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Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 42e réunion du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Je vais commencer par faire quelques rappels. La réunion d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride. Les délibérations sont diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, la diffusion Web montrera toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.
[Traduction]
Il est interdit de faire des captures d'écran ou de prendre des photos de votre écran.
À nos témoins, puisque nous en avons deux ou trois qui se joignent à nous en ligne... Veuillez adresser vos remarques par l'intermédiaire du président. Bien sûr, pour ceux qui ont besoin de la traduction, vous pouvez basculer entre l'anglais et le français.
Monsieur Charlebois, je sais que vous êtes bilingue, mais vous pouvez aussi utiliser ceci si vous en avez besoin.
Chers collègues, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 21 novembre 2022, le Comité reprend son étude sur l'inflation du prix des aliments.
J'aimerais maintenant accueillir nos témoins pour ce premier groupe d'une heure. Avec nous aujourd'hui, nous avons Sylvain Charlebois, directeur de l'Agri-Food Analytics Lab, et professeur à l'Université Dalhousie. Des Compagnies Loblaw Limitée, nous avons Jodat Hussain, vice-président principal, Financement et Vente au détail. Se joignant à nous virtuellement, nous avons, du Conseil canadien du commerce de détail, Karl Littler, vice-président principal, Affaires publiques.
Chers collègues, vous connaissez la routine. Nous aurons cinq minutes pour les déclarations liminaires, puis nous passerons aux questions. Je vais commencer par M. Charlebois, qui est dans la salle.
Vous avez jusqu'à cinq minutes, monsieur. La parole est à vous.
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Merci, monsieur le président et membres du Comité. Je vous remercie de m'avoir invité à nouveau pour cette importante conversation sur l'abordabilité des aliments.
Face à la hausse du prix des aliments, beaucoup s'empressent de reprocher aux épiciers d'accumuler des bénéfices et de profiter des consommateurs. La notion de profit est devenue l'une des questions les plus débattues au cours des derniers mois.
Dans un de nos récents rapports, nous avons utilisé des données publiques pour examiner le bénéfice brut de chacune des trois grandes épiceries canadiennes: Empire/Sobeys, Metro et Loblaws. Nous avons calculé leurs « meilleures » et « moyennes » performances respectives pour les six dernières années. Nous n'avons pas trouvé de preuve de profitabilité sur tous les plans.
Cela ne signifie pas que des changements ne s'imposent pas. Les épiciers sont incroyablement diversifiés et vendent des cosmétiques, des médicaments et des vêtements. Les marges sont différentes pour ces secteurs verticaux, et bien sûr, l'éthique et les responsabilités sociales de la vente de bananes ou d'œufs sont très différentes de celles de la vente de rouges à lèvres. Les épiciers ont commencé à déclarer leurs ventes de produits alimentaires séparément de leurs opérations non alimentaires. Contrairement à la vente de T‑shirts ou de parfums, la vente d'aliments, une nécessité de la vie, est intrinsèquement régie par l'éthique, et les enjeux sont très différents. Il faut que cela continue.
Pourtant, certaines hausses de prix restent difficiles à expliquer, car nous restons préoccupés par certains secteurs verticaux. Les viandes et les produits de boulangerie en sont de bons exemples.
Le Bureau de la concurrence a constamment manqué à ses obligations envers le public canadien en n'apportant pas un soutien énergique aux législateurs canadiens lorsqu'il se contente d'approuver des acquisitions et de superviser des enquêtes avec peu ou pas de vigueur.
Le scandale du prix du pain en est un bon exemple. Après sept ans, l'enquête est toujours en cours. Nous avons également vu des enquêtes sur la viande et le saumon, dont aucune n'a produit de résultats définitifs. Notre pays a vu la confiance des consommateurs être compromise, ce qui se répercute sur notre relation avec les épiciers en raison du bagage du Bureau de la concurrence — c'est‑à‑dire les affaires embarrassantes en suspens dans de nombreux dossiers. Les consommateurs canadiens se sentent très mal protégés.
Aux États-Unis, les choses sont très différentes. Kroger tente actuellement d'acquérir Albertsons pour près de 25 milliards de dollars, ce qui ferait de Kroger le deuxième plus grand épicier en Amérique. On pourrait demander à Kroger de se défaire de près de 400 magasins, créant ainsi un rival pour le nouvel épicier. Cela ne se produirait jamais au Canada. Lorsque Provigo a été acheté par Loblaws en 1998, ou lorsque Metro a acheté A&P en 2005, ou même lorsque Sobeys a acheté Safeway dans l'Ouest en 2013, presque personne n'a sourcillé pendant les procédures. Au fil des ans, nous avons vu de nombreux épiciers indépendants disparaître en conséquence. Les consommateurs de partout méritent plus d'options de vente au détail.
[Français]
Le code de conduite est nécessaire. De nombreux Canadiens ignorent le fait que, dans l'industrie alimentaire, les fournisseurs doivent payer les épiciers pour faire des affaires. Les frais sont justifiés par les coûts de marchandisage et l'espace d'étalage, ce à quoi tout le monde s'attend.
Cependant, les choses ont changé ces dernières années. Des entreprises comme Loblaw, Walmart et Metro exagèrent, et certaines redevances ont été imposées rapidement ainsi que de manière fortuite et unilatérale. Au Canada, il est maintenant plus difficile d'être concurrentiel pour les transformateurs et les épiciers indépendants.
Un code de conduite pour les épiciers aura pour but de changer la culture d'une industrie où la coordination verticale et la collaboration existent à peine. Il s'agit également de s'attaquer à un modèle économique défaillant. Un code pourrait neutraliser les rapports de force au sein de la chaîne, stabiliser les prix au détail, mettre l'accent sur la valeur et l'innovation pour les consommateurs, améliorer la sécurité de l'approvisionnement en aliments au pays et encourager l'investissement dans le secteur agroalimentaire.
Merci, monsieur le président.
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Bonjour. Mon nom est Jodat Hussain et je suis vice-président principal, Finances, Magasins de détail, chez Loblaw. Je tiens à remercier les honorables membres du comité pour cette invitation à témoigner.
L'inflation a touché tous les pays et tous les secteurs d’activité, notamment celui de l'alimentation. Bien que le Canada ait l'un des taux d'inflation alimentaire les plus bas du G7, nous savons que cela ne rassure guère les consommateurs qui doivent débourser 10 % de plus pour se procurer des produits essentiels.
Je suis heureux de pouvoir faire la lumière sur les mesures prises par Loblaw pour réduire l'impact de l'inflation du prix des aliments et pour s'assurer que nos prix n'augmentent pas plus vite que les coûts auxquels sont confrontés nos fournisseurs.
Comme tous les épiciers, Loblaw est essentiellement un distributeur de produits alimentaires. Nous achetons des produits auprès de fournisseurs, puis nous les vendons à la clientèle. Nous sommes tributaires du prix que les fournisseurs nous facturent quand vient le temps pour nous d’établir nos prix de détail. Fondamentalement, les prix des produits d'épicerie sont en hausse parce que les coûts des produits que les épiciers achètent auprès des fournisseurs ont augmenté.
Au cours d'une année normale, les fournisseurs nous demandent généralement de débourser davantage pour l’achat de leurs produits. Cependant, avec l'avènement de la pandémie et de l'inflation, les augmentations de coûts du côté des fournisseurs sont montées en flèche. Il suffit de penser à 2020, qui fut une année record; suivie de 2021, qui aura été encore pire, sans parler de 2022, qui a atteint des sommets sans précédent.
Nos experts examinent chaque demande d’augmentation de coûts, afin de nous assurer qu’elles sont justifiées en fonction des conditions du marché. Nous négocions en vue d’obtenir les meilleurs coûts possible, afin que nos magasins puissent offrir les meilleurs prix. Grâce à notre approche serrée en matière de négociations, nous avons refusé pour près d’un demi-milliard de dollars en coûts supplémentaires cette année.
