:
Je déclare la séance ouverte.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue à la 122e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes.
[Traduction]
J'aimerais rappeler à tous les députés les points suivants. Veuillez attendre que je vous appelle par votre nom avant de parler. Tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Veuillez lever la main si vous souhaitez parler, que vous soyez présents en personne ou sur Zoom.
[Français]
Je vous remercie à l'avance de votre coopération.
[Traduction]
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et de la motion adoptée par le Comité, le lundi 27 novembre 2023, le Comité poursuit son étude sur le comportement coercitif.
Avant d'accueillir les témoins, j'aimerais faire une mise en garde. Nous discuterons d'expériences liées à la violence et au contrôle coercitif. Cela peut déclencher des réactions chez les personnes qui nous regardent et auraient vécu de telles expériences. Si vous vous sentez angoissé ou avez besoin d'aide, veuillez en informer la greffière. Pour toutes les témoins et tous les députés, il est important de reconnaître qu'il s'agit de décisions et de discussions très difficiles. Essayons de faire preuve de compassion, autant que possible, dans nos discussions.
J'aimerais maintenant accueillir les témoins.
Aujourd'hui, trois témoins comparaissent, à titre personnel, par vidéoconférence. Elles ont choisi de garder l'anonymat. On les appellera témoin 1, témoin 2 et témoin 3. Je demanderais à tous les députés de bien vouloir les appeler ainsi.
Nous accueillons également, par vidéoconférence, Mme Heidi Illingworth, directrice exécutive des Services aux Victimes d'Ottawa.
Témoin 1, veuillez commencer. Vous avez cinq minutes.
Merci.
J'aimerais sincèrement vous remercier tous de votre engagement envers le bien-être des femmes et des filles canadiennes et de me donner l'occasion de vous parler, aujourd'hui.
Je suis médecin. Je travaille principalement dans le domaine des soins contre le cancer. Comme le cancer, le comportement coercitif est endémique dans notre société, souvent caché et insidieux. Il touche les femmes de toute origine raciale, de tout statut socioéconomique, de tout âge et de toute religion.
Cela fait maintenant cinq ans — et ce n'est pas fini — que je me retrouve devant le tribunal de la famille, parce que mes enfants et moi avons dénoncé le comportement coercitif de mon ex‑époux, qui se défend en faisant de fausses allégations d'aliénation parentale. Les gens qui ont un comportement coercitif ne se contentent pas de nier être violents; ils détournent souvent l'attention de leur comportement en se présentant comme une victime. L'une des méthodes les plus courantes consiste à accuser la mère d'aliénation parentale. L'aliénation parentale est définie comme les « tentatives délibérées d'un parent d'empêcher ou de compromettre la relation de l'enfant avec l'autre parent ».
Voici ce qu'a écrit, en avril 2023, la rapporteuse spéciale de l'ONU sur la violence contre les femmes et les filles, Reem Alsalem:
[…] des auteurs de violences utilisent le pseudo-concept d'aliénation parentale, non scientifique et largement réfuté, dans le cadre de procédures relevant du droit de la famille pour continuer à commettre des violences et maintenir leur emprise et pour contrer les allégations de violence domestique formulées par des mères qui cherchent à protéger leurs enfants.
En plus de subir le traumatisme lié aux allégations d'aliénation, les enfants sont par la suite forcés de participer à une thérapie de déprogrammation intensive visant à ce qu'ils reconstruisent leur relation avec le parent dangereux. Cette thérapie peut être offerte sous différentes formes et porte de nombreux noms. On peut l'appeler thérapie de réunification, de réintégration ou de réconciliation. Même l'expression « thérapie familiale », quand elle est utilisée par certains thérapeutes, est le nom en apparence anodin donné à une thérapie de réunification voilée. Cette thérapie n'est pas réglementée et n'est appuyée par aucune documentation indiquant qu'elle est efficace. En fait, les ouvrages et les nombreux témoignages de jeunes décrivent ses conséquences négatives sur le plan psychologique à court et à long terme.
La thérapie peut être offerte sous la forme de séances fréquentes à l'externe. Dans certains cas, les enfants sont envoyés contre leur gré dans un camp de plusieurs jours, comme Family Bridges, au Canada. Certains enfants sont même envoyés clandestinement de l'autre côté de la frontière par des agents qui les transportent vers des centres aux États-Unis, comme le Turning Points for Families, dans l'État de New York. Dans son rapport, la rapporteuse spéciale a demandé aux États d'interdire l'utilisation de l'argument de l'aliénation parentale dans les tribunaux de la famille et d'interdire toute forme de thérapie de réunification. L'interdiction des thérapies et des centres de réunification est actuellement en vigueur dans de nombreux États américains.
Les tactiques utilisées dans les thérapies de réunification sont similaires à celles utilisées dans les thérapies de conversion. On a recours aux menaces, à l'intimidation, à la violence verbale et au déni forcé de la réalité pour tenter de déprogrammer les jeunes. Les thérapies de conversion sont interdites au Canada, toutefois, les thérapies de réunification demeurent une « solution » courante, ordonnée par les tribunaux de la famille. Si elles ne sont pas ordonnées, les mères sont souvent poussées à y consentir, de peur que le tribunal leur enlève la garde des enfants si elles ne le font pas.
En tant que médecin, je trouve effarant que l'on déroge à la Loi canadienne sur la santé et que l'on fasse fi du consentement des enfants à suivre un traitement, pour forcer une relation entre un enfant et son parent dangereux, au moyen de la thérapie de réunification. En outre, on ne croit pas les enfants et on ne tient pas compte de leurs souhaits, ce qui viole la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant.
Étant donné que mon ex‑époux a pu convaincre la personne chargée de l'évaluation de la garde et les thérapeutes spécialisés en thérapie de la réunification que j'ai eu des comportements aliénants, mes enfants ont suivi deux séries de cette thérapie. J'ai vu de mes yeux ces thérapeutes rejeter des dénonciations d'actes de violence en disant aux enfants qu'ils ne se souvenaient pas correctement des événements et qu'ils devaient les oublier et passer à autre chose. Ils trouvent des excuses au parent dangereux afin de normaliser ou de minimiser ses actes. Voici des exemples: « Ta mémoire n'est pas très bonne quand tu es émotif; ce n'est pas comme ça que ça s'est passé. » Ou « C'étaient des erreurs; ton père était stressé ce jour‑là. »
Plus l'enfant essaie de se défendre, plus la thérapie devient intense et agressive, et plus le comportement de l'enfant est décrit comme étant pathologique, perturbé, défiant et une manifestation d'aliénation.
