:
Bonjour à tous. La séance est ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 11e séance du Comité permanent de la condition féminine.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée mardi 4 février, le Comité reprend son étude sur la violence entre partenaires intimes et la violence familiale au Canada.
[Français]
Compte tenu de la situation actuelle de pandémie, conformément aux recommandations des autorités sanitaires et à la directive du Bureau de régie interne du 19 octobre 2021, pour rester en bonne santé et en sécurité, tous ceux qui participent à la réunion en personne ne doivent pas avoir de symptômes, doivent maintenir une distance physique de deux mètres et doivent porter un masque non médical lorsqu'ils circulent dans la salle. Il est fortement recommandé de porter le masque à tout moment, y compris lorsqu'on est assis à sa place. Tous doivent également avoir une bonne hygiène des mains en utilisant le désinfectant pour les mains fourni à l'entrée de la salle.
[Traduction]
Pour ceux qui participent virtuellement, je vais décrire quelques règles à suivre.
Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. L'interprétation est disponible pour cette réunion. Au bas de l'écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. Si vous n'entendez plus l'interprétation, veuillez m'en informer tout de suite, et nous veillerons à la rétablir avant de reprendre nos travaux.
Avant de parler, veuillez attendre que je vous cède la parole en prononçant votre nom. Si vous participez par visioconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Pour ceux qui sont dans la salle, votre micro sera contrôlé comme d'habitude par l'agent des délibérations et de la vérification. Quand vous avez la parole, veuillez parler lentement et clairement. Quand vous ne parlez pas, votre micro devrait être en sourdine.
Avant de souhaiter la bienvenue à nos témoins, je voudrais vous avertir que nous discuterons de situations violentes et de voies de fait. Cela risque de déclencher de fortes émotions chez les participants qui ont vécu des expériences semblables. Si vous ressentez de la détresse ou si vous avez besoin d'aide, veuillez en informer la greffière.
Je souhaite maintenant la bienvenue à nos témoins du premier groupe.
Nous accueillons aujourd'hui M. Simon Lapierre à titre personnel. De Sakeenah Homes, nous avons Mme Mashooda‑Lubna Syed, Relations gouvernementales et communautaires. Nous accueillons aussi Mme Nneka MacGregor, directrice générale du Women's Centre for Social Justice.
Vous aurez chacun cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Quand vous me verrez faire virevolter mon stylo entre mes doigts, c'est que vous aurez dépassé vos cinq minutes, alors sautez à la conclusion.
Je vais maintenant céder la parole à notre premier témoin.
Monsieur Lapierre, vous avez la parole pour les cinq prochaines minutes.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vous remercie de l'invitation.
Pour commencer, j'aimerais dire que nous avons constaté beaucoup de progrès, au cours des dernières années, en matière de violence faite aux femmes et de violence conjugale. Dans un contexte de pandémie, tout particulièrement, certains de nos travaux nous ont permis de constater que les organismes féministes, notamment, ont fait preuve de beaucoup d'innovation pour s'assurer de répondre aux besoins des femmes et des enfants qui vivent dans un contexte de violence conjugale.
Nous avons vu aussi qu'au Québec, dans la foulée de la publication du rapport intitulé « Rebâtir la confiance », un ensemble de mesures ont été mises en place dans le but de mieux accompagner les victimes de violence conjugale et d'agressions sexuelles.
Cela étant dit, nos travaux démontrent qu'il existe encore plusieurs lacunes dans le traitement de la violence conjugale. Un certain nombre de ces lacunes se traduisent par des incohérences dans la façon dont la violence conjugale est traitée dans les différents secteurs, c'est-à-dire le droit criminel, le droit familial et la protection de la jeunesse. Cette situation crée un ensemble de difficultés et d'obstacles pour les familles, qui doivent souvent naviguer dans ces différents secteurs de manière simultanée.
J'aimerais porter votre attention sur une lacune particulière et persistante dans le traitement de la violence conjugale, qui se manifeste notamment lorsque les conjoints ou les parents sont séparés, c'est-à-dire la confusion qui existe souvent entre la violence conjugale et les conflits de séparation. Nos différents travaux ont permis de mettre en évidence que, malheureusement, dans les différents secteurs que j'ai mentionnés précédemment, les situations de violence conjugale sont souvent interprétées comme des conflits sévères de séparation. Cela pose problème dans la mesure où, lorsqu'une situation de violence conjugale est interprétée comme un conflit de séparation, on ne fait pas une évaluation appropriée de la situation de violence et de ses conséquences. On risque aussi de ne pas évaluer adéquatement la dangerosité des personnes violentes et les risques homicidaires.
D'ailleurs, un rapport publié récemment par le Comité d'examen des décès liés à la violence conjugale au Québec démontre que certaines situations où des enfants ont été tués dans un contexte de violence conjugale ont malheureusement été faussement interprétées comme étant des conflits sévères de séparation, ce qui a amené les différents acteurs à sous-estimer les risques associés aux homicides. Dans ce genre de situations, les auteurs de violence conjugale n'ont pas été adéquatement encadrés et n'ont pas nécessairement été dirigés vers les bonnes ressources qui leur auraient permis de reconnaître leur responsabilité pour leur comportement violent. Ce qui est aussi extrêmement problématique dans ce genre de situations, c'est que, alors que des femmes victimes violence conjugale font leur possible pour tenter d'assurer la sécurité de leurs enfants, elles sont souvent perçues comme des personnes hostiles, qui alimentent le conflit ou qui font de l'aliénation parentale, même.
Je veux vraiment mettre l'accent sur le fait qu'au cours des dernières années, nous avons constaté, par l'entremise de nos différents travaux, une utilisation croissante du concept d'aliénation parentale contre les femmes victimes de violence conjugale. Ce recours à une pseudo-science pose un grave problème dans la mesure où il punit les femmes et les enfants en les plaçant souvent dans une situation où ils ne peuvent dénoncer les comportements violents du conjoint ou du père.
Pour ce qui est des pistes de solutions que j'aimerais vous proposer, je pense tout d'abord qu'il serait important d'avoir une stratégie globale ou un plan d'action global qui assurerait une meilleure cohérence entre les différents systèmes ou secteurs que j'ai mentionnés précédemment.
Il est également important de renforcer la notion de contrôle coercitif. Elle a déjà été mise en avant dans la Loi sur le divorce, mais on devrait l'inscrire aussi dans le Code criminel. Il s'agirait donc de criminaliser le contrôle coercitif, comme d'autres pays l'ont fait. Par ailleurs, il faudrait avoir une vision cohérente de la violence conjugale, notamment en ce qui concerne les services de protection de la jeunesse, partout au pays.
En ce qui a trait au contrôle coercitif, il est aussi important de bien saisir que cette forme de violence se poursuit généralement après la séparation et que des risques particuliers se posent dans ce contexte. Il est aussi important de bien reconnaître les enfants comme étant des covictimes de la violence conjugale et du contrôle coercitif.
Évidemment, il est important que les lois et les politiques reconnaissent cette forme de violence, mais ce n'est pas suffisant. La notion de contrôle coercitif doit absolument être accompagnée de programmes de formation destinés à l'ensemble des acteurs des différents secteurs, incluant les intervenants sociaux, les avocats et l'ensemble des juges impliqués dans ces situations. À mon avis, la formation devrait porter sur la violence conjugale et le contrôle coercitif, mais on aurait aussi avantage à mieux former l'ensemble des acteurs sur la question des droits des enfants, incluant leur droit à la protection, mais aussi leur droit de participer aux processus décisionnels.
Je pense également qu'il est important de se doter de mécanismes de concertation ou de spécialisation. Récemment, au Québec, on s'est doté de tribunaux spécialisés en matière de violence conjugale et d'agressions sexuelles. C'est une piste prometteuse, et il faut vraiment avoir des mécanismes de cet ordre.
Finalement, il doit y avoir des programmes accrédités et de qualité pour les conjoints violents, mais, surtout, il faut absolument soutenir le mouvement féministe et les organismes féministes, parce que les recherches ont montré que ce sont eux qui amènent les changements en matière de violence faite aux femmes et de violence conjugale.
Merci.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Bonjour à tous.
Tout d'abord, merci beaucoup d'avoir invité Sakeenah Homes à participer aux travaux du comité de la condition féminine.
Je m'appelle Mashooda‑Lubna Syed et je représente aujourd'hui Sakeenah Homes.
Pour vous donner un peu de contexte, Sakeenah Homes a été fondé en 2018. Il s'agit d'un organisme de bienfaisance enregistré conformément aux règlements de l'ARC. Sakeenah Homes offre un soutien et des services essentiels aux personnes qui subissent de la violence ou qui vivent dans l'itinérance ou dans la pauvreté. Nous leur donnons les moyens de devenir des membres de la société indépendants, prospères et en santé. Tout notre travail se fonde sur la sensibilité culturelle, raciale et religieuse. Notre clientèle est principalement composée de femmes et d'enfants musulmans, mais nous accueillons aussi des non-musulmans si nous avons assez de place.
Depuis la fondation de notre organisme en 2018, nous avons servi dans 30 villes canadiennes et nous avons aidé 9 230 clients. Depuis la pandémie, la nécessité de nos services a triplé. Nous avons actuellement cinq centres, et nous en ouvrirons trois autres cet été. L'an dernier seulement, nous avons servi 1 326 clients en présentiel et 469 à distance, soit près de 2 000 personnes en tout. Depuis 2018, nous avons aidé 723 clientes victimes de violence familiale, et ce nombre a augmenté l'année dernière. Nous leur fournissons du logement, de la nourriture et des biens de première nécessité, de l'aide juridique, des soins de santé mentale, de l'éducation et le développement de leurs aptitudes à la vie quotidienne, de l'emploi et de la réconciliation.
