:
Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 35e réunion du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
J'aimerais commencer par faire quelques rappels.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride. Les délibérations sont diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, la diffusion Web montrera toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.
Je rappelle aux participants qu'aucune capture d'écran ou photo de leur écran n'est autorisée.
[Traduction]
Chers collègues, je suis heureux de vous retrouver. J'espère que vous avez passé une excellente semaine en mon absence et que M. Barlow a pu présider le Comité dans les règles de l'art, comme il sait le faire.
Nous allons poursuivre notre étude sur l'insécurité alimentaire mondiale, mais je veux d'abord faire deux ou trois annonces. Nous avons des remplaçants aujourd'hui.
Je souhaite la bienvenue à Mme Lambropoulos, qui est ici pour remplacer M. Turnbull. Mme Bradford remplace quant à elle Mme Valdez. Bienvenue aux deux députées du Parti libéral.
M. Steinley remplacera M. Patzer, qui est en route, au moins pendant la première heure, et M. Shields remplace M. Barlow.
Je vous souhaite tous la bienvenue au Comité.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion que le Comité a adoptée le lundi 30 mai 2022, nous poursuivons notre étude sur l'insécurité alimentaire mondiale.
[Français]
Conformément à notre motion de régie interne, je souhaite informer le Comité que le témoin M. Raymond Orb n'a malheureusement pas réussi les tests de connexion requis avant la réunion.
[Traduction]
Nous nous sommes toutefois penchés sur le problème, et on dirait que cela va fonctionner. Les traducteurs sont suffisamment satisfaits pour qu'il puisse faire son témoignage. Je voulais juste m'assurer que tous les participants étaient au courant, conformément à la règle de régie interne.
Trois témoins comparaîtront aujourd'hui. De l'Institut canadien des politiques agroalimentaires, nous accueillons Tyler McCann, qui est directeur général et qui se joint à nous par vidéoconférence. Bienvenue, monsieur McCann. De la Saskatchewan Association of Rural Municipalities, nous accueillons M. Orb, comme je l'ai mentionné. Bienvenue à notre comité, monsieur Orb. Je crois qu'il se joint à nous virtuellement depuis Regina. De la Western Canadian Wheat Growers Association, nous avons Gunter Jochum, le président.
Bienvenue au Comité. Nous sommes impatients d'entendre vos témoignages.
Chers collègues, bien entendu, comme d'habitude, nous allons entendre la déclaration liminaire de chaque témoin avant de passer aux questions.
Monsieur McCann, vous êtes le premier sur la liste. Vous avez jusqu'à cinq minutes. Vous avez la parole, monsieur.
:
Monsieur le président et distingués membres du Comité, merci beaucoup. Je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion de comparaître dans le cadre de cette importante étude.
La planète fait face à un immense défi: comment pouvons-nous produire assez de nourriture de façon durable, rentable et profitable pour réduire l'insécurité alimentaire dans le monde? Selon l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, les taux de sous-alimentation ont diminué jusqu'en 2014, et jusqu'en 2019, ils sont demeurés plutôt stables. Malheureusement, le nombre de personnes en situation d'insécurité alimentaire a ensuite commencé à augmenter. Le Programme alimentaire mondial dit maintenant que près de 830 millions de personnes se couchent le ventre vide chaque soir, et 210 millions de personnes supplémentaires ont souffert d'une insécurité alimentaire aiguë en 2021 par rapport à 2019.
Au Canada, l'insécurité alimentaire est également en hausse. Le dernier rapport de l'Université de Toronto montre que la proportion de Canadiens dans cette situation est passée de un sur huit à un sur six en 2021.
Selon le Programme alimentaire mondial, il y a quatre causes à la crise alimentaire mondiale actuelle: les conflits, les chocs climatiques, les conséquences de la COVID‑19 et les coûts.
Je vais parler aujourd'hui de ces quatre causes distinctes, mais très liées et de la façon dont le Canada peut proposer des solutions à chacune d'elles.
Je vais consacrer moins de temps à la première, mais il est important de reconnaître que le Canada devrait en faire plus en Ukraine et ailleurs dans le monde pour atténuer les conflits et leurs conséquences sur la sécurité alimentaire. Le monde peut produire des quantités infinies de nourriture, mais sans sécurité, ces aliments ne seront pas acheminés où il le faut. Les conflits favorisent l'insécurité alimentaire, mais l'inverse est tout aussi vrai. Il peut y avoir un cercle vicieux dévastateur entre les deux.
La COVID‑19 a eu des répercussions sur le système alimentaire mondial, mais au Canada et ailleurs dans le monde, le système alimentaire s'est tout de même montré très résilient. On ne pouvait peut-être pas acheter un nouveau véhicule, mais on pouvait facilement trouver des aliments sur les tablettes des épiceries. Certaines conséquences de la COVID‑19 commencent également à disparaître. À titre d'exemple, même s'il n'est pas revenu aux niveaux prépandémiques, le coût du transport maritime est 30 % moins élevé que ce qu'il était à son plus fort en septembre 2021.
Les deux dernières causes sont très étroitement liées.
Les agriculteurs canadiens comprennent les conséquences des chocs climatiques. La sécheresse dans les Prairies et les inondations catastrophiques en Colombie-Britannique en sont deux exemples récents. Ces chocs se produisent partout dans le monde. Cette année, nous avons vu avec inquiétude les vagues de chaleur en Inde; les sécheresses en Chine, en Europe et dans le Midwest américain; et les inondations au Pakistan.
En Chine et en Inde, les chocs climatiques peuvent être particulièrement dévastateurs. Ces deux pays produisent plus de 30 % du blé dans le monde, mais il est presque entièrement consommé sur place. La Chine a des réserves pour résister aux chocs climatiques, contrairement à l'Inde et à d'autres pays. Dans l'éventualité où un choc climatique perturberait la production en Inde, où une perte de 30 % des récoltes serait équivalente à tout le blé produit par le Canada au cours d'une bonne année, les répercussions sur la sécurité alimentaire dans le monde seraient dévastatrices.
Le coût est le quatrième et dernier facteur mentionné par le Programme alimentaire mondial. On a beaucoup parlé de l'incidence de l'invasion russe par Poutine, mais les prix augmentaient déjà avant. Les pénuries, les perturbations de l'approvisionnement, la hausse du coût des intrants et la volatilité des marchés avaient déjà commencé à faire augmenter le coût des aliments en 2020.
Les solutions aux chocs climatiques et aux coûts sont similaires. Il faut un système de production alimentaire plus productif et plus résilient qui gaspille moins; des infrastructures plus fiables et plus efficaces; et un système commercial mondial efficace.
Je veux prendre une minute pour mettre l'accent sur la productivité, car elle nous permet de combattre l'insécurité alimentaire en produisant plus avec moins. Cette année, l'OCDE a dit que pour atteindre l'objectif de développement durable « faim zéro » et pour que le secteur agricole contribue à l'atténuation des changements climatiques, il faut accroître la productivité agricole de 28 % au cours des 10 prochaines années. C'est trois fois plus qu'au cours de la décennie précédente.
Au Canada, nous allons dans la mauvaise direction. Entre 1990 et 2000, la croissance annuelle moyenne de la productivité agricole a été de 2,4 % par année, mais au cours de la dernière décennie, elle est passée à 1,8 % par année. Nous devons renverser cette tendance. L'augmentation de la productivité agricole canadienne sera bonne pour les agriculteurs, pour le système alimentaire mondial ainsi que pour l'environnement et la lutte contre l'insécurité alimentaire.
L'insécurité alimentaire est un problème mondial. Le Canada peut être un chef de file grâce à des solutions locales, mais pour avoir des solutions efficaces, une approche pangouvernementale est nécessaire.
Affaires mondiales devrait se servir de la prochaine stratégie indopacifique pour mettre l'agriculture et l'alimentation au cœur de notre stratégie dans la région et ailleurs dans le monde. Il faudrait aussi que ce soit des éléments centraux de notre approche en matière d'aide au développement à l'étranger.
Les organismes de réglementation, y compris Environnement et Changement climatique Canada, Santé Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments, doivent favoriser et faciliter l'accès aux outils nécessaires à la hausse de la productivité, y compris l'édition génomique, et ils doivent mettre l'accent sur l'harmonisation de nos approches avec celles de nos principaux partenaires commerciaux. Agriculture Canada et d'autres bailleurs de fonds doivent accroître et bonifier les investissements ciblés dans la recherche et le développement ainsi que dans la valorisation pour susciter une croissance grandement nécessaire. Le gouvernement du Canada tout entier devrait prendre des mesures pour travailler de manière plus cohérente dans le but d'aider le Canada à devenir un chef de file de l'agriculture et de l'alimentation à l'échelle mondiale.
La dernière chose que nous devons faire, c'est avoir une discussion plus explicite sur les compromis à faire et sur les conséquences imprévues qui pourraient survenir en essayant d'utiliser le système alimentaire pour atteindre plusieurs objectifs, y compris sur le plan de la sécurité alimentaire, de l'environnement et de l'économie. Nous n'allons pas dans la bonne direction pour atteindre tous ces objectifs, et nous avons besoin d'échanges plus approfondis sur ce que cela signifie.
