:
Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 13e réunion du Comité permanent de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la sécurité alimentaire de la Chambre des communes.
J'aimerais commencer par quelques rappels à l'intention des témoins. Je suis sûr que nos membres sont bien au courant de certaines de ces choses.
Conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021, la réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. La diffusion sur le Web montrera toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité. Les captures d'écran et les photos de l'écran sont interdites. Pour les membres qui participent en personne, gardez à l'esprit les directives du Bureau de régie interne concernant l'utilisation des masques et les protocoles sanitaires.
J'aimerais expliquer certaines procédures à l'intention des témoins. Les membres et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont à leur disposition. Si l'interprétation s'interrompt, veuillez m'en informer immédiatement et nous nous assurerons de la rétablir avant de reprendre les travaux.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous invite à le faire en prononçant votre nom. Si vous êtes en vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer ce dernier. Le microphone des gens qui assistent à la réunion sur place sera, comme d'habitude, contrôlé par l'agent de procédure et de vérification. Lorsque vous prenez la parole, veuillez parler lentement et distinctement. Lorsque vous ne parlez pas, assurez-vous de mettre votre micro en sourdine. Toutes les interventions des membres et des témoins doivent être adressées à la présidence.
Nous entamons notre deuxième groupe de discussion sur l'étude environnementale. Nous avons deux témoins avec nous aujourd'hui. Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 31 janvier 2022, le Comité reprend son étude sur l'apport environnemental du secteur agricole.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins de notre premier groupe d'experts de la journée. Nous parvenant par vidéoconférence, notre premier témoin est Mme Angela Bedard-Haughn. Elle est doyenne et professeure au College of Agriculture and Bioresources de l'Université de la Saskatchewan.
Madame Bedard-Haughn, soyez la bienvenue. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui.
Notre deuxième témoin est le M. Jean Caron, agronome, professeur et titulaire de la chaire du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada en conservation et restauration des sols organiques, Université Laval, Département des sols et de génie agroalimentaire.
C'est un très grand titre, monsieur Caron. Merci beaucoup d'avoir pris le temps d'être avec nous.
Vous aurez chacun jusqu'à cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Viendront ensuite des séries de questions par chaque parti politique. Je vous ferai signe lorsqu'il restera une minute, alors je vous prie de garder un œil sur votre écran. Lorsque vous voyez ce carton jaune, cela signifie qu'il vous reste une minute. Après cela, je devrai malheureusement vous interrompre, mais j'espère que vous parviendrez à compléter vos déclarations respectives par l'intermédiaire des réponses que vous donnerez aux questions qui vous seront posées.
Madame Bedard-Haughn, je vous invite maintenant à nous livrer une déclaration liminaire d'un maximum de cinq minutes. La parole est à vous.
:
Formidable. Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour à tous.
Je vous parle depuis le territoire du Traité no 6, la patrie traditionnelle des Métis, au centre des provinces des Prairies.
Permettez-moi de me présenter brièvement. J'ai grandi dans la région rurale de la Saskatchewan et j'ai fait mes deux premiers diplômes ici avant de partir à Davis, en Californie, pour mon doctorat. Je suis revenue à l'Université de la Saskatchewan pour enseigner la science des sols et je suis devenue la doyenne de l'agriculture et des bioressources à l'été 2020.
Mon exposé d'aujourd'hui sur l'apport environnemental du secteur agricole s'inspire de toutes ces perspectives. Il a été écrit du point de vue de la doyenne d'un collège qui transcende toute frontière perçue entre l'environnement et l'agriculture, de l'enfant de la ferme et de la pédologue dont les recherches ont toujours porté sur l'interaction entre les sols et l'environnement.
Pour parler de l'empreinte carbone de l'agriculture et du rôle que jouent les sols dans la lutte contre les changements climatiques, nous devons parler des Prairies, où se trouvent 81 % des terres agricoles du Canada.
Comme nous le savons, le sol rend de nombreux services écosystémiques, dont un seul est de soutenir la croissance des plantes. Le sol joue un rôle crucial dans les cycles mondiaux de l'eau et des nutriments, en particulier les cycles du carbone et de l'azote, qui sont essentiels à la croissance des plantes, mais qui posent problème lorsqu'ils sont mal gérés.
Ici, dans les Prairies, nous célébrons la réussite du semis direct, un changement de gestion à grande échelle qui a permis de réduire considérablement l'érosion, de conserver l'eau et les nutriments, et d'augmenter le stockage du carbone. Le taux d'adoption élevé a été le fait des producteurs, y compris des organismes gérés par eux. On peut par exemple citer la Saskatchewan Soil Conservation Association, ou société pour la conservation des sols de la Saskatchewan, qui, entre autres choses, dispose de l'une des meilleures études de surveillance du carbone à long terme, avec des mesures de référence remontant à 1996. Ces organismes peuvent fournir des enseignements très importants sur les pratiques exemplaires et les difficultés concernant les méthodes de surveillance du carbone.
Leur étude sur le bilan du carbone dans les sols des prairies a révélé que la variabilité spatiale peut être très élevée à la fois à court terme, à quelques mètres près, et à long terme, sur des gradients climatiques allant de semi-aride à subhumide. En outre, la variabilité temporelle des processus pédologiques peut être très élevée en raison des pratiques de gestion et de phénomènes tels que les sécheresses pluriannuelles qui entraînent la perte de récoltes. Si l'on tient compte des gaz à effet de serre, la variabilité spatiale et temporelle augmente de façon exponentielle. Il est du reste essentiel de comprendre ce qui détermine la dynamique du carbone, tant la quantité que la persistance du carbone stocké, pour pouvoir tenir compte de cette variabilité.
Cela dit, ne vous laissez pas effrayer par mes propos sur la variabilité. La gestion des sols peut être et est déjà, dans de nombreux domaines, une partie de la solution aux changements climatiques. Nous devons toutefois nous assurer que nous disposons des ressources et des outils nécessaires pour quantifier de manière significative la séquestration du carbone, ce qui m'amène à mon premier point clé.
Mon premier point clé est que la mise en œuvre d'une politique basée sur les niveaux de carbone du sol nécessitera des normes de mesure et de surveillance rigoureuses qui reconnaissent ces sources de variabilité spatiale et temporelle. Deux autres choses doivent être gardées à l'esprit à propos de la variabilité. Premièrement, il y a le fait que c'est un problème partout, pas seulement dans les Prairies. En effet, la Colombie-Britannique, l'Ontario, le Québec et les Maritimes sont tous confrontés à des problèmes similaires. Deuxièmement, les pratiques exemplaires pour augmenter les niveaux de carbone du sol varient elles aussi beaucoup d'un bout à l'autre du pays. Il n'y a pas de panacée. Ce qui fonctionne pour les basses terres du Saint-Laurent ne convient pas nécessairement aux plaines de l'Alberta.
Deuxièmement, nous entendons beaucoup parler en ce moment de la gestion des sols comme moyen d'optimiser la santé de ces derniers grâce à des méthodes comme l'agriculture régénératrice. Sauf que lorsque nous pensons à l'agriculture et à l'environnement, nous devons également trouver un moyen de récompenser ceux qui font ce qu'il faut depuis un certain temps, d'encourager le maintien des pratiques exemplaires pour s'assurer que le carbone accumulé reste séquestré, et ne pas seulement se focaliser sur les nouvelles accumulations à partir de 2005.
Ici, dans l'Ouest, le semis direct a permis d'améliorer considérablement la santé des sols depuis son adoption généralisée dans les années 1980 et 1990, mais les premiers adeptes faisaient partie de la solution des décennies avant que nous ne fixions la référence arbitraire de 2005. Comment pouvons-nous récompenser ces adeptes précoces et encourager les autres à adhérer à cette pratique?
Mon troisième et dernier point, c'est qu'il y a de nombreux esprits créatifs qui sont à la recherche de la prochaine grande solution environnementale permettant de ménager le carbone. Or, dans nos réflexions à ce propos, nous ne devons pas perdre de vue les compromis. Un exemple qui me vient à l'esprit est cette proposition qui mise sur l'enlèvement des résidus de culture des champs pour produire de l'énergie, une méthode qui permettrait de réduire la quantité de carbone retournant dans le sol et qui entraînerait en fin de compte une perte nette du carbone qui s'y trouve sous forme de dioxyde de carbone. Nous devons penser à l'agriculture en tant que système.