Nous avons constaté que les femmes qui viennent à Sakeenah Homes ont des besoins très différents de ceux des clientes d'autres groupes, car bon nombre d'entre elles vivent dans une famille élargie; elles sont donc sous le contrôle non seulement de leur conjoint, mais de leurs beaux-parents. Elles subissent différents types de mauvais traitements. Les contraintes sociales et religieuses les empêchent de dénoncer ces mauvais traitements. Elles ont peur d'être rejetées par leur famille et par leur communauté. Elles sont convaincues que le Canada les expulsera si elles dénoncent ces abus.
Elles sont souvent totalement dépendantes de leur conjoint, car la plupart d'entre elles ont un niveau d'alphabétisation faible ou inexistant. La plupart d'entre elles ont peu ou pas de compétences de vie, ne connaissent rien à l'établissement d'un budget, etc. Nous avons constaté que beaucoup d'entre elles avaient été obligées de se marier par leurs parents, qui espéraient leur procurer ainsi une vie meilleure. Elles se heurtent aux barrières linguistiques et craignent d'être expulsées. Habituellement, elles n'ont accès à aucun financement lorsqu'elles arrivent à Sakeenah Homes, alors nous les aidons également à cet égard.
Pour que vous compreniez mieux comment nous aidons ces femmes, je vais vous présenter une situation concrète. J'utiliserai un nom différent afin de protéger la cliente.
Elle s'appelle Maha. C'était une très jeune femme de 26 ans qui a été mariée en Afghanistan à un jeune homme qui était venu du Canada pour l'épouser. Elle a donc émigré au Canada. Quand l'une de ses proches nous a appelés parce qu'elle désirait ardemment l'aider, Maha était dans un état lamentable. Elle est venue à Sakeenah Homes en larmes, secouée par de fortes émotions. Nous l'avons prise dans nos bras et avons essayé de la réconforter le mieux possible. Quelques jours plus tard, se sentant plus à l'aise dans le foyer de Sakeenah, elle a commencé à dévoiler la façon dont son mari la torturait. Sa culture ne lui permettait pas d'en dire un mot à qui que ce soit, pas même à ses parents.
Maha est diplômée d'une université afghane. Ses parents l'ont mariée dans l'espoir de lui procurer une meilleure vie au Canada. Ils ne savaient pas qu'elle deviendrait la prisonnière de son mari. Il ne lui permettait pas de sortir et de parler à qui que ce soit. Il gardait toutes ses pièces d'identité — son passeport, son numéro d'assurance sociale et sa carte d'assurance-maladie. Il gardait tous ces documents sur lui. Il l'emmenait une fois par semaine pour faire l'épicerie. Si elle demandait quelque chose, il la violentait physiquement. Elle parlait toujours à ses parents devant son mari. Elle n'avait pas accès au téléphone.
Un jour, une de ses proches a décidé de rendre visite au jeune couple. Elle a remarqué que Maha avait l'air faible et affolé. Sentant que quelque chose n'allait pas, elle est allée lui rendre visite régulièrement. Bientôt, le mari de Maha s'est senti tout à fait à l'aise pendant les visites de ce couple.
Maha s'est ouverte à eux. Elle avait très peur. Ils ont élaboré un plan, et un jour, son amie est venue avec la police et l'a aidée à partir. C'est ainsi qu'elle s'est retrouvée chez nous. Depuis, elle est retournée aux études. Elle travaille à temps plein dans un restaurant. Nous sommes très heureux pour elle. Nous sommes très fiers d'elle.
Je tiens à souligner que l'on a besoin de refuges comme Sakeenah Homes pour aider les femmes. Ces centres ont besoin de plus de financement.
Je vais conclure en citant Malala Yousafzai:
J'élève ma voix non pas pour crier, mais pour que les personnes sans voix puissent être entendues. Il est impossible pour nous tous de réussir si la moitié d'entre nous sont retenus.
Merci.
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Merci beaucoup. Merci de m'avoir invitée aujourd'hui.
Je tiens d'abord à souligner que je viens de Tkaronto, de terres volées appartenant aux peuples autochtones de cette nation, notamment aux Mississaugas de Credit, aux Haudenosaunees, aux Anishinabes, aux Chippewas et aux Wendats, et que ces terres étaient la patrie de nombreuses Premières Nations.
En exprimant ma solidarité avec les femmes autochtones et avec l'Association des femmes autochtones du Canada, je demande aux gouvernements de mettre en œuvre les 231 appels à la justice de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et de mettre fin au génocide perpétré contre les Premières Nations.
Je m'appelle Nneka MacGregor. Je suis cofondatrice et directrice générale du Women's Centre for Social Justice. Nous sommes mieux connus sous le nom de WomenattheCentrE.
En préparant cet exposé, j'ai consulté plusieurs membres de mon organisme. Comme vous le savez peut-être, notre organisme est sans but lucratif. Il est très particulier, parce qu'il a été créé par des femmes pour les femmes, les transgenres et les personnes de diverses identités de genre qui ont survécu à toutes formes de violence fondée sur le sexe. Nous comptons plus de 6 000 membres dans le monde entier, dont la majorité se trouve au Canada.
La plupart de nos membres ont été victimes de violence dans le contexte d'une relation de partenaires intimes. Nous participons tous à la justice sociale et à la défense des droits et nous militons pour donner un sens à notre traumatisme. Nous utilisons notre expérience vécue pour mener des recherches, accroître la sensibilisation, faciliter la formation et élaborer des stratégies, des politiques et des programmes afin de prévenir la violence contre d'autres victimes potentielles et pour améliorer la vie quotidienne des survivants à cette violence.
Je me suis également inspirée des commentaires de répondants que nous avons réunis dans des rapports fournis au ministère des Femmes et de l'Égalité des genres l'an dernier dans le cadre de notre consultation sur le Plan d'action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe au Canada. De toutes ces consultations est ressorti un message qui revient à maintes reprises, et c'est le message que je transmets au Comité aujourd'hui.
Ce message est simple. Il serait inutile d'essayer de rafistoler le système actuel en pensant qu'il produira les résultats transformateurs que nous recherchons tous. Le temps du rafistolage est révolu. Il est temps de prendre les mesures audacieuses et courageuses que notre organisme applique à ce problème depuis bientôt vingt ans. Nos membres m'ont demandé de vous inviter à vous joindre à ce cheminement courageux.
Je suis survivante d'une tentative de féminicide entre partenaires intimes. Je ne saurais trop insister sur l'urgence d'agir efficacement et sans tarder. Aujourd'hui, je peux vous garantir que quelque part dans notre pays, dans un quartier près de chez vous, une femme risque fort de se faire enlever la vie, la joie et tout avenir, laissant derrière elle des enfants, des frères et sœurs, des parents, des amis en deuil, des collègues et une communauté qui pleurent en se demandant pourquoi et comment cela a pu se produire. Ils se demandent ce qu'ils ont omis de faire et ce qu'ils pourront faire pour que cela ne se reproduise plus.
Dans mon rôle de membre du Comité d'étude sur les décès dus à la violence familiale en Ontario et de membre d'un groupe d'experts de l'Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation, j'ai l'occasion d'observer l'extrémité du spectre où la violence par un partenaire intime n'est pas contrée et entraîne des résultats tragiques que l'on pourrait éviter.
Dans mes fonctions quotidiennes de directrice générale, je vois les autres étapes du continuum de la violence dans des situations de violence physique, de contrôle coercitif et de harcèlement qui ne sont pas seulement perpétrés par des partenaires violents, mais par des systèmes abusifs. Ces systèmes prétendent être des mécanismes de reddition de comptes et de justice, mais en réalité, ils sont aussi dangereux et abusifs que les partenaires violents que les survivantes s'efforcent de quitter.
J'ai posé aux participants de toutes mes conférences, de mes séances de formation et de mes présentations publiques une question toute simple que je vais vous poser aujourd'hui: si vous aviez le pouvoir de créer un système de prévention, d'intervention, de soutien, de guérison, de responsabilisation et de sécurité, est‑ce que vous reproduiriez les systèmes actuels ou est‑ce que vous feriez les choses différemment? À quoi ressemblerait votre système? Quels coûts financiers et personnels devriez-vous assumer pour faire les choses différemment?
C'est ce que j'appelle perturber le statu quo pour reconstruire le système.
Les systèmes dont nous disposons actuellement sont très mal équipés pour lutter contre la violence par un partenaire intime. Nous le savons, parce que nous avons fait face, partout au pays, à des exemples ahurissants de femmes qui ont vécu diverses expériences de violence fondée sur le sexe et de violence par un partenaire intime. Ces systèmes ne sont pas des lieux de guérison, de justice, de changement et de sécurité, mais plutôt des lieux de répression et d'oppression.
Nous réclamons d'autres modèles de justice et d'engagement fondés sur la responsabilisation transformatrice. Ces modèles ne seront pas fondés sur la suprématie des Blancs, sur la misogynie et sur la « misogynoire ». Ils mettront fin à ces préjugés, ils transformeront la culture et lutteront contre la violence faite aux femmes et aux enfants. Ces modèles s'inspireront des travaux que nous avons accomplis, notamment de notre surveillance des tribunaux et de notre travail sur l'étranglement et les traumatismes cérébraux.
Je vous demande à tous aujourd'hui de nous appuyer et d'appuyer les survivantes alors que nous nous efforçons de mettre fin à la violence fondée sur le sexe et à la violence par un partenaire intime.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins de nous avoir fait part de leurs réflexions cet après-midi.
Bonjour, monsieur Lapierre. Je vous souhaite la bienvenue à notre comité.
À la suite de votre témoignage, un certain nombre de questions ont surgi dans mon esprit.
