:
Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la douzième réunion du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Je vais commencer par rappeler quelques règles.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Les délibérations sont diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, la webdiffusion montrera toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité. Veuillez noter que les captures d'écran et la prise de photos de l'écran ne sont pas autorisées.
[Traduction]
Je tiens à dire aux députés qui sont dans la salle que je ne peux pas vous surveiller, mais que ma fidèle greffière vous tiendra à l'œil pour s'assurer que vous respectez l'esprit des règles du Bureau de régie interne. Merci à tous.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 31 janvier 2022, le Comité reprend son étude de la chaîne d'approvisionnement agricole et agroalimentaire.
Avant de donner la parole à nos témoins, je dois vous poser quelques questions. La première concerne l'adoption du budget pour l'étude de la contribution de l'agriculture à l'environnement. Vous l'avez tous reçu par courriel. Il est question des coûts liés à nos réunions. Vous êtes d'accord?
On dirait qu'il n'y a pas de problème. Nous sommes donc d'accord.
Nous avons également eu un petit problème technique lors de notre dernière réunion avec l'allocution d'ouverture de Mme Justine Taylor, de CropLife Canada. Pour nous assurer de bien saisir ces remarques, je propose ce qui suit:
Que les notes d'allocution présentées par Justine Taylor, directrice, Intendance et durabilité de CropLife Canada, soient considérées lues et publiées en annexe aux témoignages du lundi 28 mars 2022.
Il ne s'agit que d'un détail administratif où la connexion a été coupée. Je ne pense pas que ce soit un problème, mais pouvez-vous me confirmer que vous êtes d'accord?
Un député: Oui.
Le président: Excellent. C'est donc adopté.
Enfin, j'aimerais vous rappeler que des recommandations devraient être soumises à notre analyste aujourd'hui pour leur inclusion dans la première ébauche de notre rapport sur la chaîne d'approvisionnement. Nous apprécierions votre collaboration dans ce contexte.
Je souhaite la bienvenue aux témoins de notre premier groupe.
Nous accueillons par vidéoconférence Karen Proud, présidente et directrice générale, ainsi que Clyde Graham, vice-président exécutif, de Fertilisants Canada. Ravi de vous revoir, monsieur Graham.
[Français]
Nous recevons aussi M. Benoit Pharand, président-directeur général de l'entreprise Réseau végétal Québec.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Pharand.
[Traduction]
Madame Proud, vous avez un peu plus de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire, et je vais vous donner un peu de latitude. Je vous cède la parole.
:
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui.
Je m'appelle Karen Proud. Je suis la présidente-directrice générale de Fertilisants Canada. Je suis accompagnée de mon collègue Clyde Graham, le vice-président exécutif de l'organisation.
[Traduction]
Le Canada a un secteur agricole fort et diversifié, et c'est grâce aux engrais. Ils sont un moteur économique qui rapporte 23,6 milliards de dollars par année et qui emploie plus de 76 000 travailleurs tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Nous exportons dans plus de 75 pays, contribuant ainsi aux industries agricoles du monde entier.
Nous aidons à nourrir le monde. En l'absence d'engrais, la production alimentaire mondiale serait réduite de moitié.
[Français]
L'industrie des fertilisants au Canada est très dynamique, mais elle dépend de l'accès à une chaîne d'approvisionnement sûre, sécuritaire et fiable, capable d'apporter nos produits aux clients du pays et du monde entier.
Deux engrais de base sont produits au Canada, surtout dans l'Ouest, soit la potasse et l'azote. Notre potasse est exportée à 95 %, généralement à partir des ports de la Colombie‑Britannique. Plus de 40 % des engrais à base d'azote fabriqués au pays sont vendus aux États‑Unis. Le phosphore n'est pas fabriqué au Canada. Il est plutôt importé des États‑Unis ou d'autres pays, comme le Maroc. Vu les quantités énormes déplacées et les risques liés à ces produits, l'industrie compte beaucoup sur le transport ferroviaire. Les fertilisants font partie des marchandises les plus transportées par train au Canada.
[Traduction]
Pour l'industrie canadienne, les deux dernières années ont été caractérisées par de fréquentes perturbations de la chaîne d'approvisionnement. Il a fallu composer avec la pandémie de COVID‑19, des phénomènes météorologiques extrêmes, des blocus et des arrêts de travail.
Fertilisants Canada et ses membres sont très préoccupés par ces perturbations et leurs répercussions sur notre réputation internationale de partenaire commercial fiable et sur les agriculteurs canadiens.
[Français]
Au printemps dernier, une période critique de l'année, plusieurs événements ont nui à notre industrie, à commencer par l'arrêt de travail au Canadien Pacifique.
Pour les agriculteurs, le facteur temps est extrêmement important quand il s'agit d'acheter et d'épandre des fertilisants. Le fait d'épandre les fertilisants au bon moment au printemps et à l'automne influera grandement sur les récoltes. Tout retard ou toute rupture de la chaîne d'approvisionnement peut empêcher les agriculteurs de recevoir les nutriments essentiels dont leur sol a besoin pour produire les aliments qui nourriront le pays et la planète.
Les agriculteurs ont déjà beaucoup d’autres soucis pendant ces saisons, en raison de la météo souvent imprévisible et des défis liés à la logistique. Ajouter à ces difficultés une pénurie de fertilisants aura sans nul doute des conséquences et des coûts importants à long terme, en plus de mettre en péril notre production alimentaire destinée au pays et à l'étranger.
[Traduction]
Bien que l'arrêt de travail de CP Rail n'ait duré que deux jours, nos sociétés membres en ont ressenti les effets pendant plusieurs jours avant et après, et elles n'étaient qu'à quelques jours près de réduire la production dans leurs usines et leurs mines quand la grève a été déclarée terminée. L'impact d'un arrêt de travail se fait sentir longtemps après sa résolution, et il faut du temps pour que le transport ferroviaire revienne à la normale. Les expéditeurs sont donc pris avec d'importants arriérés.
