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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 129 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 26 février 2019

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    Je déclare ouverte la séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
    Nous nous réunissons ce matin pour discuter du projet de loi S-240, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (trafic d’organes humains).
    Nous accueillons le parrain du projet de loi à la Chambre, le député Garnett Genuis, qui va nous présenter son témoignage, après quoi les membres du Comité lui poseront des questions. Étant donné que le projet de loi suscite beaucoup d’intérêt dans la salle, pourquoi ne pas laisser le député Genuis nous livrer tout de suite son témoignage? Nous pourrons ensuite permettre les échanges.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, chers collègues.
    Je voudrais commencer par souligner tout le travail que la sénatrice Ataullahjan a mis dans le projet de loi, et celui que d'autres ont consacré à des projets de loi semblables. Je songe à M. Wrzesnewskyj, ici présent, qui a mis la question sur le tapis il y a 10 ans, ainsi qu'à Irwin Cotler, qui a tant fait et qui a apporté son soutien tout au long du parcours.
    Le projet de loi propose d’ériger en infraction criminelle le fait de se rendre à l’étranger pour recevoir un organe prélevé sans le consentement du donneur. Il crée un mécanisme qui permet d'interdire de territoire au Canada toute personne qui a participé au prélèvement d’organes. Ces dispositions s'appliquent à un certain nombre de situations différentes. Il constitue une réaction à la situation qui existe en Chine, où la politique d'État permet le prélèvement d’organes vitaux sur des prisonniers vivants et souvent éveillés. Il s'agit aussi de lutter contre le prélèvement d'organes par coercition et exploitation dans des situations qui échappent même aux autorités locales bien intentionnées.
    Dans les 10 minutes dont je dispose, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de revoir en détail tous les aspects de la question, car cette information se trouve déjà dans les comptes rendus des délibérations parlementaires: le prélèvement d’organes constitue un problème; le Parlement a le droit légitime, et même l’obligation morale, d’y réagir; l’application de la compétence extraterritoriale est acceptable dans ce cas-ci. Ce sont là autant de points qui ont été bien expliqués au cours des débats parlementaires, mais il va sans dire que je pourrai y revenir avec plaisir pendant la période de questions.
    Je voudrais faire quelques observations au sujet de l’impact du projet de loi et des contraintes de temps dont il faut tenir compte. À propos de l'impact, d'abord, je dirai qu'il y a eu débat à la Chambre sur la nécessité de certaines dispositions du texte et le fardeau que d'autres pourraient constituer.
    Un député a fait valoir que la disposition d’interdiction de territoire n’est peut-être pas nécessaire, parce que les personnes impliquées dans le prélèvement d’organes pourraient être interdites de territoire pour d’autres motifs. Un autre député s'est demandé si les éléments de droit pénal pouvaient être intégrés à d’autres lois. Certains députés ont dit qu’il n’y a pas d'activités de cette nature au Canada, que l'on sache, et un député a soutenu que les poursuites en vertu de cette loi pourraient coûter cher, car il faudrait que les procureurs recueillent des preuves dans d’autres pays.
    Je rejette bon nombre de ces arguments. J’ai répliqué que les poursuites extraterritoriales sont plus faciles dans ce cas, puisque le receveur apporte avec lui des preuves matérielles et qu’il faut des soins après l'opération. J’ai ajouté que, même si le prélèvement d’organes au Canada est déjà illégal, le projet de loi crée un nouveau mécanisme grâce auquel ce crime pourrait faire l'objet de poursuites s’il avait lieu à l'étranger. La présence ou l’absence de cas documentés de prélèvement d’organes ici, au Canada, est vraiment une question qui n'a rien à voir.
    À mon avis, aucune disposition du projet de loi ne fait double emploi, aucune n'est inutile. Les dispositions relatives à l’extraterritorialité sont essentielles, mais d’autres aspects des dispositions pénales sont significatifs, nouveaux et importants.
    Mettons que je me trompe. Mettons que le projet de loi soit, en fait, difficile à appliquer à l'occasion et qu’il fasse double emploi. Si c’est le cas, il ne fera pas grand bien, mais il ne fera pas de mal non plus. Précisons qu'il ne peut y avoir des poursuites en vertu de ces dispositions que si le procureur général l’autorise. Si une poursuite est trop lourde dans un cas donné, il suffit de ne pas l’autoriser. L’obligation d’obtenir cette autorisation est une solide protection contre un exercice de ces pouvoirs qui soit déraisonnable ou contraire à l'intérêt public. Si les dispositions relatives à l’immigration font double emploi, ce que je ne crois pas, alors quoi? Qui souffrira du fait qu'on insiste davantage sur l’interdiction de territoire?
    S’il est une chose que personne ne niera, c'est que l’adoption du projet de loi fera clairement comprendre que le Parlement et le Canada sont résolus à lutter contre le prélèvement forcé d’organes. Ce que je veux dire, chers collègues, c’est que le pire que les plus virulents critiques du projet de loi puissent dire, c'est qu'il aura peu d’impact. Je ne suis pas d’accord avec eux, mais même s'ils ont raison, nous ne perdons rien en adoptant le projet de loi. Au pire, il aura un effet positif symbolique, mais au mieux, il sauvera la vie de quelques femmes, hommes et enfants parmi les plus vulnérables en réduisant la demande d’organes. Si nous pouvons amener d’autres pays à emboîter le pas, il y aura des répercussions plus importantes sur la vie de certaines des personnes les plus défavorisées du monde.
    Que vous croyiez que les répercussions du projet de loi seront importantes ou modestes, j’espère que vous l'adopterez rapidement.
    Au sujet des contraintes de temps, les députés savent qu'il y aura des élections cette année. Il a fallu la majeure partie de la session en cours pour que le projet de loi franchisse toutes les étapes du processus. Il n’est ni rapide ni facile de faire adopter un projet de loi d’initiative parlementaire de fond, et c’est pourquoi de nombreux projets de loi formidables sur le sujet sont restés en plan au cours des 10 dernières années. Si nous n'adoptons pas celui-ci, combien de temps encore les victimes devront-elles attendre? Quatre ans? Dix ans?
    Faisons tout notre possible pour accélérer l’adoption du projet de loi, pour que nous puissions regarder nos enfants dans les yeux et leur dire que nous n’avons pas seulement discuté de bonnes idées, mais que nous avons aussi accompli de belles choses.
    Je remercie le Comité et vous, monsieur le président, d'avoir accepté que nous passions rapidement à l’étude article par article. Elle donnera aux membres du Comité l'occasion de proposer des amendements. Je ferai remarquer que le comité sénatorial a étudié le projet de loi et l'a amendé en profondeur et de façon constructive. Le texte s'appuie sur un travail juridique fouillé, notamment celui de l’ancien ministre de la Justice, Irwin Cotler.
    Si les députés jugent indispensable d’amender le projet de loi avant de l’adopter, ils ont certainement le droit de le faire. Il y aurait encore une chance de le faire adopter avant les prochaines élections.
     Toutefois, mes collègues ne sont pas sans savoir que, s’il est adopté dans sa forme actuelle, le projet de loi passera directement à la sanction royale, et nous aurons certainement fait quelque chose de bien pour les victimes et leurs familles. La démarche sera plus compliquée si le projet de loi est amendé et renvoyé au Sénat, car rien ne garantit que nos nouvelles révisions plairont au Sénat.
    Les règles du Sénat sont différentes des nôtres. À l’approche des élections fédérales, il suffirait qu’un sénateur décide d’ajourner le débat à son nom. Cela ferait obstacle à l'adoption du projet de loi.
    Dans des circonstances différentes, j’aurais probablement moi-même proposé des amendements mineurs aujourd’hui, mais nous devons prendre acte des circonstances. Le temps presse. Je recommande sincèrement l'adoption du projet de loi tel quel pour qu'il soit édicté avant les prochaines élections.
    J’espère que les députés qui veulent proposer des amendements ont pu consulter le Sénat pour s’assurer qu’il adoptera rapidement la version modifiée.