En ce qui concerne les recommandations, la criminalisation du comportement coercitif est, en théorie, un excellent pas en avant. Cependant, la Loi doit être libellée de façon à protéger les mères accusées d'aliénation. Les partisans de l'aliénation travailleront d'arrache-pied pour la présenter comme une forme de comportement coercitif. Les conséquences sur les mères peuvent être désastreuses, car elles seront mises à l'amende ou emprisonnées pour aliénation parentale.
Si l'on supprime les mesures correctives imposées par les tribunaux, comme la thérapie de réunification, l'annulation de la garde et les ordonnances de non-communication, les allégations d'aliénation disparaîtront, puisqu'elles n'entraîneront plus de conséquences financières et émotionnelles néfastes pour les mères et les enfants.
On peut apporter de nombreux autres changements utiles. Les évaluateurs spécialisés dans les questions de garde des enfants, les travailleurs de la Société d'aide à l'enfance et les cliniciens chargés de ces dossiers doivent effectuer des évaluations normalisées du risque. Il faut respecter les souhaits des enfants. Il faut croire les récits de violence des mères et des enfants. Les enfants devraient avoir accès à des avocats pour que leurs souhaits et leurs expériences soient directement communiqués au tribunal.
Je demande à ce que la Loi s'aligne sur les recommandations de l'ONU, plus spécifiquement d'interdire l'utilisation de l'argument de l'aliénation dans les tribunaux de la famille et d'interdire toute forme de thérapies et de centres de réunification.
Merci beaucoup de m'avoir écoutée.
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Merci beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser à vous, aujourd'hui.
Je suis une Canadienne âgée de 18 ans, et j'ai survécu à des comportements coercitifs et à une thérapie de réunification. J'espère donner un aperçu du large éventail de ce que les jeunes Canadiens vivent sous la menace que le parent préféré soit accusé d'aliénation parentale dans le cadre des différends relatifs à la garde des enfants devant les tribunaux de la famille.
Quelques jours après que l'on a appris la séparation de mes parents, on nous a amenés, l'autre membre de ma fratrie et moi, à une thérapie de réunification visant à rétablir notre relation avec notre père. Quand on nous a posé des questions sur ce que nous vivions à la maison, nous avons expliqué que notre père a été absent tout au long de notre vie et qu'il était donc un étranger pour nous. Quand il était là, il se fâchait facilement et nous faisait subir de la violence psychologique, à notre mère et à nous. Il y a de nombreux exemples, par exemple me crier au visage, me dire des grossièretés, me traiter de tous les noms et me faire des commentaires homophobes, écouter mes conversations, me surprendre, me surveiller, me forcer à avoir des gestes affectueux envers lui, me menacer et me filmer sans mon consentement.
L'autre membre de ma fratrie et moi évitions d'avoir des interactions avec lui, parce que son comportement était imprévisible, qu'il nous rendait nerveux et nous faisait peur. Pendant les séances de thérapie de réunification, nous avons vu notre père flirter de manière inappropriée avec la thérapeute et constamment mentir. Par conséquent, la thérapeute a nié notre réalité. Quand nous avons décrit les incidents de violence psychologique, notre père a dit à la thérapeute qu'ils ne s'étaient pas produits. La thérapeute nous a dit que nous devions voir les choses du point de vue de notre père, que nous ne nous souvenions pas correctement des choses...
On nous a dit que notre père était stressé et qu'il avait fait quelques erreurs, que nos limites n'étaient pas correctes, que nous devions être éduqués parce que nous ne comprenions pas les limites dans les relations et que nos pensées étaient désordonnées et déformées. La thérapeute nous a également demandé de regarder notre père dans les yeux et de lui dire que nous l'aimions, parce que dire à notre père que nous l'aimions arrangerait les choses.
Dans l'ensemble, on nous a fait des reproches et on nous a dit à plusieurs reprises que nous devions changer de comportement et de point de vue pour arranger les choses. On nous a ignorés et on nous a constamment demandé quelle était la réaction de notre mère aux événements violents. Je n'ai pas compris à ce moment‑là, mais je me suis plus tard rendu compte que c'était une tentative de renforcer les accusations d'aliénation contre ma mère.
L'autre membre de ma fratrie et moi avons tenté de refuser de participer à la thérapie, mais on nous a dit qu'il nous fallait y aller. Nous avions chacun une séance d'une heure et demie par semaine avec la thérapeute, seuls, ensemble ou avec notre père. En plus de cela, on nous a vite imposé de faire des activités, toutes les fins de semaine, avec la thérapeute et notre père, pendant quatre heures, sans notre mère; on faisait de la pâtisserie, on faisait les magasins, on cuisinait et on faisait des excursions. Quand nous avons demandé combien de temps nous devions faire cela, on ne nous a donné aucune date.
Après de nombreuses séances, l'autre membre de ma fratrie et moi avons refusé de poursuivre la thérapie. Nous pensions que ce serait la fin de notre cauchemar. Au lieu de cela, nous avons fait l'objet d'une évaluation en matière de garde au titre de l'article 30. C'était encore pire. L'évaluatrice a parlé avec la thérapeute de la réunification pour avoir son avis. L'autre membre de ma fratrie et moi avons de nouveau décrit les nombreux incidents de violence. Mon père s'est présenté comme la victime, et l'évaluatrice a cru en ses nombreux mensonges. On ne nous a pas crus, on ne nous a pas écoutés et on nous a fait sentir que nous étions le problème. On nous a dit qu'il fallait oublier le passé et arrêter de penser à ces événements parce qu'ils ne s'étaient pas vraiment produits. L'évaluatrice m'a dit que je voyais en noir ou blanc, sans nuances, et que je devais arrêter d'être têtue et changer ma façon de penser. L'évaluatrice a également dit que j'étais trop émotive, que mes émotions déformaient ma mémoire, que j'avais un comportement défiant, que j'étais immature et étroite d'esprit et que je risquais fortement d'avoir des problèmes de santé mentale si je n'avais pas de relation avec mon père.
J'ai demandé qu'un avocat nous représente et fasse directement part de nos souhaits, mais un juge ne l'aurait pas autorisé parce qu'une évaluatrice s'occupait de notre dossier. Nous avons dû commencer une deuxième série de séances de thérapie de réunification. Cette fois‑là, c'était dans un bureau qui se trouvait à plus d'une heure de chez nous et de notre école. C'était la même chose. On nous a dit que nous étions le problème.