Il s'agit du troisième arrêt de travail depuis 2019. Nos sociétés membres fonctionnent sur un marché mondial et elles ont besoin d'un système de transport qui ne se fait pas interrompre tous les deux ans. Nous savons que plusieurs conventions collectives doivent expirer en 2022, et nous ne pouvons pas nous permettre que leur expiration se traduise par de nouvelles grèves. Le gouvernement fédéral doit adopter une approche à long terme pour régler les problèmes au sein de la chaîne d'approvisionnement afin que le Canada puisse demeurer un partenaire commercial fiable.
[Français]
Avant cet arrêt de travail, le marché mondial des fertilisants connaissait déjà des tensions dues à une hausse de la demande et à une offre affaiblie. La guerre en Ukraine et les sanctions concernant les produits russes sont venues aggraver le tout.
Fertilisants Canada appuie les mesures du gouvernement canadien et s'inquiète de l'invasion en Ukraine et de ses conséquences sur le peuple ukrainien. La situation a des répercussions négatives sur l'économie mondiale, et le secteur des fertilisants ne fait pas exception. Les provinces de l'est du Canada, qui dépendent grandement des fertilisants importés de la Russie, sont particulièrement touchées, puisque c'est la saison des semis.
[Traduction]
L'est du Canada reçoit de 660 000 à 680 000 tonnes d'engrais azoté en provenance de la Russie chaque année, ce qui représente entre 85 et 90 % de l'engrais azoté total utilisé dans la région. Selon nos membres, lorsque les sanctions et les tarifs ont été annoncés, entre 30 et 40 % des expéditions d'engrais vers l'est du Canada étaient en route ou en attente. Ils ont travaillé avec diligence depuis pour s'assurer de disposer de ces produits, dont 70 % sont maintenant en place.
L'industrie des engrais est résolue à fournir aux agriculteurs du Canada et du monde entier les nutriments dont ils ont besoin pour cultiver leurs denrées alimentaires. Il nous faut cependant l'aide du gouvernement pour élaborer des approches durables et un cadre réglementaire qui permettraient à nos sociétés membres de demeurer concurrentielles à l'échelle mondiale, d'attirer des investissements au Canada et de continuer à employer une main-d'œuvre canadienne hautement qualifiée.
Merci, monsieur le président. Je vais m'arrêter ici.
Je m'excuse auprès de vos collègues francophones. C'est mon premier témoignage en français, et j'espère que ma prononciation n'était pas trop désastreuse.
:
Je vous remercie de la question.
[Traduction]
Depuis l'entrée en vigueur des sanctions et du fait qu'elles empêchaient de garantir l'approvisionnement au Canada, nos membres ont fait des pieds et des mains pour s'approvisionner afin que les agriculteurs ne manquent de rien. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, les agriculteurs canadiens doivent absolument avoir accès aux engrais dont ils ont besoin en ce moment particulièrement crucial, et nos provinces de l'Est ont nettement été les plus touchées par la guerre en Ukraine.
Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement pour le renseigner sur l'approvisionnement et sur nos préoccupations à cet égard. Comme je l'ai dit, nos membres travaillent très fort pour s'approvisionner, et une partie des marchandises a pu entrer au pays. Ce produit russe a pu être importé, mais certains de nos membres ont dû chercher d'autres sources d'approvisionnement, tant au pays qu'à l'étranger.
:
Je vous remercie, madame Proud.
Dans le même ordre d'idées, quel effet le fameux tarif de 35 % pourrait-il avoir sur ces 25 % à 30 % de fertilisants qu'il reste à importer pour l'Est du Canada?
Des représentants de l'entreprise Sollio agriculture m'ont dit que les coûts additionnels s'élevaient à plus de 50 millions de dollars.
Cela s'ajoute aux coûts actuels des engrais, qui sont déjà beaucoup plus importants que l'an dernier. On parle encore une fois de coûts additionnels de 51 millions de dollars, que les producteurs et les distributeurs devront assumer.
Le gouvernement du Canada pourrait-il aider les agriculteurs à supporter ces coûts?
Quelle solution envisageriez-vous?
:
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Madame Proud, votre français est superbe. Continuez votre bon travail.
[Traduction]
J'aimerais rebrousser chemin à avant le 24 février. Il est évident que la guerre en Ukraine a causé des pénuries, on le sait, mais la disponibilité des engrais était déjà plutôt limitée avant qu'elle ne commence, et les prix n'ont pas manqué de le refléter.
Pouvez-vous nous expliquer ce qui se passait sur le marché avant... Je sais que vous avez parlé de la grève ferroviaire du Canadien Pacifique et de l'Ukraine, mais même en décembre et en janvier, nous avons vu les prix augmenter.
Que disaient vos membres en général au sujet de la disponibilité des engrais?
Les marchés mondiaux des engrais dépendent de l'offre et de la demande. La demande vient des producteurs du monde entier qui achètent les produits.
Essentiellement, le marché se caractérise depuis un certain temps par une diminution des stocks mondiaux de céréales et d'oléagineux. Cette pénurie envoie un signal important aux producteurs du monde entier pour qu'ils produisent davantage. Or, pour produire plus de denrées, il faut utiliser plus d'engrais. La demande de produits fertilisants a donc bondi à l'échelle mondiale.
Comme Mme Proud l'a mentionné, au cours de la dernière année, une série d'événements mondiaux sont venus perturber l'approvisionnement. Il y a eu des phénomènes météorologiques aux États-Unis. La Nouvelle-Orléans et la Floride sont toutes deux d'importantes régions de fabrication d'engrais. Une de nos usines d'azote de l'Ouest canadien a dû fermer ses portes pour des motifs techniques. La Chine a fortement réduit ses exportations d'engrais afin de répondre à sa propre demande intérieure.
Même avant l'invasion, le gouvernement russe avait limité les exportations d'engrais. De plus, le coût élevé du gaz naturel en Europe s'est révélé prohibitif pour un de nos grands fabricants au Royaume-Uni, qui a donc dû cesser sa production.
