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Bonjour à tous. La séance est ouverte.
Bienvenue à la 121e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes.
Avant que nous ne commencions, j'aimerais demander à tous les participants en personne de prendre connaissance des lignes directrices inscrites sur les fiches actualisées qui se trouvent sur la table. Ces mesures servent à prévenir les retours de son et à protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes.
J'aimerais également rappeler à tous les participants les points suivants.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Toutes les observations doivent être adressées à la présidence.
Mesdames et messieurs les députés, veuillez lever la main si vous souhaitez prendre la parole, que vous participiez en personne ou sur Zoom.
Je tiens également à exprimer notre regret que la réunion ait commencé avec un peu de retard. C'était indépendant de notre volonté. J'adresse ces regrets à nos témoins qui ont fait preuve d'une patience extraordinaire pendant que nous étions à la Chambre, ainsi qu'à ceux qui nous regardent en ligne.
Je rappelle à tous que nous réservons une brève période de 15 minutes à la fin de la réunion pour passer en revue le rapport du sous-comité et quelques autres détails administratifs. Par conséquent, nous mettrons fin à l'audition des témoins lorsqu'il restera environ 15 minutes pour passer à huis clos à cette fin.
Conformément au paragraphe...
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Je vous remercie d'avoir attiré mon attention.
Mme Hepfner a fait remarquer qu'il pourrait y avoir un autre vote dans environ 30 minutes. Pour l'instant, nous n'en savons rien et nous allons donc poursuivre jusqu'à l'heure prévue. En effet, si les cloches commencent à sonner, nous aviserons à ce moment‑là.
Il y a un retour sonore. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre l'entend.
Quand je prendrai la parole, je retirerai mon oreillette pour ne pas m'entendre, mais si j'ai besoin d'une interprétation, je la remettrai.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 27 novembre 2023, le Comité poursuit son étude sur les comportements coercitifs.
Avant de souhaiter la bienvenue à tous les témoins, j'aimerais donner un traumavertissement. Nous allons discuter de vécus liés à la violence et au contrôle coercitif. Cela peut être un déclencheur pour les téléspectateurs ayant vécu des situations semblables. Si vous ressentez de la détresse ou si vous avez besoin d'aide, veuillez en informer la greffière.
Pour tous les témoins et les députés, il est très important que nous reconnaissions qu'il s'agit de discussions très difficiles. Essayons d'être aussi compatissants que possible dans nos conversations.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à Meseret Haileyesus, fondatrice et directrice exécutive du Centre canadien pour l'autonomisation des femmes, qui est dans la salle.
Nous accueillons les témoins suivants par vidéoconférence:
Linda Lafantaisie Renaud, directrice générale du Centre Horizon pour femmes;
Sophie Gagnon, directrice générale, et Justine Fortin, directrice des services juridiques de Juripop;
Nick Milinovich, chef de police adjoint de la police régionale de Peel;
Linda MacDonald et Jeanne Sarson, cofondatrices de l'organisme Persons Against Non-State Torture;
Ainsi que Christy Dzikowicz, directeur général Toba Centre for Children and Youth.
Nous entendrons des déclarations liminaires d'au plus cinq minutes de la part de chaque organisation représentée ici. Suivront des séries de questions de tous les membres.
Tous les témoins qui sont en ligne sont ici et nous ferons un seul groupe cet après-midi.
Bonjour. Je m'appelle Meseret Haileyesus. Je suis la fondatrice et la directrice exécutive du Centre canadien pour l'autonomisation des femmes. Nous sommes le seul organisme canadien à but non lucratif qui se concentre sur la lutte contre toutes les formes d'abus et d'injustice économiques pour les survivantes grâce à la modification du système, la recherche et la défense des droits.
Nous sommes heureuses de participer à cet important débat sur les comportements coercitifs. Nous savons que les choses évoluent rapidement, mais en tant que fondatrice et directrice exécutive, le fait d'avoir eu le plus de temps possible pour préparer cette comparution nous a permis non seulement de préparer nos connaissances, mais aussi de préserver notre santé mentale.
Le Centre souscrit dans l'ensemble à la conclusion du rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de 2021 selon laquelle la criminalisation du contrôle coercitif pourrait contribuer à la prévention de la violence entre partenaires intimes et à une intervention plus précoce. Cependant, nous doutons qu'une infraction puisse à elle seule atteindre le résultat souhaité.
Mesdames et messieurs, comme vous le savez peut-être, de nombreuses victimes autochtones, racisées et autrement marginalisées ne signalent pas à la police des formes moins cachées d'abus et de violence en raison de contacts antérieurs difficiles et traumatisants avec les forces de l'ordre. Bien que cette proposition puisse être utile, elle laisse de nombreuses personnes sans solution, tout en risquant d'aggraver la situation.
Des rapports australiens sur la criminalisation des comportements coercitifs montrent une augmentation des erreurs d'identification de femmes autochtones comme agresseures en raison du racisme systémique au sein de la police et du système judiciaire. Il est choquant de constater que l'examen des décès dus à la violence conjugale et familiale dans le Queensland a révélé que près de la moitié des femmes autochtones tuées par suite d'actes de violence commis par un partenaire intime avaient déjà été identifiées à tort par la police comme étant les agresseures au lieu de leurs partenaires violents lorsqu'elles avaient signalé les actes de violence dont elles avaient été victimes.
En tant qu'organisme dirigé par des femmes noires et des survivantes, nous recommandons vivement au gouvernement fédéral d'adopter une approche centrée sur les survivantes pour toute infraction potentielle de contrôle coercitif et de laisser l'initiative aux survivantes ayant des réalités intersectionnelles différentes, telles que les nouvelles arrivantes, les immigrantes, les personnes de diverses identités de genre et les femmes autochtones, racisées, handicapées, âgées et jeunes. J'invite respectueusement le comité permanent à recommander que tout projet de loi sur le contrôle coercitif tienne compte des traumatismes, soit anti-oppressif et féministe, si son objectif est de valider le vécu des victimes. L'infraction doit être fondée sur l'idée que la violence conjugale et le contrôle coercitif sont enracinés dans les inégalités entre les sexes et sont principalement commis par des hommes contre des femmes.
Mesdames et messieurs, la violence économique est une forme de violence conjugale très courante, mais souvent négligée. Il s'agit d'un comportement de contrôle coercitif de la part d'un agresseur visant à restreindre l'indépendance financière d'une victime au moyen du contrôle économique, du sabotage de l'emploi et de l'exploitation économique. Le manque d'accès à des ressources financières est souvent la principale raison pour laquelle les victimes restent dans une relation de maltraitance ou y retournent. Elles n'ont pas les moyens de partir. Il y a aussi l'impact à long terme, car la maltraitance économique suit les victimes en raison de mauvaises cotes de crédit, de dettes et d'autres impacts financiers.
La recherche de notre organisme, menée dans la région d'Ottawa en 2021, a révélé que 95 % des victimes ont subi de la maltraitance économique, ce qui ressemble aux résultats obtenus aux États-Unis, en Australie et au Royaume-Uni. En outre, les agresseurs ont exigé que 86 % des victimes quittent leur travail; 93 % des agresseurs ne leur ont pas permis d'avoir leur propre argent, leur confisquant leurs chèques de paie et leur aide financière; 90 % des victimes se sont vu retirer leur pouvoir décisionnel par leurs agresseurs; 90 % des agresseurs ont menacé la victime de violence physique si elle payait le loyer ou d'autres factures; et 84 % des agresseurs ont accumulé des dettes sous le nom de la victime.
Ces tactiques constituent des indicateurs essentiels d'un comportement de contrôle coercitif et doivent être prises en compte dans toute mesure juridique ou politique. Pour sensibiliser à ce type de contrôle coercitif souvent caché, le Centre recommande au gouvernement de faire du 26 novembre une journée nationale de sensibilisation.
Le Centre estime que le système de justice pénale devrait être le dernier mode d'intervention. Il n'aborde pas les problèmes systémiques qui empêchent les mauvais traitements de se produire ou qui empêchent les victimes de les quitter. Par conséquent, un changement systémique est nécessaire avant de criminaliser le contrôle coercitif.
Nous exhortons le gouvernement fédéral à montrer son engagement à mettre fin à la violence fondée sur le genre et à valider le vécu des survivantes en finançant de manière adéquate les services sociaux, en fournissant des refuges supplémentaires et des logements abordables, en augmentant l'accès à l'aide juridique, en investissant dans des formations continues et des campagnes de sensibilisation sur les signes et la nature du comportement de contrôle coercitif, et en collectant des données ventilées sur les différentes formes de contrôle coercitif, y compris la maltraitance économique.
Je vous remercie de nouveau de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer sur ce sujet important.
