que l'agriculture est différente des secteurs de la construction de type classique, pour reprendre votre expression, qui seront assujettis à un nouveau mécanisme d'ajustement carbone aux frontières au sein de l'Union européenne et peut-être aussi ailleurs dans le monde. Les questions que je vais vous adresser seront semblables à celles que j'ai posées à nos représentants ministériels.
    Ce qui me préoccupe au sujet de ce mécanisme, c'est que même s'il découle des meilleures intentions du monde — et nous connaissons tous l'adage qui veut que l'enfer soit pavé de bonnes intentions —, il pourrait s'agir d'un autre exemple de barrière commerciale non tarifaire s'inscrivant dans la politique de protectionnisme adoptée par certains pays. À votre avis, quels pourraient-être les inconvénients possibles advenant qu'aucune norme ou réglementation ne soit définie pour établir très clairement les conditions à respecter par les autres pays pour avoir accès à ces marchés?
    Je sais que l'agriculture n'est pas incluse dans le plan de l'Union européenne que l'on attend pour 2026‑2027, mais si ce plan devait être élargi pour intégrer les produits agricoles, dans quelle mesure est‑il essentiel, premièrement, qu'il y ait un ensemble très clair de règles ou de critères à respecter et, deuxièmement, que ces gouvernements prennent des décisions fondées sur des données scientifiques afin que nous ayons effectivement accès aux marchés en question si nous satisfaisons aux critères établis?
    Tout d'abord, comme l'un des autres témoins l'a dit, ce sont les détails qui font foi de tout. Dans le cas de l'agriculture, et je me permets de citer l'étude menée au GIFS, nous avons effectué une analyse du cycle de vie du carbone pour déterminer son incidence d'un bout à l'autre du spectre. Nous avons suivi les règles internationales acceptées, et l'une des choses qui ne sont pas mesurées, c'est l'impact des pratiques agronomiques sur la contribution de l'utilisation du sol à l'empreinte carbone.
    Lorsque vous vous en tenez ainsi à ce qui est généralement accepté, vous avez droit à une image faussée de l'empreinte carbone du Canada. Cela donne également une idée erronée de l'empreinte carbone des États-Unis et de l'Australie par rapport à celle de la France et de l'Allemagne. Si l'on examine les pratiques agronomiques en tenant compte de l'incidence sur la séquestration du carbone dans le sol, on constate que le Canada devance tous les autres pays, et que les Américains et les Australiens surpassent en fait leurs pairs européens.
    Nous avons procédé à cette analyse pour exposer la teneur véritable de la règle internationale standard, qui est fondée sur la réalité des secteurs de la construction de type classique, plutôt que sur celle de l'agriculture. Je pense que cela souligne la nécessité d'avoir un accord international sur ce que nous mesurons et sur la façon dont nous comptabilisons les choses.
    Notre étude a aussi mis en lumière un autre élément. Il faut se rappeler que nous avons non seulement examiné la situation du Canada par rapport à ses pairs commerciaux, mais aussi procédé à diverses analyses régionales au Canada, dans l'Ouest canadien et en Saskatchewan. Nous avons ainsi pu faire ressortir les différences entre les pratiques agronomiques en usage d'une région à l'autre. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que tous procèdent à ces mesures de la même manière. Nous devons toutefois adopter une approche universelle quant aux critères qui sont évalués en cherchant à optimiser les mesures et les modèles qui entreraient dans une analyse de l'empreinte carbone d'un produit dans le cadre d'un mécanisme d'ajustement carbone à la frontière de manière à bien tenir compte des résultats obtenus localement. Là encore, je pense que les choses peuvent vraiment devenir complexes.
    Je vais être honnête avec vous. Je m'inquiète un peu des coûts supplémentaires liés à la mise en œuvre d'un tel mécanisme pour les producteurs et pour toute la chaîne de valeur, surtout en l'absence d'avantages accrus, à savoir l'augmentation des débouchés commerciaux et des possibilités d'exportation pour le Canada. J'estime que c'est le plus grand défi.
    Je me demande par ailleurs si les organisations internationales qui devraient mettre en oeuvre ce mécanisme sont prêtes à le prendre en charge, parce que cela pourrait fort bien être perçu... N'oubliez pas que, dans le contexte des accords de Paris, à peine le quart des pays ont mis en place une tarification du carbone. Encore une fois, si vous ne pouvez pas obtenir un accord à ce niveau sur la tarification du carbone, d'autres pays pourraient considérer...
(1720)
    Il ne me reste qu'une trentaine de secondes, et j'aimerais poser une autre brève question.
    Je suis désolé.
    Il n'y a pas de quoi. Je vous remercie des précisions que vous nous avez fournies.
    C'est ce qui me préoccupe. Si nous respectons cette norme internationale, et je pense au bétail canadien et au blé dur... L'Union européenne a une norme, mais chaque pays met en œuvre ses propres critères ciblés qui bloquent les produits canadiens. À votre avis, est‑il possible d'avoir une norme internationale que tout le monde respecterait, et quelles seraient les répercussions quant aux difficultés à mesurer les émissions ou l'empreinte carbone de l'agriculture?