Tous ces événements se sont conjugués au cours des deux dernières années pour créer un marché très serré pour les engrais, même avant la donne actuelle.
:
Je suis désolé de ne pas avoir répondu à la question qui m'a été posée plus tôt. Je n'avais pas compris la question et je ne savais pas que je pouvais prendre la parole.
Je représente l'industrie des fertilisants, de la phytoprotection et des semences. En discutant avec les membres du Réseau, j'ai pu constater que deux éléments étaient un peu plus problématiques. Le premier concerne la difficulté de s'approvisionner au début de la saison et le deuxième concerne la tarification.
Je pense qu'il faut apporter une nuance concernant la tarification, principalement pour l'Est du Canada. La majorité des produits, pour ne pas dire la totalité des produits, avaient été commandés avant le 3 mars. Ces produits n'étaient pas en transit, mais ils avaient été commandés.
Malheureusement, les producteurs canadiens ou les producteurs d'une partie du Canada seront pénalisés par la tarification. Les producteurs s'approvisionnent principalement par bateau pour les produits azotés. D'une part, nous ne savons pas si nous serons en mesure d'obtenir les produits à temps pour le début de la saison et, d'autre part, il y a le prix de la tarification et le moment où la commande a été faite.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Graham, j'aimerais revenir sur les propos que vous avez échangés avec M. Drouin, parce qu'il a posé une question au sujet de l'augmentation du prix des engrais qui s'est produite avant l'invasion, et vous avez dit que c'était attribuable à une production réduite, ce qui a fait comprendre aux producteurs primaires qu'ils devaient planter davantage et, bien sûr, qu'ils allaient devoir utiliser plus d'engrais pour le faire. Non seulement la guerre en Ukraine a‑t‑elle entraîné une interruption de la distribution des engrais, notamment des engrais russes, mais encore, la Russie et l'Ukraine représentent ensemble 30 % de l'approvisionnement mondial en blé.
Selon un article paru aujourd'hui dans le Globe and Mail, la récolte de cette année au Canada pourrait être la plus importante depuis la Deuxième Guerre mondiale. Mis à part ce qui se passe avec le prix des engrais russes, il y a le fait qu'il y aura une demande pour une augmentation massive de la production, surtout au Canada, pour combler cette lacune. Pouvez-vous nous donner une idée des répercussions que cela aura sur le prix des engrais?
:
Chaque année, la plantation dans le monde revêt une importance cruciale, et je pense que nous commençons à le comprendre. Ce n'est pas seulement une année, c'est chaque année. Mais je comprends ce que vous dites au sujet de la situation actuelle.
J'aimerais apporter une précision. Ce que je disais, c'est que le signal envoyé aux producteurs du monde entier provenait du fait que les stocks mondiaux de céréales et d'oléagineux étaient faibles, ce qui signifiait des prix élevés. Les agriculteurs utilisent des engrais pour répondre à la demande de cultures, du riz au maïs en passant par le blé et l'orge. La perte d'importantes exportations de la Russie et de l'Ukraine vers le marché mondial aura tendance à exercer une pression sur les prix de ces céréales et oléagineux. Il va de soi que les agriculteurs chercheront à maximiser leur production pour tenter de profiter de ces prix élevés et de la nécessité de ces cultures.
Au Canada, beaucoup de décisions concernant la plantation de cette année ont déjà été prises. Les agriculteurs ont leurs semences. La plupart d'entre eux, heureusement, ont leurs engrais, surtout dans l'Ouest, mais ils ne pourront malgré tout pas faire grand-chose pour accroître leur production cette année au Canada, pas plus que dans de nombreuses autres régions du monde.
:
D'abord, en ce qui concerne les produits manquants — et je vais parler ici du Québec —, certains ont été commandés au mois d'octobre et n'ont pas été mis en transit. Ils ne sont donc pas arrivés. D'autres ont été commandés au mois de janvier. Les produits représentant l'entièreté de l'approvisionnement devant répondre à nos besoins pour l'année avaient déjà été commandés, de façon à ce qu'ils puissent être acheminés à temps. Il nous reste de quatre à cinq semaines avant le début de la saison, selon moi, à moins que les conditions climatiques ne soient pas au rendez-vous. Nous avons besoin de ces produits dès le début de la saison.
J'ai parlé à chacun de nos membres. Nous considérons diverses options en vue de nous approvisionner ailleurs. Toutes les options sont envisagées. Au Québec, la présence du fleuve Saint‑Laurent nous facilite beaucoup les choses. Nous allons trouver des solutions.
Pour ce qui est de savoir si nous pourrons nous approvisionner à l'échelle locale, je vous dirais que ce serait difficile à moyen et à long terme, même si toutes les options seront envisagées. Dès que la saison sera terminée, nous commencerons à nous occuper de l'approvisionnement pour 2023, en plus des semis et des traitements de post-levée.
Toutes les options seront envisagées. Bien sûr, nous devrons considérer le prix, la disponibilité et la qualité des produits. Nous nous penchons là-dessus présentement.
Au Canada, nous pouvons devenir autosuffisants en azote à condition de bâtir l'infrastructure nécessaire. Nous avons les matières premières, et ce n'est pas le potassium qui manque, de quoi subvenir à nos propres besoins, voire à en fournir à d'autres.
J'aimerais parler un peu du phosphore, à court et à long terme.
Si j'ai bien compris, la Floride est l'un de nos fournisseurs, mais sa production diminue. Évidemment, la Russie et le Maroc ont été des fournisseurs. Si la Russie cesse d'être un fournisseur... il me semble que l'Union européenne a interdit certaines importations de phosphate en provenance du Maroc en raison de préoccupations liées au cadmium.
Où en sommes-nous, côté cadmium, pour l'avenir? Il paraît que ce n'est pas si grave que ça, mais j'aimerais connaître le point de vue de Fertilisants Canada à ce sujet.
:
Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins. Vos propos sont appréciés.
Je voudrais poursuivre la conversation en songeant au long terme. Nous savons que les engrais représentent la plus importante dépense à la ferme pour les producteurs agricoles, et même avant le conflit en Ukraine, les prix étaient déjà montés en flèche.