Merci.
Je m'appelle Ray Orb et je suis président de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities, ou SARM. Je suis née, j'ai grandi et je vis dans la petite collectivité de Cupar, au nord-est de Regina, en Saskatchewan.
J'aimerais remercier le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de me donner l'occasion de faire part des réflexions de notre association dans le cadre de l'étude sur l'insécurité alimentaire mondiale.
Nos membres sont les administrations municipales rurales de la Saskatchewan. Nous représentons aussi les producteurs agricoles de la province en servant leurs intérêts. La SARM est la voix des régions rurales de la Saskatchewan depuis plus d'un siècle. Je suis impatient de vous présenter aujourd'hui notre point de vue sur cette question cruciale.
Nous traversons une tempête parfaite pour que le prix des aliments soit élevé compte tenu de la montée en flèche du coût du carburant, des fertilisants et d'autres intrants, auquel s'ajoute le conflit qui se poursuit en Ukraine. Nous croyons qu'il a une incidence négative sur les stocks mondiaux d'aliments, de carburant et de fertilisant. Le prix de ces produits augmente d'ailleurs considérablement.
Avant la guerre, la Russie et l'Ukraine exportaient de plus en plus de céréales et d'oléagineux. Le Canada perdait sa part du marché. Les producteurs du pays peuvent maintenant prendre de l'expansion pour combler le vide, mais ils doivent le faire au moyen de prix concurrentiels et de produits cultivés de manière durable. Le moment est venu pour le secteur agricole fiable et digne de confiance du Canada d'intervenir pour combler ces lacunes sur le marché mondial afin de contribuer à stabiliser l'insécurité alimentaire dans le monde. Nous ne pouvons pas rater cette occasion de soutenir pleinement une industrie qui apporte déjà plus de 110 milliards de dollars par année au PIB du Canada.
Avant de suggérer ce qui pourrait être fait pour tirer parti de cette occasion, je dois brosser un portrait des réalités auxquelles notre secteur agricole fait face.
La majorité des agriculteurs sont très endettés. Ils achètent des semences, de l'engrais et de l'équipement chaque année, et ils espèrent ensuite que la récolte sera exceptionnelle et qu'elle rapportera beaucoup de nombreux mois plus tard. L'endettement agricole augmente chaque année depuis 1993. Selon Statistique Canada, à la fin de 2021, la dette des agriculteurs canadiens atteignait 129 milliards de dollars, soit une hausse d'environ 8,6 milliards de dollars par rapport à l'année précédente. L'année d'avant, ce chiffre était de 5,34 milliards de dollars. La hausse des taux d'intérêt a remis en question la viabilité de certaines exploitations, ce qui pourrait avoir une incidence directe pour les consommateurs, ainsi que pour des emplois, soit un sur neuf au Canada, dans le secteur agricole et agroalimentaire.
Les difficultés avec lesquelles nous devons composer depuis le début de la pandémie de COVID‑19 ont attiré l'attention sur la fiabilité de nos chaînes d'approvisionnement. Les grèves dans le secteur ferroviaire, les retards aux ports et le resserrement des restrictions à la frontière ont ralenti le déplacement des biens et des gens, ce qui a causé des perturbations directes des chaînes d'approvisionnement. Les exploitations agricoles qui veulent accroître leur productivité ou tirer parti de nouveaux débouchés ont de la difficulté à trouver et à retenir une bonne main-d'œuvre pour appuyer leurs plans.
Par ailleurs, ce qu'il faut surtout retenir, c'est que les producteurs agricoles canadiens ont besoin de l'aide du gouvernement pour pouvoir soutenir la concurrence internationale. Une proportion de près de 40 % des revenus agricoles aux États-Unis provient de mesures de soutien gouvernementales, et ce chiffre est de 38 % dans l'Union européenne. Pour pouvoir saisir l'occasion qui se présente et combler les lacunes sur le marché des céréales et des oléagineux, les producteurs canadiens ont besoin d'une aide équivalente maintenant, plus que jamais, alors qu'ils font face aux répercussions de l'inflation et d'une hausse des coûts du carburant.
Parlons maintenant des débouchés.
Nous devons augmenter de toute urgence le nombre de travailleurs qualifiés et non qualifiés, et améliorer les connaissances et les compétences des travailleurs actuels. Les agriculteurs doivent avoir accès à une main-d'œuvre agricole pour réussir et pour optimiser leur capacité à prendre de l'expansion. Le secteur agricole a également besoin d'un financement fédéral pour offrir des subventions visant à pallier la pénurie de conducteurs titulaires d'un permis de classe 1A. Nous avons aussi besoin que le gouvernement finance un programme d'incitatifs pour les travailleurs agricoles ainsi qu'un programme de maintien en poste de ces travailleurs. Il faut offrir plus de possibilités de formation lorsque des travailleurs agricoles sont nécessaires dans les champs pendant la récolte et l'ensemencement.
Nous pensons également que les personnes qui quittent l'Ukraine pour immigrer au Canada offrent une énorme occasion à saisir. La SARM demande au gouvernement fédéral d'évaluer son processus et les exigences pour les nouveaux arrivants afin de leur permettre d'obtenir les bons permis en vue d'intégrer la population active. Le gouvernement devrait se concentrer sur l'efficacité et réduire les obstacles pour que nous puissions accueillir rapidement ces immigrants ukrainiens dans notre province et sur le marché du travail.
Nous avons également besoin que le gouvernement fédéral règle le problème suivant. En mars, le gouvernement fédéral a imposé des droits de douane de 35 % sur les fertilisants importés de Russie et du Bélarus dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine. Les droits étaient censés servir de sanction contre la Russie, puisque les fertilisants sont une des principales exportations du pays vers le Canada. Cependant, les fournisseurs refilent directement ces frais aux agriculteurs. Nous comprenons l'utilité des sanctions, mais il serait préférable d'établir un partenariat avec le gouvernement du Canada pour que les intrants arrivent à temps et pour accorder un allégement tarifaire aux agriculteurs.
L'agriculture a...
:
Monsieur le président, distingués membres du Comité, merci. Je suis reconnaissant d'avoir l'occasion de comparaître devant vous.
Je m'appelle Gunter Jochum. J'ai une ferme à environ 20 minutes à l'ouest de Winnipeg, que j'exploite avec ma femme et ma fille. Je suis également président de la Western Canadian Wheat Growers Association.
Nous sommes une organisation bénévole de défense des exploitations agricoles qui se consacre à la mise au point de solutions stratégiques pour renforcer la profitabilité et la viabilité de l'agriculture et du secteur agricole. Nos membres cultivent des céréales, qui sont ensuite transformées en aliments. Lorsque la chaîne d'approvisionnement est perturbée, pendant une guerre et une situation économique instable, notre objectif qui consiste à maximiser la production de céréales pour en faire des aliments sert les intérêts nationaux et internationaux.
Les agriculteurs de ma génération, moi y compris, n'ont jamais connu d'années plus difficiles que celles pendant lesquelles la pandémie de COVID a sévi, et les répercussions perdurent. Les politiques liées à la COVID nous ont fait perdre des travailleurs et ont perturbé le transport. Elles ont entraîné une hausse du coût des aliments comme nous n'en avons jamais vu en 40 ans. L'inflation frappe durement les Canadiens à faible revenu. Les effets sur les personnes à faible revenu dans le monde seront catastrophiques.
Cela dit, nous sommes agriculteurs. Nous avons l'habitude des défis à relever. En fait, nous redoutons le pire des scénarios et nous nous préparons en conséquence tous les ans. Notre objectif est simple: produire plus de céréales année après année de la manière la plus efficace possible. Plus nous en produisons, plus nous pouvons en transformer en aliments et réduire les prix pour les consommateurs. C'est un calcul très simple.
L'objectif déclaré du gouvernement est de faire passer la valeur des exportations d'aliments canadiens à 75 milliards de dollars par année d'ici 2025. Dans le rapport Barton, on demande aussi moins de règles dans le secteur agricole, et nous sommes du même avis.
Le gouvernement a plutôt pris des mesures stratégiques, comme la taxe sur le carbone, qui font augmenter le coût de nos intrants. Au rythme actuel, la taxe coûte à mon exploitation environ 40 000 $. Le gouvernement veut toutefois l'augmenter, ce qui pourrait me coûter pas moins de 136 000 $ par année d'ici 2030. Cela va compromettre la viabilité et la durabilité de mon exploitation.
On a proposé une politique qui réduirait de 30 % d'ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre attribuables aux fertilisants — c'est certainement un objectif ambitieux. Le gouvernement a affirmé que c'est un objectif volontaire. Il a toutefois dit que nous n'avons pas le choix de l'atteindre. Or, différents scientifiques ont affirmé qu'il sera impossible d'atteindre cet objectif en utilisant les méthodes efficaces qui sont actuellement à la disposition des agriculteurs. Dans le meilleur des cas, une réduction de 14 à 15 % pourrait être possible. Il faudrait que la différence de 15 à 16 % provienne d'une réduction de l'utilisation de fertilisants.