Henry Janzen d'Agriculture Canada a décrit avec beaucoup d'éloquence le sol comme étant un conduit pour l'énergie du sol captée par la photosynthèse. Si nous perdons de vue le cycle complet, nous courons le risque d'annuler les avantages passés ou pire encore.
En conclusion, les chercheurs des Prairies et nos agriculteurs font déjà partie de la solution aux changements climatiques. Nous voulons en faire plus et nous en sommes capables, mais nous avons besoin des bons outils pour suivre nos progrès, de la reconnaissance qu'il n'y a pas d'approche unique pour un pays comme le Canada, et d'une politique pour soutenir une action significative, dont la reconnaissance de ce qui a déjà été fait. Ensemble, nous pouvons creuser davantage et explorer de nouvelles voies, et nous allons le faire.
Je vous remercie.
:
Je vous remercie beaucoup de l'invitation à comparaître devant votre Comité ce matin.
Je suis professeur à l'Université Laval. J'ai travaillé sur la structure des sols au Québec, en Ontario et sur l'ensemble du territoire nord-américain, ce qui m'a permis d'avoir une vue d'ensemble de la santé des sols en fonction des observations qui ont été faites.
J'étais très heureux qu'on me demande d'émettre un avis d'expert et d'entendre qu'un Comité sénatorial allait se pencher sur la question de la santé des sols. D'ailleurs, j'ai fait parvenir un document, en anglais et en français, qui résume les trois points que je vais aborder ce matin.
Je travaille dans le domaine depuis 36 ans. Au cours de ma carrière, j'ai pu constater certains faits sur la situation de la santé des sols.
D'abord, l'étude du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts et les travaux qu'entreprend aujourd'hui la Chambre des communes jouent un rôle fondamental, parce que le problème lié à la santé des sols est grandement sous-estimé par le public.
Ce problème n'est pas nouveau. En 1984, le Comité sénatorial permanent de l'agriculture, des pêches et des forêts, présidé par le sénateur Herb Sparrow à l'époque, s'était penché sur la question de la santé des sols et avait repris des points importants en vue d'apporter des modifications.
Dans les années 1990, la santé des sols est devenue une question prioritaire. D'ailleurs, plusieurs programmes avaient été mis sur pied et avaient donné des résultats encourageants.
Par la suite, au début des années 2000, nous avons graduellement mis fin aux efforts qui avaient été amorcés, en raison du manque de soutien public et privé.
Pourtant, le problème lié à la santé des sols existe toujours. Au fil des ans, ce problème est passé inaperçu parce qu'il y a eu très peu de suivi structuré et organisé. De plus, il n'existe aucun programme pour compiler des statistiques sur la santé des sols, un peu comme le fait Statistique Canada pour suivre l'évolution de la santé des Canadiens.
Un réseau d'essais de parcelles avait été mis en place dans les années 1990, pour assurer un suivi de 1990 à 2005. Ce projet a été graduellement abandonné, de telle sorte qu'il manque aujourd'hui des informations essentielles.
Comme l'a mentionné tout à l'heure Mme Bedard‑Haughn, nous avons vu que des changements ont porté leurs fruits dans l'Ouest, notamment avec la migration vers un travail réduit du sol et une accumulation du carbone. Par contre, le portrait dans l'Est est légèrement différent. On voit que les sols sont de plus en plus compacts, qu'il y a de moins en moins de rotation des cultures et que les sols perdent de la matière organique. Par conséquent, le problème de dégradation des sols continue de s'amplifier, ce qui aura des conséquences importantes à long terme sur la santé des sols.
J'en arrive à mon deuxième point: d'ici 2050, il faudra augmenter la productivité sur nos sols, dont la santé, de façon générale, a tendance à se détériorer.
Les principaux obstacles sont les coûts liés aux rotations des sols et le prix des produits de base, comme le maïs-grain et le soja, qui est contrôlé essentiellement par une bourse externe. Nous avons donc très peu de contrôle à cet égard. Alors, le manque d'incitatifs financiers, les pressions financières sur les prix font que les rotations sont de moins en moins pratiquées, ce qui a des conséquences néfastes sur la biodiversité, sur l'accumulation de matières organiques et sur l'augmentation du compactage des sols.
Le troisième point important qui nous concerne est l'émission des gaz à effet de serre. C'est sûr que les sols sont un réservoir de fixation du carbone. L'accumulation de carbone pourrait nous aider à atteindre nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Par contre, il faut comprendre que si les sols se compactent de plus en plus, nous nous retrouverons avec des quantités d'azote, le principal fertilisant, qui sont dénitrifiées, qui partent dans l'atmosphère, ce qui contribue au réchauffement climatique. La principale source d'oxyde nitreux au Canada est le N2O, qui provient essentiellement des engrais azotés appliqués sur les sols agricoles.
Au cours des dernières années, en partie à cause d'un problème de compactage des sols qui s'est accentué, nous avons constaté une augmentation graduelle des quantités d'azote qui sont appliquées régulièrement. Ainsi, les émissions d'oxyde nitreux provenant de l'agriculture risquent d'augmenter, surtout si nous ne prêtons pas attention aux problèmes de compaction.
Alors, je pense qu'il est important d'instaurer des mesures incitatives dans les clubs-conseils en agroenvironnement pour les aider à quantifier les services écosystémiques rendus, afin d'avoir une meilleure vue d'ensemble et de rétablir les sites repères, les statistiques de suivi et l'état de la santé des sols, comme nous le faisons pour la santé des Canadiens.
Finalement, il est important, je pense, qu'on récompense enfin ceux qui ont adopté de bonnes pratiques par le passé, ce qui nous permet d'accélérer la migration vers une agriculture plus durable. En outre, cela va nous aider à réduire les émissions de gaz à effet de serre ainsi qu'à capter davantage de carbone.
Encore une fois, je vous remercie de me donner l'occasion de vous faire part de ce point de vue.
:
Les laboratoires ont été démantelés et il nous faut prendre davantage de mesures. Or, la semaine dernière, dans le contexte d'une étude que nous réalisions, nous avons sondé les producteurs. Ceux-ci ne sont pas tout à fait conscients des gains qu'ils pourraient faire, en matière d'environnement et de productivité, s'ils adoptaient de meilleures pratiques. Le fait qu'ils n'allouent pas suffisamment de ressources financières à ces suivis est l'une des raisons à cela.
À l'Université, nous faisons beaucoup de ces suivis, non pas à des fins commerciales, mais dans le cadre de projets. Cela peut coûter facilement entre 250 $ et 300 $ par hectare. Or les sondages démontrent que les producteurs, parce qu'ils sous-estiment les gains à long terme, très difficiles à percevoir, pensent qu'il serait impossible, normalement, d'allouer plus de 15 $ à 20 $ par hectare à la réalisation de ces suivis. Cela donne lieu à un sous-investissement généralisé.
Des incitatifs sont déjà offerts par plus d'un programme. Je ne connais pas ceux qui ont cours dans l'Ouest canadien. Je peux dire qu'au Québec, par contre, du soutien est offert aux firmes-conseils, de sorte qu'un portrait plus clair soit brossé, que de meilleurs suivis soient effectués. Ce n'est pas l'agriculteur lui-même qui peut le faire.
Par contre — je parle ici du deuxième moyen —, les agriculteurs ont mis en œuvre des pratiques d'amélioration des sols...
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à nos deux témoins. C'est vraiment encourageant d'entendre le travail qui se fait dans le milieu universitaire sur ces questions très importantes.
Madame Bedard-Haughn, je pense que vous êtes une académicienne extraordinaire. J'aime le fait que vous soyez une enfant de la ferme qui a grandi en Saskatchewan. Cela vous enracine vraiment dans les aspects pratiques de beaucoup de ces questions. J'ai appris que vous avez fait des recherches sur les sols, mais je dois admettre que jusqu'à aujourd'hui, je ne savais pas vraiment que la pédologie porte précisément là‑dessus. Je vous en remercie.
J'ai une question à vous poser. À l'heure actuelle, la Saskatchewan est le deuxième émetteur en importance. Je sais aussi que c'est l'un des plus grands producteurs agricoles, donc il y a une logique à cela. Le potentiel de réduction des émissions est considérable en Saskatchewan.
Nous savons que les sols agissent comme des puits de carbone. Les témoins précédents, vous-même et M. Caron, nous ont dit que la mesure et le suivi de la teneur en carbone sont vraiment problématiques. Vous en avez rajouté aujourd'hui en parlant de la variabilité spatiale et temporelle, ce qui n'est rien pour me rassurer.