L'industrie canadienne des engrais étant des plus efficaces au monde, j'aimerais en savoir plus sur les méthodes durables d'amélioration des impacts environnementaux de l'industrie, sur les moyens d'utiliser moins d'engrais sans que ce soit au détriment de la productivité, car nous en avons déjà entendu parler. Nos agriculteurs veulent faire leur part dans la lutte contre les changements climatiques et la réduction d'émissions. Une gestion efficace des engrais fait partie intégrante de tout programme et peut leur permettre de faire des économies. C'est particulièrement vrai pour l'azote qui, s'il est utilisé de façon inefficace, peut contribuer aux émissions d'oxyde nitreux, qui sont plus puissantes que celles du dioxyde de carbone.
J'ai examiné le protocole de réduction des émissions d'oxyde nitreux, qui donne aux agriculteurs une nouvelle façon de profiter de la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Pouvez-vous, Fertilisants Canada — que ce soit l'un ou l'autre des témoins — décrire le programme qui aide nos agriculteurs à avoir une agriculture climato-intelligente?
:
Chers collègues et témoins, nous poursuivons.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 31 janvier 2022, nous reprenons notre étude de l'apport environnemental du secteur agricole. Nous changeons donc de sujet.
Nous accueillons par vidéoconférence Cedric MacLeod, directeur général de l'Association canadienne pour les plantes fourragères; Andrea Stroeve-Sawa et Kristine Tapley, toutes deux directrices du conseil, ainsi que Monica Hadarits, directrice générale, les trois de la Canadian Roundtable for Sustainable Beef; nous accueillons également Paul Thoroughgood, directeur national de l'agriculture et de la durabilité, et James W. Brennan, Jim Brennan, directeur, Affaires gouvernementales, tous deux de Canards Illimités Canada.
Bienvenue à tous.
Je suis heureux de vous revoir, monsieur Brennan, et je vous souhaite la bienvenue au Comité.
Chaque organisation disposera de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire, après quoi nous passerons directement aux questions.
Je vais commencer par M. MacLeod.
Vous avez cinq minutes. La parole est à vous.
:
Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici. Merci de l'invitation. Je suis ravi de témoigner ici aujourd'hui en compagnie d'estimés collègues et j'espère que nous aurons une bonne discussion sur le sujet à l'étude.
J'aimerais commencer par mettre les choses en contexte. Pour ce qui est du secteur fourrager canadien, il faut compter environ 70 millions d'acres d'un océan à l'autre, ce qui en fait le principal type d'utilisation des terres dans l'agriculture canadienne. Il est important de le souligner et cela touche beaucoup d'autres témoins de cet après-midi.
Nous sommes toutefois confrontés à un défi, et je vais vous donner quelques chiffres tirés des données du recensement. En 2011, nous comptions un peu plus de 36 millions d'acres de ce que nous appelons des pâturages naturels, qui existent depuis des milliers d'années. Et cinq ans plus tard, en 2016, nous étions à un peu plus de 35 millions d'acres, soit une perte d'environ un million d'acres de pâturages naturels. Je parlerai un peu plus tard des raisons pour lesquelles c'est si important.
Comme dans le secteur des cultures fourragères entre 2011 et 2016, nous avons perdu un peu moins de quatre millions d'acres au Canada. Cette tendance s'est malheureusement poursuivie. Donc, si nous examinons les données du dernier recensement, vous verrez que le nombre d'acres de cultures fourragères continuera de diminuer dans tout le pays. Pour faire une comparaison avec d'autres types de cultures annuelles au pays, avec le secteur fourrager en général, les cultures produites sont nourries ici au Canada. Cela fait partie de l'économie cyclique, alors nous transférons nos nutriments dans nos systèmes d'élevage et dans les paysages. Nous créons ainsi un système résilient qui doit être protégé.
Le secteur fourrager au Canada... [difficultés techniques]... des milliers de tonnes de produits de foin séché dans le monde, dans des pays comme les États-Unis, la Corée, le Japon, la Chine et de nombreuses destinations au Moyen-Orient. C'est donc une contribution importante au développement économique ou au PIB total du pays.
Pour ce qui est de l'apport environnemental, je vous signale un document que je vais laisser au Comité. En 2012, nous avons commandé une étude sur la valeur économique totale du secteur fourrager canadien et sur son apport environnemental. J'aimerais citer quelques chiffres tirés de ce rapport. Ils proviennent de l'Alberta et de la Saskatchewan respectivement.
La valeur totale des biens et services écologiques du secteur fourrager en Alberta a été estimée entre un peu moins de 400 millions de dollars et environ 1,3 milliard de dollars. C'est effectivement une fourchette importante parce que les marchés fluctuent et que l'étude doit être mise à jour.
En Saskatchewan, on a constaté la même valeur, soit entre environ 890 millions et 1,9 milliard de dollars, donc des contributions importantes de... [inaudible].
Quelles sont ces contributions? Il y a la séquestration du carbone. Nous savons que ces 36 millions d'acres de pâturages naturels dans l'Ouest renfermaient des milliards de tonnes d'équivalent dioxyde de carbone qu'il fallait protéger. Et alors que nous assistons à la conversion de ces pâturages naturels en terres de cultures annuelles, nous perdons ce carbone. C'est donc une contribution importante qui doit être protégée et nous devons endiguer cette réduction.
Il faut aussi tenir compte de la biodiversité et des caractéristiques de l'habitat. L'un des habitats les plus riches de l'agriculture canadienne en ce qui concerne les espèces en péril et les espèces en général, ce sont les pâturages canadiens. À mesure que nous perdons ces pâturages, nous perdons également ces habitats, ce qui exerce une pression supplémentaire sur nos espèces en péril.
Il y a aussi la qualité de l'eau. L'eau qui se déplace en surface et qui n'est pas absorbée dans les sols agricoles se retrouve généralement dans un fourrage quelconque. Il y a donc là une protection importante de la qualité de l'eau et ces barrières constituent une méthode de filtration naturelle de nos réseaux hydrographiques, de nos rivières et de nos zones riveraines, ainsi que des terres humides.