Je tiens également à vous féliciter, madame la présidente, pour votre nomination à ce poste. Nous nous réjouissons de travailler ensemble.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais d'abord remercier le comité de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole.
Je m'appelle Linda Lafantaisie Renaud. Je suis la directrice exécutive du Horizon Women's Centre, ou Centre Horizon pour femmes, à Sturgeon Falls, en Ontario. Notre centre est le seul refuge entièrement bilingue de notre région qui offre des services francophones 24 heures par jour. Nos services comprennent un refuge d'urgence de 10 places, des services d'approche et un programme de logement de transition. Nous sommes tout à fait uniques en ce sens que nous offrons une thérapie interne fondée sur les traumatismes dans les deux langues officielles aux femmes de notre collectivité qui ont survécu à la violence d'un partenaire.
Je travaille dans cet organisme depuis 34 ans et j'ai vu de mes propres yeux les effets néfastes de la violence sur les femmes et leurs enfants. Cependant, j'ai également vu de nombreuses femmes et leurs enfants être en mesure de vivre la vie qu'ils méritent vraiment. Notre travail au sein des organismes de lutte contre la violence faite aux femmes peut être très difficile, dangereux et décourageant, mais il peut aussi être très gratifiant.
La plupart des femmes se démènent aujourd'hui pour trouver un logement abordable, et ce depuis la COVID. Elles doivent maintenant vivre beaucoup plus longtemps dans des centres d'hébergement et faire face à de longs délais pour obtenir un logement social, même lorsque l'office du logement convient qu'elles remplissent les critères d'accès prioritaire au logement comme victimes de violence. Dans notre district, des femmes ont ce statut prioritaire. Elles doivent maintenant attendre bien au‑delà d'un ou deux ans. Cela va à l'encontre de la raison pour laquelle cette priorité a été instaurée en premier lieu. La réalité est que des femmes et leurs enfants trouvent aujourd'hui des logements qui ne sont pas les plus sûrs, mais qui sont les plus abordables pour eux, ou qu'elles retournent auprès de leur partenaire.
Mon expérience m'a permis de constater que, le plus souvent, certaines femmes ne se rendent pas compte du danger qu'elles courent. Je pense que nous avons besoin de plus de campagnes de sensibilisation publique sur le contrôle coercitif afin que les femmes puissent échapper plus tôt à ces types d'agresseurs et qu'elles puissent voir les signes avant-coureurs. La plupart du temps, la maltraitance passe de la violence psychologique à la violence physique, voire à la menace ou au meurtre de leur partenaire et de leurs enfants, lorsque l'agresseur se rend compte qu'elle s'en va.
Les femmes arrivent souvent dans notre centre d'accueil véritablement brisées. Beaucoup d'entre elles ont du mal à exprimer...
Les femmes se sentent souvent vraiment brisées à leur arrivée à notre refuge. Beaucoup d'entre elles ont du mal à exprimer leurs besoins et leurs désirs parce que la plupart d'entre eux leur ont été dictés par leurs agresseurs.
Nous voyons des mères avoir du mal à gérer leurs enfants, qui imitent ce dont ils ont été témoins, et nous composons parfois avec des enfants qui infligent des violences physiques et verbales à leur mère. L'effet sur les enfants est souvent visible lorsque les enfants d'anciennes résidentes font appel à nos services à l'âge adulte parce qu'elles sont elles-mêmes victimes de violence de la part de leur partenaire. Il est impératif que nous travaillions avec diligence pour leur offrir l'expérience la plus empathique, la plus positive et la plus responsabilisante possible et pour les aider à réaliser qu'elles ont le droit d'être à l'abri de la violence.
Selon un rapport de Statistique Canada datant de 2008, 44 % des femmes ayant vécu une relation intime sont victimes de violences. Ce chiffre ne tient pas compte du nombre de femmes et d'enfants qui ont été victimes de leurre sexuel ou de traite de personnes et de ceux qui ne se sont pas manifestés ou qui n'ont pas porté plainte par crainte de répercussions.
Le degré de contrôle qu'une seule personne peut exercer sur une autre est inimaginable pour beaucoup, et il n'y a pas de délai pour guérir du traumatisme extrême, des effets et même de la déshumanisation qu'elles ont vécus. Je citerai les mots d'une femme qui m'a affirmé: « Ce ne sont pas les violences physiques et sexuelles qu'il m'a fait subir qui m'ont traumatisée. Ce sont les 13 années de maltraitance mentale, affective et financière ».
Les agresseurs doivent être tenus comptables. Certains ex‑partenaires ont un tel besoin de contrôle que nous voyons aujourd'hui des femmes — des mères, pour la plupart — subir le type de maltraitance le plus cruel, et ce par l'intermédiaire de leurs enfants.
Certains enfants sont contraints et influencés négativement par l'agresseur pour qu'ils refusent les visites de leur mère, et des partenaires refusent les droits de visite à leur ex‑partenaire parce qu'ils savent que la police n'interviendra pas, la plupart des ordonnances de garde ne comportant pas de clause d'exécution par la police. Les mères ne peuvent donc pas voir leurs enfants pendant des mois et font face à de longs délais dans le système judiciaire. Les agresseurs utilisent maintenant l'aliénation parentale à leur avantage.
Notre travail dans le domaine de la violence faite aux femmes est essentiel pour protéger la vie des femmes et des enfants. Mes recommandations sont les suivantes: augmenter le financement annuel des refuges et des organismes de lutte contre la violence faite aux femmes afin de tenir compte du coût de la vie réel; que le contrôle coercitif soit reconnu dans le Code criminel; et que nous financions des campagnes de sensibilisation du public à la violence coercitive, à ce qu'elle est et à la manière dont elle affecte les femmes et les enfants.
Je suggère également de consulter Pamela Cross, une avocate féministe canadienne et une défenseure des femmes, car je pense qu'elle pourrait contribuer à décrire efficacement le contrôle coercitif en termes juridiques et à conseiller le comité sur les actions sous-jacentes ou préjudiciables potentielles qui peuvent être utilisées contre les femmes.
Je vous remercie de votre attention.
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Madame la présidente, membres du Comité, bonjour. Je vous remercie de nous donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
Juripop est un organisme dont la mission est d'améliorer l'accès à la justice pour les personnes vulnérables. Il œuvre depuis plusieurs années auprès des femmes victimes de violence conjugale et post-séparation. Plus précisément, il représente ces personnes dans leurs démarches juridiques liées au droit de la famille, pour les questions de garde d'enfant, de séparation ou de mesure de protection.
Nous remarquons une constante chez les personnes victimes que nous représentons, et c'est la présence de contrôle coercitif dans leur vécu de violence conjugale.
On sait que les conversations autour du contrôle coercitif se sont penchées récemment davantage sur la question de sa criminalisation.
De notre côté, chez Juripop, nous souhaitons attirer votre attention sur un angle que nous considérons comme encore trop négligé, soit l'impact du contrôle coercitif en droit familial, notamment dans les dossiers de divorce. Nos avocates constatent presque quotidiennement que le contrôle coercitif est encore mal compris des tribunaux de droit de la famille. Cette incompréhension entraîne des conséquences réelles et importantes pour les victimes.
Trop souvent, les femmes que Juripop représente se voient victimisées à nouveau par les décisions judiciaires qui vont ignorer les schémas de comportement violent et dominant exercés au moyen du contrôle coercitif.
Les tribunaux de droit de la famille peuvent, sans le vouloir, perpétuer le contrôle coercitif par différents types de décisions. Nous allons vous donner l'exemple d'une ordonnance de garde partagée. C'est une ordonnance qui peut sembler courante, banale, mais, dans une situation où il y a du contrôle coercitif, c'est une ordonnance qui va permettre au parent violent de maintenir une emprise sur la mère et sur les enfants. Le parent violent utilise donc la garde partagée comme un moyen de continuer à exercer son contrôle, par exemple, en refusant de coopérer quant aux décisions liées à l'éducation, à la santé et aux activités des enfants, et en obligeant la personne victime à rester en contact avec lui et à négocier constamment chacun de ces aspects. L'auteur de violence va aussi utiliser le temps parental, par exemple, pour interroger les enfants sur la vie privée du parent victime ou encore pour manipuler les enfants contre ce parent, ce qui nous porte à dire que les enfants sont eux aussi des victimes du contrôle coercitif.
Il faut aussi savoir que les demandes de mesures d'accommodement que nous présentons pour les personnes victimes pendant leurs témoignages qui visent à assurer leur sécurité physique et leur sécurité psychologique vont être rejetées par les tribunaux, parce que ces derniers comprennent encore trop mal les difficultés liées au contrôle coercitif. On parle ici de mesures qui sont accordées d'office en matière criminelle, comme la présence d'une intervenante pendant un interrogatoire préalable ou encore la possibilité de témoigner par visioconférence.