    Nous ne sommes pas encore rendus à l'étape d'une norme internationale, et je pense que l'occasion est belle pour le Canada d'agir en chef de file, parce que le monde aspire notamment à la mise en place d'un système agricole durable, ce que nous avons déjà au pays. Nous avons en effet un excellent système durable fondé sur les principes de l'agriculture régénératrice à grande échelle. Je pense que c'est une occasion pour nous de montrer la voie à suivre.
    Merci, monsieur Barlow.
    Merci, monsieur Webb.
    Je cède la parole à Mme Murray pour un maximum de six minutes.
    Merci, et merci aux témoins d'être des nôtres.
    J'ai adoré ce dernier commentaire, à savoir que c'est l'occasion pour le Canada de « montrer la voie à suivre ». C'est justement ce que nous avons fait par l'entremise de l'Alliance: énergiser au‑delà du charbon et en travaillant à aider d'autres pays à réduire leurs émissions provenant de l'industrie du charbon. Nous avons pu entendre différents commentaires sur les préoccupations quant aux coûts supplémentaires, notamment pour les agriculteurs, ainsi que sur les avantages, si tant est qu'il y en ait, d'un ajustement à la frontière pour le carbone. Ce que j'entends, c'est que le tout est fort complexe. Il y a un certain nombre de ministères qui travaillent ensemble pour cerner ces complexités. Il y a des organismes comme le GIFS qui apportent leur contribution.
    Y a‑t‑il d'autres recommandations que nos témoins pourraient nous faire afin que cet incontournable processus soit le plus complet et le plus équitable possible pour les agriculteurs canadiens?
    Je vais d'abord vous permettre de répondre, monsieur Webb, après quoi nous passerons aux représentants de l'Association des producteurs maraîchers pour un commentaire, le cas échéant.
    D'un point de vue canadien, comme je l'ai mentionné, nous sommes déjà des chefs de file. Nous avons mis en œuvre des technologies qui ont été mises au point ici dans l'Ouest canadien, en Saskatchewan, comme la culture sans labour, le travail minimal du sol, le canola résistant aux herbicides et la rotation des cultures.
    Le problème, c'est que lorsque nous examinons les mesures, il y a des dates arbitraires, comme celle de l'Accord de Paris en 2015. Comment allons-nous, d'un point de vue canadien, reconnaître la contribution que les agriculteurs ont déjà apportée?
    À titre d'exemple, l'un des agriculteurs membres de notre comité consultatif de producteurs pratique la culture sans labour depuis 40 ans. Dans son exploitation agricole, qui s'étend sur 29 000 acres en Saskatchewan, on a fait passer le taux de carbone dans le sol de 3 à 6 %. Je ne pense pas que cet agriculteur verra sa contribution reconnue pour la quantité de carbone qu'il a séquestré. Je crois que cela s'inscrit également dans la conversation que nous devons avoir quant à la façon de nous assurer que nous ne décourageons pas les pratiques durables qui ont cours au Canada pendant que d'autres pays nous rattrapent.
    Y a‑t‑il d'autres commentaires?

[Français]

    Je dirais deux choses.
    Premièrement, en matière de leadership, regardons d'abord du côté de l'Europe. L'Union européenne tente d'harmoniser les pratiques à l'intérieur de ses ententes de libre-échange des biens. Ici, en Amérique du Nord, presque chaque province canadienne a son propre système. Quant aux États‑Unis, comme on l'a expliqué tantôt, le gouvernement fédéral américain n'a pas donné de règles générales. On laisse aux États le soin d'établir leurs propres pratiques. Il y a donc nécessité d'harmoniser nos pratiques, compte tenu de l'ampleur des volumes qui s'échangent de part et d'autre de la frontière.
    Deuxièmement, toujours en matière de leadership, prenons l'exemple des Américains. Le gouvernement américain a la volonté de donner aux agriculteurs les moyens de ses ambitions. On a vu la pluie de mesures de soutien contenues dans l'Inflation Reduction Act. Ici, au Canada, les agriculteurs attendent toujours de savoir quels moyens seront mis en œuvre par les autorités provinciales et fédérales pour soutenir la transition climatique des agriculteurs.
(1725)

[Traduction]

    Pour revenir à ma question générale, d'après ce que je comprends, la question n'est pas de savoir s'il y aura des ajustements à la frontière pour le carbone, y compris dans des secteurs très importants comme l'agriculture; c'est plutôt de savoir comment s'y prendre.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Webb et aux autres témoins. À l'heure actuelle, de nombreux intervenants et ministères participent à la discussion. Avons-nous tous les participants qu'il faut pour assurer l'harmonisation et la reconnaissance du travail déjà accompli? Sans que ce soit une raison de cesser d'innover et d'arrêter de travailler, quels autres intervenants devraient participer à la discussion?
    Je vais répondre à la question.
    J'ai constaté une grande participation du côté des chefs de file de l'industrie. Des organisations comme CANZA, dont les membres comprennent l'Université de Guelph, l'Université de la Saskatchewan, des agriculteurs, la société Maple Leaf, l'entreprise Nutrien et la Banque Royale, par exemple, cherchent à élaborer les mécanismes de mesure, de rapport et de vérification dont nous avons besoin.
