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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 104 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 16 avril 2024

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue à la 103e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes.
    La réunion d'aujourd'hui se tient selon le format hybride. Conformément au Règlement, les membres y participent en personne dans la salle ou à distance, avec l'application Zoom.
    J'ai quelques consignes à donner aux membres du Comité et aux témoins.
    Veuillez attendre que je vous donne la parole avant d'intervenir. Ceux qui participent par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône de microphone pour activer ce dernier et le mettre en sourdine lorsqu'ils n'ont pas la parole. L'activation du microphone de ceux qui sont présents ici sera contrôlée par la personne responsable des délibérations et de la vérification.
    Tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. En ce qui concerne la liste d'intervenants, la greffière et moi ferons de notre mieux pour respecter l'ordre des interventions pour tous les membres, qu'ils soient sur place ou à distance.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 27 novembre 2023, le Comité reprend son étude sur la mise en œuvre de l'alerte robe rouge.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous recevons Lori Campbell, vice-présidente associée, Indigenous Engagement, Université de Regina, Sheila North, des MKO, ainsi qu'Anita Olsen Harper, qui sont toutes ici à titre personnel.
    Vous aurez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire et nous passerons ensuite aux questions.
    Madame Campbell, je vous cède la parole. Vous pouvez y aller.
    Ce matin, je voudrais rendre hommage à la force et à la persévérance indéniables de mes ancêtres, qui ont travaillé incroyablement fort pour assurer la survie de notre langue et, par le fait même, de notre culture, de notre mode de vie et de nos croyances en ce qui concerne les interrelations et la résilience de la vie. Je le ferai en cri.
    [Le témoin s'exprime en cri et fournit le texte suivant:]
    Nanāskom māmawi-ohtāwīmāw mitoni miwāsin kotak kisikaw iwāpā…tamāk Lori Campbell, ni ti si yih kā son mōniyawi-sākahikanihk, kit-see-ah-soht-ta-mah-tow-in, kīwētinohk kisiskāciwan ohci niya māka oskana ka-asasteki sâwanohk ni wī kin Niya 2-Spirit Tastawiyiniwak Nēhiyaw āpihtākosisān iskwew.
    [Traduction]
    J'ai commencé par remercier le Créateur de la chance que nous avons de voir un nouveau jour se lever, parce qu'un grand nombre de nos proches et de nos ancêtres ont été privés de ce droit. D'ailleurs, selon ce qu'on rapportait récemment, au‑delà de 4 000 femmes, filles et personnes bispirituelles autochtones ont été privées de ce droit dans les dernières décennies, uniquement parce qu'elles étaient autochtones.
    Je me suis ensuite présentée. J'ai dit que ma famille vient de la nation crie de Montreal Lake, sur le territoire du Traité no 6, dans le Nord de la Saskatchewan, mais que, moi, je vis dans le Sud, à Regina. J'ai ajouté que je suis une femme crie métisse bispirituelle.
    Je suis une survivante intergénérationnelle des pensionnats autochtones et je suis de la génération de la rafle des années 1960. Une des choses dont je suis la plus fière, c'est d'avoir réussi, sur une période de 25 ans, à retrouver ma mère biologique et mes six frères et sœurs, qui avaient été dispersés dans plusieurs provinces au fil de leur jeunesse.
    J'ai le privilège d'être vice-présidente associée, Indigenous Engagement, à l'Université de Regina. Cependant, aujourd'hui, je fais ma déclaration avec fierté et sans complexes en tant que
    [Le témoin s'exprime en cri et fournit le texte suivant:]
    Tastawiyiniwak Nēhiyaw āpihtākosisān iskwew,
    [Traduction]
     malgré les systèmes qui ont pour but de m'empêcher et d'empêcher d'autres personnes comme moi de garder la tête haute et de donner notre avis, même dans les endroits comme ici, où notre présence n'a jamais été prévue, parce que notre voix risque de causer des remous.
    Si j'ai choisi de vous parler de moi et de mon parcours, c'est parce que cela vous donnera une meilleure compréhension du prisme par lequel je vois le monde. Cela explique également pourquoi il est pertinent que je sois ici pour parler de l'alerte robe rouge.
    J'ai deux histoires personnelles à vous raconter.
    Le fait d'être présente ici me rappelle que ma tante, Maria Campbell, est venue ici il y a presque 60 ans, à la Chambre des communes, pour parler des difficultés vécues par les femmes autochtones.
     Elle avait espoir que ce qu'elle a raconté changerait les cœurs et les esprits et que les autres Canadiens verraient les femmes autochtones en tant que mères, filles, tantes et kokum qui sont aimées et valorisées. Elle voulait qu'il soit reconnu que les dépendances, la pauvreté et la violence ne sont pas des traits culturels ou des défauts, mais simplement des symptômes d'un peuple qui essaie de survivre à la destruction de son univers orchestrée par le gouvernement. Ma tante avait été mandatée par sa communauté pour parler de la grave situation qui y prévalait, mais ses paroles sont tombées dans l'oreille d'un sourd. Savez-vous ce qu'on racontait dans les journaux le lendemain? On rapportait qu'une belle jeune Autochtone avait dit qu'il y avait de nombreux problèmes dans les communautés autochtones; c'est tout.
    Le problème, c'était eux. Personne ne reconnaissait les méfaits qui découlent du système des pensionnats, du système des réserves et du système d'aide à l'enfance ni le racisme systémique qui fait en sorte que les femmes, les filles et les personnes bispirituelles des communautés autochtones peuvent être pourchassées, enlevées et assassinées.
    J'ai mentionné plus tôt que j'ai vécu la rafle des années 1960. On m'a enlevée à ma mère biologique à l'âge de 14 mois, parce que ma mère et moi étions victimes d'un homme non autochtone violent à la maison. Quand ma mère a appelé la police pour avoir de l'aide, c'est moi qu'ils ont emmené, pas l'homme blanc. Ma mère a cru que ce serait temporaire et qu'on me ramènerait à la maison une fois que cet homme serait parti. J'ai plutôt été prise en charge par l'État et on m'a donnée en adoption. Il m'a fallu 25 ans pour retrouver ma mère. Elle avait rencontré de nombreux hommes dangereux et violents dans sa vie. La façon qu'elle a trouvée pour avoir le contrôle est de commencer à les faire payer. Elle a été travailleuse du sexe toute sa vie. Elle ne voyait pas d'autres solutions.
    Hier, je lui ai dit que je venais témoigner au sujet de l'alerte robe rouge. Elle a dit que c'était un programme important. Elle connaissait personnellement un nombre important de personnes qui ont été enlevées ou assassinées. « Les gens nous ciblent parce que nous sommes des Autochtones », qu'elle m'a dit. On l'a menacée d'une arme à feu à de nombreuses reprises. Je lui ai déjà demandé si elle avait déjà porté plainte à la police. « Non, m'a‑t‑elle répondu, cela ne sert à rien, parce que la police ne fait rien. Nous dépendions les uns des autres pour assurer notre sécurité et c'est encore le cas aujourd'hui. »
    Quand j'ai finalement pu rencontrer ma mère biologique, après des années de recherches, elle m'a avoué tout doucement qu'elle avait peur de me retrouver. Elle craignait que je sois fâchée, bizarrement, pas à cause de ses dépendances ou de sa carrière de travailleuse du sexe, mais parce que, à cause d'elle, j'étais « une Indienne ». Je vous laisse réfléchir à ces paroles. Elles me brisent le cœur encore à ce jour. Elle craignait que je lui en veuille de m'avoir mise au monde avec une cible dans le dos, parce que j'étais une enfant autochtone bispirituelle. Dès cet instant, j'ai pris la décision de garder la tête haute et d'assumer avec fierté mes origines autochtones, parce que ma mère n'avait jamais eu la chance de pouvoir le faire.
    Des données récentes indiquent que 0,8 femme non autochtone sur 100 000 est assassinée au pays chaque année, comparativement à 4,31 femmes autochtones sur 100 000. Sur une aussi grande échelle, on peut avoir l'impression que c'est négligeable, mais ramenons le contexte à celui de ma province, la Saskatchewan. Il y a un peu plus d'un million de personnes qui vivent en Saskatchewan, dont environ 500 000 femmes. Si on transpose les données nationales que je viens de mentionner, cela représente 5 femmes non autochtones et 26 femmes autochtones assassinées par année. Si c'était l'inverse, on aurait déjà fait quelque chose pour régler le problème, et je ne parle pas de nouvelles études.
    Au cours des dernières années, j'ai vu de bonnes intentions être mal mises en œuvre parce qu'on ne donnait pas l'occasion aux leaders, aux professionnels, aux experts et aux membres de communautés autochtones d'être à la tête des initiatives visant à obtenir des retombées pour leurs communautés. Le programme de l'alerte robe rouge doit avoir les ressources nécessaires, mais il doit être dirigé par les Autochtones.
    L'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées demande une réforme du système de justice afin d'y apporter des changements systémiques qui le rendront adapté à la culture...
(1115)
    Malheureusement, madame Campbell, votre temps est écoulé. Vous pourrez donner d'autres réponses pendant la période de questions.
    Merci.
    Nous passons à Sheila North.
     [Le témoin s'exprime en cri et fournit le texte suivant:]
    Tansi, Sheila North intinkason. Bunibonibee Cree Nation Neena Oahi. Nihminenten uchinow neesta eh pehachimowan oma uysikisken tumam animochikantek. Iskwewuk and Kuhkinow Kitinenminanuk Kukinow tuh minow punihikochik keethtom omatis weenwow.
    [Le témoin fournit un texte en anglais dont voici la traduction:]
    Bonjour, je m'appelle Sheila North, je suis très heureuse d'être ici pour vous dire tout ce que je sais au sujet de la question à l'étude afin que les femmes et tous les membres de nos communautés puissent retrouver une vie meilleure.
    [Traduction]
    Bonjour à tous. Je m'appelle Sheila North, je suis de la Nation crie de Bunibonibee dans le Nord du Manitoba. En reconnaissance et en hommage à mes ancêtres et à la souveraineté des Cris, je me suis également présentée en cri et je vous ai dit que je suis de la Nation crie de Bunibonibee dans le Nord du Manitoba.
    Je suis heureuse d'être avec vous afin de vous donner mon opinion et quelques informations au sujet de la question à l'étude aujourd'hui, soit l'alerte robe rouge.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les membres du Comité.
    Je remercie en particulier Leah Gazan de nous avoir réunis, d'avoir soulevé l'importance de l'alerte robe rouge et d'avoir déployé autant d'efforts à nos côtés, nous les gens de la base.
    Je remercie également le Créateur de nous avoir réunis aujourd'hui, des gens des territoires traditionnels, des territoires ancestraux, ainsi que ma bonne amie, Anita Olsen Harper, qui est venue m'épauler. Je dois aussi mentionner qu'elle est la femme de mon ami le regretté Elijah Harper. Je suis vraiment honorée qu'elle soit avec nous aujourd'hui. Elle mérite bien plus que moi d'être ici. C'est une belle personne et l'une des universitaires les plus renommées du pays.
