:
J'étais là. Je n'ai pas mentionné de noms, mais apparemment, nous allons citer des noms et montrer du doigt, ce que je ne ferai pas.
Chers collègues, comme nous n'avons que deux témoins aujourd'hui, nous devrions être en mesure d'avoir trois tours de questions. Si vous êtes à court de questions, nous verrons ce qu'il y a lieu de faire à ce moment‑là.
Au cours de la deuxième heure, nous nous pencherons sur les travaux du Comité, ce qui pourrait prendre toute l'heure ou moins que cela. Cela dépend de nous.
Distingués collègues, je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 114e réunion du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride. Ces délibérations sont accessibles sur le site Web de la Chambre des communes.
J'informe les témoins que la webdiffusion montre la personne qui parle et non l'ensemble du Comité. Comme d'habitude, les captures d'écran ne sont pas autorisées. Veuillez vous abstenir d'en faire.
Chers collègues, vous connaissez toutes les règles concernant les oreillettes destinées à l'interprétation. Tenez-les loin des microphones.
Je remercie nos témoins de leur présence. Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Nous disposons de services d'interprétation. Si nous avons un problème de son, je lèverai la main et vous demanderai de vous interrompre pendant que nous tentons de rectifier ce qui ne va pas. Maintenant que les problèmes de son que nous avions ont été résolus, j'espère que le reste de la journée se déroulera sans anicroche.
J'aimerais vous présenter les témoins que nous accueillons aujourd'hui dans le cadre de notre étude sur l'impact des ajustements à la frontière pour le carbone et de la réciprocité des normes.
De l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, nous avons Monika Tothova, économiste principale, Division des marchés et du commerce, Volet de travail sur le développement social et économique. De l'Université de la Saskatchewan, nous avons Angela Bedard-Haughn, doyenne et professeure, Collège d'agriculture et de bioressources.
Vous disposez chacune de cinq minutes pour nous livrer votre déclaration liminaire. Lorsqu'il vous restera environ 30 secondes, je lèverai la main pour que vous sachiez que votre temps de parole achève. Si vous dépassez un peu le temps imparti, ne vous inquiétez pas. Nous avons beaucoup de temps à vous accorder aujourd'hui.
Je vais demander à Mme Tothova de commencer.
Si vous voulez bien nous faire part de votre déclaration liminaire, les cinq prochaines minutes sont à vous.
:
L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture est l'agence spécialisée des Nations unies qui mène les efforts mondiaux relativement à l'élimination de la faim et de la malnutrition.
[Traduction]
Merci d'avoir invité l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, ou FAO, à se joindre à un groupe d'experts. La FAO ne prescrit pas de choix stratégiques aux pays. Elle fournit plutôt un répertoire des options stratégiques fondées sur des données probantes, et expose les compromis et les répercussions que ces différentes politiques peuvent entraîner. Venant d'une agence technique spécialisée, je concentrerai mes observations sur les effets que les ajustements à la frontière pour le carbone et la réciprocité des normes peuvent avoir sur l'alimentation et l'agriculture.
Le changement climatique est vraiment une externalité environnementale négative de portée mondiale. Ses effets se font sentir partout sur la planète. Il a une incidence sur de nombreuses activités économiques, y compris les systèmes agroalimentaires, qui sont eux-mêmes responsables de 28 % de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre. Les coûts potentiels des changements climatiques ne sont pas pris en compte par les marchés et les avantages liés à l'atténuation de leurs conséquences ne peuvent être divisés en fonction des frontières et revendiqués par un seul pays. Plusieurs mesures incitatives stratégiques peuvent contribuer à améliorer l'efficacité et à réduire les émissions de gaz à effet de serre par unité de production.
Dans ma déclaration, lorsque j'évoque différents moyens d'action issus de politiques, je ne renvoie à aucun pays en particulier.
