:
Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 110e réunion du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Je vais commencer par faire quelques rappels. La réunion d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride. Les délibérations sont diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, je précise que la diffusion Web montrera toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité. Les captures d'écran ou la prise de photos de l'écran ne sont pas autorisées.
C'est la première réunion que nous consacrons à notre nouvelle étude sur la tarification du carbone et la réciprocité des normes. Ce sujet d'étude a été proposé par M. Drouin.
Monsieur Perron, je vois que vous voulez intervenir. Soyez très bref, s'il vous plaît, puisque nous avons des témoins devant nous.
:
D'accord. Nous aurons peut-être l'occasion cet après-midi, après notre réunion, de discuter de la façon dont le texte de la motion sera publié.
[Traduction]
Je vais commencer par nos témoins d'aujourd'hui. Nous avons quatre témoins de quatre ministères différents.
Je vais commencer par quelqu'un que vous connaissez tous. Du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, nous avons Tom Rosser, sous-ministre adjoint.
Bienvenue au Comité, monsieur Rosser
Du ministère des Finances, nous avons Michèle Govier, directrice générale de la Division de la politique commerciale internationale.
De l'Agence canadienne d'inspection des aliments, nous avons Kathleen Donohue, vice-présidente des Affaires internationales, et Evelyn Soo, directrice exécutive de la Direction de la salubrité des aliments et de la protection des consommateurs.
Enfin pour le ministère de l'Environnement, nous accueillons Judy Meltzer, sous-ministre adjointe déléguée, Direction générale de la protection de l'environnement. Je crois comprendre que vous n'avez pas de déclaration liminaire, mais que vous serez disponible pour répondre aux questions.
Je vais commencer par M. Rosser. Vous avez jusqu'à cinq minutes pour faire une déclaration liminaire.
:
Bonjour, et merci beaucoup, monsieur le président.
Agriculture et Agroalimentaire Canada a pour mandat d'assurer la compétitivité, la durabilité et l'adaptabilité à long terme de notre secteur agricole et agroalimentaire. Le Canada figure parmi les principaux exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires dans le monde. De ce fait et grâce à un système commercial prévisible et réglementé, le Canada joue un rôle stratégique vital dans la sécurité alimentaire mondiale.
Le commerce permet l'échange de biens, de services et de technologies, et contribue à la productivité et à la croissance du secteur agricole, toutes les deux essentielles pour renforcer la durabilité du secteur et accroître la sécurité alimentaire mondiale. On compte de plus en plus sur le commerce pour atteindre ces deux objectifs, mais pour réaliser d'autres visées aussi. Partout dans le monde, le dialogue porte de plus en plus sur ces questions.
Le Canada croit fermement dans le système multilatéral et participe activement aux discussions internationales sur le commerce et la durabilité. À l'Organisation mondiale du commerce par exemple, le Canada est coorganisateur de ce que l'on appelle les DSCDE, soit les discussions structurées sur le commerce et la durabilité environnementale. Dans ce forum, qui est ouvert à tous, les membres et parties prenantes externes tiennent des discussions transparentes sur les idées et les politiques qui favorisent des pratiques commerciales respectueuses de l'environnement.
De même, en tant que membre de l'OCDE, le Canada soutient la recherche qui s'y fait sur la relation entre le commerce et la durabilité dans le secteur agricole. Les discussions internationales sur ces enjeux témoignent d'un large éventail de mesures qu'envisagent les différents pays pour améliorer la durabilité, y compris la recherche et l'innovation, les mesures réglementaires, les subventions et d'autres formes de soutiens financiers, et le développement de capacités techniques.
Étant donné qu'il joue un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire mondiale, le Canada est d'avis que les mesures devraient être les moins restrictives possible. Les agriculteurs canadiens sont fiers, et avec raison, d'avoir su protéger l'environnement à travers le temps. Cet héritage est fondé sur leur volonté de s'améliorer continuellement.
Grâce à notre Stratégie pour une agriculture durable, notre gouvernement espère, aux côtés de ses partenaires, apporter une contribution à la réalisation des objectifs environnementaux et climatiques du Canada de 2030 et 2050. Cette stratégie contribuera à orienter les mesures collectives à prendre pour améliorer le bilan environnemental du secteur agricole à long terme, avec pour but de faire progresser la durabilité, la compétitivité et l'adaptabilité de ce secteur.
[Français]
L'agriculture représente environ 10 % des émissions de gaz à effet de serre au Canada, tandis qu'à l'échelle mondiale, le pourcentage est plutôt d'environ 30 %. Au cours des 30 dernières années, le Canada a doublé sa production agricole, tandis que ses émissions de gaz à effet de serre sont restées plus ou moins stables. C'est donc dire qu'il y a eu une chute importante dans l'intensité des émissions.
Dans l'élaboration de notre stratégie, le fait d'avoir des données fiables est une pierre angulaire de la politique environnementale, puisque c'est ce qui nous permettra de mesurer les progrès.
En ce qui concerne les ajustements à la frontière pour le carbone, nous sommes au courant du fait que plusieurs pays explorent cette possibilité dans certains secteurs, comme ceux de l'aluminium, de l'acier et des engrais. À notre connaissance, aucun pays n'a proposé une mesure semblable dans le secteur agricole.
Le Canada travaille depuis longtemps avec ses alliés afin de promouvoir un meilleur accès au marché international et de réduire le plus possible les barrières non tarifaires au commerce international.
Comme le Comité va sans doute l'entendre au cours de ses travaux, les intervenants agricoles au Canada s'intéressent fortement aux enjeux situés à l'interface entre l'environnement et le commerce international, et ils participent souvent à des discussions à ce sujet, non seulement au Canada, mais aussi à l'international.
Je remercie les membres du Comité de leur intérêt pour ce sujet.
Bonjour, je m'appelle Michèle Govier, et je suis directrice générale de la Division de la politique commerciale internationale au ministère des Finances du Canada. Mon équipe dirige la politique fédérale en matière d'importation, y compris la politique sur les tarifs douaniers et les recours commerciaux, ainsi que l'examen continu, par le gouvernement, des ajustements à la frontière pour le carbone (AFC). Je comprends que le Comité aimerait en connaître davantage au sujet des consultations d'AFC que nous avons entreprises en 2021-2022. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour parler du travail que nous accomplissons dans ce domaine.
Les AFC visent à tenir compte des différents coûts du carbone auxquels les entreprises sont confrontées, dans tous les pays, lorsque les biens qu'elles produisent sont destinés au commerce international. Habituellement, il s'agit de taxes à la frontière visant à reproduire la tarification nationale du carbone pour les biens importés — mais les remises sur le carbone pour les biens exportés pourraient aussi être envisagées. Les principaux objectifs des AFC consistent à réduire le risque de fuite de carbone — c'est‑à‑dire le déplacement des investissements ou de la production vers des pays où le coût du carbone est inférieur), soutenant ainsi une plus grande ambition climatique et maintenant des règles du jeu équitables pour les industries assujetties à la tarification du carbone.
Compte tenu de leur complexité administrative et de leur lourd fardeau en matière de conformité, les AFC sont généralement envisagés pour les secteurs à forte intensité d'émissions et les plus exposés aux échanges commerciaux, tels que l'acier, l'aluminium, le ciment et les engrais, entre autres. L'Union européenne sera la première à imposer un AFC. Son mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, ou MACF est actuellement dans une période transitoire, consistant uniquement en déclarations. Les taxes à la frontière sont prévues d'entrer en vigueur en 2026 pour un ensemble restreint de secteurs — c'est‑à‑dire le ciment, l'électricité, les engrais, le fer et l'acier, l'aluminium et l'hydrogène. Le Royaume-Uni est également sur la voie pour imposer un MACF en 2027.