Tout d'abord, j'aimerais parler d'un article du journal La Presse paru hier, je crois, et que j'ai transmis à mes collègues. On y parle justement de la confusion qui peut exister entre la violence conjugale et les conflits de séparation. Selon cet article, c’est un concept qui est de plus en plus délimité. Les juges arrivent de plus en plus et de mieux en mieux à reconnaître ce concept. Dites-le-moi si je me trompe, monsieur Lapierre, mais l’article laisse présager qu’on commence à s’intéresser à cette question et à reconnaître que la violence conjugale peut faire partie du règlement lorsqu’il y a divorce.
La présente étude du Comité traite des barrières qui empêchent les femmes de quitter un milieu violent. Or, on dit ici que les juges considèrent les faits qui se sont passés, reconnaissent les situations où il y a eu violence, croient les témoignages des femmes et leur accordent un soutien financier supplémentaire, ce qui peut être un élément déterminant de la décision d'une femme de quitter un milieu violent. Tout cela me semble être une situation nouvelle. J’aimerais que vous expliquiez davantage cet aspect, qui est extrêmement intéressant.
Tout d'abord, est-ce que j’ai raison? Est-ce que j’ai bien lu? Est-ce que je vous ai bien compris? Est-ce que les juges sont bien formés? J'aimerais savoir quel est l’état de la situation.
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Je vous remercie de la question.
En fait, je travaille sur la question de la violence conjugale depuis plusieurs années et, à mon avis, s’il y a un enjeu important en ce moment dans la façon de traiter la violence conjugale, c’est cette confusion qui existe entre la violence conjugale et les conflits de séparation, lorsque le couple ou les parents sont séparés.
Est-ce qu’on a vu des progrès? Il y a peut-être eu quelques progrès, mais ils restent très timides, à mon avis. Bien sûr, les modifications apportées récemment à la Loi sur le divorce offrent quand même des pistes intéressantes. Conformément à la Loi sur le divorce, les juges qui l'appliquent devraient normalement mieux tenir compte de la violence conjugale, mais cela reste à voir. On ne sait pas très bien comment tout cela se traduit actuellement sur le terrain. Cela dit, la Loi sur le divorce contient maintenant une obligation à cet égard.
Par contre, on sait très bien qu’il y a encore beaucoup de confusion dans différents secteurs. Au sein du système de justice criminelle, par exemple, on a quand même des données qui montrent une certaine confusion lorsque les policiers interviennent en matière de violence conjugale, surtout s’il n’y a pas eu d’actes criminels ou de voies de fait. Souvent, ils vont interpréter ce genre de situations comme des chicanes de couple, ils vont fermer le dossier et l'intervention va s'arrêter là. C'est peut-être attribuable au fait que les policiers n’ont pas les outils législatifs présentement pour aller plus loin. Il reste qu'il y a de la confusion et une mauvaise compréhension de la violence conjugale. Il faut donc assurer une meilleure compréhension de la part des divers acteurs de la justice criminelle et leur donner des outils pour qu'ils puissent mieux intervenir.
De plus, il y a encore beaucoup de lacunes dans les secteurs du droit familial et de la protection de la jeunesse. Cette confusion demeure un problème extrêmement important, lorsqu’on applique le Code civil, dans le contexte québécois, ou lorsqu'il s'agit des services de protection de la jeunesse.
Ce problème demeure important, et je dirais qu’il existe pour plusieurs raisons, notamment parce qu’on a encore une vision de la violence conjugale qui est largement fondée sur des incidents. On relie souvent la violence conjugale à la violence physique uniquement.
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J'y ai réfléchi un peu. Ce qu'on sait, c'est que la violence est effectivement présente dans les relations de couple et dans les relations intimes à l'adolescence, alors il est important de travailler en amont. Il faut travailler sur la prévention, même auprès des plus jeunes.
Par contre, ce qu'on sait de la violence dans les relations amoureuses chez les jeunes, c'est que, souvent, cette violence ne correspond pas au modèle traditionnel de violence conjugale selon lequel un homme ou un garçon est violent physiquement à l'endroit d'une conjointe qui est plutôt passive et qui aura des marques physiques. La violence prend des formes différentes. Il peut y avoir des victimes plus jeunes qui vont réagir davantage et résister. Encore une fois, cela peut compromettre la façon dont certaines personnes vont comprendre ces situations, parce que l'agresseur et la victime ne vont pas nécessairement correspondre à la vision qu'elles ont de la violence conjugale.
Il faut assurer une meilleure compréhension et offrir de la formation afin que l'on comprenne les dynamiques de violence conjugale qui se traduisent plutôt par un contrôle et une privation de liberté que par des voies de fait ou de la violence physique. Cela pourrait outiller davantage les acteurs qui doivent intervenir auprès de cette population.
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Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui et des excellents témoignages qu'ils nous ont présentés jusqu'à maintenant.
Je vais m'adresser d'abord à Mme MacGregor.
C'est un plaisir de vous revoir. Nous avons assisté hier à l'événement du groupe Investir Ottawa, et votre exposé était fabuleux.
L'un de vos commentaires m'a frappée. Vous parliez de prendre des mesures audacieuses et courageuses et de secouer le statu quo si nous voulions apporter un changement transformateur. Je sais que votre organisme mène des programmes très efficaces, et l'un d'eux en particulier, Fresh Breath, a attiré mon attention.
J'aimerais beaucoup que vous nous parliez de quelques découvertes que vous avez faites dans le cadre de ce programme.
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La recherche Fresh Breath que nous avons effectuée en 2012 et 2013 est, encore aujourd'hui, la seule étude menée sur l'expérience des survivantes de l'étranglement non fatal dans le contexte d'une relation de partenaires intimes. Cette étude est axée sur le danger que pose la violence physique de la strangulation et sur les répercussions à court, à moyen et à long terme qu'elle a sur la santé. Dans le cadre de ces travaux, nous avons établi un partenariat avec des chercheures de l'Université de Toronto, Angela Colantonio et Lin Haag. Mme Haag participait elle aussi aux tables rondes hier.
Nous examinons maintenant les traumatismes cérébraux dans le contexte de la violence par un partenaire intime. Je le répète, nous savons qu'il y a au Canada autant de femmes qui ont reçu des coups à la tête, au visage et à la nuque pouvant causer des traumatismes cérébraux que de femmes atteintes du cancer du sein.
Il n'y a presque pas de recherche, de sensibilisation et d'éducation du public sur ce type d'étranglement et de traumatisme crânien. Pourtant, les répercussions de ces agressions bouleversent la vie des femmes qui en sont victimes. Elles ne peuvent plus travailler et fonctionner normalement. Elles ne savent pas non plus se débrouiller dans le système dont nous parlons, surtout dans le contexte des tribunaux de la famille et de la lutte pour obtenir la garde de leurs enfants. Dans ces systèmes, on les juge en quelque sorte inaptes, sans reconnaître le fait que ces répercussions sur leur santé sont causées par l'agression physique de leur partenaire.
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C'est catastrophique, parce que les survivantes ne reconnaissent souvent même pas qu'elles souffrent d'une lésion cérébrale traumatique. Elles se blâment d'abord et avant tout. Elles ne comprennent pas pourquoi elles ne peuvent plus fonctionner comme avant.
L'un des risques les plus graves est le fait que l'étranglement et les traumatismes cérébraux sont cumulatifs. Nous avons constaté que les femmes ne se font pas étrangler une fois, mais maintes fois. Nous savons que plus on étrangle une personne, plus les répercussions sont néfastes.
Les femmes vivent dans une sorte d'étourdissement, elles ne reconnaissent pas les dangers auxquels elles font face aux mains de leur partenaire — la plupart du temps, ces blessures sont littéralement infligées avec les mains. Ces hommes qui les maltraitent tiennent littéralement la vie de leur conjointe entre leurs mains en l'étranglant.
Les femmes ne se rendent pas compte des répercussions qu'elles subissent. Nous ne pouvons pas donner de la formation et faire de la sensibilisation et nous n'avons pas assez de fonds pour faire de la recherche pour sensibiliser les gens. Nous sommes toutefois convaincus qu'il faut jeter beaucoup plus de lumière sur les répercussions de l'étranglement et sur les traumatismes cérébraux qu'il cause. Nous devons éduquer non seulement les survivantes, mais aussi les fournisseurs de services de première ligne, les juges, les avocats, les politiciens et le public sur les répercussions à court, à moyen et à long terme de cette forme de violence.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie M. Lapierre, Mme Syed et Mme MacGregor d'avoir témoigné devant le Comité aujourd'hui au sujet de l'importante question des violences entre partenaires intimes.
Ma première question s'adresse à M. Lapierre.
À plusieurs reprises dans vos interventions, vous avez insisté sur l'importance de tenir compte des enfants vivant dans de telles conditions et de reconnaître les préjudices que leur causent les comportements coercitifs et contrôlants, même lorsqu'ils ne sont pas des victimes directes. C'est un élément sur lequel vous insistez également dans vos travaux.
Pouvez-vous nous parler davantage des répercussions des comportements contrôlants et coercitifs sur les enfants, même lorsque ceux-ci ne sont pas des victimes directes?
Au cours des dernières années, les recherches sur la question des enfants qui vivent dans un contexte de violence conjugale ont beaucoup évolué, alors qu'il n'y a pas si longtemps, on pensait que ladite violence touchait seulement les adultes. On a ensuite parlé des enfants témoins.
Actuellement, les recherches et les travaux sur le contrôle coercitif tendent à démontrer que la violence conjugale n'est pas un acte qui dure un instant ou une série d'actes qui durent un instant, mais plutôt une dynamique de contrôle et de privation de liberté qui se déploie au quotidien au moyen de différentes stratégies violentes et non violentes. À partir du moment où l'on a cette compréhension de la violence conjugale, il est facile de comprendre que, dans un contexte où différentes stratégies non violentes et violentes sont utilisées au quotidien pour contrôler et priver de liberté leur mère, les enfants vivent chaque jour dans un climat de tension, de peur et de terreur.