    Je veux aussi remercier mes parents d'avoir eu le courage d'être de bons parents, malgré les problèmes que le pays a traversés et ceux qui continuent d'affliger les peuples autochtones. Je veux aussi rendre hommage aux femmes et aux filles, aux familles, aux alliés et aux personnes qui apportent leur soutien et qui ont toujours parlé du problème des femmes et des filles autochtones portées disparues ou assassinées et de ce que vivent leurs familles au Canada et dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. J'ai vu leurs efforts inlassables pour nous permettre d'arriver au point où nous en sommes aujourd'hui et de discuter de la question à l'étude.
    Je veux aussi vous parler un peu de moi, afin que vous compreniez mieux qui je suis, d'où je viens et pourquoi je voulais vous parler de moi.
    Je suis la kookum, la grand-mère, d'un petit-enfant et mère de deux enfants. Je viens de deux belles et grandes familles cries et je suis reconnaissante d'avoir été élevée par Gilbert et Sadie North, des survivants des pensionnats et des externats indiens. J'ai grandi à Bunibonibee jusqu'à ce que j'aille à l'école secondaire à l'adolescence. J'ai vécu un choc culturel quand je suis partie de ma réserve pour aller à la ville, à Winnipeg. J'ai presque perdu la vie à quelques reprises dans les rues de la ville pendant cette transition. Je me considère comme une survivante.
    J'ai été journaliste. J'ai travaillé comme reporter pour la radio, la télévision et le Web pendant environ 15 ans pour la CBC et pour CTV au Manitoba. J'ai aussi réalisé mon rêve de devenir cheffe d'antenne. J'en suis très heureuse.
    J'ai aussi été grande cheffe des Manitoba Keewatinowi Okimakanak de 2015 à 2018.
     Pendant la majeure partie de ma carrière et de ma vie, j'ai eu à aborder le problème des femmes et des filles autochtones portées disparues ou assassinées. En tant que figure médiatique, j'ai créé le mot-clic #MMIW, en 2012, dans le but de regrouper les conversations, ainsi que les familles, les défenseurs et les alliés. C'est au début de ma carrière de journaliste, quand j'ai commencé à parler des affaires de femmes et de filles autochtones portées disparues ou assassinées, en 2005, que j'ai compris que j'étais une survivante. Dans les années qui ont suivi, j'ai œuvré de différentes façons pour accroître la sensibilisation à la situation des femmes et des filles autochtones portées disparues ou assassinées et défendre ces dernières.
    Je voulais mettre en évidence le thème qui revenait constamment dans mes discussions avec les familles des victimes et des survivants de la crise des femmes, des filles et des personnes bispirituelles autochtones portées disparues ou assassinées, soit la réponse des policiers. La plupart des affaires dont j'ai entendu parler étaient des affaires traitées par le service de police de Winnipeg et par la GRC au Manitoba. Ce qui revient, c'est l'attitude des policiers dans leur réponse aux familles et aux amis des victimes qui vont les voir pour les aider à retrouver leurs proches. Je peux vous dire que, dans toutes les affaires dont j'ai parlé dans les médias et dans toutes les affaires dont j'ai entendu parler, les policiers ont été méprisants, condescendants et irrespectueux.
    Une de ces affaires est celle de Gail Nepinak, qui cherchait sa sœur et qui a décidé de placer des affiches avec la photo de sa sœur dans le centre-ville de Winnipeg. Elle a dû attendre 10 jours avant que la police lui réponde. Ce n'est qu'après que j'aie parlé de cette affaire à la CBC et que j'aie mentionné qu'elle cherchait sa sœur que les policiers ont communiqué avec elle. Le pire, c'est que, quand les policiers ont enfin communiqué avec elle, ils lui ont dit que sa sœur était une adulte, qu'elle pouvait aller où elle veut et qu'elle était peut-être seulement partie en vacances. Pour Gail, c'était toute une claque au visage, parce que Tanya, sa sœur, n'avait que cinq dollars en poche. Elle a dit aux policiers que sa famille n'avait pas les moyens d'aller en vacances.
(1120)
    Dans une autre affaire, Jennifer Catcheway, une jeune femme de Portage la Prairie, un peu à l'ouest de Winnipeg, a été portée disparue par sa famille. Il a fallu plusieurs jours avant que la GRC communique avec sa mère, Bernice. Quand la famille de Bernice a enfin pu rencontrer la GRC pour rapporter la disparition de leur fille, les policiers ont répondu que Jen avait probablement pris une brosse et qu'il fallait simplement attendre, parce qu'elle reviendrait bientôt à la maison.
    Malheureusement, environ quatre mois après cet incident, une belle jeune fille blonde aux yeux bleus a été portée disparue dans la même ville; quelle a été la réponse des policiers à votre avis? Je travaillais à la CBC à l'époque. J'ai parlé aux deux mères la même journée. La belle jeune femme méritait l'attention de la GRC. Les policiers ont été très respectueux. Ils ont lancé les recherches et ont diffusé l'information concernant la disparition de la jeune femme.
    J'ai demandé à la GRC de m'expliquer pourquoi les policiers s'étaient adressés différemment aux deux mères. La porte-parole de la GRC à l'époque était [inaudible]. Je me souviens encore de son nom. Elle m'a critiquée, elle m'a attaquée et elle a dit que j'accusais la GRC de racisme. Les deux femmes avaient droit à la justice, les deux familles méritaient le respect, mais ce n'est pas comme cela que les choses se sont passées. Malheureusement, ce ne sont que deux exemples, que je vous ai donnés avec la permission des familles.
    Je crois que, pour être efficace, l'initiative de l'alerte robe rouge doit être chapeautée par les familles et les gens de la base. Beaucoup de policiers au pays ont miné la confiance des familles des femmes et des filles portées disparues ou assassinées autochtones et des survivants. On ne peut pas leur faire confiance pour faire ce qu'il faut de leur propre chef et pour signaler tous les cas de disparitions d'êtres chers en temps opportun et de manière respectueuse.
    [Le témoin s'exprime en cri.]
    Merci, madame North.
    Nous passons à Mme Anita Olsen Harper.
    [Le témoin s'exprime en anishinaabemowin.]
    [Traduction]
    Cela signifie que je suis très heureuse et honorée d'être ici et que je remercie Mme North de m'avoir invitée.
    Je ne parlerai pas aussi longtemps que Mme North ou que Mme Campbell, mais je suis ici pour soutenir Mme North.
    Je veux souligner notre présence sur un territoire traditionnel. Quand je le fais, je veux surtout reconnaître le peuple qui est concerné. Je remercie toujours nos ancêtres de nous avoir laissé tout ce magnifique territoire dans une condition parfaite, avant que les colonisateurs arrivent d'Europe et d'ailleurs.
    En tant qu'universitaire, j'ai fait un doctorat sur la violence familiale dont le taux est incroyablement élevé dans les communautés autochtones. Évidemment, il y a une forte corrélation entre la violence familiale et la question des femmes et des filles autochtones portées disparues ou assassinées.
    Pour ce qui est de l'alerte robe rouge, elle n'aura aucune valeur sans notre apport. En tant que femmes autochtones, en particulier dans les réserves, mais aussi en tant que femmes autochtones qui occupent des postes importants dans la société canadienne, nous apportons notre contribution. Nous sommes des leaders et nous travaillons à la réconciliation. Nous n'attendons pas vraiment qu'on nous dise d'agir en leaders, nous le faisons simplement.
    Je suis anishinabe. Je viens du Nord‑Ouest de l'Ontario et de la Première Nation de Lac Seul. J'ai beaucoup travaillé dans le domaine de la violence faite aux femmes. Je travaille maintenant avec les gens du mouvement Movember, le mouvement des moustaches. Je travaille beaucoup auprès des détenus autochtones dans les prisons sous responsabilité fédérale. À mon contact avec ces détenus, j'ai réalisé qu'ils venaient de foyers où régnaient la violence et le chaos. Il faut régler ce problème, parce que nous avons fini par reconnaître comme normal le fait que nous soyons les mauvaises personnes, les mauvais hommes et les mauvaises femmes qui sont victimes de violence.
    Je le répète, il faut que l'alerte robe rouge soit chapeautée par les gens de la base et les femmes autochtones de toutes les régions du Canada.
    Merci, meegwetch.
(1125)
    Merci, madame Olsen Harper.
    Nous allons lancer la première série de questions.
    Mme Ferreri est la première et elle a six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Meegwetch à nos témoins. Nous avons entendu des témoignages percutants aujourd'hui dans le cadre de notre étude sur l'alerte robe rouge.
    Il y a beaucoup de choses à décortiquer dans chacun de vos témoignages. Je pense que notre vraie mission pour cette étude est inscrite dans la motion que le Comité a adoptée, soit de mener « un examen de la manière la plus efficace d’exploiter, d’administrer et de surveiller un tel système d’alerte », alors il faut trouver des façons pour nous assurer que le système fonctionne. Je pense que ce seront ces éléments qui seront les plus importants.
    Madame Campbell, vous avez donné des chiffres et je crois que ces chiffres ont une grande valeur, parce qu'ils donnent une idée de l'ampleur de la situation... Je pense que tout le monde ici appuie l'idée d'un système d'alerte robe rouge.
    Une fois que le système aura été déployé, à quels chiffres doit-on s'attendre? Pourriez-vous répéter les chiffres que vous avez donnés au sujet des personnes portées disparues ou assassinées, si vous les avez à portée de main? S'il vous faut un peu de temps, je peux passer à quelqu'un d'autre en attendant.
    Oui.
    Pendant que vous cherchez les chiffres, je vais passer à Mme Olsen Harper.
    Votre témoignage était marquant. Je pense aux autres discussions que nous avons; l'étude en cours concerne l'alerte robe rouge et il s'agit d'une mesure d'intervention, mais en amont, il y a la question de la violence familiale et vos observations cadrent parfaitement avec les travaux du Comité au sujet de la condition féminine.
    Une des choses dont je parle souvent, c'est que les hommes qui ont été incarcérés disent qu'ils sont pires qu'à leur arrivée quand ils sont libérés. Ils n'ont pas accès à des programmes. Des témoins nous ont dit lors d'autres études que le comportement était une forme de communication. Quand on comprend les raisons qui motivent le comportement d'une personne, il est possible d'aider cette personne et de modifier ses comportements. Je voulais vous remercier de ce que vous avez dit, parce que je pense que nous avons beaucoup de travail à accomplir.
    Je vais maintenant revenir à Mme Campbell pour qu'elle nous donne les chiffres dont nous avons parlé.
    Comme je l'ai dit, 0,8 femme non autochtone sur 100 000 est assassinée chaque année, comparativement à 4,31 femmes autochtones sur 100 000. J'avais ensuite expliqué ce que cela représente pour la Saskatchewan, soit qu'on parle de 5 femmes non autochtones et de 26 femmes autochtones. Je pense que de tels chiffres pour une province de la taille de la Saskatchewan devraient alarmer tout le monde.