La taxe sur le carbone et d'autres instruments de ce type, tels que les systèmes d'échange de quotas d'émission, s'attaquent directement à l'incapacité du marché à prendre en compte les coûts sociaux des changements climatiques. Toutefois, une action unilatérale visant à imposer une taxe carbone sur les importations de denrées alimentaires risque de placer le pays qui l'applique dans une situation de désavantage concurrentiel sur les marchés mondiaux. Une taxe carbone peut entraîner une « fuite » de carbone, c'est‑à‑dire le déplacement de denrées alimentaires à faible empreinte carbone produites dans le pays par des importations moins chères et à plus forte empreinte carbone en provenance de pays qui ne prennent pas de mesures similaires pour réduire les émissions. Il est donc possible que cela entraîne des pertes de revenus pour les producteurs nationaux et une augmentation des émissions à l'échelle mondiale. Ce qu'il faut retenir ici, c'est que les externalités négatives de portée mondiale telles que les changements climatiques nécessitent des solutions de portée mondiale.
Le commerce peut étendre la portée des politiques d'atténuation du changement climatique. Le possible recours à des ajustements fiscaux aux frontières qui pourraient être basés sur l'empreinte carbone a suscité un intérêt considérable. L'ajustement de la taxe carbone signifie que le même taux appliqué à l'empreinte carbone des produits nationaux serait appliqué aux importations. Dans ce cas, les fournisseurs à faibles émissions seraient soumis à une taxe faible et pourraient concurrencer les produits nationaux, tandis que les fournisseurs à fortes émissions seraient soumis à une taxe plus élevée, ce qui les rendrait moins concurrentiels. L'application de cet ajustement fera en sorte que le commerce soit défini non seulement en fonction de l'avantage comparatif, mais aussi en tenant compte de l'efficacité relative sur le plan des émissions.
Une difficulté technique de taille concernant la détermination et l'application de cet ajustement fiscal aux frontières est de calculer l'empreinte carbone des produits nationaux et des importations, et d'appliquer une taxe appropriée sur les produits nationaux et des ajustements fiscaux correspondants sur les importations de manière à niveler les conditions de concurrence. Lorsqu'une taxe carbone explicite est appliquée aux produits nationaux, il semble relativement simple d'appliquer un ajustement correspondant de la taxe aux frontières sur les importations, pour peu que l'empreinte carbone que ces émissions ont générée lors de la production et de la fourniture des importations puisse être chiffrée.
Le calcul de ces ajustements fiscaux aux frontières pose des problèmes lorsque les fournisseurs d'importations internalisent les coûts liés aux émissions ou si la taxe appliquée dans le pays exportateur dépasse celle qu'applique l'importateur, scénario dans lequel un remboursement de taxe sur les importations serait effectué. Pour ce cas de figure, il serait nécessaire d'établir l'équivalent unitaire de la taxe carbone de ces mesures.
La conception et la mise en œuvre d'une taxe carbone sur les denrées alimentaires et les produits agricoles se heurteraient à plusieurs difficultés. Il faudrait se mettre d'accord sur les mécanismes de comptabilisation du carbone et sur une empreinte carbone pour tous les produits alimentaires et agricoles produits dans le monde. Il faudrait également s'entendre sur le prix du carbone afin de pouvoir fixer la taxe et d'éviter les différends commerciaux internationaux.
Toute approche des ajustements fiscaux aux frontières présente le double défi de déterminer l'empreinte carbone des produits nationaux et importés, tout en garantissant le respect des règles des systèmes commerciaux internationaux.
Pour conclure, la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l'agriculture nécessite plusieurs actions intersectorielles, y compris l'application non seulement de pratiques d'atténuation, mais aussi de pratiques d'adaptation par le truchement d'une agriculture et de politiques sensées sur le plan climatique.
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer à ce sujet et de m'avoir accordé un peu plus de temps pour ce faire. Je serai ravie de répondre aux questions du Comité.
:
Bonjour, monsieur le président, et bonjour à tous les gens assis à la table.