Il y a un phénomène qu'on voit de plus en plus chez les hommes violents qui utilisent différentes stratégies de contrôle et de domination envers les femmes et qui imposent au quotidien des règles auxquelles les autres doivent se conformer: souvent, ces hommes vont imposer les mêmes choses aux enfants et avoir les mêmes attitudes envers eux. Par conséquent, les enfants qui vivent dans un contexte de violence conjugale sont très souvent des cibles ou des victimes directes des comportements contrôlants et violents du conjoint.
En outre, on reconnaît de plus en plus qu'un enfant vivant dans un contexte de violence conjugale, qu'il soit présent ou non pendant les incidents de violence, qu'il soit la cible directe de la violence ou non, évolue dans un climat de tension qui ne favorise pas la réponse à ses besoins. Généralement, la violence et les stratégies de contrôle du père, de même que les répercussions de ces comportements sur la mère et sur l'ensemble du fonctionnement familial, causent une diminution de la réponse aux besoins de l'enfant.
Il faut vraiment mieux comprendre la réalité de ces enfants et en tenir compte dans nos lois et dans nos politiques.
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En ce moment, alors qu'on tente d'encadrer ou de criminaliser certains incidents qui se produisent en contexte de violence conjugale, les enfants sont relativement invisibles. Le fait d'avoir une meilleure compréhension de la violence conjugale et de passer à une criminalisation du contrôle coercitif permettrait de mieux protéger les femmes, mais aussi de mieux voir les enfants comme des covictimes de cette violence et de mettre en œuvre des mesures qui vont mieux les protéger.
Par exemple, l'Écosse a récemment criminalisé le contrôle coercitif, et ses tribunaux doivent d'emblée tenir compte de la présence des enfants. Dans une situation de contrôle coercitif, c'est immédiatement reconnu comme un facteur aggravant.
Je pense qu'on pourrait même aller plus loin et reconnaître les enfants comme des victimes ou des covictimes de cette violence. Il est vraiment important de ne pas les oublier. Les enfants ne doivent plus être, en quelque sorte, des victimes invisibles dans tout ce système. Il faut les reconnaître comme des victimes qui ont droit à la protection, tout comme leur mère.
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À partir du moment où l'on aborde le contrôle coercitif comme un schéma de comportements selon lequel différentes stratégies violentes et non violentes sont utilisées pour priver la victime de sa liberté, les recherches nous montrent de plus en plus que ce schéma de comportements qui s'installe chez un homme lorsqu'il est dans une relation de couple avec une femme ne va généralement pas cesser au moment de la séparation. Ce schéma de comportements va parfois se transformer ou se manifester différemment, mais il va généralement se poursuivre durant le processus de séparation et après la séparation. Non seulement il ne va pas s'arrêter au moment de la séparation, mais on sait très bien que la période qui entoure la séparation et la période qui suit la séparation posent des problèmes particuliers. En fait, c'est la période où les femmes et les enfants sont le plus à risque d'être victimes de violence grave ou même d'être tués par un conjoint qui a des comportements violents et contrôlants. Il faut absolument comprendre la violence conjugale dans ce contexte.
Ensuite, les politiques doivent suivre. Comme je le disais plus tôt, il y a des incohérences entre les systèmes. Par exemple, un homme peut être reconnu coupable au criminel de voies de fait ou de séquestration, mais, à la suite de la séparation, lorsque madame se retrouve confrontée à des questions de droit de garde ou de droit d'accès, ou devant un signalement à la protection de la jeunesse, la situation sera perçue d'emblée comme un conflit sévère de séparation. Les intervenants, les avocats et les juges diront que, étant donné que les parents sont séparés, on ne doit plus parler de violence conjugale.
Il faut vraiment comprendre la violence conjugale dans un contexte longitudinal et comprendre que cela se poursuit après la séparation.
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Merci beaucoup à tous les témoins d'être venus aujourd'hui.
Mes premières questions s'adressent à Mme MacGregor.
Je veux d'abord vous remercier de nous avoir parlé de votre vécu. Il est difficile de décrire ses expériences, mais comme vous le savez, elles sont puissantes.
Je tiens également à vous remercier pour votre solidarité envers les femmes autochtones, particulièrement les femmes et les filles autochtones assassinées ou disparues. Je partage votre sentiment d'urgence.
Je partage votre sentiment d'urgence et de frustration, parce qu'on sait ces choses depuis longtemps. On a mené une enquête nationale en 2015, et nous attendons toujours des mesures concrètes.
Je voulais vous demander pourquoi l'approche de justice progressive continue à coûter des vies. Par exemple, dans ma circonscription et dans de nombreuses circonscriptions du pays, les taux de violence ont augmenté de 400 %, et rien n'a encore été fait. Les gens continuent à disparaître et à se faire assassiner.
Vous nous avez décrit votre expérience. J'aimerais que vous nous parliez des dangers de la justice progressive pour les femmes et pour les personnes 2ELGBTQQIA. Les personnes dont la vie est en danger sont reconnaissantes pour chaque miette qu'elles peuvent ramasser.
Merci.
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C'est une bonne question.
Quand on compare les différents pays, on constate que les groupes féministes représentent assurément la force majeure. Les pays qui ont accompli le plus d'avancées pour régler le problème de la violence faite aux femmes et de la violence conjugale sont ceux où les groupes féministes sont les plus vibrants et les plus forts. C'est donc très important.
Dans mon témoignage, j'ai brièvement fait allusion aux groupes pour hommes. Actuellement, c'est très inégal d'un bout à l'autre du pays. On gagnerait à en avoir davantage, mais on doit surtout s'assurer que les groupes qui travaillent auprès des hommes offrent des programmes de qualité, qui sont cohérents partout au pays et qui sont alignés sur les valeurs du mouvement féministe.
De plus, on aurait avantage à se doter d'un processus d'accréditation pour ces groupes. Ainsi, lorsqu'un homme serait dirigé vers un de ces groupes, on saurait de façon précise qu'il a accès à un programme de qualité axé sur la responsabilisation.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais d'abord remercier tous nos témoins de leurs témoignages extraordinaires. J'ai dû fermer ma caméra pour que vous ne puissiez pas voir mon visage, parce qu'il n'était pas beau quand j'écoutais certains témoignages. Ce n'est pas facile pour aucune de nous, j'en suis sûre, mais parfois, il y a de ces conversations qui frappent en plein cœur.
Madame MacGregor et monsieur Lapierre, mes principales questions s'adresseront à vous. Je vais en poser une seule parce que je ne dispose que de quelques minutes.
Vous parlez tous les deux de ce qui fait défaut actuellement dans le système pour venir en aide aux femmes.
[Français]
En raison de ces lacunes, les femmes ont de la difficulté à trouver l'aide dont elles ont besoin. De plus, le système va à l'encontre des intérêts des jeunes enfants se trouvant dans une situation de violence familiale.
[Traduction]
Madame MacGregor, vous dites qu'il faut un changement audacieux. J'aimerais savoir à quoi vous pensez exactement en disant cela. Je sais que les organisations d'aide et les organismes de financement jouent leur rôle du mieux qu'ils peuvent, car c'est à eux que tout le monde s'adresse en premier recours.
Que faut‑il changer d'autre? Quelles lois faut‑il renforcer? Qu'est‑ce qui doit être admissible en cour, par exemple, pour changer la situation afin que les femmes soient habilitées, et non l'inverse?
[Français]
Monsieur Lapierre, vous pouvez répondre en premier, si vous le voulez.
:
Pour ma part, j'estime qu'il faut accorder la priorité à deux choses.
Tout d'abord, il faut agir en matière de contrôle coercitif. Je parle de criminaliser le contrôle coercitif, mais il faut aussi une définition claire du contrôle coercitif, qu'on pourrait vraiment implanter dans les différents secteurs auxquels je faisais référence.
Ensuite, je reviens à l'importance de bien soutenir le mouvement féministe. Les innovations intéressantes qu'on a vues au cours des dernières années sont celles qui venaient du mouvement des femmes, celles faites par et pour les femmes. Le gouvernement a un rôle à jouer en continuant et en augmentant son soutien à un mouvement féministe autonome, qui pourra innover en tenant compte des réalités nationales, mais aussi des réalités locales.
Je travaille personnellement depuis deux ans avec la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, au Québec. On a vu les maisons d'hébergement signifier que c'en était assez. Il faut mieux former les intervenants en protection de la jeunesse. À cet égard, on a conçu un modèle d'intervention qu'on est présentement en mesure d'implanter dans différentes régions.
Ce qu'on constate, c'est que les initiatives intéressantes viennent souvent de la base, c'est-à-dire des organismes féministes. Il faut non seulement continuer à les soutenir, mais les soutenir encore davantage et reconnaître leur expertise et leur leadership dans ce domaine.
Je veux juste dire que, bien que je respecte l'avis de M. Lapierre à propos du contrôle coercitif, je suis fondamentalement et radicalement en désaccord avec lui. Je ne crois pas que le contrôle coercitif doive être criminalisé. Si le système n'arrive déjà pas à bien comprendre les nuances de la violence physique — il ne voit que les membres cassés —, comment pourra‑t‑il comprendre les nuances du contrôle coercitif?
Criminaliser cette forme de violence ne fera que nuire à certaines communautés. Ce sont les femmes à nouveau qui vont être traitées en criminelles. Ce sont elles qui vont se faire arrêter. Ce sont les femmes, en particulier les Noires et les Autochtones, qui seront comme d'habitude les premières victimes de l'application uniforme de la justice pénale.