    Si nous éviscérons le projet de loi, comme certains semblent vouloir le faire, nous nous trouverons évidemment dans une situation bien pire. Même chose si nous le renforçons légèrement, sans pouvoir achever le travail avant les prochaines élections. Je propose que nous envisagions d’appuyer le projet de loi tel quel de façon à rendre justice aux victimes.
     Dans ce cas-ci, une lacune béante de la loi permet aux Canadiens d’être complices d’une grave violation des droits de la personne. L'édifice des droits de la personne est comme un navire qui aurait un trou béant au flanc. Reconnaissant l’urgence de la situation, nous devons colmater la brèche, quitte à apporter des améliorations par la suite.
    Si le Comité accepte d’adopter le projet de loi tel quel dès aujourd’hui ou cette semaine, nos chances de le faire aboutir avant la fin de la législature en cours sont excellentes. Il y a eu 4 projets de loi à ce sujet en 10 ans. Celui-ci constitue l’aboutissement du travail de certains des meilleurs spécialistes des droits de la personne au monde, comme Irwin Cotler, David Matas et David Kilgour.
    Permettez-moi de conclure sur une note personnelle. Les députés savent, je crois, que ma grand-mère a survécu à l’Holocauste. Elle a échappé aux rafles. Elle qui n'avait aucun privilège, elle a évité la torture dans les camps de concentration grâce à des gens de son milieu qui étaient plus privilégiés et qui étaient prêts à la protéger et à réclamer la justice lorsque c'était possible.
    Nous, députés en exercice, nous avons tous une forme de privilège. Nous pouvons choisir d'en profiter pour défendre nos intérêts et ceux de notre tribu, ou alors pour défendre ceux qui ne peuvent pas se faire entendre. Nous pouvons nous porter à la défense des pauvres et de ceux qui souffrent dans le monde, comme ma grand-mère à l’époque. Elle ne pouvait parler de sa détresse à aucun parlement, à aucun comité.
    Nous pouvons défendre nos propres intérêts ou nous faire les avocats de ceux qui ne peuvent pas se faire entendre.
    Aujourd’hui, en République populaire de Chine, des musulmans ouïghours sont envoyés dans des camps de concentration, on fait exploser des églises à la dynamite et une foule de gens se font tuer parce qu'on veut prélever leurs organes.
    Il y a un ou deux ans, je me trouvais à Berlin et j’ai passé du temps à explorer l’histoire et à chercher les monuments commémoratifs de l’Holocauste. Il a été saisissant de voir les quartiers très peuplés d'où les juifs ont été expédiés par train vers les camps de concentration. J'ai compris que les habitants de ces quartiers pouvaient voir ce qui se passait. J’ai visité Sachsenhausen, en périphérie de Berlin, au coeur d’une banlieue de la ville. Un grand nombre de ces atrocités n’étaient pas bien cachées. Les gens ordinaires en étaient témoins, ils étaient au courant, mais ils n'en ont pas fait assez pour y mettre un terme.
    Pourquoi ne l'ont-ils pas fait?
    Trop souvent, les gens cherchent des prétextes pour ne pas faire ce qu'il faut pour mettre fin à l’injustice, préférant faire diversion. C’est-à-dire qu’ils s’empêtrent dans des détails mineurs ou s'arrêtent à des faits sans aucune pertinence pour éviter de voir le vrai problème: l’injustice dont des innocents sont victimes. À propos des horreurs de la traite des esclaves, William Wilberforce a dit: « Vous pouvez décider de détourner le regard, mais vous ne pourrez plus jamais prétendre que vous ne saviez pas. »
    Je le dis aux membres du Comité: vous êtes au courant, car vous avez lu des comptes rendus et vous avez entendu parler des horreurs commises de nos jours, comme les violations des droits de la personne, le prélèvement d’organes, le trafic d'êtres humains et la complicité de certains Canadiens. Nous devons faire tout notre possible pour mettre un terme à ces horreurs.
    Adoptons le projet de loi pour qu’il devienne loi le plus tôt possible. Maximisons nos chances de succès en tenant compte du processus législatif tel qu’il est. Tout comme l’auditoire de William Wilberforce, vous et tous ceux qui nous regardent à la maison pouvez choisir de détourner le regard, mais vous ne pourrez plus jamais dire que vous ne saviez pas.
(0855)
    Merci beaucoup, monsieur Genuis. Votre dévouement à cette cause transparaît à l'évidence dans vos propos. Nous y sommes sensibles.
    Passons directement aux questions. Nous allons commencer par M. le député Aboultaif, s’il vous plaît.
     Merci, Garnett, d’avoir parrainé le projet de loi. Félicitations pour vos efforts. Ce texte me semble extrêmement important et j'espère qu’il sera adopté. Je sais qu'il changera quelque chose pour des milliers de personnes.
    Je sais aussi que le projet de loi vous tient à coeur. Vous avez présenté un projet de loi semblable, le C-350. Il est ancré en vous. Je sais que vous tenez à cette mesure.
    Croyez-vous que votre projet de loi, le C-350, est complémentaire du S-240?
    Ce texte va-t-il offrir la protection que vous aviez en tête en proposant le projet de loi C-350?
     J’ai présenté le projet de loi C-350 au Parlement. Le projet de loi S-240 est très semblable. La sénatrice Ataullahjan l'a présenté au Sénat. Même si certains détails diffèrent légèrement, ces projets de loi font essentiellement la même chose.
    Les deux projets de loi n’ont jamais été conçus pour être adoptés tous les deux. Il s’agissait simplement de tenir compte de la différence dans le processus législatif. Certains aspects du Règlement du Sénat et du Règlement de la Chambre des communes donnent différentes occasions de faire avancer des projets de loi à différents moments.
    Il semble que la principale raison du prélèvement et du trafic d’organes soit le manque de donneurs légaux. Je préconise le recours, en toute légalité, à des donneurs vivants, qu’il s’agisse du don de tissus ou d’organes.
     Le projet de loi S-240 peut vraiment aider à réduire la demande d’organes en interdisant explicitement le trafic d’organes et en prévoyant des sanctions contre ceux qui tentent de s'y livrer. Croyez-vous, dans ce cas-ci, que le gouvernement du Canada puisse avoir une influence décisive en collaborant avec les provinces pour régler le problème de l’approvisionnement également, grâce à un registre national des organes, comme je l’ai déjà proposé dans le projet de loi C-223, et comme deux autres députés l’ont proposé?
(0900)
    Lorsqu’un Canadien se rend à l’étranger pour recevoir un organe prélevé sans le consentement du donneur, nous savons qu’il encourage et appuie une pratique très condamnable, soit le prélèvement d'organes sous la contrainte, sans le consentement du donneur. Pour mettre un terme à cette pratique, il nous faut des mécanismes législatifs comme ceux dont nous discutons aujourd’hui.
    Toutefois, il me semble raisonnable et important de penser aussi à ceux qui sont dans une situation désespérée parce que l'offre d'organes est limitée. C’est pourquoi j’ai appuyé volontiers votre initiative parlementaire. Merci de votre excellent travail. J’ai aussi appuyé avec plaisir le projet de loi d’initiative parlementaire de notre collègue Len Webber, qui permettrait au contribuable d'indiquer dans les formulaires de déclaration de revenus qu'il est disposé à donner ses organes. Cela faciliterait également l’augmentation de l’offre. J’ai été très heureux de constater que le projet de loi de M. Webber est solidement appuyé par tous les partis.
    Il est intéressant de s'attaquer au problème sous différents angles. C’est le même vieux débat: il faut lutter contre le crime et lutter contre les causes du crime. L'un n'exclut pas l'autre. Nous pouvons et nous devons agir sur les deux plans.
    Espérons qu’en abordant le problème sous les deux angles, nous maximiserons nos chances de succès.
    Le projet de loi peut aborder de nombreux domaines différents et atteindre de nombreux objectifs. L’un d’eux est le don d’organes. J’espère que l’appui que le parti ministériel et les autres partis donnent aux deux autres projets de loi déjà à l’étude à la Chambre se transposera en appui pour celui-ci. Je profite de l’occasion pour demander à tous les partis d’appuyer cette mesure pour que nous puissions faire d'une pierre deux coups et obtenir le résultat dont nous avons besoin.