La fertilisation, qu'il s'agisse de fumier ou d'engrais synthétiques, est ce qui contribue le plus au rendement. S'ils n'utilisent plus d'engrais ou en utilisent moins, les agriculteurs canadiens produiront moins, ce qui nuira encore plus à la viabilité des exploitations et réduira la quantité de céréales disponibles pour produire des aliments. Le résultat direct sera une insécurité alimentaire accrue au Canada et ailleurs dans le monde, surtout parmi les gens les moins bien nantis.
Les agriculteurs canadiens sont très efficaces. Les fertilisants font partie de nos intrants les plus coûteux. Nous ne nous en servons pas avec insouciance; c'est tout le contraire. Nous testons le sol et nous travaillons avec des agronomes pour créer des rotations de cultures ainsi que des plans et des cartes de cultures qui nous aident à faire une utilisation précise des fertilisants dans le but de maximiser le rendement par rapport à la quantité de nutriments utilisée.
La réduction proposée des émissions va‑t‑elle réduire la quantité de gaz à effet de serre? Peut-être au Canada, mais ailleurs dans le monde, cela ne représentera qu'environ 0,0028 % de la quantité totale de gaz à effet de serre. Est‑ce que cela vaut vraiment la peine?
Si nous produisons moins, d'autres pays essaieront de compenser. En effet, des pays où les agriculteurs ne doivent pas composer avec des taxes sur le carbone ou des cibles de réduction des gaz à effet de serre utiliseront plus de fertilisants pour accroître leur rendement, car les agriculteurs canadiens ne seront pas en mesure de leur faire concurrence. Ces pays vont donc émettre plus de gaz à effet de serre.
Vous êtes ici aujourd'hui pour parler des problèmes de chaîne d'approvisionnement, ce qui est très important. Nous le savons. Le message que nous voulons transmettre, c'est que le moyen le plus sûr de créer des problèmes de chaîne d'approvisionnement consiste à mettre des bâtons dans les roues des producteurs et du secteur agricole dans son ensemble en adoptant de mauvaises politiques.
Notre message est simple: laissez-nous faire ce que nous faisons le mieux, c'est‑à‑dire cultiver de façon durable des céréales sûres et de grande qualité pour nourrir les gens. Nous voulons offrir aux gens des aliments cultivés de la façon la plus responsable au monde. Si nos céréales inondent la chaîne d'approvisionnement, l'inflation ralentira, et ce sont les moins nantis qui en bénéficieront le plus. Notre message est le suivant: laissez-nous cultiver nos céréales le mieux possible.
Merci.
:
Oui, je vous remercie, monsieur Patzer.
J'aimerais ajouter que, la semaine dernière, des représentants de la SARM ont rencontré à Ottawa le ministre des Transports, , pour lui faire part de nos préoccupations. Nous avons également rencontré très récemment des représentants du CP et du CN, qui nous ont montré leurs plans pour l'hiver et le reste de la campagne agricole. Nous entretenons toujours des inquiétudes. Certaines concernent ce dont nous avons déjà parlé, mais nous avons notamment porté à l'attention du ministre le fait que nous demandons au gouvernement fédéral de faire du transport ferroviaire un service essentiel, particulièrement dans l'industrie des céréales et des oléagineux, car nous estimons que les agriculteurs ne devraient pas faire les frais des grèves, des mauvaises conditions météorologiques et de toutes ces choses. Il faut accorder une plus grande priorité au transport ferroviaire.
Ce qui nous inquiète également, c'est le problème concernant le chargement des navires dans le port de Vancouver lorsqu'il pleut, et tout le monde sait qu'il pleut assez souvent au port de Vancouver. Il faut couvrir les installations de chargement de sorte qu'on puisse procéder au chargement des navires 24 heures par jour, sept jours par semaine. C'est l'un de nos principaux problèmes, à savoir que le chargement des céréales dans le port ne se déroule pas aussi bien qu'il le devrait.
:
D'accord. Ce que vous dites est intéressant.
Que pensez-vous de ce qu'on importe?
Au Comité, on parle beaucoup d'exporter plus de produits. On importe aussi beaucoup de marchandises agricoles. On se retrouve dans un contexte où on demande à nos producteurs locaux de faire de grands efforts et d'améliorer constamment leurs performances, mais j'ai l'impression qu'on ne demande pas grand-chose aux producteurs étrangers qui exportent leurs produits ici.
Comment pourrait-on développer une forme de réciprocité des normes?
Prenons l'exemple d'une tomate mexicaine qui coûte moins cher que la tomate québécoise à l'épicerie. Cette tomate mexicaine a tout de même traversé le continent pour arriver à l'épicerie. Il y a une empreinte carbone. Pensez-vous qu'il existe une façon de mesurer cela?
Auriez-vous des recommandations à faire à ce sujet?
Il est d'abord important de souligner que le transport des denrées agricoles représente habituellement une très petite partie de l'empreinte carbone de ces produits.
Cela dit, il est évident que nos producteurs devraient pouvoir être concurrentiels dans les marchés où ils exportent leurs produits, mais ils devraient également pouvoir l'être ici, au Canada.
Il est évident que les normes aux frontières canadiennes sont importantes, mais on a besoin d'un meilleur système international. On a vu, au cours des dernières années, que les règles de commerce international ne fonctionnent pas comme elles le devraient. On devrait appuyer les efforts qui sont faits pour trouver une solution afin de pouvoir retrouver un système de commerce international qui fonctionne correctement.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie nos témoins de comparaître devant le Comité aujourd'hui. Nous sommes vraiment contents des témoignages qui nous aident à formuler certaines conclusions pour le rapport que nous voulons déposer sur ce sujet important.
Monsieur Orb, j'aimerais m'entretenir avec vous. J'ai pris quelques notes sur les témoignages de la Fédération canadienne de l'agriculture et de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario. Dans leurs témoignages, toutes deux ont exprimé des inquiétudes quant à l'empiétement sur les terres agricoles.
Étant donné que vous représentez les municipalités rurales de la Saskatchewan, je me demande simplement... Je veux dire, nous savons que, bien sûr, les décisions relatives à l'utilisation des terres sont provinciales et qu'elles tombent sous la responsabilité des municipalités, qui sont des créatures de la province. Pourriez-vous nous parler un peu de la façon dont les terres agricoles sont protégées contre cet empiétement en Saskatchewan? Je pense que votre point de vue est unique. Voyez-vous un rôle que le gouvernement fédéral peut jouer dans la préservation de ces précieuses terres agricoles, étant donné que nous parlons du thème de la sécurité alimentaire et de la façon dont les terres font partie intégrante de cet enjeu?
:
Avant de parler de la dette, il est toujours important de la replacer dans son contexte. La dette en soi n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Elle permet aux producteurs d'investir dans leur entreprise. Elle permet aux producteurs d'acheter des terres, des équipements et des machines. Oui, la dette augmente, mais nous constatons que la valeur des actifs augmente également. La valeur nette de nombreuses exploitations agricoles augmente en même temps.
Je pense donc que la dette doit être replacée dans son contexte. Il s'agit en fait de savoir comment faire en sorte que nos exploitations soient rentables au bout du compte. L'augmentation de la productivité permet à nos exploitations d'être plus productives et plus rentables à terme. Cela peut leur permettre de mieux assurer le service de la dette qu'elles ont.
De toute évidence, compte tenu de la technologie et des progrès qui s'annoncent, nous avons besoin d'exploitations agricoles rentables, capables d'investir dans ces ressources pour pouvoir les mettre en pratique. Nous avons parlé de la possibilité de réduire les émissions dues aux engrais. Une grande partie de l'équipement nécessaire à cet effet est assez coûteux, et les exploitations doivent être en mesure de faire face à cette dette. Elles doivent l'assumer en sachant que, encore une fois, il s'agira d'une dette productive. Cette dette leur permettra de faire des investissements qui serviront à rembourser cette dette. Elle leur permet de se développer et de continuer.
L'histoire de la dette et de l'agriculture est complexe, mais aujourd'hui, si vous regardez ce que font les agriculteurs, leurs pratiques, leurs investissements, cela ne semble pas les freiner. C'est une bonne chose pour le pays et pour le monde entier, car nos agriculteurs font les investissements dont ils ont besoin pour être plus productifs, plus efficaces et pour continuer à se développer.
:
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins qui sont avec nous aujourd'hui.
Je pense qu'au début, M. Orb a exprimé certaines choses dont je dirais que... Les gros joueurs ne sont pas à Las Vegas. Les gros joueurs sont dans les fermes, car ils investissent tout ce qu'ils ont — pour les semences, les engrais, l'équipement — afin de pouvoir démarrer la saison. Avec un peu de chance, ils obtiennent des résultats des mois plus tard.
Lorsque vous avez parlé des engrais et des coûts, j'ai pensé que le principe des 4B était assez répandu et que beaucoup de gens le pratiquaient, car les engrais sont chers. Dans le monde avec lequel vous êtes en contact, monsieur Orb, trouvez-vous que le principe des 4B est assez bien compris et largement utilisé?
:
Merci, monsieur le président. Je vais essayer à nouveau, en espérant que vous pourrez me comprendre.