Pour moi, la chose audacieuse à faire, c'est d'adopter la justice transformatrice — la responsabilisation transformatrice, qui implique la responsabilité communautaire. La justice transformatrice aide à la fois les personnes qui ont causé le tort et celles qui l'ont subi, et elle le fait d'une manière qui ne pénalise pas, ne fait pas honte et ne rejette pas les gens sans espoir de rachat. C'est une façon de montrer de l'amour et de l'empathie, de ramener les gens à leur humanité. Voilà un changement que je propose: s'éloigner de la pénalisation criminelle et passer à la justice transformatrice et à la responsabilisation.
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Je remercie encore les témoins de leurs témoignages parfois très poignants.
Pendant les deux minutes dont je dispose, j'aimerais m'adresser à M. Lapierre.
Monsieur Lapierre, vous avez ouvert la porte au sujet de la spécificité québécoise et des initiatives prises récemment par le gouvernement du Québec pour aider à combattre la violence conjugale. Entre autres, un comité a été mis sur pied et un rapport a été publié. De plus, on a commencé à recourir aux bracelets antirapprochement et il y a eu l'instauration de tribunaux spécialisés en matière de violence sexuelle et de violence conjugale.
Croyez-vous que ces mesures législatives et judiciaires sont efficaces et nécessaires? Le gouvernement fédéral devrait-il emboîter le pas au Québec et aller dans cette direction? Si oui, pourriez-vous mentionner quelques pistes?
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Ce qu'on a vu se produire au Québec au cours des dernières années est extrêmement intéressant. J'ai fait partie du comité dont les travaux ont mené à la rédaction du rapport intitulé « Rebâtir la confiance », et je suis moi-même assez impressionné de voir à quel point le gouvernement a mis en application un grand nombre de recommandations issues de ce rapport.
Je pense que les tribunaux spécialisés sont particulièrement intéressants. Le fait de mieux arrimer le système judiciaire et le domaine psychosocial m'apparaît très important. Par-dessus tout, il faut comprendre que, même si on met en place beaucoup de mesures, bon nombre d'entre elles n'atteindront malheureusement pas leur plein potentiel si ce n'est pas accompagné de formation adéquate destinée à l'ensemble des acteurs du système, notamment les intervenants sociaux, les policiers, les avocats et les juges. La question de la formation est extrêmement importante et elle devrait s'étendre partout au pays.
Je miserais donc vraiment sur la formation, mais aussi sur les autres mesures, comme les tribunaux spécialisés, ainsi que l'accès gratuit à de l'information et à des conseils juridiques pour les victimes. Beaucoup de mesures intéressantes ont été mises en place au Québec. Elles doivent encore être évaluées, mais elles sont certainement très prometteuses.
:
Merci beaucoup. J'aimerais revenir à Mme MacGregor.
Vous dites que lorsqu'une femme se décide enfin à quitter la maison, elle n'a nulle part où aller, et si elle trouve un endroit où aller, cet endroit ne lui est d'aucune aide si elle est noire, autochtone ou de couleur, avec des systèmes qui ont été conçus par des hommes blancs sans égard aux besoins des PANDC, des femmes et des personnes de genres divers.
En quoi le fait de perpétuer ce système est‑il une autre forme de violence ciblée contre les Noirs, les Autochtones et les personnes de couleur qui y font leur entrée? En quoi est‑ce une autre forme de violence?
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La question n'est pas de savoir en quoi, mais pourquoi. Le fait est que c'est une forme de violence, n'est‑ce pas? Une violence ancrée à dessein dans le système.
C'est pourquoi nous en sommes constamment les victimes, parce que le racisme déjà présent contre les Noirs et les Autochtones est intégré dans ces systèmes, si bien intégré que les solutions qui s'imposent actuellement — et j'utilise le mot « solutions » avec réserve — ne sont pas de nature à aider...
Bien que, encore une fois, je respecte les intervenants de première ligne, mon travail se fonde sur les expériences vécues par les survivantes qui s'enfuient et qui cherchent la sécurité.
Ce que nous savons, c'est que les systèmes en place, les tribunaux spécialisés en matière de violence domestique, ne sont pas du tout spécialisés. Ils ne fonctionnent pas. Nous les surveillons en Ontario depuis 12 ans, et nous avons constaté qu'ils ne fonctionnent pas.
Les refuges qu'on met sur pied ne sont pas la solution. Je comprends que c'est pour le court terme et les besoins immédiats... Ce qu'il faut, ce sont des logements sûrs et abordables où les gens peuvent aller lorsqu'ils s'enfuient. Ce qu'il faut, ce sont des services de garde. Ce qu'il faut, c'est augmenter le salaire des femmes.
On parle ici de changements systémiques, parce que tout le reste — je n'arrête pas de le dire — n'est que du rafistolage de façade, et les gens qui en souffrent sont les femmes noires, autochtones, transgenres et les PANDC, comme vous dites.
:
Nous reprenons la séance.
[Traduction]
Merci beaucoup à tous les témoins de se joindre à nous.
[Français]
Je leur souhaite la bienvenue.
[Traduction]
J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre deuxième groupe de témoins: M. Mitch Bourbonniere, qui est intervenant auprès de l'organisme Ogijiita Pimatiswin Kinamatawin; Mme Kim Dolan, qui est directrice exécutive du YWCA de Peterborough-Haliburton; Mme Lisa Crawford, directrice générale de Crawford maîtres stylistes, qui comparaît à titre personnel; enfin, Mme Jodi Heidinger, coordonnatrice du Programme de prévention de la violence familiale à la Fort Saskatchewan Families First Society.
Chaque témoin disposera de cinq minutes.
Madame Crawford et madame Heidinger, vous allez partager votre temps de parole.
À environ une minute de la fin, je vous ferai signe pour indiquer qu'il vous reste une minute, puis je vous demanderai de conclure lorsqu'il vous restera environ 10 secondes.
Monsieur Bourbonniere, c'est vous qui commencez. Vous avez cinq minutes.
C'est un grand honneur pour moi de faire partie de ce groupe. J'ai pu suivre les témoignages précédents et j'en suis très ému.
Je suis intervenant chez Ogijiita Pimatiswin Kinamatawin, ou OPK Manitoba.
OPK accueille des hommes autochtones, principalement, à qui on offre un soutien global, mais aussi à d'autres hommes de toute provenance. Bon nombre de ceux avec qui je travaille ont passé beaucoup de temps dans la rue ou en prison. Ces deux milieux sont marqués par une culture intense de masculinité toxique, où il importe de se montrer physiquement dominant, d'user de pouvoir et de contrôle et de satisfaire ses propres besoins aux dépens des autres. Cela vient du contexte historique de notre société, où on apprend aux garçons à ne pas pleurer, à ne pas montrer leurs émotions, à ne pas demander d'aide ou dévoiler aux autres comment ils se sentent, et certainement pas à manifester de l'amour pour autrui.
La plupart de ces hommes ont été élevés dans des foyers où sévissait la violence familiale. Petits garçons, ils étaient horrifiés de voir leur mère traumatisée. Ils voulaient bien la protéger, mais ils étaient trop petits, impuissants et figés de peur. Malheureusement, à force de se perpétuer d'année en année, cette violence est devenue normale à leurs yeux. À l'adolescence, ils ont commencé à adopter les mêmes comportements que ceux des hommes auxquels ils étaient exposés.
Aujourd'hui, ils viennent à nous en désespoir de cause, après avoir tout perdu. Nous leur enseignons qu'ils ne sont pas à blâmer pour avoir assimilé cette masculinité toxique, mais qu'il leur appartient certainement de changer leurs comportements. On leur dit: vous n'êtes pas responsables de ce qui vous est arrivé, mais vous êtes entièrement responsables d'y remédier.
Nous dirigeons des groupes ouverts et accueillants, où les hommes se réunissent sans porter de jugement. Nous partageons un repas, des cérémonies autochtones, des cercles de discussion libre de toute contrainte. Nous parlons d'être de meilleurs pères, fils, partenaires, neveux, oncles, etc. Nous parlons de traumatismes passés, de toxicomanie et de relations.
Nos groupes accueillent tout le monde, ne jugent personne et profitent souvent à quelqu'un. Les séances sont extrêmement organiques et naturelles. Nous n'avons pas d'échéanciers, de présentations PowerPoint, de cahiers d'exercices ni rien de ce genre. La guérison vient en se montrant vulnérables et en apprenant les uns des autres. Nous apprenons à nous exprimer, à demander de l'aide, à montrer nos émotions, à pleurer, à dire aux autres que nous les aimons.
Les hommes finissent par redonner à la société en faisant montre de gentillesse latérale plutôt que de violence latérale. Nous faisons des patrouilles de sécurité dans les quartiers. Nous aidons des femmes et des enfants à se sortir de situations dangereuses, et nous soutenons des activités qui favorisent la sécurité et la reconnaissance des femmes, des personnes bispirituelles et des transgenres.
À plusieurs reprises, nous avons été appelés aux côtés d'un homme violent qui regardait sa famille ramasser ses effets personnels et partir. Nous nous tournons vers lui et nous lui disons: « Il y a des conséquences à ton comportement, et les voici. » Nous lui disons que s'il veut avoir la moindre chance de retrouver sa famille, il devra faire des changements. Nous l'invitons à nos groupes, où nous allons travailler avec lui.
Meegwetch.
Je me joins à vous aujourd'hui depuis Nogojiwanong, la « place au bout des rapides » sur le territoire des Michi Saagig visé par le Traité no 20.
Nous sommes tous familiers avec les expressions « violence domestique », « relations de violence », « violence faite aux femmes », « violence conjugale », « violence entre partenaires intimes », et nous connaissons les sigles VFF et VPI. Il y a du pouvoir dans la langue. Les choix que nous faisons pour décrire une personne, un événement, une crise, une maladie ou une catastrophe ancrent des images dans notre psyché individuelle et collective, et les histoires que nous racontons deviennent le fondement des choses auxquelles nous croyons.