Je vais m'arrêter ici. De manière plus générale à l'heure actuelle au sujet de la santé des sols, les fourrages, qu'il s'agisse de plantes annuelles ou de plantes vivaces, sont à l'origine d'une grande partie de ces contributions. Par conséquent, en ce qui concerne la résilience aux changements climatiques, le secteur fourrager est à la base de la santé des sols.
:
Bonjour et merci de l'invitation à participer à l'étude du Comité permanent sur l'apport environnemental du secteur agricole.
Je m'appelle Andrea Stroeve-Sawa et je suis productrice de bœuf à Taber, en Alberta. Je suis également membre du conseil de la Canadian Roundtable for Sustainable Beef, la CRSB.
La CRSB est un organisme multipartite qui se concentre sur la promotion de la durabilité dans le secteur bovin canadien. Nous réunissons des éleveurs de bovins, des transformateurs, des entreprises de vente au détail et de services alimentaires, des ONG, des entreprises alimentaires et agricoles, des instituts universitaires et divers ordres de gouvernement. Nous croyons qu'il est impératif d'adopter des approches axées sur la collaboration et sur les résultats pour relever les défis et saisir les occasions qui se présentent à nous dans le domaine alimentaire afin de réaliser des progrès significatifs.
Le Canada est un chef de file mondial en matière de production durable de bœuf. En 2016, Deloitte a réalisé une analyse comparative pour nous aider à comprendre la performance sociale, économique et environnementale du bœuf canadien, de la ferme à l'assiette. L'étude a révélé que le bœuf canadien a l'une des plus faibles empreintes de gaz à effet de serre au monde — moins de la moitié de la moyenne mondiale — et ne représente que 2,4 % des émissions totales de gaz à effet de serre du Canada.
De plus, les producteurs de bœuf gèrent 34 millions d'acres de pâturages, un écosystème menacé à l'échelle mondiale dont moins de 20 % demeure intact. Ces pâturages stockent 1,5 milliard de tonnes de carbone, séquestrent l'équivalent de 3,6 millions de voitures d'émissions supplémentaires de carbone par année et abritent plus de 60 espèces en péril.
Ce secteur a réduit l'intensité de ses émissions de gaz à effet de serre par kilogramme de bœuf de 14 % au cours des 30 dernières années et s'est fixé des objectifs ambitieux pour 2030. Ces objectifs comprennent, sans toutefois s'y limiter, la réduction de 33 % de l'intensité des gaz à effet de serre, la séquestration de 3,4 millions de tonnes supplémentaires de carbone par année et le maintien des 34 millions d'acres de pâturages sous la protection des producteurs de bœuf.
Une étude scientifique récente menée par Nature United a permis d'évaluer des solutions climatiques naturelles, et a révélé qu'éviter la conversion des pâturages représentait l'une des plus grandes possibilités d'atténuation des changements climatiques au Canada. Nous devons également investir collectivement dans la recherche à long terme et favoriser les innovations qui aident le secteur à réduire son empreinte carbone. Par exemple, des chercheurs d'Agriculture et Agroalimentaire Canada ont démontré qu'un produit appelé 3‑NOP permet de réduire les émissions de méthane de 70 à 80 % chez les bovins des parcs d'engraissement. Ce produit a été approuvé pour utilisation dans les pays de l'Union européenne, au Brésil et au Chili, mais n'a pas été approuvé pour utilisation chez les bovins canadiens. Nous devons obtenir les autorisations rapidement et avoir accès à ce type de technologies pour nous aider à atteindre nos objectifs.
En 2017, la CRSB a lancé le premier programme de certification axé sur les résultats pour la durabilité de la production du bœuf dans le monde. Nous sommes très fiers de cette réalisation. La certification inclut des exigences en matière de gestion de l'environnement, y compris les prairies naturelles et artificielles, ainsi que la santé du sol. Cependant, ce qui distingue ce programme des autres programmes de certification dans le monde, c'est la vision globale que nous avons de la durabilité. Par exemple, nous incluons également des exigences concernant les gens, la collectivité, la santé et le bien-être des animaux, la salubrité des aliments, l'efficacité et l'innovation.
Le programme a connu une forte croissance au cours des dernières années, et 17 % du troupeau de bovins est maintenant élevé dans des fermes et des ranchs certifiés par la CRSB, et huit entreprises de vente au détail et de services alimentaires s'approvisionnent en bœuf par l'entremise du programme. Dans un article de Haugen-Kozyra publié en 2021, on a souligné la façon dont ce programme crédible et solide peut servir de modèle dans d'autres administrations.
La perte et le gaspillage d'aliments au Canada constituent un énorme problème. Environ 58 % des aliments sont perdus ou gaspillés chaque année. Cela veut dire que toutes les ressources utilisées pour cultiver et produire ces aliments sont aussi gaspillées. Les éleveurs de bovins ont la capacité unique de favoriser la lutte contre la perte et le gaspillage d'aliments en utilisant des produits recyclés qui ne sont pas adaptés à la consommation humaine. Cela comprend des cultures endommagées par les intempéries ou les ravageurs, des sous-produits de fabrication et même des produits qui ne respectent pas les normes d'apparence pour la vente au détail.
De plus, le fumier produit par les bovins constitue un engrais naturel pour les terres en culture.
Dans le cadre de notre travail, nous avons appris qu'il est important de comprendre le contexte canadien et d'élaborer des solutions au moyen de processus de collaboration. Le secteur canadien du bœuf est un partenaire clé dans l'atteinte des objectifs environnementaux du Canada, et nous nous réjouissons à l'idée de continuer à être un chef de file mondial en matière de production durable de bœuf.
Merci encore une fois...
:
Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les députés, je m'appelle Paul Thoroughgood. Je suis le directeur national de l'agriculture et de la durabilité. Je suis accompagné de... [difficultés techniques].
Au nom de nos 100 000 supporteurs de partout au pays, nous vous remercions de nous permettre de participer à cette importante étude.