Je vous parle aujourd'hui depuis le territoire visé par le Traité no 6, la patrie traditionnelle des Métis et le centre des prairies canadiennes.
J'ai grandi dans une ferme mixte du Centre-Nord de la Saskatchewan et j'ai obtenu mes deux premiers diplômes ici, à l'Université de la Saskatchewan, avant de partir en Californie pour faire mon doctorat. Je suis retournée à l'Université de la Saskatchewan en 2006 en tant que professeure de la science des sols. Depuis 2020, je suis doyenne du College of Agriculture and Bioresources.
La perspective d'appliquer l'ajustement carbone aux frontières dans les secteurs de l'agriculture et de l'alimentation semble relativement éloignée. Cet état de fait est, à mon sens, une bonne chose, car j'estime que nous — et, dans ce sens, j'utilise le « nous » mondial, ce qui inclut le Canada — ne sommes pas prêts à cet égard. Je crois que nous devons être très prudents puisque nous risquons en faisant cela de mettre en péril la sécurité alimentaire mondiale à un moment où les troubles politiques et le protectionnisme ajoutent de l'incertitude dans un marché mondial déjà très complexe.
Pour faire suite au témoignage de Mme Tothova, je pense que l'une des premières choses auxquelles ce groupe doit réfléchir, c'est la raison pour laquelle les ajustements à la frontière pour le carbone sont mis de l'avant. Une grande partie de l'idée sous-jacente est d'encourager les bons comportements qui permettront de réduire davantage les émissions mondiales de gaz à effet de serre ou, au minimum, de mettre en place des mécanismes de tarification pour obliger les gros émetteurs à payer. En théorie, c'est une bonne chose, mais savons-nous en ce moment si ces leviers fonctionneront réellement alors qu'ils visent la nourriture, qu'ils ont une incidence sur un besoin humain fondamental? En bref, je dirais que ce n'est pas encore le cas.
L'un des principaux chercheurs du département d'économie agricole et des ressources de l'Université de Saskatchewan, M. Richard Gray, est actuellement à Uppsala. Il travaille sur un modèle économique du marché mondial des légumes afin d'établir si les politiques d'ajustement carbone à la frontière sont efficaces ou inefficaces pour empêcher la hausse des prix et la déforestation à l'échelle mondiale. Ces recherches sont en cours et les résultats devraient être publiés au début de l'année prochaine, en 2025.
Il étudie également l'effet potentiel de l'échange net intégral d'écosystèmes sur la comptabilisation du carbone, tant sur le plan national que mondial. Il s'agit d'une comptabilité qui prend en considération le carbone réellement séquestré dans certains des produits de base que nous produisons, nommément les céréales, les légumineuses et les oléagineux, et qui sont ensuite exportés et consommés ailleurs sans pour autant être concrètement incorporés.
Je dirais qu'avant de nous engager trop loin dans la voie des ajustements à la frontière pour le carbone, nous devons nous assurer de disposer de toutes les données nécessaires que nous fournissent des experts comme M. Gray et d'autres, puisque ces experts étudient justement les effets nets qu'ont ces ajustements sur différents marchés et différents pays.
Même si nous ne disposons pas encore des analyses socioéconomiques, il y a d'autres éléments dont nous devons tenir compte ici, chez nous, avant d'aller de l'avant avec des ajustements carbone aux frontières dans le domaine de l'agriculture et de l'alimentation.
Comme le Comité l'a entendu précédemment de la part de M. Steve Webb et d'autres, nous disposons de données qui confirment que l'agriculture canadienne est un meneur mondial en ce qui concerne la faible intensité carbonique intervenant dans la production de cultures telles que le canola, le blé, les pois et les lentilles. C'est peut-être une raison pour laquelle nous devrions accueillir à bras ouverts la notion d'ajustement carbone aux frontières. Compte tenu des résultats relativement bons du Canada en matière de production durable, nous devrions, en théorie, être les bénéficiaires d'une telle politique.