Les coûts des intrants et des ingrédients de base tels que le sucre, la farine, l'huile, la main-d'œuvre et le carburant ayant considérablement augmenté partout dans le monde, nos fournisseurs ont été soumis à de fortes pressions. Par conséquent, plusieurs augmentations de coûts, pleinement justifiées, ont été approuvées et se sont reflétées dans nos prix en tablettes.
Certaines négociations peuvent s’avérer plus ardues que d’autres. Par exemple, lorsque nous n'avons pas pu nous mettre d'accord sur une augmentation équitable du coût des croustilles, notre fournisseur a cessé de nous approvisionner et, par ricochet, nos millions de clients. Pendant des semaines, nos tablettes de croustilles ont été pratiquement vides; on parle donc ici d’un bris de service qui a eu des répercussions sur nos clients. Mais cela montre à quel point nous prenons notre rôle au sérieux et faisons le nécessaire pour que les prix demeurent équitables.
Il est important de souligner que les marges bénéficiaires des épiciers demeurent faibles, celles‑ci s’élevant à moins de 4 ¢ pour chaque dollar vendu. Ces marges sont drastiquement moindres comparativement à d’autres secteurs d’activité, ici même au Canada, y compris celles des fournisseurs des produits que nous vendons. Par conséquent, lorsque les coûts que nous payons augmentent, les prix que les clients doivent généralement payer augmentent aussi, mais nous n’avons ménagé aucun effort afin de protéger les prix des aliments.
La meilleure façon de nous juger est de regarder notre marge brute sur les produits alimentaires, c’est‑à‑dire l'écart entre ce que les fournisseurs nous facturent et ce que nous facturons aux clients. Depuis la montée de l'inflation l’an dernier, nos marges n'ont pas augmenté. C’est pourquoi nous pouvons dire avec assurance que les prix de Loblaw n'ont pas augmenté pas plus vite que les coûts, et nous n’avons nullement profité de l'inflation pour engranger des bénéfices.
Nous évoluons au sein d’un secteur hautement concurrentiel. On y retrouve des épiciers aux reins solides, qu’ils soient régionaux, nationaux ou des géants mondiaux comme Walmart, Costco et Amazon — qui représentent un tiers du marché —, ou encore de plus petits indépendants dont la croissance est trois fois plus rapide que celle des grandes chaînes. Si l'expérience de magasinage, la variété et les prix que nous offrons ne sont pas parmi les meilleurs, les clients ont des centaines d'options et iront tout simplement ailleurs.
Nous sommes fiers de la valeur que nous offrons aux consommateurs. Nous continuons à refuser toute augmentation de coût excessive. Nous avons gelé les prix de plus de 1 500 produits sans nom. Nous distribuons un nombre record de points de fidélisation — l’équivalent de plus d'un milliard de dollars — afin d’aider à réduire la facture d'épicerie de nos clients. Et nous ne comptons pas nous arrêter là.
Partout dans le monde, les instances politiques se posent les mêmes questions. L'inflation et le prix des aliments sont en hausse partout. L’alimentation au détail demeure un secteur complexe, qui réunit de nombreux acteurs. Pour trouver les bonnes réponses, il faudra analyser tant ce qui se fait du côté des détaillants, que de celui des fournisseurs et de l'ensemble de la chaîne de valeur à l’échelle mondiale.
Ici, chez nous, nous nous efforçons de toujours offrir à nos clients la meilleure valeur possible, en dépit de l'inflation.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens d'abord à remercier le Comité de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui et à exprimer notre espoir que cette étude examinera comme il se doit les causes profondes de l'inflation, son contexte mondial et les nombreux facteurs qui y contribuent.
Le manque d'expérience moderne du Canada en matière d'inflation fait en sorte que certains commentateurs portent des jugements hâtifs, alors que nous aurions avantage à examiner le problème dans toute sa complexité. En ce qui concerne l'inflation du prix des aliments, il faut examiner le problème à partir de la base, au sens figuré comme au sens propre.
Si les prix ont fortement augmenté sur les étagères des épiceries, c'est pour une simple raison: les fabricants, les transformateurs et les grossistes de produits alimentaires ont augmenté leurs prix de façon répétée et presque générale. Les coûts des vendeurs augmentent, principalement parce que les prix des agriculteurs, des producteurs et des importateurs ont augmenté à un rythme inégalé. À leur tour, les agriculteurs ont dû faire face à des augmentations massives du coût des engrais, du carburant diesel et de la nourriture des animaux, entre autres.
Nous vivons une confluence unique d'événements — guerre, conditions météorologiques extrêmes et flambée des prix du carburant — qui s'ajoutent aux perturbations de la chaîne d'approvisionnement et, dans certains cas, aux pénuries de main-d'œuvre. Certains de ces facteurs touchent toutes les industries canadiennes, mais d'autres sont très spécifiques ou plus concentrés dans le secteur de la production et de la distribution des aliments qu'ailleurs.
Le plus grand méchant identifiable est l'invasion fomentée par Poutine, qui nuit aux exportations de céréales et d'engrais de deux des plus grands producteurs mondiaux — l'Ukraine et la Russie — et fait grimper les prix mondiaux de ces produits. Les céréales sont indispensables à la fabrication des aliments de base tels que le pain, les pâtes, les céréales et les huiles, ainsi que de la majorité des produits sur les principaux rayons des épiceries. Bien entendu, les céréales servent également à nourrir la plupart des animaux élevés pour leur viande ou pour la production d'œufs et de lait.
La sécheresse et la chaleur ont frappé de plein fouet les régions productrices de fruits et de légumes dont le Canada dépend le plus, surtout la Californie, mais aussi l'Ouest du Canada. Cela a des répercussions non seulement sur les rayons de produits frais, mais aussi sur les légumes et les fruits en conserve, congelés ou en boîte, les sauces, les jus et tous les produits dont ils sont des ingrédients.
Vous connaissez déjà l'histoire des produits laitiers et des œufs et savez comment les offices de gestion de l'offre ont déterminé que la hausse des coûts du carburant, de la nourriture des animaux et des engrais était à l'origine des augmentations de prix sans précédent. Je pourrais aussi parler de la flambée des coûts d'emballage et d'expédition, et de la baisse de la valeur du dollar canadien, qui est de plus en plus importante.
Il faut féliciter le Comité de s'être penché sur certaines de ces causes profondes, y compris la récente étude sur les répercussions de l'invasion de l'Ukraine et les travaux supplémentaires sur les questions liées au changement climatique, mais d'aucuns, tant dans le monde politique que dans les médias, ont délibérément cherché à établir dans l'esprit du public un lien avec les gains des épiciers, alors parlons‑en, brièvement.
L'épicerie est un secteur à fort volume et à faible marge, dont les bénéfices doivent être considérés en pourcentage et non en dollars nominaux. Inévitablement, dans un environnement inflationniste et avec une population croissante, les dollars vont augmenter avec le temps, mais ce sont les pourcentages qui comptent. Vus sous cet angle, des gains de 2 %, 3 % et 4 % sont stables et s'inscrivent dans les normes historiques des épiceries. Ils sont aussi nettement inférieurs à ceux de la plupart des industries canadiennes lorsqu'on les compare à ceux des grandes entreprises de transformation des aliments — dont le pourcentage de bénéfice se situe généralement entre 12 et 15 % — et ils sont inférieurs à la moyenne du revenu agricole net canadien, qui est de 5,4 %.
Du côté des épiciers, la croissance des bénéfices provient principalement des produits de pharmacie, de santé et de beauté, et non des aliments, et certainement pas des produits alimentaires de base, dont la rentabilité est stable. Il y a des gens pour qui tout degré de profit est suspect sur le plan idéologique, et je ne pense pas que je vais les dissuader. Je dirais que toute personne intéressée par l'investissement et l'emploi, ou qui recevra le Régime de pensions du Canada, ou qui a un REER, un régime de retraite en milieu de travail ou un régime d'épargne-études, devrait souhaiter vivement que l'activité commerciale produise au moins un certain profit, et qualifier d'absurde l'idée que des profits de l'ordre de 2 à 5 % sortent de l'ordinaire.