Avez-vous des idées précises sur la façon dont nous pouvons aborder cette question? Nous avons entendu des témoins nous dire que nos systèmes de mesure sont désuets et dépassés et que nous n'avons pas de bonnes données. Bien sûr, nous savons combien les données sont importantes pour résoudre un problème.
Avez-vous des détails précis à nous donner? Comment le gouvernement fédéral pourrait‑il aider à résoudre ce problème très épineux?
:
Merci. C'est une excellente question, question avec laquelle nous nous débattons en tant que discipline. Quand je pense à la meilleure façon de remédier à cette difficulté, quelques éléments clés me viennent à l'esprit.
D'abord, il doit y avoir des normes claires en place. Par exemple, quand on parle de mesurer le carbone du sol, nous voulons nous assurer de bien comprendre la façon dont nous pouvons normaliser ces mesures dans une région donnée. Actuellement, je mène une étude. M. Caron mène une étude, et peut-être que l'un de nos collègues en Alberta en mène une également. Nous devons veiller à ce qu'elles soient comparables dans leur méthodologie et leur exécution et, donc, à ce qu'il y ait normalisation.
Ensuite, il faut être en mesure de concrètement recueillir ces données. C'est un peu comme si nos résultats étaient le fruit d'une approche participative. Notre approche serait de sortir faire un échantillonnage général d'absolument tout, mais nous devrions tenir compte de la variabilité spatiotemporelle et de l'élément temporel. Ce n'est pas comme si nous pouvions accomplir tout cela en un mois partout au pays. Il y aurait une variabilité temporelle. Il s'agit de réfléchir à la façon dont nous pouvons consolider certaines de ces données. Nous avons de plus en plus de technologies et de techniques de calcul à notre disposition qui nous permettent de travailler avec de grands ensembles de données. Ce type de travail est lui aussi essentiel.
Enfin, et je sais que nombre de mes collègues œuvrent à cet effet, nous devons établir des méthodes qui nous permettent de faire plus d'évaluations rapides. De nouvelles techniques spectroscopiques sont constamment proposées et mises à l'essai. Il n'y a probablement pas un mois où je ne suis pas approchée par des sociétés qui souhaitent collaborer avec nous sur une nouvelle technologie qu'elles mettent au point. Ici, la clé est de pouvoir l'associer d'abord à des données de grande qualité sur place afin d'avoir une base de données adéquate sur le sol qui permette de bâtir ce que nous appelons une bibliothèque spectroscopique. Là encore, dans le cas de la bibliothèque spectroscopique, si nous utilisons certaines de ces nouvelles techniques, des bases de données propres aux régions sont nécessaires. Celle utilisée ici, à Saskatoon, serait différente de ce qui conviendrait le mieux aux environs de Winnipeg. Si nous comptons recourir à certaines des nouvelles techniques dont il est question, nous devons être en mesure de colliger toutes ces données ensemble.
Des projets sont en cours dans ce domaine. Je crois que le fédéral peut entre autres jouer un rôle dans l'établissement de façons permettant aux régions de travailler plus efficacement ensemble. Vous avez l'avantage d'avoir une vue d'ensemble du pays tout entier et donc de créer des occasions où nous pouvons surmonter certaines de ces limites et travailler plus efficacement ensemble, et surtout consolider les données et les pratiques grâce à certaines d'entre elles. Le gouvernement doit en faire une priorité.
Parfois, quand vous faites une demande de subvention, le projet n'a pas particulièrement l'air emballant, par exemple si vous voulez mesurer le carbone après le carbone dans un échantillon, mais c'est par l'établissement de cette base de données et l'organisation de ces données importantes que nous pourrons établir certaines de ces tendances plus générales. C'est en étant en mesure de faire le lien également avec certaines données clés de gestion que nous allons obtenir ces grandes connaissances. Par exemple, quand on pense à l'étude sur le bilan de carbone du sol des Prairies à laquelle j'ai fait référence plus tôt, l'une des difficultés résidait dans l'écart entre les périodes de mesure. Les chercheurs sont retournés sur place à quelques années d'intervalle et si les terres avaient changé de propriétaire entretemps, ils pouvaient ainsi avoir perdu une partie des données historiques de la gestion, qu'il s'agisse de la rotation des cultures ou de l'éclosion d'une maladie, voire d'autre chose survenue dans ce champ qui pourrait influer sur les résultats.
C'est pourquoi nous devons être en mesure d'y remédier complètement. La gestion des données, bien que ce sujet ne semble pas particulièrement intéressant, est absolument vitale si nous voulons vraiment remédier à une partie des questions sous-jacentes.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous. C'est très intéressant, parce que nos deux témoins sont complémentaires.
Monsieur Caron, on parle de différenciation spatiale et temporelle en ce qui concerne les conditions et la qualité des sols. J'ai entendu dire que, à cause du degré d'humidité, il était plus difficile de stocker les carbones dans l'Est du Canada, notamment au Québec et en Ontario.
Comment allons-nous faire pour uniformiser l'unité de mesure?
Il va falloir partir d'une base solide, indiscutable, pour ne pas pénaliser les gens qui ont déjà bien fait les choses. Je suis très content d'avoir entendu les deux témoins mentionner cela ce matin. Il faut pouvoir travailler longtemps avec cela. J'aimerais vous entendre là-dessus.
:
Je ne peux pas me prononcer sur la valeur, parce que je ne suis pas un spécialiste du carbone.
Les sols de l'Est du Canada, c'est-à-dire ceux de l'Ontario, du Québec et du Nouveau‑Brunswick, sont travaillés dans des conditions très humides. C'est aussi le cas des sols de la vallée du Fraser, en Colombie‑Britannique. De façon générale, les sols de l'Est deviennent beaucoup plus sensibles à la compaction que les sols que de l'Ouest, où il y a des déficits hydriques plus importants.
Une étude sur la santé des sols, faite à partir d'un échantillonnage de 470 profils, vient d'être réalisée au Québec. Elle démontre carrément que le problème de compaction s'est accentué. Environ 60 % des sols sont touchés par la compaction. Je ne crois pas que les chiffres soient aussi importants dans l'Ouest canadien. C'est vraiment un problème propre à l'Est du Canada. Pourtant, les taux de matière organique y sont généralement plus élevés, parce que l'environnement climatique favorise davantage la production de biomasse. Le lien n'est donc pas direct. La baisse, à un certain niveau, de matière organique dans l'Est n'est pas aussi critique qu'elle peut l'être dans l'Ouest. Il y a vraiment des différences importantes à cet égard.
:
Comme Mme Bedard‑Haughn l'a soulevé tout à l'heure, il faudrait de meilleurs suivis et un accès aux banques de données. Cela peut être problématique. C'est très difficile de négocier cela, parce que les données privées, notamment celles sur les entreprises agricoles, ne sont pas uniformes. De plus, elles peuvent aussi faire l'objet d'intérêts financiers importants et même mettre en danger la santé d'une entreprise. En effet, un voisin ou une autre entreprise pourrait apprendre des informations sur la situation financière d'une entreprise, en raison de certains paramètres qui pourraient être révélateurs. Nous avons beaucoup de problèmes en ce qui a trait à l'utilisation des données disponibles sur les entreprises, de telle sorte que nous devons avoir accès à des jeux de données indépendants et avoir des programmes de suivi. Ces programmes ont été mis en place dans les années 1990, notamment par l'établissement de parcelles repères. Je pense que l'on devait continuer à les soutenir.
Je sais que le gouvernement fédéral soutient des programmes nationaux, dont ceux qui sont en lien avec les chercheurs d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et au moyen de différents programmes de financement de la recherche. Cependant, en ce qui a trait au suivi de la santé des sols, cela s'est limité à certains indices. J'insiste sur la compaction des sols, mais ce n'est pas le seul problème. Il y a aussi la perte de biodiversité, la contamination par les pesticides, la perte de matière organique et l'érosion, pour ne nommer que ceux-là. Il y a plusieurs problèmes, et ils ont tous déjà été soulevés.
Pour ce qui est de l'avenir des générations futures, l'enjeu le plus sérieux, qui n'est pas abordé ici, ce sont les fameuses politiques de conservation du territoire de production, c'est-à-dire les lois et la réglementation sur le zonage agricole. On a beau essayer de réduire la détérioration de la santé des sols, mais il faut comprendre qu'il y a aussi une détérioration du territoire de production. À l'échelle planétaire, seulement 2,5 % du territoire québécois est cultivé. Pour ce qui est de l'Ontario, il s'agit de 5 %. Si nous voulons garantir notre autonomie alimentaire, nous pouvons produire nos denrées seulement sur les surfaces limitées qui ne peuvent pas être étendues de façon importante. Cet enjeu menace aussi l'autonomie alimentaire des Canadiens et l'avenir de la nation.