    Je vous laisse le soin de faire les dernières observations. À mon avis, c’est un angle très important sous lequel aborder le projet de loi. C’est une chose qui mérite beaucoup d’attention. Nous devrions faire comprendre à tous les députés que c’est aussi un élément très important du projet de loi.
    Merci beaucoup de vos propos et de votre appui. Ces questions étaient difficiles, mais justes, et je vous en remercie.
    Si vous me le permettez, je voudrais ajouter un point au sujet des dispositions relatives à l’interdiction de territoire. J'ai négligé d'en parler dans mes observations liminaires. Les dispositions actuelles de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés concernant l’interdiction de territoire portent sur la grande criminalité comme motif d’interdiction de territoire.
    Parfois, lorsqu’il s’agit de prélèvement d’organes, il arrive que les auteurs de ces actes n’enfreignent aucune loi dans le pays où ils se trouvent, mais il s'agit tout de même de violations flagrantes des droits de la personne. C’est l’une des raisons pour lesquelles les dispositions sur l’immigration qui figurent dans le projet de loi me semblent très importantes. Des gens pourraient se conformer à des ordres et commettre de terribles violations des droits de la personne dans un pays comme la Chine, où la politique d’État permet ces prélèvements. Ces personnes devraient tout de même être visées par les dispositions relatives à l’interdiction de territoire, parce qu’elles sont impliquées dans une violation flagrante des droits de la personne.
    C’est un point important sur lequel le projet de loi fait avancer la discussion. Et il y a des cas où des gens pourraient participer au prélèvement d’organes et enfreindre également la loi dans le pays où ils se trouvent, et ils pourraient être considérés comme interdits de territoire pour les deux motifs. Mais il y a certainement des cas où les nouvelles dispositions sont nécessaires.
    Je voulais simplement ajouter ces précisions à ce que j’ai dit au début.
     Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Wrzesnewskyj.
(0905)
    Permettez-moi d’abord de remercier M. Genuis d’avoir parrainé cette mesure législative. Il a évoqué le long parcours qui nous a menés jusqu'ici. De fait, tout a commencé il y a 11 ans. Le 5 février 2008, au cours de la 39e législature, j’ai présenté le projet de loi C-500 pour la première fois. Vous comprendrez que mes attentes et mon anxiété sont très grandes. Je crois que le Comité peut boucler son examen du projet de loi cette semaine. Voilà qui représenterait un excellent exemple, dans le contexte difficile qui prévaut actuellement à la Chambre, de parlementaires qui font ce qui doit être fait dans un dossier d'une grande importance. Nous avons l’appui de tous les partis. Nous avons l’appui des deux chambres du Parlement. Ce n'est pas souvent que l'on voit ce genre de soutien. Ce sera l'occasion de démontrer que le corps législatif et les législateurs font un travail essentiel.
     Vous avez mentionné l’excellent travail accompli par David Matas et David Kilgour. Ils ont mis en lumière ce que l'on pourrait désigner comme les pires fléaux de notre époque. Ces maux ne prennent pas la même forme que dans les cas de génocides, sans doute, mais je renvoie à ce que vous avez dit lorsque vous avez parlé de votre grand-mère. Il faut remonter à la Seconde Guerre mondiale voir un État ou un gouvernement commettre des horreurs humaines à une échelle industrielle. La Chine a tiré profit d’un système à grande échelle servant à cannibaliser, au sens propre, le corps des personnes les plus vulnérables — des gens incarcérés en raison de leurs croyances.
    On vous adressera des questions difficiles, comme vous l’avez évoqué. Ma question n'en sera pas vraiment une. J’aimerais que vous nous expliquiez plus en détail pourquoi il est si important que nous fassions cela. L'enjeu est apparu il y a 10 ou 12 ans à la confluence d'un certain nombre d'événements sur la scène internationale. Mentionnons l'évolution de la technologie médicale: il y a 20 ou 30 ans, la technologie n'était pas assez perfectionnée pour permettre d'accomplir ce genre de greffe. Notons aussi les écarts de richesse à l'échelle mondiale: d'un côté, les riches occidentaux, de l'autre, des Chinois, mais aussi des agriculteurs indiens sans ressources qui deviennent victimes de ce type de traite. En Ukraine, des orphelins de 17 ans en sont victimes. Les personnes les plus vulnérables dans le monde font les frais de cet horrible commerce d’organes humains. À ceux qui diraient que c'est un phénomène lointain qui ne les concerne pas, je répondrai qu'ils se trompent.
    Il me semble que c'est dans la semaine suivant ma présentation du projet de loi le 5 février 2008 que le Toronto Star a publié des articles à la une au sujet du « Dr Horreur » de Brampton, lequel vivait très confortablement dans un manoir au Canada tout en possédant un ensemble de cliniques en Inde dans lesquelles les plus vulnérables étaient exploités. On promettait des sommes importantes aux agriculteurs démunis, dont certains n'ont jamais reçu l'argent promis. Il n'est pas sûr qu'on ait expliqué à ces victimes qu’on ne peut donner qu’un seul rein et non pas deux.
(0910)
     Pour conclure ma déclaration de soutien, je dirai qu’il s’agit d’un commerce horrible. On voit s'accentuer toutes les tendances qui ont fait apparaître ce commerce en accroissant les disparités de revenu et le nombre de personnes rendues vulnérables par la technologie médicale.
     Nous devrions être un chef de file à ce chapitre. Nous pouvons devenir un modèle pour d’autres pays en adoptant ce projet de loi.
    Si vous voulez commenter l’une ou l’autre de mes affirmations, il me reste une minute et demie.
    Monsieur Wrzesnewskyj, je vous remercie de nouveau pour vos observations et pour votre travail dans ce dossier.
     Je tiens à dire aux gens qui nous regardent que le fait que nous ayons été d'accord jusqu'à maintenant ne signifie pas que ce sera un jeu d'enfant. Nous sommes en février, la session parlementaire se poursuit jusqu’en juin et nous devons discuter de certains détails. Il est essentiel que les gens à la maison participent de manière constante aux décisions que nous prenons au sujet de la marche à suivre. Parfois, même s’il y a un accord a priori, les gens ne devraient pas croire que tout est dit; il reste beaucoup de travail à faire. Cela dit, cet accord est réjouissant. Je pense que c'est l'occasion pour les partis de travailler ensemble, comme vous le dites. Février 2008, c’était il y a longtemps. Ce moment me semble d'autant plus loin dans le passé que j'étais encore aux études à l'époque. J’espère que nous conclurons ce dossier avant que mes enfants n'entrent à l’école secondaire.
    J'aimerais utiliser le temps qu'il me reste pour revenir à la question qu'a soulevée Borys — une question cruciale, selon moi —, à savoir l’injustice dans un monde interconnecté. Notre époque mondialisée et interconnectée fait naître des possibilités d’exploitation et d’injustice. L’interconnectivité offre certes des possibilités admirables, mais elle suscite également des situations d’injustice et d’exploitation.
    C'est pourquoi, selon moi, nous devons être prêts à faire un plus grand usage des dispositions extraterritoriales. Nous l’avons fait pour le tourisme sexuel impliquant des enfants. Lorsque nous avons découvert que des gens allaient à l’étranger et se livraient à cette pratique répugnante qu'est le viol d’enfants, nous avons affirmé que, dans le monde interconnecté qui est le nôtre, nous avons besoin de nouveaux outils juridiques pour répondre aux nouvelles formes d’injustice. Autrement dit, il faut poursuivre les gens qui commettent des actes horribles même s'ils se livrent à ces actes dans d'autres pays que le Canada.
    C’est un prolongement de ce principe. De manière générale, c'est là un problème important que le Comité doit examiner: la lutte contre l’injustice dans un monde interconnecté où l'exploitation des personnes ne s'arrête pas aux frontières de notre pays. Pour s'attaquer à cet enjeu, il faut trouver des idées créatives et de nouveaux outils juridiques. Nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers et penser que les outils d’autrefois sont adaptés aux tendances actuelles en matière de voyages et de technologie. Ils ne le sont pas. C’est pourquoi il nous faut faire preuve d'une capacité d'adaptation.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de Mme Ramsey.