Je vous remercie de me donner l'occasion de contribuer aux travaux du Comité permanent. Vous avez maintenant reçu plus de 58 mémoires. Vous avez entendu plus de 52 témoins. Vous avez accès aux données de Statistique Canada. Il y a une fiche de rendement qui rend compte des mesures prises par le Canada pour atteindre l'objectif de développement durable no 5 des Nations unies, qui est l'égalité entre les sexes. Il y a des ressources publiques sur les sites Web fédéraux qui expliquent la violence fondée sur le sexe et qui offrent de l'aide aux victimes.
Je peux dire que je suis une survivante de la violence, mais qu'est‑ce que cela vous apprend à mon sujet? J'avais 7 ans lorsqu'un drôle de bonhomme s'est exhibé devant moi et ma cousine, et 10 ans lorsqu'une équipe de travailleurs routiers s'est mise à me siffler et me lancer des invitations sexuelles. J'avais 17 ans lorsque 5 jeunes hommes ivres m'ont cernée un soir que je rentrais chez moi. J'avais 22 ans lorsque j'ai épousé un homme qui a usé de violence pour me contrôler. J'avais 30 ans lorsque j'ai commencé à travailler dans le domaine de la lutte contre la violence faite aux femmes. J'avais 38 ans lorsque j'ai changé de vie, et 60 ans lorsqu'un homme d'autorité a asséné une claque sur la table qui nous séparait lors d'une assemblée publique. Tout au long de ma vie, comme beaucoup d'autres femmes au Canada, j'ai reçu des rappels quotidiens de ma sécurité précaire dans la rue, aux nouvelles, dans des réunions et dans des films.
Les descriptions de la violence physique, sexuelle, affective et psychologique subie par les femmes... Je me reprends, si vous le voulez bien. Les descriptions de la violence infligée aux femmes par les hommes mettent l'accent sur les femmes, et notre réaction jusqu'à présent est de mettre ces femmes en sécurité. C'est important. Nous en apprenons ainsi beaucoup au sujet de la victime, mais pas tellement au sujet de l'agresseur, ce type d'homme qui a plus de pouvoir physique, financier et décisionnel. Nous l'avons toutes vu à l'œuvre dans des films, dans nos familles, dans nos institutions, dans des entreprises et dans des charges publiques. Le continuum des comportements néfastes est long et le préjudice causé est profond.
J'ai cinq ou six choses à proposer. L'objectif de développement durable no 5 de l'ONU, l'égalité entre les sexes, est important en soi, mais il ne fonctionne pas en vase clos. Il faut articuler les 17 objectifs entre eux pour que les efforts du Canada se déploient dans une perspective intersectionnelle d'égalité des sexes si nous voulons atteindre nos objectifs d'ici 2030.
Les mots comptent. Décrivons le comportement et la personne qui causent du tort, qui infligent de la violence fondée sur le sexe ou qui renforcent les préjugés sexistes. Cessons de cacher le protagoniste. Le terme « partenaire », par exemple, suppose le respect, la confiance et des buts communs. Moi, je n'emploie pas l'expression « violence entre partenaires », parce qu'un partenaire n'est pas violent.
Nous devons atteindre des idéaux de santé et d'inclusion. Grâce aux travaux effectués au Canada en vue d'élaborer et de promouvoir les déterminants sociaux de la santé, nous avons 12 repères qui peuvent nous servir de liste de contrôle pour élaborer de nouvelles politiques, de nouveaux programmes et de nouvelles collectes de données. L'intersectionnalité — je sais que vous avez déjà entendu le mot — est une notion qui a été décrite par la juriste et professeure d'université Kimberlé Crenshaw en 1989. On s'en sert pour mettre au jour les systèmes d'oppression qui se conjuguent pour imposer des barrières distinctes aux personnes d'identités multiples.
Nous avons besoin de recueillir des données plus solides et d'intervenir plus vigoureusement à l'échelle communautaire. Le mémoire qui a été présenté au Comité en février dernier renvoie à deux sources premières de données pour mesurer la violence entre partenaires intimes. Je vous exhorte à financer les organisations de femmes pour appuyer une solide collecte de données et décrire l'incidence des programmes mis en œuvre. Le projet WomenSpeak en est un bon exemple.
Nous sommes habitués à des solutions qui sortent les femmes de la violence et les éloignent de leur foyer, mais ce n'est pas la bonne réponse.
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Merci, madame la présidente.
Je tiens d'abord à souligner que nous sommes sur le territoire visé par le Traité no 6, où vivent de nombreux membres des Premières Nations qui ont comparu avant nous.
Merci beaucoup de m'avoir invitée ici aujourd'hui; cela vaut tout l'or du monde pour moi.
J'ai créé le fonds SADA en 2018. SADA, c'est l'acronyme tiré de l'anglais salons against domestic abuse, ou salons contre la violence domestique. Je l'ai créé après qu'une cliente est venue dans mon établissement pour se faire coiffer. En retirant la cape de ses épaules, j'ai vu des traces physiques de violence autour de sa gorge et à l'arrière de son cou. Ma vie en a été changée à jamais.
J'ai parlé de cet incident à la Families First Society de Fort Saskatchewan, pour savoir comment je pouvais aider. On m'a dit qu'un des plus grands obstacles était le soutien financier. Avec deux autres salons de l'endroit, nous avons lancé une collecte de fonds dans le cadre du Programme de prévention de la violence de Families First. Ces fonds sont à la disposition des personnes qui veulent échapper à la violence.
C'est très utile et cela fonctionne. C'est une autre option pour les victimes qui n'ont pas d'autre source de revenu ou qui n'ont pas droit aux prestations d'Alberta Works. C'est très avantageux aussi parce que c'est rapide et flexible. D'après les victimes de violence qui ont reçu des fonds de SADA, c'est une initiative plus que positive et plus que touchante. C'est primordial.
Nous devons trouver collectivement un moyen de faire grandir SADA ou quelque chose du genre et de l'étendre à l'ensemble du Canada. Le fonds SADA survit grâce aux dons des membres de notre collectivité et à ceux de mon entreprise. Compte tenu de l'augmentation de la violence familiale et conjugale en raison de la pandémie de COVID‑19, le fonds ne pourra pas être maintenu parce que nous sommes dépassés par la vague de violence qui se déchaîne dans l'ombre de la pandémie.
C'est un sujet qu'on pourrait creuser longtemps, et il y a de nombreuses façons dont nous pouvons aider, mais j'ai vu et entendu comment SADA a donné une deuxième chance à des gens. Voici une citation directe d'une bénéficiaire: « C'est à peine si j'existais et là, j'existe à nouveau. Merci. »
Je le répète, nous devons trouver une façon d'étendre SADA à l'ensemble du Canada.
Nous mettons aussi l'accent sur notre programme d'éducation appelé Cut it Out, que nous offrons aux professionnels des salons de coiffure et des spas. C'est essentiel pour que les gens de la profession puissent reconnaître les indicateurs de la violence familiale et savoir comment traiter les divulgations sans mettre les victimes en plus grand danger.
Peu importe son allégeance politique, les causes qu'on soutient ou ce qu'on fait dans la vie, tout le monde s'entend pour dire que la violence familiale et conjugale constitue un problème de taille aujourd'hui. Tout le monde s'entend pour dire qu'il s'agit d'un problème humain et qu'il est grave. Malheureusement, nous ne pouvons pas y mettre fin, mais nous pouvons travailler ensemble à trouver une solution. SADA est une option fantastique, une « baguette magique », comme on nous le dit souvent, que beaucoup d'organismes sans but lucratif n'ont pas. Quiconque entend parler du fonds SADA sait quel essor il a connu, car c'est vraiment rare. Tout le monde veut participer à quelque chose d'extraordinaire, et je crois que c'est la raison pour laquelle il a si bien réussi.
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Bonjour, tout le monde. Je vous remercie de m'avoir invitée à m'adresser à vous aujourd'hui.
Je m'appelle Jodi Heidinger et je suis coordonnatrice du Programme de prévention de la violence familiale à la Families First Society, ici à Fort Saskatchewan. Nous desservons une petite région suburbaine et rurale en Alberta, dans le comté de Sturgeon, et notre financement vient surtout de la ville de Fort Saskatchewan, avec un supplément qui nous vient de Centraide. C'est ainsi que nous offrons un soutien à long terme pour aider des personnes à surmonter les obstacles qui les empêchent de faire la transition vers une vie exempte de violence. Les services comprennent l'évaluation de la menace et la planification de la sécurité, l'évaluation des besoins, l'éducation et la sensibilisation, la défense des droits, l'aide devant les tribunaux et l'aiguillage.
Dans mes fonctions antérieures d'agente de la GRC et maintenant dans mon poste actuel, j'interviens depuis 20 ans sur le terrain auprès des victimes et des survivants de la violence et je collabore avec des partenaires communautaires à contrer la violence familiale, un problème très complexe comme tout le monde le sait.
Les personnes qui cherchent à sortir de leur relation de violence se heurtent à de nombreux obstacles. En étant au fait des traumatismes vécus et en les accompagnant dans le processus, nous voyons exactement où se situent les embûches. Lorsqu'une personne se sent enfin prête à partir, elle voit constamment des barrières se dresser devant elle: comment trouver un logement de transition sûr, comment s'assurer un revenu de base stable, où trouver des services d'aide juridique et de santé mentale à long terme qui soient inclusifs.
Les services d'aide qui existent actuellement ne sont pas toujours aisément accessibles en temps opportun, et les personnes qui y sont admissibles doivent normalement utiliser les fonds suivant des paramètres établis.