Les séances avec les thérapeutes et l'évaluatrice étaient stressantes et traumatisantes, avec en toile de fond les traumatismes que j'avais vécus avec mon père pendant des années, auparavant. Nous avons ensuite dû faire encore d'autres séances avec l'évaluatrice, qui voulait évaluer l'évolution de la thérapie de réunification avec notre père. C'était pire.
Le comportement de mon père n'a pas changé, et personne ne l'a tenu responsable tout au long de ce processus. Personne dans ma vie...
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À part l'évaluatrice et les thérapeutes spécialisés en thérapie de la réunification, personne dans ma vie n'a jamais dit que j'étais malhonnête ou que j'avais des pensées désordonnées.
Encore une fois, j'ai demandé à parler à un juge. On nous a dit que nous pourrions parler au juge, mais seulement après la décision de première instance du procès de mon père. Cela m'a vraiment bouleversée, puisque nous voulions pouvoir dire au juge que mon père avait menti à tout le monde tout au long de ce procès... lui dire ce qui s'était vraiment passé dans nos vies.
Tout mon parcours à l'école secondaire et toute mon adolescence ont été entachés par ces expériences. Les accusations d'aliénation parentale contre ma mère l'ont réduite au silence. Elles ont également réduit l'autre membre de ma fratrie et moi au silence. Cela nous a privés de nos droits et d'un accès à des ressources d'aide.
Ignorer les signalements de mauvais traitements faits par les enfants, ne pas respecter leurs souhaits en matière de calendriers de garde parentale et les forcer à suivre des thérapies et à aller dans des centres de réunification, c'est de la violence envers les enfants canadiens et une violation de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant.
Je demande au Comité de bien vouloir protéger les droits des jeunes victimes de comportement coercitif en créant une loi pour s'assurer que l'avocat de l'enfant, ou un clinicien spécialisé dans les mauvais traitements, soit autorisé à intervenir, afin que les expériences et les souhaits des enfants soient directement présentés au tribunal. Je vous prie aussi de créer une loi pour interdire les accusations d'aliénation parentale devant le tribunal de la famille et toutes formes de thérapie et de centres de réunification. Le bien-être des enfants canadiens en dépend.
Merci beaucoup.
En tant que mère qui a été décrite comme un parent aliénant, j'ai également été décrite par le tribunal de la famille comme étant une personne qui exerçait un contrôle coercitif.
La criminalisation du contrôle coercitif en tant que tel exposerait les personnes qu'elle est censée protéger à un risque accru, si l'utilisation de l'argument de l'aliénation parentale et les mesures correctives qui y sont associées demeurent une option pour les juges des tribunaux de la famille.
Cela fait maintenant 1 033 jours que je n'ai pas eu de contact avec mon enfant, en raison de l'utilisation de l'argument de l'aliénation parentale comme stratégie juridique. Aucun contact signifie aucune visite, aucune carte, aucun congé des fêtes, ni aucun appel téléphonique.
Mon jugement prévoyait le transfert immédiat de la garde, avec clause de mise à exécution par la police. Le parent non préféré s'est vu accorder la garde exclusive, la responsabilité exclusive des décisions et une ordonnance de non-communication à durée indéterminée, et il a été obligé de participer à une deuxième série de séances de thérapie de réunification. Cette ordonnance contredit directement les recommandations du Bureau de l'avocat des enfants, qui recommandais que j'aie la garde exclusive et la responsabilité des décisions.
En 2020, la professeure Joan Meier a publié des preuves empiriques qui montraient que les allégations d'aliénation sont efficaces pour porter atteinte aux mères et qu'elles doublent le taux de perte de la garde de leurs enfants. Le jugement rendu à l'égard de notre famille renforce davantage la légitimité de cette étude et est cohérent avec ses conclusions, publiées dans le Journal of Child Custody, en ce qui concerne les enfants qui ont été retirés de force à leur parent préféré: « Dans ces cas, les enfants ont souffert d'anxiété, de dépression, de TSPT, de comportement d'automutilation et de tendances suicidaires, et certains ont fait de multiples fugues, s'exposant ainsi à d'autres préjudices, comme l'itinérance et la traite de personnes à des fins sexuelles. »
Le contenu de ce journal est aujourd'hui devenu la réalité de mon enfant. L'impression clinique de mon enfant, comme documenté par l'Hôpital pour enfants malades et le Centre de toxicomanie et de santé mentale, s'aligne sur ce que dit le Journal of Child Custody en ce qui concerne les enfants qui ont été retirés de force à leur parent préféré.
Depuis le transfert de la garde et l'absence de contact, depuis presque trois ans, mon enfant a reçu un diagnostic d'idées suicidaires, d'anxiété, de dépression et de comportement d'automutilation. Avant le transfert de la garde, mon enfant n'avait aucun problème de santé mentale. Encore une fois, les détails de mon affaire concordent avec le Journal of Child Custody, car mon enfant a également fugué de l'école et de la maison. À chaque fois, elle était de nouveau traumatisée, et ses appels à l'aide ont été accueillis par des agressions, des séquestrations et des punitions.
En général, l'issue dans les affaires dont les tribunaux de la famille sont saisis, comme la mienne, est que le parent préféré est rayé de la vie de l'enfant. Les mesures correctives associées à l'aliénation parentale sont hypocrites. Pour réparer la relation entre l'enfant et le parent non préféré, ils font complètement disparaître le parent préféré. Ils mettent immédiatement fin à tout contact avec le parent préféré, les membres de sa famille et ses amis, et demandent même que l'enfant change d'école et de médecins.
Une autre conséquence pour les enfants touchés par la pseudoscience de l'aliénation parentale, c'est que toutes les ressources mises en place pour aider les enfants, comme les sociétés d'aide à l'enfance, le Bureau de l'avocat des enfants de l'Ontario, les médecins, les travailleurs sociaux dans les écoles et les professionnels de la santé mentale, deviennent caduques quand il y a des accusations d'aliénation parentale. Aucun des intervenants ou des organismes que je viens de nommer n'a tenté d'aider mon enfant. Lorsque c'est le parent non préféré qui présente l'ordonnance du tribunal, toutes les préoccupations concernant le bien-être, la santé mentale ou la vie de l'enfant sont mises à l'écart.