En 2020, le gouvernement du Canada a annoncé qu'il se pencherait sur les AFC pour faire face aux risques de fuite de carbone et aux pressions concurrentielles associées à la tarification nationale du carbone. En août 2021, le gouvernement a lancé des consultations pour recueillir les points de vue d'un large éventail d'associations industrielles représentant les entreprises des secteurs à forte intensité d'émissions et exposés aux échanges commerciaux, des syndicats, des universitaires, des organisations non gouvernementales, des groupes de réflexion et des provinces et territoires.
À l'appui de ces consultations, le gouvernement a publié le document « Explorer les ajustements à la frontière pour le carbone pour le Canada », qui aborde les considérations politiques liées aux AFC selon divers points de vue, soit économique, environnemental, et celui des relations commerciales internationales.
Voici les principaux messages exprimés par les intervenants canadiens lors de nos consultations sur les AFC: un intérêt à l'égard d'un AFC de la part de certains secteurs où la décarbonation pose de plus grands défis et où les risques de fuite de carbone associés à une hausse du prix du carbone sont plus importants, ainsi qu'une forte préférence pour le maintien des mesures existantes d'atténuation des fuites de carbone — par exemple, les allocations gratuites fournies par le biais des systèmes de tarification fondés sur le rendement —, conjointement avec les AFC.
Les inquiétudes concernaient généralement la possibilité d'éventuelles mesures de rétorsion, les coûts administratifs et l'impact sur les prix, ainsi que l'importance de la coordination avec les États-Unis.
Plusieurs intervenants du secteur agricole ont participé aux consultations et voici leurs principaux commentaires: soutien mitigé et prudent à l'application des AFC aux produits agricoles, notamment en raison des craintes qu'ils puissent conduire à un protectionnisme commercial accru dans le secteur. Ils reconnaissent que les sources et les coûts du carbone dans le secteur agricole sont plus complexes et ne se prêteraient pas bien à une comptabilisation du carbone associée à un AFC. L'une des recommandations était que la meilleure façon d'assurer la compétitivité de l'agriculture canadienne passe par l'allègement initial de la tarification du carbone, plutôt que par la protection commerciale. Ils ont également exprimé leurs préoccupations concernant l'incidence des AFC sur le coût des intrants agricoles, comme les pesticides et les engrais.
En explorant les AFC, nous avons relevé des considérations inhérentes à tous les administrations qui envisagent l'instauration d'un AFC, notamment: les avantages d'un AFC pour garantir un environnement équitable et prévisible pour les entreprises dans le cadre de la décarbonation de l'industrie; comment concevoir des AFC qui seraient conformes aux obligations commerciales internationales; l'évaluation des incidences en matière de coût et du fardeau de la conformité des AFC, y compris la transmission des coûts aux industries en aval.
Toutefois, d'autres considérations revêtent une importance particulière pour le Canada: les différents systèmes provinciaux et territoriaux de tarification du carbone au Canada rendent difficile la conception d'un AFC qui permet d'ajuster avec précision les coûts du carbone partout au pays. À cela s'ajoute l'importance des États-Unis en tant que partenaire commercial et l'absence de tarification fédérale du carbone aux États-Unis.
Le gouvernement continue d'étudier cet outil stratégique, dans l'optique de ces considérations et en tenant compte du contexte national, notamment du programme général du Canada de transition vers la carboneutralité, ainsi que des évolutions sur la scène internationale. Depuis nos consultations, nous n'avons pas reçu d'autres observations du secteur agricole exprimant un intérêt à l'égard des AFC.
Je serai ravie de répondre à vos questions. Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Bon après-midi.
Je remercie les membres du Comité de me donner l'occasion de m'adresser à eux aujourd'hui à propos d'un sujet assez important.
Je m'appelle Kathleen Donohue. Je suis vice-présidente de la direction générale des Affaires internationales à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ou ACIA.
Aujourd'hui, mes observations porteront sur le traitement des aliments importés par rapport à ceux produits au Canada.
[Traduction]
L'Agence canadienne d'inspection des aliments est un organisme de réglementation à vocation scientifique dont le mandat est d'assurer la salubrité des aliments, la santé des animaux et la protection des végétaux afin d'améliorer la santé et le bien-être de la population, de l'environnement et de l'économie du Canada. Tous les aliments vendus au Canada, qu'ils soient préparés au pays ou importés, doivent respecter les normes de salubrité alimentaire et de qualité nutritionnelle ainsi que les exigences d'étiquetage du Règlement sur la salubrité des aliments au Canada et du Règlement sur les aliments et drogues.
Le rôle de l'ACIA comprend la tenue d'activités fondées sur le risque visant à assurer la salubrité et la conformité des aliments, qu'ils soient locaux ou importés. Pendant l'inspection, l'ACIA vérifie que les aliments sont conformes aux exigences du Canada en matière de salubrité des aliments. L'ACIA prend des mesures lorsqu'un produit ne respecte pas la réglementation canadienne, et ce peu importe l'origine du produit alimentaire. Si un produit est importé, l'agence collabore avec les gouvernements étrangers pour gérer tout risque lié à la salubrité des aliments, au besoin.
L'ACIA vérifie que les produits provenant de titulaires d'une licence pour la salubrité des aliments au Canada répondent aux exigences fédérales relatives aux aliments. Cette vérification comprend l'échantillonnage et l'analyse des produits, leur inspection et la vérification des plans de contrôle préventif. L'ACIA peut émettre des avis de surveillance à la frontière et effectuer des inspections aux points d'entrée pour empêcher l'entrée au Canada d'aliments non conformes, notamment au moyen d'ordonnances de retrait du Canada, ou de destruction du produit ainsi que de suspension ou d'annulation de licences. Les autres mesures de non-conformité peuvent comprendre la demande de mesures correctives, des saisies et des détentions, et même des poursuites.
L'ACIA peut conclure des ententes avec des partenaires commerciaux internationaux qui énoncent des conditions précises pour les importations, y compris des conditions qui exigent que le gouvernement étranger produise des certificats pour certains produits.
[Français]
L'ACIA réalise à l'étranger des audits de systèmes d'inspection des aliments ainsi que des vérifications d'établissements étrangers en fonction des risques, afin de s'assurer que les produits exportés par ces pays et ces établissements satisfont aux exigences canadiennes en matière d'importation.
En ce qui concerne les produits alimentaires présentant un risque élevé, comme la viande et les mollusques, le système d'inspection d'un pays étranger doit être approuvé au préalable par l'ACIA pour que des produits de ce pays puissent être exportés vers le Canada. Ces évaluations visent à garantir que les produits exportés vers le Canada sont conformes aux lois et aux règlements canadiens.
En résumé, l'ACIA exige que les produits alimentaires importés respectent le même niveau de protection que ceux produits au Canada. Elle dispose de plusieurs mécanismes pour s'assurer que les produits importés répondent aux exigences du Canada en matière de salubrité des aliments. Par ailleurs, elle peut prendre les mesures nécessaires lorsque ces produits ne répondent pas à ces exigences.
Merci.
Je serai heureuse de répondre à toutes vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les fonctionnaires du ministère d'être ici présents.
Il me semble très intéressant que cette étude soit l'initiative du gouvernement, mais que les fonctionnaires n'étaient pas prêts à aborder le sujet la semaine dernière. Je suis un peu inquiet à l'idée que le gouvernement envisage de mettre en œuvre cette politique sans même être prêt à en discuter en comité.
Monsieur Rosser, je vais commencer par réagir à vos commentaires.
Vous avez mentionné que l'ensemble des émissions du domaine de l'agriculture représentent 30 % des émissions mondiales. Les émissions canadiennes représentent 1,6 % des émissions mondiales, et l'agriculture représente 10 % de cette statistique. C'est ce que vous avez dit. Ce sont les chiffres que vous avez fournis concernant nos émissions. Nous sommes clairement bien en dessous de la moyenne mondiale en agriculture.