Toutes les situations que je viens de décrire contraignent nos avocates à déployer des efforts considérables pour éduquer le tribunal quant au contrôle coercitif, à sa définition, à ses formes et à ses conséquences. Il en résulte une charge de travail juridique et émotionnelle qui est lourde, qui est financièrement assumée par les personnes victimes et qui pourrait, à notre avis, être atténuée, si une meilleure connaissance du phénomène était intégrée au système judiciaire dès le départ.
C'est pour cela que nous croyons que des réformes législatives s'imposent au niveau fédéral, notamment au moyen de la Loi sur le divorce. Nous recommandons l'inclusion explicite du contrôle coercitif dans les facteurs que les juges doivent prendre en considération lorsqu'ils prennent des décisions touchant les enfants ou encore la séparation. Nous croyons qu'une telle reconnaissance pourrait prolonger le travail qui a été entrepris par la reconnaissance de la violence familiale dans la Loi sur le divorce et protéger encore davantage les personnes victimes, incluant les enfants.
Nous préconisons aussi que la formation des nouveaux juges inclue un volet sur le contrôle coercitif. Le manque actuel de formation crée des lacunes importantes dans l'appréciation des situations vécues par les personnes victimes et rend souvent impossible la prise en compte de cette réalité dans les décisions judiciaires.
En conclusion, parallèlement aux réflexions qui ont lieu sur la criminalisation du contrôle coercitif, Juripop considère que le Comité devrait aller encore plus loin en réfléchissant aussi au droit de la famille.
Je vous remercie.
Je m'appelle Nick Milinovich et je suis le chef adjoint du commandement des enquêtes et des services d'urgence de la police régionale de Peel.
J'aimerais remercier d'emblée la présidente et les membres du Comité permanent de la condition féminine de nous avoir invités à participer. J'aimerais également remercier tous les témoins de nous avoir fait part de leurs points de vue et de leurs histoires.
Pour ceux qui ne connaissent pas la police régionale de Peel, nous sommes le troisième service de police municipal en importance au Canada, au service des collectivités de Mississauga et de Brampton dans la région de Peel. La région de Peel est l'une des collectivités les plus diversifiées du pays, avec plus de 1,7 million d'habitants. Elle abrite l'un des plus grands aéroports internationaux d'Amérique du Nord, l'aéroport Pearson. Notre collectivité est également l'un des plus grands centres de transit d'Amérique du Nord avec des milliards de dollars de marchandises transportées chaque jour dans notre région.
En conséquence, des enjeux comme la violence entre partenaires intimes, la traite de personnes et la violence fondée sur le genre constituent collectivement une préoccupation pour notre collectivité. Notre service de police en fait également une priorité par l'application de la loi, la prévention et des investissements parmi les plus importants dans ces domaines que ceux de n'importe quel service de police au Canada. Nous disposons d'enquêteurs spécialisés dans la traite de personnes, qui forment notre unité des mœurs. C'est l'un des seuls services à dispenser une formation spécialisée à tous nos agents de première ligne afin de renforcer les capacités d'identification, de prévention et d'interception d'incidents en toute sécurité, avec pour principale priorité le bien-être et le soutien de la victime. En outre, notre équipe des mœurs travaille avec les collèges locaux, les collectivités et les forces de l'ordre — y compris l'aéroport Pearson — afin de surveiller, d'arrêter et d'intervenir efficacement contre la traite de personnes dans notre région, dans la province et dans le pays. Au cours des cinq dernières années, notre unité des mœurs a inculpé plus de 150 personnes pour des infractions liées à la traite de personnes.
Notre service de police se concentre également sur la violence entre partenaires intimes. En 2023, nos agents ont répondu à plus de 9 500 incidents de violence familiale et de violence entre partenaires intimes. Cela équivaut à près de 26 incidents distincts par jour.
Je vais faire une pause ici et demander au comité et à tous ceux qui participent et regardent aujourd'hui... 26 incidents distincts par jour. Imaginez maintenant toutes les répercussions de ces 26 incidents par jour sur des membres de votre famille et votre collectivité. Vous commencerez alors à saisir l'ampleur du problème.
Comme je l'ai dit, nous avons porté 9 540 accusations. Les cinq principaux chefs d'accusation sont les voies de fait, les menaces, le non-respect des ordonnances de mise en liberté ou des conditions de libération, les voies de fait armées, l'étouffement, la suffocation ou la strangulation. Nos données montrent qu'environ une femme par jour à Peel est étranglée par son partenaire. Du 1er janvier au 31 août, nous avons enregistré 297 cas de strangulation. Sur les 15 homicides que nous avons traités cette année, trois — 20 % — étaient des féminicides. Il ne s'agit là que des incidents signalés. Comme tous les participants, les autres témoins et certainement la police le savent, un plus grand nombre d'incidents se produisent et continuent à ne pas être signalés.
À Peel, nous avons adopté une approche centrée sur les survivantes en ce qui concerne la violence fondée sur le genre, y compris la violence entre partenaires intimes et la traite de personnes. Il s'agit d'incidents tragiques et inacceptables qui créent un traumatisme inimaginable pour les victimes et les survivants. Ces victimes et survivantes sont principalement des femmes et des filles. Ces incidents ont un impact disproportionné sur les femmes et les filles racisées ainsi que sur les membres de notre collectivité LGBTQIA+ et les personnes handicapées. Chacun de ces incidents est représentatif des vulnérabilités que nous constatons dans notre système actuel et de la nécessité de donner la priorité aux survivantes dans un système sur lequel nous leur demandons de compter pour leur protection.
À Peel, nous avons intégré notre unité de lutte contre la violence entre partenaires intimes à différents agents spécialisés et formés au sein du Safe Centre of Peel — je crois que le comité a déjà entendu le témoignage de ses membres. Ce centre collabore avec 24 partenaires de la collectivité qui fournissent des services et du soutien intégrés dans un lieu centralisé. Cela permet de s'assurer que les victimes et les survivantes reçoivent l'aide dont elles ont besoin pour elles-mêmes et leur famille.
En avril 2022, la députation conjointe de notre service de police et du Safe Centre of Peel vous a également fourni des renseignements pour votre étude sur la violence conjugale et entre partenaires intimes. Cette étude a débouché sur une série de recommandations visant à combler les lacunes du système actuel qui constituent des obstacles et qui créent également des risques pour les victimes ou les survivantes.
À l'heure actuelle, la violence est définie de manière étroite en droit familial et pénal comme la violence physique...
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Bien sûr. Je vous remercie.
En conclusion, il nous incombe à tous, en tant que collectivité soucieuse de l'intérêt général, de veiller à ce que les bonnes mesures et les bons garde-fous soient mis en place, afin que les survivantes puissent se sentir en sécurité et aidées pour quitter ce type d'environnement.
À l'heure actuelle, il existe des lacunes et des victimes ont des raisons légitimes de s'inquiéter avant de se manifester. Nous devons commencer à y remédier.
Je vous remercie de nouveau d'avoir invité la police régionale de Peel à comparaître devant vous. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Merci de votre attention.
Jeanne Sarson et moi-même sommes des militantes féministes de terrain actives en Nouvelle-Écosse, au Canada et dans le monde entier, avec 31 ans d'expertise dans l'aide à des femmes qui ont été soumises à la torture non étatique. Nous sommes également membres de l'ONG Conseil national des femmes du Canada.
Le contrôle coercitif est souvent une composante très importante de la torture non étatique. Le maintien en captivité de femmes et la contrainte exercée sur des femmes âgées sont très invisibles.
En tant qu'infirmière, j'ai aidé une octogénaire qui avait été torturée et victime de traite alors qu'elle était jeune mère, en présence de ses deux petits garçons, par des hommes dans un village de pêcheurs de Nouvelle-Écosse où elle vivait. Échappant à cette torture, elle a élevé sa famille et s'est remariée. Après avoir pris sa retraite, son second mari a commencé à exercer sur elle un contrôle coercitif en prenant le contrôle de son argent, en l'isolant de sa famille et de ses amis, en commettant intentionnellement des erreurs de médication, en la déshumanisant par des sévices psychologiques constants et en la terrifiant en prétendant qu'elle avait des pertes de mémoire.
Ces tactiques de contrôle coercitif ont déclenché chez elle des rappels éclair de tortures non étatiques, au point où cela déclenchait constamment des crises chez elle, lui faisant perdre son autonomie. Elle a finalement dû être placée dans un centre de soins de longue durée.
Le fait de venir de Nouvelle-Écosse donne à nos voix un poids supplémentaire, car nous avons participé à l'enquête de la Commission des pertes massives après qu'un homme a abattu 22 personnes, dont 13 femmes.