    J'ai parlé du système d'alerte avec ma mère hier. Nous le savons, comme l'a mentionné Mme Gazan, 80 % des enfants au sujet de qui une alerte Amber est lancée sont retrouvés. Il faut un système qui soit automatique. Dans le cas des Autochtones, le recours à l'alerte n'est pas automatique. Il est possible de consulter les alertes, mais il faut un système qui fasse en sorte que l'alerte et le visage de la personne soient diffusés à tout le monde pour que nous obtenions une réponse semblable. En tant qu'universitaire et chercheure, je pense que nous verrions beaucoup plus de personnes être retrouvées saines et sauves. Nous savons que c'est important. Si on attend 10 jours avant de lancer les recherches, il sera probablement déjà trop tard.
    Merci beaucoup de nous avoir donné ces chiffres. Je pense que, quand on parle d'un taux de succès de 80 % pour l'alerte Amber, il faut comprendre que cela signifie 80 % des vies sauvées. C'est pourquoi je pense qu'il est très important de noter ce chiffre et de voir quel sera le taux de réussite.
    Madame North, je vous félicite d'avoir créé ce mot-clic. Je pense que l'ère du numérique que nous vivons comporte de bons et de mauvais côtés. Elle n'est pas toujours idéale pour les enfants, mais elle permet de faire des choses comme créer de tels mouvements... Avec l'expérience que vous possédez et votre capacité à créer un mot-clic qui était facile à comprendre et qui a vraiment trouvé écho dans la population, pensez-vous que ce genre de chose pourrait aussi être intégré au système d'alerte robe rouge?
    Encore une fois, le mot-clic nous unit. Il nous lie d'une certaine façon. En fait, il nous lie de bien des façons. Nous savons que l'alerte robe rouge doit avoir un volet numérique. Le dossier des femmes autochtones disparues ou assassinées est également très axé sur le numérique. Le système doit donc nous permettre de rester au courant pour nous rappeler quels sont les problèmes.
    Je tiens à ajouter que nous savons officiellement que l'Association des femmes autochtones du Canada et que la GRC ont tous les deux des chiffres. Les derniers chiffres officiels de la GRC dont j'ai pris connaissance datent d'il y a quelques années, probablement 2013 ou 2012, et ils font état de 1 182 femmes autochtones disparues ou assassinées au Canada. Ils n'ont pas été mis à jour, mais nous savons qu'ils sont probablement trois ou quatre fois plus élevés. Or, personne n'a été capable d'obtenir le chiffre réel. On ne s'y est pas efforcé parce que cette question n'a pas été une priorité. Par conséquent, il faut aussi tenir compte de cet élément.
(1130)
    Absolument. Selon moi, les données sont le moteur de l'efficacité. Sans chiffres, on ne peut pas vraiment être efficace. Il ne fait aucun doute que ces chiffres doivent être modifiés.
    La dernière chose, c'est qu'il faut s'assurer en examinant cette... De nombreux témoins ont parlé d'une initiative « pour les Autochtones, par les Autochtones ». Je pense que c'est juste.
    Rapidement, l'une de vous a‑t‑elle des recommandations à inclure dans le rapport sur la façon de mettre en œuvre une telle initiative à l'échelle fédérale dans le cadre de la mise en place du système tout en conservant un exploitant principal?
    Envisagez-vous que le ministre soit responsable du système? Comment voyez-vous la mise en œuvre du système?
    Je pense qu'il existe déjà des pratiques exemplaires, probablement issues des alertes Amber et Silver.
    À mon avis, les normes entourant le fonctionnement du système devraient être établies longtemps à l'avance avec la participation importante de gens de la base et d'universitaires comme Mmes Campbell et Olsen Harper ici présentes, à savoir des gens qui sont passés par là et qui savent ce qui se passe.
    Selon moi, avant même de mettre en place le système, il faut d'abord établir les normes et ce qui constitue une alerte robe rouge avec des gens de la base, des universitaires et des alliés.
    À mon avis, les rouages du système seront plus simples quand celui‑ci aura enfin été mis en place par ces gens.
    Merci, madame North.
    Nous passons maintenant à Mme Vandenbeld.
    Merci, madame la présidente.
    Je tiens à remercier nos trois témoins non seulement de leur témoignage d'aujourd'hui, mais aussi du travail incroyable qu'elles accomplissent chaque jour.
    J'ai une question pour chacune d'entre vous. Je vais commencer par Mme Campbell.
    Tout d'abord, je tiens à vous offrir quelques minutes parce que j'ai constaté que, à la fin de votre temps de parole, vous n'aviez pas tout à fait terminé vos observations.
    Voulez-vous prendre un peu de temps pour les terminer?
    Absolument. Je vous en remercie. J'avais presque terminé, mais il me restait quelques points clés à soulever.
    L'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a réclamé une réforme de la justice afin d'apporter des changements systémiques pour que le système de justice soit culturellement adapté. La création d'un programme national d'alerte robe rouge est une mesure concrète que le gouvernement fédéral doit prendre pour mettre fin au génocide en cours contre les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones.
    Comme l'a dit Mme Gazan, les délais d'intervention aux signalements de disparitions de femmes, de filles et de personnes bispirituelles autochtones sont beaucoup trop lents. Une alerte robe rouge, semblable à l'alerte Amber, améliorerait la situation.
    Ce que nous demandons, en tant qu'Autochtones, est assez simple: nous voulons bénéficier des mêmes soins, de la même attention et du même respect que le reste de la population.
    Nous pensons que nous pouvons trouver des solutions et montrer la voie. Selon moi, c'est un élément qui fait souvent défaut. Nous l'avons constaté même dans le cadre de l'enquête, qui n'était pas dirigée par les Autochtones, même si des professionnels, des experts et des membres de communautés autochtones étaient présents. Le gouvernement exerçait une surveillance trop stricte pour permettre à l'enquête d'avancer comme elle le devait.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je note également que, dans votre témoignage, vous avez fait référence au témoignage que votre tante a donné il y a 60 ans. Je tiens simplement à dire que, selon moi, nous sommes tous déterminés à ce que les résultats et les mesures découlant des témoignages d'aujourd'hui entraînent réellement des changements. Je vous en remercie.
    Nous avons beaucoup entendu parler des répercussions subies par les femmes et les filles, mais pas autant de celles subies par les personnes bispirituelles. Je tiens à vous donner l'occasion de parler des réalités uniques des personnes bispirituelles et des façons dont elles sont encore plus touchées, et de nous dire s'il y a ou non des choses qui doivent être faites expressément ou uniquement pour ce groupe de gens.
    À l'intersection de la bispiritualité, nous savons à quel point les personnes queers sont ciblées dans la population générale. Au sein des communautés autochtones, si on ajoute cet élément au fait d'être une femme ainsi qu'Autochtone, la bispiritualité est extrêmement nuisible. Notre accès aux ressources est considérablement plus limité dans les communautés, qu'il s'agisse des services de police ou de toutes les choses du genre.
    Je me souviens avoir travaillé dans un centre pour les jeunes il y a près de 30 ans. Un jeune homme bispirituel fréquentait le centre. Il a été assassiné dans les rues de Regina simplement parce qu'il était qui il était. Ce genre de choses n'étaient jamais signalées. Cette partie de l'histoire n'a pas été signalée. Je pense que c'est là que, même en tant qu'universitaire, les statistiques et les données font défaut.
    À mon avis, c'est en partie parce que les gens aiment effacer ce genre d'histoires et ne pas les considérer comme problématiques.
(1135)
    Merci.
    Voilà qui m'amène très bien à ma prochaine question, qui s'adresse à vous, madame North, et qui porte sur l'invisibilité dont vous avez parlé.
    Vous avez été journaliste, alors j'aimerais connaître votre point de vue sur la publicité.
    Nous savons qu'il existe une différence entre la réalité et les gens que l'on voit ou qui sont mentionnés dans les médias, ou qui font l'objet d'une publicité. Y a‑t‑il un moyen de redresser la situation pour favoriser l'alerte robe rouge? Pouvons-nous transformer la publicité en élément positif et faire en sorte que les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones soient plus visibles dans le domaine public?
    Je pense que la présence dans les médias des visages et des noms des gens de notre peuple se fait attendre depuis longtemps. En 2005, les médias qualifiaient encore les victimes de prostituées et de travailleuses de rue qui vivaient dans la précarité. C'est ainsi que l'on décrivait les victimes. Nous avons parcouru un long chemin.
    Les médias ne peuvent pas être les seuls à sensibiliser les gens sur les personnes disparues et sur celles qui ont besoin d'être sensibilisées. Je pense que les médias font souvent bien les choses. Parallèlement, ils ne font pas un travail rigoureux: ils se permettent d'émettre beaucoup d'opinions. Encore une fois, comme je suis journaliste de formation, je sais que les journalistes et les gens qui décident ce qui est diffusé dans les bulletins de nouvelles ont beaucoup de bonnes intentions.
    En même temps, nous avons tous entendu parler des systèmes qui existent. La façon dont les Autochtones sont traités au Canada est un problème systémique qui touche également le journalisme et les médias. Nous avons besoin d'une alerte Amber qui indique clairement qui est porté disparu et qui a immédiatement besoin d'aide.
    On peut probablement regarder un reportage sur une personne disparue dans n'importe quel bulletin de nouvelles du pays. Il y en a probablement au moins un par jour, mais ils se perdent maintenant dans le système. Ils se perdent parce que les gens ne prêtent plus attention à ces reportages dans les médias. Il serait mieux de signaler la disparition d'une femme ou d'une fille autochtone sur les téléphones avec le même degré d'importance que la disparition d'un enfant ou qu'une alerte Silver.
    Merci beaucoup.
    Voilà qui m'amène à ma question pour Mme Olsen Harper. Je pense que vous n'avez que 10 secondes. Vous avez dit qu'il existe un préjugé selon lequel les Autochtones sont de mauvaises personnes, ce qui m'a vraiment frappée.
    Peut-elle répondre en 10 secondes ? Non. Elle pourra répondre au cours de la prochaine série de questions.
    Nous passons maintenant au Bloc. Madame Larouche, vous disposez de six minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les trois témoins.
    Vos témoignages d'aujourd'hui sont tout aussi impressionnants que vos curriculum vitæ. Vous avez un bagage incroyable qui alimente beaucoup cette étude, et je vous en remercie. J'ai des questions à vous poser à toutes les trois.
    Madame Campbell, si j'ai bien compris, dans vos remarques préliminaires, vous avez dit que l'alerte robe rouge devait être accompagnée de ressources suffisantes.
    Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que seraient ces ressources?
(1140)