Pour ce qui est de notre compétitivité dans le domaine de l'agriculture, pour un grand nombre de nos activités, nous sommes tributaires du commerce international et de l'accès au commerce dans d'autres pays. Selon vous, quel serait l'effet sur la compétitivité du Canada si l'on mettait en place un ajustement à la frontière pour le carbone sur les produits de l'agriculture, alors que nous dépassons déjà de loin d'autres pays en ce qui concerne les émissions et nos réalisations environnementales?
:
Je vous remercie, monsieur Rosser.
Je trouve intéressant que vous et Mme Govier, du ministère des Finances, utilisiez le mot « intérêts » pour décrire les préoccupations très réelles que soulèvent les intervenants que vous avez consultés. Je dirais qu'ils ne sont pas « intéressés ». Ils sont très inquiets des répercussions que cela pourrait avoir, étant donné qu'aucun autre pays, selon vos propres mots, n'envisage d'appliquer une telle mesure aux produits agricoles. Je me demande vraiment pourquoi nous voudrions emprunter cette voie, si aucun autre pays ne le fait.
Je vais passer à Mme Govier.
Nous savons maintenant que le coût d'administration de la taxe sur le carbone s'élève à lui seul à environ 82 millions de dollars par année. Il faut près de 500 bureaucrates pour s'acquitter de cette tâche. Je dirais que ce n'est pas le meilleur rendement du capital investi.
Le ministère des Finances a‑t‑il procédé à une analyse semblable du coût de l'administration d'un ajustement à la frontière pour le carbone pour le ministère des Finances, l'ASFC ou tout autre ministère qui serait chargé d'administrer ce programme?
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins qui sont avec nous.
Puisque nous parlons des États-Unis, je sais que le sénateur Cassidy, un républicain, et le sénateur Whitehouse, un démocrate, ont tous deux présenté un projet de loi afin d'imposer essentiellement un tarif aux pays qui n'ont pas de tarification de la pollution ou qui ne mesurent pas l'intensité en carbone de la pollution. Concernant l'idée que les États-Unis n'en parlent pas nécessairement, il est certain que les gens qui ont le pouvoir de présenter un projet loi en parlent.
Mon but ici n'est pas de prédéterminer ce qui pourrait arriver demain matin, mais ce qui pourrait arriver dans 5, 10 ou 15 ans. Vous avez tous témoigné du fait que l'Union européenne et le Royaume-Uni imposeront, d'ici 2026‑2027, un tarif d'ajustement pour le carbone sur les engrais, un intrant que nous utilisons tous — que les agriculteurs utilisent pour produire des aliments —, mais le carbone est aussi un intrant dans les industries de l'acier, de l'aluminium et du ciment. Le monde entier se penche sur la question. Les fuites de carbone sont un enjeu majeur.
[Français]
Ici, on parle de clauses de réciprocité; en Europe, on parle de clauses miroirs. Les agriculteurs font grandement pression sur la Commission européenne au sujet des clauses miroirs. De quoi s'agit-il, en fait? On veut que les normes agricoles qui s'appliquent en Europe s'appliquent de la même façon aux pays importateurs, comme le Canada. En effet, le Canada exporte des produits agricoles en Europe.
Ma première question s'adresse à la représentante du ministère des Finances.
Je sais qu'il y a eu des consultations sur les mécanismes d’ajustement à la frontière pour le carbone. Bien sûr, en agriculture, on dit que ce n'est pas le moment d'appliquer de tels mécanismes, parce qu'on ne sait pas encore comment mesurer les émissions de carbone de façon efficace. Je sais qu'en Europe, c'est ce qu'on a dit. Les conversations à l'échelle internationale vont-elles un peu dans le même sens, c'est-à-dire que, bien que le domaine agricole veuille bien en arriver là un jour ou l'autre, on n'a pas encore trouvé de façon efficace d'y parvenir?
:
Souvent, on entend dire que le Canada est responsable de moins de 2 % des émissions de gaz à effet de serre, alors on se demande pourquoi, dans ce cas, il agirait.
J'aimerais savoir un peu à quoi ressemblent les discussions à l'échelle internationale. J'ai vu les chiffres, et c'est vrai que le Canada est responsable de moins de 2 % des émissions de gaz à effet de serre. En revanche, il est aussi vrai que, mis ensemble, tous les pays qui sont responsables de moins de 2 % des émissions de gaz à effet de serre sont responsables, au bout du compte, d'au moins 40 % des émissions totales dans le monde. Voilà la raison pour laquelle il doit y avoir un effort mondial.
Quelle est l'attitude des pays responsables de moins de 2 % des émissions de gaz à effet de serre, que ce soit à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques ou au sein d'autres organisations internationales? Est-ce qu'ils s'appuient sur cet argument pour dire qu'ils ne vont rien faire, qu'ils vont observer la situation en retrait et attendre que les États‑Unis et la Chine agissent? Est-ce l'attitude qu'adopte la communauté internationale à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques ou dans les autres forums internationaux?
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
La petite mise au point que j'ai faite au début de la séance était importante. Au nom de ma formation politique, j'ai accepté que le Comité étudie les exigences relatives aux changements climatiques, mais je voulais que le Comité ratisse plus large et explore la question des normes qu'on exige pour les aliments qui entrent au Canada.
Madame Donohue, vous en avez beaucoup parlé. Vous avez dit que les produits importés devaient respecter les mêmes normes et offrir les mêmes niveaux de protection que les produits canadiens. Toutefois, ce n'est pas ce que les producteurs locaux nous disent. Ils nous disent plutôt que les produits qui arrivent de l'extérieur du pays ne sont pas assujettis aux mêmes normes que les produits canadiens et que, souvent, les producteurs étrangers utilisent des intrants qui sont interdits ici.
Comment expliquez-vous cela? Qui dit vrai? Expliquez-moi les nuances, s'il y en a, parce que c'est important.
:
Merci de la question, monsieur Perron.
[Traduction]
À l'Agence canadienne d'inspection des aliments, nous nous attendons à ce que tous les aliments, qu'il soient importés ou produits au pays, répondent aux mêmes exigences réglementaires et de qualité. Je comprends et je reconnais ce que vous nommez. S'il y a un problème particulier, nous sommes certainement disposés à examiner la question et à comprendre la nature de la plainte.
En ce qui concerne nos exigences, nous nous attendons à ce que les personnes qui importent ou produisent des aliments sous la surveillance de l'Agence... Elles doivent avoir une licence valide délivrée par l'Agence. Elles doivent également être conscientes des dangers associés aux aliments qu'elles importent ou produisent. Il faut mettre en place des contrôles pour y remédier. C'est ce que nous appelons un plan de contrôle préventif.
Enfin, nous nous attendons à ce qu'elles tiennent des registres pour assurer la traçabilité, de sorte que s'il y a un problème, nous soyons en mesure de retracer les produits.
:
Loin de moi l'idée de vous coincer, mais je vais prendre l'exemple du canard, qui présente un problème sur le plan de l'importation et de la génétique. Vous en êtes certainement au courant. La France, qui n'est quand même pas un pays du tiers-monde, nous a donné des garanties en ce qui concerne la génétique d'une espèce qui n'est pas vaccinée, mais son importation n'est toujours pas autorisée. Je pense qu'il y a un voyage de prévu, mais cela compromet la production de l'année prochaine. J'imagine que vous en êtes conscients.
Je peux aussi vous parler du canard provenant de la Hongrie ou de la Pologne. Quand on regarde l'emballage et qu'on l'ouvre, on voit tout de suite que le produit ne répond pas aux normes canadiennes, en raison de la présence de plumes et d'un paquet d'autres facteurs.
Pendant ce temps, comme vous l'avez dit tantôt dans votre énoncé, vous vous concentrez sur les produits locaux. Comprenez-moi bien, je ne suis pas en train de demander qu'on soit négligent. C'est correct que l'ACIA soit exigeante. Cependant, nos producteurs locaux ont l'impression qu'on s'acharne sur eux, alors que les produits de l'extérieur ne sont pas équivalents. Ça fait plus de cinq ans qu'ils me le disent, alors ça ne doit pas être une impression spontanée qui s'efface après un mois.