Nous sommes extrêmement reconnaissants de notre partenariat avec SADA. Il nous permet de mieux aider les familles touchées par la violence. C'est un outil que nous utilisons en parallèle avec d'autres mesures de soutien, parce que c'est flexible et que les fonds sont aussitôt disponibles. Nous pouvons ainsi offrir une transition rapide et sécuritaire aux personnes qui en ont besoin. Le fonds SADA nous permet de réagir efficacement à des situations qui exigent une intervention immédiate, en espérant avoir plus de temps pour nous concentrer sur la prévention critique, comme de travailler avec les hommes et les garçons de notre collectivité pour remettre en question des systèmes de croyances profondément enracinés et l'acceptation sociale de la masculinité toxique. C'est ce que nous voulons faire en fin de compte pour atteindre notre objectif collectif d'éliminer la violence dans nos milieux de vie.
Merci.
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Bonjour, madame Ferreri. Merci beaucoup.
C'est une question tellement complexe. Oui, le financement aide, mais je trouve que le programme Cut it Out, l'éducation que nous offrons... En fait, cela vient des États‑Unis, de l'Alabama. C'est arrivé en Alberta en passant par l'Université Western.
Mme Heidinger et moi-même sommes certifiées pour former des professionnels de salon. La profession de la coiffure est vraiment unique. Nous touchons les gens, littéralement. Nous sommes en contact très étroit avec eux. Que quelqu'un raconte sa vie à son barbier ou à sa coiffeuse, c'est une situation familière à tout le monde, je pense. Nous avons une position unique, mais nous avons vraiment besoin que cette éducation Cut it Out soit intégrée à notre programme de cosmétologie, parce que, en ce qui me concerne, c'est une question de santé et de sécurité.
Avec Cut it Out, on apprend aussi qu'en donnant de mauvais conseils, ce qui arrive couramment entre citoyens au quotidien, dans le cours d'une conversation apparemment normale, on risque en fait de mettre les gens en grave danger. Je pense que c'est par là qu'il faut commencer. Nous devons vraiment mettre l'accent sur l'éducation, mais aussi alors sur le financement. L'hébergement de transition est évidemment crucial.
Pour répondre à votre question, madame Ferreri, avant que les marques apparaissent, nous avons besoin d'éducation.
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Excellente réponse. Je suis tout à fait d'accord avec vous, madame Crawford. Merci beaucoup.
Je vais passer à Mme Dolan.
Merci beaucoup, madame Dolan. Je suis fière que vous soyez là aujourd'hui, vous qui êtes de ma circonscription.
Je suis curieuse. Cette semaine, les médias grand public ont fait état d'une violence assez choquante aux Oscars. Compte tenu de ce genre de masculinité toxique, à quel point peut‑on vraiment aider les hommes à reconnaître les signes d'une mauvaise autorégulation ou comment contrôler leurs émotions, selon vous? Le gouvernement fédéral devrait‑il se pencher sur le rôle que nous jouons à l'heure de miser sur les jeunes hommes?
:
C'est une excellente question, madame Ferreri.
N'est‑ce pas là le cœur du problème qui nous occupe? L'épisode des Oscars a certainement été choquant. Le débat public qu'il a suscité est très intéressant, lui aussi.
On ne saurait sous-estimer le besoin de prévention et d'éducation. Nous savons que nous avons besoin de plus de soutien pour les femmes et qu'elles sont de plus en plus victimes de violence fondée sur le sexe. Lorsque j'ai commencé ce travail en 1988, nous croyions que nous allions mettre fin à la violence faite aux femmes et aux enfants et qu'il suffisait de demander aux hommes de s'abstenir de ce genre de comportement. Mais il faut croire que ce n'est pas aussi simple que ça.
Je crois que nous devons redoubler d'efforts pour mettre en place des systèmes de prévention et d'éducation tout en aidant les femmes victimes de violence. Il faut y mettre le paquet, un gros investissement.
Il me semble que nous pourrions changer en une seule génération l'idée que nos garçons et nos filles se font d'eux-mêmes dans leur imagination. Je pense que nous faisons une injustice incroyable à nos enfants. Nous privons nos garçons, nos filles et nos enfants de diverses identités de genre, de l'humanité et de l'empathie innées, ainsi que de leur joie, en leur imposant des rôles systématisés selon le sexe, ce qui ne fait que donner le feu vert à la masculinité toxique. C'est difficile.
Monsieur Bourbonniere, je vous écoutais parler de votre programme. Il est vraiment difficile d'avoir ce genre de conversations avec les hommes. C'est très risqué, car cela met beaucoup de gens très mal à l'aise.
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Merci beaucoup. C'est une excellente question.
Il serait vraiment utile d'avoir ces données pour savoir combien il y a d'agressions sexuelles et pour estimer le nombre de femmes victimes de violence familiale. Statistique Canada recueille beaucoup d'excellents renseignements. Cependant, si nous voulons apporter de véritables changements, nous devons établir des marqueurs, peut-être au moyen des déterminants sociaux de la santé. Je pense que c'est un excellent cadre de travail, parce que c'est une question de santé pour tout le monde. Ensuite, il faut établir des balises en cours de route, et non des cibles.
Je tiens à utiliser les termes exacts. Le bulletin de rendement du Canada mentionne les « cibles », ce qui est intéressant.
Une fois que nous aurons établi ces balises, nous pourrons mesurer si nous sommes vraiment en train d'activer les choses. Les services aux femmes ne peuvent pas y arriver seuls. Il s'agit d'un enjeu intersectionnel qui exige que nous tous, aux niveaux micro, macro et méso, dans l'ensemble de notre pays, prenions les choses en main, allions de l'avant et ayons des conversations difficiles avec des gens qui ont peur de parler de la violence et de cette vulnérabilité. Il est difficile d'imaginer un nouveau scénario sans modélisation.
Les données dont nous avons besoin, c'est de savoir comment apporter des changements et comment en assurer le suivi.
Par exemple, en Ontario, notre organisation a reçu des fonds de la province pour établir un programme de soutien devant les tribunaux. C'était avant mon arrivée, il y a deux ans. On nous avait demandé de mesurer, ou de suivre et de signaler le nombre de femmes à qui nous avions fourni du soutien. C'est bien beau, mais nous savons aussi que ce programme de soutien faisait beaucoup de travail qui empêchait les femmes de poser beaucoup de questions au bureau du tribunal qui, comme Mme Crawford l'a mentionné, n'était pas nécessairement en mesure d'y répondre. Il fallait de meilleures personnes-ressources.
Nous n'avons pas de données qui nous indiquent quel est le rendement du capital investi lorsque nous avons de bons travailleurs de soutien aux tribunaux qui peuvent aiguiller les femmes de la collectivité vers les services dont elles ont besoin. On a perdu des données pendant plus d'une décennie. C'est le genre de choses très concrètes qu'il nous faut pour apporter des changements et en faire le suivi, puis pour prendre des décisions sur la façon de mieux faire, d'apprendre de nos grandes erreurs et d'être prêts à prendre d'énormes risques.
:
Je vous remercie de la question.
Je pense qu'il s'agit simplement d'utiliser notre système d'éducation pour enseigner à tous nos enfants la diversité, la diversité des rôles selon le sexe, la diversité de la sexualité, le respect, la gentillesse, l'amour et toutes ces bonnes choses. Nous devons former nos éducateurs pour qu'ils puissent en parler à nos enfants.
Nous devons aussi former et soutenir les parents pour qu'ils puissent avoir ces conversations avec leurs enfants.
À titre de gouvernement, de décideurs et d'auxiliaires dans ce domaine, nous devons soutenir ceux et celles qui sont le plus près des enfants, c'est-à-dire les parents et les éducateurs.
:
Merci, et merci beaucoup pour le travail que vous faites.
Je n'ai qu'une minute et ma dernière question s'adresse à Mme Heidinger et à Mme Crawford.
J'admire énormément l'espace tout à fait unique que vous avez créé dans les salons de coiffure, où vous êtes vraiment en première ligne pour aider de nombreuses victimes et survivantes à trouver un havre de paix où se sentir en sécurité.
Vous avez parlé du programme et de la nécessité de former vos gens pour qu'ils sachent comment réagir et intervenir comme il faut. Cela rejoint un peu ce que nous avons entendu au sujet de la formation des témoins, et je sais que c'est quelque chose que vous faites en privé.
Que pourrions-nous faire sur le plan législatif à cet égard?
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins, Mme Crawford, Mme Heidinger, M. Bourbonniere et Mme Dolan, de leur engagement dans la société et de leur dévouement à l'égard de cette cause.
Ma première question s'adresse à Mme Dolan.
Nous avons appris en comité que, partout au pays, les organismes d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale n'arrivent pas à répondre à la demande, en raison de la hausse des cas de violence conjugale. En effet, c'est un phénomène exacerbé par la pandémie. Dès l'été 2020, lorsque notre comité s'est réuni en urgence pour étudier les répercussions de la COVID‑19 sur les femmes, nous avons constaté des effets disproportionnés.
Qu'en est-il de la prestation de services par votre organisation? Devez-vous refuser d'accompagner des victimes en raison de la hausse des cas de violence?
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Je vous remercie de cette question.
La COVID‑19 a posé de nombreux défis à bon nombre d'entre nous. Pendant un certain temps, nous avons dû réduire le nombre de lits disponibles dans les refuges pour les femmes de notre collectivité. Nous sommes une petite ville dans une grande région rurale. Dans le Nord de notre région, la densité démographique est de deux ou trois personnes par kilomètre carré, ce qui veut dire qu'elles n'ont pas facilement accès à des services de transport ou autres. Les défis étaient tels qu'il nous a fallu faire preuve de créativité, comme pour bien d'autres choses pendant la pandémie.
Avant la pandémie, si notre refuge était occupé, nous pouvions communiquer avec d'autres refuges et leur demander s'ils avaient de la place. Nous étions en mesure d'offrir des services de transport aux femmes pour qu'elles puissent se rendre dans d'autres collectivités et les ramener une fois que nous avions plus de lits disponibles. Ce n'était plus possible non plus, parmi d'autres réalités et souffrances liées à la Covid‑19.