Les accusations d'aliénation parentale peuvent être aussi simples que ceci: le parent préféré n'a pas de photos du parent non préféré dans les parties communes de son domicile, les enfants ne sourient pas sur les photos avec le parent non préféré, ou les enfants ne disent pas au parent non préféré qu'ils l'aiment et le parent préféré est aliénant parce qu'il n'oblige pas les enfants à le faire. Cela s'applique à l'affection physique. Le parent préféré doit obliger les enfants à prendre le parent non préféré dans leurs bras; autrement, cela est considéré comme un comportement d'aliénation.
Les ouvrages cliniques montrent que le point de vue et les préférences de l'enfant sont restés les mêmes, c'est‑à‑dire qu'il veut être sous la responsabilité principale de sa mère. Les rapports scolaires et médicaux concordent sur le fait que mon enfant est intelligente, mature et brillante; toutefois, ses opinions et préférences ne sont toujours pas respectées.
Les enfants sont en fin de compte les victimes, dans le processus qui leur est imposé par un juge s'appuyant sur la pseudoscience de l'aliénation et sur toutes les mesures correctives contraires à l'éthique et traumatisantes qui y sont associées.
En conclusion, je recommande que le gouvernement canadien adopte les recommandations formulées par la rapporteuse spéciale de l'ONU et l'Association nationale Femmes et Droits, l'ANFD. De plus, je recommande d'enlever aux tribunaux de la famille la capacité d'ordonner le transfert de la garde, de délivrer des ordonnances de non-communication, des thérapies de réunification sous toutes leurs formes et le recours à des agents de transport.
Merci.
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Merci beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser au Comité.
J'aimerais remercier les trois témoins, qui ont parlé avant moi, de leurs déclarations très percutantes.
Je suis ici aujourd'hui en tant que représentante des Services aux Victimes d'Ottawa, un organisme communautaire chargé de fournir des interventions en cas de crise aux victimes d'un crime ou de situations tragiques, dans toute la ville d'Ottawa. En 2023‑2024, nous avons servi 4 292 personnes, dont 1 287 étaient des survivants de la violence familiale et conjugale, ce qui représente environ 30 % de nos dossiers. Nos clients font régulièrement état des multiples formes de comportements coercitifs et contrôlants de la part de leur partenaire intime, y compris l'isolement, l'intimidation, la surveillance, l'accès limité aux ressources financières, la violence psychologique et les menaces, et d'autres formes de manipulation psychologique qui sapent leur autonomie et leur estime de soi. Dans le cadre de notre travail quotidien, en première ligne, nous voyons la nécessité d'une réponse pénale au contrôle coercitif.
Actuellement, les infractions prévues dans le Code criminel permettent d'intervenir dans les situations de violence familiale et de violence conjugale, mais ces infractions ont été définies pour répondre au problème de la violence publique des hommes à l'égard d'autres hommes. Le Canada ne dispose pas de loi spécifique et claire définissant ce qu'est la violence dans le contexte des relations intimes ou privées. Selon moi, l'État a délibérément omis de reconnaître la violence conjugale, dans le contexte familial, comme l'épidémie qu'elle est aujourd'hui. Cela s'explique en grande partie par le fait qu'il s'agit d'un enjeu genré qui a des répercussions négatives sur les femmes, les enfants et les personnes ayant diverses identités de genre. La loi ne reflète pas actuellement la réalité des victimes ni la véritable nature du préjudice, comme vous venez de l'entendre, parce qu'elle n'inclut pas de nombreux aspects de la violence dans le contexte privé. Je crois qu'un changement est nécessaire pour changer de manière significative la manière dont l'État réagit à la violence familiale au Canada.
Je pense que nous pouvons faire une différence en élargissant d'abord la définition de la violence. Les lois actuelles sont axées sur la violence physique ou les menaces de préjudice physique. Le contrôle coercitif comprend une variété de comportements, comme la manipulation psychologique, l'isolement et le contrôle financier, qui peuvent être tout aussi préjudiciables, mais qui ne sont pas saisis par les lois actuelles. En criminalisant le comportement coercitif, le système juridique reconnaîtrait et ciblerait ces formes de violence, et il offrirait une plus grande protection aux victimes qui n'ont peut-être pas subi de préjudice physique, mais qui sont souvent paralysées par la peur causée par la violence psychologique et la manipulation de leurs partenaires.
Je pense également qu'un changement culturel est vraiment important et nécessaire. Nous devons commencer à considérer le contrôle coercitif comme un problème grave, plutôt que comme un aspect mineur, aspect privé ou normal des relations. La violence conjugale est un fléau, et nous devons prendre des mesures pour lutter pleinement contre ce fléau. La criminalisation aidera à changer la perception du public, à réduire les préjugés liés au fait de demander de l'aide et à mieux définir ce qu'est la violence et ce qu'est une relation saine.
De plus, il est vraiment essentiel de nous pencher sur la question de l'intervention précoce. La criminalisation du contrôle coercitif permettrait aux autorités d'intervenir rapidement. Nous voulons être en mesure d'intervenir, en tant que fournisseurs de services, avant que les comportements ne se transforment en violence physique. Nous pouvons prévenir davantage d'actes de violence grave et apporter plus tôt un soutien aux victimes. Il s'agit là des éléments clés de la prévention des féminicides au Canada. De nombreux examens d'homicide au sein de la famille et de nombreuses recherches universitaires menées au Royaume-Uni, au Canada, en Australie et aux États-Unis ont établi que le contrôle coercitif était un signe précurseur important dans de nombreuses affaires d'homicide au sein de la famille. Souvent, le contrôle coercitif précède, accompagne ou incarne les formes plus graves de la violence, y compris les homicides commis par un partenaire intime. La récente enquête CKW sur l'assassinat de trois femmes dans le comté de Lanark, en Ontario, a recommandé ceci, c'est la recommandation 85: « Inclure le “contrôle coercitif”, tel que défini dans la Loi sur le divorce, comme infraction criminelle en soi ou comme type d'agression en vertu de l'article 265 du Code criminel. »
Je n'insisterai jamais assez sur ce point: le contrôle coercitif est un signal d'alerte. De nombreuses études ont révélé que le contrôle coercitif est une caractéristique commune dans les affaires d'homicide au sein de la famille. Les victimes sont souvent soumises à de la violence psychologique, à la manipulation et à un contrôle pendant de longues périodes avant que la situation ne dégénère en violence ou en homicide.
J'aimerais formuler deux ou trois recommandations, aujourd'hui, et me faire l'écho des trois témoins qui ont comparu avant moi.