:
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'aider le Comité à mener cette étude. Votre contribution est vraiment des plus estimables.
Madame Bedard-Haughn, j'aimerais commencer par vous.
L'Australie vient d'adopter sa toute première politique nationale sur les sols. Il s'agit d'un cadre qui va concrètement régir la façon dont les Australiens vont gérer, améliorer leurs sols et les apprécier au cours des 20 prochaines années. Cette stratégie a été lancée en collaboration avec les gouvernements des états, nombre d'intervenants des secteurs industriel et agricole, de même que la société en général. Beaucoup de données seront recueillies dans le cadre de cette initiative que l'on veillera à partager, puis on tentera concrètement de cerner les priorités grâce à la recherche pour établir de quelle façon on gérera cette ressource d'une valeur incroyable.
Je trouve que c'est un exemple utile, car le système fédéral australien ressemble énormément à celui du Canada. Il y a Canberra, la capitale nationale, et les gouvernements des états, l'équivalent de nos gouvernements provinciaux. La répartition des pouvoirs est remarquablement proche de celle au Canada.
Que pensez-vous de la stratégie nationale sur les sols de l'Australie et croyez-vous qu'un tel modèle pourrait être utilisé au Canada?
:
Je suis persuadée que ce genre d'approche répartie serait très utile.
Dans certains de mes travaux qui portent sur les systèmes d'information sur les sols, nous parlons souvent d'un « modèle fédéré » comme d'un idéal possible, ne serait‑ce qu'en raison de certaines de ces différences régionales, car si vous centralisez tout au même endroit, vous perdez une partie de cette expertise régionale.
Pour moi, dans un monde idéal, si nous parlons d'un système d'information sur les sols, il serait le fruit de l'harmonisation des systèmes régionaux. Il y a certes beaucoup de modèles de données pour cela, mais ce système fédéré serait tel que les renseignements du Québec, des Prairies et des Maritimes pourraient tous y figurer et essentiellement y être harmonisés. Vous auriez idéalement des normes, comme je l'ai déjà dit, afin que la méthode de collecte des données en facilite davantage la comparaison.
L'autre élément qu'il ne faut pas oublier, ce qui reprend en partie les propos de M. Caron, je crois, c'est que, à la lumière de ces différences régionales, il est aussi important de veiller à mesurer les bonnes choses. Il peut s'agir de bien évaluer l'oxyde nitreux et le carbone du sol, de même que certains des autres facteurs de risque quand on aborde la santé des sols. Tous ces facteurs variés influent sur le portrait global de la santé des sols.
Quand je décris la santé des sols, bien que le carbone soit un indicateur courant, il s'agit en fait de bien plus que cela. Il est en fait question du fonctionnement optimal du sol. Un système réparti nous permettrait d'étudier le sol dans le contexte de son fonctionnement optimal, par exemple le fonctionnement optimal de sols organiques à vocation agricole au Québec serait différent de celui des champs de pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard.
Voilà ce que nous devons mesurer dans ces différents secteurs, mais je crois que la base de données pourrait tirer profit des régions, d'où la nécessité de ce soutien régional. Ce serait le seul risque. S'il y a des priorités différentes au sein des régions, vous devez vous assurer qu'un soutien régional est en place afin d'avoir des données de qualité pour alimenter le système fédéré. C'est l'une des choses que l'Australie a très bien faites.
:
Quand le sol se compacte, la quantité d'air qui est à l'intérieur du sol est réduite. Au départ, les microbes utilisent l'oxygène, mais, quand ils en manquent, ils commencent à prendre l'azote du sol et à l'utiliser pour respirer. À ce moment, ils émettent soit de l'azote gazeux N
2, soit du protoxyde d'azote N
2O.
Les travaux menés par Nimlesh Balaine, en Nouvelle‑Zélande, sur le compactage des sols ont démontré que, au fur et à mesure que les sols devenaient de plus en plus compacts, ils pouvaient perdre de 10 à 60 % de l'azote appliqué sous forme de N2 ou de N2O. Cela représente des quantités énormes.
Puisque les sols deviennent de plus en plus compacts, la probabilité que ce phénomène survienne devient de plus en plus élevée, surtout dans un contexte de changement climatique où les pluies qu'on observait une fois tous les deux ans il y a 20 ans se produisent maintenant jusqu'à quatre fois par année. Cela veut dire que les sols restent plus humides plus longtemps et qu'ils sont plus déficients en oxygène, ce qui fait que de plus en plus d'azote risque d'être émis en début de saison.
Nous n'en sommes pas encore certains, mais, selon les indicateurs sur la situation du Québec dans la récente étude sur la santé des sols, 60 % des sols étaient sous cette valeur.
:
Merci, monsieur le président.
Merci aux deux témoins pour leur excellente contribution ce matin.
Je vais d'abord m'adresser à Mme Bedard-Haughn.
Je vais faire du démarchage auprès des membres du Comité pour veiller à ce que vos trois recommandations et points figurent dans le rapport final. J'ai vraiment l'impression qu'ils sont fort précis et opportuns.
J'ai moi-même grandi sur une ferme maraîchère dans le Sud de l'Ontario et suis conscient du point de vue que les gens du cru comme moi apportent dans le cadre où nous nous trouvons. J'aimerais d'abord aborder la participation du Canada à beaucoup de discussions internationales sur certains des enjeux climatiques et problèmes liés aux sols que nous vivons.
Quelle est votre évaluation de certains résultats au Canada par rapport aux autres producteurs de céréales? Évidemment, l'Ukraine fait beaucoup les manchettes, mais il y a aussi les États-Unis, l'Australie, dont nous avons brièvement parlé, et le Brésil, qui sont aussi des producteurs agroalimentaires de premier plan.
Où en sommes-nous du point de vue de la préservation des sols, du stockage du carbone et des émissions de gaz à effet de serre en agriculture? Pouvez-vous nous donner des repères approximatifs?
J'ai tout à fait entendu la référence à l'agriculture de précision et je présume que c'est un secteur où les gouvernements peuvent tout à fait aider l'industrie à aller de l'avant.
Monsieur Caron, j'aimerais maintenant discuter un peu de compaction. J'ai grandi sur une ferme maraîchère du Sud de l'Ontario, qui a commencé ses activités il y a trop longtemps pour que je vous le raconte avec de l'équipement petit. La taille de notre équipement a beaucoup augmenté, mais nous avons aussi augmenté la pression des pneus et beaucoup de nos voisins sont passés aux chenilles.
Êtes-vous d'accord pour dire qu'il faudrait davantage tenir compte de l'empreinte et des kilogrammes par centimètre carré, bien que je sois plus habitué aux livres par pouce carré, quand on parle de la taille de l'équipement? Il y a certes beaucoup d'avantages à l'automatisation. Pourriez-vous commenter rapidement, je vous prie?
:
Actuellement, il y a tout un dilemme. Je ne sais pas dans quelle mesure cela s'applique au reste du Canada, mais, au Québec, on vient de changer la Loi sur les agronomes. Les agronomes pouvaient toucher un pourcentage sur la vente d'engrais ou de pesticides. Ce sont eux qui, en même temps, donnaient des conseils. C'était une situation très claire de conflit d'intérêts, que le nouveau projet de loi à l'étude pourra éliminer.
Il existe des réseaux de clubs-conseils indépendants. Je voyais cela aux États‑Unis régulièrement. Il y a cela ailleurs au Canada, par exemple en Alberta et en Ontario. Ceux-ci devraient être aidés, parce qu'ils sont moins en situation de conflit d'intérêts. En général, la plupart ont de la difficulté à offrir un conseil autre que celui associé aux recommandations de chaulage ou d'engrais, parce que les autres services coûtent beaucoup plus cher.
Prenons l'exemple des plans de drainage. Dans la majeure partie des cas, les producteurs pensent qu'ils ont des problèmes de drainage, mais, souvent, ils ont aussi des problèmes très importants de compactage. Ce n'est pas détecté, parce que personne ne fait l'analyse nécessaire pour arriver à le réaliser. Il est évident que si l'on ne fait pas l'analyse pour déceler le problème, alors on n'apporte pas le bon correctif à ce dernier.
Ce ne sont pas les vendeurs d'engrais qui offrent ces services, mais plutôt des clubs-conseils indépendants.
:
Bien sûr. Je vais me concentrer sur deux choses.
