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Je déclare ouverte cette séance.
Bienvenue à la réunion no 22 du Comité de l'Agriculture et de l'agroalimentaire. Je vais commencer par quelques rappels.
La réunion d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Les délibérations sont diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, la diffusion Web montrera toujours la personne qui parle, plutôt que l'ensemble du Comité. Nous sommes télévisés aujourd'hui, chers collègues. Je crois savoir que la télédiffusion sera disponible dans les jours à venir sur CPAC, s'ils choisissent de l'utiliser. Les captures d'écran ou la prise de photos de votre écran ne sont pas autorisées.
Comme nous voyons à l'écran que quelques nouveaux témoins se joignent à nous, sachez qu'aux fins de l'interprétation, vous pouvez basculer entre l'anglais et le français pour entendre la langue de votre choix. C'est au bas de votre écran. Par ailleurs, au bénéfice de nos interprètes, nous vous demandons d'essayer de parler lentement pour qu'ils puissent suivre. Il y a parfois un petit décalage, surtout virtuellement. Nous savons que nous allons faire de notre mieux pour notre part.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 30 mai 2022, nous commençons notre étude de l'insécurité alimentaire mondiale.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins de notre premier groupe. Par vidéoconférence de l'Ukraine, nous accueillons Mariia Bogonos, la directrice du Centre de recherche sur l'alimentation et l'utilisation des terres de l'École d'économie de Kyiv, ainsi que Mykhailo Amosov, expert en utilisation des terres du Centre d'initiatives environnementales Ecoaction, et Yulia Klymenko, députée de la Verkhovna Rada d'Ukraine et première vice-présidente du Comité sur le transport et les infrastructures.
Chers collègues, conformément au Règlement, je suis tenu de vous informer que nous avons eu un petit problème technique avec le microphone de Mme Klymenko. Nous n'avons pas été en mesure de faire un test complet, mais nous avons fait des essais. Nous espérons pouvoir entendre son témoignage. Elle a un dispositif et nous allons faire de notre mieux pour que cela soit possible.
J'aimerais mentionner quelques autres points, mesdames et messieurs. Bien sûr, plusieurs stagiaires du Programme parlementaire Canada-Ukraine, le PPCU, sont présents. Il y a 41 stagiaires sur la Colline.
Étant donné le sujet de notre étude, à savoir l'insécurité alimentaire mondiale découlant directement de la guerre en Ukraine, nous sommes très reconnaissants d'avoir nos témoins à l'écran.
À nos témoins, permettez-moi de vous remercier.
Les stagiaires du PPCU ont aussi joué un rôle important dans les échanges avec les gens en Ukraine. Merci beaucoup. Merci pour votre travail sur la Colline et merci d'être ici aujourd'hui.
Nous allons commencer par des déclarations liminaires de cinq minutes de chacun de nos témoins.
Madame Bogonos, vous disposez de cinq minutes. Je vous cède la parole.
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Merci beaucoup pour cette invitation.
J'aimerais vous rappeler d'abord que l'Ukraine, tout au long de son histoire qui remonte bien au‑delà de 1991, a servi de grenier à blé pour bon nombre de ses voisins et de régions plus éloignées. Par exemple, dans les années 1950, elle produisait plus de 25 % des céréales de l'Union soviétique. Au cours de la dernière décennie, l'Ukraine a pris une position de premier plan dans les exportations mondiales de céréales et d'huile de tournesol au point d'être responsable en 2021 de 10 % des exportations mondiales de blé et de 50 % de celles d'huile de tournesol.
Le 24 février, par suite de l'invasion par la Fédération de Russie aux frontières nord, sud et est de l'Ukraine, la situation a radicalement changé. À ce jour, par rapport à février 2021, par exemple, l'Ukraine ne contrôle plus au‑delà de 20 % de son territoire, ce qui se traduit par environ huit millions d'hectares de terres arables, une superficie égale à 70 % des terres arables de l'Allemagne, l'un des principaux exportateurs de céréales de l'UE. Cette superficie se comparerait à environ 20 % des terres arables du Canada.
Qu'est‑ce que cela signifie pour la production céréalière? L'Ukraine perd environ 10 millions de tonnes de blé, trois millions de tonnes de maïs, trois millions de tonnes d'orge et deux millions de tonnes d'huile de tournesol. Rien qu'avec cette perte de territoire, l'Ukraine renonce à environ 50 % de ses exportations de blé et à environ 40 % de ses exportations d'huile de tournesol.
En raison du blocus des ports d'Azov et de la mer Noire, la situation est encore pire, car même dans le meilleur des cas, avec la pleine capacité ferroviaire de l'Ukraine, sa capacité d'exportation au‑delà de sa frontière occidentale est réduite par un facteur d'au moins 10. Pour comparer, nous étions à six millions de tonnes par mois auparavant contre 600 000 tonnes maintenant, dans le meilleur des cas.
Pourquoi devrions-nous nous soucier des exportations? Parce que des pays sensibles, plus touchés par l'insécurité alimentaire, comme l'Égypte, le Bangladesh, le Yémen et la Libye, sont très dépendants des importations de blé qui constituent plus de 30 % de l'apport calorique quotidien de la population. Ils dépendent aussi beaucoup des importations en provenance d'Ukraine. Par exemple, en moyenne, ces quatre pays importent plus de 25 % du blé d'Ukraine — jusqu'à 50 % pour certains et 25 % pour d'autres.
Cela signifie que la réduction considérable de la production et des exportations ukrainiennes, en plus des prix élevés des céréales que nous observions déjà avant la guerre, fera courir à ces pays un risque élevé de famine. En Ukraine également, la situation n'est pas rose, car l'accessibilité des aliments, c'est-à-dire la capacité financière des Ukrainiens à acheter de la nourriture, est réduite d'environ 40 %. C'est un chiffre énorme. Cela signifie que nous pouvons peut-être nous attendre à certains problèmes nutritionnels chez une grande partie de la population ukrainienne.
En conclusion, si on ne l'arrête pas, la Fédération de Russie continuera à dévaster les terres ukrainiennes et à menacer la sécurité alimentaire nationale et mondiale.
Je vous remercie.
Je m'appelle Mykhailo Amosov. Je représente une organisation gouvernementale appelée Ecoaction. Je vais vous dire quelques mots sur les problèmes de sécurité alimentaire en Ukraine et dans le monde.
Comme l'intervenante précédente l'a dit, beaucoup de terres agricoles ont été occupées, bombardées ou attaquées par des missiles et des équipements militaires russes, etc. Cette invasion russe illégale a complètement changé la donne dans tous les secteurs de l'économie et de l'agriculture de l'Ukraine.
Cette année, en 2022, l'Ukraine a semé sept millions d'hectares de cultures agricoles de moins que l'an dernier. Cela va provoquer des pénuries sur le marché alimentaire mondial. En fait, je vois plus de risques pour la sécurité alimentaire mondiale que pour la seule sécurité alimentaire de l'Ukraine, car de nombreux pays, comme le Yémen, l'Égypte, l'Indonésie et le Bangladesh, dépendent largement des exportations de céréales ukrainiennes. Même si ces pays trouvent des solutions de rechange aux céréales ukrainiennes, elles seront très coûteuses pour eux. Nous devrions trouver un moyen d'aider à exporter les céréales ukrainiennes depuis l'Ukraine.
En Ukraine, nous avons vu que le principal problème est la logistique pour l'agroentreprise ukrainienne, car les Russes ont détruit beaucoup de silos et d'entrepôts. En fait, lorsque toutes ces installations ont été détruites, nous avons vécu de très fortes pénuries alimentaires dès les premiers jours dans les supermarchés et dans toutes les épiceries. Nous constatons l'énorme dépendance de l'Ukraine à l'égard des grandes agroentreprises. Nous devons maintenant soutenir davantage les petites et moyennes exploitations agricoles ukrainiennes, car nous pensons qu'elles sont plus aptes à s'adapter à la nouvelle réalité.