    Je remercie le Comité de m’avoir invitée à remplacer ma collègue, Mme Laverdière, qui n’a pas pu venir ce matin.
     Je pense qu’il est clair qu'au NPD, nous appuyons cet effort et espérons une adoption rapide du projet de loi compte tenu de l’échéancier que nous devons respecter — une contrainte que vous avez bien soulignée. De plus, comme vous le savez, nous nous opposons fermement à la traite des personnes. Nous, les néo-démocrates, sommes également très préoccupés par le traitement odieux réservé aux personnes qui sont manipulées, maltraitées et exploitées pour leurs organes à l'échelle mondiale. Nous espérons une adoption rapide.
    Vous avez mentionné certains problèmes nationaux qui sont difficiles à résoudre. Comme beaucoup de Canadiens, j’ai un membre de ma famille qui a reçu un don et qui, heureusement, se trouve ici au pays. Cependant, le manque d'organes a poussé des personnes à chercher à en obtenir à l'international, ce qui représente un problème légitime selon nous. Mon collègue, M. Aboultaif, a parlé des tentatives du Canada pour remédier à la pénurie d’organes. J’ai une question à vous poser à ce sujet.
     Êtes-vous d’accord pour dire que le gouvernement du Canada devrait envisager la faisabilité d’un système de consentement présumé pour le don d’organes, c'est-à-dire un système dans lequel les gens sont inscrits d'emblée et peuvent décider de se désinscrire? C'est ce que tente de faire ce projet de loi, n'est-ce pas? Je m'en tiens à cette question pour commencer.
     Je vous remercie de votre question ainsi que de l’appui du NPD. Je sais que Mme Laverdière, Mme Hardcastle, M. Rankin — votre porte-parole en matière de justice — et d’autres ont participé à des discussions à ce sujet. M. Rankin a prononcé un excellent discours sur cette question à la Chambre. Je vous remercie de votre présence et de votre engagement.
    La question du don d’organes déborde un peu le champ de la réflexion que j'ai menée en vue de mon témoignage d’aujourd’hui.
    En ce qui concerne le consentement présumé, il y a beaucoup de mesures que nous pourrions prendre pour augmenter la disponibilité des organes sans avoir recours au consentement présumé. De nombreuses discussions ont eu lieu au Parlement à ce sujet, mais nous sommes encore bien loin de ce que Sunstein et Thaler appelleraient des « encouragements » en vue d’une augmentation des dons.
    Ces encouragements passeraient par une modification de la structure du choix dans le sens de ce que mon collègue Len Webber avait proposé dans un projet de loi d’initiative parlementaire, c’est-à-dire que les gens indiqueraient sur leur formulaire d’impôt s’ils veulent ou non faire un don d’organes. Le choix se présenterait donc automatiquement dans certaines situations, comme lors d'une déclaration fiscale, de manière à disposer d'une sorte de registre national des dons d’organes tout en donnant plus d'information au public. Certaines personnes auraient des inquiétudes envers le consentement présumé du point de vue de la liberté personnelle. Avant d'en venir là, il y a beaucoup de mesures qui pourraient bien suffire à régler le problème.
    Je serais porté à commencer par adopter de telles mesures, puis à observer leur incidence. Comme je vous l'ai dit, ma réponse ne repose pas sur une réflexion très approfondie, parce que ce sujet ne fait pas partie de mes préoccupations aujourd’hui. C’est une discussion intéressante qui s’inscrit dans la question générale de savoir comment augmenter les dons d’organes.
(0915)
    Oui, c’est important, à mon avis. Les Canadiens vont à l’étranger pour obtenir des greffes d’organes et des traitements qu’ils ne sont pas à même de recevoir ici. Comme notre collègue l’a souligné, il n'est pas sûr qu'ils reçoivent les meilleurs conseils médicaux qui soient. En fin de compte, la vie des Canadiens est mise en danger. Vous avez parlé des services de suivi à leur retour à la maison et d'autres aspects de la question. Voilà qui s'inscrit dans le cadre de la mesure que vous tentez de parrainer, selon moi.
    J'ai aussi une question à propos des autres pays. Est-ce que d’autres pays exercent une compétence extraterritoriale en regard des infractions de traite des personnes liées au prélèvement d’organes humains? Dans l’affirmative, pouvez-vous mentionner quelques pratiques exemplaires observées à l’international?
    D’autres pays possèdent des lois semblables.
    Il est intéressant de noter que ce sont des Canadiens qui ont lancé l'effort de sensibilisation. David Kilgour et David Matas ont rédigé le rapport initial. De grands experts canadiens ont accompli ce travail qui a mené à l’adoption de lois dans d’autres pays, alors même que le Canada, d'où proviennent ces éminents experts, n’a pas encore adopté de loi, ce qui, m'a dit David Kilgour, constitue une source d’embarras.
    Je sais qu’Israël, l’Espagne, Taïwan et d'autres pays ont adopté des lois. Je parcourais justement la liste des pays dans mes notes; ils me reviendront peut-être en mémoire tout à l'heure. J’espère qu'au moyen de cette mesure, le Canada donnera un nouvel élan au mouvement mondial et ralliera un plus grand nombre de pays.
    Quelle a été l’incidence des lois dans ces pays?
    En général, dans ces pays, les gens sont devenus plus sensibilisés. Les choses ne se passent pas de la même manière ou au même degré.
    En Israël, un médecin a lancé ce processus. Un de ses patients lui a dit qu'il allait se rendre dans un certain pays pour recevoir une greffe du coeur à une date précise. Possédant quelque savoir médical, il s'est dit, soudain: « Attendez un peu, il n’est pas vraiment possible de savoir qu’un coeur sera disponible à une date précise. » Cet échange a permis de révéler le fait qu'on allait probablement enlever la vie à une personne pour que la transplantation puisse avoir lieu.
    Le cheval de bataille, c'est la sensibilisation, mais aussi la dissuasion. Dans ces pays, nous constatons qu'il y a une sensibilisation accrue et un effet dissuasif. Les pays qui ont adopté de telles mesures sont encore assez peu nombreux. L'effort reste encore relativement nouveau. Au fil du temps, les répercussions se feront sentir dans un plus grand nombre de pays.
(0920)
     Merci.
    Madame Vandenbeld, c'est à vous.
    Merci mille fois, monsieur Genuis, d’avoir présenté ce projet de loi qui est de la plus haute importance. Mes remerciements vont aussi à M. Wrzesnewskyj et à d’autres. J’aimerais vous redire que vous pouvez compter sur notre appui... J’appuie ce que vous faites sans aucune réserve. Il a fallu attendre longtemps. Je crois pouvoir dire que le trafic illégal d’organes est l’une des formes les plus viles et les plus inhumaines de trafic et d'actes criminels qui ont lieu à l’échelle internationale. Le Canada devrait être un chef de file mondial à ce chapitre. Nous partageons votre sentiment d'urgence en ce qui a trait à l'adoption d'une loi à cet égard.
    Pour ce qui est de la communauté internationale, au sous-comité des droits de la personne, nous avons entendu le témoignage des Ouïghours. Ceux-ci nous ont dit qu’on leur demandait des échantillons d’ADN. On se demande avec effroi ce qui peut expliquer une telle requête. À l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, on affirme que les groupes armés et les groupes terroristes utilisent maintenant le trafic, y compris le trafic d’organes, comme moyen de financement pour leurs activités terroristes.
    Aucun Canadien, selon moi, ne voudrait recevoir un organe d’une personne qui a été assassinée ou qui a été victime d’extorsion ou de coercition. Je crois pouvoir affirmer que nous sommes tous conscients du fait que c’est absolument inacceptable. Pourriez-vous nous dire quelles sont les tendances à l’échelle internationale? Est-ce que le problème s’aggrave? Est-ce qu'il se propage?
    Merci beaucoup de votre question et de votre appui, madame Vandenbeld.