La première est que nous devons nous assurer que nous faisons une analyse complète du cycle de vie lorsque nous faisons la promotion de ces approches. Il nous faut envisager où nous allons les placer dans la région, puis déterminer si nous sommes capables d'appliquer des principes scientifiques, par exemple, en nous demandant quelles seront les conséquences à long terme de l'élimination des résidus. S'agit‑il de dire, non, vous ne pouvez éliminer vos résidus qu'un certain nombre de fois au cours d'un certain nombre d'années et les vendre à cette usine, ou est‑ce que seuls certains types de résidus peuvent être utilisés à cette fin? C'est un élément.
L'autre élément auquel nous devons vraiment penser, c'est qu'il y a des terres, particulièrement ici dans les Prairies, qui ne sont pas idéales pour la culture. Nous avons beaucoup de salinité, par exemple. Il y a des terres qui ne sont pas idéales pour les cultures annuelles, mais qui pourraient être bien adaptées à la production d'autres types de matières premières.
M. Caron a mentionné l'agroforesterie, notamment. Y a‑t‑il des cultures de biomasse ligneuse à croissance rapide, par exemple, que nous pourrions faire pousser dans ces espaces, ou d'autres types de résidus que nous pourrions produire sur ces terres agricoles plus marginales et les utiliser à la place?
Nous voulons nous assurer que nous effectuons une analyse complète du cycle de vie et que nous examinons les conséquences de l'élimination de ces résidus en fonction des sols auxquels nous avons affaire.
:
Nous allons commencer avec notre deuxième groupe de témoins. Nous accueillons aujourd'hui, par vidéoconférence, A.J. (Sandy) Marshall, directeur exécutif d'Innovation Bio-industrielle Canada.
Bienvenue.
De la Canadian Canola Growers Association, nous avons Mike Ammeter, président, et Dave Carey, vice-président, Relations avec le gouvernement et l'industrie.
Monsieur Carey, je crois que vous avez déjà témoigné à de nombreuses reprises devant des comités. Bon retour.
De Oberland Agriscience Inc, dans ma province natale de la Nouvelle-Écosse, nous recevons Greg Wanger, qui en est le fondateur et le président-directeur général.
Bienvenue à vous tous. Vous aurez cinq minutes pour prononcer vos remarques liminaires.
Nous entendrons d'abord M. Marshall pour cinq minutes.
Monsieur Marshall, vous avez la parole.
[Traduction]
Merci beaucoup, honorable président et membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire, de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
Innovation Bio-industrielle Canada est une organisation à but non lucratif d'envergure nationale basée en Ontario, mais qui a fait ses preuves dans tout le Canada. Nous sommes un chef de file dans le développement de la bioéconomie canadienne et nous offrons des conseils et des services d'investissement stratégique essentiels aux organisateurs d'entreprise, surtout aux entreprises en démarrage, dans le domaine des technologies propres, vertes et durables.
Plus particulièrement, Innovation Bio-industrielle Canada vise à permettre au Canada de devenir un chef de file reconnu mondialement en matière de durabilité en convertissant des ressources renouvelables, par exemple les coproduits et les résidus agricoles et forestiers, en bioproduits à valeur ajoutée, comme la bioénergie, l'hydrogène à faible teneur en carbone, les biocarburants à base de gaz naturel renouvelable, les produits biochimiques et les biomatériaux. Ces bioproduits industriels se retrouvent dans une vaste gamme d'applications commerciales qui appuient l'engagement du Canada à atteindre la carboneutralité d'ici 2050.
L'hydrogène à faible teneur en carbone, le gaz naturel renouvelable et les biocarburants produits à partir de ressources renouvelables réduisent l'intensité carbonique du bassin énergétique utilisé pour le logement et la mobilité. Les produits biochimiques et les biomatériaux peuvent être utilisés pour produire des matériaux destinés à remplacer les substituts d'origine fossile pour les applications de fabrication avancée, telles que celles qu'on utilise dans les secteurs de l'automobile, des camions et des autobus, ainsi que de l'aérospatiale et de la construction.
Les ressources renouvelables de faible valeur et d'origine durable peuvent également être converties en biocarbone stable, qui peut servir d'excellent amendement du sol pour l'agriculture et séquestrer du carbone pendant des générations. L'avancement de la bioéconomie circulaire du Canada grâce à ces technologies novatrices aura une incidence importante sur le changement climatique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Innovation Bio-industrielle Canada a fait ses preuves dans ce domaine. Nous avons aidé à générer des emplois et fait des investissements stratégiques dans des entreprises en créant des grappes et des chaînes de valeur fondées sur la biomasse. Depuis sa fondation, Innovation Bio-industrielle Canada a investi 19,5 millions de dollars dans 32 entreprises en démarrage qui ont créé plus de 5 000 emplois, mobilisé plus de 350 millions de dollars d'investissements de tiers et plus de 1,8 milliard de dollars d'investissements subséquents. Ces actions ont contribué à la transition vers une économie durable, circulaire et à faibles émissions de carbone.
Les entreprises de notre portefeuille ont réduit leurs émissions de CO2 d'une mégatonne — quantité qui a été consignée — et prévoient de les réduire de plus de 13 mégatonnes d'ici 2030. En 2021, le Canada a annoncé un plan visant à réduire de 40 % à 45 % ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, et l'engagement du Canada à atteindre des émissions nettes nulles d'ici 2050 est inscrit dans la loi. Ce sont des ambitions que le Canada et Innovation Bio-industrielle Canada partagent, et nous savons que le gouvernement cherche toutes les options possibles pour parvenir à ces réductions.
S'il est important que l'ensemble des secteurs et des industries jouent un rôle, le gouvernement doit veiller à ce que les entreprises en démarrage ne soient pas laissées pour compte dans le processus.
Le Canada dispose de ressources de biomasse abondantes et durables et sait parfaitement en tirer parti. Ces ressources naturelles abondantes ont façonné le pays d'un océan à l'autre. Historiquement, les industries traditionnelles du Canada, à savoir la foresterie, l'agriculture, la pêche et l'exploitation minière, ont été les moteurs économiques qui ont tissé une grande partie du tissu commercial et culturel du pays.
On estime que le Canada produit plus de 50 millions de tonnes par an de résidus agricoles durables qui peuvent être convertis en bioproduits. De plus, les coproduits de la production d'aliments et de protéines, par exemple l'amidon, les fibres et les huiles, sont des matières premières précieuses pour les bioproduits industriels comme les plastiques et les résines.
Pour aider le Canada à atteindre le niveau net zéro d'ici 2050, le gouvernement devrait lancer une initiative nationale d'accélérateur d'entreprises vertes, dont la mission serait de mettre à disposition davantage de capitaux de démarrage. Un tel investissement soutenu par le gouvernement devrait prévoir des fonds ciblés pour les occasions d'affaires susceptibles de réduire le plus les émissions dans les collectivités d'un océan à l'autre. Cette mesure donnerait aux investisseurs privés et aux accélérateurs la confiance dont ils ont besoin pour s'engager à mettre les entreprises en démarrage sur la voie du succès.
En résumé, Innovation Bio-industrielle Canada veut continuer à s'associer au gouvernement et au secteur agricole du Canada en investissant dans les entreprises en démarrage pour les aider à innover et à atteindre notre objectif de zéro émission nette. Le Canada possède les ressources de biomasse les plus abondantes et les plus durables au monde et sait parfaitement en tirer parti. Cette réalité offre des possibilités dont nous devons profiter, et nous avons l'expérience et les antécédents pour nous aider. Nous pouvons travailler ensemble pour examiner les façons dont les avantages concurrentiels du Canada, notamment l'accès à la biomasse, le leadership mondial en foresterie et en agriculture, la gestion durable des ressources et une main-d'œuvre qualifiée, peuvent faire de lui un chef de file mondial.
Je me réjouis à la perspective de répondre à vos questions.
:
Merci beaucoup, monsieur le président, de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui.
Je m'appelle Mike Ammeter et je suis le président de la Canadian Canola Growers Association. Je suis agriculteur à Sylvan Lake, en Alberta, qui se trouve à une heure et demie au nord de Calgary. Je cultive du canola, des légumineuses, du blé et de l'orge sur environ 1 400 acres de terre.
Je suis accompagné aujourd'hui de Dave Carey, vice-président des relations avec le gouvernement et l'industrie de la CCGA, qui se trouve à Ottawa.