Aujourd'hui encore, les petites et moyennes exploitations et les ménages privés produisent plus de denrées alimentaires, plus de légumes et plus de fruits que les grandes agroentreprises. Par exemple, les régions du sud de l'Ukraine, comme Kherson et Zaporizhzhia, fournissaient beaucoup de fruits et de baies aux autres régions de l'Ukraine. Maintenant, les citoyens ukrainiens auront beaucoup de difficultés à se constituer un régime alimentaire sain pour tout le monde en Ukraine. Ces pastèques et cerises, etc., étaient produites par de petites et moyennes exploitations. Les grandes agroentreprises n'occupaient pas une grande place dans ce marché.
Nous avons besoin de plus de soutien de l'État pour les petits agriculteurs, car ils sont plus adaptables. En tant qu'organisation environnementale, nous estimons qu'ils sont plus durables pour l'environnement que les grandes agroentreprises.
C'est tout pour moi. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Je vous remercie.
Je suis Yulia Klymenko. Je suis députée et première vice-présidente du Comité sur le transport et les infrastructures et ancienne vice-ministre de l'Économie de l'Ukraine.
C'est un honneur et un plaisir pour moi de m'adresser au Comité de la Chambre des communes du Canada, un pays qui symbolise la réalisation d'un rêve pour les Ukrainiens qui sont venus au Canada il y a 120 ans et y ont construit avec des gens de toutes les autres nations un pays prospère, humain, pacifique et beau, qui soutient les forces du bien et de la justice.
Comme le sujet de notre discussion est une crise alimentaire mondiale, permettez-moi de vous présenter d'abord un certain nombre de faits qui illustreront le rôle de l'Ukraine en tant que fournisseur mondial d'aliments et qui quantifieront la dévastation de l'approvisionnement alimentaire mondial causée délibérément par l'invasion russe.
L'Ukraine nourrit 400 millions de personnes dans le monde, principalement dans des pays à faible revenu. L'Ukraine couvre 10 % des exportations mondiales de blé, 15 % pour le maïs et 47 % pour l'huile de tournesol. L'Ukraine exporte 58 millions de tonnes de denrées agricoles par an, dont 90 % sont acheminées par les ports maritimes d'Azov et de la mer Noire grâce à un écosystème d'infrastructures développé, composé d'installations fluviales et portuaires dotées de laboratoires de stockage et d'exportation. Cet écosystème a transformé 32 millions d'hectares de terres arables très fertiles en un secteur en plein essor, qui n'est probablement devancé que par le secteur informatique ukrainien.
Le 21 février, la Russie a commencé à bombarder les villes ukrainiennes, tuant des civils et minant et bloquant délibérément tous les ports ukrainiens, en ciblant systématiquement toutes les installations de stockage de céréales, les laboratoires, l'infrastructure ferroviaire, le stockage de carburant et les raffineries de pétrole.
Maintenant, je voudrais que vous portiez attention au message probablement le plus important de mon discours. L'interruption de l'approvisionnement alimentaire mondial n'est pas un dommage collatéral de la guerre en Ukraine. Il s'agit d'une arme hybride planifiée pour déstabiliser encore plus massivement l'économie et l'ordre politique mondiaux par l'instigation de la famine en Afrique et en Asie, qui engendrera un afflux de migrants en Amérique du Nord et en Europe occidentale.
Nous avons déjà vu la Russie jouer ce scénario en Syrie, en provoquant une migration massive vers l'Europe et en faussant les processus politiques européens. Cette fois, la nourriture est l'arme et l'ampleur de la crise sera bien plus grande. Les avantages supplémentaires que la Russie espère seront des revenus supplémentaires découlant de la montée en flèche des prix mondiaux des denrées alimentaires et des matières premières, tout comme elle tire profit de la hausse des prix de l'énergie.
Voilà pourquoi les Russes ont déjà volé 500 000 tonnes de céréales ukrainiennes dans les régions de Kherson et de Donetsk et les ont acheminées jusqu'au territoire russe pour les exporter.
À ce jour, l'Ukraine stocke 22 millions de tonnes de céréales prêtes à être exportées, avec 40 navires commerciaux déjà chargés d'un million de tonnes de denrées agricoles. Cependant, la flotte est bloquée en mer Noire par la Russie.
Consciente de l'importance cruciale de notre approvisionnement alimentaire pour de nombreux pays — par exemple, l'Égypte dépend de l'Ukraine pour 80 % de sa consommation de blé — et malgré la guerre, l'Ukraine a investi pour tripler sa capacité de transport fluvial, ferroviaire et routier. Aujourd'hui, nous pouvons transporter 1,5 million de tonnes de céréales par mois grâce à toutes ses capacités. Auparavant, c'était 500 000 tonnes. Pour vider nos stocks avant la nouvelle récolte, il faudra au moins 15 mois, même avec une capacité accrue. Vous pouvez constater ici un problème fondamental à la fois pour les pays qui ont besoin d'approvisionnement et pour la nouvelle récolte, car nous aurons peu d'installations de stockage disponibles pour la nouvelle récolte.
L'Ukraine est prête à créer toutes les conditions nécessaires à la reprise des exportations à partir du port d'Odessa. La question est de savoir comment s'assurer que la Russie ne compromet pas cette voie commerciale ou ne bombarde pas la ville d'Odessa.
L'Ukraine recherche une solution avec l'ONU et ses partenaires occidentaux. Toutefois, nous n'avons reçu aucune garantie de la Russie jusqu'à présent. La proposition de la Russie d'établir des couloirs pour l'exportation des céréales ukrainiennes en échange de la levée des sanctions est absolument inacceptable.
En prévision de la récolte de cette année, il nous faut tenir compte du fait que les Russes occupent 20 % des terres ukrainiennes et que 13 % des terres agricoles sont couvertes de mines et d'obus non explosés. Ainsi, des tracteurs sautent et des agriculteurs meurent dans les champs lorsqu'ils essaient de cultiver la terre. Néanmoins, nous avons semé et nous espérons récolter 80 % de toutes les terres arables d'Ukraine.
Toutefois, le rendement de la récolte sera nettement plus faible cette année en raison des graves pénuries d'engrais, de carburant et de main-d'œuvre. La plupart des hommes qualifiés de la population active se battent au front. Les hommes et les femmes qui travaillent si fort dans les champs et assurent un approvisionnement alimentaire supplémentaire méritent notre reconnaissance et ont besoin de notre soutien indéfectible pour produire des aliments destinés aux personnes dans le besoin en Afrique et en Asie.
C'est ce que nous devons faire ensemble pour éviter des crises alimentaires mondiales: l'Ukraine doit vaincre la Russie en mer, dans les airs et au sol.
Pour débloquer les voies maritimes ukrainiennes, l'armée ukrainienne doit couler 25 autres navires de guerre et sous-marins russes au moyen de missiles antinavires et de systèmes de roquettes à lanceurs multiples, les SRLM, et déminer les voies maritimes.
Pour protéger nos terres agricoles et nos infrastructures et créer des corridors de transport durables, nous devrons renforcer la défense aérienne et organiser des opérations de défense terrestres durables contre les avancées terrestres de la Russie dans l'Est et le Sud de l'Ukraine. Voilà pourquoi nous demandons un nouvel approvisionnement de véhicules armés, des véhicules blindés légers, des UAV, des munitions d'artillerie de 155 millimètres aux normes de l'OTAN, des obusiers M777 et des systèmes de déminage robotisés.
Pour soutenir la capacité d'exportation du secteur agricole ukrainien, nous devons reconstruire les installations de stockage de céréales et les infrastructures ferroviaires et routières détruites ainsi que réparer, réoutiller et multiplier les laboratoires phytosanitaires et vétérinaires d'exportation.
Toute l'aide dont j'ai parlé nous permettra de mettre fin à la guerre et permettra aux Ukrainiens de rentrer chez eux et de reprendre leur travail pour récolter et nourrir le monde, enseigner, soigner et créer notre brillant avenir. Il sera moins coûteux d'investir dans des armes lourdes pour l'Ukraine que d'essayer de résorber la famine, les migrations, les troubles et les turbulences géopolitiques prolongés à l'échelle de la planète.