Évitons les jugements hâtifs, examinons l'ensemble de la situation et tenons‑en compte dans nos politiques et nos paroles.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
Je sais que nous avons vu les prix sur les rayons des épiceries grimper de plus en plus. D'après ce que j'ai pu comprendre, les producteurs de fruits et légumes ne sont pas payés davantage pour leurs produits. La concurrence sur le marché, en raison de la domination des chaînes d'épiceries, oblige les agriculteurs à vendre leurs produits à des marges ridiculement faibles ou même à essuyer des pertes simplement pour avoir le privilège de continuer à vendre leurs produits à des géants de l'alimentation comme Loblaws. Les agriculteurs prennent tous les risques, mais ce sont les géants de l'alimentation qui en tirent tous les bénéfices. J'ai ardemment demandé la création d'un code de conduite pour les épiceries, et j'espère que cela se concrétisera pour que certains des problèmes que nous voyons ici aujourd'hui soient réglés.
Monsieur Hussain, j'ai une question pour vous. Votre entreprise a déclaré des bénéfices records, mais les données financières ne sont pas accessibles au public pour savoir si ces bénéfices sont le fruit de la diversité ou d'une augmentation du coût des aliments. Je me demande simplement si Loblaws suit ses ventes par catégories distinctes.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui. Je vais certainement écouter attentivement vos observations et prendre tout en considération.
En ce qui concerne la déclaration liminaire de M. Littler, je pense que nous comprenons tous que les coûts ont augmenté dans la chaîne d'approvisionnement agroalimentaire et qu'il y a de bonnes raisons pour cela à l'échelle mondiale. Ce qui m'a frappé, je crois, c'est de voir Loblaw, Metro et les autres grandes chaînes d'épicerie affirmer que ces bénéfices nets, qui sont assez importants...
Monsieur Hussain, je pense que vous nous présentiez un raisonnement ou une explication tout autre que la prémisse selon laquelle il y a du mercantilisme. Je pense qu'il serait intéressant de creuser un peu plus et de mieux comprendre cela. En outre, pour que les choses soient claires, je dois dire que le bénéfice net, comme nous le savons tous, est le revenu d'une entité moins tous les coûts: les marchandises, les dépenses, la dépréciation, l'amortissement, les intérêts et l'impôt. Nous parlons réellement du bénéfice net de Loblaw dans son ensemble lorsque nous parlons de 266 millions de dollars avant la pandémie à, je suppose, 387 millions de dollars aujourd'hui. Il s'agit d'un bénéfice assez considérable, compte tenu du fait que nous avons traversé une pandémie mondiale et que les Canadiens ont du mal à payer les produits de première nécessité, comme vous l'avez dit.
Monsieur Hussain, vous pouvez peut-être nous éclairer. Vous avez mentionné les produits de santé et de beauté comme l'un de vos secteurs verticaux. Ce secteur a‑t‑il connu un tel succès au cours des deux dernières années qu'il est à l'origine de l'augmentation de vos bénéfices nets?
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Oui, je vous en remercie.
Je note aussi, selon les renseignements publics, que vous avez également augmenté de 11 % les dividendes trimestriels versés aux actionnaires. Cela m'amène à dire, d'accord, en tant que grande entreprise au Canada, vous générez des profits importants et vous augmentez les paiements de dividendes pour vos actionnaires, ce qui est bien, mais encore une fois, je m'intéresse à la façon dont nous pouvons faciliter la vie de la famille canadienne moyenne qui a du mal à acheter son panier de produits à l'épicerie. Y a‑t‑il autre chose — je sais que vous vous dites fiers d'être une entreprise citoyenne — que vous pouvez faire?
Je ne suis pas ici pour dépeindre les entreprises comme des monstres, ou quoi que ce soit. Je vous crois sur parole. Je m'intéresse simplement à la façon dont Loblaw, en cette période de crise que le pays traverse, peut vraiment aider les Canadiens à payer leur épicerie. Y a‑t‑il autre chose que Loblaw est prête à faire, à part geler les prix de la marque sans nom? C'est une bonne mesure, mais je pense que les prix auraient pu être gelés à un peu plus haut, pour autant que je sache, compte tenu des temps que nous vivons.
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Comme vous l'a mentionné à Mme Rood plus tôt, nous vous serions reconnaissants de fournir cette information au Comité afin que nous puissions en prendre connaissance correctement.
Monsieur Hussain, vous avez dit que plusieurs facteurs influençaient l'inflation. On sait aussi que des frais sont facturés aux fournisseurs pour financer, semble-t-il, des investissements à long terme. D'ailleurs, M. Charlebois, d'Agri-Food Analytics Lab, en a parlé dans son allocution d'ouverture.
Selon les témoignages que nous avons déjà entendus au Comité, les frais pour les transformateurs représenteraient à peu près 18 % des coûts aux États‑Unis, comparativement à 28 % au Canada.
Comment expliquez-vous une différence de frais plus importante au Canada qu'aux États‑Unis?
Nous avons un rapport récent du Centre for Future Work. Il souligne que les bénéfices du secteur du commerce de détail alimentaire dans son ensemble ont augmenté de 120 % entre 2019 et cette dernière période, pour atteindre 2,8 milliards de dollars.
J'ai pris note des pressions que vous expliquiez subir dans vos observations préliminaires. Beaucoup de témoins qui ont déjà comparu devant le Comité ont parlé des mêmes coûts. Nous avons constaté que, malgré toutes ces pressions, les bénéfices ont augmenté.
Je ne répéterai pas certaines des questions que mes collègues autour de la table ont posées. Je passerai donc au salaire des employés dans votre industrie.
Le prix des produits alimentaires a augmenté de plus de 10 % en un an. C'est deux fois plus que les salaires, qui ont augmenté de 5,4 %. Je constate aussi que votre industrie, au beau milieu de la pandémie, a annulé la « rémunération des héros », dont beaucoup d'employés avaient bien besoin pendant cette période très difficile.
Quand nous voyons les bénéfices et le fait que votre industrie a annulé la « rémunération des héros », quel genre de message cela envoie‑t‑il aux Canadiens sur la valeur que vos employés apportent à votre industrie, si leurs salaires n'augmentent pas au même rythme que les produits d'alimentation mêmes qu'ils doivent payer?
:
Ce que les marchands font par rapport aux prix à la consommation est composite.
Il faut savoir que, même avant les gels de prix, il y avait une part très importante de magasins d'alimentation à prix réduits sur le marché canadien. De toute évidence, le consommateur se tourne vers ces commerces. Il y a un gros effort pour faire en sorte de s'approvisionner en produits de première nécessité de manière à les offrir aux consommateurs au plus bas prix possible.
En ce qui concerne les gels, les marchands ont opté pour différentes approches. Manifestement, la décision prise par Loblaw a été la plus commentée, mais d'autres épiciers ont fait la même chose. Il est important, selon moi, de comprendre qu'ils travaillent avec des marges très minces qui limitent leurs choix. Dans cette situation, les épiciers n'ont pas prise sur tout.
Il est important aussi de voir ce que les fabricants peuvent faire. Nous disions, il y a quelques minutes, que les marges moyennes des magasins d'alimentation sur cinq ans étaient de 2 %, 3 % ou 4 %. Si vous regardez la marge de Kraft, elle est de 14,8 % sur la même période. Celle de Pepsi est de 11,6 %. Celle de Procter & Gamble, de 18,2 %.
Les magasins d'alimentation font ce qu'ils peuvent, mais il est très important de voir aussi ce qui peut être fait dans la partie transformation de la chaîne.
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Les pharmacies sont, évidemment, des entreprises mixtes, car on y trouve les produits pharmaceutiques — les produits vendus sur ordonnance et sans ordonnance —, mais aussi beaucoup de produits en devanture qui représentent une part de plus en plus importante d'un certain nombre de commerces d'épicerie.
Par ailleurs, au lendemain de la pandémie, il y a eu beaucoup plus de voyages. Les Canadiens sortent de nouveau pour aller travailler. Ils attrapent froid et toussent, et ainsi de suite, ce qui fait que la consommation de produits correspondants a augmenté.