Si nous mettons en œuvre l'ajustement carbone aux frontières, nous devons également nous assurer que le Canada reconnaîtra d'abord la valeur de nos propres pratiques afin que les remises à l'exportation soient appropriées et que nos projets ne soient pas soumis à des objectifs d'importation injustes dans d'autres pays parce que nous n'accordons pas le crédit adéquat aux producteurs et aux systèmes. Si nous n'évaluons pas correctement nos propres pratiques en matière de développement durable, pourquoi nous attendrions-nous à ce que d'autres pays le fassent?
Pour ce faire, pour arriver là où nous devons aller, nous devons mettre en œuvre un cadre MRV — pour mesure, rapport et vérification — approprié afin de garantir que les crédits sont accordés à ceux qui les méritent. Pendant que Mme Tothova parlait, je pensais aux innombrables différences qui peuvent exister non seulement à travers le monde — lorsque nous essayons de mettre au point une empreinte carbone pour différents produits agricoles, les écarts sont énormes —, mais aussi à l'échelle du Canada ou même à l'intérieur de chaque province. En effet, de nombreux agriculteurs accomplissent déjà un travail remarquable en matière de durabilité, alors que d'autres pourraient faire mieux.
Si nous adoptons l'ajustement carbone aux frontières, comment pouvons-nous tirer parti des taxes à l'importation pour récompenser les pratiques durables? Tout aussi important, comment s'assurer que les agriculteurs qui pratiquent l'agriculture durable depuis des années — les pionniers — profiteront des avantages d'une mesure comme l'ajustement carbone aux frontières, alors que nous continuerons à les encourager à se convertir aux nouvelles technologies émergentes sur lesquelles nous travaillons?
Malheureusement, à l'heure actuelle, il est très difficile d'effectuer des mesures, des rapports et des vérifications dans le domaine de l'agriculture, de sorte qu'il est très difficile d'établir à quoi ressemblera cette empreinte en raison des grandes différences constatées au fil du temps entre les divers champs et les diverses régions. Cette variabilité est associée à tous les aspects de la mesure de l'intensité du carbone dans un système naturel.
Cela ne signifie pas que les difficultés sont insurmontables, mais cela signifie que nous devons continuer à investir dans la recherche qui nous aidera à les surmonter, et que nous devons investir dans les cadres de gestion des données qui nous permettront d'intégrer la recherche et de créer des outils qui peuvent réduire le risque d'erreur de mesure et de vérification.
Il a déjà été dit à ce comité que l'idéal serait une approche harmonisée avec nos principaux partenaires commerciaux mondiaux. Nous devons nous aligner le mieux possible afin de ne pas nous engager sur la voie d'un protectionnisme accru. Oui, bien sûr, nous devons être attentifs au sort que l'Union européenne, les États-Unis et l'Australie réservent à cette question, mais, parallèlement, nous devons mettre de l'ordre chez nous et clarifier la façon dont nous allons reconnaître nos différences régionales et sous-régionales en ce qui a trait aux pratiques de gestion durable.
Je crois que nous devons nous concentrer sur quatre domaines principaux. Le premier est la recherche qui permet à nos agriculteurs et à nos producteurs de continuer à améliorer leur durabilité. Nous devons à ce chapitre mettre l'accent sur des solutions qui sont avantageuses pour tous, sans égard pour la tarification et la taxation du carbone. Il s'agit de solutions qui réduisent les coûts des intrants, augmentent les rendements et améliorent la santé des sols. Ici, dans les Prairies, c'est la raison pour laquelle nous avons assisté à l'adoption généralisée du semis direct et du travail de conservation du sol. C'est tout simplement logique du point de vue de toutes ces perspectives.
Deuxièmement, nous devons nous concentrer sur l'élaboration d'ensembles de données de référence et de protocoles harmonisés de mesure, de préparation de rapports et de vérification qui permettent de mesurer de façon appropriée l'intensité carbonique à l'échelle régionale.