La CCGA est l'organisation nationale qui représente les 43 000 producteurs de canola du Canada. Le canola est la culture la plus répandue au Canada; en effet, elle a généré les plus importantes recettes monétaires agricoles de tous les produits agricoles et rapporté aux agriculteurs plus de 12 milliards de dollars en 2021. Nous exportons 90 % de notre récolte sous forme de graines, d'huile et de farine. Le secteur du canola contribue à l'économie canadienne chaque année à hauteur de 29,9 milliards de dollars et soutient plus de 200 000 emplois.
Les producteurs de canola se sont engagés à assurer un avenir durable et jouent un rôle important dans la réalisation de nos ambitions environnementales collectives. D'ici 2025, les producteurs de canola prévoient de réduire leur consommation de carburant de 18 % par boisseau, d'augmenter l'efficacité de l'utilisation des terres de 40 % par boisseau et de séquestrer 5 millions de tonnes supplémentaires de CO2 en utilisant les pratiques 4R de gestion des nutriments sur 90 % des acres de canola. Ils continuent de protéger les plus de 2 000 insectes bénéfiques qui vivent dans les champs de canola et les habitats environnants.
Pour atteindre ces objectifs, nous avons besoin de tous les outils de la boîte à outils pour accéder aux technologies et pratiques innovantes qui nous aideront à continuer d'atténuer notre empreinte environnementale tout en veillant à ce que nos exploitations restent économiquement durables et compétitives.
Les agriculteurs ont fait la preuve de leur capacité à adopter des innovations bénéfiques pour l'environnement, comme le travail de conservation du sol ou la culture sans labour. Il y a plus de 10 ans, j'ai personnellement commencé à pratiquer la culture sans labour sur mon exploitation afin d'utiliser plus efficacement des ressources limitées et d'améliorer l'état des sols. En adoptant volontairement cette pratique, les agriculteurs comme moi ont amélioré la couverture du sol, séquestré du carbone et réduit le risque d'érosion du sol tout en réduisant les besoins en carburant et en main-d'œuvre. En 1991, 7 % des terres agricoles canadiennes étaient ensemencées selon des pratiques sans labour. En 2016, ce chiffre est passé à plus de 60 %.
Pour atteindre ces objectifs et pratiques de durabilité, le secteur du canola s'est également fixé un objectif de production de 26 millions de tonnes et de 52 boisseaux par acre de canola d'ici 2025. Il s'agit non seulement d'un objectif sectoriel, mais aussi d'un objectif du gouvernement du Canada qui vise à porter les exportations agroalimentaires à 85 milliards de dollars d'ici 2025. Il sera difficile d'augmenter la production étant donné que les agriculteurs doivent également atteindre l'objectif de réduire de 30 % les niveaux absolus d'émissions de fertilisants.
L'annonce de l'expansion de la capacité de trituration au pays — qui pourrait ajouter jusqu'à sept millions de tonnes métriques à la demande annuelle — montre que l'industrie est prête à investir au Canada et dans le secteur du canola. Cependant, pour que ces investissements se concrétisent, il faut qu'ils soient convaincus que les règlements de la norme sur les carburants propres permettent la production de canola comme matière première pour les biocarburants et que nous puissions également atteindre nos propres objectifs de production. L'agriculture a clairement un rôle unique à jouer dans l'expansion de l'économie canadienne, mais la production devra continuer à augmenter pour répondre à la demande.
Pour atteindre les objectifs du gouvernement et de l'industrie, les agriculteurs devront investir dans leurs exploitations — dans de nouvelles technologies ou de nouveaux équipements — et éventuellement prendre des risques en mettant en œuvre de nouvelles pratiques. Les agriculteurs feront ces investissements lorsqu'ils auront foi en la stabilité économique et la durabilité de leur exploitation. Le gouvernement peut faciliter cette démarche en veillant à ce que les agriculteurs aient accès à des programmes de gestion des risques prévisibles et fiables, comme Agri-stabilité et Agri-investissement.
Une autre façon d'encourager les agriculteurs à investir dans les nouvelles technologies et pratiques est d'appuyer le projet de loi . En offrant un allègement de la tarification du carbone sur le gaz naturel et le propane, ces montants que les agriculteurs devraient autrement payer peuvent être investis dans des technologies qui auront un effet positif sur l'environnement. Les rabais ne compenseront pas les coûts engendrés par la tarification du carbone.
Enfin, il est essentiel que le gouvernement s'en tienne à un processus décisionnel fondé sur la science, en particulier lors de l'examen des produits antiparasitaires et des limites maximales de résidus qui y sont associées. Rationalisez les processus d'approbation des variétés de semences dans la mesure du possible, afin que les exploitations agricoles canadiennes puissent rester concurrentielles et durables.
En conclusion, il est essentiel que la durabilité ne soit pas uniquement axée sur l'environnement, mais aussi sur l'économie, afin de garantir l'atteinte de nos objectifs collectifs. Les producteurs de canola sont fiers de la façon dont nous prenons soin de nos ressources naturelles. Personne n'a autant intérêt que nous à protéger l'environnement et à assurer la durabilité de nos fermes pour pouvoir les transmettre à la prochaine génération.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui. Je me réjouis à la perspective de répondre à vos questions.
:
Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie les membres du Comité de me donner l'occasion de m'adresser à eux aujourd'hui.
Je fais partie d'une industrie agricole relativement nouvelle ici au Canada, celle de l'élevage d'insectes. Oberland Agriscience a été constituée en société en 2017, et nous venons de lancer les travaux de construction de notre première installation de production à grande échelle ici à Halifax. On trouve environ 25 fermes d'élevage d'insectes de diverses tailles au Canada.
La plupart d'entre nous utilisent des déchets et des résidus organiques pour produire de la nourriture pour nos insectes, ce qui va ensuite aider notre système alimentaire de trois façons pour en accroître la résilience. Tout d'abord, nous contribuons à réduire le gaspillage en transformant les déchets alimentaires en aliments nutritifs pour nos insectes. Ensuite, nous fabriquons un produit riche en protéines de haute qualité utilisé en agriculture, en aquaculture et dans l'industrie des aliments pour animaux domestiques. Enfin, nous fabriquons un produit à partir de ce qui sort habituellement de l'arrière-train de l'insecte. Il s'agit d'un très bon engrais ou d'un très bon amendement du sol. Les discussions portent aujourd'hui sur la santé des sols, et c'est un domaine où l'industrie des insectes peut jouer un rôle très utile.
Je vais vous parler un peu de moi. Je suis un ancien universitaire, comme j'aime à le dire. J'ai un doctorat en microbiologie et j'ai maintenant fait le saut en entrepreneuriat. Je trouve fascinant d'utiliser mes antécédents de chercheur dans ce domaine en ce moment.
Oberland Agriscience s'efforce de mettre en place une installation zéro déchet. Tous les intrants ont une fin commercialisable. Notre nouvelle installation sera entièrement alimentée à l'énergie renouvelable, ce qui nous permet de produire des protéines avec l'une des plus faibles équivalences de CO2 par kilogramme de protéines à la production.
Cette industrie est en effervescence partout dans le monde, mais elle l'est encore plus au Canada. Le Canada possède quelques-unes des plus grandes fermes d'insectes au monde à l'heure actuelle, en particulier sur la côte Ouest, notamment Enterra, qui se trouve à Calgary. Il y en a plusieurs autres — le Québec en particulier en compte plusieurs grandes — que nous nous efforçons tous de faire croître. Nous essayons de répondre à la demande croissante pour les protéines et ces produits agricoles.
Je serai heureux de répondre à toutes vos questions. Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de témoigner.
:
Merci, monsieur le président. Vous avez commencé votre journée avec du retard, à cause de soucis avec vos vols, alors je peux comprendre que vous soyez un peu décalé; aucun problème.
Je vais d'abord m'adresser aux producteurs de canola.
Monsieur Ammeter, vous parliez vers la fin de votre présentation de l'importance de prendre des décisions fondées sur la science lorsqu'il s'agit de politiques et de règlements proposés par le gouvernement. Une question dont nous n'avons pas encore parlé, bien que nous soyons certainement au début de l'étude, c'est l'importance des nouvelles technologies et de l'innovation dès le départ, soit à l'étape du développement des semences et ce genre de choses.
Je pense que nos objectifs en matière de climat et de biodiversité sont réalisables, mais il faut s'assurer que les obstacles sont levés pour les atteindre. Dans quelle mesure est-il important de prendre des décisions fondées sur des données scientifiques concernant les OGM, la modification génétique et ce genre de choses pour nous permettre d'atteindre nos objectifs environnementaux tout en respectant nos engagements en matière de rendement, notamment en cas de crise potentielle de la sécurité alimentaire dans le monde?