Comme vous le savez, nous avons travaillé en partenariat avec divers secteurs partout au pays, y compris l'agriculture, pour améliorer la santé écologique des paysages exploités au Canada depuis notre fondation il y a plus de huit décennies. Nous croyons qu'en dépit des pressions du marché et des défis mondiaux, il existe des solutions qui nous permettront d'atteindre nos objectifs économiques, sociaux et environnementaux.
De plus, nous croyons que l'agriculture canadienne est et doit demeurer un important fournisseur de solutions à ces défis.
À titre d'exemple, les agriculteurs, les scientifiques et les agents de vulgarisation canadiens ont montré au monde comment mettre fin à l'érosion éolienne de nos sols grâce à l'innovation de l'agriculture sans labour et, comme je l'ai mentionné plus tôt, les secteurs bovin et laitier au Canada réalisent tous deux leur production avec une empreinte carbone inférieure de plus de 50 % à l'empreinte carbone moyenne mondiale.
L'une des choses dont nous aimerions discuter, c'est que les zones de production agricole, comme les pâturages, les champs de foin et les cultures, sont reconnues comme des actifs à la ferme et qu'elles génèrent un moyen de subsistance économique pour les propriétaires fonciers. En comparaison, les habitats restants, comme les terres humides et les prairies, sont souvent considérés comme improductifs et même comme des passifs, ce qui les rend propices à l'élimination. Cela mène directement à la perte de ces habitats partout au pays et à la perte de leur capacité d'éliminer le carbone et de le stocker.
La capacité des habitats restants pour aider à atteindre les objectifs environnementaux du Canada est beaucoup plus grande que leur superficie. Par exemple, selon les recherches de Canards Illimités Canada et celles de nos partenaires, l'entretien de quatre acres de terres humides permet de stocker autant de carbone que s'il n'y avait pas de labourage sur un quart de section de terres cultivées dans les Prairies canadiennes pendant 25 ans.
Les avantages environnementaux générés par l'agriculture durable vont bien au‑delà de la séquestration du carbone. Canards Illimités Canada soutient que l'amélioration et le rétablissement de la biodiversité, l'amélioration de la qualité de l'eau et la gestion de la quantité d'eau sont des avantages environnementaux clés qui devraient également être reconnus. Les pâturages et les terres humides restants intégrés aux terres cultivées, par exemple, fournissent des habitats essentiels à de nombreuses espèces, en plus d'améliorer la quantité et la qualité de l'eau.
[Difficultés techniques]... pour réaliser son plein potentiel environnemental et économique, nous croyons que la solution pratique et pragmatique consiste à intensifier de façon durable la production dans le paysage tout en veillant à ce qu'aucune aire naturelle ne soit mise en production.
L'adoption de pratiques de gestion bénéfiques comme la gérance des nutriments 4B et la lutte antiparasitaire intégrée sont des éléments importants de ce processus. Nous croyons que le programme de gérance 4B, combiné au retrait des cultures marginales dans les champs, pourrait permettre d'atteindre, voire dépasser, l'objectif du Canada de réduire de 30 % d'ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre associées à l'épandage d'engrais.
En résumé, pour que l'agriculture canadienne puisse optimiser sa contribution afin d'aider le Canada à atteindre ses objectifs en matière de climat et de biodiversité, nous formulons les recommandations suivantes.
Premièrement, le Canada doit remettre en place des incitatifs au retrait des zones économiquement et écologiquement peu performantes dans les champs cultivés, ce qui est très semblable au Programme de couverture végétale du Canada et à la couverture végétale permanente. De même, nous devons encourager le retrait de la production de plus petites zones dans les champs cultivés.
En outre, le Canada doit élaborer une stratégie globale de santé des sols afin d'appuyer la résilience et la productivité de nos sols.
Nous devons également accroître les investissements dans le transfert de technologie pour de meilleures pratiques de gestion des biens publics, comme la gérance des nutriments 4B, la lutte antiparasitaire intégrée et la protection et la gestion des zones restantes.
Nous devons accroître les investissements dans les données géospatiales et autres données scientifiques pour appuyer la monétisation des biens et services écologiques que procure une bonne intendance des terres. Cela comprendrait l'élaboration de protocoles de biens et de services écologiques.
Nous recommandons d'accélérer l'établissement d'inventaires pancanadiens des pâturages et des terres humides, ce qui favorisera l'agriculture durable.
Enfin, nous suggérons l'élaboration et l'adoption d'une stratégie globale d'utilisation des terres par tous les ordres de gouvernement et les intervenants afin d'établir un équilibre entre l'expansion urbaine, la production agricole et la protection de l'environnement.
Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup [
difficultés techniques].
[Difficultés techniques] passer à la période des questions. Cela dit, je n'ai pas oublié la motion présentée par M. Barlow.
Nous allons entamer la première série de questions, celle des interventions de six minutes chacune. Monsieur Drouin, je sais que vous êtes dans la salle, ainsi que M. Perron, M. MacGregor et M. Barlow. Je m'attends à ce que vous puissiez discuter entre vous et communiquer avec moi, pour que je sache combien de temps nous devrons nous réserver à la fin.
Nous commençons par M. Falk, qui dispose de six minutes. C'est à vous, monsieur Falk.
Dans votre exposé, vous avez parlé du produit 3‑NOP, qui est disponible à l'heure actuelle, je crois, sur ordonnance du vétérinaire. L'industrie demande au gouvernement de l'homologuer au plus tôt, comme l'ont fait beaucoup d'autres pays. Vous avez mentionné l'Union européenne, l'Argentine et le Brésil.
Vous avez dit, je crois, qu'on pouvait raisonnablement s'attendre à une réduction allant jusqu'à 70 % des émissions. On parle de réduction du méthane, n'est‑ce pas?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à nos trois témoins. J'ai trouvé cela très intéressant, et j'ai beaucoup d'espoir que nos terres agricoles pourront à l'avenir nous servir à séquestrer le carbone et nous aider à relever les défis environnementaux de l'heure.