[Traduction]

    Quand je dis qu'il faut des ressources suffisantes, je pense au fait qu'il ne s'agit pas d'un nouveau problème. Ce n'est pas un problème qui est apparu au cours de la dernière année ou des deux dernières années. Il ne s'agit pas d'un projet, mais d'un investissement à long terme. Il y a eu un investissement à long terme qui a eu pour conséquence que nous avons été prises en chasse, enlevées, puis assassinées.
    Les ressources qui seront consacrées à ce projet doivent l'être à long terme, comme avec l'alerte Amber et d'autres choses du genre. Je n'ai pas de somme en tête, mais il faut pouvoir mettre en œuvre le système, et ce, adéquatement afin qu'il ait une incidence. Il ne faut pas que les organismes soient obligés de redemander des fonds chaque année pour poursuivre leur travail.

[Français]

    Si je comprends bien, lorsque vous parlez de ressources suffisantes, vous parlez donc de l'importance pour les organismes d'avoir un financement récurrent ou perpétuel. C'est une priorité.
    Madame North, vous avez parlé d'une femme autochtone disparue et assassinée à Portage la Prairie et de la réaction de la police, qui n'a pas été la même que dans le cas d'une autre femme disparue et assassinée qui n'était pas autochtone. C'était un témoignage poignant.
    L’alerte robe rouge aurait-elle pu permettre de sauver cette femme portée disparue à Portage la Prairie?

[Traduction]

    Aucune d'entre elles n'a été retrouvée, et je pense que la famille de la femme non autochtone n'a pas non plus le sentiment que justice a été rendue. Les deux familles méritent justice, mais je pense qu'elles ont constaté les lacunes de la GRC.

[Français]

    Selon vous, si l'alerte robe rouge avait été instaurée à l'époque, aurait-elle pu permettre de retrouver et de sauver cette femme? C'est pour nous rappeler l'importance de l'instaurer.

[Traduction]

    Elle aurait certainement fait une différence. Sa famille n'aurait pas attendu des jours avant de recevoir une réponse de la GRC, qui lui a ensuite dit d'attendre un peu plus longtemps. L'intervention aurait été instantanée.
    Quand la GRC a appris la disparition de la deuxième femme, elle est intervenue sur‑le‑champ. La nouvelle s'est répandue. Les médias étaient là. Des gens marchaient bras dessus bras dessous dans les champs de Portage la Prairie à la recherche de cette femme. Le même genre de recherche n'a pas été menée pour Jennifer Catcheway.

[Français]

    Merci.
    Madame Harper, dans vos remarques préliminaires, vous avez parlé de réconciliation.
    Comment cette alerte robe rouge pourrait-elle s'inscrire dans les importantes démarches pour en arriver à une réelle réconciliation et à un dialogue de nation en nation? On vient de parler de tous les préjugés que peut avoir la GRC, comme dans les cas dont vient de parler Mme North.
    Je vous laisse vous exprimer sur le lien entre l'alerte robe rouge et cette nécessaire réconciliation.

[Traduction]

    Tout d'abord, je pense que nous devrions connaître l'histoire du colonialisme et de l'époque précédant l'arrivée des Européens, où nos familles veillaient les unes sur les autres et où les rôles traditionnellement impartis aux femmes et aux hommes étaient complémentaires. Nous devrions trouver un moyen d'y revenir, car la réconciliation est l'affaire de tous, et non l'affaire des Autochtones. Elle l'est en partie, mais les non-Autochtones ont aussi leur rôle à jouer à ce chapitre. C'est l'affaire de tout le monde. Il s'agit de travailler ensemble dans le but d'assurer la cohésion des membres de notre famille, de favoriser notre croissance et notre développement de manière holistique et de nous protéger les uns les autres.
    Bien sûr, c'est très facile à dire pour moi, mais, en même temps, nous vivons dans une société — je vais utiliser le mot « chaotique » — où cette cohésion n'existe plus. Même dans nos réserves, il n'y a pas de cohésion qui nous permette de prendre soin les uns des autres. L'une des raisons est la pauvreté persistante. Une famille n'est pas pauvre seulement pendant un certain temps: la pauvreté est persistante.
    Oui, il faut absolument savoir que le colonialisme perdure. Ce n'est pas une chose du passé. Le néocolonialisme existe aussi, et la réconciliation entre les deux groupes peut certainement contribuer à y mettre fin, et elle devrait le faire, surtout avec les conclusions de la Commission de vérité et réconciliation.
(1145)
    Merci, madame Harper.
    Nous passons maintenant au NPD. Madame Gazan, vous disposez de six minutes.
     Merci beaucoup.
    Je tiens d'abord à dire que c'est un grand honneur de connaître toutes les personnes qui sont ici aujourd'hui. Je me sens très privilégiée et je vous remercie d'être ici.
    Je tiens également à remercier les familles de Tanya Nepinak et de Jennifer Catcheway, que je connais aussi très bien, d'avoir eu le courage de raconter leur histoire.
    Je tiens également à remercier votre mère, madame Campbell. Ce sont des histoires difficiles, marquées par les préjugés. Je tiens à remercier votre mère de vous avoir permis de raconter son histoire. Ma mère aussi a été prise en charge par les services de bien-être de l'enfance. J'ai eu la chance qu'elle devienne comme vous, madame Campbell: une universitaire merveilleuse, brillante et courageuse. C'est un honneur de vous connaître également.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Lori Campbell. Je tiens à parler plus particulièrement du bien-être de l'enfance. Nous savons que le bien-être de l'enfance est un parcours qui mène à la disparition ou à l'assassinat de femmes et de filles autochtones. Je pense que nous savons également que, statistiquement, quand une femme perd ses enfants, elle subit souvent une descente aux enfers sur le plan émotionnel. Nous savons que les enfants pris en charge par les services de bien-être de l'enfance sont souvent invisibles. Ils n'ont aucun lien familial ni communautaire.
    Pour ce qui est de la surveillance, pourquoi est‑il important qu'elle soit indépendante et dirigée par des gens de la base, des femmes, des personnes bispirituelles, différents intervenants, des survivants et des membres de la famille?
    Je pense que c'est parce que nous sommes à l'extérieur de ces systèmes. Nous faisons les frais de ces systèmes. Comme ma mère l'a dit, elle n'a rien dit à la police parce que celle‑ci n'allait rien faire. Nous nous parlons entre nous. Nous savons mieux que quiconque comment prendre soin les uns des autres et nous protéger mutuellement. Ce dont nous avons besoin, c'est que ces voix soient entendues et que les ressources soient disponibles pour que le travail puisse se faire.
    Je parle précisément des organismes de première ligne. Par exemple, dans votre témoignage, vous avez expliqué comment vous avez trouvé votre famille, mais, auparavant, vous étiez essentiellement seule.
    Pourquoi est‑il important que les organismes qui jouent un rôle de premier plan dans ces dossiers aient leur mot à dire, surtout dans les cas où il n'y a aucun lien avec la famille?
    Comme le disent nos aînés, savoir qui l'on est change vraiment le monde. Se connaître permet d'être une personne à part entière et de tisser des liens. Le système n'est d'aucune utilité à cet égard. Si j'ai découvert qui je suis, c'est parce que je suis une bonne chercheuse. Le système ne nous fournit pas cette information, mais nous avons besoin de soutien pour pouvoir établir ces liens. Quand on sait qui l'on est, on se sent mieux dans notre peau et on a confiance en soi. On est en mesure d'établir des liens, ce qui permet aux gens de veiller sur nous différemment que lorsqu'il s'agit d'enfants dans le système.
    Ma prochaine question s'adresse à vous, madame North.
    Je sais que, quand vous étiez grande cheffe des Manitoba Keewatinowi Okimakanak, il y a eu une initiative de réconciliation lancée en collaboration avec la GRC pour lutter contre le racisme systémique au sein du corps policier. Je me demande si vous pouvez en parler très brièvement et nous dire si vous êtes satisfaite des résultats. Avez-vous des suggestions pour améliorer un peu cette initiative?
(1150)
    Je dirai simplement que, en tant que journaliste et que cheffe de ma nation, j'ai constaté les différences dans la façon dont la police me traitait, même moi, dans l'un ou l'autre de ces rôles. En tant que journaliste, j'ai été réprimandé à maintes reprises pour avoir posé des questions pointues. Puis, quand je suis devenue cheffe, j'ai demandé au chef de police de Winnipeg de l'époque pourquoi on agissait ainsi, et il s'est présenté en uniforme tactique complet. Avec le recul, je pense qu'il s'agissait d'une tactique d'intimidation. Ils ont tenté de m'intimider pour que je ne pose pas de questions ou que je ne présente pas d'arguments afin de leur demander des comptes. C'est ce que j'ai pu constater.
    J'ai été nommée à deux comités, l'un avec la police de Winnipeg et l'autre avec la GRC, auquel je siégeais avec Mme Olsen Harper. On nous y a accueillis, puis on nous a posé des questions et demandé notre avis. Or, dès que nous avons commencé à nous montrer durs à leur égard et à leur poser des questions très pointues et directes, nous avons été mis à l'écart. Ils ont cessé de nous poser des questions et de nous demander des réponses, et c'est ainsi que les choses se passent maintenant. Le travail de ces deux comités demeure inachevé, et ils ont déshonoré notre peuple en ne leur permettant pas de tourner adéquatement la page.
    C'est comme ouvrir la boîte de Pandore, n'est‑ce pas? En fait, dans le cadre de l'étude sur l'alerte robe rouge, nous découvrons que la confiance s'est érodée. Ce n'est pas seulement une impression: c'est le résultat du racisme systémique qui perdure. Vous avez donné l'exemple des familles Catcheway et Nepinak. Je sais que ces familles recherchent toujours activement leurs proches.
    Nous avons indiqué — en tout cas, presque tous les témoins l'ont indiqué — qu'il est important que le programme soit dirigé par les Autochtones. En raison des antécédents et du comportement actuel de la police, pensez-vous qu'il est possible qu'elle participe au processus?
    La police doit être mise à contribution parce qu'elle doit s'informer adéquatement sur la question. Il faut qu'on leur enseigne ce genre de choses. Elle doit faire son travail.
    Je dois dire qu'il y a une distinction à faire: j'ai eu plus de plaisir et de succès quand j'ai discuté de ces questions avec les services de police des Premières Nations. Les discussions avec les non-Autochtones ont été très difficiles. Elles ont donné des résultats très divers. C'est pourquoi j'estime que la police doit aussi continuer à être mise à contribution. Elle doit savoir quel est son rôle et soutenir correctement les familles, mais elle ne peut pas le faire seule.
    Nous voyons ce qui se passe avec le service de police de Thunder Bay et ce qui s'en vient là‑bas. Ce n'est qu'un exemple. Selon moi, une enquête comme celle‑là ou une enquête sur les services de police doit avoir lieu parce que c'est le dénominateur commun de notre peuple. Ce n'est pas seulement pour ce dossier: c'est pour l'ensemble de notre peuple partout au pays. C'est désobligeant...
    Merci, madame North.
    Je dois mentionner une autre chose. Tanya Nepinak se trouve probablement toujours dans le site d'enfouissement de Winnipeg depuis 2011. On l'a recherchée très brièvement, mais on ne l'a toujours pas retrouvée.
    Nous passons maintenant à la deuxième période de questions. Vous disposerez chacune de quatre minutes.
    Nous allons commencer par Mme Vien.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Il y a beaucoup de choses à dire, alors il va falloir être très concis.
    Mesdames, je vous remercie d'être avec nous, ce matin.
    Je suis contente, madame North, de vous entendre parler de la présence et de l'implication de la Gendarmerie royale du Canada et, plus généralement, de la police. Peu importe l'endroit où on est au pays, la GRC est là; ou elle ne l'est pas. Au Québec, c'est plutôt la Sûreté du Québec. Peu importe. Beaucoup de femmes qui sont venues nous voir nous ont dit qu'elles ne faisaient aucunement confiance à la police.
    Madame Harper, si mes informations sont bonnes, vous êtes actuellement conseillère principale de l'équipe nationale de réconciliation de la GRC, ou vous l'avez été. Est-ce toujours le cas?