De plus, il s'agit généralement d'articles sur lesquels la marge est plus importante. La concurrence est féroce sur les produits alimentaires, en particulier sur les produits alimentaires de première nécessité. La marge est un peu plus élevée sur les produits de santé et de beauté. C'est pourquoi c'est un facteur très important, alors que les marges dans l'alimentation restent inchangées.
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Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
Ma question fait suite à celle de M. MacGregor et elle est pour vous, monsieur Hussain.
J'avais une collègue qui me rendait visite le week-end dernier. Elle travaille pour Your Independent Grocer, qui est syndiqué, comme vous le mentionnez, mais la plupart des employés sont payés entre 16 et 18 $ de l'heure. Elle gagne un peu plus parce qu'elle gère une grande partie du magasin.
Elle m'a dit que son directeur de magasin ne toucherait pas de prime cette année parce qu'il n'avait pas réduit les salaires d'autant que la haute direction le voulait, et que cette haute direction avait certains objectifs pour ce qui est de réduire les salaires dans l'entreprise.
Comme vous êtes dans la partie financière, je vous demanderai pourquoi c'est un objectif maintenant, étant donné que vos bénéfices augmentent et que les employés souffrent manifestement de l'inflation élevée dans de nombreux domaines, pas que dans l'alimentation.
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C'est une très bonne question. Je me suis déjà exprimé sur la question.
Personnellement, je ne pense pas que c'était une bonne initiative à prendre. Je comprends le raisonnement géopolitique de cette décision, mais le fait de pénaliser ainsi les producteurs peut compromettre notre sécurité alimentaire, pas seulement au Canada, mais également ailleurs dans le monde. En effet, nous produisons beaucoup de grains pour le reste du monde.
Cela dit, je ne suis pas certain non plus que ce serait une bonne idée de revenir sur cette décision, parce que, en ce moment, nous avons besoin de la prévisibilité des marchés. Certains producteurs font leur planification en fonction du tarif imposé.
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Il est donc question de sécurité alimentaire.
D'accord. Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Hussain, je vais vous poser une question et il devrait rester quelque 30 secondes, une fois que j'aurai terminé.
Comment expliquez-vous le fait que les fournisseurs, les producteurs agricoles, et même les transformateurs, disent voir leurs marges diminuer? Pourtant, vous êtes en mesure d'augmenter vos marges ou, à tout le moins, de les maintenir.
Où se situe la différence?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Hussain, j'aimerais continuer sur la dernière question qui portait sur la confiance, non seulement à cause des problèmes que j'ai mentionnés et des enquêtes en cours du Bureau de la concurrence, mais en raison de l'image que les Canadiens se font de votre secteur qui, vous en conviendrez, je crois, n'est pas très bonne à l'heure actuelle. Ils voient les marges bénéficiaires. Ils voient les primes des dirigeants. Ils ont réfléchi aux dividendes versés par rapport aux salaires des employés.
Vous parlez maintenant à un comité de parlementaires qui prendront très au sérieux ce que le professeur Charlebois a mentionné, c'est‑à‑dire le fait que le Bureau de la concurrence n'a pas suffisamment de ressources. Il me semble que la pression est sur votre industrie qui doit se montrer proactive. Autrement, elle découvrira que les parlementaires prendront les choses en main et seront proactifs à sa place.
Encore une fois, monsieur Hussain, je tiens à ce que vous m'expliquiez ce que votre entreprise en particulier va faire de manière proactive à partir de maintenant pour essayer de rétablir la confiance brisée par tous les événements que je mentionnais.
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Je pense que c'est un geste attentionné, madame Valdez.
Je ne vois dans la salle aucune hésitation de la part des membres du Comité. Avons-nous un consentement unanime à ce qu'une lettre de condoléances soit rédigée?
Nous avons un consentement unanime. C'est parfait. Je veillerai, en tant que président, à ce que nous envoyions cette lettre en notre nom à tous. Je vous remercie, madame Valdez.
Chers collègues, voilà qui met fin au premier groupe. Ne vous éloignez pas. Nous allons installer le deuxième groupe dans quelques instants. Je vous remercie.
Je remercie tous les témoins.
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Je remercie l'équipe technique d'avoir tout mis en place très rapidement.
Dans le deuxième groupe aujourd'hui, nous avons, de l' Empire Company Limited — plus connue sous le nom de Sobeys par chez moi, en Nouvelle-Écosse —, M. Pierre St‑Laurent, chef de l'exploitation. Monsieur St‑Laurent, bienvenue au Comité.
De Produits alimentaires, de santé et de consommation du Canada, nous avons Michael Graydon, chef de la direction, qui est avec nous en ligne. Bienvenue de nouveau au Comité. Nous vous connaissons déjà.
Des Producteurs de fruits et légumes du Canada, nous avons Rebecca Lee, directrice générale. Madame Lee, vous êtes dans la salle. Je vous remercie de votre présence aujourd'hui.
Chers collègues, nous commencerons par les observations préliminaires de cinq minutes. Ce sera d'abord le tour de M. St‑Laurent.
Vous avez cinq minutes au plus pour vos observations préliminaires.
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Merci, monsieur le président.
Au cours des derniers mois, l'inflation dans le monde a atteint des sommets que nous n'avions pas vus depuis des dizaines d'années. Nous comprenons que le coût de la vie, y compris le coût de l'alimentation, préoccupe les Canadiens, qui veulent comprendre pourquoi leur facture d'épicerie est aujourd'hui si élevée. C'est la raison pour laquelle Empire Company Limited témoigne devant le Comité aujourd'hui.
Premièrement, en tant qu'entreprise s'étant engagée à nourrir les familles, Empire n'apprécie pas l'inflation.
L'inflation telle que nous la vivons depuis quelques mois est mauvaise et inquiétante pour les Canadiens, qui doivent faire des choix et ajuster leurs comportements d'achat. Ils doivent plus que jamais réfléchir à ce qu'ils achètent s'ils veulent respecter leur budget. Elle est également mauvaise pour notre entreprise, puisqu'elle perturbe nos opérations et nous oblige à relever de nombreux défis opérationnels.
Deuxièmement, l'inflation alimentaire est un défi mondial causé par un ensemble de facteurs macroéconomiques ayant une influence sur la hausse des coûts de production des aliments.
Pour ce qui est du coût des marchandises, les événements géopolitiques ainsi que les conditions météorologiques extrêmes, la flambée des coûts de l'énergie, les perturbations de la chaîne d'approvisionnement, l'affaiblissement du dollar canadien et les pénuries de main-d'œuvre ont créé une tempête parfaite pour nos fournisseurs. Ces derniers sont désormais malheureusement obligés d'augmenter le coût des produits qu'ils offrent.
Bien que nous recevions chaque mois des centaines de demandes d'augmentation de coûts de la part de nos fournisseurs, nous nous engageons à évaluer chaque demande de manière rigoureuse et à examiner tous les facteurs de coûts qui touchent nos fournisseurs, afin de nous assurer de la justification factuelle de chaque demande et de chaque composante de l'augmentation de prix, et minimiser ainsi les répercussions sur nos clients.
Malheureusement, les conditions actuelles sont telles que nos fournisseurs n'ont d'autre choix que de demander aux détaillants des augmentations de coûts importantes pour rester rentables. Les agriculteurs canadiens sont particulièrement touchés par l'environnement macroéconomique actuel. En effet, de nombreuses exploitations agricoles seraient en grand danger si les fournisseurs et les détaillants n'acceptaient pas leurs augmentations.
Troisièmement, en tant qu'entreprise, nous ne profitons aucunement de l'inflation.
Nombreux sont ceux qui croient que les détaillants profitent délibérément de l'inflation. Je ne peux pas parler au nom des autres détaillants, mais je peux vous assurer que c'est complètement faux dans le cas d'Empire. Dans la très grande majorité des cas, l'augmentation des prix de détail reflète l'augmentation des coûts demandée par les fournisseurs. Comme nous l'avons dit au cours des derniers mois, et comme l'indiquent nos rapports trimestriels, les ventes et la profitabilité sont demeurées stables malgré l'accélération de l'inflation.