Au début du mois, le gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse a adopté un projet de loi déclarant que la violence conjugale est une épidémie en Nouvelle-Écosse, ce qui découle des conclusions de la Commission des pertes massives concernant la Nouvelle-Écosse et le Canada. Le contrôle coercitif est souvent associé à d'autres formes de violence masculine à l'égard des femmes, de violence entre partenaires intimes ou de violence conjugale. S'il est considéré comme un crime grave, il peut prévenir le suicide et des crimes mortels tels que le féminicide et même les fusillades de masse.
En tant que participantes à la Commission des pertes massives, nous avons entendu parler de la coercition importante que le tireur a exercée sur sa partenaire, la rendant terrifiée à l'idée de le quitter. Il l'a également étranglée, mais ce crime n'a pas été pris au sérieux.
Mme Sarson et moi nous sommes jointes à d'autres féministes de Nouvelle-Écosse pour recommander que le contrôle coercitif soit inscrit dans le Code criminel du Canada. Comme militantes contre la torture non étatique, nous avons recommandé que la strangulation et le féminicide, en tant que crimes distincts, soient ajoutés au Code criminel. Nous soumettons à nouveau ces recommandations aujourd'hui.
Comme l'a dit Anne Frank, « Ce qui est fait ne peut être défait, mais on peut empêcher que cela ne se reproduise ».
Dans le prolongement de notre brève recommandation, la promotion d'une approche centrée sur la victime en ce qui concerne les enfants signifie la création d'un environnement sociojuridique dans lequel les enfants peuvent parler de l'impact qu'ont sur eux et d'autres enfants les manipulations de contrôle coercitif que des tortionnaires non étatiques exercent sur eux et contre des animaux. Leur sécurité est toujours menacée, ce qui crée une vulnérabilité sans fin, comme le décrit le projet de loi .
Notre mémoire présentait Carrie, dont le père l'a forcée à noyer son chaton de compagnie et a menacé de la noyer si elle parlait de ses actes de traite misant sur la torture.
Carrie n'est pas seule. Le père d'Alex l'a emmenée voir des bébés lapins. Après qu'elle en eut serré un dans ses bras, son père l'a pris et lui a brisé le cou. Son message était clair. Alex a dit qu'elle savait qu'elle ne devait jamais dire qu'il la torturait. Alex avait six ans.
On sait que ces auteurs exercent un contrôle coercitif à l'intérieur et à l'extérieur de leur foyer. La victimisation des enfants peut inclure le mal fait aux animaux. Le contrôle coercitif que les tortionnaires non étatiques exercent sur leurs enfants consiste à leur infliger intentionnellement des épreuves de victimisation sans issue, à l'intérieur et à l'extérieur de leur foyer.
Hope a décrit comment son père la faisait chanter en la forçant à l'autoriser à la violer oralement pour que ses frères et soeurs soient nourris. Elle se demandait quel choix elle avait.
Carrie a raconté qu'elle avait été forcée de répandre sur Margaret, une autre petite fille, les fluides corporels d'agresseurs pour ne pas avoir à les consommer, en disant qu'il n'y avait aucune chance qu'elle gagne. Cette décision lui a donné l'impression d'avoir fait du mal à Margaret. Elle s'est sentie coupable, honteuse, humiliée et terrifiée.
Pour mettre fin à l'épidémie de violence entre partenaires intimes à l'encontre de femmes, les indicateurs de danger seront des interventions préventives disponibles pour les enfants si le mode opératoire des comportements coercitifs du tortionnaire est compris comme comportant l'exercice d'une domination, d'un pouvoir et d'un contrôle absolus à l'intérieur et à l'extérieur de la maison; l'infliction de torture, de terreur, d'horreur et de déshumanisation à leurs enfants et à d'autres enfants; et le fait de faire du mal à des animaux. Il s'agit également de l'implication possible de réseaux criminels organisés de torture, de traite et de réseaux officiels.
À la recommandation de Mme MacDonald, j'ajoute le soutien au projet de loi et à la criminalisation de la torture non étatique afin d'exposer la criminalité des agresseurs.
Je vous remercie de votre attention.
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Je remercie le comité de me donner l'occasion de m'exprimer sur un sujet aussi important. Je m'appelle Christy Dzikowicz et je suis la directrice générale du Centre Toba pour les enfants et les jeunes, un organisme de bienfaisance et le seul centre de défense des enfants du Manitoba.
Les centres de défense des enfants sont des espaces accueillants pour les enfants dans lesquels des professionnels de l'application de la loi, de la protection de l'enfance, des poursuites judiciaires, de la santé mentale, de la médecine et de la défense des victimes travaillent ensemble pour enquêter sur les sévices, aider les enfants et leur famille à en guérir et tenir les délinquants responsables de leurs actes.
Le premier centre de défense des enfants a été créé à Huntsville, en Alabama, en 1985, et le mouvement n'a cessé de prendre de l'ampleur depuis lors. Il existe plus de 900 centres de défense des enfants accrédités aux États-Unis. Le Canada en compte plus de 40, et il existe des centres dans plus de 20 pays à travers le monde. Ces centres sont reconnus dans le monde entier comme pratique exemplaire en matière de réponse aux cas de maltraitance d'enfants. Cependant, je pense que nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir au Canada pour soutenir ces centres et garantir les meilleurs résultats pour les enfants.
Avant d'aller plus loin, j'aimerais aborder directement la question de la maltraitance des enfants. Dans notre centre, nous nous occupons d'enfants, de jeunes et de personnes qui s'occupent d'eux qui sont victimes d'abus sexuels et de violences physiques, ainsi que d'enfants qui sont témoins de violence entre partenaires intimes et de violences graves. Chaque année, environ 200 000 enquêtes sont menées au Canada sur des cas de maltraitance d'enfants, et il ne s'agit là que des cas dont nous avons connaissance — ceux qui sont signalés. Il existe d'importants obstacles au signalement, le comportement coercitif n'étant que l'un d'entre eux.
Bien que je parle des problèmes qui touchent les enfants, les jeunes et les personnes qui s'occupent d'eux, car c'est l'oeuvre de ma vie, j'aimerais vous faire remarquer que la majorité de mes observations concernent aussi directement le vécu des populations adultes vulnérables qui sont également touchées par la violence interpersonnelle.
La maltraitance des enfants est tout ce qui met intentionnellement en danger le développement, la sécurité ou la survie d'un enfant: le fait d'infliger des sévices émotionnels, physiques ou sexuels à un enfant. Pour être très claire, la coercition est au coeur de la quasi-totalité de ces comportements criminels. Ce comportement coercitif et les sévices qui en découlent peuvent également avoir pour effet d'exposer les enfants, les jeunes et les adultes à des difficultés supplémentaires lorsqu'ils sont confrontés au système de justice pénale. Les agresseurs s'efforcent de réduire leurs victimes au silence, de leur ôter la parole et de les priver de tout pouvoir. Le système mis en place pour y répondre doit le comprendre et travailler de manière coordonnée pour s'assurer de répondre aux besoins des survivants.
Les centres de défense des enfants sont conçus à cette fin, mais au Canada, nous ne disposons d'aucun mécanisme pour faire respecter les normes de pratique reconnues à l'échelle internationale.
Aux États-Unis, les centres de défense des enfants doivent être accrédités et prouver qu'ils respectent des normes minimales, notamment une réponse multidisciplinaire dès le signalement, des normes en matière d'entretiens médico-légaux avec les enfants, des normes en matière d'inclusion et de diversité et un soutien aux victimes, entre autres.
À l'heure actuelle, il appartient à des personnes comme moi de convaincre les organismes partenaires, tels que les services de police, les services de protection de l'enfance et les centres médicaux, qu'il est judicieux de travailler ensemble et d'exiger des normes. Je ne doute pas que tous ceux qui travaillent dans ce domaine affirment vouloir donner la priorité aux enfants, mais il n'est pas facile de changer ces systèmes anciens, vastes et basés sur des institutions. Il faut beaucoup d'humilité pour prendre du recul et dire qu'il faut travailler différemment et mieux.
Tous les ordres de gouvernement disposent d'outils qui peuvent et doivent être utilisés pour exiger que ces normes soient codifiées pour en assurer le respect, que des normes professionnelles, comme des normes en matière d'intervention policière soient établies et que le financement des centres de défense des enfants soit assuré afin de garantir que tous les enfants du Canada y aient accès.
En préparant ce témoignage sur le contrôle coercitif, j'ai également pensé au traitement déplorable des enfants, des jeunes et des personnes touchées par la violence interpersonnelle dans notre système de justice pénale. Je pense qu'une réforme importante est à la fois nécessaire et possible. Je le répète, les victimes dans ces affaires ont souvent été privées de leur voix et de leur confiance. Notre système de justice pénale n'est pas conçu pour prendre en compte les besoins de ces populations vulnérables.