Je pourrais aussi vous parler des carottes qui ont été importées de Chine l'année dernière. Pour savoir quels produits ont été utilisés pour cultiver des aliments, il faut toujours bien que vous ayez la collaboration des autorités locales. Dans le cas de la Chine, à cet égard, je ne sais pas trop comment le dire, mais ce n'est pas le nirvana.
Je vous laisse nous en parler.
Monsieur Rosser, j'ai écouté les réponses que vous avez données à mon collègue, M. Barlow, et vous avez dit qu'il n'y a pas vraiment de comparaison possible pour ce qui est de la façon dont nous nous en tirons sur le plan environnemental avec ces 10 % d'émissions agricoles par rapport à d'autres régions du monde. Dans le prochain groupe de témoins, nous accueillerons un collègue du Global Institute for Food Security, qui a mené une étude en 2022 sur l'empreinte carbone et la production de diverses cultures, dont le canola, le blé non dur, les pois, le blé dur et les lentilles. Son équipe a comparé l'empreinte carbone de nos producteurs à celle de pays comme l'Australie, la France, l'Allemagne, l'Italie et les États-Unis, et les résultats ont démontré que les producteurs canadiens, en particulier en Saskatchewan et dans l'Ouest canadien, produisent les cultures qui produisent le moins d'émissions de gaz à effet de serre ou d'équivalents en dioxyde de carbone parmi ces régions.
Nous avons des données tangibles qui montrent que nous faisons déjà un très bon travail et que nous ne devrions pas essayer de pénaliser davantage nos agriculteurs. Le ministère de l'Agriculture tient‑il compte de ces données lorsqu'il envisage de mettre en oeuvre certaines de ces politiques?
:
Je dois vous avouer que je ne suis pas au courant de la situation particulière des carottes provenant de la Chine.
Je peux cependant vous dire qu'à l'Agence, nous avons le Programme national de surveillance des résidus chimiques.
[Traduction]
Nous vérifions chaque année la conformité. Cela consiste à tester les aliments appartenant à des catégories particulières, notamment la viande, les produits laitiers, les œufs, le miel, les produits de l'érable et les fruits et les légumes transformés.
Ma réponse a‑t‑elle respecté les 40 secondes qui restaient? J'espère que c'est le cas.
:
Je ne sais pas si j'aurai besoin d'autant de temps, monsieur le président, mais je vous en suis reconnaissant.
Je pense que c'est un point très important à souligner, et M. Rosser et Mme Govier l'ont en quelque sorte abordé: les ajustements à la frontière pour le carbone imposés par l'Union européenne ou les États-Unis ne profitent pas aux producteurs canadiens, car notre secteur de l'agriculture a une excellente empreinte carbone, ce qui nous permet de bénéficier d'un meilleur accès aux marchés.
Je vais vous donner un exemple concret que M. Rosser connaît certainement bien. L'entreprise Harmony Beef de l'Alberta a refait toute sa salle d'abattage pour répondre aux normes de l'Union européenne en matière d'importation de viande bovine. L'Union européenne n'importe pas une seule livre de bœuf canadien, bien qu'une usine de transformation de la viande de l'Alberta ait fait pratiquement tout ce qu'elle pouvait pour se conformer aux normes de l'Union européenne. Je considère les MACF comme une autre barrière commerciale non tarifaire que l'Union européenne ou d'autres pays mettront en place pour protéger leurs propres producteurs, comme l'a déclaré Mme Leah Taylor Roy.
Madame Donohue, vous êtes peut-être mieux placée pour le savoir.
Je crois comprendre que, lorsque l'Union européenne mettra en œuvre les MACF en 2026‑2027, le secteur de l'agriculture n'en fera pas partie. Y a‑t‑il une norme fixe, disons, ou une organisation chargée de superviser et d'administrer des ajustements à la frontière pour le carbone qui sont très clairement définis? Si un autre pays — le Canada, par exemple — souhaite importer un produit européen ou exporter un produit dans l'Union européenne, savons-nous exactement quelles seront les règles du jeu et quelles seront les normes que nous devrons respecter? D'après votre expérience, pourrait-il s'agir d'une autre barrière commerciale non tarifaire qui compliquera encore plus l'accès des producteurs canadiens à ces marchés?
Je sais que c'est une question très vaste, mais je pense qu'il est très important que nous comprenions exactement dans quoi nous nous engageons.
:
Je vais peut-être tenter de vous donner une réponse initiale, mais d'autres collègues auront peut-être quelque chose à ajouter à ce sujet.
Oui, il est tout à fait vrai que nous sommes inquiets, que même des mesures environnementales bien intentionnées... En ce qui concerne les ajustements à la frontière pour le carbone dans le secteur agricole, nous parlons encore d'hypothèses, car personne n'en a proposé. Cependant, même si ces mesures étaient très bien conçues, on pourrait certainement craindre qu'elles ne soient... comme certaines des barrières non tarifaires que les membres ont citées à propos de l'exportation de viande de bœuf. Nous rencontrons ces difficultés constamment, et il est certainement possible que les ajustements à la frontière pour le carbone, qui sont des mesures de lutte contre le changement climatique, se transforment en barrières non tarifaires. C'est un risque que nous nous efforcerons de gérer activement.
Je pense que la perspective d'éviter ce genre de mesures est l'une des discussions qui passionnent les intervenants agricoles canadiens, non seulement à l'échelle nationale, mais aussi à l'échelle internationale.
J'avais un autre argument à faire valoir, mais il m'échappe, alors pour gagner du temps, je m'en tiendrai là.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens moi aussi à remercier les témoins. Je vous suis reconnaissant de votre présence et de votre travail assidu. Je pense que vous pouvez nous aider à explorer les avantages stratégiques de la transition continue vers la durabilité dans le secteur agricole canadien.
Au cours des dernières années, le Canada a constaté un virage important vers la durabilité et la carboneutralité dans son secteur agricole. Les Canadiens accordent de plus en plus la priorité à ces aspects, reconnaissant l'importance des pratiques durables pour la sécurité alimentaire à long terme et pour la santé environnementale. Nous ressentons cet élan dans le secteur agricole pour stimuler le changement grâce aux technologies, aux infrastructures, aux politiques et aux finances.
L'un des exemples que je connais à l'échelle locale est le travail qui se fait à l'Arrell Food Institute de l'Université de Guelph pour élaborer un plan visant à favoriser l'agriculture adaptée au climat. L'objectif est de produire 26 % plus d'aliments d'ici 2050 tout en réduisant les émissions, ce qui signifie qu'on peut avoir simultanément une productivité plus grande, une agriculture plus durable et des profits plus élevés pour les agriculteurs. J'espère que nous pourrons tous nous entendre et travailler ensemble pour obtenir ces résultats.
Je voulais adresser les premières questions à Tom Rosser, du ministère de l'Agriculture, et c'est au sujet des incitatifs financiers, des programmes et des mécanismes de soutien qui sont déjà en place pour encourager les agriculteurs et les entreprises agroalimentaires à adopter des pratiques plus durables.
:
À titre de président, je vais me prévaloir de mon droit de poser quelques questions, au risque d'agacer mes collègues.
Tout le concept dont nous parlons ici peut aller dans les deux sens. Si l'agriculture canadienne est bien prise en compte dans la gérance de l'environnement, elle peut constituer un avantage commercial, mais à condition qu'elle soit reconnue sur le marché international.
Ma question s'adresse peut-être à Mme Govier ou à vous, madame Meltzer.