J'aimerais également souligner que le secteur de l'alimentation au détail est un secteur à très faible marge. En ce qui nous concerne, notre marge nette des deux derniers trimestres a été de 2,5 % et 2,6 %, ce qui est conforme à notre rentabilité des deux dernières années. Ainsi, nous n'avons d'autre choix que d'ajuster nos prix de détail, sans quoi Empire deviendrait très rapidement non rentable.
Quatrièmement, malgré cette incertitude, nous utilisons tous les leviers disponibles pour minimiser l'impact de cette inflation sans précédent sur nos clients.
En plus de l'analyse rigoureuse des demandes d'augmentation de coûts que nous recevons de nos fournisseurs, nous investissons dans de nombreuses initiatives pour offrir toujours plus de valeur aux Canadiens. Cela peut se faire par le développement de notre assortiment de marques maison, de produits grand format, par la pertinence et la personnalisation de nos offres ainsi que par le soutien des communautés de partout au Canada.
Finalement, nous croyons que le gouvernement canadien pourrait aussi avoir un rôle important à jouer pour aider les entreprises canadiennes à réduire leurs coûts d'exploitation.
En effet, toute mesure gouvernementale visant à simplifier l'approvisionnement, à encourager l'immigration ou à favoriser l'innovation technologique sera bénéfique. À titre d'exemple, le groupe de travail national sur la chaîne d'approvisionnement a récemment remis son rapport au . Dans ce rapport, on a relevé 21 initiatives visant à relever les défis de la chaîne d'approvisionnement au Canada.
La réduction de la congestion dans les ports canadiens, la simplification du passage des marchandises aux frontières ou la réponse au manque de main-d'œuvre dans la chaîne d'approvisionnement sont des exemples de mesures concrètes qui auraient un impact bénéfique majeur sur l'industrie de l'alimentation canadienne et, ultimement, sur le pouvoir d'achat des Canadiens.
Pour conclure, je tiens à réitérer que nous sommes sensibles à cette question, qui touche directement nos clients, et que nous utilisons tous les leviers disponibles pour minimiser l'impact de cette inflation. Notre présence ici, en personne, démontre tout notre engagement quant à la question, en plus de démontrer le sérieux que nous accordons à votre démarche.
Je vous remercie.
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Bonjour, monsieur le président, membres du Comité.
Produits alimentaires, de santé et de consommation du Canada, ou PASC, représente les entreprises qui fabriquent et distribuent l'immense majorité des produits essentiels de tous les jours que l'on trouve dans tous les foyers. Nos membres travaillent en étroite collaboration avec les agriculteurs canadiens pour transformer les richesses agricoles de ce pays en produits finis à valeur ajoutée qui nourrissent des familles au Canada et partout dans le monde. En tant que principal employeur en milieu rural au Canada, nous servons aussi de lien essentiel entre les collectivités rurales et urbaines.
Avec l'inflation qui atteint maintenant des sommet historiques, nous comprenons les inquiétudes que partagent les Canadiens au sujet de la hausse des prix des produits alimentaires. Le climat inflationniste canadien s'aligne sur la flambée du coût des denrées alimentaires et des produits dans le monde. D'après l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, les cours mondiaux des denrées alimentaires ont grimpé de 5,5 % entre septembre 2021 et septembre 2022. Les pays comparables au Canada font face aux mêmes tendances. Parmi les facteurs qui alimentent l'inflation mondiale figurent les hausses de demande liées à la COVID, les pénuries de main-d’œuvre, les cultures endommagées par des phénomènes météorologiques extrêmes, la perturbation des transports et les fortes augmentations du prix de l'énergie et des engrais dues à la guerre en Ukraine.
Contrairement à des tendances passées, bon nombre de ces situations et pressions se produisent simultanément ou sont plus prononcées, ce qui entraîne des hausses générales de prix. En bref, tous les coûts de production, de vente et d'achat de produits alimentaires ont nettement augmenté. Généralement, quand les coûts augmentent, les prix augmentent aussi.
C'est ce que montre une enquête réalisée en octobre 2022 auprès des membres de PASC, qui mentionnent que le coût des intrants a augmenté, en moyenne, de 23 % cette année. Par exemple, les prix du blé et du pétrole se sont envolés, et celui du sucre a augmenté de plus de 12 % en un an. Le coût des emballages en plastique a grimpé de 42 % et celui des emballages en papier, de 36 % depuis janvier 2020. Le prix du verre a augmenté de 12 % sur 12 mois. Le coût du transport de marchandises est en hausse de 32 %. Le coût de la main-d’œuvre a augmenté de près de 16 %. De plus, nos membres doivent composer avec le relèvement des taux d'intérêt, le coût accru du service de la dette et des problèmes de taux de change, car beaucoup des ingrédients utilisés dans la fabrication sont achetés à l'étranger. Nos membres s'attendent à ce que ces coûts continuent d'augmenter pendant une bonne partie de 2023.
Notre industrie fait également face à des pénuries de main-d’œuvre, d'ingrédients et d'emballages. En fait, 80 % de nos membres font état de pénuries de main-d’œuvre dans leurs usines. La main-d’œuvre continue aussi de manquer cruellement dans le secteur du camionnage sur lequel les fabricants comptent pour transporter plus de 70 % de leurs produits. Les pénuries d'emballage concernent notamment les palettes et les étiquettes sensibles à la pression. Ces pénuries mondiales de produits pour lesquels l'offre locale est limitée diminuent la capacité de notre industrie de fabriquer des produits essentiels de tous les jours et de les livrer aux Canadiens.
Certains membres de PASC réduisent donc temporairement la variété et les tailles pour se concentrer sur la fabrication des produits les plus nécessaires et les plus demandés. La plupart des fabricants répercutent très peu de leurs coûts sur les détaillants.
L'industrie cherche à atténuer les répercussions sur les consommateurs, mais il y a des mesures que le gouvernement peut prendre pour aider.
Premièrement, nous devons renforcer la résilience des chaînes d'approvisionnement et notre capacité économique. Le gouvernement doit agir sans attendre pour mettre en œuvre les recommandations du Groupe de travail national sur la chaîne d'approvisionnement qui ont une incidence sur notre industrie. Il doit notamment investir dans l'infrastructure de transport essentielle et appuyer la numérisation des chaînes d'approvisionnement.
Deuxièmement, dans l'Énoncé économique de l'automne, le gouvernement exposait des mesures importantes pour rendre les règles du jeu plus équitables en matière d'investissement entre le Canada et les États-Unis. Nous sommes heureux d'engagements comme celui du Fonds de croissance du Canada, des crédits d'impôt pour les technologies propres et des investissements dans la fabrication de pointe. Ce sont des mesures importantes pour aider le Canada à rester compétitif en Amérique du Nord, tout en continuant d'attirer des investissements.
Troisièmement, les pénuries de main-d’œuvre restent problématiques pour notre industrie. Nous sommes encouragés de voir que le gouvernement compte porter le nombre d'immigrants à 500 000 d'ici 2025 et prendre d'autres mesures financières pour traiter les demandes d'immigration et réduire les arriérés.
Enfin, le Canada a besoin d'un code général de conduite pour les épiceries qui soit obligatoire et exécutoire et qui vise tous les produits essentiels de tous les jours sur les tablettes des épiceries. Depuis août 2021, les discussions sur la rédaction d'un code sont menées dans un comité de direction de l'industrie que j'ai le plaisir de coprésider. Le code garantira que la relation entre les fournisseurs et les épiciers canadiens est transparente, stable et équitable.
Je vous remercie, monsieur le président.
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Bonjour, monsieur le président, membres du comité de l'agriculture. Je vous remercie de m'avoir invitée à être des vôtres aujourd'hui pour parler de la question de l'inflation du prix des produits alimentaires.
Je m'appelle Rebecca Lee et je suis directrice générale des Producteurs de fruits et légumes du Canada, les PFLC. Nos producteurs participent à la production de plus de 120 types de cultures, sur plus de 14 000 exploitations agricoles, avec des recettes agricoles de 5,7 milliards de dollars en 2020.