:
Je vous remercie, monsieur Ammeter. J'apprécie vos propos.
Vous avez dit que les agriculteurs veulent investir pour améliorer leur équipement, pour améliorer les outils technologiques leur permettant d'atteindre leurs objectifs environnementaux, et pour demeurer viables, pas seulement environnementalement, mais aussi, bien entendu, économiquement. Vous avez aussi mentionné que pour y arriver, ils ont besoin d'avoir foi en la stabilité économique et la durabilité de leur exploitation.
Le plan de réduction des émissions a été publié la semaine dernière, et selon le rapport du directeur parlementaire du budget, la taxe sur le carbone coûtera aux agriculteurs plus d'un milliard de dollars, et ce, sans pour autant réduire les émissions. Pourriez-vous nous dire pourquoi il est plus important que cet argent reste dans les poches des agriculteurs pour qu'ils investissent dans leurs activités, plutôt que d'aller dans les coffres du gouvernement?
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leurs témoignages dans le cadre de cette étude environnementale très importante.
Monsieur Wanger, je vous félicite pour la construction de votre nouvelle installation. Votre travail à Oberland ne manquera pas d'avoir des effets positifs pour notre planète.
Nous avons parlé à Mme Lockwood de Lockwood Farms lors d'une séance précédente. Elle a choisi de nourrir ses poules avec des larves de mouches soldats noires, plutôt qu'avec du soya, notamment pour des raisons de durabilité,par souci du climat ainsi que de la santé et du bien-être des animaux.
Pouvez-vous nous parler des avantages pour les agriculteurs d'utiliser des larves de mouches soldats noires comme aliment, gras ou protéine?
:
Je suis heureux que vous ayez parlé de la larve de mouches noires du soldat, et non pas de la larve de mouches noires, parce qu'on nous chasserait du Canada si on commençait à en élever. C'est une très bonne espèce d'insecte qui peut servir à nourrir de multiples animaux d'élevage comme les poulets, la volaille, les porcs et, en aquaculture, les poissons.
Dans l'industrie du poulet, on sait que les poules pondeuses ont besoin notamment d'un apport élevé en calcium, qui est important bien entendu pour la formation de la coquille. La mouche noire du soldat accumule naturellement de très grandes quantités de calcium. Elle en accumule des milliers de ppm — parties par million — dans son corps, qui devient alors une source de calcium biodisponible facilement absorbable pour la volaille ou le bétail.
Pour les poulets et les poules pondeuses en particulier, la mouche noire du soldat est donc un complément idéal aux sources d'alimentation locales. Les petits éleveurs de volaille le savent depuis très longtemps, mais maintenant, étant donné que plus de fermes d'élevage prennent de l'expansion, nous pouvons commencer à approvisionner de gros producteurs. C'est vraiment là notre rôle: fournir de bons aliments aux animaux.
Des études réalisées dans l'industrie porcine ont aussi montré que l'ajout d'un complément de larves de mouches noires du soldat dans l'alimentation des porcs contribue à réduire leurs troubles intestinaux et en fait des porcs plus en santé et plus productifs à la ferme. Il en va de même dans l'industrie du saumon. Ici, en Nouvelle-Écosse, nous travaillons en étroite collaboration avec l'industrie de l'aquaculture. Les saumons sauvages passent beaucoup de temps à manger des insectes dans les rivières, alors leur métabolisme est déjà fait pour ce genre d'alimentation. L'ajout d'un supplément de larves de mouches noires du soldat est donc excellent pour eux.
La mouche noire du soldat est un insecte merveilleux notamment parce qu'elle se nourrit de déchets et de résidus alimentaires provenant des usines de fabrication de produits alimentaires et des épiceries. Ainsi, les déchets alimentaires qui autrement finiraient normalement dans un dépotoir ou en compost de faible qualité peuvent être transformés en un produit protéiné de haute qualité pouvant être utilisé dans de nombreuses industries.
:
Beaucoup d'industries qui veulent conclure des accords d'achat avec nous pour la protéine et les déjections nous demandent si nous pouvons accroître notre production et à quelle vitesse. Pour la protéine, nous avons plusieurs gros joueurs industriels aux États-Unis qui sont intéressés. Cargill et ADM lorgnent maintenant du côté de la mouche noire du soldat.
Au Canada, nous avons aussi de très grands groupes industriels qui s'y intéressent et qui attendent tous que l'industrie croisse. J'ai mentionné que le Canada compte environ 25 fermes d'insectes de différentes tailles. De trois à cinq d'entre elles produisent actuellement de gros volumes, et plusieurs d'entre nous sont en croissance pour atteindre la production industrielle à grande échelle.
Nous avons besoin d'aide notamment pour faire passer beaucoup de ces petites entreprises de la phase de R‑D à la phase de commercialisation. Au Canada atlantique, nous avons la chance d'avoir de nombreux programmes gouvernementaux qui aident beaucoup de ces entreprises. Je pense ici à l'APECA et au financement que nous avons reçu comme entreprise au début et qui nous a vraiment aidés à faire le saut de la phase de R‑D à la phase de commercialisation. C'est dans ce genre de projets que le gouvernement peut vraiment aider l'industrie.
Nous avons aussi besoin d'aide du côté de la recherche. À l'heure actuelle, nous menons environ quatre projets en collaboration avec des universités pour mieux définir nos produits et en prouver l'efficacité. Cela nécessite des subventions, et je pense que la dernière mission du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada à cet égard...
:
L'industrie des insectes fait partie de celles qui répondent à de nombreux critères, en particulier pour ce qui est d'aider le climat et de satisfaire aux objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance de nos partenaires, tant en amont qu'en aval. Nous avons beaucoup à offrir.
Le gouvernement peut nous aider avec la collecte de données. J'en ai déjà parlé. Toutes les fermes d'insectes et de mouches noires du soldat ont des projets de recherche en cours.
Au sujet de la santé des sols, j'ai parlé des déjections. Nous produisons un engrais dont nous avons réussi à faire seuls la preuve de sa haute efficacité pour favoriser la santé des sols. Il faut se rendre à la ferme avant les applications, puis pendant, et il faut savoir quoi mesurer. Nous avons besoin de conseils et d'aide pour savoir quelles variables doivent être mesurées, et il faut former les agriculteurs pour qu'ils prennent bien ces mesures, parce que l'adage dit « À données inexactes, résultats erronés ».
Il faut faire en sorte que tous les intervenants au sein de l'industrie — des entreprises comme la mienne et d'autres, le secteur agricole et les agriculteurs — utilisent la même stratégie. C'est essentiel. Cela favorise beaucoup les partenariats publics-privés entre nous et les chercheurs universitaires.
:
Notre entreprise utilise actuellement des sous-produits d'autres industries de production d'aliments. La région d'Halifax compte plusieurs producteurs de produits organiques, et nombre d'entre eux paient des compagnies pour ramasser leurs déchets organiques afin de les acheminer jusqu'à une installation de compostage. La Nouvelle-Écosse dispose d'un des plus anciens programmes de compostage du Canada. Le concept de ramassage des déchets organiques est déjà établi.
Nous utilisons maintenant une partie de ces déchets, de ces résidus d'autres entreprises de production. À l'heure actuelle, conformément aux règles et aux directives de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'industrie des insectes ne peut utiliser que ce qui est considéré comme des résidus organiques de préconsommation. Il s'agit de déchets organiques rejetés par les épiceries, comme des pommes amochées que l'on n’a pas mangées, ou pas des installations de production d'aliments, comme une boulangerie ou une brasserie. Nous pouvons utiliser toutes ces matières comme aliments, ce qui nous permet de réellement contribuer à compléter la chaîne de l'industrie alimentaire ici.
Nous récupérons les déchets organiques et en faisons une protéine de grande qualité. Nous sommes efficients, car grâce à la mouche soldat et à notre personnel, nous transformons cette biomasse organique en biomasse de protéines. De toutes les espèces d'insectes élevées à l'échelle industrielle dans le monde actuellement, la mouche soldat est réellement en train de devenir la plus importante, car elle est très efficace et offre d'excellents ratios de conversion des aliments.
:
Certainement. J'ai mieux que des chiffres approximatifs.
Pour chaque tonne de résidus organiques humides qui nous arrive, nous produisons environ 250 kilogrammes de larves humides. C'est avant que les larves soient séchées et transformées en poudre de protéine. Nous produisons également quelque 250 kilogrammes de chiure, que nous utilisons comme engrais. Il y a donc une forte réduction des déchets organiques.