En ce qui concerne les 4B, je pense que c'est un principe qui est mieux compris dans notre province. Beaucoup de nos agriculteurs le font déjà en raison du coût élevé des engrais. Beaucoup d'entre eux n'ont pas pu acheter les engrais avant que les prix augmentent de façon spectaculaire au printemps dernier.
Je pense que nous devons également parler des nouvelles technologies, car avec les nouvelles technologies et les innovations, les agriculteurs ne seront probablement pas en mesure d'économiser de l'argent en recourant aux engrais. Je pense qu'à l'heure actuelle, le problème est que les agriculteurs ne disposent généralement pas de ces technologies. Elles sont très coûteuses. Demander aux agriculteurs de s'endetter davantage à cause d'une politique du gouvernement fédéral qui nous dit, d'une part, que nous devons produire plus de nourriture et, d'autre part, que nous devons réduire nos émissions... Nous ne sommes pas sûrs de pouvoir y parvenir avec l'adaptation et l'équipement dont nous disposons actuellement dans nos fermes. C'est une préoccupation que nous avons.
Pour revenir à la déclaration de M. Drouin, je suis d'accord, mais je pense que cela inquiète vraiment de nombreux agriculteurs. Il y a aussi un effet négatif. Cela crée un clivage entre les villes et les campagnes, et peut-être de mauvais sentiments entre les citadins et les ruraux, car de nombreux agriculteurs sont accusés de polluer, alors que l'agriculture ne représente qu'environ 10 % du total des gaz à effet de serre émis dans tout le pays. Nous ne comprenons pas pourquoi on montre du doigt les agriculteurs. Peu importe ce que nous faisons, les agriculteurs s'adapteront et seront en mesure de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais je pense que nous avons besoin de plus de temps et d'innovation pour y parvenir.
:
Je pense que depuis 2013, à l'exception de ce qui s'est passé l'année dernière en Colombie-Britannique, nos expéditions de grains se sont faites de manière plus efficace, mais bien sûr, les inondations de l'année dernière en Colombie-Britannique ont empêché une grande partie des grains d'être acheminés en temps voulu.
Le gouvernement fédéral est attentif au transport, et je pense que le estime que le transport des grains devrait être un service essentiel, mais je sais qu'il y a des problèmes logistiques à cet égard, à cause des syndicats et des gens qui ont des contrats et ainsi de suite. Il faut qu'ils les respectent.
Je pense que nous devons aussi regarder, peut-être, du côté du port de Churchill, dans le Nord-Ouest du Manitoba. Ils sont en train de moderniser la ligne ferroviaire, et ils ont apporté de nombreuses améliorations à ce port. Des fonds fédéraux y sont consacrés, ce qui est tout à l'honneur du gouvernement fédéral. Nous devons examiner cela également.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins. Nous vous savons gré de votre participation.
Je vais commencer par adresser mes questions à M. McCann, de l'Institut canadien des politiques agroalimentaires.
Vous avez évoqué la nécessité de continuer à tendre vers une production plus importante et un système alimentaire plus résilient, et vous avez dit que votre objectif était de travailler avec les agriculteurs pour qu'ils puissent produire plus avec moins. C'est un thème qui revient souvent aujourd'hui. Cela aiderait à nourrir les Canadiens, et cela aiderait à nourrir le monde. Je pense que nous pouvons tous convenir que ce serait bon pour nos agriculteurs, tout en étant bon pour notre environnement.
Pouvez-vous parler au Comité de votre « initiative de durabilité environnementale intitulée À l'avant-garde des solutions durables [...] dont le but est de faire progresser les solutions stratégiques qui appuient les améliorations continues du secteur en matière de durabilité »?
:
Nous avons un programme de recherche en cours, et la réalité, c'est que les agriculteurs ont apporté des améliorations importantes au Canada.
Les agriculteurs canadiens ont été des chefs de file mondiaux dans le développement et l'adoption de pratiques de production sans labour. La production sans labour est probablement la meilleure chose que les agriculteurs canadiens aient pu faire pour l'environnement. Il est toujours important de reconnaître que les agriculteurs ont largement développé ces technologies, ces approches, en Saskatchewan et dans les Prairies. Ils ont adopté ces technologies et ces pratiques de leur propre chef, parce que c'était logique. Encore une fois, c'était bon pour le sol, bon pour leur entreprise, et cela a eu une incidence formidable sur notre capacité de stocker le carbone dans le sol.
Nous estimons qu'il faut nous demander comment nous pouvons continuer à le faire. Comment pouvons-nous continuer à cerner les pratiques qu'il est logique que les agriculteurs adoptent et qui sont bonnes pour eux, bonnes pour l'environnement et qui produisent d'importants avantages connexes? Cela concerne des choses comme la santé des sols. Nous prenons en compte ce que nous savons de la variabilité. Pourquoi ne développons-nous pas un système qui soutient les agriculteurs lorsque ce qui fonctionne sur la ferme de M. Jochum au Manitoba ne fonctionnera pas sur ma ferme dans l'Ouest du Québec? Nous avons besoin d'une réponse politique plus dynamique qui permet cela.
Nous avons divers projets en cours qui examinent vraiment comment reconnaître cette réalité et lui donner son élan.
:
Oui, je vous remercie pour la question, monsieur Perron.
Nous travaillons avec M. Harrison, le ministre de l'Immigration ici en Saskatchewan. Nous savons qu'il y a des difficultés à surmonter pour pouvoir admettre des travailleurs agricoles et des immigrants ukrainiens, les gens qui habitaient des exploitations agricoles en Ukraine. Différentes restrictions s'appliquent à eux, en particulier par rapport aux tests, par exemple. Le ministre collabore avec le gouvernement fédéral en vue d'accélérer le processus, mais les efforts déployés en ce sens n'ont pas encore donné de résultats concrets.
Nous savons que dans le domaine de l'agriculture, c'est très difficile de faire entrer des travailleurs agricoles. Bien entendu, un grand nombre d'Ukrainiens qui viennent au Canada ont de l'expérience dans ce secteur. D'autres ont besoin de formation. D'ailleurs, c'est là un autre problème: il faut aussi augmenter le financement destiné à la formation.
J'ai mentionné que les pénuries de camionneurs ne touchent pas seulement la Saskatchewan, mais aussi le reste du pays. Il faut plus de camionneurs. Certaines personnes doivent recevoir une formation pour obtenir un permis au Canada. À l'heure actuelle, la Subvention canadienne pour l'emploi Canada-Saskatchewan ne permet pas aux camionneurs de catégorie 1A d'être formés dans des exploitations agricoles. Nous demandons au gouvernement fédéral et à la province d'envisager la possibilité d'assouplir les restrictions à cet effet.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur McCann, ma dernière question de ce tour s'adresse à vous.
Je sais que le travail de votre institut reflète la pensée systémique. Vous étudiez des enjeux alimentaires complexes et interreliés, et vous jouez un rôle de porte-parole.
L'Union européenne a mis en place un plan d'urgence en réaction aux expériences qu'elle a vécues durant la pandémie de COVID‑19 et aux pressions exercées par la pandémie sur son système alimentaire, son système de transport, etc. En ce qui concerne le Canada, vous avez parlé des points vulnérables de nos divers systèmes, ainsi que des changements climatiques.
L'autre rôle que je joue à la Chambre des communes se rapporte à la sécurité publique, ce qui comprend les mesures d'urgence. Si l'on regarde ce que d'autres ont fait, notamment l'Union européenne, selon vous, de quelle façon le gouvernement fédéral peut‑il contribuer à mettre en place un plan d'urgence pour le Canada, que ce soit par l'intermédiaire du ministère de la Protection civile ou d'Agriculture et Agroalimentaire Canada? Le problème est trop vaste pour être résolu par une seule région ou une seule province. Quel est votre avis à ce sujet?
:
On revient encore une fois au principe de l'approche pangouvernementale, une approche importante dans ce cas‑ci.
Selon moi, les gens du ministère fédéral, Agriculture et Agroalimentaire Canada, sont passés assez rapidement à l'action. Ils ont tenté de réagir et de faire face aux problèmes qui sont survenus durant la pandémie. Toutefois, la situation nous a permis de constater que nous ne sommes pas très bien préparés. Une grande partie du travail a été fait à l'improviste, dans un effort d'atténuer les effets de la pandémie à mesure qu'ils se faisaient sentir.
Nous espérons que les leçons qui seront tirées de cette expérience nous permettront d'améliorer les systèmes et de dresser un meilleur plan pour l'avenir. Nous l'avons aussi constaté à l'échelle locale en Colombie-Britannique, où des systèmes ont dû être construits pour contrecarrer les effets de l'inondation.
La créativité est au rendez-vous. Les fonctionnaires ont réussi à régler des problèmes de longue date liés à la réglementation. Ils ont montré que le Canada est capable d'accomplir de bonnes choses et que nous sommes à la hauteur. Cela dit, il serait utile de faire plus de planification proactive — non seulement au sein du gouvernement, mais aussi entre le gouvernement, l'industrie et les autres intervenants de la chaîne de valeur — de sorte que nous soyons prêts à unir nos efforts en cas d'urgence et que nous disposions des systèmes dont nous avons besoin.