    GIFS participe à un projet qui a commencé par un protocole d'entente entre Bayer et le gouvernement de la Saskatchewan, en collaboration avec l'Université de la Saskatchewan. Ce projet vise à trouver des moyens de mettre en œuvre les mécanismes de mesure et de rapport. Cela va au‑delà des mesures volontaires. Si l'on veut participer au marché du carbone, comment peut‑on y arriver concrètement? Ces activités sont en cours. Je ne sais pas dans quelle mesure l'industrie participe à la discussion. Selon moi, la situation exige la mobilisation générale. Le Canada dispose déjà de mécanismes pertinents. L'Indice national de rendement agroalimentaire nous place dans une position unique; cette coalition regroupe plus de 150 membres de tous les secteurs de l'agriculture.
    Je le répète, pour être efficace, nous devons tirer parti du pouvoir de toute la chaîne de valeur.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Perron, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous.
    Je vais m'adresser aux représentants de l'Association des producteurs maraîchers du Québec.
    Plus tôt, vous avez fait allusion à l'aide financière, au soutien et à la prévisibilité. Quelle est votre impression générale quant à la gestion des risques?
    Les programmes de gestion des risques ne sont plus adéquats du tout. Au Québec, plus particulièrement, les trois dernières années ont été difficiles. En 2022, nous avons été victimes des pucerons et des maladies dans les courges. En 2023, il y a eu des pluies torrentielles. En 2024, c'était la même chose. On se rend compte que plus rien ne fonctionne dans les programmes de gestion des risques. Il n'y a pas de soutien pour continuer en agriculture.
    Si on impose d'autres exigences réglementaires, il y a des producteurs qui ne seront plus capables de suivre.
    Malgré la bonne volonté manifestée tantôt, il semble que les produits qui entrent ici en provenance de l'extérieur ne sont pas nécessairement soumis aux mêmes exigences ou à la même rigueur d'inspection que les produits canadiens. Dans quelle situation cela place-t-il vos producteurs?
    Prenons l'exemple de produits dont l'inspection est obligatoire avant qu'ils puissent entrer aux États‑Unis. C'est le cas des pommes de terre et des oignons, par exemple. Selon les derniers chiffres qui nous ont été rapportés, les produits qui sont importés au Canada font l'objet d'une inspection 1 fois sur 500.
    J'ajouterais un exemple très concret qui date de quelques mois à peine. Au beau milieu de l'hiver, 50 Canadiens se sont retrouvés à l'hôpital après avoir consommé des cantaloups du Mexique. Cinq d'entre eux ne sont jamais ressortis de l'hôpital. Dans ce cas, on peut se demander comment les programmes de gestion des risques ont fonctionné.
    Je me pose une autre question. Beaucoup de ressources sont consacrées à la gestion des risques pendant l'été pour les légumes de plein champ au Canada, notamment en Ontario et au Québec. Que je sache, il n'y a pas de production de légumes de plein champ en plein milieu du mois de janvier au Canada. À ce moment, est-ce que toutes ces ressources sont mises à la disposition du contrôle des produits étrangers qui entrent au pays, ou est-ce qu'on profite de l'occasion pour réduire les heures de travail, sous prétexte qu'il ne s'agit pas de produits canadiens? J'aimerais avoir une réponse à cette question.
(1730)
    Avez-vous une hypothèse de réponse? Avez-vous fait une observation sur le terrain?
     Je me voulais dubitatif, alors je vais retenir ma réponse.
    D'accord.
    Dans mon échange avec Mme Donohue tantôt, j'ai mentionné l'exemple des fameuses carottes provenant de la Chine. Vous en avez parlé également. On pourrait aussi parler de laitues qui proviennent du Mexique, par exemple.
    Vous vivez la situation au quotidien, alors que vous devez faire concurrence à des gens qui n'ont pas les mêmes règles du jeu que vous. C'est ce que vous nous dites, dans le fond. On parle des produits phytosanitaires utilisés et de la qualité des aliments, mais il y a aussi toute la question des conditions de travail des travailleurs, dont on n'a même pas parlé.
    Qu'est-ce qui manque? Quelle recommandation nous feriez-vous pour améliorer les choses?
     Il faut une base égale pour tout le monde. En ce moment, les normes en matière de carbone sont différentes d'un pays à l'autre, et même d'une province à l'autre.
    Au Québec, nous avons Agriclimat, un projet dans le cadre duquel des chercheurs établissent des bases en vue de mesurer la consommation de carbone ou les effets du carbone sur nos environnements agricoles québécois. Or, on se rend compte que plus on diminue l'effet du carbone, c'est-à-dire les gaz à effet de serre, plus on doit augmenter l'utilisation des pesticides. Est-ce vraiment ce qu'on veut, utiliser plus de pesticides pour réduire l'empreinte carbone? Dans le secteur maraîcher, l'empreinte carbone est surtout attribuable à l'utilisation de la machinerie. Si on doit diminuer l'utilisation de la machinerie, qu'on le veuille ou non, on doit augmenter l'utilisation de pesticides. On n'a pas d'autre option.