Les PFLC sont conscients de l'importance de cette question et ils remercient le Comité d'avoir entrepris cette étude essentielle. D'après Statistique Canada, les prix des fruits frais ont augmenté de 9,6 % en mars 2022 par rapport au même mois l'an dernier. Le dernier Rapport sur les prix alimentaires, publié lundi dernier, estime que les prix des légumes augmenteront encore de 6 % à 8 % l'an prochain. Résultat, plus de 26 % des Canadiens ont réduit leur consommation de fruits et de légumes au cours de l'année écoulée à cause de l'augmentation des prix. Même avant la pandémie, près de 80 % des Canadiens ne mangeaient pas autant de fruits et de légumes que le recommande le Guide alimentaire canadien, ce qui entraînait un fardeau économique évalué à 4,6 milliards de dollars.
Tandis que vous cherchez à comprendre la cause de la hausse des coûts, je suis ici pour parler de la situation de bon nombre de nos producteurs dans tout le pays.
Les PFLC, préoccupés par la hausse des coûts à laquelle font face les producteurs, ont sondé dernièrement leurs membres afin de dresser un tableau de la situation. Ce sondage a confirmé que, partout au Canada, les producteurs éprouvent des difficultés. Dans l'ensemble, ils font état d'une augmentation de 40 % du coût des intrants. Les engrais arrivent en tête avec une augmentation de 72 % depuis 2020. Le carburant a augmenté de 65 %; la main-d’œuvre, de 20 %, et le transport, de 42 %. Il est généralement impossible aux producteurs d'augmenter leur prix de vente d'autant que leurs propres coûts ont augmenté, et 44 % vendent à perte. En même temps, beaucoup cherchent toujours à recouvrer les coûts liés à la pandémie, aux nombreuses catastrophes climatiques et aux dégâts causés par les maladies et les ravageurs.
De plus, ils supportent toujours les coûts liés aux frais croissants appliqués par les détaillants, aux nombreuses vérifications de la main-d’œuvre et de la salubrité des aliments, et aux nouvelles obligations de démontrer la viabilité. Nous sommes tout à fait favorables à un régime d'intégrité solide pour assurer la salubrité de nos aliments et garantir qu'ils sont produits de façon durable et que nos employés ont traités équitablement. Cependant, c'est l'accumulation et, souvent, le double emploi de ces vérifications qui sont pesants pour les producteurs. Le gouvernement ajoute à la pression en adoptant des mesures dissuasives relatives au carbone et d'autres objectifs environnementaux pour respecter des accords internationaux, sans rééquilibrer avec les fonds souples et adéquats pour faciliter le changement.
Résultat, et je reviens à notre sondage, 73 % de nos producteurs ont dû reporter l'achat d'équipement ou des investissements dans leur exploitation, y compris en ce qui concerne de nouvelles pratiques environnementales, parce qu'ils n'ont tout simplement pas les moyens d'investir.
En outre, les producteurs de fruits et légumes frais sont à la merci de risques de production qui peuvent être très élevés en raison de l'instabilité des prix, de la forte dépendance envers la main-d’œuvre et du fait que ces produits sont périssables. La perte de qualité peut avoir une incidence importante sur le prix payé au producteur. Je suis certaine que vous avez vu l'article de CBC le mois dernier sur un de nos producteurs, Richard Melvin, en Nouvelle-Écosse, qui a déclaré perdre tous les ans 40 % de ses 36 hectares de choux-fleurs, faute de pouvoir les récolter. Comme beaucoup de producteurs, il n'a pas les moyens de récolter, conditionner et transporter les fruits et légumes frais qui ne sont pas achetés, surtout quand il s'agit de légumes comme le chou-fleur qui s'abîme en deux semaines.
Malheureusement, Agri-stabilité et Agri-protection, les deux principaux volets du programme de gestion des risques de l'entreprise, ne prennent pas en compte la variabilité importante de la qualité des produits. Par conséquent, la plupart de nos producteurs ne correspondent ni à l'un ni à l'autre, ce qui en laisse beaucoup sans filet de sécurité suffisant.
D'une part, les prix élevés à l'épicerie limitent l'accès des consommateurs à des aliments sains. D'autre part, les producteurs, qui ne parviennent pas à couvrir les coûts de production avec les prix qu'ils obtiennent des acheteurs, doivent décider s'ils veulent continuer ou pas de se battre pour offrir des fruits et légumes produits au Canada. Nous ne pouvons pas continuer de tenir pour acquise l'importance d'un approvisionnement intérieur solide en fruits et légumes sains et nutritifs.
Les producteurs de fruits et légumes canadiens croient dans la nécessité d'une agriculture durable — d'un point de vue social, économique et environnemental. Le secteur de la production alimentaire est essentiel. En fait, il devrait être considéré comme d'intérêt public. Il est essentiel de faire en sorte que les risques, les coûts et des revenus équitables soient répartis dans toute la chaîne d'approvisionnement. Un code de conduite rigoureux pour le secteur des épiceries marque un pas dans cette direction. Le gouvernement doit faire un examen complet de toutes les politiques sous l'angle de l'alimentation et de l'agriculture pour éviter des conséquences involontaires. Nous avons également besoin d'aides renforcées à la gestion des risques dans l'horticulture.
Notre secteur a montré à maintes reprises sa résilience. Nous sommes fermement convaincus qu'avec une juste reconnaissance et des aides suffisantes, nos producteurs pourront trouver un équilibre entre la rentabilité et leur capacité d'offrir des fruits et des légumes sains et nutritifs pour « remplir la moitié de l'assiette ».
Encore une fois, nous remercions le comité de l'agriculture d'étudier l'inflation du prix des aliments.
Nous devons agir rapidement et avec détermination pour régler ces problèmes afin de protéger non seulement la viabilité économique de notre secteur des fruits et légumes frais, mais aussi la sécurité alimentaire du Canada et la santé des Canadiens à long terme.
Je serai heureuse de répondre à vos questions.
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Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
Madame Lee, vous avez en quelque sorte mentionné ce problème, mais nous sommes conscients que les producteurs éprouvent des difficultés. Toutefois, ce n'est pas tout. En fait, je crains que les jeunes producteurs et les jeunes agriculteurs ne se lancent pas dans la production de fruits et légumes frais. C'est quelque chose qui contribue vraiment à notre souveraineté alimentaire, à notre sécurité alimentaire et qui nous permet de nous nourrir ici, au Canada, en cultivant ce dont nous avons besoin pour manger.
Ce que je vois notamment, et que je sais d'expérience, c'est que les producteurs sont les otages des grandes chaînes d'épiceries. Il y a des sujets de préoccupation. Je sais que le coût de la main-d’œuvre augmente. Nous avons du mal à embaucher, sans parler de faire face à la hausse des coûts. Le coût des intrants — des engrais, du transport et, surtout du transport de marchandises — augmente. Les producteurs me le disent. Évidemment, la taxe sur le carbone contribue à l'augmentation du coût du transport, notamment de marchandises, surtout pour faire passer le produit du champ à l'entrepôt, puis au centre de distribution des produits alimentaires.
Monsieur St-Laurent, je dois vous remercier d'avoir reconnu que sans augmenter les prix et sans payer plus les agriculteurs, nous n'aurons pas d'exploitations rentables et nous n'aurons pas d'exploitants.
Par ailleurs, vous-même et Loblaw avez dit que vous négociez avec les agriculteurs et les fournisseurs et que, quand ils demandent quelque chose, vous ne le leur accordez pas toujours. Je vois que c'est un problème aussi pour les agriculteurs parce qu'ils ne peuvent pas supporter ces coûts sans obtenir d'augmentations de la part des détaillants en alimentation pour les couvrir.
Madame Lee, pouvez-vous expliquer plus précisément en quoi un code de conduite pour les épiceries aiderait les producteurs? J'y suis très favorable depuis le début et je suis ravie de savoir qu'il va se matérialiser.
En quoi un code de conduite pour les épiceries aidera-t-il les agriculteurs à obtenir un prix équitable pour leurs produits?
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Merci, monsieur le président.
Je tiens également à remercier tous les témoins présents aujourd'hui.
Ma première question s'adressera à M. St‑Laurent, de Sobeys.