Je voudrais terminer mon exposé en vous remerciant pour tout l'appui politique, financier et militaire apporté à l'Ukraine ainsi que pour l'attitude chaleureuse et accueillante du peuple canadien envers tous les Ukrainiens qui ont dû fuir la guerre. J'en ai fait personnellement l'expérience, puisque mes deux plus jeunes fils ont séjourné 100 jours à Toronto avec des parents pendant que je suis restée à Kiev et que mon mari aide l'armée ukrainienne comme tireur d'élite. J'espère pouvoir ramener mes enfants dans deux semaines et assurer leur avenir en Ukraine.
Merci beaucoup.
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Oui, je pense que c'est une bonne solution, car tout dollar, qu'il soit canadien, américain ou de toute autre sorte ou tout euro qui arrive en Russie est transformé en balles qui nous tuent. Il faut les isoler économiquement et politiquement et les maintenir, avec leur élite du Kremlin, en dehors de l'environnement économique comme de l'environnement politique.
Malheureusement, c'est votre seule façon de punir la Russie. Si je me souviens bien, le Canada n'a pas beaucoup d'échanges commerciaux avec la Russie. Les engrais sont importants, mais les Russes doivent payer un prix pour la violence et nous ne pouvons pas nourrir la bête parce que cette bête va manifestement réduire l'économie mondiale en poussière.
Ils s'emploient à détruire l'économie mondiale en détruisant les chaînes d'approvisionnement alimentaire et en augmentant les prix de l'énergie, des aliments et de bien d'autres choses. Il vous faut comprendre qu'à l'heure actuelle, les guerres politiques, économiques et continentales sont liées les unes aux autres. Ils détruisent les modèles économiques de nombreux autres pays en envoyant des migrants et en augmentant les prix. L'Europe éprouve des difficultés parce que les prix de l'énergie, du pétrole et des aliments ont parfois doublé, triplé ou augmenté de 40 %, ce qui rend l'économie européenne peu compétitive par rapport aux économies asiatiques, par exemple.
Oui, malheureusement, nous devons…
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous nos témoins de leur présence en ce jour très important et je tiens à dire d'abord que vous avez l'appui indéfectible du Canada sous la forme de l'aide humanitaire que nous fournissons, des mesures d'immigration, des sanctions économiques et de l'aide militaire. En tant que nation, nous sommes solidaires de l'Ukraine.
Même sur le terrain, dans toutes nos collectivités — je sais que je peux parler pour la mienne — des organismes communautaires se portent volontaires pour offrir du soutien et des ressources afin d'aider les personnes déplacées. Vous avez notre appui, mais le message que j'entends, c'est que le Canada, en tant que nation, et le monde doivent intensifier leurs interventions et faire encore plus. Ce message est clair et il est entendu.
Madame Klymenko, députée et première vice-présidente du Comité sur le transport et les infrastructures de l'Ukraine, merci de votre service.
Vous avez dit qu'à l'heure actuelle, il faudrait 15 mois pour vider vos stocks de céréales et, évidemment, vous avez dit que cela ne laisserait pas de place pour la nouvelle récolte. Vous collaborez avec l'ONU et d'autres partenaires. Je me demande si vous pouvez nous en dire plus sur ce que nous pouvons faire de plus pour rattraper ce retard, car cela permettra de nourrir les gens et facilitera l'arrivée de la nouvelle récolte.
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Comme je l'ai dit, le seul moyen durable, malheureusement, ce sont les armes lourdes. Nous pouvons déminer et débloquer nos ports, mais nous avons besoin d'armes lourdes, que nous n'avons pas, pour le nettoyage et le déminage ainsi que de missiles antinavires. C'est le meilleur moyen durable.
Bien sûr, nous devons travailler en parallèle avec l'ONU et d'autres pays pour créer des corridors alimentaires temporaires et exporter nos céréales. Nous sommes conscients que le monde dépend de nos céréales. Nous ne pouvons pas nous permettre de simplement les brûler. Malheureusement, si nous ne transportons pas ces céréales, nous devrons les gaspiller, les brûler. Nous devons stocker les nouvelles récoltes dans les entrepôts ou construire de nouveaux entrepôts, ce qui est pratiquement impossible en deux mois. Dans deux ou trois mois, nous aurons une nouvelle récolte et nous devons vider nos installations existantes.
Pour ce faire, nous avons besoin de deux choses. La première est de travailler sur des corridors alimentaires temporaires avec l'ONU et les pays occidentaux. Nous vous demandons de faire pression sur la Russie pour nous permettre d'exporter ces céréales et de nourrir les populations d'Afrique et d'Asie.
Deuxièmement, nous espérons que les pays occidentaux s'uniront et nous fourniront des armes lourdes afin que nous puissions ouvrir ces corridors alimentaires de manière plus durable. Les navires russes devraient quitter la mer Noire et la mer d'Azov, car ils violent le droit international. La mer Noire est assujettie aux droits et aux règles internationaux. Ce ne sont pas seulement les rives et les côtes de l'Ukraine, pour ainsi dire. C'est le droit maritime international. Ils violent le droit international et ils bloquent les voies maritimes, purement et simplement. Beaucoup de navires étrangers restent dans nos ports parce qu'ils ne leur permettent pas d'en sortir.
Il y a deux solutions: travailler avec les organisations internationales sur des corridors temporaires et débloquer la mer de façon permanente et durable.
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Comme je l'ai dit, vous pouvez faire trois choses essentielles. Tout d'abord, il y a les armes lourdes, et je comprends que vous n'en avez pas toute une gamme, contrairement aux États-Unis ou à l'Europe par exemple, mais vous avez des véhicules blindés comme des VBL et des UAV. Vous avez des munitions d'artillerie. Vous avez des obusiers. Vous avez des systèmes de déminage robotisés afin que nous puissions dégager nos terres agricoles des mines et des obus.
C'est très important, car à l'heure actuelle, il est possible de miner des terres à une distance de 80 ou de 100 kilomètres. Par exemple, les troupes russes restent à 80 kilomètres des terres agricoles et peuvent envoyer des mines de cette distance. Les Russes détruisent donc délibérément nos terres agricoles.
Nous avons aussi besoin de systèmes de déminage robotisés. Nous avons aussi besoin d'aide pour restaurer, réparer et construire des entrepôts et des laboratoires de stockage de céréales, ce qui est très important, car tous nos laboratoires... Pour exporter des céréales, vous devez soumettre des échantillons à des laboratoires. Nos laboratoires se trouvent principalement dans les ports, car nous exportons 90 % de nos céréales et de notre pétrole par les ports. Nous devons maintenant construire une nouvelle chaîne de laboratoires pour nos frontières occidentales, dans les gares, sur les routes, pour les douanes, pour ainsi dire. Nous devons les construire à partir de zéro, car comme je l'ai dit, nous ne pensions pas en avoir besoin sur les voies ferrées ou les routes. Nous avions accès à deux mers.
Ce sont en fait deux choses dont nous avons besoin et vous pouvez nous aider à ces égards, mais les armes lourdes sont notre priorité. Nous comprenons très bien que nous devons les repousser de notre territoire et que c'est la seule façon durable pour nous de récolter, d'emmagasiner notre récolte et d'en semer d'autres pour récolter l'année suivante et nourrir le monde. Les Russes feront toujours chanter le monde entier au moyen d'une crise agricole et d'une crise du carburant, comme ils le font actuellement.
Ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils ne disent qu'ils vont fermer les voies maritimes pendant deux semaines et qu'ils ne permettront pas à l'ONU de venir. Ils le font tout le temps avec les corridors humanitaires. Je peux vous dire que les Russes n'ont pas permis aux habitants de la ville de Marioupol de faire passer ces gens, nos gens, des citoyens ukrainiens, par les corridors humanitaires ou d'y apporter de la nourriture depuis les territoires ukrainiens non occupés.