    J’ai trouvé dans mes notes la liste des pays qui ont adopté des lois semblables. J’ai mentionné Israël, l’Espagne et Taïwan, mais la liste comprend aussi l’Italie et la Norvège. Il y a d’autres endroits où de pareilles lois sont en train d'être adoptées. Je trouve que vous avez très bien décrit les tendances internationales.
    Dans le cas de la Chine, nous observons une violation sophistiquée et bien organisée des droits de la personne. Dans notre langue, nous avons tendance à associer « civilisation » et « progrès moral », mais ce lien commun n'est pas forcément vrai. Ces notions ne vont pas toujours de pair, loin de là. En Chine, nous observons une systématisation des violations flagrantes des droits de la personne. Je connais le secrétaire parlementaire, qui est ici. J’ai eu l’honneur de travailler avec lui au sein du Groupe d’amitié parlementaire Canada-Tibet. Il est très conscient de cet état de fait en Chine, dans ce contexte et dans d'autres situations également. Vous avez parlé de la situation des Ouïghours, du prélèvement d’échantillons d’ADN. Il y a beaucoup...
    Évidemment, ces choses-là ne sont pas annoncées publiquement ni de façon transparente. Pour les mettre en lumière, il faut qu'entre en jeu le travail minutieux de personnes comme David Matas et David Kilgour. Le lien qui existe avec le financement du terrorisme... Voilà des problèmes qui émergent et qui s'amplifient. Ils s'inscrivent dans les propos que j'ai tenus un peu plus tôt en réponse à la question de M. Wrzesnewskyj. Il s'agit de l'évolution des conséquences de l’injustice dans notre monde interconnecté. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour nous assurer de ne pas être complices de cela.
    Vos observations au sujet du financement du terrorisme mettent en évidence un autre problème, soit celui de la sécurité. Je ne suis pas de ceux qui pensent que tout doit être rapporté à la question de la sécurité. Selon moi, les droits de la personne sont en soi une raison suffisante pour agir. Or, cette importante source de revenus potentiels, qui attire les extrémistes et les organisations dangereuses, a aussi des incidences sur notre propre sécurité.
    Il y a des Canadiens, surtout des membres des diasporas, qui, s’ils ont besoin d’un organe... Soit ils ont de la famille à l’étranger, soit ils possèdent une double citoyenneté, et lorsqu'ils retournent dans leur pays d’origine, ils peuvent user de moyens parfaitement légaux pour obtenir des organes. Ce projet de loi prévoit-il quelque chose pour empêcher ces personnes de faire cela?
    Ce projet de loi ne vise aucunement à empêcher les gens de recevoir des organes de l’étranger s'il y a consentement. En revanche, on interdit aux gens de recevoir des organes de l’étranger en l'absence de consentement. Dans le projet de loi C-350, une mesure législative que j'ai proposée et qui était en tous points identique au projet de loi proposé par Irwin Cotler; on envisageait un système dans lequel les personnes devaient fournir un certificat attestant le consentement. Ce n'est pas une mauvaise idée, mais il est difficile de confirmer la validité d’un certificat obtenu dans des pays où cela ne fait pas partie du cours normal des choses.
    Le présent projet de loi est ainsi fait qu'il incomberait à la poursuite de démontrer, en se fondant sur une norme de preuve, qu’il y a eu exploitation ou que le consentement nécessaire n'a pas été obtenu.
    Doit-on en déduire que, dans certaines affaires de trafic d’organes, il peut être difficile de prouver l'acte criminel et d’obtenir une condamnation? Oui, mais c’est le genre de situation à laquelle les procureurs sont confrontés tous les jours. Dans le cas des personnes innocentes qui se rendent à l’étranger pour y recevoir un organe — d'un membre de leur famille ou autre — pour lequel il y a consentement, dans un pays qui respecte la primauté du droit, le risque d'être empêtré dans une poursuite judiciaire au Canada est parfaitement nul. En fait, l'inverse est beaucoup plus probable, c'est-à-dire qu'il y a un plus grand risque qu'une personne commette un acte odieux et échappe à la justice. À tout le moins, il est préférable d'avoir cette loi que de n'avoir rien du tout, même si nous ne serons pas en mesure de mener à bien toutes les poursuites. Là encore, on pourrait dire la même chose de toutes les lois.
(0925)
    Merci beaucoup, monsieur Genuis. Voilà qui met fin aux questions à votre intention. Nous vous sommes vraiment reconnaissants de votre présence. Tous les membres du Comité, de quelque côté qu'ils se trouvent, reconnaissent l’importance de ce projet de loi. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu’il faut travailler fort dès maintenant pour s’assurer que la mesure législative soit adoptée.
    Sur ce, nous allons suspendre la séance. David Matas se joindra à nous par téléconférence à 9 h 45.
(0925)

(0940)
     Merci, chers collègues. Nous reprenons nos travaux. David Matas est en ligne.
    David Matas est avocat et conseiller juridique principal pour B’nai Brith. Il s'occupe depuis longtemps de la question du trafic d’organes humains et il est donc expert en la matière. Nous sommes très heureux de l'avoir parmi nous ce matin au téléphone, de Winnipeg.
    Monsieur Matas, je vais vous demander de témoigner, s’il vous plaît, après quoi nous passerons aux questions des membres. Je sais qu’il y en a pas mal.
    J’ai déjà discuté du projet de loi avec certains d’entre vous. Trois questions différentes ont été soulevées: l'obligation de faire rapport, la contrepartie à titre de paiement et des parties du corps autres que les organes. Permettez-moi de parler un peu de chacune de ces questions.
    L'obligation de faire rapport soulève une question constitutionnelle puisque le projet de loi exige que l'on fasse rapport à « l'autorité désignée ». Il précise par ailleurs qu'il doit y avoir consentement du procureur général. J’ai donc étudié la définition de « procureur général » dans le Code criminel. Le terme désigne le procureur général ou le solliciteur général de la province dans laquelle les procédures sont engagées, et le procureur général du Canada, mais ce dernier uniquement à l'égard du Yukon, du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest.
     À mon avis, il y a quatre façons de répondre à cette question de constitutionnalité. L’une consiste tout simplement à laisser le projet de loi tel quel et à laisser au gouverneur en conseil le soin de déterminer qui est l’autorité désignée. En consultation avec les provinces, il pourrait en théorie désigner les autorités provinciales pour chaque province où le procureur général ou le solliciteur général a le pouvoir de consentir à des poursuites. Ce serait une option.
    Une deuxième option consisterait à modifier le projet de loi pour exiger le consentement du procureur général du Canada, plutôt que du procureur général, afin de permettre que l’autorité désignée soit fédérale.
    Une troisième option consisterait à modifier l’exigence de consentement telle qu’elle existe dans certaines parties du Code criminel pour que ce soit le procureur général du Canada, le procureur général ou le solliciteur général de la province, ce qui permettrait un maximum de souplesse à l'heure de désigner l’autorité compétente.
    Une quatrième option consiste à modifier le projet de loi afin qu’au lieu d’exiger que l'on fasse rapport à « l'autorité désignée par [... le] gouverneur en conseil », que ce soit au « procureur général ». Cela signifierait le procureur général, tel que défini dans le Code criminel, à savoir le procureur général ou solliciteur général de chaque province où des poursuites pourraient être intentées. Je souligne qu’il s’agit d’une forme courante de rapport. À l’heure actuelle, au Canada, il y a beaucoup de dispositions législatives sur la dénonciation des mauvais traitements infligés aux enfants, des blessures par balle, et une bonne partie de ces cas sont directement signalés aux autorités chargées des poursuites.
    Ce sont les options que j’ai vues pour la première question concernant la production de rapports.
    Pour ce qui est de la contrepartie, la question qui s’est posée est de savoir si le projet de loi, dans sa forme actuelle, pénaliserait le fait d'indemniser le donateur pour les dépenses engagées ou le revenu perdu. Il y a plusieurs façons de régler ce problème. L’une consiste simplement à s’en remettre au pouvoir discrétionnaire de la poursuite et au consentement du procureur général sans modifier le projet de loi.
