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Bonjour à toutes et à tous. Bienvenue à la réunion numéro 48 du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 31 octobre 2022, le comité poursuit son étude sur les femmes et les filles dans le sport.
La réunion d’aujourd’hui se déroule sous forme hybride, conformément à l’ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022. Les députés participent en personne ou à distance en utilisant l’application Zoom.
Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j’aimerais rappeler certaines consignes aux témoins et aux députés.
Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l’icône du microphone pour activer votre micro et veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
En ce qui concerne l’interprétation pour les personnes qui sont sur Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Les personnes qui se trouvent dans la salle peuvent utiliser l'écouteur et choisir le canal voulu.
Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la présidence.
Je demande aux députés qui se trouvent dans la salle de lever la main s'ils souhaitent avoir la parole et aux députés sur Zoom d'utiliser la fonction « lever la main ». La greffière et moi-même gérerons du mieux que nous pouvons l'ordre d'intervention. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
Conformément à notre motion pour affaires courantes, j'informe le comité que tous les témoins se sont soumis aux examens requis avant la réunion.
Je vous rappelle à toutes et à tous qu'il s'agit d'une étude très difficile. Avant d'accueillir les témoins, je vous informe que nous allons parler d'expériences liées à de mauvais traitements. Cela peut être un déclencheur chez les téléspectateurs, les députés ou leurs collaborateurs qui ont vécu des expériences similaires. Si vous angoissez ou avez besoin d'aide, n'hésitez à le dire à la greffière. N'oubliez pas non plus que nous sommes une équipe et que nous cherchons toujours à nous assurer que tout le monde va bien.
Je vais maintenant souhaitez la bienvenue à nos témoins. À titre personnel, nous avons Lanni Marchant, olympienne, défenseure des athlètes; et Andrea Neil, ancienne joueuse et entraîneure adjointe de l'équipe nationale canadienne de soccer féminin. De la World Association of Icehockey Players Unions, nous avons Sandra Slater, présidente, Division North America, et Randall Gumbley, consultant.
Nous vous accorderons cinq minutes à chacun pour présenter vos observations préliminaires. J'essaie de faire preuve de souplesse sur ce point. Quand vous voyez que je commence à rouler les bras, essayez de terminer en 15 secondes.
Je cède maintenant la parole à Mme Marchant.
Madame Marchant, vous disposez de cinq minutes.
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Je vous remercie de m'avoir invitée.
Je m'appelle Lanni Marchant. Je suis olympienne spécialiste du 10 000 mètres et du marathon, ancienne détentrice du record canadien du marathon et du demi-marathon, diplômée de l'Université d'Ottawa et de la faculté de droit de Michigan State, et avocate inscrite au barreau du Tennessee et du district fédéral de l'Est des États-Unis.
Je me suis déjà exprimée devant vous. En octobre 2016, j'ai témoigné ici au sujet de mes expériences en tant qu'athlète de l'équipe nationale féminine. Dans mon témoignage il y a six ans, j'ai souligné les mauvais traitements et les agressions dont j'ai été victime de la part de ma fédération, ainsi que le sexisme, l'âgisme et le harcèlement sexuel que j'ai subis de la part de mes propres coéquipiers olympiques.
Pour citer mon propre témoignage, j'ai dit que l'on comprend mal le développement d'une coureuse de fond et que l'âge ne dicte pas forcément les résultats. Le financement d'athlètes comme moi, de plus de 30 ans et femmes, s'accompagne souvent d'obligations de performance qui ne sont pas imposées aux athlètes plus jeunes ou de la même manière aux athlètes masculins.
J'ai également déclaré que nous nous attendons à ce que nos coéquipiers nous soutiennent, pas à ce qu'ils fassent des commentaires dans notre dos. Nous n'avons pas besoin d'hommes dans le monde du sport qui proclament qu'ils nous épaulent en tant que féministes parce que cela leur permet clairement de faire des commentaires dans notre dos. En fait, nous voulons qu'ils se tiennent à nos côtés.
Je ne savais pas lors de mon témoignage précédent que nous étions à la veille du mouvement #MoiAussi. Peut-être que si j'avais présenté mes arguments un peu plus tard, je n'aurais pas été trollée, harcelée et encore victimisée en ligne et par le milieu des sports.