[Traduction]

    Non, ce n'est pas le cas. J'ai rédigé un rapport sur la façon dont la GRC pourrait se réconcilier avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits du Canada. Le rapport a donné lieu à une stratégie nationale de réconciliation à laquelle je n'ai pas participé, ce qui en dit long, n'est‑ce pas? Je ne sais pas où on en est à ce sujet.
(1155)

[Français]

    Madame Harper, vous avez quand même étudié la question de la réconciliation par rapport à la GRC. Pensez-vous que l'alerte robe rouge doit aussi être mise en place en collaboration avec les forces policières?
    Évidemment, il faut laisser beaucoup de place aux femmes et aux peuples autochtones dans l'élaboration et dans la gestion de ce nouveau service. Toutefois, la police a-t-elle un rôle majeur à jouer, comme le laisse entendre Mme North, bien qu'il y ait eu des ratés dans le passé?
    Faudrait-il plutôt miser sur les critères en fonction desquels on devra agir, puisque ces critères pourraient avoir une influence sur le fait qu'il y aura ou non de la discrimination?

[Traduction]

    Il est certain que la police doit participer à l'alerte robe rouge. En réalité, il est impossible qu'elle ne soit pas mise à contribution, mais elle ne doit pas être la seule et unique responsable de son fonctionnement ou celui à qui il revient « d'appuyer sur le bouton », comme on dit.
    Oui, la police a certainement un rôle à jouer. Pour ce qui est de la nature et de l'importance de ce rôle, il revient aux groupes autochtones de les déterminer. Ce sont les communautés locales et les familles qui ont perdu des femmes et des filles à cause de la violence qui devraient avoir cette responsabilité.

[Français]

     Merci, madame Harper.
    Madame North, devrait-on s'inspirer grandement du modèle de l'alerte Amber, voire le reproduire intégralement?

[Traduction]

    Je pense que nous pouvons tirer beaucoup de leçons de l'expérience de l'alerte Amber. Je pense que nous pouvons tirer des leçons de l'alerte Silver. Nous en avons appris un peu à ce sujet dans le cadre des travaux de certains comités qui ont mené à la création de l'alerte robe rouge. Je pense que nous disposons de beaucoup de bonnes connaissances et de pratiques exemplaires à ce chapitre. Nous avons beaucoup à apprendre.
    Encore une fois, je suis d'accord avec tout ce que mes collègues ici présentes ont dit sur le fait qu'il est nécessaire que la GRC, la police de Winnipeg, tous les autres services de police et les services de police des Premières Nations soient mis à contribution. Ils doivent tous mettre la main à la pâte pour offrir un soutien plus important que jamais.
    Merci, madame North.
    Nous passons maintenant à Mme Lambropoulos, qui dispose de quatre minutes.
    Je tiens d'abord à vous remercier de vos témoignages émouvants. C'était formidable de vous entendre. Je suis vraiment triste que nous nous retrouvions dans la situation actuelle, où nous devons vous inviter ici pour parler de cette question à cause de la réalité sur le terrain.
    Nous avons soulevé de nombreuses questions, et je tiens à orienter le débat dans une direction un peu différente. Je ne veux pas parler de l'alerte robe rouge aujourd'hui, même si tout le monde a livré d'excellents témoignages. Je sais que nous finirons par faire ce qui s'impose. Surtout au sein de ce comité, étant donné que tout le monde appuie à l'unanimité cette initiative.
    Je tiens à parler du fait que la santé mentale est un facteur important en jeu dans ce dossier.
    Madame Olsen Harper, vous avez également indiqué que tout commence à la maison et que la violence règne dans beaucoup de foyers à cause des traumatismes intergénérationnels.
    La réconciliation est extrêmement importante. L'une des choses que la réconciliation peut faire, c'est contribuer à la guérison des gens. Selon moi, la guérison est vraiment la solution et elle est au cœur de ce qui doit être fait.
    J'aimerais que vous nous disiez ce dont les communautés autochtones ont besoin, selon vous, pour guérir.
    La première chose que je dirais, c'est que la culture est une source de guérison. C'est ce que j'entends souvent lorsque je parle aux détenus autochtones de sexe masculin. Les enseignements qu'ils reçoivent dans le cadre d'un programme appelé « Work 2 Give »... Ils ont grandi avec de petits bouts de culture ici et là, mais ils ne pouvaient pas vraiment vivre cette culture à cause de la pauvreté. Comme la plupart d'entre nous, ils n'ont pas été acceptés par la société dominante.
    En tant que tel, si je devais répondre très simplement à cette question, je dirais qu'il s'agit d'un retour à notre culture, car nous avions des enseignements holistiques qui traitaient de notre développement mental, spirituel, physique et émotionnel.
    Nous devons revenir à ces méthodes. Bien sûr, le paysage n'est plus du tout le même. Il est en constante évolution, et un travail constant est donc nécessaire, mais nos cultures traditionnelles sont nos voies de guérison.
    Meegwetch.
(1200)
     Je voudrais obtenir une dernière réponse à une question avant que vous ne partiez, si vous le voulez bien.
    J'aimerais simplement savoir si vous pensez qu'un programme financé par le gouvernement fédéral dont les chefs autochtones seraient réellement au cœur de la création et qui soutiendrait la santé mentale dans les communautés autochtones serait utile.
    Oui.
    Il ne nous reste plus que deux minutes. Nous allons accorder une minute au Bloc et une minute au NPD.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je ne sais pas à quel témoin m'adresser.
    En une minute, j'aimerais parler d'un aspect dont on a moins parlé aujourd'hui, à savoir la question du problème technique que peut représenter une alerte semblable à l'alerte Amber.
    Beaucoup de communautés éloignées pourraient avoir des problèmes de connectivité, et on sait que l'alerte dépendra beaucoup de la technologie.
    Avez-vous réfléchi à cet aspect et à des pistes de solution?

[Traduction]

    Je pense que le gouvernement fédéral doit maintenant mettre en place l'infrastructure adéquate pour soutenir l'accès à Internet de toutes les communautés éloignées. C'est une question de déterminants sociaux de la santé. Nous ne vivons plus dans un pays du tiers monde. Nous devrions offrir aux nations tout ce dont elles ont besoin pour participer convenablement à la vie de notre pays.
     Cela inclut également les téléphones, les téléphones cellulaires, par exemple.
     Mme Gazan a la parole.
    Merci beaucoup.
    Ma dernière question s'adresse à vous, madame Campbell.
    Nous avons entendu parler des services de police. Je voulais que vous nous parliez un peu plus de ce à quoi ressemble la surveillance des forces policières, compte tenu des témoignages que nous avons entendus aujourd'hui.
    Absolument.
    Il ne s'agit pas de surveillance. Il s'agit d'écouter et de suivre les directives des membres de la communauté et de la base, qui dictent et expriment ce qui doit se passer. Il est question de l'alerte robe rouge, mais aussi du système judiciaire de l'autre côté, car il y a des gens qui nous traquent et nous assassinent. Nous devons aller jusqu'au bout de cet aspect de la question.
    Je pense que la justice et la police ont deux rôles majeurs à jouer, mais qu'elles ne doivent pas prendre les décisions.
    Cela conclut la discussion avec notre premier groupe de témoins.
    Merci à tous les témoins pour leur travail et leur témoignage. Vous pouvez toujours soumettre votre témoignage à la greffière.
    Nous devons maintenant suspendre la séance pendant quelques minutes pour préparer le prochain groupe de discussion.
(1200)