Chers collègues, nous allons poursuivre nos travaux.
Nous avons le plaisir d'accueillir trois témoins.
M. Beusekom a des difficultés d'ordre technique; il n'a pas pu faire l'essai. Nous allons essayer de le faire entrer, mais en attendant, nous allons commencer la discussion avec les deux témoins qui sont parmi nous.
Nous accueillons Mme Kathleen Sullivan, présidente-directrice générale d'Aliments et boissons Canada, qui se joint à nous en personne. Je vous souhaite la bienvenue, madame Sullivan. Si j'ai bien compris, c'est la première fois depuis deux ou trois ans que vous vous retrouvez dans une salle de comité.
Nous recevons aussi, par vidéoconférence, M. Stephen Paul, vice-président, Chaîne d'approvisionnement logistique, de Ray-Mont Logistiques. Bienvenue, monsieur Paul.
Je le répète, M. Beusekom se joindra peut-être aussi à nous, si nous arrivons à régler les problèmes techniques.
Nous allons commencer par les déclarations préliminaires.
Madame Sullivan, vous disposez de cinq minutes. La parole est à vous.
:
Merci beaucoup, monsieur le président, et bonjour à toutes et à tous.
Je suis Kathleen Sullivan, présidente-directrice générale d'Aliments et boissons Canada, l'association commerciale nationale qui représente les fabricants canadiens d'aliments et de boissons. Le Canada compte près de 8 000 entreprises de fabrication d'aliments et de boissons d'un océan à l'autre. Comme vous le savez sans doute, la vaste majorité d'entre elles sont des petites et moyennes entreprises. Elles jouent un rôle crucial dans la transformation des produits agricoles canadiens en aliments destinés à la population canadienne et à nos partenaires commerciaux.
Un secteur de la transformation des aliments fort et dynamique est essentiel pour soutenir l'agriculture primaire, pour assurer la sécurité alimentaire locale et pour protéger la souveraineté alimentaire du Canada. Au cours des dernières années, ce secteur a connu des défis sans précédent. Les graves pénuries de main-d'œuvre, les perturbations des chaînes d'approvisionnement mondiales et nationales, l'inflation historique, les urgences climatiques, les catastrophes naturelles, les perturbations des infrastructures de transport et beaucoup d'autres événements ont exercé une pression démesurée et, surtout, déstabilisante sur le système alimentaire canadien.
Au lieu de tourner leur regard vers la reprise et la croissance, les fabricants de produits alimentaires envisagent la consolidation et la contraction. Il est essentiel pour l'avenir du système alimentaire canadien que nous renforcions les éléments fondamentaux requis pour soutenir et stabiliser ce secteur. Sans une base solide, la croissance économique et l'expansion seront impossibles.
Aujourd'hui, j'attirerai très brièvement votre attention sur trois enjeux fondamentaux cruciaux: la main-d'œuvre, les chaînes d'approvisionnement et les infrastructures.
Le premier enjeu est la main-d'œuvre. La main-d'œuvre demeure le problème le plus grave auquel les fabricants canadiens d'aliments et de boissons font face aujourd'hui. Je pense qu'au cours de la dernière année, nous avons eu l'occasion d'en parler avec presque tous les membres du Comité. À l'heure actuelle, nous estimons qu'environ 20 % des postes de ce secteur demeurent vacants. Il va sans dire que la pandémie a exacerbé le problème, et nous nous attendons à ce que la situation continue à empirer.
Le bassin de main-d'œuvre est de plus en plus restreint, et les fabricants peinent à attirer des travailleurs. Les pénuries chroniques de main-d'œuvre et les écarts sérieux en matière de compétences nuisent à notre capacité de maintenir les niveaux actuels de production alimentaire, ce qui a pour effet de menacer la sécurité alimentaire locale et d'assombrir nos perspectives touchant le développement économique et la croissance du commerce.
Grâce au soutien financier du Centre des Compétences futures, mon organisation, de pair avec le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture et la Fédération canadienne de l'agriculture, dirige l'élaboration d'une stratégie de la main-d'œuvre pour les secteurs de l'agriculture et de la fabrication d'aliments et de boissons. Plus d'une centaine d'intervenants participent à cette initiative dirigée par l'industrie, qui vise à cerner les causes profondes des pénuries de main-d'œuvre et des écarts en matière de compétences, à trouver des solutions concrètes pour combler les lacunes, ainsi qu'à établir des objectifs pertinents et des échéanciers en vue de mesurer les progrès et de régler les problèmes. Nous recommandons fortement au gouvernement fédéral de continuer à soutenir ce travail.
Nous recommandons aussi au gouvernement fédéral de continuer à améliorer le Programme des travailleurs étrangers temporaires et le système d'immigration du Canada. Sans les travailleurs étrangers, il sera impossible de résoudre les problèmes liés à la main-d'œuvre à court et à moyen terme. En avril, le gouvernement fédéral a annoncé des changements très attendus au PTET visant à pallier à court terme les pénuries de main-d'œuvre. Nous recommandons au gouvernement de continuer à améliorer l'accès aux travailleurs étrangers en simplifiant le PTET, en remplissant son engagement pris dans le cadre du budget de 2022 de mettre en place un modèle d'employeur de confiance et en créant des programmes permettant de recruter des travailleurs pour pourvoir des postes permanents et à l'année.
Je vais prendre un instant pour réagir à l'annonce d'hier concernant les cibles d'immigration pour les trois prochaines années. Ces cibles sont les bienvenues, mais malheureusement, même si le nombre de nouveaux arrivants augmente, les volets d'immigration actuels ne favorisent pas toujours l'admission des travailleurs recherchés par l'industrie. Il y a donc du travail à faire sur ce plan aussi.
Finalement, j'aimerais parler conjointement des chaînes d'approvisionnement et des infrastructures. Le gouvernement fédéral considère la fabrication d'aliments et de boissons, ainsi que l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement alimentaire, comme des infrastructures essentielles. Malgré cela, dans les faits, peu de mesures sont en place pour protéger le système alimentaire canadien contre les pressions externes. La responsabilité de maintenir les chaînes d'approvisionnement et les infrastructures alimentaires du Canada pèse surtout sur les épaules de l'industrie. Cette responsabilité est compliquée par la taille et l'ampleur de l'industrie, par le manque de coordination stratégique entre les différents gouvernements, par la nature mondiale des chaînes d'approvisionnement, ainsi que par le fait que la vaste majorité des entreprises de la chaîne d'approvisionnement alimentaire sont des sociétés privées dont bon nombre sont cotées en bourse et qui ont toutes leurs propres objectifs et leur propre structure de gouvernance.
Nous appuyons fortement le rapport publié en octobre par le Groupe de travail national sur la chaîne d'approvisionnement et nous encourageons le gouvernement fédéral à en suivre les recommandations.
Nous recommandons également au gouvernement fédéral d'adopter des mesures favorisant une approche cohérente et coordonnée pour accroître la résilience de la chaîne d'approvisionnement du système alimentaire canadien. Ces mesures pourraient comprendre des investissements dans la surveillance continue et la collecte de renseignements sur les chaînes d'approvisionnement mondiales et canadiennes qui seraient transmis à l'industrie. Le gouvernement fédéral pourrait aussi investir dans des mesures visant à protéger le système alimentaire contre les chocs externes et à renforcer la résilience de la chaîne d'approvisionnement alimentaire. Ce travail pourrait commencer par une évaluation critique des principaux facteurs de risque et points vulnérables de la chaîne d'approvisionnement alimentaire.
:
Au nom de Ray-Mont Logistiques, je tiens à remercier le Comité de nous donner l'occasion de parler de la chaîne d'approvisionnement alimentaire canadienne.
En guise d'aperçu, Ray-Mont Logistiques est une entreprise de 30 ans établie à Montréal qui se spécialise dans le transport de marchandises conteneurisées. Nous avons trois terminaux situés à des endroits stratégiques au Canada — Montréal, Vancouver et Prince Rupert — avec une capacité d'exploitation de plus de 125 000 EVP par année. Notre entreprise est axée sur l'exportation et a transporté plus d'un million d'EVP au cours de la dernière décennie. L'entreprise est verticalement intégrée, ce qui permet la collaboration avec les sociétés ferroviaires, les transporteurs maritimes, les sociétés de transport, les exploitants portuaires et les clients, nous donnant ainsi une perspective unique.
Nos principaux produits primaires sont les produits agricoles, le plastique, la résine et la pâte à papier, mais l'agriculture est indissociable de la raison d'être de notre entreprise depuis 30 ans. Avant la pandémie, nous avons transporté par conteneur environ 2,5 millions de tonnes de produits agricoles destinés à l'exportation.
La chaîne d'approvisionnement du transport de produits agricoles par conteneurs a connu d'importants défis ces dernières années. Il convient de souligner qu'il y avait des signes avant-coureurs avant la pandémie, au printemps 2019, avec l'émergence des traversées à vide comme mécanisme de contrôle de l'économie de la chaîne d'approvisionnement. Cependant, l'émergence de la COVID‑19 au printemps 2020 et ses répercussions sur la chaîne d'approvisionnement ont sans cesse créé de nouveaux défis à tous les tournants, entraînant non seulement des perturbations des exportations agricoles conteneurisées, mais obligeant aussi la chaîne d'approvisionnement à s'ajuster et à se réinventer.