Depuis mon témoignage, je n'ai pas attendu que vous — mon gouvernement — réagissiez et aidiez à corriger le système très défaillant dans lequel j'étais censée participer à des courses et progresser. Au lieu de cela, j'ai pris mon expérience, mes études et ma volonté d'améliorer le sport au Canada par rapport à ce que j'ai connu et j'ai fait équipe avec AthlètesCan pour faire partie du groupe de travail de l'organisme sur la sécurité dans le sport. En tant que membres de ce groupe, moi-même et plusieurs autres athlètes — dont certains ont comparu devant vous — avons travaillé ensemble sur une étude sur la prévalence des mauvais traitements qui a été distribuée à des athlètes membres actuels d'équipes nationales ou en ayant fait partie récemment.
En 2019, je suis devenue membre du conseil d'administration du Centre de règlement des différends sportifs du Canada. J'en suis à présent à mon deuxième mandat. En tant que membre du conseil, je siège au comité des plaintes et au comité sur l'intégrité dans le sport. Je ne suis pas au courant des cas individuels soumis au CRDSC et je ne prends part à aucune décision les concernant.
Je préside également le comité consultatif des athlètes récemment créé qui, ici, au Canada, relève du programme Sport Sans Abus. Mon rôle y est de veiller à ce que la voix des athlètes soit entendue et prise en compte dans les processus décisionnels des activités du Bureau du commissaire à l'intégrité dans le sport, le BCIS. Encore une fois, je ne m'occupe d'aucun cas particulier, mais je crée un système axé sur les athlètes.
C'est au cours de ces six dernières années de travail avec différents organismes sportifs et organisations d'athlètes que j'ai compris que je ne suis pas la seule à avoir subi de mauvais traitements. C'est là que j'ai compris à quel point il est devenu normal pour des athlètes d'être maltraités et rabaissés et de souffrir, tout cela au nom du sport.
Enfant, je faisais du patinage artistique. Je patinais au Champions Training Centre de Cambridge, en Ontario, qui est également connu sous le nom de Kerry Leitch Figure Skating School. J'ai commencé quand j'étais en troisième année et j'ai continué jusqu'au début du secondaire. Au centre, on me pesait chaque semaine, on vérifiait mon pourcentage de gras tous les mois et les résultats étaient affichés sur le mur à la vue de tous. J'étais préadolescente et je devais partager le vestiaire avec des patineurs beaucoup plus âgés que moi, des deux sexes. Il était normal de se faire crier dessus au point d'être en larmes, et gare à vous si vous vous retrouviez dans le vestiaire numéro six avec Kerry Leitch.
Si vous n'étiez pas parfait, on vous faisait courir autour du stationnement. Je suppose que l'avantage, pour moi, c'est que ces tours de stationnement se sont transformés en tours de piste ovale au stade olympique. Beaucoup de mes coéquipiers n'ont pas eu cette chance, tant s'en faut.
Tous les jours, on m'attrapait le bout des seins et on discutait de mon développement physique, et les filles plus âgées donnaient des conseils pour ne pas grandir, pour sauter des menstruations ou pour éviter complètement la puberté. Des entraîneurs et des patineurs hommes nous prenaient sur leurs genoux pour avoir des « conversations ». Comme c'était un centre d'entraînement pour le patinage en couple, il était normal que des hommes et des garçons vous touchent des parties du corps pour montrer des portés ou des mouvements. Leurs mains s'attardaient. Toute la culture était toxique et exagérément sexualisée.
J'ai quitté cet environnement quand j'ai découvert la course, mais j'ai gardé ma dysmorphie corporelle. J'ai eu la chance de trouver mon entraîneur, Dave Mills, au London Western Track and Field Club. Je ne sais pas si j'aurais survécu à ma carrière de course au secondaire, et à ma carrière professionnelle depuis, sans lui.
Mon expérience universitaire n'était guère différente de mes années de patinage. Oui, j'étais dans le système NCAA des États-Unis, mais j'imagine que ce que j'y ai vécu ressemblait à ce que vivaient les athlètes canadiens. Pour faire partie de l'équipe, les troubles de l'alimentation étaient indispensables. L'entraîneur, M. Gautier, parlait ouvertement des parties qu'il préférait dans nos corps. Il traitait les coureuses de salopes et félicitait les coureurs de leurs conquêtes féminines.