    Dans cette équation, il faut se poser des questions. Si on n'a pas les mêmes produits phytosanitaires que les autres pays, sommes-nous vraiment capables de diminuer les gaz à effet de serre?
    Je me permets aussi de vous faire part d'un courrier électronique que j'ai reçu d'un producteur, il y a quelques jours à peine. En trois petites lignes, il dit que des entreprises clés de la Californie se livrent actuellement à une concurrence déloyale en proposant directement aux détaillants une offre ultra compétitive pour le brocoli et le chou-fleur biologiques. Ce producteur dit que, dès la semaine prochaine, deux magasins à enseigne offriront des promotions pour ces produits de base achetés à des prix qui ne couvrent même pas les frais de production au Québec. Sa seule option sera alors d'écouler sa marchandise à perte.
    Il s'agit d'un exemple. Chaque mois, on me soumet de cinq à six cas de ce genre.
    Quel choix cela nous laisse-t-il? Si on ne fait rien, vous allez finir par disparaître. Les producteurs vont se mettre à faire autre chose. Si on impose des tarifs douaniers ou qu'on essaie de contrôler cela, on va augmenter les coûts.
    La question n'est pas facile à régler. Que proposez-vous?
    Il faut jouer à armes égales. Si une norme est appliquée ici, on doit retrouver l'équivalent ailleurs. C'est à ce jeu qu'on joue présentement. Au Canada, notamment au Québec, nous avons toujours des normes supérieures aux autres.
    Tantôt, vous parliez de la main-d'œuvre, par exemple. Ici, nous avons des salaires minimums et des conditions de logement obligatoires. Des réglementations provenant de nombreuses sources sont imposées aux producteurs, mais on n'exige pas la même chose pour les produits d'importation. C'est là que ça ne fonctionne pas du tout pour nous.
    J'aurais envie d'ajouter que, si le code de conduite pour les détaillants en alimentation remplit ses promesses, les frais que les détaillants auront réduits seront assurément au bénéfice des consommateurs.
    Malheureusement, le temps de parole de M. Perron est écoulé.
    Merci beaucoup, monsieur Perron, madame Lefebvre et monsieur Léger Bourgoin.
    C'est maintenant au tour de M. Cannings pour six minutes.

[Traduction]

    Merci à toutes et à tous d'être ici aujourd'hui.
    Je vais m'adresser d'abord à M. Webb. Je vous remercie pour votre déclaration préliminaire. Elle était très éclairante.
    J'essaie de déterminer combien de temps il faudra pour mettre en place un mécanisme d'ajustement à la frontière pour le carbone dans le secteur de l'agriculture. L'Union européenne travaille à la mise en place de son mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, qui ciblera des secteurs donnés, du moins au départ. Toutefois, tous les témoins que nous avons reçus nous ont dit à quel point ce serait difficile de mesurer les effets de tels mécanismes sur l'agriculture ou de calculer les ajustements à faire pour le secteur de l'agriculture.
    D'abord, les gens de votre entourage parlent-ils sérieusement de la possibilité de mettre en place un mécanisme de la sorte? Mme Murray a laissé entendre que nous avancions dans cette direction. Êtes-vous du même avis?
(1735)
    D'abord, comme je n'ai pas de boule de cristal, je ne peux pas vous dire à quel moment le mécanisme sera mis en place. Toutefois, si l'on examine les possibilités et les tendances du point de vue canadien... Je le répète, nous avons un bilan remarquable en matière de production durable d'aliments. Nous pouvons aussi nous pencher sur la possibilité de récompenser les agriculteurs qui réussissent à séquestrer le carbone en leur donnant accès à de nouvelles chaînes de valeur. Les projets auxquels nous participons directement et d'autres activités en cours — comme CANZA, dont j'ai déjà parlé — visent tous à développer des protocoles favorisant la mise en place de ce type de procédure.
    Le problème, c'est que le Canada déploie des efforts en ce sens, mais je ne sais pas où est rendu le reste du monde. Pour revenir à la question de M. Barlow — à laquelle j'ai pris trop de temps pour répondre —, le but, c'est d'assurer l'harmonisation internationale. Selon moi, c'est absolument essentiel. C'est un des éléments clés. Il faut faire des investissements. Le Canada n'est pas prêt à mettre en œuvre de mécanisme du genre parce qu'il doit être en mesure de représenter avec justesse ses réussites à la ferme.
    Oui. Ce qui me frappe, c'est que dans l'ensemble, le Canada semble avoir un très bon bilan en matière de durabilité. Toutefois, la durabilité — je pense que vous avez donné quelques exemples — varie d'une ferme à l'autre et d'un ranch à l'autre, selon les pratiques des agriculteurs, l'endroit où ils sont situés au Canada, les conditions climatiques et l'état des sols. Les variables sont très nombreuses. Nous voulons récompenser les gens qui accomplissent de belles choses et non leur nuire. Si l'on imposait une norme moyenne pour le Canada, les agriculteurs n'auraient aucun avantage à la surpasser et à faire mieux, comme certains le font déjà.