Les centres de défense des enfants à travers le Canada travaillent avec leurs procureurs locaux pour essayer de faciliter le témoignage en circuit fermé à partir de leurs centres. À Calgary et à Edmonton, cette pratique est en cours. Dans chaque ressort, cependant, nous devons commencer par créer un précédent et permettre cette option. Lorsque nous pensons aux sévices coercitifs subis par les victimes avec lesquelles nous travaillons, nous sommes frappés par l'horreur qu'il y a à demander à un enfant d'entrer dans une pièce avec son agresseur et de dire sa vérité devant lui, sa famille et des étrangers. Cela nous semble inhumain.
La psychologue Rachel Zajac a publié de nombreux travaux de recherche soulignant l'incapacité des tribunaux à répondre aux besoins des enfants.
Elle a écrit:
Des recherches récentes ont clairement montré que le contre-interrogatoire n'est probablement pas la technique de recherche de la vérité que beaucoup croient qu'il est. Au contraire, le style d'interrogation généralement utilisé au cours de ce processus va directement à l'encontre de presque tous les principes scientifiquement établis au cours des 30 dernières années pour obtenir des preuves complètes et précises de la part de n'importe quel témoin, en particulier d'un enfant.
Il y a des pays dont nous pouvons nous inspirer dans ce domaine, avec des innovations telles que les intermédiaires au Royaume-Uni.
Je ne peux imaginer rien de plus important que de garantir des voies d'accès sûres, afin que les victimes de maltraitance d'enfants et de violence entre partenaires intimes puissent se manifester et suivre le processus de justice pénale. Notre incapacité à créer des environnements capables d'entendre efficacement leurs cris et d'y répondre en toute sécurité peut être dévastatrice. Nous ne risquons pas seulement de traumatiser à nouveau les survivants par notre réponse ou de ne pas être crus par nos systèmes, mais aussi de donner du pouvoir à ceux qui se livrent à des comportements coercitifs et violents. Un enfant ou une personne qui dénonce des sévices puis se rétracte, soit par peur, soit par contrainte est souvent plus à risque. Les délinquants disent à leurs victimes qu'elles ne seront pas crues.
Si nous devons toujours rechercher la vérité, nous devons aussi faire tout ce qui est en notre pouvoir pour créer les voies les plus sûres possible pour nos populations vulnérables.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci pour cette question.
Bien sûr, dans ma déclaration liminaire... L'une des choses que vous pourriez remarquer est que la question de la libération sous caution et des récidivistes continue à créer des obstacles pour nous, en tant que service de police, lorsqu'il s'agit de protéger les survivantes de la violence entre partenaires intimes et d'une variété d'autres délits également. Ce n'est pas le seul problème, mais c'est certainement l'un d'entre eux. Cela crée des problèmes de confiance pour les survivantes qui se présentent, ainsi que pour la réponse de la police.
Je ne dispose pas de chiffres exacts. Cependant, je peux vous dire de manière anecdotique — je travaille dans ce domaine depuis 25 ans — que l'une des préoccupations des survivantes, du moins parmi celles à qui nous avons eu affaire, est la suivante: lorsqu'un délinquant est finalement libéré, comment la sécurité des survivantes sera‑t‑elle assurée? Malheureusement, il s'agit d'une préoccupation légitime, dont nous avons vu les conséquences tragiques ici à Peel — Darian Henderson-Bellman en est un excellent exemple.
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Merci beaucoup pour ces données. C'est vraiment choquant. C'est une crise générale de la sécurité publique.
J'ai eu le plaisir de rencontrer deux femmes charmantes, Linda et Jeanne. Elles ont écrit un livre très puissant. Les témoignages qu'elles nous livrent sont évidemment très bouleversants. Une des choses choquantes qu'elles m'ont dites, c'est que des parents trafiquent leurs enfants. Des parents torturent leurs enfants. Je crois que c'est une chose très difficile à comprendre ou à croire pour beaucoup d'entre nous.
J'ai eu le privilège de visiter le Centre Toba. C'est un centre incroyable. Tous les Canadiens devraient aller voir ce que Mme Dzikowicz a fait. C'est une personne remarquable et ce qu'elle a fait est remarquable.
Madame Dzikowicz, comment peut‑on obliger ces parents à rendre des comptes? Comme vous l'avez dit, pour un grand nombre de victimes et d'enfants que vous voyez, c'est en fait un parent ou quelqu'un qu'ils connaissent qui les maltraite. Quelles sont les meilleures conséquences dans ces cas‑là? Nous savons que la réunification avec les parents est souvent idéale, mais ces enfants sont maltraités et torturés.
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Je vous remercie de cette question.
Nous savons que la grande majorité des actes de maltraitance sont commis par quelqu'un que l'enfant connaît. Que ce soit un parent ou un membre de sa famille ou de son réseau de soins, c'est généralement une personne en qui l'enfant a confiance.
En ce qui concerne les centres, je ne parle pas vraiment de notre centre ici à Winnipeg, au Manitoba, en particulier, mais il est essentiel d'avoir accès à ce genre d'environnement dans tout le pays. La plupart des enfants n'y ont pas accès, même s'il y a d'excellents centres dans la plupart des grandes villes. Bien que cela ne constitue pas une opinion négative des personnes qui le composent, notre système de justice pénale n'est pas un environnement accueillant où les enfants peuvent aller porter plainte. Pour donner aux enfants la meilleure chance de nous parler de ce qui se passe, pour que nous puissions découvrir ce qui se passe, nous devons...
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Merci, madame la présidente.
Je remercie sincèrement les six témoins qui sont ici aujourd'hui.
Comme on l'a déjà mentionné, certains ont déjà témoigné devant le Comité lors d'autres études, mais ce que nous entendons aujourd'hui au sujet du contrôle coercitif est troublant. Nous devons nous améliorer et trouver des façons d'examiner les éléments spécifiques qui ont été abordés aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à Mme Lafantaisie Renaud. Je tiens à saluer le travail que le Centre Horizon pour femmes fait depuis une trentaine d'années dans Nipissing Ouest. J'ai visité le Centre, et je suis au fait de votre dévouement et de celui du personnel à l'égard de la communauté.
Habituellement, nous recevons de nombreux témoins qui proviennent des grands centres et qui ont accès à de nombreuses ressources à proximité. Dans votre cas, c'est un peu différent, parce que le Centre est situé dans une petite municipalité. Non seulement le Centre offre des services en anglais et en français, mais une grande proportion de sa clientèle fait partie des Premières Nations. Il y a donc trois volets particuliers.
Pouvez-vous nous parler des défis en matière de ressources ou du manque de ressources pour venir en aide aux gens? Le Centre est situé à quatre heures de Toronto, et Sudbury et North Bay sont situés à une bonne distance de route.
À quels défis faites-vous face lorsque vous essayez d'aider les femmes et les enfants, en matière de logement ou de tout autre service offert?
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Je vous remercie de votre question, monsieur Serré.
Je vous suis reconnaissante de parler de notre centre avec beaucoup de compassion.
Le Centre est situé dans une petite communauté, ce qui entraîne certaines difficultés. En effet, la plupart des services à nos résidentes sont habituellement offerts à North Bay, qui est située à une demi-heure de notre centre. Aucun service n'est offert pour elles dans la petite ville de Nipissing Ouest. Par exemple, il n'y a pas assez de thérapeutes pour enfants qui parlent français, ce qui fait que la liste d'attente est vraiment longue. C'est la raison pour laquelle nous tirons avantage des connaissances de nos employés et des gens de la communauté et nous nous associons à d'autres agences pour offrir des services aux femmes et aux enfants qui en ont besoin.
[Traduction]
Nous encourageons également beaucoup les services à l'enfance. En ce qui concerne notre collectivité autochtone, au moins 18 % des habitants de Sturgeon Falls viennent de notre réserve locale. Nous avons également quelques autres réserves proches de notre ville. Ils sont tellement désavantagés par le fait d'habiter dans une petite ville que nous devons vraiment envisager tous les services que nous pourrions leur fournir, que ce soit virtuellement ou en trouvant un autre moyen de les leur offrir. Ils ont droit à tous les services dont bénéficient les habitants des grandes villes.
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Je vais me permettre de répondre rapidement.
Pour ce qui est de la définition, selon nous, ce qui est important, c'est que ce soit inclus dans la Loi sur le divorce, qui offre une définition de la violence familiale qui est exhaustive, mais qui n'englobe pas les privations de liberté, la microrégulation du quotidien, ce qui est l'essence du contrôle coercitif. Cet aspect nous semble primordial et doit être ajouté à la Loi, dans une éventuelle réforme.