Aucun des systèmes qui existaient alors n'apportait de solution et ni ne nous protégeait, nous les athlètes.
Nous ne devrions pas avoir peur, si nous parlons, de perdre nos bourses d'études, nos financements, notre place dans l'équipe ou l'accès à des services.
Comment se fait-il que ce que j'ai vécu dans le sport — et qui remonte aux années 1990 — et la peur qui sert de terreau à ces environnements restent d'actualité aujourd'hui, à telle enseigne que les expériences décrites par des athlètes qui ont la moitié de mon âge sont les mêmes que les miennes?
Je fais de mon mieux depuis six ans pour aider à corriger le système sportif canadien. Je dois vous poser la question: où étiez-vous pendant ce temps-là?
Nous avons mis en place au Canada le programme Sport Sans Abus, mais pourquoi a-t-il fallu exercer tellement de pressions pour que vous le laissiez avoir du poids? Pourquoi devons-nous attendre jusqu'au printemps pour qu'il devienne obligatoire pour toute organisation sportive nationale de s'inscrire au programme?
Il est plus que prouvé qu'on ne peut pas faire confiance aux organismes nationaux de sport, les ONS, pour qu'ils s'autoréglementent. Les enquêteurs des ONS font la sourde oreille quand des témoins leur demandent d'examiner la totalité de l'environnement toxique d'un club et centre de patinage. Le but semble toujours être de protéger la notoriété et le statu quo. On cherche plus à protéger la carrière d'un accusé que les expériences et la carrière de l'athlète.
Les plaintes des athlètes ne ressemblent pas aux plaintes types présentées aux ressources humaines. Souvent, nous n'avons pas de transfert latéral possible ou d'autres endroits où aller. Ce n'est pas comme si nous pouvions simplement choisir de représenter un autre pays.
En 2016, Peter Eriksson, le directeur de la haute performance d'Athlétisme Canada, a été licencié pour les abus de pouvoir et les mauvais traitements qu'il a fait subir à des athlètes de l'équipe nationale, pour être ensuite engagé par À nous le podium.
Le sport est incestueux au Canada. Où et comment pouvons-nous nous sentir en sécurité? Qui m'a protégée quand j'ai été cataloguée comme étant l'athlète qui a fait renvoyer Peter Eriksson? Pourquoi mon témoignage devant ce comité il y a six ans est-il resté lettre morte?
Pratiquer un sport et représenter le Canada ne devrait pas signifier qu'il faut choisir entre risquer sa santé physique, mentale et psychologique pour atteindre ses objectifs et renoncer complètement parce que le système est défaillant.
Les athlètes réclament à cor et à cri un système sportif qui offre un espace sécuritaire et protégé dans lequel ils puissent s'exprimer. Nous le demandions et, maintenant, nous l'exigeons. Après que l'étude sur la prévalence des mauvais traitements a démontré la toxicité de l'environnement sportif, quand nous avons réclamé un mécanisme indépendant pour la sécurité dans le sport, pourquoi le processus de demande exigeait-il et prévoyait-il qu'il s'inscrive dans une entité déjà existante?
J'ai parlé il y a six ans. Je cite encore mes propos:
J'étais tout à fait sérieuse quand je disais que l'athlète ne peut pas être celui qui mène constamment ces batailles.
Je ne sais pas pourquoi... Les femmes avant moi n'intégraient pas d'équipes, mais elles parlaient haut et fort comme moi. Je ne sais pas si c'est en raison de ma formation ou parce que, au fond, je m'en moque. Je veux représenter le Canada et j'ose espérer que vous voulez que je vous représente, mais si ce n'est pas le cas, tant pis, je trouverai le moyen d'exceller dans autre chose. Il faudra peut-être plus d'argent et plus de temps, mais le gouvernement et les différentes fédérations — Sport Canada et le Comité olympique canadien — doivent nous soutenir. Si je suis prête à dénoncer ce qui se passe et à m'exposer à des représailles de ma fédération, j'ose espérer que je pourrai compter sur vous et sur les grandes fédérations pour m'aider quand j'en aurai besoin.