Monsieur St‑Laurent, j'aimerais savoir ce que fait généralement votre entreprise lorsque s'exercent des forces qui causent des augmentations de prix, sans que ces forces soient nécessairement attribuables à Sobeys.
Le plus récent exemple que je pourrais donner est la laitue de la Californie. L'été, on est en mesure de s'approvisionner en fruits et en légumes, mais, l'hiver, on a normalement un peu plus de difficulté à le faire.
Que faites-vous pour que les Canadiens et les Canadiennes ne subissent pas ces contrecoups ou qu'ils les subissent le moins possible?
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Je vous remercie de poser cette question.
Beaucoup d'initiatives sont en cours, et certaines avaient déjà commencé auparavant. Je vais vous donner un exemple.
Il y a quelques années, quand les Serres Toundra, à Saint‑Félicien, ont commencé à produire à l'année des concombres dans une serre, Sobeys s'était engagée à acheter toute la production.
Cela aide beaucoup les gens à se lancer en affaires, à obtenir du financement et à renforcer la résilience de la chaîne d'approvisionnement.
À l'heure actuelle, nous avons un partenariat avec l'entreprise Ferme d'hiver, par exemple, en ce qui concerne sa fraise d'hiver. Nous encourageons beaucoup la culture verticale en environnement contrôlé afin de réduire notre dépendance à la Californie et au Mexique, notamment. Nous avons une longue route à parcourir, mais nous soutenons beaucoup cela.
Lors de la pandémie, nous avons eu des craintes importantes au sujet des frontières, et cela ne doit pas se reproduire. Nous accélérons donc nos investissements et nos partenariats avec plusieurs entreprises pour développer l'agriculture verticale ou en environnement contrôlé.
[Français]
Je reviens à M. Graydon, qui a parlé, de manière générale, des propositions des membres de l'association.
Je ne veux pas questionner précisément les entreprises, mais il y a évidemment un problème de confiance entre les consommateurs et les entreprises, qu'il s'agisse de supermarchés ou d'autres entreprises.
Comment fait-on pour donner confiance aux consommateurs et leur garantir qu'il n'existe pas de « cupidiflation », sachant très bien que tous les consommateurs ont lu les nouvelles au sujet de la fixation du prix du pain?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous. Nous apprécions la collaboration que vous nous offrez. Nous sommes évidemment à la recherche d'information, plus que de toute autre chose.
Je m'adresserai d'abord à M. St‑Laurent.
Monsieur St‑Laurent, je vous remercie de la clarté de votre présentation et de la clarté de vos chiffres.
Je voudrais m'assurer de vous avoir bien compris. Lorsque vous parlez de 2,5 % à 2,6 % de marge, vous parlez du secteur de l'épicerie seulement. Est-ce bien cela?
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Je peux vous dire que les produits d'ici ont leur place sur nos tablettes.
Notre modèle d'affaires est le même pour tous nos franchisés d'un bout à l'autre du pays. Ce sont des gens qui sont impliqués dans leur communauté. Ils font une place à ces produits parce que les consommateurs en veulent. Il n'y a pas d'autre objectif que celui-là: les consommateurs demandent des produits locaux.
Je ne dispose pas d'informations selon lesquelles ce ne serait pas rentable pour les maraîchers. Nous négocions avec eux, leur offrons de la place sur nos tablettes.
Nos marchands le font même directement avec eux, sans notre entremise dans la plupart des cas. Évidemment, les grands producteurs qui passent par nos entrepôts passent par nous, en raison des frais associés à la logistique. Tout cela se fait de gré à gré, d'un commun accord.
Nous n'avons jamais assez de produits d'ici. Même si nous préférons avoir des produits du Canada, il arrive malheureusement que, même en saison, nous soyons obligés de nous approvisionner auprès d'autres pays. Or ce n'est pas ce que nous préférons. En effet, les consommateurs aiment mieux les produits frais d'ici.
À ma connaissance, ce sont des négociations de gré à gré. Nous ne forçons personne à vendre à perte chez nous. Cela ne fait pas du tout partie de notre culture.
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Il ne s'agit pas du même assortiment de produits.
Dans une épicerie, il y a entre 25 000 et 30 000 produits. Je ne pense pas que ce soit le cas dans chaque restaurant.
De plus, chaque produit est différent. Je peux vous trouver 25 prix coûtants différents pour des poitrines de poulet. Les agriculteurs dans ce domaine savent très bien qu'il y a différentes qualités et différents processus. On pense parfois que c'est le même produit, alors que ce n'est pas le même.
En fait, personnellement, j'entends plutôt le contraire. En tant que consommateur, à tout le moins, je trouve que ma facture au restaurant grimpe plus vite que celle à l'épicerie. Il s'agit toutefois d'un commentaire personnel.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous nos témoins d'être venus aujourd'hui.
J'aimerais commencer par vous, monsieur St‑Laurent.
J'examinais les données publiques d'Empire. Au cours de l'année précédant la pandémie, en 2019, votre entreprise a annoncé des profits nets de 387,3 millions de dollars. En 2021, ce montant a grimpé à 701,5 millions de dollars. Cette année, on prévoit que les profits atteindront 745,8 millions de dollars. Malgré les pressions exercées sur la chaîne d'approvisionnement et l'augmentation des coûts, votre entreprise a quand même réussi à pratiquement doubler ses profits nets.
Vous avez dit dans votre déclaration préliminaire que votre entreprise tente d'atténuer les problèmes liés aux coûts de toutes les façons possibles. J'essaie simplement de situer cette affirmation dans le contexte de l'augmentation considérable de vos bénéfices nets. Essayez-vous vraiment d'utiliser tous les leviers disponibles? Si vos profits nets augmentent de façon aussi importante, ne serait‑il pas possible de rediriger ces profits pour essayer d'atténuer une partie des difficultés éprouvées actuellement par un si grand nombre de consommateurs?
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Si je reviens en arrière, nos marges étaient encore plus faibles en 2017. La compagnie éprouvait de sérieuses difficultés.
Nous avons alors annoncé un projet de restructuration assez important appelé Sunrise. Nous en avons fait l'annonce publiquement. Ce programme de trois ans, de 2017 à 2020, nous a permis de renouer avec la profitabilité, mais à un niveau qui est encore inférieur à celui de nos pairs. Si nous nous comparons à nos principaux compétiteurs, notre marge de 2,5 % à 2,6 % est encore inférieure à la leur.
Par ailleurs, au cours des deux derniers trimestres — je pense que nous avons vraiment atteint le sommet de l'inflation au cours des six derniers mois —, nos marges de profit nettes n'ont pas augmenté. Il faut donc faire la différence entre une activité de restructuration d'entreprise, qui a commencé en 2017, et la situation des deux derniers trimestres. Cela démontre que nous ne profitons pas de l'inflation, au contraire. Peu importe l'inflation, même à 10 % ou à 11 %, nos ventes ont été à plat au cours des deux derniers trimestres. Nous n'effectuons pas davantage de ventes grâce à l'inflation. Nos marges et nos ventes sont stables. Ces données figurent dans nos rapports trimestriels.
J'ai fait un énoncé portant sur le fait de donner de la valeur au client. Je disais plus tôt qu'il y a entre 20 000 et 25 000 produits en magasin. Voici le plus bel exemple que je peux vous donner: une marque privée par opposition à une marque nationale. La marque privée coûtera entre 10 % et 20 % moins cher qu'une marque nationale. Notre travail est d'en faire la promotion. C'est une façon simple pour le client de mitiger l'effet de l'inflation sur son budget. Il s'agit d'un exemple, mais il y en aurait d'autres. Je pourrais passer l'après-midi à vous en parler.
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Merci. Je suis désolé de vous avoir fait signe. J'aimerais poser une autre question.