Quant à la formation et aux connaissances, le fait d'améliorer cette définition dans la Loi permettrait d'offrir des balises aux magistrats, mais également aux professionnels qui travaillent avec cette loi. Cela s'ajouterait aux connaissances disponibles non seulement pour fournir des balises aux tribunaux, mais aussi pour guider les avocats et les justiciables.
Il faudra, bien sûr, ajouter une formation obligatoire, comme le disait ma collègue, pour que ce soit non seulement une connaissance qui est utilisée dans la Loi, mais qui est comprise et qui est appliquée.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie l'ensemble des témoins de leur contribution à cette étude extrêmement importante, et même cruciale.
Mes premières questions s'adresseront à Mmes Fortin et Gagnon, de Juripop.
L'une d'entre vous pourrait me répondre.
Comme votre organisme est au Québec, vous êtes sans doute au courant du rapport « Rebâtir la confiance », publié au cours des dernières, qui est le résultat d'une étude transpartisane faite par Québec sur les agressions sexuelles et la violence conjugale.
Des députés à Québec m'ont interpellée et m'ont amenée à avoir une réflexion sur la criminalisation du contrôle coercitif en me disant que c'était une recommandation qu'ils ont faite au gouvernement fédéral, que ce n'était pas de leur ressort et que ce serait au fédéral de prendre la balle au bond et de tenir compte de ce qu'ils ont constaté lors de l'étude qu'ils ont faite. Qu'en pensez-vous?
Que pourriez-vous ajouter? Avez-vous discuté avec des députés à Québec à ce sujet? s
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Vous l'avez dit, la Loi sur le divorce ne mentionne pas le contrôle coercitif. Pour les raisons que vous avez évoquées, il faut que cette notion soit incluse, en plus de celle de la violence conjugale. C'est important. Certes, au fédéral, nous parlons du droit criminel. Or, pour vous, l'angle mort du droit civil est aussi important.
Vous avez une expertise sur le plan du contrôle coercitif. D'ailleurs, dans vos remarques préliminaires, vous avez suggéré d'inclure cet angle mort en parallèle à la réflexion du Comité sur la question de l'inclusion du contrôle coercitif dans le Code criminel.
En quoi cela répond-il à ce qu'on a entendu? Autrement dit, on ne peut pas penser qu'un coup de baguette magique va tout régler. Il faudra plutôt élargir le spectre et penser à un continuum de services pour les victimes. De plus, comme vous l'avez dit, il faudra penser sous l'angle de la collaboration entre le droit civil, le droit criminel et les groupes communautaires venant en aide aux victimes.
Comment voyez-vous ce continuum de services pour vraiment répondre aux besoins exprimés sur le terrain?
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Je vais fournir une première réponse. Peut-être ma collègue M
e Fortin voudra-t-elle vous parler d'un autre volet par la suite.
La première intervenante qui a témoigné en personne devant le Comité — j'ai malheureusement oublié son nom — a donné des exemples de plusieurs femmes qui sont des victimes de violence conjugale et de contrôle coercitif et qui, pour une foule de raisons, ne porteront pas plainte à la police. Ces personnes ne bénéficieraient pas d'une éventuelle réforme du Code criminel.
Des cas de figure ont été rapportés par des témoins ce soir. Il s'agit de personnes victimes de violence conjugale et de contrôle coercitif pour qui une réforme visant à criminaliser le contrôle coercitif pourrait se retourner contre elles; ces dernières pourraient être accusées d'un tel crime par l'auteur de violence.
Nous voyons le droit de la famille comme un outil complémentaire qui permettrait à ces femmes de voir leur vécu reconnu par le système de justice. Ces femmes pourraient aussi se tourner vers le système de justice civile pour obtenir des ordonnances sécuritaires. À Juripop, nous nous tournons vers le système de justice civile pour obtenir des ordonnances de protection civile, qui sont l'équivalent civil d'un « 810 », c'est-à-dire d'une ordonnance de ne pas troubler la paix. Cet outil n'est pas parfait, mais nous l'utilisons pour assurer la sécurité des personnes que nous représentons.
Lors de ma présentation, je vous ai donné l'exemple d'une ordonnance de garde partagée pouvant alimenter le contrôle coercitif. Inversement, une ordonnance de garde exclusive ou des mesures de protection pour l'échange des enfants vont mettre fin au contrôle coercitif ou l'atténuer. Voilà comment le droit de la famille peut nous aider.
Je vais maintenant laisser ma collègue Me Fortin expliquer comment les instances peuvent collaborer entre elles.
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Je vais vous donner brièvement un exemple très concret de personnes qui ne se tourneront pas vers le système judiciaire criminel.
À Juripop, nous voyons cela souvent lors de cellules d'action concertée. Il s'agit de cellules de crise où des partenaires institutionnels et communautaires sur le terrain vont se rencontrer pour évaluer s'il y a un risque sérieux et imminent d'homicide, soit un risque qu'elle et ses enfants soient tués. Souvent, dans les cas auxquels nous avons assisté, cela porte sur le droit familial. Pendant la période postséparation, des manifestations de contrôle coercitif se manifestent. Ces gestes visent à isoler, à contrôler, à terroriser une personne et ses enfants. C'est ce qui fera que les différents intervenants se parlent, soit la police, la protection de la jeunesse, les maisons d'hébergement, les centres de crise, les agents correctionnels, les avocats en droit de la famille, les procureurs de la Couronne.
Le dénominateur commun de tout cela sera les faits rapportés par l'avocat en droit de la famille, qui aura ressorti les éléments du contrôle coercitif.
Merci beaucoup à tous les témoins d'aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à Mme Haileyesus.
Vous avez parlé de l'importance de criminaliser le contrôle coercitif, mais vous avez dit que cela devait être mis en oeuvre dans une optique anti-oppressive, intersectionnelle et tenant compte des traumatismes. C'est un point sur lequel j'ai souvent insisté au sein du Comité.
Vous avez parlé en particulier des femmes autochtones et noires. C'est très important quand on examine les statistiques. Les femmes autochtones et racisées présentent les taux de violence les plus élevés du pays, mais vous avez dit que, souvent, dans les cas de contrôle coercitif, les femmes autochtones et noires sont accusées d'être l'agresseur. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Merci beaucoup de cette question importante.
Pour commencer, je peux probablement vous donner quelques statistiques. Selon l'Enquête sociale générale - Identité sociale que Statistique Canada a menée en 2020, une personne sur cinq — 21 % des Noirs et 22 % des Autochtones — n'a aucune confiance ou peu confiance dans les services policiers. C'est une statistique que nous devons garder à l'esprit. Comme je l'ai dit, avant de criminaliser le contrôle coercitif, nous devons nous assurer que notre système judiciaire est équitable pour les collectivités noires et autochtones. Nous avons appris cela de l'Australie. En fait, j'ai déjà mentionné dans mon exposé que cela perpétue également le manque de confiance dans notre système policier chez les femmes autochtones. C'est pourquoi j'essaie de l'expliquer.
Pour les victimes, en particulier les victimes racisées, il existe également une étude qui a exploré la violence fondée sur le genre, en particulier dans les tribunaux, dans le cas des femmes des minorités raciales. Selon cette étude, le système judiciaire est déjà peu réactif et de nombreuses victimes noires, racisées et autochtones sont revictimisées durant la procédure judiciaire et font l'objet de discrimination. Certains services sont culturellement insensibles, ce qui affecte les femmes et met le système à rude épreuve.
Nous soutenons que le contrôle coercitif doit être considéré comme faisant partie de la maltraitance financière et qu'il doit être criminalisé. Parallèlement, nous voulons que notre système judiciaire soit un service pour les femmes et les personnes de diverses identités de genre, en particulier pour les personnes autochtones, noires et de couleur.
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La maltraitance financière est une forme de violence très cachée, peu remarquée et peu signalée, subie par 95 % des victimes de la violence fondée sur le genre.
Il y a trois types de maltraitance financière.
Le premier est le contrôle financier, c'est‑à‑dire lorsqu'un agresseur contrôle les dépenses, le budget et la vie entière d'une femme. C'est un contrôle coercitif.
Le deuxième type de maltraitance financière est l'exploitation financière. Il s'agit généralement d'une femme qui gagne de l'argent. L'agresseur profite d'elle et détruit sa vie économique. Il peut voler ses renseignements bancaires, utiliser de force sa carte de crédit pour l'endetter, ou encore contracter de nombreuses obligations financières en son nom. Il y a aussi la fraude, et même la fraude fiscale, et j'en passe.