En conséquence, plus de 20 000 Ukrainiens sont morts dans cette ville faute de nourriture, d'eau, de médicaments et de possibilités d'être évacués, alors qu'attendez-vous de ces gens, des Russes qui font cela dans une ville essentiellement russophone? C'était une ville russophone très proche de la frontière russe et ils ont fait cela à Marioupol. Je ne crois pas aux soi-disant solutions temporaires avec les Russes. Soit vous les vainquez, soit ils feront chanter le monde entier.
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Merci pour cette question.
Oui, nous avons un problème de cette nature lorsque des agroentreprises prennent plus de terres pour leurs activités. Ce sont déjà des écosystèmes sauvages. Peut-être qu'en Union soviétique, c'était des terres arables, mais elles sont redevenues des prairies et même des réserves naturelles. Puis, des agroentreprises les ont remises en exploitation. Maintenant, à cause de l'agression russe et de la pénurie de terres pour les campagnes d'ensemencement, nous entrevoyons ce risque, car la demande de terres augmente alors que nous avons besoin de plus de terres, de plus de céréales et de plus d'exportations, etc.
Nous faisons la comparaison avec les entreprises russes et biélorusses qui louent des terres en Ukraine à des propriétaires privés, au gouvernement et aux collectivités. Nous aimerions retirer ces terres aux sociétés russes et les mettre en exploitation pour des agriculteurs ukrainiens. Cela nous semble équitable.
Ce sont les principaux points ici.
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J'espère que c'est bon maintenant.
Les soldats russes ont volé un demi-million de tonnes de céréales ukrainiennes et les ont transportées, comme je l'ai dit, en Russie et en Syrie. Ils traitent très mal nos agriculteurs dans les territoires occupés. En fait, ils prennent les céréales sans payer ou à très bas prix. Les céréales et les denrées agricoles sont envoyées en Russie pour être vendues soit dans les territoires occupés, soit en Russie à un prix très élevé.
L'écart des prix des denrées alimentaires entre les territoires non occupés et les territoires occupés de l'Ukraine va du simple au triple, de sorte que vous pouvez acheter une pomme de terre, par exemple, pour 10 hryvnias à Kyiv, et pour 30 hryvnias ou plus à Kherson, qui est occupée. Ils fraudent essentiellement les gens et ils volent les céréales et les produits agricoles.
Que pourrais‑je vous dire? Les civils ne contrôlent pas les territoires occupés. Les soldats se remplissent les poches en volant les produits agricoles des personnes qui les récoltent à la main.
Dans les champs, nous avons des agriculteurs et ils sont probablement beaucoup plus jeunes, car c'est une activité très rentable en Ukraine. Nous sommes probablement l'un des rares pays à ne pas avoir de subventions pour les entreprises agricoles parce que c'est rentable. De nombreux jeunes se tournent vers l'agroalimentaire, car ils peuvent y gagner beaucoup d'argent, tirer parti des nouvelles technologies, augmenter la productivité et bien d'autres choses.
Nous n'avons pas le problème que vous avez au Canada. La plupart de nos agriculteurs sont jeunes, plus ou moins, et ils possèdent de nouvelles compétences. Ils voyagent dans le monde entier pour acquérir de nouvelles compétences qu'ils mettent au service du secteur agricole ukrainien. En Ukraine, le secteur agricole est trois à quatre fois moins productif que le vôtre ou que celui des États-Unis. Nous avons donc beaucoup de chemin à parcourir pour accroître la productivité et faire gagner encore plus d'argent aux jeunes agriculteurs ukrainiens.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie, ainsi que les membres du Comité, de m'avoir accueilli aujourd'hui. C'est un véritable honneur d'être ici.
J'aimerais, avant de poser mes questions, préciser à nos témoins que, comme le président vient de le dire, je suis président du Groupe d'amitié parlementaire Canada-Ukraine, qui est un groupe de députés de tous les partis.
Les députés de notre Parlement, comme ceux de votre Parlement, sont en désaccord sur de nombreuses choses. En fait, dans certains cas, on a l'impression que nous sommes en désaccord sur tout, mais nous sommes unis sur l'Ukraine et je tiens à ce que vous le sachiez. Je remercie mes collègues de tous les partis pour leur union et leur force et pour tout ce que nous faisons ensemble pour soutenir le peuple ukrainien.
Il est évident que la guerre en Ukraine est une crise existentielle pour les Ukrainiens. C'est un désastre humanitaire, la Russie commettant un génocide. Le Parlement canadien a proclamé son soutien unanime à cette déclaration. C'est une menace pour la sécurité mondiale et la sécurité du Canada, et c'est bien sûr une menace pour l'approvisionnement alimentaire dans le monde entier, comme nous en avons parlé ici aujourd'hui.
Vous et votre peuple ne vous battez pas seulement pour l'Ukraine, vous vous battez pour nous tous; nous devons donc nous battre pour vous. Sachez que les députés canadiens de tous les partis se battent pour vous.
J'aimerais commencer par poser une question à Mme Bogonos, et je vous demanderais d'être aussi brève que possible, car j'ai encore quelques autres questions.
Quel est l'impact humanitaire potentiel de l'utilisation par la Russie de l'approvisionnement alimentaire comme une arme? Dans quelle mesure cela pourrait‑il nuire à la communauté internationale, aux populations du monde entier?
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Parce que c'est du chantage... C'est peut-être une réponse très courte, mais c'est vraiment du chantage. C'est une violation de toutes les règles et de l'ordre international. Vous ne pouvez pas, dans un premier temps, bloquer délibérément des ports, puis autoriser deux routes et demander la levée de toutes les sanctions.
La prochaine fois, ils viendront bloquer les pays baltes, et ils diront: « D'accord, donnez-nous 10 milliards de dollars et nous les débloquerons. » C'est du chantage. C'est un comportement criminel. Vous ne pouvez pas l'accepter si vous voulez qu'il y ait des règles et un ordre à l'échelle mondiale, et que les gens respectent les lois et l'ordre internationaux. Vous devez punir ces maîtres chanteurs. Vous ne pouvez pas accepter ce chantage. Nous devons trouver d'autres moyens que la levée des sanctions.
Je crois que les routes sont une solution temporaire. Les routes avec les convois de l'ONU nous permettront d'exporter, mais le moyen le plus durable est l'utilisation d'armes lourdes.
Merci de votre soutien. Je suis de l'opposition, en fait, mais nous sommes unis en Ukraine parce que nous comprenons que nous avons un seul ennemi. Nous devons d'abord combattre cette bête, puis nous discuterons d'autres choses à l'intérieur de l'Ukraine en tant que partis d'opposition et de gouvernement, alors merci de votre soutien.
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Merci, monsieur le président.
Madame Klymenko, j'aimerais revenir à vous. Vous avez beaucoup insisté, comme l'ont fait tous nos témoins, sur l'importance d'assurer un passage sûr du port d'Odessa à la mer Noire.
L'un des problèmes est que nous savons que la Russie est engagée dans des actes criminels ici. Nous savons qu'elle se livre à du chantage. Le problème est que la Russie dispose d'un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, ce qui nuit souvent à l'efficacité de cette organisation. Ce que je veux savoir, c'est... Dans la mer Noire, vous avez de grands voisins. Vous avez la Turquie, la Bulgarie et la Roumanie. Avez-vous des renseignements sur ce que font leurs forces navales?
En plus de continuer à soutenir l'Ukraine avec des armes lourdes, que doit faire le Canada pour faire pression sur ses alliés internationaux afin de sécuriser ce passage? Les cargos ont-ils besoin d'escortes navales, par exemple?
J'aimerais savoir en fonction de quelles conditions pratiques nous devons travailler en sachant que la Russie va essayer de nous bloquer de tous les côtés.
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Nous comprenons que la Russie bloque l'ONU et d'autres organisations internationales. Il y a beaucoup de Russes non seulement à l'ONU, mais aussi au MAGATE, qui est l'organisation nucléaire, etc.