Les principales préoccupations des dernières années ont été les traversées à vide — que j'ai mentionnées —, l'accès de certains transporteurs aux conteneurs vides, l'élimination de services de navires existants ou l'affectation de navires, ce qui a entraîné le déplacement de volume considérable de produits agricoles des ports de la côte Ouest vers les ports de la côte Est, les problèmes croissants de main-d'œuvre dans tous les secteurs de la chaîne d'approvisionnement et, surtout, les variations liées au transport des importations, qui ont entraîné des ajustements continus dans la chaîne d'approvisionnement. Prenons à titre d'exemple la congestion portuaire et ferroviaire observée après la première vague de la pandémie en raison de la hausse marquée et imprévue des importations, et le changement de stratégie des principales sociétés d'importation de la chaîne d'approvisionnement, à savoir le passage du modèle du « juste à temps » au modèle « juste au cas », qui a exercé des pressions supplémentaires sur la capacité d'entreposage et de stockage de conteneurs.
Même si nous voyons des signes d'amélioration dans la chaîne d'approvisionnement, de nombreux défis persistent et divers aspects restent à améliorer pour assurer le transport plus efficace et efficient des produits agricoles.
Voici quelques-unes des recommandations de notre entreprise.
Premièrement, il faut prendre conscience que les changements de tendances dans la chaîne d'approvisionnement pourraient durer longtemps. Nous ne pouvons tout simplement pas nous attendre à ce que la situation revienne complètement à la normale et à pouvoir fonctionner comme avant. Il faut prendre conscience que cela pourrait être la nouvelle normalité. C'est un aspect qu'il faut comprendre, comme nous devons comprendre que le facteur de croissance du secteur du transport par conteneurs maritimes au cours des dernières décennies — la part de marché — a fait place, chez la plupart des entreprises privées, à une gestion axée sur la stabilité financière et les marges de profit.
La deuxième recommandation est la nécessité du développement accéléré des infrastructures, nouvelles et existantes, afin de créer une capacité d'appoint à divers niveaux de la chaîne d'approvisionnement, notamment les infrastructures portuaires et ferroviaires et les parcs de transbordement et de logistique. Pour ce faire, il faudra miser sur des programmes comme le FNCC afin d'encourager les entreprises privées à accroître la capacité de leur chaîne d'approvisionnement. Le processus doit être rationalisé pour nous donner les moyens de réagir rapidement, étant donné que les enjeux émergents de la chaîne d'approvisionnement mondiale surviennent et s'intensifient plus rapidement que le Canada ne peut s'y adapter.
Troisièmement, tous les ordres de gouvernement doivent encourager et appuyer les projets de développement de la chaîne d'approvisionnement afin de favoriser l'amélioration générale de la chaîne d'approvisionnement canadienne et de l'économie dans son ensemble. À titre d'exemple personnel, Ray-Mont cherche à accroître l'empreinte logistique de ses activités à Montréal depuis six ans dans le but d'augmenter sa capacité de 400 %, mais divers ordres de gouvernement lui font obstacle. Si cette expansion avait été prévue dès la conception du projet, bon nombre des problèmes qui nuisent actuellement aux exportations agricoles dans ce corridor et dans la chaîne d'approvisionnement en général dans son ensemble seraient réglés. En fin de compte, les inefficacités de la chaîne d'approvisionnement entraînent une augmentation des coûts et l'inflation.
Quatrièmement, nous devons collaborer avec les acteurs de la chaîne d'approvisionnement au plus haut niveau, en particulier avec l'industrie du transport maritime, pour trouver des solutions et poser les questions essentielles. Permettez-moi de souligner ici l'importance de travailler avec eux et non contre eux, car les transporteurs maritimes sont des entreprises privées qui choisissent de faire escale dans les ports canadiens. Le port de Montréal, qui a une capacité d'amarrage supplémentaire, est un exemple probant, mais les sociétés maritimes choisissent de ne pas y faire escale.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous avons assisté à l'élimination de services existants sur la côte ouest au cours des deux dernières années. Encore une fois, il s'agit d'un choix. Nous devons leur demander quels sont les motifs de ces décisions et pourquoi la capacité est retirée du Canada. Plus important encore...
Je m'appelle Jim Beusekom. Je suis président de Market Place Commodities, une entreprise située à Lethbridge, en Alberta. Je vais vous donner un aperçu de nos activités. Nous faisons le commerce du grain, des légumineuses et des oléagineux produits par les agriculteurs de l'Ouest canadien. Nous avons trois marchés. Sur le marché intérieur, nous vendons des aliments pour animaux principalement destinés à la production de bovins et de bétail. Nous exportons vers les États-Unis, et nous exportons par conteneurs vers le marché asiatique, majoritairement en Asie du Sud-Est.
Nous nous approvisionnons auprès d'agriculteurs de l'Ouest canadien, dans ce qu'on appelle généralement les secteurs d'offre excédentaire. En général, les districts et comtés municipaux ou les municipalités rurales de l'Alberta et de la Saskatchewan produisent beaucoup plus que ce qu'ils consomment, de sorte que l'offre de produits excède la demande sur le marché intérieur. Nous expédions ces produits vers les marchés d'exportation, les marchés internationaux. Nous assurons le transport des marchandises des vendeurs aux acheteurs, par l'intermédiaire de services de logistique tiers: camionnage, transport ferroviaire et conteneurs d'expédition.
Sur le marché intérieur — en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba — nous transportons principalement les marchandises par camion, avec l'aide du transport ferroviaire au besoin. Lorsque nous exportons vers les États-Unis, nous avons tendance à utiliser le transport par camion, encore une fois, ou une combinaison de transport routier et ferroviaire. En général, nous expédions les produits par camion aux États-Unis, puis nous accédons au réseau ferroviaire américain, comme BNSF Railway, et le produit est ensuite acheminé aux marchés de destination aux États-Unis. Quant aux exportations outre-mer, nous utilisons tous les modes de transport: du camion au transport ferroviaire, du rail aux ports, puis par conteneur maritime jusqu'aux marchés d'outre-mer.
C'est surtout une question de logistique. Permettez-moi d'apporter des précisions. Certains aspects doivent continuellement être revus et améliorés. Il y a deux préoccupations dans le secteur du camionnage. La première est la pénurie de chauffeurs. En ce moment, les entreprises de camionnage ont beaucoup de difficulté à prendre de l'expansion et à satisfaire à la demande de la clientèle. Nous sommes d'avis qu'il faut revoir et simplifier le processus d'obtention du permis de conduire au Canada. Actuellement, par exemple, obtenir un permis de conduire de conducteur de camion de classe 1 est plus difficile et plus coûteux qu'obtenir un permis de pilote de petit aéronef. En fait, je crois qu'un tel permis peut être obtenu plus rapidement et à moindre coût. En outre, il pourrait être pertinent de revoir les exigences et les lignes directrices des compagnies d'assurance pour les entreprises de camionnage.
L'autre problème qui a touché le secteur du camionnage, ce sont les mesures obligatoires passées et actuelles imposées pour traverser la frontière avec les États-Unis. Ces mesures ont eu des répercussions considérables sur le nombre de camionneurs pouvant transporter des marchandises pour nous de l'autre côté de la frontière. Nous sommes situés à une centaine de kilomètres des États-Unis, de sorte que les allers-retours de part et d'autre de la frontière américaine sont tout à fait fréquents.
Pour ce qui est de la logistique ferroviaire, nous tenons à rendre à César ce qui appartient à César, et notre expérience avec le Canadien Pacifique... Encore une fois, nous sommes dans la région de Lethbridge, ce qui signifie que nous avons tendance à utiliser principalement les services du CP, avec lequel nous avons une bonne collaboration. Le CP a apporté d'importantes améliorations à l'équipement disponible. Dans notre cas, cela touche le transport intermodal par rail de Calgary à Vancouver. Les temps d'expédition de l'origine à la destination sont convenables.
Les problèmes liés au transport ferroviaire sont évidemment les déraillements et les catastrophes naturelles, comme celle qui est survenue il y a un an dans la région intérieure de la Colombie-Britannique. Dans de telles circonstances, les sociétés ferroviaires n'ont pas beaucoup de solutions de rechange pour éviter les secteurs touchés, ce qui nous empêche d'acheminer nos produits jusqu'au port.
Le troisième aspect est la logistique liée aux conteneurs et aux ports. La question a déjà été évoquée, mais notre capacité d'acheminer les produits aux ports dépend de notre capacité d'assurer le transit aux ports et l'embarquement sur les navires. La congestion portuaire, le manque de transporteurs maritimes qui entrent aux ports, les traversées à vide, la pénurie de conteneurs et le volume de conteneurs maritimes vides qui repartent pour l’Asie sont des problèmes importants qui ne représentent que quelques-uns des problèmes que nous voulons soulever.