J'aimerais commencer par Canards Illimités. Vous faites de l'excellent travail pour essayer de sauver les milieux humides et autres marais. J'ai grandi dans la région du marais Holland — Bradford West Gwillimbury et Barrie —, où il y a beaucoup de terres marécageuses.
Il faut tenir compte ici de la compétence provinciale. Le gouvernement de l'Ontario vient d'approuver la construction d'une autoroute qui traverse des milieux humides et des terres agricoles très importantes pour relier les autoroutes 400 et 404. Tout cela relève en grande partie de la province, et nous ne pouvons pas vraiment intervenir.
Selon vous, comment pouvons-nous répondre au besoin de préserver ces milieux humides et en démontrer la valeur lorsque d'autres proposent de construire des autoroutes dans ces zones très sensibles et très utiles?
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Merci de votre question. Je connais très bien cette région; j'ai déjà vécu à Barrie, en Ontario.
Le défi de la protection des milieux humides, bien sûr, c'est de savoir où ils se trouvent pour les classer et leur accorder un certain degré de protection.
Vous avez tout à fait raison de dire que la gestion des terres est de compétence provinciale, alors nous finissons par être tiraillés entre le fédéral d'une part et les lois, les réglementations et les politiques provinciales d'autre part. En fait, le mieux à faire serait d'adopter des politiques globales de protection des milieux humides; l'Ontario a bien une politique pour protéger les milieux humides d'intérêt provincial, qui représentent environ le tiers du total, ce qui laisse évidemment sans protection les deux tiers restants.
Il existe des précédents ou d'autres méthodes pour éviter, réduire au minimum et atténuer les incidences. Ainsi, lorsqu'on entreprend des travaux de construction linéaire comme la construction d'une route, nous recommandons, comme le font la plupart des organismes de conservation lorsqu'il y a perte d'habitat, de faire des efforts pour réduire au minimum, éviter ou atténuer les incidences.
En matière d'atténuation, il existe des politiques très rigoureuses dans certaines provinces du Canada. Les provinces de l'Atlantique ont de bonnes politiques en place, tout comme l'Alberta, mais il est certain que la meilleure chose à faire serait de remédier à ces pertes et de remplacer la superficie et le rôle des milieux humides ainsi perdus.
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Avec le temps, nous en apprenons davantage sur la valeur des milieux humides, mais la réponse courte à votre question est qu'il reste certainement du travail à faire.
Il y a des valeurs économiques associées au captage du carbone, à la rétention de l'eau [difficultés techniques] des valeurs de service écologique associées aux milieux humides. Des efforts sont déployés actuellement dans le cadre du recensement de l'environnement de Statistique Canada et de différentes initiatives comptables internationales pour essayer de mesurer et de quantifier la valeur de nos actifs naturels, dont les milieux humides. Cela devrait nous aider énormément à les gérer dans le présent et à l'avenir. Bien sûr, il y a un prix à payer lorsqu'on enlève à la terre sa couverture naturelle.
Lorsqu'on supprime ces actifs, on doit invariablement les compenser par des ouvrages de remplacement de fabrication humaine, ou mieux encore — ce qui est notre préférence, à part de laisser en place la couverture naturelle — atténuer les incidences ou reproduire les services écologiques perdus, pour qu'il n'y ait pas de perte nette à la fin.
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Oui, merci de la question.
C'est un sujet assez complexe. Je pense que c'est lié à ce que les gens de la CRSB nous ont dit et à l'importance de maintenir un cheptel bovin fonctionnel, qui domine vraiment l'exploitation de nos prairies au Canada.
Je suis moi-même producteur de bœuf, et je suis très actif dans le secteur bovin ici, dans les Maritimes. Une chose que nous préconisons, c'est d'avoir de bons régimes d'assurance des cultures fourragères qui nous mettent sur un pied d'égalité avec nos voisins qui pratiquent des cultures annuelles, et qui sont très bien protégés par leur assurance-récolte.
Un autre chose est l'assurance du prix du bétail. Cela va aider à soutenir la rentabilité de l'élevage bovin, qui garde les vaches dans le paysage et les prairies intactes.
Comme je disais tout à l'heure, grâce au travail de ceux qui nous ont précédés, nous faisons paître du bétail dans la prairie depuis 35 ans et nous avons constaté une augmentation de 3 862 % du nombre de jours-animaux par acre et une augmentation des matières organiques de plus de 6 %.
Ces choses‑là sont quantifiables, mais on ne reçoit rien en retour. Personnellement, je suis entourée de terres cultivées. J'ai quatre quarts de section autour de ma terre actuellement qui ont été cultivés au cours des cinq dernières années, et c'est difficile pour nous, pour la prairie, de faire concurrence à des cultures de très grande valeur comme les citrouilles et les oignons. Tous ces produits sont nécessaires, mais il est très difficile de justifier la présence de la prairie quand elle est entourée de cultures de très grande valeur et à très haut rendement.
Il serait donc très avantageux de monnayer tout cela, et très important d'en faire autant pour le carbone que nous séquestrons et conservons dans le sol de nos prairies.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie sincèrement tous nos témoins de nous éclairer dans notre étude.
Monsieur MacLeod, j'aimerais commencer par vous.
L'Australie, d'ici juin prochain, va lancer un plan d'action sur une stratégie nationale des sols qui engagera le pays pendant 20 ans. Cette stratégie prévoit de renforcer la défense des sols et les services de vulgarisation, d'améliorer la surveillance des sols et le partage des données. Les Australiens veulent augmenter les investissements dans la recherche et le développement. Ils veulent améliorer la communication et la collaboration entre les chercheurs, les propriétaires fonciers, l'industrie, le gouvernement, les Premières Nations et les éducateurs. Ils veulent aider davantage les gestionnaires des terres à changer les pratiques afin d'améliorer la santé des sols, et ils veulent miser davantage sur l'éducation, la formation et les cheminements de carrière pour les professionnels des sols.