(1215)
     Nous reprenons la réunion.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins. Nous accueillons Lorna Brown, directrice exécutive, et Denise Halfyard, directrice adjointe de la Tears to Hope Society.
    Vous pouvez vous partager le temps de parole de cinq minutes pour votre exposé.
    Tout d'abord, je tiens à saluer le peuple algonquin, sur le territoire traditionnel non cédé duquel nous menons cette importante activité.
    Hadih. Je suis Wet'suwet'en, ainsi que la fondatrice et directrice exécutive de la Tears to Hope Society à Terrace, en Colombie-Britannique.
    Nous sommes ici avant tout en tant que proches de victimes. Ma nièce Tamara Chipman a disparu en septembre 2005 le long de la route des pleurs, qui va de Prince Rupert à Prince George. Le nom de cette route est né lorsque ma cousine Florence Naziel a lancé la toute première « marche sur la route des pleurs », après la disparition de ma nièce, en collaboration avec sa nièce Karen Plasway. Elles voulaient trouver un nom pour leur marche, et elles se sont réunies pour parler des nombreuses femmes disparues dans notre communauté, Witset. Elles ont commencé à pleurer. Elles ont versé tellement de larmes qu'elles n'arrivaient pas à les éponger avec une seule serviette, et elles ont donc proposé de parler d'une « route des pleurs ». Voilà la petite histoire de l'origine du nom.
    En 2006, une marche a été organisée entre Smithers et Prince George, qui a débouché sur le symposium de 2006 à Prince George. Cette marche a été organisée par Matilda Wilson, dont la fille, Ramona Wilson, a été retrouvée assassinée près de l'aéroport de Smithers. Elle avait 16 ans à l'époque. Cette année, cela fait 30 ans que sa famille attend des réponses. L'anniversaire approche, c'est en juin.
    Ma sœur Gladys Radek et Bernie Williams ont également poursuivi le travail assidu entamé par ces proches. Elles ont organisé sept marches partout au Canada, en commençant par la Colombie-Britannique, pour demander l'ouverture d'une enquête publique nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées dans l'ensemble de notre pays. Nos familles ont témoigné lors de l'enquête. Tamara est toujours portée disparue à ce jour, et nous n'avons toujours pas de réponses, comme tant d'autres de nos proches. La première chose que nous disent les membres des familles, c'est qu'ils ont l'impression que leur cas ne fait pas l'objet d'une enquête ou qu'il n'est pas pris au sérieux.
    J'aimerais ajouter que les disparitions d'hommes sont également importantes. Ma cousine Phyllis Fleury recherche elle aussi sans relâche son fils, âgé de 16 ans à l'époque, qui a disparu à Prince George. C'est un problème qui touche également les hommes.
(1220)
    Hadih. Je m'appelle Denise Halfyard. Je suis l'aînée des enfants de Lorna et je tiens à dire à quel point c'est une bénédiction de pouvoir accomplir ce travail important aux côtés de ma mère.
    Je suis la directrice adjointe de la Tears to Hope Society et nous appuyons pleinement la proposition d'une alerte robe rouge. La Tears to Hope Society dispose d'un système de soutien avec les membres des familles situées le long de la route des pleurs. Cette initiative bénéficie d'un large soutien, surtout si elle est mise en œuvre comme l'alerte Amber.
    Depuis que les 231 recommandations ont été formulées, nos femmes continuent d'être prises pour cibles, car elles sont toujours portées disparues ou assassinées.
    Certains problèmes ont été recensés concernant cette initiative. Quels sont les critères pour définir une personne disparue? La définition variera. De nombreuses familles qui s'adressent à la police se voient dire d'attendre 24 heures; nous savons toutefois que ce n'est pas une règle absolue, et les 72 premières heures sont les plus importantes.
    Quel est le seuil de temps qui nous permet d'alerter le public?
    Récemment, une femme du Nord a été portée disparue. Elle était active sur les médias sociaux, mais elle n'avait pas été en contact direct avec ses proches qui voulaient vérifier qu'elle allait bien. Comment faire la différence entre quelqu'un qui ne souhaite pas entrer en contact avec ses proches pour diverses raisons et quelqu'un qui a réellement disparu?
    La question du service de téléphonie cellulaire continue d'être soulevée. De nombreuses régions ne sont toujours pas desservies. Au nord de Terrace, il n'y a aucun service, sauf si vous disposez d'une connexion WiFi personnelle. Par conséquent, si une alerte devait être émise alors que je suis sur la route dans ces régions, je ne saurais pas qui chercher, car je ne recevrais l'alerte que lorsqu'il serait trop tard.
    La Tears to Hope Society travaille à la prévention des disparitions et des assassinats de femmes et de filles au moyen de l'éducation et de la prise en charge de la santé physique et mentale. Lorsque nous sommes instruits et que nous nous engageons activement, nous sommes plus autonomes. Nous croyons que nous sommes plus fortes lorsque nous nous soutenons les unes les autres, car « elle est quelqu'un ».
    Je vous remercie de votre témoignage.
    Nous allons maintenant commencer la première ronde de questions avec Mme Ferreri.
    Vous disposez de six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Meegwetch. Vous avez fait le déplacement et nous vous remercions de votre présence pour notre étude sur l'alerte robe rouge.
    Tout d'abord, je vous remercie pour le travail que vous accomplissez. Ce sont les organisations qui travaillent sur le terrain qui ont un véritable impact et qui changent les choses. Je vous en suis vraiment reconnaissante.
    Madame Halfyard, il y a deux points qui attirent vraiment mon attention. Je pense que nous voulons vraiment que cette étude débouche sur une méthode de mise en œuvre efficace. Nous sommes tous d'accord pour dire que c'est nécessaire et que c'est important, mais il faut maintenant s'occuper de la logistique.
    Parlons du seuil de temps. Avez-vous une recommandation que vous souhaiteriez voir figurer dans le rapport?
(1225)
    C'est une question difficile, car il est important de faire passer le message immédiatement, mais nous devons tenir compte de ces femmes qui, pour des raisons de sécurité, ne veulent pas être retrouvées.
    Je ne pense pas qu'il y ait de problème à ce que les gens soient alertés tout de suite, que la personne veuille disparaître ou non. Je pense qu'il faut pécher par excès de prudence, car mieux vaut prévenir que guérir.
    Vous m'avez enlevé les mots de la bouche. On compare souvent le risque et les bienfaits. Je le constate souvent quand il est question de personnes vulnérables en général.
    Dans ma circonscription, il y a une mère dont la fille vivait dans la rue et souffrait d'une grave maladie mentale. Elle a disparu et personne n'en a parlé dans les médias. Personne ne semblait lui prêter attention. Nous avons réussi à la ramener chez elle grâce aux médias sociaux, mais cette situation suscite de la honte et de la stigmatisation. Si je mets ces informations sur les médias sociaux, les gens vont dire: « je ne veux pas que les gens sachent que c'est ma famille », mais je pense qu'il faut avoir une vue d'ensemble de la situation. Je vous remercie d'avoir parlé en ce sens.
    Vous avez également parlé des zones blanches sur les routes quand on voyage et du service cellulaire dans les régions éloignées, ce qui est très important. Beaucoup de ces femmes et de ces hommes — merci, madame Brown, de l'avoir souligné — se trouvent dans des régions du Canada qui sont très isolées.
    Je me demande si vous pensez que ce serait une bonne idée de mettre en place des panneaux indiquant qu'il s'agit d'une zone où il n'y a pas de téléphonie cellulaire. Je suppose que les gens savent déjà qu'il s'agit d'une telle zone, mais comment combler cette lacune? Je pense à l'époque où j'ai emprunté la route entre Banff et Jasper. C'est l'une des routes les plus dangereuses. Il neigeait et il n'y avait pas le moindre service de téléphonie cellulaire.
    Que pensez-vous que nous puissions faire pour combler cette lacune concernant les avis? Y a‑t‑il des suggestions ou des discussions à ce sujet?
     Nous avons beaucoup d'industries dans le Nord. À environ 70 kilomètres de chez nous se trouve le plus grand projet de gaz naturel liquéfié du Canada.
    Il y a eu beaucoup d'annonces concernant toutes sortes de nouveaux investissements dans les services de téléphonie cellulaire. La situation s'est quelque peu améliorée, mais ma fille vit à cinq kilomètres de Terrace, dans la Première Nation de Kitsumkalum, et elle n'obtient pas de service là‑bas — le signal est très faible. Il faut absolument investir davantage, même dans les communautés. Nous entendons parler de beaucoup d'investissements, mais nos services sont encore très limités, alors je pense que les entreprises qui font ces promesses doivent les tenir. Je ne nommerai pas l'entreprise à laquelle je pense, mais il y a beaucoup de promesses. Je sais que l'entreprise utilise le terme « femmes et filles autochtones disparues et assassinées » pour recevoir des fonds, et, pourtant, à cinq kilomètres de notre village, il n'y a pas de service de téléphonie cellulaire digne de ce nom.
    Je pense que vous avez soulevé un point intéressant qui doit être intégré dans le rapport du Comité. On nous promet un service de téléphonie cellulaire fonctionnel depuis l'époque où je travaillais dans le secteur des télécommunications, c'est-à-dire il y a longtemps. Je sais que j'ai l'air très jeune, mais ce n'est pas le cas — je plaisante.
    Je voulais simplement alléger l'ambiance alors que nous discutons d'un sujet bien sérieux. Je pense qu'il faut inclure dans notre étude le fait que le bon fonctionnement du réseau de téléphonie cellulaire est essentiel à la réussite de ce projet.
    Au moment d'examiner les modalités de mise en œuvre du système, je ne veux pas que cette question se perde dans la logistique. J'ai vu cela très souvent. Tout le monde se met d'accord sur une idée géniale, puis tout le monde quitte la table. C'est comme un projet de groupe — oui, l'idée est géniale — mais, ensuite, il peut manquer quelqu'un pour mettre le projet en œuvre, le lancer et le faire fonctionner.
    Vous avez parlé de l'alerte Amber. Pensez-vous que l'alerte Amber est le modèle à suivre? Pensez-vous que, puisqu'elle existe déjà, il est inutile de réinventer la roue? En gros, qu'il faut recréer les mêmes principes que ceux de l'alerte Amber...
(1230)
    Merci.
    Le temps est écoulé. Vous pouvez toujours nous envoyer une réponse écrite.
    Monsieur Serré, vous disposez de six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais poursuivre dans cette voie, mais, avant cela, je tiens à vérifier votre témoignage, car je pense qu'il est très important. Au sein du comité, quand il est question de couverture cellulaire, Telus, Rogers et Bell — nommons-les — ont déçu les Canadiens. Soyons clairs: l'industrie de la téléphonie cellulaire affirme qu'elle couvre 98 à 99 % de la population canadienne, ce qui est un mensonge. Votre témoignage ici, comme Britanno-Colombienne, correspond à la situation chez moi, dans le Nord de l'Ontario. Il n'y a pas de couverture cellulaire appropriée, et c'est pourquoi je recommanderais vivement au comité de demander à ces entreprises, qui rapportent des millions à leurs actionnaires, de veiller à ce qu'il y ait une couverture cellulaire appropriée. Merci.
    L'autre élément que vous avez mentionné est l'alerte Amber — et nous parlerons de l'alerte Silver. Comment pouvons-nous faire en sorte que ce soit une initiative communautaire? Nous avons, dans les réserves du Nord de l'Ontario — comme c'est le cas en Colombie‑Britannique —, le service de police anishinabek. En Ontario, nous avons la Police provinciale de l'Ontario et la police municipale. Comment pouvons-nous organiser un système, et quelles recommandations avez-vous à nous faire pour que ce système soit dirigé par les communautés, en particulier par les femmes autochtones, afin de s'assurer que les services policiers à tous les échelons lancent l'alerte robe rouge de façon appropriée et que le système fonctionne à l'échelle locale ou provinciale, puis nationale?
    Je pense qu'il faut commencer par les régions. Nous connaissons nos consœurs. Nous connaissons nos localités, nos régions, et nous aurions donc une meilleure idée de l'étendue des recherches qu'une personne, disons, à Vancouver. Cette personne ne saurait pas vraiment où chercher si elle se trouvait là‑bas.
    En ce qui concerne la participation de la police, je ne sais pas si vous voulez en parler.
     La participation de la police est absolument nécessaire. Cependant — et je pense que cela a déjà été dit —, elle doit collaborer avec les proches des victimes. Qu'il s'agisse d'une simple consultation, de la création d'un comité à consulter régulièrement pour que ses membres soient informés... Il faut absolument qu'il y ait une communication, car, à maintes reprises, nous avons entendu dire qu'il y avait un manque de communication à l'égard des familles. Une telle initiative doit être menée par la communauté. Comme Mme Halfyard l'a dit, il faut absolument commencer par la région, puis étendre le projet à d'autres régions.
    Merci.
    Nous avons entendu tout à l'heure une collègue qui s'adressait à nos autres témoins au sujet de la santé mentale et de la nécessité de veiller à ce que l'alerte robe rouge soit en place et qu'elle soit dirigée par des femmes autochtones. Ce sont là des recommandations claires que le Comité va nous présenter.
    Pour ce qui est des traumatismes intergénérationnels, on pense aux survivants des pensionnats et aux services de protection de l'enfance. Il n'y a pas que des femmes; il y a, en général, des hommes dans la communauté. Quelles sont vos recommandations en ce qui concerne la santé mentale?
    Que devrait faire le gouvernement fédéral pour soutenir le système d'alerte robe rouge en rapport avec les services et les programmes de santé mentale?
    Encore une fois, je pense que c'est une question d'éducation.
    Beaucoup de gens ne comprennent toujours pas ce qu'est le traumatisme intergénérationnel, même ceux qui le vivent. Les éduquer et leur montrer que leur comportement est le résultat de leur traumatisme intergénérationnel, les guider, leur donner les ressources pour obtenir l'aide dont ils ont besoin... Il y a bien sûr l'éducation.
(1235)
    Nous avons parlé des milieux urbains et des Autochtones. Il y a des réserves. Quel rôle pensez-vous que jouent les municipalités, que ce soit les centres d'amitié, les communautés autochtones urbaines... Il y a vraiment l'aspect rural et l'aspect urbain.
    Y a‑t‑il des recommandations précises à ce sujet?
    À Terrace, nous avons un centre d'amitié local parce que notre ville est considérée comme un centre urbain. Terrace est une plaque tournante pour le Nord-Ouest, et nous avons environ 27 communautés des Premières Nations environnantes qui viennent toutes à Terrace pour se procurer des biens et des services. Nous manquons cruellement de services de counseling, quels qu'ils soient.
    Je sais que certains groupes ont plaidé en faveur d'un centre de guérison ou de désintoxication, et, compte tenu du nombre de Premières Nations que nous avons dans notre région, il est tout à fait choquant qu'il n'y en ait pas. L'endroit le plus proche où l'on peut obtenir de l'aide est Prince George, qui se trouve à six ou sept heures de route. Ensuite, il faut satisfaire à certains critères avant de pouvoir accéder aux services.
    Je pense que les services doivent être rationalisés pour que les gens puissent obtenir de l'aide sans délai, car ils sont parfois prêts à recevoir de l'aide le jour même, mais, une semaine plus tard, il peut être trop tard. Je le sais personnellement, car j'ai perdu ma sœur il y a un an, en février. Elle voulait obtenir de l'aide, mais il y avait des démarches administratives; elle devait se déplacer et passer à travers toutes sortes d'obstacles avant de pouvoir obtenir de l'aide. Au bout du compte, il était trop tard.
    Nous devons être en mesure de simplifier le processus et de supprimer tous les critères à remplir pour obtenir de l'aide. Lorsque quelqu'un a besoin d'aide, c'est maintenant qu'il faut l'aider, pas la semaine prochaine, ni dans trois ou six mois.
     Merci, madame Brown.
    Nous passons maintenant à Mme Larouche, qui dispose de six minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Mesdames les témoins, je vous remercie de votre présence parmi nous ce matin.
    Vos histoires familiales de personnes disparues et assassinées sont extrêmement touchantes.
    Je vous remercie également de nous rappeler que vos histoires ne touchent pas que les femmes et les filles autochtones, mais aussi les hommes et les garçons.
    J'ai déjà parcouru la route qui mène de Banff à Jasper, et Mme Ferreri m'a rappelé qu'il n'y a pas couverture cellulaire dans cette zone. C'est aussi le cas dans plusieurs autres zones rurales. Ce sujet a été abordé précédemment.
    Ici, nous sommes en mode solution et j'aimerais connaître votre avis sur les sujets suivants.
    Pourquoi est-ce important, au-delà de l'alerte robe rouge sur les téléphones, de trouver une façon de mobiliser d'autres gens?
    Je pense, par exemple, à des initiatives auxquelles participeraient des camionneurs qui veulent se sensibiliser et contribuer à la lutte contre la disparition et l'assassinat de femmes et de filles autochtones et agir comme éclaireurs.
    Je pense aussi à certaines initiatives dans des aéroports, comme la campagne de sensibilisation « Pas dans ma ville ».
    On veut aussi fabriquer des affiches des personnes disparues et assassinées.
     Que voyez-vous comme complément à l'alerte robe rouge sur les téléphones pour vous assurer de couvrir le plus de zones que possible et pallier certains manques quant à la couverture cellulaire?