     La deuxième est d’avoir un libellé précis et, au lieu de parler de « contrepartie », dire « contrepartie à des fins d’exploitation », ce qui reprend le langage utilisé actuellement dans la Déclaration d’Istanbul sur le trafic d’organes et le tourisme de transplantation. L’exploitation est un concept amplement récurrent dans le Code criminel, surtout dans les articles portant sur la traite de personnes.
    La troisième question qui a été soulevée était celle des parties du corps — à savoir si la référence aux organes est trop étroite et si le projet de loi devrait aussi parler de « tissus ». Si on modifiait le projet de loi pour parler des tissus, on se demanderait si c’est trop général et s’il faudrait exempter certaines formes de tissus.
    Encore une fois, il y a plus d’une réponse. L’une est de ne rien faire, parce que le fait de toujours vouloir mieux faire fait boule de neige et on finit par trouver des éléments qui sont déjà présents dans le projet de loi actuel. Une deuxième réponse est d’ajouter le mot « tissus », sous réserve de s'en tenir au concept d’exploitation pour éviter de lui donner une portée excessive. On peut présumer que la contrepartie obtenue pour ces tissus, que le projet de loi n’a pas l’intention de viser, ne sera pas perçue comme contrepartie aux fins de l’exploitation. La troisième réponse consiste à ajouter « tissus », mais à exempter certains tissus énumérés par règlement. Je pense qu’il faudrait une consultation médicale pour déterminer lesquels.
(0945)
    Ce sont les diverses questions qui ont été abordées et les diverses options que je vous soumets. Je sais qu’il y a une considération stratégique à prendre en compte, car s’il y a un amendement, il doit être renvoyé au Sénat et, en principe, n’importe quel sénateur pourrait retarder l’adoption du projet de loi.
    Quant aux considérations stratégiques, je pense que vous êtes mieux placés que moi pour les aborder. Je m’en remets à votre sagesse.
    Merci beaucoup, monsieur Matas.
    Nous allons maintenant passer aux questions.
    Nous commencerons par M. Genuis.
    Monsieur Matas, c’est un honneur de vous parler même si c’est au téléphone. Je vous remercie de l’excellent travail que vous faites dans ce dossier, ainsi que de la bonne discussion que vous avez eue ici au sujet de certains détails juridiques.
    Ces trois points dont nous avons discuté sont importants. Je remarque que pour chacun des trois, vous nous avez montré que le choix de ne pas modifier la loi est une option tout à fait viable. Bien sûr, vous examinez la question d’un point de vue juridique. Pour nous, le point de vue politique consiste à faire quelque chose plutôt que de ne rien faire. C’est peut-être la réalité à laquelle nous sommes confrontés.
    J’aimerais revenir sur ces trois points et les approfondir un peu.
    En ce qui concerne le premier point, la question des rapports et de la constitutionnalité, si j’ai bien compris, la loi telle qu’elle est rédigée actuellement permettrait pleinement au gouverneur en conseil de désigner les autorités provinciales compétentes, ce qui viendrait dissiper les préoccupations relatives à la constitutionnalité. Il est prévu que le gouvernement fasse les désignations appropriées. Il ne serait pas question d’empiéter sur le partage des pouvoirs en raison de la capacité de désigner qui est ouverte dans la loi.
    Vous ai-je bien compris sur ce point?
    Oui, pour ce qui est de la constitutionnalité, parce qu’à l’heure actuelle, le Code criminel dit « procureur général », mais comprend dans ce concept les procureurs généraux des provinces. Je ne vois pas vraiment de différence entre cela et le fait que le gouverneur en conseil désigne les autorités provinciales pour régler les problèmes. Il me semble qu’il s’agit du même type de partage constitutionnel des pouvoirs.
    Il semble donc que, bien qu’il y ait d’autres options pour régler ce problème, la loi actuelle offre un cadre solide et efficace pour y répondre.
    Pour ce qui est de la question de la contrepartie, il me semble fort peu probable que quelqu'un veuille intenter une poursuite parce qu'une personne s'est fait rembourser ses dépenses. Le remboursement des dépenses d’une personne afin de lui permettre d'offrir un service volontaire semble très différent de l'idée de rétribuer cette personne. Quoi qu’il en soit, il y a le pouvoir discrétionnaire de poursuivre, mais il y a aussi l’obligation d’obtenir l’approbation du procureur général.
    Pensez-vous cela suffisant pour garantir une lecture pour le moins raisonnable de ces éléments discrétionnaires?
    Pensez-vous que c’est suffisant pour répondre à des préoccupations éventuelles à l'égard d'une interprétation erronée du concept de contrepartie?
(0950)
    En principe, c’est possible. Je suis au courant du concept du consentement du procureur général parce qu’il existe dans beaucoup d’autres dispositions du Code.
    En particulier, j’ai eu affaire au consentement des procureurs généraux dans des poursuites pour incitation à la haine. En Colombie-Britannique, par exemple, le solliciteur général a établi des critères pour l’exercice du consentement. Il y a une étape intermédiaire entre le pouvoir discrétionnaire absolu dans tous les cas et ce qui est concrètement dit dans le projet de loi. Ce sont des lignes directrices ou des critères, que les procureurs généraux peuvent suivre ensemble ou individuellement. Il s’agit de donner leur consentement.
    Une autre question rapide à ce sujet est la possibilité de modifier l'expression en y ajoutant « à des fins d’exploitation ». Une préoccupation que j’aurais à cet égard est de savoir si « à des fins d’exploitation » fait allusion à l’intention du destinataire?
    Quelqu’un pourrait en effet recevoir un organe sans aucune intention précise de l’exploiter. Il peut être grossièrement négligent et avoir l’intention d’obtenir un organe pour lui-même. C'est de l'exploitation, mais ce n'est pas une fin en soi.
    Comprenez-vous ce que je veux dire?
     Oui. En général, le droit criminel comprend l’intention et l’insouciance, de sorte que si quelqu’un ferme délibérément les yeux, on pourrait très bien l'assimiler à des fins d’exploitation. Il n'y a pas de condamnation possible si l’intention criminelle ne peut être établie.
    Je pense qu’il importe de souligner que la version originale du projet de loi mentionnait les tissus, mais que le Sénat a supprimé ces mots. Ainsi, toute tentative de notre part de réintroduire le concept des tissus ou autres parties du corps donnerait lieu à de nouveaux va-et-vient et ne ferait que compliquer les choses.
     Je suis également curieux de savoir si le terme « organe » est défini quelque part dans le Code criminel. Il ne l'est pas dans le projet de loi, ce qui me fait penser qu’il est suffisamment ouvert pour englober les parties du corps, mais pas le genre de tissus que le Sénat voulait exclure — par exemple les tissus embryonnaires, qui soulèvent beaucoup d’autres considérations.
    Je ne suis pas au courant de la définition d’« organe » dans le Code criminel, mais je ne pense pas que nous devrions trop nous éloigner du langage courant ou de la compréhension médicale des termes, et le terme « tissus » est un concept distinct du terme « organes ». Il est possible, je suppose, de définir le terme « organes » pour englober plus que ce que l’on entend habituellement par organes, mais il faudrait encore un autre amendement.
    Je pense que si nous avons « organes » et non « tissus », nous sommes pris avec, mais ce n’est pas nécessairement un problème parce que le projet de loi... Je veux dire, peu importe la loi dont il s'agit, il y a toujours moyen de l’améliorer, mais il n'y a rien de mal dans le libellé actuel du projet de loi parce que le mot « tissus » en est absent.
    Merci beaucoup.
    Secrétaire parlementaire Virani.
    Merci, monsieur Matas. C’est toujours un plaisir de vous entendre. Je vous remercie du travail que vous faites depuis si longtemps envers les objectifs visés par ce projet de loi. Pour vous dire franchement, on a soulevé des préoccupations — et je partage certaines d'entre elles — au sujet de la composante des opérations financières. C'est donc le sujet de ma question.