Comme vous l'ont dit les représentants de l'ANFD, nous savons que de nombreuses victimes de violence conjugale ne vont pas voir la police. Cependant, celles qui ont des enfants vont interagir avec les organismes d'application de la loi, dans le contexte du droit de la famille. On sait que les agresseurs continueront d'être violents et contrôlants, après la séparation, en exerçant une violence judiciaire. Par conséquent, il est important de traiter la question du contrôle coercitif dans le droit de la famille. En particulier, nous nous faisons l'écho de l'ANFD qui demande au Comité de recommander que le gouvernement du Canada modifie la Loi sur le divorce pour interdire les accusations d'aliénation parentale devant les tribunaux de la famille.
J'aimerais également reprendre la recommandation qui vous a été présentée plus tôt par le Centre canadien pour l'autonomisation des femmes, visant à demander au gouvernement de reconnaître l'aspect genré de la violence familiale et le fait que le contrôle coercitif est profondément ancré dans l'inégalité entre les sexes. Nous recommandons une augmentation du financement des services pour protéger et soutenir de manière adéquate les victimes et les survivants, avant et après la séparation. Nous recommandons un cadre holistique qui peut soutenir et protéger de manière adéquate les femmes dans les situations de violence, surtout au regard des différentes réalités intersectionnelles, comme les nouvelles arrivantes, les immigrantes, les personnes de diverses identités de genre, les Noires, les Autochtones et les autres personnes de couleur, les handicapées, les femmes âgées et les jeunes femmes, qui sont toutes exposées à un risque accru de violence.
Enfin, nous recommandons d'inclure également la violence économique et financière dans le contexte du contrôle coercitif et d'inclure la violence après la séparation, si l'on compte faire du contrôle coercitif une infraction.
:
Merci, madame la présidente.
Merci aux témoins d'être présentes pour notre étude visant le comportement coercitif. Votre opinion est importante, et nous sommes ravis de vous accueillir ici.
Je vais commencer par Mme Illingworth.
Madame Illingworth, je vous remercie du travail que vous faites.
Lorsqu'il y a une augmentation de 50 % des crimes, cela signifie qu'il y a 50 % plus de victimes. Je crois que c'est un élément important que les gens oublient lorsqu'ils regardent les statistiques.
Vous avez dit précédemment que, « Nous avons constaté que la Charte [la Charte canadienne des droits des victimes] n'a pas réussi, dans une large mesure, à soutenir les personnes victimes d'actes criminels et à leur donner les moyens de faire valoir leurs droits. J'ai demandé un examen parlementaire de la Charte et émis 15 recommandations de mesures législatives et administratives à l'intention du gouvernement du Canada. »
Quelle réponse avez-vous reçue du gouvernement?
:
Nous avons entendu beaucoup de témoignages, ici, au sujet de... Madame Illingworth, l'une de vos recommandations était de retirer le terme « aliénation parentale » de la Loi sur le divorce.
Je vais m'adresser à la témoin 1, qui dit être médecin.
Vous avez proposé une analyse normalisée des risques. Évidemment, puisque vous êtes médecin, vous comprenez bien la structure des systèmes. Comment est‑il possible de prévenir l'aliénation parentale? C'est un phénomène réel, même si le témoignage que nous avons entendu aujourd'hui est terrible. C'est une violation. Ce que vous avez vécu est inacceptable. C'est criminel. Que nous recommanderiez-vous de faire pour que les parents n'utilisent pas leurs enfants pour les aliéner? Est‑ce que des libellés devraient être modifiés? Quelles sont vos recommandations, témoin 1?
Madame Illingworth, vous pouvez également faire des propositions, si vous le souhaitez. Nous cherchons le bon libellé. Si nous retirons ces mots de la Loi sur le divorce, pourrons-nous encore assurer la sécurité des enfants?
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Je crois que nous devons revenir aux débuts du phénomène de l'aliénation parentale. Il a été créé au début des années 1980 par un psychologue très critiqué, qui a utilisé le concept d'aliénation parentale pour détourner l'attention des accusations d'agressions sexuelles portées contre les pères. Il est utilisé depuis ce temps comme vecteur de violence contre les femmes. Vous pouvez tous chercher sur Google son créateur; son nom est Richard Gardner. Il a dit « il y a un peu de pédophilie en chacun de nous » et que « l'enfant qui a été victime d'une réelle agression sexuelle peut très bien avoir apprécié l'expérience ». Il a lancé le phénomène.
Le concept d'aliénation parentale a évolué et il est utilisé lorsqu'un homme est accusé par la mère ou l'enfant d'avoir commis des actes de violence. Ce sont des allégations mensongères qui sont utilisées pour détourner l'attention des actes de violence. Malheureusement, dans une foule de décisions juridiques du monde entier— et aussi du Canada —, aussitôt que l'aliénation parentale est mentionnée, les femmes sont projetées dans un gouffre sans fin.
Le mot « aliénation », dans un contexte de violence, doit être éradiqué. Pour ce faire, l'analyse des risques doit être aux premières lignes pour que, dès le début des conflits relatifs à la garde, nous pouvons déterminer s'il y a eu de la violence. C'est...
Je dois dire, comme l'ont fait d'autres membres du Comité, que cela fait partie des témoignages les plus troublants que nous avons entendus.
J'aimerais commencer par la témoin 2.
Ce que vous avez décrit est une violation sans équivoque de vos droits fondamentaux. Vous avez parlé de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant. Je veux que vous sachiez que ce que vous faites aujourd'hui, en vous exprimant, aidera beaucoup d'autres enfants. Je sais que c'est très difficile, mais je tiens à vous exprimer notre gratitude. Le fait que vos droits fondamentaux... Vous souhaitiez parler à un juge parce que vous croyiez que cela ferait une différence.
Y a‑t‑il des mesures de protection? Vous avez parlé d'interdire entre autres toutes les formes de thérapie de réunification. Votre voix a été réduite au silence, mais pourrait‑on intégrer des mesures de protection dans le système judiciaire pour permettre aux enfants de s'exprimer et d'avoir un recours direct? Y aurait‑il quelque chose que nous pouvons faire pour éviter que ce qui vous est arrivé arrive à quelqu'un d'autre?
Je vous remercie de vos premiers commentaires. Je vous en suis très reconnaissante. Je tiens à m'excuser d'avoir parlé trop vite. J'étais très nerveuse.