    Avez-vous des suggestions quant à la manière d'intégrer cette réalité à un mécanisme de mesure pour une initiative de la sorte?
    Je trouve important de souligner que le succès que les agriculteurs canadiens connaissent aujourd'hui est attribuable à leur esprit d'entreprise et d'innovation, ainsi qu'à l'adoption de nouvelles technologies. « Est‑ce une bonne idée, du point de vue commercial? » L'agriculture sans travail du sol a vu le jour parce que les agriculteurs cherchaient un moyen de gérer l'humidité et de réduire l'érosion des sols afin de protéger leur investissement le plus important. Aujourd'hui, cette technologie est très répandue. Au moment de sa conception, je pense que personne n'imaginait qu'elle jouerait aussi un rôle important dans le captage du carbone.
    Je dirais encore une fois que le système canadien n'a pas eu besoin de mesures incitatives pour en arriver là où il est aujourd'hui. Il faut des mesures incitatives pour créer la structure d'établissement de rapports nécessaire pour accéder aux nouveaux marchés. Il faut des mesures incitatives pour passer à la prochaine étape et pour rendre le Canada encore meilleur. Il ne suffit pas de rester là où nous en sommes. Nous avons la possibilité d'aller encore plus loin.
    Les étapes semblent si nombreuses. D'abord, il faut mettre au point des protocoles de mesure. Ensuite, il faut conclure des ententes avec les pays où nous exportons et d'où nous importons. Faudra‑t‑il négocier de nouvelles lettres d'accompagnement, de nouveaux accords bilatéraux ou de nouvelles ententes générales par rapport à cela avec des entités comme l'Union européenne? J'ai l'impression que de telles mesures seront nécessaires pour mettre les points sur les i, comme on dit. Je ne suis pas expert en la matière.
    Comment va‑t‑on de l'avant? Avez-vous des réflexions à ce sujet?
    On a commencé avec les industries établies qui ont des processus de travail définis; je pense que c'était un bon point de départ. Il faut cultiver les différences dans le secteur de l'agriculture.
(1740)
    Merci beaucoup.

[Français]

    La parole est maintenant à M. Lehoux pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous.
    Madame Lefebvre et monsieur Léger Bourgoin, au cours des rencontres que nous avons eues en votre compagnie, vous avez souvent parlé de l'ARLA, soit l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Je vais me retenir de dire certaines choses sur cette agence, mais vous avez évoqué sa lenteur à approuver des produits phytosanitaires qui sont pourtant utilisés dans de nombreux autres pays et qui pourraient être utilisés au Canada. Ici, on traîne la patte.
    Selon vous, s'agit-il d'un manque de volonté? Pourquoi est-on incapable de fournir à l'ARLA les ressources nécessaires pour répondre adéquatement aux demandes? Après tout, on demande aux producteurs de produire des produits de très grande qualité.
    Tout d'abord, il y a la question de la frontière, sur laquelle nous reviendrons tout à l'heure. Pour ce qui est de la réglementation et de l'acceptation de produits qui sont utilisés dans d'autres pays, d'où vient le problème, selon vous?
    Bien sûr, le problème vient en grande partie de la lourdeur administrative ainsi que du manque de réciprocité des normes. Ce sont deux importants éléments de réponse à votre question. Les exigences de l'ARLA sont très différentes de celles découlant de la réglementation américaine.
    Au printemps, par exemple, l'ARLA nous a interpellés lorsqu'il était question d'ajouter des options environnementales dans le cas des nouvelles homologations. Aux États‑Unis, on n'a pas besoin de faire toute cette démarche; au Canada, on veut l'ajouter.
    La lourdeur administrative entourant l'homologation des produits phytosanitaires est assurément une embûche majeure.
    Dans le cas de la betterave dont j'ai donné l'exemple tantôt, où le produit en question a finalement été refusé par l'ARLA, l'homologation initiale a été demandée en 2012 et le refus est arrivé en 2024.
    Bien sûr, il s'agit d'un problème majeur sur le plan de la réciprocité des normes.
    Tout à l'heure, vos propos m'ont surpris. Pendant la saison estivale, on exerce beaucoup de pression sur les producteurs d'ici, et les ressources à cet égard sont alors nombreuses. Cependant, il ne se fait pas beaucoup de production en janvier au Canada, comme vous l'avez dit. À ce moment, où sont déployées toutes ces ressources? C'est la question que vous vous posiez. Exerce-t-on le même contrôle pour les produits qui entrent au Canada en période hivernale, alors qu'on n'a pas besoin d'en faire autant pour les produits des agriculteurs canadiens?
    C'est la raison pour laquelle je pense que toute la question de la gestion des risques, dont on a parlé précédemment, doit être explorée davantage. On a à peine effleuré les protocoles de gestion des risques. Or, je serais désireux de savoir quels risques on met en avant et on veut contrôler par les programmes de gestion des risques pour les produits conçus par les agriculteurs canadiens, comparativement aux pratiques de gestion des risques dans les pays où la réglementation est beaucoup moins rigoureuse qu'au Canada.