    Cela rejoint ce que M. Genuis vient de dire au sujet de la distinction que fait le Sénat entre « organe » et « tissu ». Je pense que les sénateurs étaient très conscients des questions de reproduction et des gens qui vont à l’étranger pour obtenir du sperme et des ovules, par exemple, mais ils songeaient tout autant aux gens qui... Je pense que le cas le plus simple, monsieur Matas, est celui des prisonniers dont les organes sont prélevés contre leur gré. C’est ce manque de consentement évident que vise le projet de loi et il va de soi que tous les parlementaires veulent aborder la question.
    Le cas le plus difficile est la situation où, en raison de la pénurie d’organes au pays, des gens dans des circonstances désespérées sont obligés de se rendre à l’étranger et finissent par transférer de l’argent pour l'achat de cet organe, même s’ils croient avoir obtenu le consentement. Ma question porte sur la contrepartie. Plus précisément, je veux vous demander si le consentement éclairé suffit à lui seul à régler le problème?
     Voici comment je vous décrirais la chose, monsieur Matas. Si quelqu’un obtient un organe par des pratiques contraires à l’éthique, par exemple en induisant une personne à donner son consentement en la trompant au sujet des risques ou séquelles de l'intervention, cela constituerait-il un manque de consentement éclairé en soi?
(0955)
    Évidemment, lorsqu’il s’agit de savoir si une infraction est commise ou non, dans des exemples hypothétiques, c’est vraiment quelque chose que les autorités chargées de la poursuite doivent décider en fonction des faits, car en réalité, aucun cas ne se conforme en tous points à un exemple hypothétique que nous pouvons imaginer.
    Je vois que ce qui sous-tend la notion de consentement éclairé, dans une certaine mesure, c’est une autre façon d’essayer d’aborder la question de l’exploitation, une autre façon de dire que le projet de loi est peut-être déjà suffisant, mais je pense que si le Comité veut être plus explicite, il pourrait ajouter la notion d’exploitation. De toute évidence, l’intention ici est de ne profiter du donateur en aucune façon, que ce soit au moyen de paiements, de pressions ou d’incitatifs. Il faut que ce soit vraiment volontaire. Bien sûr, l'exemple classique est celui des prisonniers, mais on peut penser à de nombreux autres cas où la situation n’est pas vraiment consensuelle.
    Je pense que tout ce que le Parlement peut faire, c’est d’énoncer des principes et des termes généraux. Lorsqu’il s’agit de cas précis, nous devons vraiment laisser aux procureurs le soin d’essayer de saisir l’esprit de la loi.
     De plus, monsieur Matas, dans sa forme actuelle — cela a été soulevé lors du témoignage du député Genuis également —, l’article crée une infraction en ce qui concerne le flux financier de la contrepartie. Ce n’est pas limité au consentement seulement. C’est ce que je dis.
    Deuxièmement, je pense qu’il est également important, en tant que parlementaires, que nous ciblions le plus possible ce que vous décrivez comme de l’exploitation — c’est le terme que vous avez suggéré. À l’heure actuelle, cela criminalise à la fois le vendeur et l’acheteur. C’est également une préoccupation. Je pense que ce que nous essayons d'aborder, ce sont les agissements de l’acheteur et peut-être aussi de l’intermédiaire, du courtier qui met en contact un acheteur potentiel avec un vendeur potentiel — le vendeur étant parfois un pauvre paysan dans un pays en développement, à défaut d’un meilleur exemple. C’est probablement la dernière personne au monde que nous voudrions criminaliser.
    Selon le libellé actuel du paragraphe 240.1(3), cette personne serait criminalisée. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Mon commentaire général est que l’on peut examiner le projet de loi et réfléchir à des façons de l’amender pour que l’intention soit plus précise et que les problèmes que nous imaginons puissent être abordés de façon plus explicite. S’il suffisait que la Chambre des communes apporte des amendements et que le projet de loi soit adopté, je ne pense pas que ce serait un gros problème.
    Le problème, c’est que tout amendement, si petit soit-il, signifie que le projet de loi doit retourner au Sénat. Si je comprends bien le fonctionnement du Sénat, n’importe quel sénateur peut retarder l’adoption du projet de loi pour une raison ou pour une autre et, par conséquent, elle pourrait être retardée au-delà des prochaines élections. N’importe quel amendement devient un problème, car il peut potentiellement amorcer ce cycle.
    C’est une question stratégique plutôt que juridique, et je laisse au Comité le soin de déterminer le risque que cela se produise. Mais s’il n’y a aucun risque et s'il s’agit simplement d’améliorer le libellé du projet de loi, n'hésitez surtout pas.
(1000)
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez proposé « contrepartie à des fins d'exploitation » comme une amélioration possible du libellé. Vous avez dit que le mot « exploitation » est amplement récurrent dans le Code criminel. Ai-je bien compris?
    Oui, tout à fait. Certains usages ne sont pas très pertinents dans le cas qui nous occupe, mais il y a la disposition sur la traite des personnes. Le concept d’exploitation y est intégré. En effet, la traite des personnes comprend parfois le trafic d’organes car les deux concepts sont assez étroitement apparentés.
    Je pense que ce serait une expression facile à adopter ou un exemple à suivre.
    Est-ce que l’idée de supprimer complètement l’élément opérations financières, de manière à ce qu’il s’agisse simplement d’un régime fondé sur le consentement éclairé, répondrait aux objectifs du projet de loi?
    Je pense qu’il faudrait élargir le concept de consentement éclairé, mais tant qu’on interprète ce consentement comme l'élément qui permet d'éviter l’exploitation, oui, ce serait une autre façon de procéder.
    Merci beaucoup.
    Passons à Mme Ramsey. Je vous en prie, madame.
    Merci, monsieur Matas, d’être ici par téléconférence.
    J’ai quelques questions à vous poser pour savoir si les infractions créées dans le projet de loi S-240 sont déjà visées par les articles 279.01 et 279.04(3) du Code criminel.
    Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il en est ainsi ou pas?
    Si vous comparez ces dispositions à celles du projet de loi, vous constaterez que le projet de loi est beaucoup plus détaillé. Déterminer si ces infractions sont couvertes ou non devient un enjeu, une spéculation ou une incertitude. L'avantage du projet de loi... Premièrement, il énonce des concepts qu'on ne retrouve pas dans l'actuelle loi sur l'immigration, à part l'obligation de faire rapport. Cependant, si vous regardez les infractions prévues au Code, vous verrez qu'elles ne sont pas aussi précises. De plus, ce projet de loi a une portée extraterritoriale, contrairement aux dispositions actuelles du Code qui ne portent que sur les infractions commises au pays.
    Si j'avais le choix entre élargir les actuelles dispositions du Code pour leur donner une portée extraterritoriale, par un ajout relatif aux rapports et à l'immigration, et ce projet de loi, j'opterais pour le projet de loi parce qu'il est beaucoup plus précis et il nous évite d'avoir à déterminer si les infractions sont couvertes ou non. Nous avons la certitude qu'elles le sont.
    Le terme « consentement » est employé dans divers articles du Code criminel, sans être défini. Pouvez-vous nous dire pourquoi il est important que le Sénat ajoute la définition de consentement éclairé dans le projet de loi S-240?
    J'ai témoigné devant le Sénat et j'ai entendu d'autres témoignages. Ce n'est pas moi qui ai fait cette suggestion, mais je me rappelle qu'à ce moment, d'autres témoins l'ont faite. Il y a un contexte médical dans cela parce que, dans la profession médicale, vous devez évidemment obtenir le consentement avant de procéder à une foule d'interventions. Les médecins doivent donc obtenir un consentement éclairé. Je crois comprendre que cela vient de la pratique médicale de l'obtention du consentement. Vous ne pouvez pas seulement demander à une personne d'acquiescer. La personne doit savoir ce qui se passe avant de dire oui. Je pense que c'est l'idée derrière cela.
(1005)
    Comment la loi canadienne sur le trafic d'organes humains, dans sa forme actuelle, se compare-t-elle aux normes internationales?