Pour répondre à votre question, je crois qu'il est très important que ce que je souhaitais voir se produise: par exemple, que les enfants aient la possibilité de parler avec le juge avant que la décision soit rendue. C'était très frustrant de ne pas avoir cette possibilité.
De plus, recourir à un avocat enfants, si l'enfant ne peut pas communiquer directement avec le juge, avoir un intermédiaire comme un avocat pour enfants qui rapporte exactement les mots de l'enfant, sans les déformer ou les manipuler comme l'a fait l'évaluatrice, et qui fait part des souhaits de l'enfant au juge, je crois que c'est une bonne solution de rechange.
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J'aimerais certainement y revenir.
Je crains que de nombreux clients que nous aidons et que nous servons sur notre territoire n'aient pas accès au soutien de la police. Il n'y a pas d'accusations dans leur cas, sauf s'il y a eu un incident de violence physique. Tout ce qui est violence dans la relation est essentiellement observé par les agents de police. Lorsqu'ils se présentent, les policiers savent que quelque chose cloche dans la relation. Des survivants font part de violence et de contrôle économiques et financiers. Les victimes sont isolées et intimidées. Elles ont été menacées et ont très peur.
Présentement, la loi se concentre sur les incidents de violence physique, et c'est dans ces cas-là que des accusations peuvent être portées. De trop nombreuses survivantes se trouvent en dehors de la portée des mesures prévues par le système judiciaire. Elles ne savent pas où aller pour avoir de l'aide et ne savent pas comment sortir de ces situations. Heureusement, il y a parfois des policiers qui reconnaissent qu'il y a un problème et qui le signaleront aux équipes d'aide aux victimes pour que nous puissions intervenir et sensibiliser toutes les personnes concernées. Cela peut aider les gens à reconnaître qu'ils vivent une situation de violence; nous les aidons à obtenir du soutien pour améliorer leur sécurité ou leur offrons des options comme, par exemple, fuir et trouver un nouveau logement pour sortir de la situation.
D'autres victimes, comme dans les témoignages que vous avez entendus aujourd'hui, ne sont peut-être pas dans le système de justice pénale, mais essaient de se séparer ou de divorcer du conjoint violent. Si elles ont soulevé des inquiétudes concernant le comportement violent de leur partenaire, elles risquent gros: être accusées d'aliénation parentale dans le système du droit de la famille.
Nous avons du pain sur la planche et devons traiter des comportements coercitifs dans le système de justice pénale et le système du droit de la famille, au Canada.
Comme mon temps est limité, je reviendrai à ce sujet lors d'une prochaine question.
Adolescente, j'ai été frappée par une campagne de sensibilisation au Québec qui s'appelait: « La violence, c'est pas toujours frappant, mais ça fait toujours mal! » Cela m'a ouvert les yeux sur le fait qu'il y a différents types de violence et que ça ne prend pas toujours un bleu pour être victime de cette violence. Ce sujet me préoccupe depuis longtemps.
Vous en avez parlé dans votre discours d'ouverture. Vous avez aussi parlé de changement de culture. D'abord, il faut que ce soit reconnu sur le plan criminel. Ensuite, il faut que les agents soient sensibilisés au contrôle coercitif et qu'ils connaissent bien ses implications dans le Code criminel.
Comment voyez-vous les initiatives de sensibilisation des intervenants, du milieu policier jusqu'au système judiciaire?
Il reste 30 secondes. Nous pourrons y revenir plus tard, mais vous pouvez commencer votre réponse.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Pour commencer, je tiens à remercier toutes les témoins d'être ici et de partager des témoignages très difficiles. Je tiens à le souligner.
Ma première question s'adresse à la témoin 1.
Vous parliez de mauvais traitements. Nous savons qu'il existe un continuum des mauvais traitements, dont le contrôle coercitif fait partie, ce qui débouche souvent sur des mauvais traitements physiques. Je sais que nous avons étudié le contrôle coercitif. Et l'une de mes préoccupations, à ce stade, concernant la criminalisation du contrôle coercitif, c'est que je ne sais pas si nous avons abordé adéquatement l'aliénation parentale et si cela exposera les victimes à un plus grand risque.
Je veux souligner très rapidement le rapport de l'ANFD:
Les victimes de violence conjugale sont particulièrement exposées au risque de se voir accuser d'« aliénation parentale » lorsqu'elles font part de préoccupations en matière de sécurité. L'idée selon laquelle les mères fabriquent des allégations de violence pour obtenir un avantage devant les tribunaux familiaux et font un lavage de cerveau à leur enfant pour qu'iel craigne son père renforce les mythes autour de la violence familiale, marginalise les préoccupations relatives à la sécurité de l'enfant et fait courir aux femmes qui dénoncent la violence conjugale un risque accru de ne pas être crues, voire d'être punies.
Croyez-vous que l'aliénation parentale est souvent utilisée comme contre-argument du contrôle coercitif?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie nos invités de nous livrer des témoignages aussi poignants. Encore une fois, nous en sommes assez bouleversés. Je ne sais pas si mes collègues seront d'accord, mais ce que nous pouvons retenir, aujourd'hui, c'est que ces jeunes victimes ne sont pas entendues ni écoutées.
D'ailleurs, il m'est venu une réflexion. Aujourd'hui, à 14 ans, une personne peut aller chez le médecin pour recevoir des services particuliers, et cela va rester confidentiel. Les gens vont la considérer. Toutefois, si elle parle à un juge ou à un avocat, ils font la sourde oreille. En tout cas, c'est ce que je retiens de nos discussions jusqu'à maintenant.
Madame Illingworth, nous avons entendu des témoignages de femmes qui nous ont dit que, si elles avaient su ce qui les attendait après, elles n'auraient pas quitté le milieu familial. On parle d'aliénation parentale, de privation et de fausses accusations, par exemple. Une d'entre elles nous a parlé des problèmes économiques dont elle était victime.
Entendez-vous ce genre de commentaire ou de réflexion de la part des femmes qui se réfugient chez vous, à savoir que le prix à payer pour quitter le milieu violent est encore plus élevé que celui à payer pour rester à la maison?
Je voudrais poser une question à notre témoin 2, qui est si jeune, n'ayant que 18 ans.
Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de votre témoignage.
J'ai des questions plutôt techniques à vous poser sur votre vécu, pour que nous comprenions bien ce que sont ces thérapies, puisque vous les avez vues de près.