    Au Canada, puisqu'il y a déjà une réglementation rigoureuse, je présume que la gestion des risques devrait être un tantinet moins serrée que pour un produit importé d'un pays qui est reconnu pour avoir des normes beaucoup plus larges en matière d'environnement, de produits phytosanitaires et de santé publique.
    Tout à l'heure, les représentantes de l'Agence canadienne d'inspection des aliments semblaient vouloir nous rassurer quant à ce qui arrive à la frontière. Ce n'est pas la première fois que j'entends des propos qui se veulent rassurants de la part de cette agence, mais je ne suis pas convaincu que le respect des normes à la frontière s'effectue de façon aussi adéquate.
    Tout à l'heure, il a été question des carottes en provenance de la Chine. Avez-vous des exemples de produits en provenance des États‑Unis, du Mexique ou de l'Amérique du Sud qui démontrent que la situation est problématique?
    Chaque année, dans le temps des Fêtes, la laitue romaine qui provient de la Californie fait souvent l'objet d'un rappel en raison de la bactérie E. coli ou d'autres maladies qui peuvent être transmises à l'humain.
    Ce sont tous des éléments pour lesquels nous avons des normes à respecter, ici. Nous devons faire des analyses de l'eau à plusieurs reprises dans l'année afin d'assurer la salubrité, entre autres. Il existe aussi des normes régissant ce qui se passe ailleurs. Il est très rare de voir au Canada des problèmes de contamination à la salmonelle ou à la bactérie E. coli. Quoi qu'il en soit, les normes existent.
    Ce que vous nous dites est très pertinent.
    Quelles recommandations feriez-vous au Comité? J'aimerais que vous nous en donniez une ou deux que nous pourrions intégrer à notre rapport d'étude.
(1745)
    Premièrement, il faudrait qu'il y ait le même nombre d'inspections pour les légumes que nous importons que pour ceux que nous exportons. À la base, tous les légumes qui sont produits au Québec et que le Canada exporte doivent faire l'objet d'une inspection par l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
    Deuxièmement, en matière de tarification du carbone et de réciprocité des normes, il est primordial d'avoir les mêmes bases, afin que tous jouent à armes égales.
    Merci.
    Merci, monsieur Lehoux.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. MacDonald, qui dispose de cinq minutes.
    Monsieur Webb, je veux revenir à vous. J'ai bien aimé votre témoignage. J'approuve presque tout ce que vous dites. Je suis convaincu que nous nous dirigeons vers la tarification à la frontière, et elle finira sans doute par être appliquée au secteur de l'agriculture. Il y a beaucoup d'étapes à franchir avant d'en arriver là.
    Vous avez parlé des pratiques adoptées par les agriculteurs canadiens, comme la rotation des cultures, l'agriculture de précision, la rotation des pâturages, la gestion des nutriments et plus encore. D'après moi, ces pratiques nous placent dans une très bonne position, et je suis d'avis que les agriculteurs devraient être récompensés pour leurs efforts.
    Cela me ramène à mes réflexions sur les crédits de carbone et à la manière de les mesurer pour les agriculteurs, parce que je pense qu'il y a des possibilités là aussi. Ces possibilités sont liées à certains produits que nous importons et à notre harmonisation avec les États-Unis. À l'heure actuelle, le Congrès américain est saisi de quatre projets de loi qui éludent la question des crédits de carbone. Deux mesurent les intrants. Ils ont été introduits par les démocrates et les républicains, qui ne s'entendent pas sur grand-chose.
    Voici la question que j'ai pour vous. C'est peut-être redondant, mais je pense qu'il vaut la peine d'y revenir. Comment peut‑on réunir les intervenants de l'industrie et du gouvernement de sorte que nous fassions tout ce que nous pouvons pour... si ce n'est pas 2025 ou 2026, le Royaume-Uni, l'Union européenne et les États-Unis avancent maintenant dans cette direction. De plus, nous savons que si les États-Unis constatent qu'il y a un avantage pour leurs industries et leurs secteurs... Je pense que Mme Taylor Roy a mentionné que 73 % des Américains sondés appuient la tarification à la frontière. À ce point‑là, l'enjeu devient géopolitique.
    Comment pouvons-nous réunir tout le monde pour nous assurer de faire tout ce que nous pouvons pour soutenir nos agriculteurs?
    L'une des questions que je me pose — et les témoignages d'aujourd'hui le montrent peut-être aussi — est liée au fait que le Canada ne semble pas avoir de stratégie claire en matière d'agriculture. Les responsabilités sont réparties entre Environnement et Changement climatique Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada et Affaires mondiales Canada. Des organismes participent aussi au dossier.
    Comme je l'ai dit durant ma déclaration préliminaire, le Canada a l'occasion de jouer un rôle de premier plan. Le secteur contribue énormément au produit intérieur brut. Nous devons accroître notre PIB réel. Je pense que c'est une occasion pour nous, et de mon point de vue extérieur, c'est ce qui manque.