Troisièmement, nous devons veiller à ce que les systèmes de taxation et de crédit du carbone soient fondés sur des données scientifiques et factuelles, et à ce que nous comprenions l'incidence que l'ajustement du carbone aux frontières aura sur les différents secteurs de l'agriculture et de l'alimentation. Cela inclut tout risque de barrières commerciales supplémentaires pour le Canada, attendu que nous sommes un pays dépendant des exportations et que, de ce fait, nous sommes déjà un peu à la merci du protectionnisme et des tarifs.
Enfin, je pense qu'il est important que nous puissions utiliser nos connaissances pour montrer la voie à suivre pour l'agriculture mondiale. En position de force, avec l'appui de la science, nous pouvons montrer aux autres pays comment améliorer leurs pratiques durables. Si l'ajustement carbone aux frontières s'applique à l'agriculture et aux systèmes alimentaires, nous voudrons nous assurer d'être proactifs plutôt que réactifs.
Je vous remercie de votre attention et je me fais une joie à l'idée de discuter de cela avec vous.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie également les témoins de leur présence.
J'aimerais commencer par poser deux questions fondamentales. Dites-moi où nous en sommes sur une échelle de 0 à 10, ou de 0 à 100. Commençons par le Canada, puis passons à la situation à l'échelle internationale. Je vous demande à tous les deux de formuler des observations.
Si l'on s'en tient à un simple accord et à la compréhension de la manière de mesurer l'empreinte carbone, je pense qu'en Ontario, nous produisons quelque 257 produits agricoles primaires différents. Parmi cet éventail de produits, où en sommes-nous en ce qui concerne la compréhension à une grande échelle de l'empreinte carbone réelle de chacun de ces produits?
La deuxième question est la suivante: où en sommes-nous en ce qui concerne le degré d'entente à l'échelle internationale si nous mesurons les choses différemment — là encore, choisissez votre échelle, qu'elle soit de 0 à 10, de 0 à 100, ou n'importe quoi d'autre? Je pose la question tout simplement à titre de référence pour que nous puissions même commencer à réfléchir à l'établissement de systèmes commerciaux internationaux fondés sur des ajustements à la frontière pour le carbone.
Je vais commencer par donner la parole à Mme Bedard-Haughn.
:
Formidable. Je vous remercie de votre question.
En ce qui concerne la façon de mesurer l'empreinte carbone, je pense que cette question comporte deux volets. D'une part, la question est de savoir comment nous pouvons mesurer cette empreinte, ce que nous savons faire, mais aussi comment nous pouvons la mesurer de manière rentable, ce qui est peut-être le deuxième et le plus délicat des aspects.
En ce qui concerne la manière de la mesurer, nous sommes conscients des différents éléments qui doivent entrer dans ce calcul. En ce qui concerne l'analyse du cycle de vie complet, cela devrait en fin de compte aboutir à une évaluation complète de l'intensité carbonique d'une culture particulière. Je dirais que nous sommes plus avancés à cet égard dans le cas de certains des produits de base les plus importants et les plus dominants, et moins avancés dans le cas des produits moins répandus et plus spécialisés.
Pour ce qui est des défis posés par cette évaluation, ils résident toutefois dans les aspects que j'ai soulevés plus tôt, à savoir la variabilité qui est inhérente à ces produits.
Je citerai l'exemple du travail réalisé par le Global Institute for Food Security. Les résultats de ce travail ont été très bien présentés à l'échelle provinciale. Nous pourrions examiner l'intensité carbonique moyenne enregistrée dans l'ensemble de la Saskatchewan ou dans d'autres pays, en fonction d'un ensemble de pratiques typiques.
Maintenant, cela changera‑t‑il les choses si un producteur met en œuvre ces pratiques, alors qu'un autre ne le fait pas? C'est là la question la plus délicate à envisager si nous essayons d'utiliser ce mécanisme pour encourager différentes pratiques.