D'abord, vous avez dit que vous étiez dans cette situation avec votre frère ou votre sœur. Est-ce vous qui êtes plus jeune?
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Bonjour, chères témoins. Je suis Lisa Hepfner.
Je vous ai rencontrées toutes les trois il y a deux ou trois mois et j'ai été extrêmement touchée par vos histoires. Je suis très heureuse que vous ayez accepté l'invitation à venir et à présenter votre témoignage à l'ensemble du Comité. Je pense que c'est quelque chose que nous devons tous entendre.
J'aimerais clarifier une chose que nous avons entendu ma collègue dire plus tôt. Ce n'est pas quelque chose qui figure dans la Loi sur le divorce qu'ils veulent que l'on retire; c'est quelque chose qu'ils veulent que l'on change pour que nous ne puissions pas utiliser l'aliénation parentale dans les tribunaux de la famille.
Une chose que je trouve très troublante — et je n'ai pas vraiment encore entendu quelqu'un en parler —, c'est qu'il y a une sorte d'industrie artisanale qui ressort de cette tendance à l'utilisation de l'aliénation parentale. Ces soi-disant thérapeutes, les gens responsables de la réunification familiale, sont les mêmes personnes qui conseillent les juges en leur disant qu'une telle thérapie est nécessaire. Les enfants et les parents sont ensuite forcés de participer à cette thérapie particulière avec cette personne particulière.
Y a‑t‑il quelqu'un qui veut intervenir s'il a entendu la même chose?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Madame Illingworth, j'aimerais poursuivre ce que nous disions. Deux minutes et demie, cela passe vite.
Au sujet du contrôle coercitif, j'ai revu, vendredi dernier, une députée de l'Assemblée nationale du Québec, qui a travaillé aux recommandations du rapport « Rebâtir la confiance ».
À cette occasion, elle m'a demandé des nouvelles sur l'évolution du dossier concernant le contrôle coercitif sur le plan fédéral. C'est une recommandation du rapport « Rebâtir la confiance », qui porte sur les problèmes de violence envers les femmes au Québec.
On parle beaucoup de l'importance de cette réflexion. Il faut agir sur le contrôle coercitif pour éviter que des situations ne s'aggravent. Dans votre allocution d'ouverture, vous avez dit que le contrôle coercitif est souvent un signal d'alerte et qu'il constitue une caractéristique commune des féminicides.
Pouvez-vous nous expliquer comment, en agissant sur le contrôle coercitif, on peut peut-être intervenir plus en amont, avant que la situation ne se rende au féminicide?
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Oui, je pense qu'il est très important que les policiers reçoivent une formation pour pouvoir reconnaître ces comportements comme étant violents lorsqu'ils le peuvent, voire intervenir au moyen d'accusations, intervenir au moyen d'aiguillages vers des services aux victimes de sorte que les travailleurs sociaux puissent intervenir auprès de ces clients et, espérons, fournir un certain counseling de crise, des renseignements de sécurité, des services et une planification et aider à évaluer s'ils sont prêts ou non à partir.
Nous savons que les comportements coercitifs et contrôlants peuvent aboutir à des formes plus graves de mauvais traitement et sont un précurseur des homicides familiaux. Si nous changeons la loi et les criminalisons, je pense que nous pouvons avoir, je l'espère, une prévalence beaucoup moins grande. Essentiellement, tous les deux jours, une femme ou une fille au Canada est tuée par un partenaire ou un ex‑partenaire. C'est un problème très grave, et nous n'avons pas suffisamment mis l'accent sur la lutte contre cette violence dans nos collectivités.
Je pense que la criminalisation permettra de le faire, mais, bien sûr, avec la mise en garde que nous avons besoin d'une formation pour les policiers, les juges et les fonctionnaires.
Je vais poursuivre avec vous, madame Illingworth.
Je ne pense pas qu'il se trouve qui que ce soit au Comité qui ne pense pas qu'il existe un contrôle coercitif et qu'il est préjudiciable, mais deux ou trois choses qui ont été dites me font penser que nous prenons des mesures avant d'avoir mis d'autres mesures en place pour nous assurer de réellement protéger les gens. L'une est l'interdiction de l'utilisation de l'aliénation parentale, et l'autre est la formation des juges et des policiers qui peuvent faire une évaluation. Nous savons, certainement dans le rapport de l'ANFD, que lorsque les victimes soulèvent des questions de mauvais traitement, il n'est pas rare que les juges s'en remettent à leur volonté d'aliéner l'autre parent.
Pensez-vous que nous devons mettre en place ces types de choses avant d'aller de l'avant en toute sécurité avec une loi sur le contrôle coercitif?
Je veux revenir à la témoin 1.
J'apprécie vraiment votre participation. De toute évidence, en tant que médecin, vous êtes très intelligente et vous avez manifestement vécu des expériences horribles, ce qui vous donne beaucoup de crédibilité dans cette étude sur le contrôle coercitif.
Je regarde la Loi sur le divorce et les nouveaux changements qui ont été apportés. Je vois que, peu importe ce qu'elle dit, un agresseur ou une personne qui est efficace dans le contrôle coercitif et la manipulation va pouvoir utiliser tout ce qui est écrit à son avantage. Comment formuler cela de manière à empêcher un agresseur de manipuler le système? J'ai entendu d'autres témoins qui n'ont pas l'argent pour se défendre, ni les moyens financiers de le faire devant le tribunal. Je m'inquiète des termes que nous allons utiliser. Est‑ce que cela protégera finalement les parents et les enfants lorsqu'un juge passera deux minutes avec eux et rendra une décision? Je ne sais même pas s'il existe des psychiatres suffisamment spécialisés dans le contrôle coercitif pour témoigner.
La témoin 1 veut‑elle répondre à cette question?
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Merci, madame la présidente.
Merci à toutes les témoins.
Merci, témoin 2. Vous aidez d'autres enfants. Je suis désolée que vous ayez traversé tant d'épreuves, mais je vous remercie de la force dont vous faites preuve et de votre témoignage courageux aujourd'hui.
Nous avons entendu parler de l'élimination de la thérapie de réunification. Je pense que toutes les témoins l'ont dit. Je sais que mes collègues ont également parlé d'éducation et de formation, de la mise en œuvre d'initiatives en matière d'éducation et de formation au sein du système judiciaire pour renforcer l'enseignement scolaire. Qu'en pensez-vous? Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui devrait être fait?
Je vais commencer par Mme Illingworth.