    Pour favoriser le commerce et l'agriculture, il nous faut une stratégie nationale sur l'agriculture. Nous devons pouvoir mettre en œuvre une stratégie nationale sur l'agriculture. Cette stratégie nationale doit être un cadre adapté aux régions, parce que ce qui fonctionne pour le Québec et l'Ontario ne fonctionnera pas pour l'Ouest canadien et la Colombie-Britannique, et vice versa. Ce n'est pas une mauvaise chose qu'il y ait des différences. Nous devons cultiver les différences parce que nous avons ce qu'il faut pour soutenir la concurrence et gagner.
    Il y a des différences régionales à l'intérieur du pays, mais mes pensées vont directement aux États-Unis, notre plus grand partenaire commercial. Nous devons harmoniser nos mécanismes avec les leurs de sorte que toutes les mesures que nous prenons ou les ajustements que nous faisons concordent avec ce qu'ils font. Si l'on va un peu plus loin, je comprends. Je viens de l'Île‑du‑Prince-Édouard. Nous faisons peut-être les choses différemment que dans l'Ouest canadien, mais je pense que nous avons aussi des points en commun.
    Je trouve très important que nous nous arrimions à des pays qui adoptent des cadres réglementaires transparents et fondés sur des données scientifiques. Cela nous ramène à la question de M. Barlow. Tant qu'il y a de la transparence et que nous connaissons les règles du jeu, des possibilités s'offrent au Canada. Lorsqu'il n'y a ni transparence ni fondement scientifique, je pense que la situation devient très dangereuse pour le Canada.
    Je le répète, selon moi, le cadre des États-Unis correspond davantage à celui du Canada qu'à celui de l'Union européenne.
(1750)
    J'ai terminé, monsieur le président. Merci.

[Français]

    Monsieur Perron, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais revenir sur ce qui a été discuté avec M. Lehoux.
    En ce qui concerne la gestion des risques, vous demandez que l'on fasse des inspections de façon aussi fréquente et aussi rigoureuse pour les produits importés que pour les vôtres, et que les mêmes exigences s'appliquent. Je vous ai bien compris. Ce sera donc assez simple de rédiger des recommandations à ce sujet.
    En ce qui concerne l'ARLA et l'homologation des produits, on pourrait parler d'un paquet de choses, mais j'ai l'exemple du linuron qui me vient en tête. À un moment donné, nos producteurs ne pouvaient pas l'utiliser, mais on importait des carottes des États‑Unis dont la culture avait été rendue possible notamment grâce à ce produit.
    Ces inepties et ces illogismes sont-ils causés par le fait que ce sont des agences différentes qui réglementent ça? Comment voyez-vous ça?
    Est-il possible d'établir une collaboration internationale, un partage d'expertise, pour assurer une meilleure fluidité sans réduire nos normes de qualité?
    Il y a juste une chose que j'aimerais porter à votre attention. Ce qui restreint aussi le nombre de produits phytosanitaires disponibles chez nous, ce sont nos étiquettes. Les étiquettes sont tellement lourdes que les producteurs de produits phytosanitaires ne veulent pas les mettre sur le marché au Canada. Ils décident de continuer de les produire pour les États‑Unis et d'autres pays, mais ils refusent de les produire pour le Canada. C'est ce qui est arrivé dans le cas du Betamix, qui est utilisé pour les betteraves, par exemple.
    Alors, oui, une collaboration internationale serait la solution rêvée. Toutefois, est-ce possible? Je ne le crois pas, parce que certains pays, comme la Chine et le Mexique, ont des exigences très différentes des nôtres en ce qui a trait à l'équipement qu'ils utilisent pour appliquer les produits phytosanitaires. Les étiquettes ne peuvent donc pas être pareilles.
     Je pensais plutôt à une collaboration entre le Canada, les États‑Unis et l'Europe. Quand il y a des produits à homologuer, on pourrait même se partager la tâche de faire les tests. Si les pays reconnaissaient la compétence des autres en la matière, on pourrait être plus efficace.
     Encore là, la compétition pour la réciprocité des normes est internationale. Si nous n'avons pas les mêmes produits que le Mexique parce que celui-ci ne fait pas partie de notre accord, nous serons encore les plus touchés dans tout ça.
    Vous parliez du linuron tantôt, et c'est un bel exemple. Rappelons qu'on réclamait de l'ARLA l'autorisation du linuron et qu'on était dans une course contre la montre, parce qu'essentiellement, faute d'approbation des autorités canadiennes, le fabriquant disait, avec raison, qu'il pouvait écouler ses produits sur le marché américain. Alors, il était midi moins une, et nous n'avons pas eu les quantités dont nous aurions eu besoin.
    Par ailleurs, je vous dirais qu'il y a une certaine forme de protectionnisme. On a fait le choix de ne plus produire ce type de produit au Canada. On devient donc terriblement dépendant des autres pays.
    Merci beaucoup.
    Nous terminons par vous, monsieur Cannings. Vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci.

[Traduction]

    J'ai une dernière question pour M. Webb.
    J'essaie de comprendre le rôle des organismes mondiaux dans ce dossier, par exemple l'OMC. Si nous instituons un régime comprenant des ajustements à la frontière pour le carbone dans le secteur de l'agriculture, comment sera‑t‑il réglementé?