[Traduction]

    Je pense que vous faites très bien de parler de la sensibilisation des camionneurs et de l'aide qu'ils peuvent apporter dans ce contexte. Ma cousine Tamara manque à l'appel. Son père, Tom, est camionneur. Il transporte des marchandises de Terrace vers l'Alberta, et parfois vers la Saskatchewan, assez régulièrement. Oui, il serait certainement très utile que les camionneurs utilisent leur réseau pour faire passer le message lorsqu'une femme est portée disparue.
    Je pense qu'il faut également établir une liste des femmes actuellement portées disparues en fonction de leur lieu de résidence. Si je me trouvais, disons, à Winnipeg, et que je voyais une liste des femmes disparues, je saurais qui chercher. Bien sûr, la démarche de consulter la liste et de chercher ces femmes serait facultative, mais je pense que vous constaterez que, pour ceux d'entre nous qui font déjà ce travail, c'est quelque chose que nous envisagerions sans aucun doute.
(1240)

[Français]

    Madame Brown, voulez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    D'accord.
    Il y a un autre aspect intéressant, et c'est le fait que l'alerte robe rouge n'est pas une fin en soi. Il faut aussi pouvoir offrir d'autres services en éducation ou en prévention, en amont, et plus loin aussi, en aval, pour s'assurer d'accompagner les victimes.
    Vous avez parlé de la lourdeur du fardeau administratif imposé aux organismes qui veulent venir en aide aux survivantes. Un des témoins ayant participé à une réunion précédente de ce comité nous a parlé de la récurrence du financement.
    Il est important que les organismes, qui veulent venir en aide aux victimes en les accompagnant, puissent avoir de la prévisibilité en cette matière.
    En quoi le fait de s'assurer de la récurrence des sommes destinées à aider les organismes qui viennent en aide aux survivantes ou qui font de la prévention en amont peut-il être important et essentiel pour bien compléter l'alerte robe rouge?

[Traduction]

    Oui, à 100 %. Il faut un financement. Nous participons à beaucoup de réunions. Je sais que les proches des victimes sont frustrés par le fait que nous sommes toujours en réunion, mais qu'il ne se passe pas grand-chose. Nous avons besoin de fonds pour créer un centre d'appel — ou quoi que ce soit d'autre — pour l'alerte robe rouge, pour le mettre en œuvre et pour former les gens, qu'il s'agisse de membres de la famille des victimes ou d'autres Autochtones qui travaillent avec des personnes non autochtones. Il s'agit de parvenir à un équilibre complet entre les membres du comité et soit la GRC, chez nous, ou d'autres services de police.
    Oui, faire fonctionner ces organisations coûte de l'argent. Nous devons agir en conséquence et élaborer un plan qui fonctionnera réellement, puis le mettre en œuvre. Il faut un financement récurrent.

[Français]

     Madame Halfyard, souhaitez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

     Non, je pense qu'elle a tout dit.

[Français]

    En terminant, je comprends qu'il faut réduire le fardeau administratif des organismes et s'assurer que l'argent leur est garanti. Nous pouvons résumer cela ainsi. Ces deux aspects sont importants.

[Traduction]

    Merci, madame Larouche.
    Madame Gazan, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup.
    Merci de vous être déplacées de si loin pour être devant le Comité aujourd'hui. Merci également d'avoir raconté des histoires sur votre famille. Je sais que ces histoires sont difficiles et pénibles à raconter.
     Madame Brown, vous avez mentionné que, dans votre région, il y a de l'extraction de ressources. Diriez-vous qu'il y a beaucoup de trafic sexuel ou d'exploitation sexuelle dans ces sites d'extraction de ressources?
    Oui, absolument. Nous avons entendu tant d'histoires de filles parfois très jeunes — aussi jeunes que 15 ans — retenues dans des chambres d'hôtel pendant deux ou trois jours d'affilée. Ces gens ramassent des jeunes filles et ils font ce qu'ils veulent d'elles. Nous constatons également que beaucoup d'étrangers, nouvellement arrivés au pays, viennent aussi chercher nos jeunes filles et font la même chose. C'est l'industrie de l'extraction, mais ce sont aussi de nouveaux venus dans notre pays.
(1245)
    Notre comité a réalisé une étude sur le lien entre les industries d'extraction des ressources naturelles et l'augmentation de la violence à l'encontre des femmes et des filles autochtones.
    Je vous pose cette question, car vous avez également fait part du fait que des entreprises arrivent sur place, ne prennent pas les précautions de sécurité adéquates, et utilisent le génocide en cours contre les femmes et les filles autochtones à des fins financières. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? J'ai ensuite une autre question de suivi. C'est très troublant.
    Oui, c'est intéressant. Je pense à un projet en particulier. J'ai des fils qui travaillent dans l'industrie. Il est évident que tous les travailleurs ne sont pas des agresseurs. Mon fils m'a dit qu'il m'avait vue dans sa vidéo de formation un matin. Je n'étais même pas au courant, mais le travail que nous faisons sur la route des pleurs est utilisé pour la formation dans l'industrie. Dans les faits, nous essayons de responsabiliser les entreprises et de voir ce qu'elles font réellement.
    Je peux vous donner un exemple. Il y a quelques années, ma sœur a eu vent d'un homme qui avait agressé une policière à Kamloops, je crois, et qui était également employé d'une entreprise à Kitimat. Un groupe de femmes locales s'est rendu sur place pour demander des comptes à l'entreprise pour...
    Je suis désolée, mais mon temps est limité.
    Comme je l'ai dit lors de l'étude, il ne s'agit pas de notre opinion sur l'extraction des ressources. Que l'on exploite ou non les ressources, il faut que la sécurité soit assurée, et elle ne l'est pas pour les femmes et les jeunes filles, quelle que soit notre position sur la question.
    Je soulève cette question parce qu'il y a des zones blanches. Premièrement, il y a des zones blanches pour les téléphones cellulaires. Deuxièmement, les entreprises arrivent en promettant des technologies numériques. Ce sont des entreprises qui ne prennent déjà pas les précautions nécessaires pour garantir la sécurité des femmes et des jeunes filles, et elles ne tiennent pas leurs promesses. En quoi est‑il important de mettre en place des lois qui obligent ces entreprises à rendre des comptes? Surtout parce que ces accords sont généralement conclus — parfois de manière tripartite, entre le gouvernement fédéral, les provinces et l'entreprise — pour tenir les entreprises responsables de certaines choses, comme les technologies numériques qu'elles garantissent, et pour tenir les gouvernements responsables de veiller à ce qu'il n'y ait pas de zones blanches au chapitre des droits de la personne.
    À la lumière de l'extrême violence et du trafic sexuel, en particulier dans votre région, en quoi cela est‑il essentiel si nous voulons nous assurer que les femmes sont en sécurité et qu'elles peuvent participer à un tel système d'alerte au même titre que d'autres personnes dans différentes régions du pays?
     Oui, vous soulevez un très bon point. Je connais une femme autochtone qui demande directement des comptes à l'entreprise. Nos femmes ont besoin d'être soutenues dans cette démarche, que ce soit au niveau du gouvernement... Cette femme lutte désormais seule. L'entreprise doit absolument être tenue responsable pour ne pas avoir su fournir un environnement sécuritaire.
    Je m'inquiète parce qu'il s'agit vraiment d'une question très grave en matière de droits de la personne. Nous consacrons toutes ces sommes au soutien de l'industrie et de la construction, mais nous ne pouvons pas construire de tours de télécommunication pour garantir que toutes les femmes disparues sur la route des pleurs puissent communiquer avec leur famille... Si elles sont enlevées, elles n'ont littéralement aucun moyen de communiquer.
     C'est ce qui m'est venu à l'esprit en premier. Si elles essaient de s'échapper, c'est comme si elles n'avaient nulle part où aller, au fin fond du pays, sans aucune technologie. Quelle est l'urgence de la situation?
    C'est extrêmement urgent.
    Nous connaissons l'histoire de la route des pleurs depuis une éternité. Quel est le sentiment...
    Merci, madame Gazan. Le temps est écoulé.
    Nous entamons maintenant la prochaine ronde. Comme il est tard, nous allons donner trois minutes à Mme Roberts, trois minutes à Mme Hepfner, puis deux minutes au Bloc et deux minutes au NPD.
    Nous commencerons par Mme Roberts, qui dispose de trois minutes.
(1250)
    Merci, Madame la présidente. Je partagerai le reste de mon temps de parole avec Mme Vien.
    Tout d'abord, je tiens à vous féliciter, madame Brown, pour votre film, et à féliciter votre fille pour son émission de radio — telle mère, telle fille. Vous êtes une source d'inspiration pour toutes les mamans.
    Je voudrais notamment vous poser une question, madame Brown, sur une chose que vous avez dite tout à l'heure. Je vous prie de préciser ce que vous vouliez dire quand vous avez qu'il ne se passe pas grand-chose.
    Encore une fois, où est la responsabilité? Ce sont les familles des victimes qui nous le disent. Elles disent: « Il y a 231 recommandations. Pourrions-nous en prendre six ou sept et les mettre en œuvre, au moins? » Il est extrêmement frustrant de constater qu'on en fait très peu.
    Il semble que la question de savoir qui parle au nom des femmes et des filles disparues et assassinées, comme les familles, soit très fragmentée dans tout le pays. Qui tient le gouvernement pour responsable de la mise en œuvre de ces appels à la justice?
    Diriez-vous « cessez de discuter et agissez »? Je pense que c'est ce que nous cherchons.
    Oui.
    Je voudrais poser l'autre question à votre charmante fille, Denise. Au fait, vous ressemblez à votre mère.
     Utilisez-vous votre émission de radio pour aider à identifier les femmes et les filles autochtones assassinées ou disparues?
    Je l'ai écoutée. Je l'ai parcourue, et j'adore la musique.
    Oui, en effet. Chaque semaine a un thème différent, en particulier autour des journées d'intérêt pour les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, du 14 février au 5 mai, et nous coordonnons même des événements. J'attire l'attention sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées à travers la musique. De nombreux artistes utilisent également leur voix pour amplifier le message, non seulement au Canada, mais aussi aux États‑Unis. Il y a beaucoup d'artistes, donc...
    Merci. Je suis désolée, je ne veux pas vous couper la parole, mais j'ai promis à Mme Vien de lui laisser un peu de temps parce qu'elle a quelque chose de très important à vous demander.