Le troisième est le sabotage de l'emploi, qui consiste à empêcher une femme de retourner sur le marché du travail. Il peut s'agir de cacher la clé de sa voiture et de l'empêcher d'acheter des produits de première nécessité, comme des médicaments, des moyens de transport et des appareils de télécommunication, qui sont des ressources économiques.
La maltraitance financière a un cycle. Tout d'abord, la victime est isolée par un contrôle coercitif. Deuxièmement, la victime n'a aucune idée ou connaissance de ses droits financiers. Troisièmement, la victime ne dispose généralement pas de ressources comme des appareils de télécommunication, parce que sa cote de crédit peut avoir été détruite. Enfin, une femme n'a plus le droit d'accéder à ses comptes bancaires.
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Je vais certainement tenter de répondre à votre question, et je vais faire un lien avec les exemples donnés par la témoin précédente.
Le contrôle coercitif se déploie en trois étapes.
La première, c'est la privation de liberté, peu importe le type de liberté.
La deuxième, c'est la microrégulation du quotidien, c'est-à-dire qu'on s'attaque à tous les petits gestes du quotidien d'une personne. Cela peut aller de son alimentation à la couleur de ses vêtements, au shampoing qu'elle utilise, à ses déplacements ou à la filature.
La troisième est en lien avec les types de comportements, c'est-à-dire toute forme de violence allant jusqu'à la violence physique. On parle donc d'un schéma de comportement. Les stratégies utilisées visent à isoler une personne, à la contrôler et à lui faire peur.
Cela se produit petit à petit: on utilise souvent l'image de la cage ou de la toile qui se referme sur une personne. L'emprise va être totale, au point où la personne victime peut ne plus se rendre compte qu'elle est prise dans ce schéma de comportement.
Le groupe est si merveilleux et offre tant de renseignements que j'aimerais pouvoir vous poser à tous des questions, mais je tiens vraiment à me concentrer sur la maltraitance financière.
Meseret Haileyesus, je vous adresserai la plupart de mes questions. S'il reste du temps, je me tournerai vers d'autres personnes.
Je sais que le Centre canadien pour l'autonomisation des femmes est vraiment à l'avant-garde. Il a été le premier centre au Canada à obtenir des statistiques et à effectuer des recherches sur la maltraitance financière.
Une chose dont vous avez déjà témoigné devant ce comité — et dans ce contexte, je pense que c'est très pertinent — c'est que souvent les femmes qui sont victimes de maltraitance financière ne sont pas conscientes du fait que c'est une forme de maltraitance et qu'elles en sont victimes, et ce, parfois pendant de nombreuses années.
Je crois que nous avons observé des analogies avec le contrôle coercitif parce qu'il n'est pas défini et qu'il n'est pas visible par le public. Si quelqu'un vous frappe, vous savez qu'il s'agit de violence.
Dans le cas du contrôle coercitif et de la maltraitance financière, comment contourner ce problème, lorsque les personnes qui en souffrent n'en sont peut-être même pas conscientes, en particulier lorsqu'il s'agit du Code criminel et de formaliser les choses?
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Merci beaucoup. Je pense que c'est la raison pour laquelle nous demandons une journée nationale. Une journée nationale nous aiderait vraiment à sensibiliser les gens.
Nous avons malheureusement constaté que nos victimes ne savent même pas qu'elles sont victimes de maltraitance financière parce que l'argent est un sujet tabou, surtout dans les cultures racisées. La violence conjugale est également taboue. Il y a le pouvoir et le contrôle, et les agresseurs utilisent généralement ce pouvoir pour isoler et contrôler les victimes. C'est aussi la raison pour laquelle nous avons mentionné l'idée d'une journée nationale.
Les victimes ne comprennent pas bien, pas plus que les fournisseurs de services parfois, d'après nos statistiques. C'est très sournois.
C'est une énorme occasion pour les agresseurs de perpétuer la situation et de contrôler les autres financièrement. Et quand la victime sort du milieu familial, elle subit l'impact de la maltraitance financière. De plus, comme vous le savez, le système n'est pas conçu pour protéger les victimes. C'est là une autre forme de violence systémique pour les victimes racisées.
Sur le plan des procédures judiciaires, la sensibilisation est la chose la plus importante pour les femmes. Lorsque nous les sensibilisons, nous devons veiller à ce que cela soit inclusif. Il faut tenir compte des traumatismes et de la culture, car parler de finances est une question très délicate, qui a un lien avec le traumatisme. C'est la raison pour laquelle mon organisation adopte actuellement une approche qui tient compte des traumatismes afin d'autonomiser les femmes, car le simple fait d'en parler est un véritable déclencheur.
Par ailleurs, nous devons mener davantage de recherches sur le contrôle coercitif. Ce serait un très bon moyen d'atténuer l'incidence de la maltraitance financière et même économique.
J'ai l'impression que certains témoins ont quitté la réunion en raison de l'heure, mais je vais quand même poser ma prochaine question. Je vois que Mme Fortin, de Juripop, est toujours là.
Lors de mon premier tour de questions, on a bien expliqué ce qui se trouvait dans l'angle mort du droit civil et l'importance d'inclure la notion de contrôle coercitif dans la Loi sur le divorce. Vous avez bien expliqué les effets sur les familles et la façon dont cela échappe à notre réflexion. Ma collègue vous a posé une question sur une de vos recommandations liée à la formation des juges, mais je sais que vous n'avez pas eu le temps d'y répondre, mais je voulais aussi vous la poser.
Pouvez-vous prendre le temps de nous en dire un peu plus sur ce que cela pourrait changer concrètement dans notre réflexion sur le contrôle coercitif?
D'ailleurs, ma collègue Me Gagnon a dû quitter la réunion à 18 h 30. Elle m'a demandé de vous transmettre ses excuses.
Pour ce qui est de la formation, comme pour n'importe quoi, il faut savoir de quoi on parle. Inclure une notion comme le contrôle coercitif ou les violences familiales dans la Loi sur le divorce en établissant une définition et des limites, c'est une chose. Ensuite, il faut que les personnes qui appliquent ces limites comprennent ces notions et l'effet des violences familiales sur un enfant, notamment dans le cas de la Loi sur le divorce. Pour cela, il faut absolument qu'elles reçoivent une formation adéquate. On parle des juges, mais aussi de tous les professionnels qui travaillent auprès des personnes victimes et survivantes de violence, y compris les enfants.
En ce moment, malheureusement, ce qu'on observe devant les tribunaux, au Québec, c'est un manque de connaissances de la loi et des notions dont on doit tenir compte, comme les violences familiales, lorsqu'on prend une décision dans l'intérêt supérieur de l'enfant. On n'est pas en mesure d'avoir un raisonnement qui en tient réellement compte. Par exemple, dans le cas d'allégations de violence familiale, nous serons en mesure, comme avocates, de plaider la violence et les conséquences sur les enfants et de démontrer le schéma de comportement violent et les privations de liberté, mais les ordonnances qui vont être rendues n'y feront pas écho.
À notre avis, c'est là que la formation sera essentielle pour les personnes qui prennent ces décisions, parce que celles-ci ont un effet majeur sur les personnes victimes et survivantes, surtout en matière de garde. Cela a des effets à long terme sur toutes les sphères de la vie d'une personne victime, à la fois sur les plans physique et émotionnel, mais aussi sur le plan économique. En ce moment, il y a un écart entre les avancées qu'on réalise dans la loi et ce que nous, comme juristes, pouvons utiliser pour faire valoir les droits des personnes victimes, ainsi que les décisions rendues par les tribunaux.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
J'ai une question pour Mme Lafantaisie.
Vous avez parlé de toutes sortes de traumatismes dans les refuges, mais vous avez également parlé des traumatismes subis par les enfants qui arrivent dans les refuges et qui, souvent, sont violents envers leur mère, prenant simplement exemple sur le comportement violent du père.
Quels types d'aides complémentaires s'imposent? Souvent, lorsque nous parlons de refuges, nous parlons de la victime, de la première victime, mais nous omettons fréquemment d'analyser le modèle familial. Quels types de soutien faut‑il pour les enfants, les enfants qui subissent, directement ou indirectement, les conséquences de la maltraitance d'un parent?
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Merci, oui, par courriel. Je suis désolée. J'aurais dû le dire.
Je suis ici depuis trop longtemps.
Deuxièmement, si je peux vous demander de répondre par main levée, combien d'entre vous voudraient que le contrôle coercitif soit criminalisé?
Je vois un, deux, trois, quatre, cinq.
Madame Dzikowicz, vous n'avez pas levé la main. D'accord.
Je n'ai pas vu.... Avons-nous perdu le chef de police adjoint?
Monsieur le chef de police adjoint, avez-vous levé la main aussi?
Oui, d'accord.