Nous voyons ces liens cachés tout le temps. C'est pourquoi nous luttons systématiquement contre la présence d'employés et de fonctionnaires russes dans les organisations internationales. Je le fais très soigneusement. Je les connais tous et j'essaie de les faire sortir de ces organisations, car ils influencent fortement la prise de décisions, malheureusement. Nous pouvons le constater dans les infrastructures et dans d'autres domaines.
Ce que vous pouvez faire, c'est envoyer conjointement une lettre, prendre une décision dans votre comité ou voter au Parlement pour vous joindre à ces efforts de convois. Il ne s'agirait pas seulement de convois de l'ONU, mais aussi de convois américains et canadiens. Cela nous permettra de faire sortir les céréales par les ports. C'est le seul moyen durable et abordable de le faire, car si nous passons par les ports européens et les chemins de fer européens, etc., le prix augmentera parce que les coûts logistiques augmenteront considérablement pour le blé. C'est un produit de base. Les produits de base sont très vulnérables à la logistique. C'est pourquoi... La logistique ne peut pas coûter plus cher que le blé.
Je pense que vous pouvez vous joindre à cela, mais mes collègues de l'ambassade ou du comité international sauront probablement mieux quels sont les outils pratiques dont disposent les Nations unies et d'autres organisations pour aider sur ces routes. Je vous reviendrai là‑dessus après la réunion. Je ne suis pas une spécialiste de ces organisations politiques internationales.
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Merci, madame Klymenko. Merci, monsieur MacGregor.
Chers collègues, c'est tout. Nous avons en fait un peu dépassé le temps imparti, mais je pense que le témoignage était puissant. J'ai accordé une certaine marge de manoeuvre pour que nous puissions avoir des réponses complètes.
Au nom de tous mes collègues parlementaires, je remercie nos témoins, Mme Klymenko, Mme Bogonos et M. Amosov, d'avoir accepté de participer à l'étude et d'avoir été en mesure de fournir cet important témoignage. Comme cela a déjà été mentionné, nous sommes à vos côtés. En tant que parlementaires canadiens, nous vous remercions pour ce que vous nous avez dit aujourd'hui, et j'aimerais encore une fois féliciter nos stagiaires ukrainiens sur la Colline, dont beaucoup se sont joints à nous en personne pour cette séance.
Mme Yulia Klymenko: Merci à vous aussi. Merci de votre aide et de votre soutien.
Le président: Chers collègues, nous allons faire une pause de deux minutes. Nous allons accueillir le prochain groupe de témoins, alors ne vous éloignez pas trop.
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Chers collègues, nous reprenons nos travaux. Merci à toute notre équipe qui a contribué à une transition très rapide.
Notre deuxième groupe de témoins pour la deuxième heure du début de notre étude se joint à nous par téléconférence aujourd'hui.
Nous avons Paul Hagerman, qui est le directeur des politiques publiques à la Banque canadienne de grains. Nous avons Maud Labat, conseillère commerciale, section commerciale et économique à la délégation de l'Union européenne au Canada. Nous avons Maximo Torero Cullen, économiste en chef à l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.
Merci beaucoup à tous les témoins pour leur participation aujourd'hui.
Chers collègues, nous avons un vote de procédure à venir. Nous avons la possibilité de ne pas forcément arrêter à ce moment‑là. Je crois que j'ai le consentement unanime pour continuer durant les cloches. J'en ai parlé en fait à tous nos collègues. Je crois comprendre que la préférence est de voter sur appel afin de pouvoir reporter l'arrêt à la dernière minute, étant donné que nous avons ces merveilleux témoins devant nous.
Sur ce, je vais commencer par Mme Labat.
Vous avez cinq minutes pour votre exposé.
Honorables députés, c'est un honneur pour moi et pour l'Union européenne de contribuer aujourd'hui à votre réflexion sur l'impact de l'invasion illégale de l'Ukraine par la Russie.
Cette invasion injustifiée de l'Ukraine par la Russie a montré une fois de plus à quel point l'Union européenne et le Canada partagent les mêmes idées dans leur évaluation de la crise et dans leur réaction à celle‑ci. L'Union européenne, comme le Canada, a adopté plusieurs séries de sanctions contre la Russie, les entités russes et les ressortissants russes qui appuient cette guerre. L'Union européenne, comme le Canada, évalue en parallèle les graves répercussions de cette guerre sur le monde, y compris sur la sécurité alimentaire mondiale.
Dans mes remarques aujourd'hui, je présenterai trois points principaux: premièrement, notre évaluation de la situation dans l'Union européenne; deuxièmement, notre réponse; et troisièmement, comment le Canada, en tant que pays aux convictions semblables, fait partie intégrante de la réponse de l'Union européenne.
Tout d'abord, notre évaluation de la guerre en Ukraine en général est qu'il s'agit vraiment d'une crise artificielle et que les menaces et les actions de la Russie prouvent que celle‑ci utilise la nourriture, comme elle utilise l'énergie, comme une arme géopolitique, au mépris de la vie et du bien-être des gens en Russie, en Ukraine et ailleurs. Cette guerre en Ukraine met en danger la sécurité alimentaire de millions de personnes dans le monde, et elle a déjà des effets négatifs sur les populations de nombreux pays. Les premières victimes sont évidemment les populations vulnérables du monde entier, notamment dans les pays à faible revenu qui dépendent de l'importation de nourriture et d'engrais.
Cette invasion fait grimper le prix des denrées alimentaires en raison de l'augmentation des coûts de production, de transport et d'assurance du fret. Le prix des engrais a monté en flèche, y compris dans l'Union européenne, et limite fortement leur abordabilité pour les petits agriculteurs des pays en développement et de l'Union européenne.
La Russie a également détruit d'importantes productions de réserves alimentaires, comme vous l'avez entendu précédemment, ainsi que la capacité de transformation et de transport en Ukraine. Nous pensons que l'armée russe cible délibérément le secteur agricole ukrainien. Lorsque la Russie bombarde les champs ukrainiens et détruit et pille les réserves alimentaires, et lorsque les navires de guerre russes bloquent les routes commerciales de la mer Noire, cela ne nuit pas seulement aux exportations ukrainiennes de blé et de céréales. Cela a également un impact négatif direct sur la vie quotidienne des populations d'Afrique et d'Asie.
Comme vous l'avez entendu précédemment, les chiffres peuvent être un peu différents, mais notre évaluation est que l'Ukraine représente 10 % du marché mondial du blé, 13 % du marché de l'orge, 15 % du marché du maïs et plus de 50 % du marché mondial de l'huile de tournesol. Nous estimons que 49 % du blé d'hiver, 38 % du seigle et 63 % du maïs à récolter cet été sont situés dans des zones à risque. Entre 20 et 30 % des zones de production hivernale de céréales, de maïs et de graines de tournesol en Ukraine n'auront pas de récolte ou ne seront pas plantées ce printemps. En conséquence, la nourriture manque ou devient très onéreuse.
Certains pays producteurs de céréales adoptent des quotas d'exportation. En outre, la Russie, le Belarus et la Chine ont annoncé des restrictions ou des interdictions d'exportation d'engrais et de composants d'engrais, et l'Union européenne, bien sûr, s'oppose vigoureusement à de telles restrictions commerciales.
Pour nous, dans l'Union européenne, il n'y a pas de menace immédiate pour la sécurité alimentaire, car l'Union européenne est un gros producteur et un exportateur net de céréales, mais l'impact immédiat réside plutôt dans l'augmentation des coûts tout au long de la chaîne d'approvisionnement alimentaire et dans la perturbation des flux commerciaux en provenance et à destination de l'Ukraine et de la Russie, ainsi que dans l'effet sur la sécurité alimentaire mondiale.
Si l'on prend le voisinage de l'Union européenne en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, la disponibilité et l'accessibilité financière du blé, qui est leur denrée de base, sont menacées. Il en va de même en Afrique subsaharienne et en Asie.