Qui, au sein du gouvernement du Canada, prend l'initiative de collaborer avec nos partenaires internationaux? Je constate que l'agriculture n'est pas encore envisagée pour les mécanismes d'ajustement à la frontière dans les pays dont nous avons parlé. Je suppose que cela pourrait être un sujet de préoccupation, comme l'a souligné M. Barlow, ou un avantage concurrentiel pour le Canada, selon la façon dont le tout est mis en œuvre. En fait, l'avantage net dépend vraiment de la façon dont nous nous y prenons pour faire connaître les données probantes dont nous disposons au pays dans ce domaine. Nous savons que des agriculteurs ailleurs dans le monde, comme en Europe, réclament des dispositions semblables. Force est donc de constater que l'agriculture pourrait entrer en ligne de compte plus tard.
Qui prendra les devants? Cette responsabilité incombe‑t‑elle à Affaires mondiales Canada, au ministère des Finances ou à Environnement et Changement climatique Canada? Comment nous y prenons-nous? Voilà ma question.
:
Je conviens avec vous qu'il s'agit d'une relation essentielle. Il va de soi que nous voulons nous assurer que les échanges commerciaux entre nos pays se déroulent bien.
Il y a eu différentes propositions législatives aux États-Unis. Je n'entrerai pas dans les détails, car je ne connais pas tout cela de mémoire, mais je dirais que, comme les États-Unis n'ont pas de tarification fédérale du carbone, ils envisageraient quelque chose de très différent de ce que prévoit faire l'Union européenne, soit une tarification fortement axée sur le prix. Leur système se fonderait probablement sur l'intensité des émissions.
Il pourrait y avoir cette idée que les pays les moins polluants se rassemblent pour poser certains gestes, mais il y a différentes propositions sur le tapis. La direction que prendront les choses n'est pas encore tout à fait claire, notamment quant aux mesures précises que l'administration américaine pourrait vouloir prendre à ce moment‑là.
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Bonjour, monsieur le président, et merci de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
Je m'appelle Steve Webb. Je suis directeur général du Global Institute for Food Security, ou GIFS, à l'Université de la Saskatchewan. En collaboration avec ses partenaires, le GIFS s'emploie à découvrir, mettre au point et mettre en œuvre des solutions novatrices pour la production d'aliments durables à l'échelle mondiale.
Faisant office de catalyseur d'innovation en agriculture, le GIFS relie les différents éléments de l'écosystème agroalimentaire pour faire progresser l'innovation et faciliter la transition vers la commercialisation afin d'assurer à tous une sécurité alimentaire sous le signe de la résilience et de la durabilité.
Il y a un fossé à combler entre nos investissements en recherche et la mise en oeuvre d'innovations ayant une incidence sur le marché. Nous le savons parce qu'aussi bien le Conference Board du Canada que l'Indice mondial de l'innovation ont mis en évidence l'écart entre nos investissements dans l'innovation et notre performance en la matière. Cela signifie simplement que les retombées de nos investissements ne sont pas proportionnelles à l'importance des sommes que nous engageons. Le GIFS s'efforce de colmater cette brèche en misant sur des solutions qui accélèrent l'innovation.
En ce qui concerne le sujet d'aujourd'hui, l'ajustement carbone à la frontière est essentiellement une taxe, ou un droit, que l'on impose sur les marchandises importées d'un autre pays qui n'a peut-être pas un régime de tarification du carbone aussi rigoureux. En théorie, tous les biens circulant dans un pays, qu'ils soient produits localement ou importés, devraient être soumis au même mécanisme de tarification du carbone. Les droits à payer seront fondés sur l'ampleur de l'empreinte carbone liée à la production du bien.
Les ajustements à la frontière pour le carbone visent à uniformiser les règles du jeu en matière de commerce international et à encourager la réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale. Cependant, il y a un certain nombre de facteurs à prendre en considération afin que ces mécanismes d'ajustement ne constituent pas en fin de compte un obstacle au commerce canadien et qu'ils n'aient pas d'incidence négative sur la productivité.
Une question cruciale se pose dans ce contexte. Comment harmoniser les protocoles de mesure, de déclaration et de vérification qui tiennent compte des disparités régionales dans l'agriculture lorsque nous cherchons à évaluer les émissions de carbone dans la production? Il est important de noter que l'ajustement carbone à la frontière a été conçu en fonction des secteurs de la construction de type classique, comme l'électricité, l'aluminium et l'acier, le ciment et divers procédés de travail bien définis. L'agriculture est différente. Compte tenu de l'environnement naturel dans lequel se déroulent les activités agricoles, celles‑ci varient non seulement d'une année à l'autre, mais aussi d'un endroit à l'autre, ce qui complexifie d'autant les efforts de mesure, de vérification et de déclaration.
L'agriculture canadienne est en position de force. Comme il a été mentionné au cours de la dernière séance, une étude commandée par le GIFS montre que nos principales cultures, en particulier dans l'Ouest canadien avec notamment le canola, le blé non dur, les pois fourragers, le blé dur et les lentilles, ont toutes l'intensité carbone la plus faible comparativement aux autres régions du monde, surtout si l'on tient compte de l'incidence des pratiques agronomiques sur les émissions de carbone dans le sol.
Il n'en demeure pas moins que nous devons nous assurer d'harmoniser à l'échelle planétaire les normes de mesure, de déclaration et de vérification applicables à l'agriculture. Nous n'en sommes pas encore là. C'est le premier défi que nous avons à relever.
Il y a aussi la question de la compétitivité. Nos exportations agricoles pourraient être assujetties à des coûts supplémentaires dans d'autres régions qui considèrent que notre réglementation sur le carbone est moins stricte que la leur, ce qui augmenterait les coûts d'exportation et réduirait notre capacité concurrentielle à l'échelle mondiale.
Il faut également considérer l'incidence possible d'une telle mesure sur des accords commerciaux comme celui conclu entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Selon la façon dont nous et nos partenaires nous situons en la matière, ces ajustements pourraient nuire à l'efficacité de ces accords ou lui être favorables. En négociant de tels accords, on cherche à assurer une certaine équité dans les échanges commerciaux, et ces ajustements pourraient être considérés comme avantageux pour le Canada.
Il faut veiller à bien saisir la notion d'équité pour les exportations, non seulement du Canada, mais aussi des pays à faible revenu. À quel point serait‑il juste d'imposer les mêmes droits sur les exportations des pays à faible revenu sans permettre à leurs agriculteurs d'être aussi efficients et efficaces que les producteurs canadiens?
Enfin, même si l'imposition d'un ajustement à la frontière pour le carbone peut permettre d'uniformiser les règles du jeu en matière de tarification du carbone, cette mesure peut aussi mener à la création de nouvelles sources de revenus pour les producteurs canadiens grâce à la séquestration du carbone et à la production de certaines des cultures à plus faible intensité carbonique au monde.
Il y a différentes considérations que nous devons bien avoir à l'esprit. L'harmonisation et le soutien à l'échelle mondiale sont essentiels à la mise en oeuvre de cette mesure dans le secteur agricole. Moins du quart des pays signataires de l'Accord de Paris ont mis en place un régime de tarification du carbone. Compte tenu des répercussions possibles sur le commerce international, des organisations comme l'OMC doivent s'aligner sur un cadre d'action où les ajustements carbone à la frontière ne sont pas considérés comme une barrière commerciale non tarifaire ou une subvention gouvernementale injuste.
L'agriculture est différente, et nous avons besoin de temps et d'investissements pour harmoniser les protocoles de mesure, de déclaration et de vérification afin de mettre en œuvre efficacement une politique, de bien en saisir les coûts et de déterminer comment ces coûts et les revenus pouvant en découler peuvent être partagés.
En terminant, lorsque je discute de ce sujet, je me dis que tout ce qui peut être mesuré peut aussi être amélioré, et que l'innovation est essentielle.
Merci, monsieur le président, de me donner l'occasion de m'exprimer sur ce sujet. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions des membres du Comité.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, merci beaucoup de l'invitation.