:
Pour conclure, je voudrais parler des cornichons, uniquement parce que j'estime qu'ils illustrent la complexité du processus et le cauchemar administratif qui pourrait en découler.
Je vis près des États-Unis, dans le sud-ouest de l'Ontario. Évidemment, on ne plante pas des cornichons, mais plutôt des concombres que l'on fait mariner. Cependant, l'industrie du marinage a disparu en Ontario. Par conséquent, les concombres sont cultivés et acheminés vers des gares de triage locales, après quoi ils sont calibrés, distribués dans les États de l'Ohio, du Michigan et de New York, marinés, mis en bocaux et réexpédiés au Canada dans nos marchés de vente au détail.
Je sais également que dans l'Union européenne, il existe un commerce de cucurbitacées entre les pays d'Europe de l'Est non membres de l'Union européenne et les pays européens. Donc, certaines des mêmes dynamiques s'appliqueraient dans les deux situations.
Comment peut‑on administrer un programme de MACF pour un commerce transfrontalier qui englobe le processus de transformation, le transport, de même que les systèmes de culture initiaux?
Mme Bedard-Haughn peut commencer à répondre à la question. Ensuite, j'interrogerai Mme Tothova.
:
Je peux parler de cette question en premier.
Comme je l'ai souligné dans mon témoignage, je pense qu'il sera essentiel de répondre à certaines de ces questions clés.
La première façon d'y parvenir consiste à poursuivre les recherches qui nous permettent de continuer à faire progresser nos pratiques durables à tous les niveaux de la chaîne de valeur. Au cours de mon témoignage, j'ai insisté sur l'importance des pratiques destinées aux agriculteurs, mais comme cela a été souligné dans la question posée plus tôt, il faut examiner les pratiques adoptées à toutes les étapes de la chaîne de valeur. Ce sont des pratiques bénéfiques pour tous qui nous permettent d'améliorer notre durabilité, avec ou sans les ajustements à la frontière pour le carbone, afin que nous soyons en position de force.
Deuxièmement, nous devons nous assurer que nous disposons des données dont nous avons besoin pour participer à ce programme. Nous devons connaître l'empreinte carbone dont parlait Mme Tothova, et disposer des ensembles de données nécessaires et d'un cadre de données qui nous permettent de suivre ces informations.
Enfin, il faut comprendre les effets que ces politiques pourraient avoir sur toutes les parties de nos systèmes, afin que nous ne soyons pas pris au dépourvu lorsque nous arriverons à une autre étape de nos systèmes de production alimentaire et que nous déclarions: « Eh bien, nous n'avions pas vraiment vu cela venir, n'est‑ce pas? », que ce soit au niveau des producteurs ou au niveau des épiceries.
Je crois que ce sont là les trois domaines que nous devons examiner attentivement avant de mettre en œuvre quoi que ce soit au Canada.
:
Merci beaucoup. Je suis désolé de vous interrompre, mais il ne me reste pas beaucoup de temps.
Nous sommes d'accord sur l'importance des données probantes. Prenons l'exemple de la carotte, qui est très facile à comprendre. On avait modifié la recette du linuron, qui n'était pas encore homologué au Canada, mais qui l'était aux États‑Unis. Nos producteurs ne pouvaient pas s'en servir. On a donc failli se retrouver dans une situation où on aurait importé des carottes cultivées en utilisant un produit qui n'était pas homologué ici, ce qui aurait désavantagé nos producteurs. Encore l'été dernier, des carottes de Chine sont entrées massivement au Canada, alors qu'elles étaient interdites aux États‑Unis, pour protéger les terres agricoles. Il y a beaucoup d'exemples et je suis d'accord sur ce que vous dites toutes les deux. Cela prend des données probantes.