Les États membres européens réunis à Versailles à la mi‑mars 2022 ont demandé à la Commission européenne de prendre des mesures urgentes pour présenter des options permettant de faire face à la hausse du prix des denrées alimentaires et à la question de la sécurité alimentaire mondiale. Le 23 mars, la Commission européenne a adopté une communication sur la sauvegarde de la sécurité alimentaire et le renforcement de la résilience des systèmes alimentaires.
Permettez-moi de vous présenter brièvement les actions prévues par cette communication.
Premièrement, elle présente nos actions immédiates pour préserver la sécurité alimentaire en Ukraine et dans le monde.
Deuxièmement, nous avons relevé le défi de la stabilité alimentaire dans le système alimentaire de l'Union européenne avec une série de mesures visant à soutenir nos agriculteurs et à maintenir un prix abordable pour nos citoyens.
Enfin, nous confirmons le programme européen visant la durabilité et la résilience de notre système alimentaire pour les années à venir.
Pour gagner du temps, je ne couvrirai que les deux premiers points, mais je serai heureuse de répondre aux questions sur le reste.
L'aide aux pays tiers et, bien sûr, l'Ukraine...
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Merci beaucoup, Excellences et autres honorables membres du Comité.
Ce que je veux signaler en premier lieu, c'est que, d'après notre Rapport mondial sur les crises alimentaires, publié le 4 mai, déjà en 2021, quelque 193 millions de personnes étaient en crise, ce qui signifie la phase 3 de l'IPC ou au‑dessus. Dans ce contexte dramatique, nous avons maintenant la guerre en Ukraine.
La FAO voit trois grands types de risques pour la sécurité alimentaire mondiale. Ceux‑ci sont dérivés des effets directs du conflit sur l'alimentation et l'agriculture mondiales; ceux qui sont liés aux facteurs macro et transversaux; et ceux qui sont liés aux risques humanitaires, qui, bien sûr, sont les risques humanitaires que nous voyons en Ukraine.
Les impacts macro ou le niveau d'endettement des pays à ce stade — les pays les plus pauvres —, ainsi que le lien entre le prix de l'énergie et les engrais ont fait peser sur le secteur agricole un risque important que nous n'avions pas auparavant. Comme nous le savons tous, l'Ukraine et la Fédération de Russie sont des acteurs importants sur le marché mondial des produits de base, et l'incertitude entourant le conflit a entraîné une nouvelle hausse importante des prix sur les marchés mondiaux, notamment ceux du blé, du maïs et des oléagineux. Cette hausse est venue s'ajouter aux prix déjà élevés dus à une demande robuste et à des coûts d'intrant élevés en raison de la reprise après la COVID‑19.
En mars 2022, l'indice des prix alimentaires a atteint son plus haut niveau depuis sa création en 1990. En mai, l'indice FAO des prix alimentaires a baissé très modérément pour le deuxième mois consécutif — il n'a baissé que de 0,6 % par rapport à avril — et cette baisse est principalement due à la chute des indices du prix des huiles végétales et du prix des produits laitiers, qui ont chacun baissé de 3,5 % d'un mois à l'autre. En revanche, l'indice du prix des céréales a augmenté de 2,2 % par rapport à avril, atteignant un sommet historique et dépassant la pointe de mars 2022. L'indice du prix de la viande a également augmenté, mais très modestement, de 0,5 %.
Les prévisions d'exportation de blé dans le cas de l'Ukraine et de la Russie ont été révisées depuis le début du conflit, et d'autres acteurs du marché, plus particulièrement l'Inde et l'Union européenne, ont augmenté leurs exportations. Cela a compensé en partie les exportations perdues de la région de la mer Noire, laissant un écart relativement modeste d'environ trois millions de tonnes métriques dans le cas du blé.
L'impact de la crise actuelle a été important pour les pays importateurs de blé, fortement concentrés sur l'Ukraine et la Russie. Les pays qui dépendent fortement des importations de blé sont la Turquie et l'Égypte, mais aussi un certain nombre de pays subsahariens, dont l'Érythrée, la Somalie, Madagascar, la Tanzanie, le Congo et la Namibie. Ces pays doivent trouver de nouveaux fournisseurs, ce qui pourrait être un défi de taille, au moins au cours des six prochains mois. Aussi, l'Afrique du Nord et certains pays d'Asie du Sud étaient fortement tributaires de l'importation de blé de l'Ukraine et de la Russie.
Si le blé est une denrée de base importante en Afrique du Nord, il ne l'est pas forcément en Afrique subsaharienne, à quelques exceptions près, même si la facture des importations de denrées alimentaires a augmenté parce qu'il y a aussi des intrants pour les matières premières. Les oléagineux ont aussi augmenté considérablement le coût des importations alimentaires pour ces pays. Malgré cela, il y a des pays en crise alimentaire représentés ici, qui sont aussi partiellement tributaires des importations de ces deux pays. Les pays qui sont en situation d'urgence aujourd'hui étaient également tributaires des importations de ces pays.
Les exportations de maïs de l'Argentine, des États-Unis et de l'Afrique du Sud étaient censées augmenter. Globalement, le niveau d'écart actuel est d'environ huit millions de tonnes métriques. Les prix à l'exportation du maïs ont bondi en mars pour atteindre leur niveau le plus élevé jamais enregistré en réponse à la suspension brutale des exportations de l'Ukraine, et les prix du maïs ont baissé un peu plus tard en avril, mais très légèrement, se maintenant aux niveaux les plus élevés que nous ayons à ce jour. Bien entendu, en ce qui concerne les oléagineux, l'Ukraine et la Russie exportent environ 63 % des oléagineux mondiaux, ce qui exerce une pression importante également sur le marché indien.
Un sujet très important est le prix des engrais, qui a également augmenté considérablement, et l'abordabilité des engrais a diminué radicalement. Cela s'explique par l'augmentation du prix du gaz et par les restrictions à l'exportation imposées par la Russie, qui est le premier exportateur mondial d'azote, le troisième de phosphore et le deuxième de potassium. Les principaux pays exportateurs de céréales et de produits de base à forte valeur ajoutée, comme le Brésil, l'Argentine, le Bangladesh pour le riz, et d'autres, sont tributaires des importations d'engrais en provenance de la Russie, dans des proportions qui varient entre 70 % et 20 %.
En outre, le principal défi pour les agriculteurs canadiens et américains est le prix des engrais. La flambée du prix du gaz naturel a fait grimper le coût des engrais à base d'azote, comme l'ammoniac, qui a bondi de 700 $ la tonne métrique en août 2021 à plus de 1 600 $ en mai 2022. Le prix de la potasse, riche en potassium, a également atteint des records à plus de 1 100 $.
Ce que nous observons ici ne constitue pas seulement un défi pour l'accès à la nourriture, mais aussi un énorme défi quant à la disponibilité de la nourriture, qui est notre principale préoccupation pour l'année prochaine, pour 2023. En outre, nous observons des niveaux de restrictions à l'exportation qui représentent environ 17 %, voire un peu plus, de toutes les calories échangées. Cela crée un défi important, en plus de l'augmentation des prix du pétrole et du carburant diesel, qui ont considérablement augmenté, et aussi du kérosène dans de nombreux pays d'Afrique à ce stade.
Tous ces problèmes commandent des interventions urgentes si nous voulons atténuer les risques pour les pays touchés. Tout d'abord, nous devons préserver la capacité de l'Ukraine d'exploiter ses terres agricoles, de faire les récoltes et d'exporter ses produits. Il faut aussi lui fournir de l'aide humanitaire, mettre fin aux restrictions à l'exportation et recommencer à soutenir le Système d'information sur les marchés agricoles pour assurer une meilleure transparence. Les mesures prises contre la crise ne doivent pas aggraver l'insécurité alimentaire. Elles doivent viser à accroître la résilience. Enfin, nous devons nous mobiliser pour trouver des moyens de faire face aux éventuelles pénuries dans les marchés mondiaux et pour favoriser tous les gains possibles de productivité durable pour éviter, comme je l'ai déjà dit, des problèmes liés à la disponibilité alimentaire en 2023.
Merci beaucoup, monsieur le président.