Ces facteurs se sont conjugués aux réalités rurales de nombreuses femmes à une époque d'incertitude extrême. Je me suis souvent demandé, à moi et à notre personnel, comment une femme qui vit l'incertitude de la violence fondée sur le sexe peut s'imaginer partir alors que la communauté extérieure connaît elle-même une telle incertitude. Je pense que beaucoup de femmes sont restées parce que c'était trop. Elles ont dû se contenter de renforcer leurs stratégies d'adaptation.
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Certaines mesures que le gouvernement fédéral a prises assez rapidement pendant la pandémie ont contribué à mettre plus d'argent à la disposition des refuges pour de nouvelles façons de communiquer avec les femmes. Nous apprenons beaucoup.
Je communiquerai avec Mme Crawford au sujet du programme Cut It Out Canada. J'ai toujours pensé que les salons de coiffure et les massothérapeutes étaient des endroits sûrs pour les femmes, surtout si les gens ne veulent pas parler, mais nous avons aussi appris que nous devions passer au virtuel. Nous devions mettre à jour notre technologie, car nous n'avions pas ce qu'il fallait pour organiser des réunions en ligne sécuritaires.
Nous avons beaucoup appris au sujet de la planification de la sécurité, et nous nous sommes aperçus que de nombreuses personnes au Canada n'ont pas accès à une technologie Internet fiable. Je pense que l'un des objectifs de développement durable des Nations unies est que le monde entier soit branché d'ici 2030.
Voilà le défi que le Canada doit relever: nous brancher.
Vous avez fait un clin d'œil à Mme Crawford et aux services qu'elle offre. J'aimerais d'ailleurs m'adresser à elle en établissant une comparaison.
Au Québec, nous avons quelque chose d'équivalent. Des gens qui exercent certains métiers se font sensibiliser afin de mieux reconnaître, par exemple, les signes de maltraitance envers les aînés ou les signes qu'une personne pense au suicide. Ces gens deviennent en quelque sorte des éclaireurs.
Madame Crawford, n'est-ce pas ce même modèle que vous appliquez auprès des employés de spas ou de salons de coiffure afin de les aider à repérer des signes? C'est exactement cela, n'est-ce pas?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci à tous les témoins de leur présence.
Monsieur Bourbonniere, vous êtes un superhéros à Winnipeg. Vous avez remporté deux prix du gouverneur général pour votre travail. Ce que vous faites fonctionne. J'ai eu le privilège de participer à des marches avec vous et quelques-uns des hommes avec qui vous travaillez, qui sont tout simplement des êtres humains exceptionnels, gentils comme tout — mais pas toujours, comme vous l'avez dit.
Pouvez-vous expliquer ce qu'est la thérapie par l'action? Parce que c'est ce que vous faites: de la thérapie par l'action avec des hommes, des jeunes garçons ou de genres divers.
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Je vous remercie de la question.
Il s'agit d'un service complet. Quand un homme vient nous demander de l'aide et en a besoin, nous établissons une relation. Nous nous nous y prenons de la façon la plus impartiale possible vis‑à‑vis de la personne, mais nous jugeons son comportement, car ce sont deux choses différentes. Nous lui faisons connaître dès le début notre position sur le traitement des femmes et des filles. Nous lui offrons un service complet, qui se veut relationnel et accessible. Les hommes y ont accès 24 heures sur 24 grâce à nos quarts de travail rotatifs.
Ce qui nous manque, ce sont des locaux. Il n'y a pas de refuge pour les hommes victimes de violence familiale à Winnipeg. Que l'homme soit l'auteur ou la victime de cette violence, il n'y a pas de place pour les hommes. Nous sommes disponibles sur demande et nous nous déplaçons par voie terrestre pour rencontrer les hommes là où ils se trouvent, dans leurs temps libres. Nous avons recours à des cérémonies pour nous mettre dans l'optique des Autochtones. Nous faisons preuve d'empathie et de gentillesse latérales pour redonner quelque chose à la collectivité.
Nous appuyons les femmes dans leurs efforts pour que justice soit faite dans ce dossier. Le Mama Bear Clan en est un excellent exemple. Il a été créé par les femmes du North Point Douglas Women's Centre, dans le Nord de Winnipeg. Elles ont un conseil des grands-mères et un cercle de guerrières. Elles demandent aux hommes de venir les aider à protéger les femmes. C'est une façon non criminelle et non policière de composer avec les incidents qui se produisent dans la collectivité.
Dans un témoignage antérieur, Mme MacGregor a fortement encouragé ce genre d'initiatives. J'ai été heureux de l'entendre.
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Oui. J'y ai fait allusion dans mon exposé.
Dans ce cas particulier, nous avons été appelés chez lui. Les femmes ont aidé son épouse à boucler la valise pour partir avec les enfants pendant que nous étions assis de part et d'autre de cet homme, l'encadrant sur le canapé. Il savait qu'il avait intérêt à ne pas bouger. Nous étions là pour garantir la sécurité du processus.
À ce moment‑là, il a eu honte. Il a ressenti des regrets. Une fois que sa famille avait fait ses valises et qu'elle était partie, nous nous sommes tournés vers lui. Les larmes aux yeux, il s'est engagé à venir travailler avec nous, et il l'a fait.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais adresser mes questions à M. Bourbonniere.
Je vais commencer par dire que les garçons et les hommes qui survivent à la violence sexuelle peuvent subir de graves séquelles psychologiques et émotionnelles. Je ne vous apprends rien, mais ce que l'on ne sait pas, c'est que c'est beaucoup plus courant qu'on ne l'imagine. Ma question porte sur la manière dont nous sommes censés enseigner aux garçons que c'est correct... On enseigne aux garçons à être des gaillards bien forts et à dominer sexuellement, et pas tellement à se montrer sensibles et sincères, tandis qu'on enseigne aux filles à être attrayantes et soumises, selon de nombreuses études.
Nous entendons dire que l'autonomisation des filles est très importante, mais comment pouvons-nous insister également du côté des garçons? Je vois que vous vous en occupez. Selon moi, nous ne saurions régler le problème de la violence faite aux femmes et aux filles sans nous attaquer à la violence faite aux hommes et aux garçons, car je pense que c'est cyclique.
Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
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Merci beaucoup. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de vous faire part de notre expérience.
Nous sommes un réseau de ressources familiales. Nous faisons participer les parents dès le début de leur rôle parental pour les encourager à prendre soin de leurs enfants et à développer un lien affectif. Les pères doivent tout autant participer à l'éducation qui se fait à la maison afin de servir de modèle à leurs enfants en encourageant ces comportements dès le début.
Nous savons que tout traumatisme laisse des séquelles indélébiles dans notre cerveau. On ne peut pas les défaire, mais on peut créer des possibilités de résilience en faisant que ces jeunes esprits côtoient à l'extérieur du foyer le plus possible d'adultes qui, sans jouer un rôle parental, ont un mode de vie sain. Qu'il s'agisse de membres de la famille élargie, d'amis, de groupes communautaires, de groupes de soutien à l'école ou d'éducation préscolaire, d'après notre expérience, il faut veiller à ce que les pères fassent partie de ce plan à l'avenir et leur donner l'occasion d'intervenir et de jouer ce rôle stimulant dans la vie des petits.
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Il faut commencer le plus tôt possible, dès les premiers pas, dès la petite enfance, la maternelle, le jardin d'enfants.
Je vais vous donner un exemple très rapide.
À Winnipeg, nous aidons les gens qui vivent dans la pauvreté. Nous les aidons à se déplacer, à se procurer des meubles. Nous nous efforçons de répondre aux besoins matériels des jeunes familles.
Nous pouvons avoir une équipe d'hommes et de garçons qui déménagent les meubles d'une maison. Nous sommes nombreux à l'extérieur, et il peut nous arriver de voir une femme marcher vers nous dans la rue. J'ai pu enseigner aux hommes et aux garçons qui travaillent avec nous des choses très nuancées, par exemple que nous quittions le trottoir tous, pour que cette femme n'ait pas à traverser ce groupe d'hommes.
Ce sont de petites choses de la sorte. Il faut être conscient des nuances et des subtilités. C'est ce que nous enseignons à nos garçons et à nos jeunes hommes. Ce n'est qu'un exemple.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie encore une fois les témoins de leur présence.
Ma dernière question s'adresse à Mme Dolan.
On sait que, pendant la pandémie, le fédéral a versé des sommes importantes à des organismes venant en aide aux femmes victimes de violence conjugale. Cependant, ces sommes ne sont pas récurrentes.
Un financement récurrent et stable de la part du gouvernement pourrait-il aider une ressource comme la vôtre? Est-ce que cela allégerait la charge bureaucratique liée à la recherche de financement? Est-ce qu'une meilleure stabilité financière vous permettrait d'offrir plus de services et d'aider davantage les victimes?
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Votre temps est écoulé. Je suis désolée, madame Gazan.
Nous pourrions continuer pendant deux heures encore avec ce groupe de témoins.
Au nom de tous les membres du comité de la condition féminine, je tiens à remercier M. Bourbonniere et Mmes Crawford, Heidinger et Dolan. Merci beaucoup de nous avoir livré ce témoignage incroyable aujourd'hui.
Je vous rappelle que notre prochaine réunion aura lieu vendredi. Nous entendrons l'honorable , accompagnée de quelques membres de son personnel. Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons les représentantes de Services pour femmes immigrantes d'Ottawa.
Merci à toutes et à tous pour cette excellente réunion d'aujourd'hui.
Plaît‑il que je mette fin à la réunion d'aujourd'hui? Pouvons-nous lever la séance? Je ne vois aucun problème.
La séance est levée.