Toutes les questions relatives à la réciprocité des normes continuent d'être au cœur de nos préoccupations. Le phénomène de la mondialisation des marchés a repris de plus belle depuis que les chaînes d'approvisionnement se sont remises de l'épisode pandémique. Plus que jamais, les producteurs maraîchers québécois sont en concurrence avec leurs homologues des États‑Unis, mais aussi avec ceux de l'Amérique latine, de l'Europe, et même de l'Asie.
Dans ce contexte, la transition vers une économie à faibles émissions de carbone soulève bien des interrogations. Compte tenu de l'importance des échanges internationaux, les écarts dans la tarification du carbone peuvent poser problème. Il faut éviter que ces écarts entraînent un déséquilibre accru sur le plan de la compétitivité des producteurs maraîchers.
La question des ajustements à la frontière pour le carbone est complexe. Elle ne doit pas être prise à la légère. Il doit nécessairement y avoir une symétrie des normes pour éviter que les producteurs canadiens paient les frais de la réglementation. En d'autres mots, les producteurs maraîchers d'ici doivent obtenir la parité vis-à-vis des produits d'importation. Il est aussi impératif d'examiner sérieusement, en collaboration avec les provinces et à la lumière des développements internationaux, notamment en Europe, les opportunités et les menaces liées à la création d'un système canadien d'ajustements à la frontière pour le carbone.
Nos différentes analyses démontrent que les coûts de production sont déjà plus élevés au Québec que chez nos principaux concurrents, et ce, en raison de la forte réglementation provinciale et fédérale. Cette situation se traduit par une pression qui s'exerce sur les marges bénéficiaires de nos fermes et qui devient de moins en moins supportable, au point de mettre en danger la survie de notre secteur. Il ne faut pas exacerber cette situation déjà problématique.
En ce qui concerne la qualité des produits locaux, le Canada dispose de règles de salubrité et de traçabilité permettant de s'assurer qu'ils sont sécuritaires pour la santé humaine. En outre, l'utilisation des produits phytosanitaires est fortement encadrée. Pour nous, les autorités réglementaires doivent être intransigeantes. Toutes les importations de fruits et légumes doivent respecter les mêmes exigences que celles appliquées ici, au pays. Aucun compromis ne saurait être acceptable. Or, ce n'est pas le cas actuellement.
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Prenons l'exemple des fameuses carottes provenant de Chine. Dans ce cas, les conditions de production demeurent largement méconnues. Est-ce que les produits phytosanitaires utilisés sont autorisés en sol canadien? Posent-ils un danger pour la consommation humaine ou pour l'environnement? Selon nous, ce sont des questions qui devraient vous interpeller. Or, je n'ai pas été convaincu par les explications qu'on nous a données plus tôt aujourd'hui.
La carotte de Chine ne se retrouve pas au comptoir des supermarchés américains. La Chine, de même que 180 autres pays et territoires, ne détient pas d'autorisation pour exporter des carottes aux États‑Unis. Les critères invoqués sont le contrôle et la protection des sols contre la propagation de maladies pouvant circuler outre-frontière par l'entremise des légumes racines.
Le Canada intervient énergiquement et rapidement pour fermer son territoire aux automobiles électriques chinoises. Pourtant, il se refuse à appliquer le même traitement aux légumes chinois, alors que son voisin américain le fait. Il faut se poser la question: s'agit-il d'une approche à deux vitesses? Poser la question, c'est y répondre.
La présence des carottes chinoises sur le territoire canadien alors que des stocks locaux sont toujours disponibles exerce une pression à la baisse sur les prix des carottes au pays, puisque les grossistes et les détaillants les utilisent comme produits de substitution pour augmenter leur rapport de force dans la négociation avec les producteurs locaux.
Alors, en réponse à votre question de tantôt, madame Taylor Roy, je peux vous assurer que les bonnes pratiques environnementales et sociales des producteurs canadiens n'ont aucune incidence lorsque vient le temps de vendre les produits aux grossistes et aux détaillants, où le prix de vente à la ferme fait foi de tout.
Lorsqu'il est question de clauses miroirs — on en a parlé tantôt — en matière de réciprocité des normes, les méthodes de production ne sont pratiquement pas encadrées dans les accords internationaux. En effet, les exigences relatives à la manière dont les produits sont cultivés ne sont généralement pas imposées aux produits importés. Cela devient de plus en plus problématique.
Nous vous soumettons un seul exemple survenu plus tôt cette année, en 2024. Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, soutenu par plusieurs autres provinces canadiennes, a transmis une demande d'homologation pour un produit se substituant à un autre couramment utilisé, mais que le fabricant avait décidé d'arrêter de commercialiser. Dans la demande d'homologation, le ministère québécois faisait valoir que la requête était nécessaire à la production de betteraves en l'absence d'options efficaces à un coût raisonnable. Au soutien de la demande, il était estimé que les pertes financières associées au refus d'homologation seraient de 15 millions de dollars par année, soit la moitié de la valeur de la récolte québécoise. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire a refusé l'homologation de ce produit, qui est pourtant largement utilisé chez nos concurrents américains. Dans ces circonstances, comment voulez-vous concurrencer à armes égales nos voisins situés juste au sud de la frontière?
En conclusion, le secteur maraîcher vit une pression accablante exercée sur sa capacité de concurrence. Cette pression est occasionnée par un environnement réglementaire exigeant et sans réciprocité des normes pour contraindre les concurrents à des normes tout aussi exigeantes.
Merci de votre écoute.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à nos témoins d'être avec nous aujourd'hui pour nous faire part de leurs points de vue.
Mes questions s'adressent à M. Webb.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier du travail que le GIFS a accompli en analysant l'agriculture canadienne et notre empreinte carbone par rapport à d'autres régions du monde. Je pense que ces résultats témoignent on ne peut mieux de la contribution des agriculteurs canadiens qui sont devenus une référence mondiale en la matière.
J'estime que nos dirigeants et notre gouvernement devraient s'employer à inciter le reste de la planète à se hisser à la hauteur des accomplissements du Canada, notamment en ce qui concerne l'utilisation d'engrais, l'efficience et l'agriculture de précision. Nous pouvons certes nous targuer de ces résultats impressionnants, et votre travail nous aide assurément à le faire.
En ce qui concerne votre témoignage, vous avez dit que l'agriculture est différente des secteurs de la construction de type classique, pour reprendre votre expression, qui seront assujettis à un nouveau mécanisme d'ajustement carbone aux frontières au sein de l'Union européenne et peut-être aussi ailleurs dans le monde. Les questions que je vais vous adresser seront semblables à celles que j'ai posées à nos représentants ministériels.
Ce qui me préoccupe au sujet de ce mécanisme, c'est que même s'il découle des meilleures intentions du monde — et nous connaissons tous l'adage qui veut que l'enfer soit pavé de bonnes intentions —, il pourrait s'agir d'un autre exemple de barrière commerciale non tarifaire s'inscrivant dans la politique de protectionnisme adoptée par certains pays. À votre avis, quels pourraient-être les inconvénients possibles advenant qu'aucune norme ou réglementation ne soit définie pour établir très clairement les conditions à respecter par les autres pays pour avoir accès à ces marchés?
Je sais que l'agriculture n'est pas incluse dans le plan de l'Union européenne que l'on attend pour 2026‑2027, mais si ce plan devait être élargi pour intégrer les produits agricoles, dans quelle mesure est‑il essentiel, premièrement, qu'il y ait un ensemble très clair de règles ou de critères à respecter et, deuxièmement, que ces gouvernements prennent des décisions fondées sur des données scientifiques afin que nous ayons effectivement accès aux marchés en question si nous satisfaisons aux critères établis?
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Tout d'abord, comme l'un des autres témoins l'a dit, ce sont les détails qui font foi de tout. Dans le cas de l'agriculture, et je me permets de citer l'étude menée au GIFS, nous avons effectué une analyse du cycle de vie du carbone pour déterminer son incidence d'un bout à l'autre du spectre. Nous avons suivi les règles internationales acceptées, et l'une des choses qui ne sont pas mesurées, c'est l'impact des pratiques agronomiques sur la contribution de l'utilisation du sol à l'empreinte carbone.