La crise alimentaire qu'ont décrite avec beaucoup d'exactitude les deux témoins précédents n'a rien de nouveau. Les conditions sont à peu de choses près les mêmes qu'en 2008: les prix des denrées explosent, les pays imposent des restrictions aux exportations et des millions de personnes sont acculées à la pauvreté. La crise de 2008 a fait augmenter la mortalité infantile. Des enfants étaient retirés de l'école pour aller travailler, et la pénurie d'aliments a provoqué des émeutes dans des dizaines de pays. C'était il y a 14 ans. Les causes diffèrent un peu, mais nous avons l'impression de rejouer dans le même film. Comment pourrait‑il en être autrement vu les problèmes dans le système alimentaire mondial?
Un des principaux problèmes vient de ce que beaucoup de pays en développement sont devenus dépendants aux importations de produits alimentaires plutôt que de renforcer leur propre agriculture. En Afrique, par exemple, le rendement moyen des cultures de maïs plafonne à une ou deux tonnes par hectare, alors qu'il atteint dix tonnes par hectare au Canada. Les possibilités d'augmenter les rendements et la productivité des pays en développement ne manquent pas, mais il n'y a pas suffisamment d'investissements pour les exploiter.
En réponse à la crise alimentaire de 2008, les pays du G7 et d'autres pays se sont entendus pour investir des milliards de dollars dans la sécurité alimentaire des pays en développement afin de rattraper ce qui avait alors été qualifié de décennies d'investissements insuffisants. Le Canada avait doublé son soutien à l'agriculture. Malheureusement, les priorités ont changé après trois années seulement. En 2013, l'aide financière est revenue aux niveaux d'avant la crise. Dans les pays en développement, les rendements des cultures sont restés faméliques, les maladies ont décimé les troupeaux et les jeunes les plus brillants se sont mis à rêver à un avenir qui les amènerait n'importe où sauf sur une ferme.
En 2008, les causes de la crise étaient surtout d'ordre climatique. Aujourd'hui, même si la crise a été provoquée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le bilan est le même: les investissements en agriculture sont insuffisants.
Je vais me concentrer sur ce que pourrait faire le Canada pour aider les pays en développement puisque c'est le champ d'expertise de la Banque canadienne de grains. Notre but est d'éradiquer la faim dans le monde. L'an dernier, nous avons aidé près de 1 million de personnes dans 33 pays grâce à notre programme d'aide alimentaire et de soutien en matière de nutrition, d'agriculture et de modes de subsistance.
Une des questions posées dans le cadre de votre étude concerne les répercussions de l'insécurité alimentaire dans le monde et ce que le Canada pourrait faire. Je vous épargne les statistiques sur la faim puisque mes prédécesseurs les ont exposées avec brio, mais je tiens à dire que le nombre des personnes touchées augmente d'un mois à l'autre.
En Éthiopie, le coût de la nourriture a grimpé de 64 % de 2019 à mars de cette année. Au Kenya, le prix de l'huile de cuisson a doublé. Auparavant, les fournisseurs de denrées avec qui nous faisons affaire garantissaient leurs prix pour six mois. Actuellement, à cause de l'instabilité des prix, si toutefois ils nous offrent des garanties, elles ne dépassent jamais deux mois. Il s'ensuit que moins de personnes bénéficient de l'aide du Canada, alors qu'elles sont de plus en plus nombreuses à en avoir besoin.
Les gens doivent faire des choix difficiles. Certains doivent renoncer aux aliments riches en protéines et se contenter de féculents comme le riz ou le maïs. Ces aliments donnent une impression de satiété, mais les familles sont dénutries. Les enfants sont retirés des écoles. Beaucoup de gens doivent emprunter de l'argent à des taux usuraires. Ils vendent leur bétail. Toutes ces solutions de dernier recours auront des conséquences sur le long terme.
J'ai deux recommandations concernant l'aide que peut apporter le Canada en ces temps de crise.
À court terme, le Canada devra intensifier ses efforts en matière d'aide humanitaire, et notamment sur le plan alimentaire. Le Canada verse de l'argent au titre de la Convention relative à l'aide alimentaire, un traité international. Notre engagement minimal est le même qu'il y a neuf ans, en dépit de la baisse de la valeur du dollar canadien et de la hausse du prix des aliments. Une même somme nourrit donc la moitié moins de personnes. Le Canada doit intensifier ses efforts, y compris en réévaluant son aide alimentaire en tenant compte de l'indice des prix des produits alimentaires dont M. Cullen a parlé. Si les prix augmentent, l'aide doit aussi augmenter.
À long terme, les programmes d'aide du Canada devront accorder une plus grande importance à l'agriculture et à la sécurité alimentaire, de même qu'au soutien aux pays en développement afin qu'ils diminuent leur dépendance aux importations. Notre organisme, la Banque canadienne de grains, collabore depuis des décennies avec des milliers d'agriculteurs africains qui pour la plupart ont des terres de moins de deux hectares. D'expérience, nous savons qu'il est possible pour ces petits exploitants d'augmenter considérablement leur production. La plupart de ces petits agriculteurs pourraient au moins doubler leur rendement en quelques années. Cela signifierait des tonnes de grains produits en plus en Afrique, un meilleur niveau de vie pour les familles pauvres et une résilience accrue aux changements climatiques.
Merci. Je m'arrête ici. Je répondrai volontiers à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Tout comme M. Baker, la présente étude et la guerre en cours me touchent personnellement. Mes quatre grands-parents sont nés en Ukraine et j'y suis allé trois fois.
Les témoins du groupe précédent ont parlé surtout sur la production de grains, de diverses denrées et de légumes dans les régions de Kherson, de Zaporijia et de Melitopol. J'ai visité cette région du monde à trois reprises et j'ai plongé mes mains dans cette terre. Je suis donc touché de très près par ce sujet.
De plus, par souci de transparence, je dois préciser que j'ai travaillé à la Banque canadienne de grains pendant cinq ans avant mon élection.
Monsieur Hagerman, je suis ravi de vous revoir. Mes premières questions s'adresseront à vous.
Vous avez mentionné que l'engagement minimal du Canada en matière d'aide alimentaire n'a pas bougé depuis plusieurs années. Pouvez-vous nous dire où se situe le Canada par rapport à d'autres pays? Quelle aide ces autres pays offrent-ils actuellement?
La Convention relative à l'aide alimentaire, comme je l'ai dit, est un traité international qui a été signé par une quinzaine de pays. Le Canada occupe le troisième rang sur le plan de l'importance des contributions. Il est précédé par les États-Unis et l'Union européenne, qui ont haussé considérablement leurs engagements depuis quelques années. Leurs contributions ont augmenté de 30 à 40 % depuis 9 ans, soit depuis le début de l'application de la Convention.
L'engagement minimal du Canada est fixe. Comme le mot l'indique, il s'agit de sa contribution minimale. Le Canada verse normalement davantage, mais rien n'empêchera un futur gouvernement de s'en tenir à l'engagement minimal.
Nous suggérons au Canada de faire correspondre son engagement minimal à ce qu'il donne actuellement. Il ne débourserait pas plus que ce qu'il débourse maintenant, mais il prendrait un engagement politique qui indiquerait que nous comprenons les besoins et que l'aide consentie en tiendra compte puisqu'elle sera fonction de l'indice des prix des produits alimentaires. Si les prix grimpent, le Canada augmentera son engagement pour s'assurer de nourrir le même nombre de personnes.
Encore une fois, nous avons une longue expérience dans ce domaine grâce au programme de la Banque canadienne de grains. Nous avons beaucoup travaillé avec des méthodes dites d'agriculture de conservation, que tous les agriculteurs canadiens connaissent. Les labours sont réduits au minimum, des cultures de couverture sont plantées et on fait une rotation des cultures.