Madame Dzikowicz, je vais essayer de revenir vers vous pour voir de quoi il s'agit, ou peut-être que vous pourrez le faire plus tard.
J'aimerais m'adresser à nouveau au chef de police adjoint, si vous le permettez.
Lorsque nous examinons la prévention, parce que je pense que c'est un élément important, et en particulier lorsque vous avez parlé des appels, des 26 incidents par jour... Le chef de police de ma localité m'a montré sur un tableau les appels qu'il recevait, des appels répétés à certaines adresses. C'étaient des renseignements confidentiels.
J'ai demandé: « Pourquoi un enfant de 10 ans figure‑t‑il dans votre liste d'appels répétés? » Il m'a répondu: « Parce que c'est un enfant qui se trouvait dans la maison lors d'un appel pour violence conjugale. »
Je vois le chef de police adjoint secouer la tête.
Quelle formation suivez-vous dans le domaine de la violence conjugale? Hier soir, j'ai parlé à un agent de libération conditionnelle qui m'a dit qu'ils ne reçoivent aucune formation.
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Merci de cette question.
Encore une fois, par souci de clarté, oui, absolument, j'aimerais que le contrôle coercitif soit mentionné dans le Code criminel, mais en tant qu'outil et probablement avec une évaluation plus large de l'endroit où se trouvent les lacunes. Sans cela, je ne pense pas que cela aura l'impact souhaité.
En ce qui concerne la formation, celle que nous avons mise au point tient compte des traumatismes et elle est vraiment réalisée de concert avec nos partenaires communautaires. Nous disposons ici d'un modèle unique. Il s'agit de l'une des plus grandes unités centralisées hors site de lutte contre la violence entre partenaires intimes du pays. Elle se compose de 24 partenaires différents, tous experts en la matière. Ce sont des prestataires qui ont cerné le type de formation qu'à leur avis, nos agents de police devraient recevoir. En général, la police a une approche très exclusive, où nous essayons de dire à la collectivité ce que nous pensons être le mieux et comment les services devraient être fournis.
À Peel, nous nous sommes écartés de cette approche. Nous comptons beaucoup sur nos partenaires pour nous aider à concevoir cette formation, à repérer les formations auxquelles nous devrions participer et à travailler en réalité... C'est l'occasion pour la collectivité de faire valoir son point de vue.
Je vais vous donner un exemple. Encore une fois, je reviens à l'unité parce que je pense que c'est important. L'image d'un agent de police habillé comme moi, répondant à un appel et gérant un cas, n'existe pas à Peel. Nous avons, je crois, près de 20 langues représentées dans notre unité de lutte contre la violence entre partenaires intimes parmi les agents qui travaillent avec les fournisseurs de services. Cette unité est extrêmement diversifiée. En fait, c'est l'une des unités les plus diversifiées que nous ayons, qui répond aux besoins de la collectivité. Nous avons même des survivants de la violence entre partenaires intimes qui ont leur propre expérience.
Je pense vraiment que c'est l'un des éléments cruciaux. Il faut un avocat qui comprenne nos survivants, s'y intéresse, s'engage auprès d'eux et soit prêt à les défendre au sein de la collectivité. En ce qui concerne la formation, nous disposons d'un nombre infini d'éléments. Je ne veux pas prendre trop de temps.
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Merci. Je vous remercie.
Lorsque j'ai parlé de l'enfant de 10 ans, ce que j'essayais de faire ressortir, c'est l'impact à long terme et la prévention. Si les enfants grandissent en regardant la violence entre partenaires intimes ou s'ils sont présents lors d'appels multiples, la probabilité qu'ils poursuivent et aient des relations malsaines est énorme.
Je vais essayer de poser deux questions dans le peu de temps qui m'est imparti.
Madame Haileyesus, j'aimerais entendre vos recommandations en matière d'éducation financière pour les élèves du secondaire. Ils sont si nombreux à ne pas savoir s'ils sont dans une situation de contrôle coercitif ou de contrôle financier. Si cela est mis en oeuvre dans l'ensemble du système d'éducation... Je pense que la compréhension de l'autonomie financière pourrait être très bénéfique.
Madame Dzikowicz, comment aidez-vous les enfants qui ont été exposés à la violence entre partenaires intimes à rompre avec ces schémas de relations malsaines?
Je suis presque sûre que nous n'avons plus de temps.
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Ce sont des choses difficiles.
Je tiens à préciser ceci: si je n'ai pas levé la main, ce n'est pas parce que je suis opposée à la criminalisation des comportements coercitifs, mais plutôt parce que j'hésite à accorder trop d'importance à la criminalisation d'autres comportements encore quand j'estime que nous ne sommes toujours pas équipés pour répondre efficacement aux violations qui relèvent déjà du Code criminel.
Pour répondre à votre question, madame Ferreri, nous recevons des enfants qui sont témoins d'actes de violence et de l'agression de leurs parents. Si vous parlez à nos enquêteurs, ils vous diront que ce sont les entretiens les plus difficiles. Ils écoutent les enfants parler des préjudices importants qu'ils ont subis. Le fait d'assister à l'agression d'un parent ébranle les enfants au plus profond d'eux-mêmes et les prive de tout sentiment de sécurité.
Je pense qu'il s'agit de trouver des moyens de répondre plus efficacement aux crimes que nous avons — en utilisant la prévention et d'autres moyens. La criminalisation n'interviendra que lorsque nous pourrons commencer à prendre de l'avance sur les réponses efficaces pour les enfants.
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Merci beaucoup pour cette question.
Je parle du point de vue particulier d'un centre de défense des intérêts des enfants. Il en existe dans la plupart des grandes villes du pays. Je parle également des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et survivantes, qui existent pour les adultes vivant cette expérience. Ces genres d'environnements servent à créer un atterrissage en douceur chez nos partenaires de la justice pénale, les forces de l'ordre, les services de protection de l'enfance et tous ces organes de réponse essentiels qui nous intéressent tous grandement. Je crois que nous voulons tous que la justice pénale soit efficace lorsqu'elle doit l'être et que les délinquants soient poursuivis.
Nos genres d'environnements créent des voies où les enfants peuvent se manifester, et où d'autres personnes vulnérables peuvent se manifester et se sentir en sécurité en franchissant les portes. Elles n'entreraient pas forcément dans un poste de police pour porter plainte, ou n'iraient pas dans un hôpital s'asseoir dans une salle d'attente, attendant de faire l'objet d'un triage entre plusieurs personnes. Elles peuvent entrer dans un espace où elles sont soutenues par des défenseurs des victimes dès le début du signalement et tout au long de leur parcours. Ensuite, nous pouvons poursuivre en justice et, avec un peu de chance, obtenir gain de cause. Que les poursuites aboutissent ou non, les victimes bénéficient d'un soutien permanent.
Je pense que des environnements comme le nôtre sont essentiels. Il est essentiel pour les jeunes et les adultes que l'on crée davantage d'environnements comme celui‑ci partout au Canada. C'est ce que j'entends par « voies plus sûres ». Beaucoup de nos collectivités des Premières Nations et de nos nouveaux arrivants ont eu des expériences très négatives avec certains de ces systèmes — non seulement au Canada, mais dans leurs pays d'origine également. Nous devons intégrer ces réponses là où elles deviennent cruciales, en les enveloppant dans un environnement de soins communautaires et en reconnaissant le racisme systémique et les expériences qu'ils ont pu vivre dans le passé.
C'est ironique, mais nous avons besoin de professionnels comme les forces de l'ordre pour nous aider. La plupart des personnes qui travaillent dans ces espaces particuliers sont des êtres humains phénoménaux. Cela ne change rien aux expériences négatives que quelqu'un peut avoir. Lorsqu'une personne a été confrontée à ce genre de négativité et que ce sont les personnes mêmes sur lesquelles elle compte en cas de besoin... Nous devons changer cette voie.
À ce stade, nous avons terminé le deuxième tour. Nous avons commencé à 17 h 19, alors pour les travaux du Comité, j'aimerais commencer vers 19 h 3 ou 19 h 4.
Cela dit, nous disposons d'un créneau d'environ cinq ou six minutes. Nous ne ferons pas un tour complet. Voulez-vous vous arrêter là, excuser nos témoins et passer directement aux travaux du Comité, ou le Comité souhaite‑t‑il entamer un troisième tour et obtenir...?
Je pense que je vois que nous allons simplement... Vous savez, nous avons reçu un nombre considérable de témoignages à ce stade. Sauf avis contraire, nous allons excuser nos témoins.
Merci beaucoup pour vos témoignages aujourd'hui. Nous vous en sommes reconnaissants.
Nous allons attendre quelques minutes, puis nous passerons à huis clos.
Des voix: Merci.
[La séance se poursuit à huis clos.]