    Des normes internationales sont mises en place. Une convention relative au trafic d'organes est actuellement ouverte à signature sous l'égide du Conseil de l'Europe. Cette convention est assez similaire à ce projet de loi. Il faudra peut-être l'examiner de plus près. Ma réaction initiale est de dire que si ce projet de loi était adopté, le Canada pourrait être en mesure de signer cette convention. Comme le Canada a le statut d'observateur au Conseil de l'Europe, il peut signer la convention s'il le souhaite. Je pense qu'il devrait le faire. Ce projet de loi lui en donnerait la possibilité.
    Ma dernière question concerne les pays qui partagent nos vues et qui se sont dotés d'une loi semblable. M. Genuis a mentionné Israël, l'Espagne et Taïwan. Quelles répercussions cette loi a-t-elle eues dans ces pays?
    À Taïwan et en Israël, elles ont été énormes. J'ignore si l'Espagne avait un problème de tourisme de transplantation, mais il est clair qu'à Taïwan et en Israël, il était florissant. Dans ces deux pays, le problème était le tourisme de transplantation en Chine.
    Après l'adoption de la loi israélienne, ce phénomène, qui était très courant, a complètement disparu ou presque.
    L'incidence de la loi taïwanaise a été comparable. Pour régler le problème du tourisme de transplantation en Chine, Taïwan a d'abord appliqué les normes éthiques de la profession médicale par le biais de son ministère de la Santé, mais cela n'a pas bien fonctionné. Le gouvernement a compris qu'il devait adopter une loi pour régler le problème et depuis qu'elle est en vigueur, cette loi a été très efficace pour ralentir brusquement le tourisme de transplantation en Chine.
    Dans ces deux pays, la loi a été très efficace.
    Merci beaucoup.
    Comme la sonnerie d'appel se fait entendre en vue du vote de 10 h 30, je demanderais le consentement unanime pour poursuivre la séance jusqu'à 10 minutes environ avant le vote, étant donné qu'il aura lieu tout près d'ici.
    Des députés: D'accord.
    Le président: Merci.
    Poursuivons. Monsieur Wrzesnewskyj, je vous en prie.
    Je vous remercie, monsieur Matas, de vous joindre à nous ce matin.
    Il semble que nos échanges essentiellement portent sur deux points: le consentement et la transaction financière. Vu la nature de cette industrie — et avant la parution de votre livre qui l'a fait connaître — dans des endroits où elle a prospéré... Il y a deux volets. D'abord, le prélèvement d'organes sur des personnes vulnérables, puis la transaction financière. Il s'agit d'une industrie dans la mesure où d'énormes sommes d'argent y sont transférées. Ce qui rend cette pratique particulièrement sordide, c'est la nature même de l'industrie. En fait, des États parties, des États dont le rôle est de protéger les citoyens, qui sont les gardiens du bien-être de leurs citoyens, participent à ce trafic; ou encore des trafiquants associés à des groupes criminels, comme le Dr Kumar, de Brampton, qui possédait des cliniques en Inde; des médecins et des infirmières font partie de ces gangs criminels. Ils ont pourtant prononcé le serment d'Hippocrate. Des personnes et des institutions en qui nous devrions avoir confiance pour assurer notre protection abusent de leur pouvoir pour obtenir des récompenses financières.
     Je l'ai mentionné tout à l'heure, et je tiens à le répéter. J'ai d'abord pris connaissance du problème à l'été 2007. En Ukraine, le directeur d'un orphelinat, le tuteur, donnait le consentement au nom des enfants alors âgés de 17 ans, juste avant leur 18e anniversaire et leur départ de l'orphelinat. Il donnait, au nom de ces enfants, le consentement d'être vendus. Par la suite, les enfants disparaissaient.
    Je pense que c'est très important, et je vous remercie pour cela, d'avoir ajouté la mention « à des fins d'exploitation » dans la Déclaration d'Istanbul, parce qu'il y a toute cette notion de tutelle et de consentement. Ce libellé apporte plus de clarté, ce qui nous évitera de nous retrouver, par inadvertance, aux prises avec un problème lié à des crédits d'impôt qui sont peut-être offerts par certains États américains. Cela nous permet de traiter le volet de la transaction financière, comme le prévoit la loi, parce qu'il existe un deuxième volet, le trafic. Il y a le prélèvement des organes et la transaction financière.
    Je vous remercie pour ce libellé. Je voulais seulement le souligner officiellement. Je vais maintenant céder le reste de mon temps de parole à M. Saini.
(1010)
    Bonjour, monsieur Matas. Merci beaucoup de votre présence.
    Nous avons beaucoup parlé de l'aspect financier, mais j'aimerais vous donner un exemple concret. Comme vous le savez, des millions de Canadiens, y compris moi-même, ont des membres de leur famille élargie qui vivent à l'étranger, notamment en Asie du Sud-Est. Si une partie de votre famille vit ici et que vous vous rendez dans votre pays d'origine visiter des membres de votre famille élargie — des cousins germains, des oncles ou des cousins au deuxième degré —, il se peut que vous rencontriez un proche qui soit en mesure de donner un organe. Comme vous le savez, dans certains pays, le système de santé publique laisse parfois à désirer et vous devez vous tourner vers le privé. Si vous décidez de payer les dépenses de ce parent, est-ce que cela serait considéré comme un acte criminel au sens de ce projet de loi, dans sa forme actuelle? Si c'est le cas, y a-t-il un moyen de protéger ce genre de transaction légitime entre deux membres d'une même famille?
    Je le répète, c'est une situation hypothétique. Il se peut fort bien que, si ce cas est renvoyé au procureur général aux fins d'obtention du consentement ou à un procureur aux fins de poursuite, le pouvoir discrétionnaire de poursuivre soit exercé. Le procureur général pourrait aussi refuser d'accorder son consentement. Des lignes directrices pourraient également être émises sur la façon d'accorder le consentement, ce qui permettrait de traiter ce cas particulier.
    Lorsque nous adoptons une loi pénale, cela ne veut pas dire que tous les cas hypothétiques susceptibles de cadrer avec le libellé conduiront à une condamnation ou une poursuite. Dans le cas que vous décrivez, je ne crois pas que ce soit l'intention de la loi. L'intention n'est pas de traiter ce genre de situation. Le Comité doit déterminer si le libellé actuel suffit à dissiper cette préoccupation ou s'il est nécessaire de le préciser pour éviter que ce problème se pose.
    Merci beaucoup, monsieur Matas.
    Comme il ne nous reste plus que sept minutes à peine avant l'ajournement, il est temps de vous remercier de votre présence. Nous devons maintenant passer à nos travaux. Merci encore pour vos plaidoyers et pour le leadership dont vous faites preuve depuis des décennies dans ce dossier.
    Je vous remercie.
    Je donne la parole à Mme Alleslev.
    Il y a quelques semaines, le Comité a entendu les témoignages de l'International Republican Institute et du National Democratic Institute au sujet de leurs activités de promotion de la démocratie. Il est important, je pense, de rappeler leur participation à l'observation de deux élections et de leur exprimer la satisfaction du Canada.
    Dans le cadre d'une mission d'observation conjointe, le NDI et l'IRI ont surveillé les élections législatives de samedi dernier au Nigeria, une démocratie africaine émergente. Le président du NDI a souligné à quel point la résilience des Nigérians et leur solide engagement envers la démocratie avaient été une source d'inspiration pour les observateurs. Malgré les nombreux défis que doit relever ce pays, la communauté internationale doit continuer à investir dans la promesse démocratique du Nigeria. Je pense que tous les parlementaires ici présents sont d'accord pour dire que le Canada est fier de la marche amorcée par le Nigeria vers une démocratie plus forte.
    Par ailleurs, dimanche dernier, l'IRI a observé le déroulement des élections parlementaires en Moldavie. Un observateur canadien de longue date de la Saskatchewan faisait partie de l'équipe. Les électeurs ont élu un Parlement sans majorité et les observateurs de l'IRI ont félicité la commission électorale centrale moldave pour le bon déroulement du scrutin. Je pense parler au nom de tous les parlementaires canadiens en disant que nous souhaitons à la Moldavie un avenir démocratique.
    Ce furent deux bonnes journées pour la démocratie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame Alleslev.
    Nous allons poursuivre à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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