    Est‑ce que ce sera par l'intermédiaire d'accords commerciaux bilatéraux? Est‑ce que l'OMC pourrait en être responsable?
    Certaines divisions de l'OMC semblent un peu dysfonctionnelles en ce moment en raison des actions des États-Unis.
    Pouvez-vous nous parler des enjeux de plus haut niveau?
    De toute évidence, la directrice de l'OMC appuie le concept des ajustements à la frontière pour le carbone, mais ce sont les membres de l'OMC qui doivent y adhérer. On revient à la même question: comment faire pour que tout le monde soit sur la même longueur d'onde? L'observation au sujet de l'harmonisation est cruciale.
    Je pense que l'OMC aura un rôle à jouer. Une des témoins du groupe précédent — j'oublie son nom — a dit que tout se jouera dans les détails.
    Il y a un risque réel que les ajustements à la frontière soient considérés comme une barrière commerciale non tarifaire ou une subvention injuste du gouvernement. Avant de mettre en œuvre une politique, il faut absolument savoir comment les différends seront réglés. Il faut l'adhésion des organisations commerciales internationales.
     C'est un peu le désordre.
(1755)
    Merci.
    Monsieur Webb, j'ai une dernière question.
    Je pense que ce que j'entends aujourd'hui... On n'ose pas parler de la tarification du carbone dans le secteur de l'agriculture. Les carburants agricoles en sont presque tous exemptés. La Chambre des communes est saisie du projet de loi C‑234. Je pousse parfois mes collègues conservateurs pour savoir quand elle sera mise aux voix.
    Je pense qu'une question plus vaste se pose, que la tarification du carbone soit applicable ou non: y aura‑t‑il une autre forme de contribution, disons, de la part de l'industrie? Si nous croyons qu'il y a du travail à faire — et je comprends ce que vous dites au sujet des agriculteurs qui ont adopté des technologies et qui misent sur l'innovation —, nous pourrions être obligés de trouver un compromis entre l'économie et les résultats environnementaux. Comment pouvons-nous trouver un équilibre entre les deux?
    Je comprends ce que vous dites au sujet d'une stratégie canadienne sur l'agriculture et des différences régionales; tout cela est très bien. Toutefois, nous parlons de la position du Canada dans le monde; nous cherchons des moyens de concilier la volonté de maintenir l'avantage concurrentiel actuel du Canada au chapitre de la durabilité et la volonté de continuer à déployer des efforts en vue de réduire les émissions à l'échelle de l'industrie, et non seulement dans le secteur de l'agriculture. Nous voulons éviter de miner la compétitivité dans un monde où les échanges commerciaux sont faits à l'échelle mondiale.
    Si la décision vous appartenait, que feriez-vous?
    Je n'entends pas parler du MACF. Faut‑il adopter une approche de type club, en s'arrimant à d'autres pays qui demandent expressément à leur secteur agricole d'agir, que ce soit en adoptant des politiques de tarification ou en prenant d'autres types de mesures, comme des subventions massives du gouvernement pour soutenir l'industrie, mesures qui ont une incidence sur le portefeuille des contribuables?
    En une minute, pouvez-vous nous dire ce que vous feriez si la décision vous appartenait?
    Merci de me confier cette tâche, monsieur le président.
    Encore une fois, du point de vue canadien, je pense qu'il faut, entre autres, que le secteur de l'agriculture parle d'une même voix. Nous n'avons pas d'ambassadeur de l'agriculture. Beaucoup de personnes prennent la parole, mais personne ne le fait à titre de défenseur ou de porte-parole du secteur. Je pense qu'il serait très utile de parler d'une voix commune.
    En ce qui concerne la mise en œuvre, il faut en avoir pour notre argent. Quel est le taux de rendement des investissements? Nous n'avons pas choisi les mesures que nous avons prises pour arriver là où nous en sommes au Canada aujourd'hui parce qu'elles n'avaient pas de sens du point de vue économique. Les mesures que les agriculteurs ont déjà prises sont sensées sur les plans économique, environnemental et social. Nous devons porter toute notre attention aux rendements économiques, environnementaux et sociaux; nous ne devons pas chercher à faire des compromis entre les uns et les autres. Je pense que c'est là qu'il faut un changement de mentalité.
    Il faut absolument continuer à innover et à créer de nouveaux outils. Les autres témoins ont parlé du manque d'accès aux outils et aux technologies. C'est dommage. Il faut avancer, et le Canada doit jouer un rôle de premier plan dans ce dossier.
    Je pense que nous sommes tous d'accord avec vous là‑dessus. Il faut trouver une façon de récompenser les efforts sans les miner. Nous poursuivrons la discussion.
    Merci à tous nos témoins. Au nom des membres du Comité, madame Lefebvre, monsieur Bourgoin, monsieur Webb, je vous remercie pour vos témoignages.
    Chers collègues, je vous remercie d'être restés. Je sais que le vote a été retardé. Nous nous reverrons jeudi matin, dès 8 h 15.
    La séance est levée.
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