Ensuite, il y a une sous-question liée à l'homologation. Comme le Canada est un plus petit marché que ceux de nos partenaires commerciaux, les entreprises internationales ne viennent pas investir ici, d'abord, pour faire homologuer leurs produits au Canada. Elles vont plutôt les faire homologuer en Europe ou aux États-Unis. C'est un problème pour le Canada.
Croyez-vous qu'il est possible d'établir une collaboration internationale, sans réduire les normes de qualité, afin de partager les étapes d'homologation avec un certain nombre de partenaires?
La question s'adresse à vous deux.
:
C'est une excellente question et une interprétation appropriée, je pense, de mon témoignage dans ce contexte.
Nous avons effectué de nombreux projets de recherches dans différentes régions du pays. C'est pourquoi je peux affirmer en toute connaissance de cause qu'il existe une grande variabilité à l'échelle régionale. L'une de mes préoccupations est donc la suivante: si nous commençons à évaluer un projet aux implications fédérales, comment pouvons-nous l'intégrer au reste du processus?
Si je demande quelles sont les similitudes et les différences entre les pommes de terre produites à Lethbridge, en Alberta, et celles produites sur l'Île-du-Prince-Édouard, ou si j'examine la production agricole dans les Prairies par rapport au sud de l'Ontario, je dirais que ce sont là quelques-uns des défis que nous avons à relever.
L'autre défi que nous devons relever pour collecter et rassembler toutes ces données est la taille même de notre pays et la capture d'une partie de cette variabilité dans l'espace et dans le temps. Le coût de l'obtention de données fiables est très élevé, car dans ce contexte... Par rapport à d'autres marchés ou industries où l'on pourrait envisager une telle chose, comme un produit ou une industrie où il y a peut-être une usine, des murs autour d'elle et, oui, beaucoup de choses qui entrent et sortent, c'est un peu plus défini. Nous avons plus de contrôle dessus.
Il y a toutes ces autres variables climatiques qui influencent le coût du carbone d'un produit particulier au cours d'une année si l'intensité du carbone devait varier. Quelle quantité de séchage a dû être effectuée sur les grains? Quels sont les engrais nécessaires pour une année donnée? Quelles sont les autres considérations à prendre en compte?
On voit donc que la situation est très complexe et, qu'à l'échelle nationale, il est très difficile de rassembler tous ces ensembles de données afin de les intégrer au sein d'un seul et unique cadre fédéral.
:
Je ne pense pas que nous soyons encore parvenus à un consensus. Je me contenterai de dire que nous nous entendons pour dire qu'il faut faire quelque chose. Nous travaillons activement sur deux ou trois possibilités différentes. Cela inclut, comme je l'ai mentionné, le fait de récompenser ceux qui évitent la production d'émissions supplémentaires à l'aide de la séquestration ou d'autres méthodes. Il s'agit là d'un élément. D'autres conversations ont eu lieu sur les moyens d'encourager ces pratiques, car elles sont bonnes pour les sols et les écosystèmes.
Existe‑t‑il d'autres façons de récompenser ces gens en tenant compte de la réduction des risques? Les pratiques que ces gens utilisent tendent à réduire les risques agricoles, comme les risques d'érosion des sols, de perte de sol, de maladie, etc. Ainsi, y a‑t‑il des prestations en matière d'assurance-récolte, par exemple, qui pourraient être versées à ces gens, et qui vont plus loin et qui viendraient s'ajouter à tout type de marché du carbone?
À l'heure actuelle, en ce qui concerne le marché du carbone, nous devons composer avec les exigences internationales en matière d'additionnalité. Cependant, nous devons reconnaître que chaque année où les producteurs continuent à appliquer ces pratiques, ils préviennent une énorme fuite de carbone qui, autrement, aurait lieu. De même, grâce à l'agriculture de précision, ils préviennent un grand nombre d'émissions qui, autrement, seraient produites.
Nous travaillons donc activement sur les moyens de quantifier cela.