Tout d'abord, que pensez-vous de ce que fait l'Australie? Elle a un régime fédéral comme le nôtre. Elle a son gouvernement national à Canberra et des gouvernements d'État. Pensez-vous qu'elle est un exemple à suivre pour le Canada?
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La réponse est un « oui » retentissant.
Comme j'ai été moi-même formé et étudiant en pédologie, j'appuie sans réserve toutes ces initiatives du gouvernement australien.
Avec tout ce que nous avons vu au Canada ces dernières années, l'initiative des laboratoires vivants mise en œuvre par Agriculture et Agroalimentaire Canada, des liens plus clairs entre la communauté des producteurs et les chercheurs du ministère, l'accent mis sur la vulgarisation et sur l'adoption des PGB, les pratiques de gestion bénéfiques, je pense que nous sommes engagés sur la même voie.
L'autre élément que j'aimerais mentionner est le nouveau Fonds d'action à la ferme pour le climat, dont on a fait l'annonce et qui suscite un fort appui. Nous subventionnons les producteurs pour qu'ils adoptent le genre de pratiques que Mme Stroeve-Sawa et son équipe appliquent depuis 35 ans, en les citant en exemple pour que d'autres adoptent à leur tour ces PGB. Une partie de ce programme est axée sur l'éducation des producteurs et la sensibilisation aux PGB, alors oui, continuons dans cette voie.
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D'accord, merci beaucoup. Je m'adresse maintenant à la Canadian Roundtable for Sustainable Beef.
À l'été de 2020, j'ai eu la chance d'être invité par les éleveurs de bovins de la Colombie-Britannique à visiter deux ranchs dans le Sud de l'Okanagan qui avaient remporté la palme de la durabilité pour leurs méthodes pionnières de pâturage en rotation. C'était vraiment incroyable. J'ai visité les pâturages qu'ils géraient, ils m'ont montré les différences réelles entre les terres qui avaient été broutées par rotation, et les autres qui ne l'avaient pas été, pour illustrer concrètement la relation très symbiotique qui existe entre les plantes et les animaux. Si les Prairies étaient un endroit aussi extraordinaire, c'est parce qu'il y avait autrefois des troupeaux de bisons pour entretenir cette symbiose extrêmement importante.
Cependant, il y a une différence dans les pratiques de gestion des bovins au Canada. Je me demande simplement, pour encourager ces pratiques exemplaires, ce que vous aimeriez que le gouvernement fédéral fasse de plus. Je sais que vous en avez parlé, mais pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
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Merci, monsieur le président.
C'est formidable d'avoir avec nous aujourd'hui certaines des vedettes du documentaire Les gardiens des prairies.
Madame Tapley, c'est un plaisir de vous voir. Je sais que vous n'avez pas eu l'occasion de prendre la parole, mais je suis très fier du documentaire qui a été tourné dans ma circonscription.
J'encourage tous les membres du Comité à prendre un moment pour regarder cela s'ils ne l'ont pas fait.
Notre étude a pour objet en partie de cerner des choses précises que nous pouvons faire pour mettre en lumière l'apport environnemental de l'agriculture, et certainement des choses que nous pouvons faire pour l'améliorer. Le programme ou le produit 3‑NOP semble aller de soi, et j'aimerais y revenir très rapidement.
L'Union européenne est habituellement très réticente à prendre des risques et elle n'aime pas utiliser ce type de produit. Pour qu'elle l'ait adopté avant nous... Je crois comprendre qu'il faudra peut-être attendre deux ou trois ans avant que son usage ne soit approuvé au Canada.
Madame Stroeve-Sawa, vous pouvez peut-être me dire pourquoi il est évalué comme médicament vétérinaire et non comme additif alimentaire au Canada. Comment en est‑on arrivé là?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Madame Stroeve‑Sawa, j'ai beaucoup aimé l'un de vos commentaires. Vous avez dit que ce qui fonctionnait pour votre ferme ne fonctionnerait peut-être pas pour la ferme de votre voisin.
Ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que le programme de soutien relatif aux mesures environnementales, si nous voulons qu'il fonctionne, doit être le plus décentralisé possible. De plus, les sommes devraient peut-être être à la disposition des producteurs, qui sont des entrepreneurs. Il faudrait que ce soit eux qui décident du moment de l'investissement.
Est-ce que j'ai bien compris votre propos?
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Merci, monsieur le président.
Pour les deux minutes dont je dispose, je vais m'adresser à M. MacLeod.
Monsieur MacLeod, dans votre déclaration préliminaire, vous avez publié des chiffres impressionnants pour l'Alberta et la Saskatchewan sur la valeur des services écologiques qu'offrent leurs prairies et leurs espaces fourragers. Ce que je me demande, c'est... Je pense que ces fourchettes de valeurs sont là parce que nous n'avons pas encore assez de données. De nombreux témoins nous ont parlé d'un manque de données et c'est certainement un domaine où le gouvernement fédéral peut intervenir.
Avez-vous une idée de la capacité accrue que nous pourrions avoir, ou de la valeur accrue que ces services écologiques pourraient avoir, si nous mettions en œuvre certaines des mesures remarquables dont vous nous avez parlé?
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Merci, monsieur MacGregor.
Au nom de tous les membres du Comité, je tiens à vous remercier, mesdames et messieurs les témoins. Je peux dire que c'était vraiment fascinant. Nous vous sommes très reconnaissants des renseignements et des avis que vous nous avez donnés aujourd'hui.
Chers collègues, nous allons nous arrêter ici. N'oubliez pas de transmettre vos recommandations sur la chaîne d'approvisionnement aux analystes dès ce soir, s'il vous plaît.
J'aurais une brève remarque à faire. Je ne veux pas trop vous embêter avec cela, mais pendant les votes, parce que nous avons la possibilité de voter virtuellement, si vous vouliez bien le faire à partir de la salle de comité, cela nous permettrait d'avancer plus rapidement. Je laisse cela à votre discrétion dans les jours à venir, si possible, pour nous aider.
Sur ce, profitez de votre week-end et du reste de la semaine.
Merci, tout le monde.