Lorsque vous vous en tenez ainsi à ce qui est généralement accepté, vous avez droit à une image faussée de l'empreinte carbone du Canada. Cela donne également une idée erronée de l'empreinte carbone des États-Unis et de l'Australie par rapport à celle de la France et de l'Allemagne. Si l'on examine les pratiques agronomiques en tenant compte de l'incidence sur la séquestration du carbone dans le sol, on constate que le Canada devance tous les autres pays, et que les Américains et les Australiens surpassent en fait leurs pairs européens.
Nous avons procédé à cette analyse pour exposer la teneur véritable de la règle internationale standard, qui est fondée sur la réalité des secteurs de la construction de type classique, plutôt que sur celle de l'agriculture. Je pense que cela souligne la nécessité d'avoir un accord international sur ce que nous mesurons et sur la façon dont nous comptabilisons les choses.
Notre étude a aussi mis en lumière un autre élément. Il faut se rappeler que nous avons non seulement examiné la situation du Canada par rapport à ses pairs commerciaux, mais aussi procédé à diverses analyses régionales au Canada, dans l'Ouest canadien et en Saskatchewan. Nous avons ainsi pu faire ressortir les différences entre les pratiques agronomiques en usage d'une région à l'autre. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que tous procèdent à ces mesures de la même manière. Nous devons toutefois adopter une approche universelle quant aux critères qui sont évalués en cherchant à optimiser les mesures et les modèles qui entreraient dans une analyse de l'empreinte carbone d'un produit dans le cadre d'un mécanisme d'ajustement carbone à la frontière de manière à bien tenir compte des résultats obtenus localement. Là encore, je pense que les choses peuvent vraiment devenir complexes.
Je vais être honnête avec vous. Je m'inquiète un peu des coûts supplémentaires liés à la mise en œuvre d'un tel mécanisme pour les producteurs et pour toute la chaîne de valeur, surtout en l'absence d'avantages accrus, à savoir l'augmentation des débouchés commerciaux et des possibilités d'exportation pour le Canada. J'estime que c'est le plus grand défi.
Je me demande par ailleurs si les organisations internationales qui devraient mettre en oeuvre ce mécanisme sont prêtes à le prendre en charge, parce que cela pourrait fort bien être perçu... N'oubliez pas que, dans le contexte des accords de Paris, à peine le quart des pays ont mis en place une tarification du carbone. Encore une fois, si vous ne pouvez pas obtenir un accord à ce niveau sur la tarification du carbone, d'autres pays pourraient considérer...
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D'un point de vue canadien, comme je l'ai mentionné, nous sommes déjà des chefs de file. Nous avons mis en œuvre des technologies qui ont été mises au point ici dans l'Ouest canadien, en Saskatchewan, comme la culture sans labour, le travail minimal du sol, le canola résistant aux herbicides et la rotation des cultures.
Le problème, c'est que lorsque nous examinons les mesures, il y a des dates arbitraires, comme celle de l'Accord de Paris en 2015. Comment allons-nous, d'un point de vue canadien, reconnaître la contribution que les agriculteurs ont déjà apportée?
À titre d'exemple, l'un des agriculteurs membres de notre comité consultatif de producteurs pratique la culture sans labour depuis 40 ans. Dans son exploitation agricole, qui s'étend sur 29 000 acres en Saskatchewan, on a fait passer le taux de carbone dans le sol de 3 à 6 %. Je ne pense pas que cet agriculteur verra sa contribution reconnue pour la quantité de carbone qu'il a séquestré. Je crois que cela s'inscrit également dans la conversation que nous devons avoir quant à la façon de nous assurer que nous ne décourageons pas les pratiques durables qui ont cours au Canada pendant que d'autres pays nous rattrapent.
Premièrement, en matière de leadership, regardons d'abord du côté de l'Europe. L'Union européenne tente d'harmoniser les pratiques à l'intérieur de ses ententes de libre-échange des biens. Ici, en Amérique du Nord, presque chaque province canadienne a son propre système. Quant aux États‑Unis, comme on l'a expliqué tantôt, le gouvernement fédéral américain n'a pas donné de règles générales. On laisse aux États le soin d'établir leurs propres pratiques. Il y a donc nécessité d'harmoniser nos pratiques, compte tenu de l'ampleur des volumes qui s'échangent de part et d'autre de la frontière.
Deuxièmement, toujours en matière de leadership, prenons l'exemple des Américains. Le gouvernement américain a la volonté de donner aux agriculteurs les moyens de ses ambitions. On a vu la pluie de mesures de soutien contenues dans l'Inflation Reduction Act. Ici, au Canada, les agriculteurs attendent toujours de savoir quels moyens seront mis en œuvre par les autorités provinciales et fédérales pour soutenir la transition climatique des agriculteurs.
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Je vais répondre à la question.
J'ai constaté une grande participation du côté des chefs de file de l'industrie. Des organisations comme CANZA, dont les membres comprennent l'Université de Guelph, l'Université de la Saskatchewan, des agriculteurs, la société Maple Leaf, l'entreprise Nutrien et la Banque Royale, par exemple, cherchent à élaborer les mécanismes de mesure, de rapport et de vérification dont nous avons besoin.
GIFS participe à un projet qui a commencé par un protocole d'entente entre Bayer et le gouvernement de la Saskatchewan, en collaboration avec l'Université de la Saskatchewan. Ce projet vise à trouver des moyens de mettre en œuvre les mécanismes de mesure et de rapport. Cela va au‑delà des mesures volontaires. Si l'on veut participer au marché du carbone, comment peut‑on y arriver concrètement? Ces activités sont en cours. Je ne sais pas dans quelle mesure l'industrie participe à la discussion. Selon moi, la situation exige la mobilisation générale. Le Canada dispose déjà de mécanismes pertinents. L'Indice national de rendement agroalimentaire nous place dans une position unique; cette coalition regroupe plus de 150 membres de tous les secteurs de l'agriculture.
Je le répète, pour être efficace, nous devons tirer parti du pouvoir de toute la chaîne de valeur.
Dans mon échange avec Mme Donohue tantôt, j'ai mentionné l'exemple des fameuses carottes provenant de la Chine. Vous en avez parlé également. On pourrait aussi parler de laitues qui proviennent du Mexique, par exemple.
Vous vivez la situation au quotidien, alors que vous devez faire concurrence à des gens qui n'ont pas les mêmes règles du jeu que vous. C'est ce que vous nous dites, dans le fond. On parle des produits phytosanitaires utilisés et de la qualité des aliments, mais il y a aussi toute la question des conditions de travail des travailleurs, dont on n'a même pas parlé.
Qu'est-ce qui manque? Quelle recommandation nous feriez-vous pour améliorer les choses?
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Il faut une base égale pour tout le monde. En ce moment, les normes en matière de carbone sont différentes d'un pays à l'autre, et même d'une province à l'autre.
Au Québec, nous avons Agriclimat, un projet dans le cadre duquel des chercheurs établissent des bases en vue de mesurer la consommation de carbone ou les effets du carbone sur nos environnements agricoles québécois. Or, on se rend compte que plus on diminue l'effet du carbone, c'est-à-dire les gaz à effet de serre, plus on doit augmenter l'utilisation des pesticides. Est-ce vraiment ce qu'on veut, utiliser plus de pesticides pour réduire l'empreinte carbone? Dans le secteur maraîcher, l'empreinte carbone est surtout attribuable à l'utilisation de la machinerie. Si on doit diminuer l'utilisation de la machinerie, qu'on le veuille ou non, on doit augmenter l'utilisation de pesticides. On n'a pas d'autre option.
Dans cette équation, il faut se poser des questions. Si on n'a pas les mêmes produits phytosanitaires que les autres pays, sommes-nous vraiment capables de diminuer les gaz à effet de serre?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être parmi nous.