Les principes sont les mêmes, peu importe que la superficie à cultiver ait un millier d'hectares ou un demi-hectare. Seul l'outillage diffère, de toute évidence. Nous avons fait connaître l'agriculture de conservation dans une douzaine de pays et à près de 100 000 agriculteurs un peu partout en Afrique. Cette approche axée sur le savoir ne requiert pas l'achat de plus grandes quantités d'intrants. Une fois qu'ils savent quoi faire, les agriculteurs peuvent mettre leurs connaissances en pratique année après année.
Souvent, ces pratiques sont adoptées dans le voisinage. C'est ce que nous appelons l'adhésion spontanée. Des personnes qui n'ont jamais été en contact avec nos conseillers agricoles ont adopté ces techniques et transmettent leurs connaissances. Ils réussissent à doubler ou à tripler leurs rendements moyens. On a même vu des rendements quintupler en l'espace de quelques années.
L'agriculture de conservation est axée sur le savoir. Nous avons expérimenté d'autres méthodes, tout comme d'autres organismes, qui vont de l'agroforesterie à l'intégration agriculture-élevage. Le poisson est considéré comme du bétail, et des piscicultures sont associées à des cultures. C'est un exemple. Les cultures intercalaires de maïs et de légumineuses s'entraident. Diverses techniques plus axées sur le savoir que sur les intrants garantissent des rendements beaucoup plus importants qu'une ou deux tonnes par hectare.
Nous observons déjà un important problème lié à la facture des importations alimentaires, c'est‑à‑dire la différence entre les coûts d'importation avant la guerre et aujourd'hui. Plusieurs facteurs font grimper cette facture pour un grand nombre de pays vulnérables. Bien entendu, l'explosion des prix y contribue pour beaucoup, de concert avec l'appréciation du change.
Nous proposons au Fonds monétaire international, le FMI, d'instaurer un mécanisme de financement des importations alimentaires. Essentiellement, on établit le déficit relativement aux importations alimentaires, on classe les pays en fonction de leurs vulnérabilités et on détermine dans lesquels il faut intervenir en priorité pour atténuer les risques de troubles sociaux. Ainsi, pour les pays africains, il faudra verser 9 milliards de dollars pour couvrir la facture totale des importations alimentaires. Si c'est 10 % de la facture qui est pris en charge, le financement sera à hauteur de 0,9 milliard de dollars. Si l'argent est prêté, le coût sera minimal et pourra être compensé par des droits de tirage spéciaux, ou DTS, au titre du mécanisme existant du FMI.
La facture des importations alimentaires a effectivement explosé. Je peux donner l'exemple du Liban, qui fait face à une flambée spectaculaire des prix. Les importations alimentaires y ont diminué de 40 % environ. C'est un signe évident que ce qui était considéré comme inélastique est tout à coup devenu élastique sous l'effet de la crise.
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Je vous remercie de la question.
L'Union européenne a fait plusieurs choses, y compris établir des contacts avec le Canada.
Actuellement, le plus important pour nous est de faciliter le transit et le commerce. Autrement dit, il faut réussir tout simplement à gérer ces problèmes logistiques et à sortir la production du pays. D'ailleurs, je pense que les témoins du groupe précédent en ont déjà discuté.
En outre, la Commission européenne a annoncé en mai l'établissement de couloirs de solidarité pour aider les exportations ukrainiennes. Comme vous en avez entendu parler tout à l'heure, il s'agit notamment de réussir à disposer de plus de frets et de terminaux, et à augmenter les capacités de stockage, ce qui permettrait de sortir les biens de l'Ukraine. Je pourrais très bien vous transmettre cette annonce.
Nous avons aussi une section qui regarde la façon d'améliorer la connectivité entre l'Union européenne et l'Ukraine, car les connexions et les infrastructures n'y sont pas équivalentes, comme il en a été question plus tôt. C'est l'une des premières choses que nous faisons à court terme.
Les institutions internationales ont adopté une politique très forte visant à dénoncer les mesures de restrictions à l'exportation qui ont été prises. D'autres témoins en ont aussi parlé. Je pense que nous travaillons tout à fait de concert avec le Canada à ce sujet ainsi que pour éviter de nouvelles restrictions, évidemment. Nous travaillons beaucoup avec le G7, avec l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, ou FAO, de même qu'avec l'Organisation mondiale du commerce.
Je vais m'arrêter là, mais, si vous avez des questions de suivi, n'hésitez pas à me les poser.
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En fait, les plus récents appels sont venus du président de la Slovaquie, qui a demandé que le port d'Odessa soit sécurisé. Si j'ai bien compris, la protection serait assurée par la Turquie ou l'Union européenne. Jusqu'ici, nos efforts ont été concentrés sur les passages terrestres. Plus précisément, parce que le port était bloqué, nous avons essayé de faciliter l'accès par les couloirs de solidarité dont j'ai déjà parlé pour aider l'Ukraine à exporter ses produits agricoles.
C'est très complexe à cause des postes frontaliers et des temps d'attente qui peuvent être très longs. Nous voulons les réduire. Nous avons demandé à différents acteurs du marché européen de nous aider à dénouer la crise en augmentant le nombre de véhicules, en créant des plateformes logistiques d'appariement et des guichets uniques pour ces couloirs de solidarité dans les États membres.
Nous avons aussi encouragé les acteurs du marché à ajouter des sillons horaires pour le transport ferroviaire des exportations afin d'éliminer les goulets d'étranglement. Nous avons aussi coopéré avec les autorités douanières nationales pour accélérer les procédures aux points de passage frontaliers, et cherché des façons d'augmenter la capacité d'entreposage dans l'Union européenne.
Actuellement, les opérations visent surtout les frontières terrestres étant donné que, comme vous l'avez souligné, le port d'Odessa est bloqué. Les discussions se poursuivent pour trouver des façons d'aider l'Ukraine. Cependant, l'Union européenne n'est pas une puissance militaire, comme vous le savez, et nous essayons de trouver des façons de faciliter les mouvements et de protéger les accès. Malheureusement, nous n'en sommes pas encore là.
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Merci, monsieur le président.
Merci à l'ensemble des témoins pour vos témoignages et vos éclairages d'une grande importance.
Dans vos remarques liminaires, vous avez tous insisté sur l'importance d'assurer la durabilité et la résilience du système alimentaire, de réduire la dépendance aux importations et de soutenir les petits agriculteurs.
Monsieur Hagerman, vous avez notamment évoqué l'agriculture de conservation comme moyen d'améliorer les rendements. Vous avez également affirmé en introduction que les problèmes actuels n'ont rien de nouveau.
De toute évidence, les pressions exercées sur l'offre alimentaire mondiale par l'invasion de l'Ukraine par la Russie commandent certes des mesures urgentes, mais ne risquent-elles pas d'aggraver l'instabilité du système alimentaire?
J'aimerais entendre M. Hagerman en premier.
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Merci, monsieur Perron.
Merci aux témoins. Je précise qu'il y aura un vote de procédure dans cinq minutes environ et que c'est pour cette raison que nous avons été un peu bousculés à la fin. Nous avons cependant réussi à avoir une deuxième période de questions, et nous vous remercions d'avoir participé à notre réunion.
Madame Labat, je n'ai pas vraiment de question pour vous, mais j'aimerais avoir vos lumières sur un sujet en particulier. M. Drouin vous a demandé de nous parler de certains programmes d'aide aux agriculteurs dans l'Union européenne. Il a été question de fertilisants, entre autres. Il ne reste pas assez de temps pour vous demander une réponse, et je sais que les changements ne peuvent pas arriver du jour au lendemain, mais le fait est que le Canada est un des principaux producteurs, sinon le plus important producteur de fertilisants dans le monde. Quels États membres bénéficieraient le plus des exportations canadiennes dans ce domaine? Si vous pouviez nous soumettre votre réponse par écrit, nous vous en serions reconnaissants.
Nous vous souhaitons à tous une bonne fin de journée, et nous vous remercions sincèrement d'avoir participé à notre étude.
Chers collègues, j'ai deux petits points d'ordre administratif à régler avec vous. Le premier concerne le budget du Comité. Est‑ce que quelqu'un peut proposer l'adoption du budget? Il vous a été transmis. Il ne devrait pas y avoir de problème.