Voilà ma déclaration, essentiellement. Je tiens à vous remercier encore une fois de l'occasion de témoigner devant le Comité.
Je vous remercie.
:
Merci beaucoup, monsieur Beusekom.
Lethbridge est le domicile des Hurricanes de Lethbridge, un bon programme de hockey junior. Go Hurricanes, go!
Chers collègues, nous n'avons pas beaucoup de temps, malheureusement. Je tiens à préciser que nous ferons seulement une série de questions de six minutes. Je crois que nous commencerons avec M. Lehoux.
Si les libéraux et les conservateurs veulent partager leur temps, vous êtes libres de le faire.
Monsieur Lehoux, allez‑y.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je vais partager mon temps de parole avec ma collègue Mme Rood.
Je remercie les témoins d'être avec nous.
Ma question s'adresse à vous, madame Sullivan. Vous avez dit que la main‑d'œuvre était le problème le plus important éprouvé par l'industrie. Vous avez mentionné qu'un plan au sujet de la main‑d'œuvre avait été préparé avec une centaine d'intervenants.
Y a-t-il, dans ce plan, deux ou trois mesures prioritaires, qui pourraient être mises en application le plus rapidement possible?
Pourriez-vous donner des précisions à ce sujet?
:
Le groupe de travail sur la chaîne d'approvisionnement a recommandé la création d'un bureau de la chaîne d'approvisionnement. Je pense que nous devons envisager une solution semblable pour le système alimentaire, qui compte littéralement des centaines de milliers de fermes, des dizaines de milliers de points de vente au détail et de transformateurs alimentaires. Au quotidien, la coordination des activités du système alimentaire est excellente. Le véritable défi découle des événements inattendus.
En effet, je pense qu'une surveillance concertée — une approche pangouvernementale, comme cela a été évoqué avec le groupe précédent — est l'une des mesures concrètes que peuvent prendre les gouvernements pour s'acquitter de leur rôle. Ils peuvent aussi prendre des mesures concrètes pour assurer une véritable coordination entre les divers ordres de gouvernement, même jusqu'aux plus grandes municipalités.
En outre, ils peuvent examiner diverses solutions, par exemple la numérisation de l'information dans l'ensemble de la chaîne afin de rendre disponibles les informations non concurrentielles de façon à faciliter et accélérer la prise de décisions. Enfin, ils peuvent entreprendre une étude pour déterminer les facteurs critiques et les facteurs de risque dans l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement et trouver un mécanisme pour mobiliser adéquatement les acteurs du milieu, en cas de problème, afin qu'ils puissent collaborer pour le résoudre.
Voilà quelques-unes des mesures concrètes que les gouvernements peuvent prendre pour jouer le rôle qu'ils peuvent jouer. Ils ne peuvent pas régler tous les problèmes, mais je pense que les gouvernements ont un rôle très important à jouer à cet égard.
:
Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec M. Louis, l'excellent député de Kitchener—Conestoga.
Je veux remercier tous les témoins d'être parmi nous.
Une de mes questions s'adresse à M. Paul.
Vous avez souligné l'importance du Fonds national des corridors commerciaux. On m'a souvent parlé de problèmes liés à certains obstacles, que ce soit au port ou sur les chemins de fer. Bien entendu, les ressources se font toujours rares. On ne peut investir partout en même temps, et la disponibilité de la main-d'œuvre pose problème.
De votre point de vue, comment pourrions-nous le plus rentabiliser nos investissements pour déboucher la congestion de la chaîne d'approvisionnement, là où cette congestion se produit?
:
Je pense que le plus avantageux consiste à construire des parcs de logistique de grande envergure ou des projets d'infrastructures pour la chaîne d'approvisionnement.
À titre d'exemple, nous essayons de déménager d'un site de 12 acres — où nous nous trouvons actuellement, à Montréal — vers un site de 60 acres adjacent au port de Montréal. Ce changement nous aiderait, mais il accroîtrait aussi la facilité du transport.
Je crois que l'accent devrait être mis sur les solutions de croissance pouvant être réalisées rapidement et comptant des éléments essentiels déjà en place. Je remarque en effet que de nombreuses propositions dans différents projets s'apparentent plutôt à des idées de transition. Elles se concrétiseront peut-être dans deux, trois ou quatre ans. Or, c'est aux projets qui sont pratiquement clés en main qu'on devrait accorder notre attention. La mobilisation pourra dès lors s'amorcer.
Comme je l'ai déjà mentionné, les projets dans le reste du monde prennent forme beaucoup plus rapidement qu'au Canada. Lorsque nous rattrapons notre retard par rapport à ces initiatives, nous traînons déjà de la patte par rapport à d'autres initiatives voyant le jour ailleurs.
:
La liste est longue, mais je crois que la priorité consiste à se concentrer sur la main-d'œuvre.
Je le répète: à cet égard, je crois que nous devrions accorder notre attention aux travailleurs étrangers. Nous devons veiller à ce que ces travailleurs étrangers puissent venir au Canada, à ce qu'ils... Personne ne veut imposer de lieux de travail aux travailleurs, mais je crois qu'il faut les inciter à travailler dans les secteurs d'infrastructures essentielles.
Nous devons aussi réfléchir au long terme. La bonne nouvelle est que l'industrie s'est approprié l'élaboration d'une stratégie à long terme pour la main-d'œuvre. Le gouvernement fédéral doit vraiment appuyer cette initiative. Par exemple, je crois qu'ISDE a un rôle à jouer pour déterminer comment mieux appuyer l'adoption des technologies graduelles dans le secteur de la fabrication des aliments et des boissons. Nous accusons du retard par rapport à d'autres industries de la fabrication au Canada et par rapport à d'autres industries de la transformation alimentaire dans d'autres pays. Nous devons à tout prix remédier à la situation.
Je crois que nous devons réfléchir aux façons de mieux se préparer aux urgences et de mieux les affronter lorsqu'elles surviennent. Nous avons traversé la pandémie, pendant laquelle nous avons tiré de nombreuses leçons. Toutefois, même depuis le début de la pandémie, nous avons connu de multiples arrêts de travail. Nous avons subi des fermetures de frontières et de graves événements météorologiques. Chaque année, nous sommes assaillis par des événements climatiques ne se produisant qu'une fois au cours d'une vie. Nous devons être beaucoup mieux préparés à ces événements lorsqu'ils se produisent, mais nous devons aussi bien nous remettre sur pied par la suite.
Voilà trois des grandes priorités que j'examinerais.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous nos témoins de comparaître devant nous aujourd'hui.
Madame Sullivan, étant donné vos commentaires sur le déséquilibre de pouvoir et le code de conduite pour les détaillants en alimentation, vous pourriez être un témoin précieux dans le cadre de notre prochaine étude où nous examinerons les prix élevés des aliments et la répartition du pouvoir dans le marché des détaillants alimentaires.
Pour revenir à vos observations sur la main-d'œuvre, notre pays traverse vraiment une drôle d'époque: nous avons vécu deux années et demie éprouvantes qui ont tout bouleversé. Notre pays compte maintenant un nombre record de familles ayant recours aux banques alimentaires. Nous savons que l'inflation tenaille grandement de nombreuses familles canadiennes. Simultanément, les affiches annonçant la recherche d'employés pullulent. Nous baignons dans une étrange conjoncture.
Vous avez mentionné qu'il manque 20 % d'employés dans votre industrie. Je sais que, dans ma circonscription de Cowichan—Malahat—Langford, on dirait que toutes les entreprises — des restaurants aux petits fabricants — ont un besoin criant de main-d'œuvre. La pénurie tourmente toutes les entreprises. Voilà la curieuse époque dans laquelle nous vivons. Je ne me souviens d'aucune période récente où autant de postes étaient vacants alors qu'autant de personnes se démenaient.
Je me pose une question. Vous avez parlé de l'élaboration d'un plan stratégique sur la main-d'œuvre dirigé par l'industrie. Je sais que bon nombre d'entreprises et d'usines de fabrication parmi vos membres dénombrent des employés syndiqués. Les TUAC représentent bien entendu le grand syndicat dans votre secteur au Canada. Je pense qu'il est dans l'intérêt des syndicats — en particulier pour les TUAC — de faire croître leur nombre de membres.
Je me demande quelle est la teneur des conversations avec les syndicats. Sont-ils en mesure de proposer des idées novatrices, de l'aide tirant parti de leur expertise ou toute autre piste de solution pour intéresser plus de personnes talentueuses d'ici aux débouchés existants?
:
Je n'ai pas beaucoup discuté directement avec les syndicats récemment.
Tout d'abord, je dirai, comme vous l'avez soulevé, que notre industrie est assez fortement syndiquée. Les syndicats et la gestion gèrent leurs relations qui, tout compte fait, semblent assez harmonieuses. Bien entendu, nous ne décourageons pas la syndicalisation et nous l'accueillons favorablement dans notre secteur.