Nous avons remarqué qu'en 2015, les États-Unis ont demandé au Congressional Research Service de mener des études sur les attitudes envers les prix de vente au détail. Plus précisément, cet organisme a examiné les tendances des comportements des consommateurs. Il a remarqué que si l'on présente deux produits identiques chez deux différents détaillants, les consommateurs vont, en théorie, choisir celui qui est proposé à un prix inférieur. Cependant, les données probantes montrent qu'ils continueront d'acheter des produits à des prix plus élevés auprès d'un détaillant préféré en raison de facteurs contraignants tels que l'économie de temps ou le côté pratique. Ils accepteront également des prix de détail plus élevés si des inconvénients sont associés au fait de devoir se rendre dans divers magasins.
J'aimerais savoir si votre entreprise profite de ces comportements de consommation bien documentés. Sachant que lorsqu'un consommateur se trouve dans l'un de vos magasins, il est plus susceptible d'y rester pour éviter les désagréments d'aller ailleurs, votre entreprise a‑t‑elle déjà profité de ces habitudes de consommation pour vendre à des prix plus élevés?
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Les éléments dont vous parlez concernent les préférences d'achat des clients.
Le prix est un critère très important pour le consommateur. Toutefois, ce que cette recherche met en évidence, c'est que les consommateurs accordent de la valeur à d'autres éléments, par exemple le service à la clientèle, la variété des produits et la proximité de leur domicile. Un consommateur fait des choix en fonction de ses préférences. Chacun ici, autour de la table, fait des choix différents en fonction de ses préférences. C'est ce que vient démontrer cette étude.
Historiquement, et pour une foule de raisons, nous sommes plus concentrés dans des magasins dits « de service ». Il y a des bouchers, des caissiers, des emballeurs, et ainsi de suite. Évidemment, cela fait que les salaires sur nos ventes sont probablement le double, en pourcentage des ventes, d'un magasin au rabais.
Certaines personnes souhaitent obtenir du service à la clientèle lorsqu'elles vont en magasin, et je fais partie de ces gens. Je veux également de la variété, du choix.
Je ne juge pas les autres types de consommateurs. Nous avons aussi des magasins au rabais pour répondre à de tels besoins. La variété y est plus limitée, les prix y sont plus bas, le service à la clientèle y est différent.
Ce sont des choix de chaîne qui sont différents, et l'étude à laquelle vous faites référence démontre bien que chaque consommateur choisit son supermarché en fonction de critères personnels.
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Exactement. Il faudrait peut-être examiner plus attentivement la façon de l'instaurer le plus rapidement possible. Je suis content de vous l'entendre dire. C'est ce que nous souhaitons.
Vous avez évoqué la question de la main-d'œuvre qui, elle aussi, est un facteur très important. Je pense que l'ensemble des témoins, cet après-midi, l'ont mentionné aussi.
C'est un enjeu qui est soulevé de façon très régulière, à savoir les problèmes liés au recrutement des travailleurs, surtout des travailleurs immigrants, qui pourraient venir au Canada pour nous donner un coup de main.
Pouvez-vous donner plus détails sur cet enjeu?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez consacré et de vos témoignages dans le cadre de cette importante conversation, car nous parlons d'alimentation, et c'est un besoin essentiel. Les ménages ont moins de latitude pour réduire leurs dépenses dans ce domaine comparativement à d'autres domaines.
Je vais commencer par poser des questions à Empire Company.
Monsieur St‑Laurent, nous vous sommes reconnaissants de votre présence. À titre d'information pour les personnes qui nous écoutent, je précise qu'Empire possède des supermarchés, des dépanneurs et des pharmacies, notamment Sobeys, IGA, Safeway, Farm Boy, Foodland et FreshCo.
Si nous retournons en arrière, en 2014, le Bureau de la concurrence avait commencé une enquête pour déterminer si Loblaw avait abusé d'une position dominante dans le secteur de l'alimentation en adoptant des pratiques commerciales déloyales avec des fournisseurs.
En 2017, le Bureau de la concurrence a exécuté un mandat de perquisition pour enquêter sur des accusations selon lesquelles cinq chaînes d'alimentation canadiennes, dont la vôtre, avaient agi de concert avec deux producteurs de pain pour fixer le prix du pain vendu dans les magasins entre 2001 et 2015.
En 2020, la Chambre des communes et le Comité permanent de l'industrie et de la technologie ont tenu des réunions pour enquêter sur des allégations selon lesquelles les grands épiciers avaient coordonné leurs efforts pour mettre fin aux primes pour le personnel de première ligne qui travaillait dans les magasins au cours des premiers mois de la pandémie. et nous apprenons maintenant que le Bureau de la concurrence envisage de mener une enquête plus approfondie.
Compte tenu de cet historique, de ce bilan, et du fait que les trois plus grandes chaînes d'alimentation du Canada ont toutes annoncé des augmentations de profits beaucoup plus élevées que les salaires des travailleurs, on peut comprendre pourquoi les Canadiens ont l'impression que les études que nous menons sont nécessaires. Pourtant, M. Michael Medline, le PDG d'Empire Company Limited a déclaré que les critiques publiques à l'égard des profits des épiciers étaient des attaques irresponsables et incendiaires.
Êtes-vous d'accord avec cette déclaration? À votre avis, quelles mesures sont nécessaires pour montrer ce changement de perception, et que les Canadiens voient une plus grande transparence de la part de votre entreprise et de l'ensemble de l'industrie alimentaire?
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Je vais essayer de répondre à toutes vos questions.
Premièrement, Empire n'a jamais fait de fixation de prix du pain. Je veux être clair à ce sujet. Nous avons ouvert nos livres, et des enquêtes ont été faites. À ma connaissance, il n'y a jamais eu de fixation de prix. Nous ne parlons pas avec nos compétiteurs des prix de détail parce que la concurrence est trop forte.
Deuxièmement, nous en avons parlé tout à l'heure, nos initiatives pour soutenir la venue d'un code de conduite pourraient mener à pus de transparence dans la société. Le but de ce code de conduite n'est pas qu'une question de transparence, c'est aussi d'aider tous les acteurs de la chaîne d'approvisionnement. Le Canada est un très grand pays à couvrir en matière de distribution, surtout avec une population au kilomètre carré qui est moins élevée que d'autres pays.
Il serait vraiment très important de créer un environnement de prévisibilité. Je pense que M. Charlebois l'a dit aussi, tout à l'heure, et il a tout à fait raison: il faudrait mettre en place un code de conduite qui régirait les pratiques. Cela aiderait les industriels et les agriculteurs à planifier des budgets et à prévoir des investissements pour avoir une chaîne d'approvisionnement beaucoup plus résiliente et mieux coordonnée à l'avenir. Cela nous permettrait d'avoir moins de surprises, moins de mauvaises surprises également.
Le coût des marchandises est excessivement élevé. La main‑d'œuvre se fait de plus en plus rare, ce qui met énormément de pression sur toutes les entreprises, que ce soit les agriculteurs, les industriels ou les détaillants. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il faudrait encourager l'innovation technologique.
Il faudrait investir dans tout ce qui s'appelle « productivité » dans un grand pays comme le nôtre, notamment en ce qui concerne le coût de l'énergie pour approvisionner des aliments dans plein de petites communautés au Canada, où Empire est présent. Nous ne faisons pas des affaires seulement dans les grands centres urbains, où le coût de livraison est bas. Soutenir tout cela serait probablement la priorité.
Monsieur le président, dans ma dernière minute, j'aimerais invoquer le Règlement.
Dans le premier groupe, j'ai demandé au représentant de Loblaw pourquoi M. Weston n'avait pas comparu comme témoin. Dans notre liste de témoins, nous avons nommé Galen Weston Jr., Michael Medline et Eric La Flèche, les dirigeants de toutes ces entreprises. Depuis, nous avons reçu de la correspondance indiquant que l'invitation avait été envoyée à Loblaw en tant qu'entreprise.
J'aimerais que vous me donniez des précisions, monsieur le président. L'invitation a-t-elle été envoyée à Loblaw en tant qu'entreprise, ou était-elle conforme à notre demande d'entendre une personne en particulier? J'ai besoin d'éclaircissements à ce sujet parce que si l'invitation a été envoyée à l'entreprise, j'aimerais savoir si le Comité va maintenant inviter M. Weston personnellement, comme demandé dans ma liste de témoins principaux.