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Je pense que la définition mérite d'être élargie, surtout dans ce contexte postérieur aux litiges, afin d'inclure toutes les formes d'abus subséquents possibles, qu'il s'agisse de miner la crédibilité de la mère, de la ruiner financièrement en la poursuivant continuellement en justice, ou encore, d'utiliser les enfants par le biais d'accusations d'aliénation et de thérapie de réunification.
Cette définition peut également comprendre plusieurs autres formes d'abus telles que la violence financière ou spirituelle, l'isolement, le contrôle et le harcèlement criminel. Encore une fois, il est très difficile de recueillir des données sur ces éléments. En effet, ces formes d'abus sont, dans bien des cas, nuancées et cachées. Les données recueillies doivent démontrer que l'abus persiste dans le temps.
Je pense qu'il s'agit d'un problème d'une certaine urgence au Canada, et j'ignore combien de temps une étude longitudinale prendrait avant que nous disposions des données. Nous savons tous que ce problème existe déjà au Canada et partout dans le monde.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je suis allée sur le site Internet de l'Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation parce qu'on en a parlé dans l'un des tours de questions. On peut y lire que 122 femmes et filles ont été tuées par la violence en 2024. Ce chiffre est aberrant, car il veut dire que, en moyenne, une femme ou une fille est tuée tous les deux jours quelque part au pays, principalement par des hommes. Autrement dit, en moyenne, une femme est tuée par son partenaire masculin une fois par semaine.
Ces chiffres donnent vraiment froid dans le dos.
Sur le site de l'Observatoire, on aborde bien entendu la question de la législation sur le contrôle coercitif — nous avons déjà parlé, madame Illingworth — , mais aussi, ce qui est intéressant, celle de la santé publique. On veut donc pouvoir offrir un continuum de services aux victimes. La législation permet de reconnaître plus tôt les victimes, mais aussi, peut-être après, de permettre que des services d'accompagnement leur soient offerts par des groupes communautaires ou même, au sein du système de santé.
Madame Illingworth, dans vos observations, vous avez abordé la question des investissements. Au-delà du côté législatif, vous dites qu'il doit y avoir des transferts et des investissements suffisants, non seulement dans le système judiciaire pour former les juges, par exemple, mais également dans le réseau de la santé, pour permettre un accompagnement des victimes.
Est-ce exact?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui étaient troublants. Je lisais le rapport de l'ANFD. Selon une conclusion inquiétante, les cas d'accusations d'aliénation parentale entre les parents ont en fait augmenté. Ce rapport mentionne:
« “L'aliénation parentale” est un concept controversé, utilisé dans des contextes clinique et juridique, servant à décrire les enfants qui refusent le contact avec l'un de leurs parents ou y résistent. Même si cette théorie n'a pas de fondement scientifique, « elle a suscité énormément d'intérêt et a été largement utilisée dans les tribunaux des affaires familiales du monde entier pour réfuter des allégations de violence domestique et sexuelle. »
Je sais que nous avons parlé d'abandonner la thérapie de réunification, mais étant donné que l'aliénation parentale est toujours permise, j'ai peur que si nous retirons cette étape sans interdire l'aliénation parentale, les victimes de violence seront moins enclines à signaler un abus, et à faire appel à la justice afin de se protéger elles-mêmes ainsi que leurs enfants, s’il se trouve que l'aliénation parentale finit par être utilisée pour davantage victimiser les victimes de contrôle coercitif.
Est‑ce que la témoin 1 peut s'exprimer sur ce sujet… et peut-être si le temps nous le permet, Mme Illingworth.
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Dans mon couple, les choses ont commencé par de la jalousie extrême. Au début de toutes nos conversations téléphoniques, il me posait la question suivante: « Est‑ce que tu as parlé avec d'autres gars? » Il m'isolait, et m'interdisait d'interagir avec d'autres hommes, que ce soit dans ma vie professionnelle ou personnelle. Ensuite, il a commencé à faire des commentaires sur mon apparence physique, et à se nourrir de cette insécurité. Un jour, il a mis ses mains autour de mon cou, et m'a plaquée contre le lit.
À partir de là, tout a dégénéré. Il surveillait constamment mes dépenses, me traitait de tous les noms, me rabaissait, me disait des choses négatives, me disait que la meilleure chose qui me soit arrivée, ce n'est pas le fait que je sois devenue médecin, mais que je l'avais épousé. Il m'a également dit que je ne gagnais pas énormément d'argent. Je recevais beaucoup de commentaires désobligeants.
J'ai ensuite commencé à craindre qu'il s'en prenne physiquement à moi. Les choses ont commencé à devenir inquiétantes, il me menaçait avec des mots et des regards. Par conséquent, je me suis davantage isolée. Je marchais sur des œufs et j'essayais tout le temps de lui faire plaisir.
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Je pense que c'est en raison de la nature insidieuse et secrète de ce genre d'abus. Selon moi, ce genre d'hommes ciblent les femmes qu'ils admirent, et qui attirent le respect. Ils aiment côtoyer ce genre de femmes. Pour pouvoir les garder, ils s'en prennent, lentement mais sûrement, à leur confiance en elles et à leur estime d'elles-mêmes. Ces femmes se retrouvent piégées et manipulées, et elles tombent presque sous l'emprise de ces hommes, car elles se considèrent chanceuses de les avoir. Au fil du temps, elles commencent à croire les choses négatives qu'ils disent sur elles.
Selon moi, les femmes qui travaillent dans le domaine des soins de santé, où elles prennent soin des autres, sont les cibles privilégiées. Prenez la Dre Jennifer Kagan, par exemple, et son expérience horrible. Vous êtes la cible privilégiée de ces hommes, car ils sont quelque peu défectueux, et vous les prenez sous votre aile… pour les materner en quelque sorte.
Comme je l'ai dit précédemment, c'est un problème qui concerne tout le monde. Il s'agit véritablement d'une épidémie à l'échelle du pays, et avec laquelle nous devons composer.
Encore une fois, nous vous remercions pour ces témoignages. Ils sont très précieux.
Nous en avons parlé un peu aujourd'hui. Nous craignons qu'advenant sa criminalisation, le contrôle coercitif pourrait être utilisé contre les victimes, donc contre les femmes. Est‑ce que quelqu'un ici pourrait nous dire comment empêcher cette situation? Au Royaume-Uni, par exemple, la présentation d'un projet de loi sur le contrôle coercitif a été problématique.
Madame Illingworth, on dirait que vous avez la réponse.