Madame Lefebvre et monsieur Léger Bourgoin, au cours des rencontres que nous avons eues en votre compagnie, vous avez souvent parlé de l'ARLA, soit l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Je vais me retenir de dire certaines choses sur cette agence, mais vous avez évoqué sa lenteur à approuver des produits phytosanitaires qui sont pourtant utilisés dans de nombreux autres pays et qui pourraient être utilisés au Canada. Ici, on traîne la patte.
Selon vous, s'agit-il d'un manque de volonté? Pourquoi est-on incapable de fournir à l'ARLA les ressources nécessaires pour répondre adéquatement aux demandes? Après tout, on demande aux producteurs de produire des produits de très grande qualité.
Tout d'abord, il y a la question de la frontière, sur laquelle nous reviendrons tout à l'heure. Pour ce qui est de la réglementation et de l'acceptation de produits qui sont utilisés dans d'autres pays, d'où vient le problème, selon vous?
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Monsieur Webb, je veux revenir à vous. J'ai bien aimé votre témoignage. J'approuve presque tout ce que vous dites. Je suis convaincu que nous nous dirigeons vers la tarification à la frontière, et elle finira sans doute par être appliquée au secteur de l'agriculture. Il y a beaucoup d'étapes à franchir avant d'en arriver là.
Vous avez parlé des pratiques adoptées par les agriculteurs canadiens, comme la rotation des cultures, l'agriculture de précision, la rotation des pâturages, la gestion des nutriments et plus encore. D'après moi, ces pratiques nous placent dans une très bonne position, et je suis d'avis que les agriculteurs devraient être récompensés pour leurs efforts.
Cela me ramène à mes réflexions sur les crédits de carbone et à la manière de les mesurer pour les agriculteurs, parce que je pense qu'il y a des possibilités là aussi. Ces possibilités sont liées à certains produits que nous importons et à notre harmonisation avec les États-Unis. À l'heure actuelle, le Congrès américain est saisi de quatre projets de loi qui éludent la question des crédits de carbone. Deux mesurent les intrants. Ils ont été introduits par les démocrates et les républicains, qui ne s'entendent pas sur grand-chose.
Voici la question que j'ai pour vous. C'est peut-être redondant, mais je pense qu'il vaut la peine d'y revenir. Comment peut‑on réunir les intervenants de l'industrie et du gouvernement de sorte que nous fassions tout ce que nous pouvons pour... si ce n'est pas 2025 ou 2026, le Royaume-Uni, l'Union européenne et les États-Unis avancent maintenant dans cette direction. De plus, nous savons que si les États-Unis constatent qu'il y a un avantage pour leurs industries et leurs secteurs... Je pense que Mme Taylor Roy a mentionné que 73 % des Américains sondés appuient la tarification à la frontière. À ce point‑là, l'enjeu devient géopolitique.
Comment pouvons-nous réunir tout le monde pour nous assurer de faire tout ce que nous pouvons pour soutenir nos agriculteurs?
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Merci, monsieur le président.
Je vais revenir sur ce qui a été discuté avec M. Lehoux.
En ce qui concerne la gestion des risques, vous demandez que l'on fasse des inspections de façon aussi fréquente et aussi rigoureuse pour les produits importés que pour les vôtres, et que les mêmes exigences s'appliquent. Je vous ai bien compris. Ce sera donc assez simple de rédiger des recommandations à ce sujet.
En ce qui concerne l'ARLA et l'homologation des produits, on pourrait parler d'un paquet de choses, mais j'ai l'exemple du linuron qui me vient en tête. À un moment donné, nos producteurs ne pouvaient pas l'utiliser, mais on importait des carottes des États‑Unis dont la culture avait été rendue possible notamment grâce à ce produit.
Ces inepties et ces illogismes sont-ils causés par le fait que ce sont des agences différentes qui réglementent ça? Comment voyez-vous ça?
Est-il possible d'établir une collaboration internationale, un partage d'expertise, pour assurer une meilleure fluidité sans réduire nos normes de qualité?
[Traduction]
J'ai une dernière question pour M. Webb.
J'essaie de comprendre le rôle des organismes mondiaux dans ce dossier, par exemple l'OMC. Si nous instituons un régime comprenant des ajustements à la frontière pour le carbone dans le secteur de l'agriculture, comment sera‑t‑il réglementé?
Est‑ce que ce sera par l'intermédiaire d'accords commerciaux bilatéraux? Est‑ce que l'OMC pourrait en être responsable?
Certaines divisions de l'OMC semblent un peu dysfonctionnelles en ce moment en raison des actions des États-Unis.
Pouvez-vous nous parler des enjeux de plus haut niveau?
:
Monsieur Webb, j'ai une dernière question.
Je pense que ce que j'entends aujourd'hui... On n'ose pas parler de la tarification du carbone dans le secteur de l'agriculture. Les carburants agricoles en sont presque tous exemptés. La Chambre des communes est saisie du projet de loi . Je pousse parfois mes collègues conservateurs pour savoir quand elle sera mise aux voix.
Je pense qu'une question plus vaste se pose, que la tarification du carbone soit applicable ou non: y aura‑t‑il une autre forme de contribution, disons, de la part de l'industrie? Si nous croyons qu'il y a du travail à faire — et je comprends ce que vous dites au sujet des agriculteurs qui ont adopté des technologies et qui misent sur l'innovation —, nous pourrions être obligés de trouver un compromis entre l'économie et les résultats environnementaux. Comment pouvons-nous trouver un équilibre entre les deux?
Je comprends ce que vous dites au sujet d'une stratégie canadienne sur l'agriculture et des différences régionales; tout cela est très bien. Toutefois, nous parlons de la position du Canada dans le monde; nous cherchons des moyens de concilier la volonté de maintenir l'avantage concurrentiel actuel du Canada au chapitre de la durabilité et la volonté de continuer à déployer des efforts en vue de réduire les émissions à l'échelle de l'industrie, et non seulement dans le secteur de l'agriculture. Nous voulons éviter de miner la compétitivité dans un monde où les échanges commerciaux sont faits à l'échelle mondiale.
Si la décision vous appartenait, que feriez-vous?
Je n'entends pas parler du MACF. Faut‑il adopter une approche de type club, en s'arrimant à d'autres pays qui demandent expressément à leur secteur agricole d'agir, que ce soit en adoptant des politiques de tarification ou en prenant d'autres types de mesures, comme des subventions massives du gouvernement pour soutenir l'industrie, mesures qui ont une incidence sur le portefeuille des contribuables?
En une minute, pouvez-vous nous dire ce que vous feriez si la décision vous appartenait?
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Merci de me confier cette tâche, monsieur le président.
Encore une fois, du point de vue canadien, je pense qu'il faut, entre autres, que le secteur de l'agriculture parle d'une même voix. Nous n'avons pas d'ambassadeur de l'agriculture. Beaucoup de personnes prennent la parole, mais personne ne le fait à titre de défenseur ou de porte-parole du secteur. Je pense qu'il serait très utile de parler d'une voix commune.
En ce qui concerne la mise en œuvre, il faut en avoir pour notre argent. Quel est le taux de rendement des investissements? Nous n'avons pas choisi les mesures que nous avons prises pour arriver là où nous en sommes au Canada aujourd'hui parce qu'elles n'avaient pas de sens du point de vue économique. Les mesures que les agriculteurs ont déjà prises sont sensées sur les plans économique, environnemental et social. Nous devons porter toute notre attention aux rendements économiques, environnementaux et sociaux; nous ne devons pas chercher à faire des compromis entre les uns et les autres. Je pense que c'est là qu'il faut un changement de mentalité.
Il faut absolument continuer à innover et à créer de nouveaux outils. Les autres témoins ont parlé du manque d'accès aux outils et aux technologies. C'est dommage. Il faut avancer, et le Canada doit jouer un rôle de premier plan dans ce dossier.