Dans plusieurs régions du monde, on utilise la mouche soldat dans le cadre d'une stratégie de réduction du fumier également, ce qui permet de réduire les volumes de fumier d'environ 70 %. C'est un concept auquel nous travaillons dans le cadre d'un projet avec la municipalité locale. Nous ne pouvons pas encore utiliser cette approche en raison des règles de l'ACIA, mais nous tentons d'en faire valoir les fondements scientifiques.
Le taux de conversion du poids humide des résidus est d'environ 25 % pour la mouche soldat, et quand nous procédons au processus de séchage, pour chaque tonne, nous obtenons de 80 à 100 kilogrammes de poudre sèche.
:
Oui, nous avons ce chiffre. Sachez que la semaine prochaine, nous disposerons de notre analyse exhaustive du cycle de vie, qui est presque achevée dans notre installation.
L'un des avantages de l'industrie des insectes et de l'agriculture intérieure en général, c'est que nous mesurons tout, car les activités se déroulent à l'intérieur dans un environnement très contrôlé. Nous savons exactement combien de tonnes de déchets organiques arrivent et connaissons exactement le taux de conversion. Nous savons exactement combien de kilogrammes de protéines sont produits. Nous pouvons mesurer les gaz dans l'air que nous faisons entrer dans l'installation pour la ventiler et que nous relâchons ensuite dans l'atmosphère.
Dans le domaine agricole, Oberland est très fière de recueillir des données et de les transmettre à ses partenaires en amont et en aval.
Du côté des partenaires en amont, les chaînes d'épiceries et les producteurs d'aliments ont tous établi des objectifs en matière de gouvernance environnementale et sociale, mais certains peinent à les atteindre. Nous pouvons les aider en leur offrant un point de chute traçable pour leurs déchets organiques.
Pour ce qui est des partenaires en amont, certains producteurs cherchent sérieusement à déterminer et à réduire leurs impacts environnementaux et leur empreinte carbone. Par exemple, nous collaborons avec une ferme salmonicole de la Nouvelle-Écosse, pour laquelle la manière la plus facile d'intervenir consiste à modifier l'apport alimentaire du saumon. Nous pouvons faire un compte rendu traçable de toutes les matières, traçables de la source jusqu'au point de chute, de la matière organique jusqu'au saumon.
:
Je ne pense pas qu'il y aura de panacée à cet égard.
Il y a une technologie qui m'apparaît fort intéressante et qui provoque actuellement une grande effervescence: il s'agit des technologies de conversion thermique, que les gens appellent pyrolyse. C'est donc ainsi que j'appellerai ces technologies qui permettent essentiellement de convertir des matières en carburant et en ce que j'appelai du biocarbone, lequel peut constituer un excellent amendement du sol.
Je constate actuellement qu'un certain nombre d'entreprises s'intéressent grandement à ce domaine. Je pense que nous avons là une réelle occasion d'utiliser des résidus excédentaires de faible valeur et de les convertir en carbone que nous rendrons à la terre. Il s'agit essentiellement d'accélérer le processus naturel, un peu comment les Incas et les Astèques le faisaient il y a 10 000 ans lorsqu'ils brûlaient des matières et les enterraient pour augmenter la teneur en carbone du sol.
Ce faisant, on a également l'occasion de récupérer et d'exploiter les éléments nutritifs. La perte d'éléments nutritifs constitue un des plus importants problèmes que les agriculteurs déplorent quand nous discutons de la question. En étant intégrés dans ces genres d'approches, les éléments nutritifs sont utilisés et retournés à la terre, où ils jouent un rôle d'engrais.
S'il est une technologie que je mettrais de l'avant et qui fait beaucoup jaser aujourd'hui, ce serait celle‑là. Je suis convaincu que tout ce qu'il se passe actuellement autour des crédits carbone et du prix du carbone crée des incitatifs stratégiques qui pourraient permettre à ces technologies de progresser plus rapidement et de fonctionner du point de vue économique.
:
Nous avons notamment constaté que les déjections étaient un excellent moyen d'enrichir le sol en carbone. Cette méthode permet de normaliser la façon dont nous mesurons ces niveaux. Nous pouvons ainsi déterminer sur quelles espèces de cultures les déjections fonctionnent le mieux.
Nous menons actuellement plusieurs études sur différentes cultures, mais nos ressources vont être limitées. Le Canada ne compte qu'un nombre restreint d'élevages d'insectes, et nous ne pouvons pas mener nos recherches à une plus grande échelle.
Où devons-nous concentrer ce que je pense être un produit précieux, et quelle industrie devons-nous cibler? S'agit‑il des cultures à fort rapport économique ici, en Nouvelle-Écosse, par exemple les bleuets ou les pommes, ou dans la vallée du Fraser, ou des fruits à fort rapport économique de la vallée de l'Okanagan, ou encore des pommes de terre? Ce produit s'est révélé extrêmement bénéfique pour la croissance des pommes de terre, et nous étudions donc les Prairies, l'Île‑du‑Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick — ici.
Quels secteurs devons-nous cibler et où pouvons-nous obtenir le meilleur rendement pour notre argent? Voilà selon moi les questions sur lesquelles la recherche devrait maintenant se concentrer.
:
Certainement, monsieur Ammeter.
En ce qui concerne les biocarburants, il s'agit d'une excellente opportunité pour les agriculteurs canadiens, mais je tiens à préciser que les annonces faites par la Federated Co-operatives et autres indiquent que les travaux n'ont pas encore commencé. Ces projets sont tributaires de la révision de la réglementation sur les carburants propres, qui sera présentée dans la Partie II de la Gazette du Canada d'ici peu.
Pour ce qui est des agriculteurs, nous avons encore des préoccupations non résolues au sujet de l'utilisation des terres et des critères de biodiversité pour les agriculteurs. J'espère que nous pourrons continuer... M. Ammeter peut cultiver son canola et le vendre à un transformateur ou à un silo à grains. C'est très important. Nous nous sommes un peu languis en attendant l'annonce de la façon dont le Canada va réglementer l'édition génomique. Nous savons que c'est positif, mais nous attendons une annonce depuis novembre 2021. Il s'agit d'un autre outil clé de cette boîte à outils de l'innovation.
Il y a des inquiétudes au sujet de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire et de l'approche adoptée par le gouvernement relativement à la réglementation des produits de protection des cultures. Et ce n'est pas la seule préoccupation. Nous pourrions continuer.
Le Canada est le leader mondial du canola. Nous contrôlons environ 60 % du commerce mondial, mais nous avons besoin de ces innovations. Nous avons besoin d'un marché réglementé qui soit prévisible et opportun, et toutes ses décisions doivent être fondées sur la science.
Merci.
Merci, monsieur MacGregor.
Notre séance est maintenant terminée.
Je vais prendre une question de 30 secondes. Je ne le fais pas souvent, mais, monsieur Wanger, l'une de mes questions... J'ai eu l'occasion de voir vos installations, et je salue le travail que vous faites.
Vous avez mentionné l'ACIA et les règles et règlements liés aux aliments de consommation humaine. À l'heure actuelle, vous travaillez surtout avec des produits agroalimentaires, en intégrant des déchets alimentaires dans votre matière première.
À mesure que votre entreprise s'élargira, et que les 25 entreprises du pays que vous avez mentionnées commenceront à se développer, avez-vous des inquiétudes par rapport aux matières premières biologiques? Et où en est la conversation avec l'ACIA au sujet de la nourriture qui pourrait être consommée par les humains?
Veuillez répondre en une minute, si possible.
Merci à tous les témoins de leur contribution aujourd'hui.
Chers collègues, je vous rappelle simplement que nous ne nous réunirons pas jeudi, car la déposera le budget du gouvernement, et je soupçonne donc que vous serez occupés et préoccupés par d'autres sujets. Nous nous retrouverons quand la Chambre reprendra ses travaux.
J'aimerais terminer en disant que c'est le dernier jour de travail de notre greffière, Emma-Leigh Boucher.
J'ai amené un petit cadeau de la Nouvelle-Écosse et je vais en profiter pour faire la promotion du vin de cette province. Il vient de la vallée de l'Annapolis. C'est un Planters Ridge, un vin 100 % néo-écossais.
À tous les Canadiens qui nous regardent, achetez du vin de Nouvelle-Écosse.
Applaudissons notre greffière pour son excellent travail.
[Applaudissements]
Le président: La séance est levée. Merci.