Au printemps, lorsque nous avons demandé au gouvernement fédéral de mettre en œuvre des changements au programme de travailleurs étrangers temporaires, nous avions même en notre possession des lettres d'appui de syndicats. Bien entendu, quand des travailleurs étrangers intègrent une usine syndiquée, ces travailleurs deviennent automatiquement membres du syndicat. Ils se prévalent des mêmes avantages et protections que tout autre travailleur; à vrai dire, c'est le cas, que l'usine soit syndiquée ou non. Alors que nous nous attelons au cadre stratégique, je crois que nous multiplierons les discussions.
Un ancien président de notre organisation a déjà affirmé que, si nous prenions toutes les mesures qui s'imposent, nous ne nous heurterions plus à des problèmes. Je n'entends pas par là que nous ne nous remuons pas suffisamment, mais nous devons manifestement commencer à réfléchir à faire les choses différemment. Il faudra entre autres discuter avec des intervenants avec qui nous n'interagissons pas beaucoup, y compris les Autochtones du Canada et des groupes qui sont peut-être sous-représentés. Il faut déterminer comment inciter plus de travailleurs à s'ajouter à cette main-d'œuvre. Le défi réside bien sûr dans le fait qu'on finit par débaucher des employés, ce qui empire le sort de leurs anciens employeurs.
Au bout du compte, nous devons saisir comment aborder les Canadiens qui ne font pas partie de la population active ou qui ne sont pas des travailleurs complètement actifs. Il nous faut comprendre comment les inciter et les aider à surmonter les obstacles pour intégrer le monde du travail. Comment examiner les endroits où se trouvent les groupes qui ne travaillent pas? Ils ne se trouvent peut-être pas aux endroits où nous avons besoin d'eux.
Un facteur vraiment critique est que, bien souvent, des travailleurs sont disponibles, mais ils ne possèdent pas les compétences nécessaires. Nous composons avec un énorme fossé de compétences. Nous répétons souvent que les métiers spécialisés sont touchés par une pénurie, mais nous constatons souvent un fossé de compétences dans tous les emplois. Nous devons également nous pencher sur ces emplois.
Pour conclure, tous ces éléments composent le projet auquel nous travaillons.
:
Je ne détiens pas de statistiques à ce sujet. Je dirai néanmoins que nous constatons — tout comme vous, qui parlez à vos électeurs — que les coûts liés à la chaîne d'approvisionnement augmentent, qu'on pense aux coûts des carburants ou simplement aux coûts des biens de remplacement et aux coûts de main-d'œuvre. Simultanément, nous éprouvons énormément de mal à transférer l'intégralité de ces coûts aux consommateurs qui sont déjà tourmentés par l'inflation du prix des aliments. La situation fait donc boule de neige dans le secteur de la fabrication, ce qui devient un problème.
Je dirais toutefois que le plus gros obstacle demeure la main-d'œuvre. En ce qui a trait au resserrement ou aux regroupements, un fabricant peut finir par se dire: « Je possède une usine dans une province. Je ne réussis pas à trouver assez de travailleurs, alors je n'aurai peut-être d'autres choix que de transférer toute cette production vers une usine dans une province voisine afin d'y regrouper mes activités. » Au bout du compte, nous recenserons un nombre réduit de fabricants alimentaires qui se concentreront au sein de compagnies de plus en plus grandes.
Quelqu'un avancera peut-être que la viabilité de 7 000 ou 8 000 fabricants de produits alimentaires est impossible s'il s'agit exclusivement de petites entreprises. Je rétorquerais que les petits fabricants suscitent une grande partie de l'appui pour la sécurité alimentaire locale. Aussi, une grande part de la créativité, du développement de produits et de l'innovation dans notre industrie... BC Food & Beverage, tout près de chez vous, organise une remise de prix phénoménale chaque année afin de mettre en valeur tous les produits novateurs provenant de la Colombie-Britannique, qui sont surtout le fruit du travail de fabricants de petite et moyenne taille. Vous devriez être incroyablement fiers des produits de votre province.
À mon avis, il serait triste d'assister à un trop grand nombre de regroupements et à une forte concentration des entreprises de transformation alimentaire, mais je crois qu'on commencera à voir ce phénomène.
:
Je vous remercie beaucoup, madame Sullivan et monsieur MacGregor.
Chers collègues, c'est ce qui met fin au temps imparti avec les témoins, mais ne vous éloignez pas trop, car nous devons nous occuper de quelques travaux du Comité.
Mais auparavant, je tiens à remercier tous nos témoins — Mme Sullivan qui se trouve dans la salle, M. Paul sur la vidéoconférence et M. Beusekom — de leurs témoignages et de leurs contributions aujourd'hui. Je vais vous libérer, car nous avons environ 10 minutes pour les travaux du Comité.
Madame la greffière, pourriez-vous libérer les personnes en ligne? Je sais que Mme Sullivan connaît le chemin.
Chers collègues, nous procéderons assez rapidement, mais je dois aborder quatre points avec vous.
Tout d'abord, nous savons qu'à notre retour de la semaine de relâche, c'est‑à‑dire le 14 novembre, nous entamerons l'étude article par article du projet de loi . J'ai consulté la greffière. Nous vous demandons d'envoyer tout amendement proposé à la greffière et aux conseillers législatifs d'ici le 10 novembre à midi, s'il vous plaît. Je vous remercie.
J'ai besoin du consentement unanime pour adopter cette proposition. Je ne pense pas que cela posera problème.
Des députés: D'accord.
:
Nous allons nous assurer que la greffière communique avec vous, monsieur MacGregor, car il s'agira probablement de votre amendement. Nous allons donc nous assurer de faire cela, mais tous les autres peuvent procéder. Nous veillerons à ce que tout cela soit réglé, monsieur MacGregor, car nous avons besoin de cet amendement avant le 9 novembre, à midi.
Chers collègues, j'aimerais connaître votre avis sur les progrès de notre étude sur l'insécurité alimentaire mondiale. Nous avons maintenant entendu quelques témoins. Je pense que nous en sommes probablement au point où nous pourrions commencer à rédiger un rapport et le présenter à la Chambre.
J'ai discuté d'une ébauche de calendrier avec la greffière aujourd'hui. J'ai proposé, du moins à l'interne… J'aimerais obtenir vos commentaires sur la possibilité que notre dernière séance sur ce sujet ait lieu le 16 novembre. Pendant la première heure, nous entendrions trois ou quatre témoins parmi ceux qui n'ont pas encore comparu, à la discrétion des analystes. Ce serait donc pour la première heure. Ensuite, pendant la deuxième heure, nous pourrions fournir aux analystes nos recommandations et commentaires principaux, puis les laisser commencer la rédaction du rapport. Cela convient‑il à tout le monde? J'aimerais avoir votre avis sur la question.
Nous sommes donc d'accord. C'est très bien. Nous procéderons donc de cette façon. La réunion du 14 novembre sera consacrée au projet de loi . Ensuite, nous entendrons des témoins pendant la première heure de la réunion du 16 novembre et nous formulerons nos commentaires aux analystes pendant la deuxième heure.
Le troisième point — et je remercie M. Drouin de me l'avoir rappelé —, c'est que le Budget supplémentaire des dépenses n'a pas encore été déposé. Je présume qu'il le sera à un moment donné et j'aimerais savoir si les membres du Comité souhaitent que la comparaisse au sujet du Budget supplémentaire des dépenses lorsqu'il sera déposé.
Un député: Oui.
Le président: D'accord. Tout ce que je demande, c'est qu'à ce moment‑là, vous m'autorisiez à travailler avec la greffière et l'équipe du cabinet de la pour déterminer la date à laquelle elle pourrait comparaître devant le Comité. Êtes-vous d'accord?
Des députés: D'accord.
Le président: D'accord.
Monsieur MacGregor, je vois que vous avez levé la main. Avez-vous quelque chose à ajouter?
:
Je le ferai avec plaisir. Nous enverrons une autre communication.
Je vous remercie, monsieur Lehoux.
Si vous me le permettez, j'aimerais aborder un dernier point, car nous avons reçu une lettre du président et premier dirigeant du Centre canadien pour l'intégrité des aliments, et je vais m'assurer que la greffière vous la distribue. Je pense qu'elle m'a été envoyée en ma qualité de président du Comité, mais elle traite de la confiance et des sentiments des Canadiens à l'égard du système alimentaire. Cela pourrait être pertinent dans le cadre des questions que nous aborderons lorsque nous entamerons notre étude sur les aliments. Je vais donc demander à la greffière de vous faire suivre ce courriel, ainsi que la pièce jointe. Le représentant de cet organisme tient simplement à nous faire savoir que si son organisme peut nous être utile pour une séance d'information ou une discussion, ce sera tout à fait possible.
Comme nous tentons de remplir notre calendrier et qu'il faudra jongler avec deux, trois ou quatre choses, l'étude sur les aliments et la possibilité de terminer le rapport sur l'insécurité alimentaire mondiale, pourquoi ne pas en discuter à notre retour de la semaine de relâche? Si vous le voulez, nous pourrions aussi utiliser une réunion pour planifier cela. Il vous sera donc envoyé à titre d'information. Je voulais seulement soulever la question ici.
Je ne pense pas avoir autre chose à vous dire. Je vous remercie de m'avoir accordé ce temps supplémentaire. Nous allons maintenant mettre fin à la réunion. Je vous remercie.
La séance est levée.