[Français]

     Merci, madame Roberts.
    Merci, madame la présidente.
    J'ai une brève question à vous poser, madame Halfyard.
    Tantôt, vous avez répondu aux questions de mes collègues au sujet de la réponse à l'alerte Amber. Vous avez fait un parallèle avec l'alerte Amber, comme nous l'avons fait, et vous avez parlé du territoire à couvrir. Vous avez répondu que nous devrions commencer à l'échelle régionale pour ensuite étendre le territoire.
    Vous l'avez peut-être mentionné, et j'ai manqué l'information, mais, pourriez-vous nous dire à quoi correspond ce territoire régional auquel vous faisiez allusion? Est-ce la province, la réserve ou la région administrative? À quoi pensiez-vous?

[Traduction]

    Une réponse rapide, s'il vous plaît.
    Je pense que cela devrait se faire par population. Dans la région de Vancouver, les gens se protègent les uns les autres. Je pense que si nous devions faire quelque chose de ce genre régionalement, dans la région de Terrace, nous couvririons la route des pleurs.
     Merci.
    Nous passerons maintenant à Mme Hepfner.
    Vous avez trois minutes.
    J'irai dans le même sens.
    Le Comité s'efforce de déterminer comment cette... Nous sommes tous d'accord pour dire qu'une alerte robe rouge est nécessaire. Elle doit être dirigée par les Autochtones, mais à quoi cela ressemblera-t‑il? J'ai entendu plusieurs témoins, dont vous, parler de l'alerte Amber et du fait qu'elle devrait être similaire.
    Pelmorex est l'entreprise qui gère le système d'alerte robe rouge au Canada. Elle gère également le système d'alerte Silver. Elle exploite également la chaîne MétéoMédia, et je l'appelle donc simplement MétéoMédia. Cette entreprise exploite ces systèmes gratuitement en vertu de ses permis de radiodiffusion.
    Dans le cas de ces alertes, c'est la police qui décide s'il y a lieu ou non de lancer l'alerte. Je pense que, ce que nous avons entendu au sein de ce comité, c'est que cette décision devrait être prise par un consortium de dirigeants autochtones — de femmes autochtones. Je pense que c'est là la décision clé dans tous les cas: quel est le seuil? Comment décider si la personne en question veut être trouvée, s'il faut la chercher immédiatement?
    J'aime votre idée de commencer par une région.
    Pourriez-vous envisager un système dans lequel des organismes régionaux constitués de femmes autochtones en particulier superviseraient le premier contact et ensuite...? Voyez-vous où je veux en venir?
    Quelle est la place de la police? A‑t-elle sa place dans ce système? La police a‑t-elle un rôle à jouer?
    Vous pourriez peut-être nous expliquer ce qu'il faut établir dans le contexte du Comité en ce qui concerne le système d'alerte robe rouge.
(1255)
    Je trouve intéressant que vous évoquiez MétéoMédia, car c'est exactement le modèle auquel je pensais, où l'on peut choisir différents endroits à suivre. De plus, l'emplacement par défaut est l'endroit où l'on se trouve actuellement. Je pense que c'est une excellente option.
     En ce qui concerne la police, je pense que les gens — disons « le comité », faute d'un meilleur mot, qui dirigerait le projet dans sa région devrait simplement être sollicité et utilisé comme cela est souhaité.
    C'est le comité qui prend la décision initiale, puis qui fait appel à la police pour obtenir un soutien tactique, etc.
    Oui, il s'agit d'un soutien. Encore une fois, chaque région est différente. Chacun entretient des relations différentes avec la police. Certaines communautés sont très proches, d'autres non.
    Là encore, il s'agit d'une question de région et de relation.
    Madame Brown, avez-vous quelque chose à ajouter? Avez-vous d'autres idées sur la manière dont cela pourrait se dérouler?
    Non.
    Nous avons évoqué le fait qu'il existe de nombreux types de services policiers au Canada, selon la région du pays où l'on habite.
    Avez-vous quelque chose à ajouter sur la question de savoir s'il faut davantage de ressources policières autochtones pour soutenir ce travail?
    Encore une fois, j'ai mentionné le fait que nous avons la plus grande population de Premières Nations en Colombie‑Britannique. Je ne sais même pas si nous avons une police autochtone dans le Nord de la province. Pour une population de cette taille, nous avons certainement besoin de plus de services policiers autochtones.
     De plus, le fait d'avoir ce lien avec... J'ai récemment rencontré de nouveaux policiers à Terrace. Je pense qu'ils essaient de changer les choses. Ils reconnaissent qu'ils ont échoué sur le plan de la confiance. Cependant, ils sont très nouveaux, alors nous verrons comment cela se passera.
     Oui, il faut certainement développer les services policiers autochtones.
    Il est clair que le travail que vous faites rayonne et qu'il fait de bonnes choses, et je vous en remercie.
    Merci, madame Hepfner.
    Nous passerons maintenant à Mme Larouche.
    Vous avez deux minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Mesdames Halfyard et Brown, je vous regarde, ce matin, et j'ai envie d'ajouter des commentaires à ce que ma collègue a déjà dit. J'espère avoir l'occasion de faire un beau projet comme le vôtre, en collaboration avec ma petite fille, qui a actuellement deux ans. J'espère avoir la chance d'avoir cette belle complicité.
    Il y a un aspect intéressant que j'aimerais aborder. J'ai rencontré récemment une militante d'Amnistie internationale lors d'un événement. Je sais que ma collègue Mme Gazan a déjà parlé des droits de la personne et de l'exploitation des ressources, et je sais qu'Amnistie internationale apporte aussi son soutien aux femmes de la nation wet'suwet'en.
    Quel soutien supplémentaire cet organisme peut-il vous apporter?

[Traduction]

     Je peux répondre à cette question.
    Nous nous intéressons au Nord-Est de la Colombie‑Britannique. Il ne s'agit pas officiellement de la route des pleurs, mais de la région de Dawson Creek, où tant de jeunes filles et d'hommes sont portés disparus. J'ai un ami dont deux membres de la famille ont disparu; ils ont disparu à moins d'un an d'intervalle. C'est un problème avec l'extraction des ressources, et cela continue de se produire. Les entreprises doivent être davantage tenues pour responsables des disparitions qui se succèdent et des conséquences violentes qu'elles entraînent.
(1300)
    Merci, madame Brown.
    Nous passons maintenant la parole à Mme Gazan, qui dispose de deux minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Madame Brown, vous avez parlé de relations compliquées avec la police. Je sais que les Nations unies ont relevé plusieurs violations des droits de la personne perpétrées par la GRC sur votre territoire, et je tiens donc à honorer ce fait.
    Ma question s'adresse à vous, madame Brown. Vous avez parlé des critères, des critères d'alerte. Je dis cela parce que vous avez donné des informations sur une jeune fille qui a été retenue en captivité pendant quatre jours.
    Ma question est la suivante: une alerte a‑t-elle été lancée? Quelqu'un a‑t‑il cherché cette jeune fille? Pouvez-vous nous en dire plus sur la nécessité de mettre en place des critères très clairs, en particulier pour les mineurs qui disparaissent?
    Dans cette situation, je ne sais pas si quelqu'un... Rien n'a vraiment été mis en place. Notre organisation est tellement communautaire que je n'en ai entendu parler que par le bouche‑à-oreille. La personne qui m'en a parlé, un propriétaire d'entreprise, a été témoin de la situation.
    Il n'y a rien en place, et nous partons donc de zéro pour mettre en place quelque chose qui permettra de protéger les jeunes filles comme celles‑là.
    Diriez-vous qu'à l'heure actuelle, de nombreux jeunes et de nombreuses femmes disparaissent sans laisser de traces ou sans susciter d'inquiétude dans votre région? Je ne parle pas de la communauté. Je parle des autorités qui sont censées être là pour nous protéger.
    Il n'y a vraiment rien en place. Je le sais pour avoir parlé avec des travailleurs communautaires qui ont essayé d'aider les jeunes femmes et les jeunes filles. Il n'y a rien en place et, même lorsqu'elles sont portées disparues, ce n'est pas pris au sérieux.
    Est‑ce la raison pour laquelle il doit y avoir une surveillance, peu importe quelle forme cela prendra? Cela doit‑il se faire pour les Autochtones et par les Autochtones dans les différentes zones de la région?
    Mme Lorna Brown: Oui, à cent pour cent.
    Mme Leah Gazan: D'accord. Merci.
    Au nom du Comité, je vous remercie de votre témoignage. Je suis navrée des difficultés techniques et des retards.
    Vous pouvez toujours soumettre votre témoignage par écrit si vous souhaitez répondre à certaines questions.
     Plaît‑il au Comité de lever la séance?
    La séance est levée.
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