Les athlètes demandent plus maintenant.
Je sais que mon point de vue sur le programme Sport Sans Abus au Canada est unique. J'ai une vision très particulière de sa création en raison de mes rôles. Je comprends la peur et l'incrédulité que suscite tout système issu de programmes et de systèmes qui étaient déjà en place.
Je ne suis pas ici pour défendre ou pour démolir des programmes. Je sais combien nous travaillons. Je connais nos objectifs.
Je suis ici parce que je comprends combien il est important de protéger les athlètes à tout âge et indépendamment des egos, le mien comme le vôtre.
Je suis ici parce que, malgré tout ce que je sais sur les mauvais traitements et les agressions dans le sport, j'ai quand même été victime de manipulation psychologique de la part d'un praticien du sport qui a profité de moi plus tard dans ma carrière. Je voulais tellement arrêter les prédateurs et les agressions contre les plus jeunes que je n'ai rien vu venir. Cela ne doit plus arriver à personne.
Ce n'est pas à moi de remettre de l'ordre dans le sport au Canada. Ce n'est pas la tâche d'un athlète. J'ai fait tout ce que j'ai pu, cependant. J'ai subi des représailles. Mes coéquipiers canadiens me surnommaient « Lanni les mauvaises performances » parce que, sans médaille d'or olympique, comment osais-je demander à être respectée en tant qu'athlète et traitée comme un être humain?
Je vous repose la question, qu'avez-vous fait au cours des six dernières années pour améliorer le sport au Canada? Qu'êtes-vous préparés à faire maintenant au juste?
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Je vous remercie, madame la présidente, membres du comité, de m'avoir invitée à m'exprimer aujourd'hui et je vous remercie de vos travaux sur ces questions essentielles.
Je m'appelle Andrea Neil. Je suis ancienne joueuse, capitaine et entraîneure des Vancouver Whitecaps et de l'équipe nationale canadienne de soccer féminin. J'ai été milieu de terrain pendant 18 ans et j'ai participé à quatre coupes du monde féminines de la FIFA en tant que joueuse, à une cinquième comme entraîneure en 2011 et à une sixième comme membre des médias en 2015. Quand j'ai pris ma retraite, j'étais le joueur de soccer canadien qui avait participé au plus de rencontres internationales. J'ai obtenu ma licence « A » d'entraîneur en Italie. J'étais la première femme et le troisième joueur de soccer à être intronisé au Panthéon des sports canadiens.
J'ai pratiqué des sports toute ma vie. Je sais qu'ils peuvent être un formidable tremplin pour d'honorables exploits, pour le développement humain et pour des changements sociaux positifs. Malheureusement, un paradigme de leadership malsain, toxique et omniprésent dans notre culture aujourd'hui porte préjudice à beaucoup de personnes qui pratiquent un sport ou travaillent dans le sport. C'est un paradigme qui a pour points cardinaux l'accumulation de pouvoir, le prestige et l'argent, mais pas le développement, le soutien et la sécurité de celles et ceux qu'ils sont censés encourager et former.
Je sais que mon temps de parole est limité aujourd'hui. Je l'utiliserai pour donner quelques exemples tirés de ma carrière dans le soccer qui illustrent des aspects clés à régler si nous voulons que les sports dans ce pays soient propices à l'épanouissement comme nous souhaitons qu'ils le soient.
Je m'implique maintenant, car mon enfant apprend à jouer, et il y a longtemps que j'entraîne des équipes de différents âges et de différents niveaux. Mes liens étroits avec le programme de l'équipe nationale féminine vont de ses membres fondatrices aux joueuses qui font encore partie de l'équipe aujourd'hui. Depuis des années, et pas plus tard que la semaine dernière, je suis témoin et j'entends parler de mauvais traitements, de violence et de corruption. Même un seul cas devrait être inacceptable. La répétition incessante est alarmante, et il faut en tirer les enseignements.
Pendant 15 ans, je me suis tenue aux côtés d'un petit groupe de femmes qui risquaient leur santé financière, physique, mentale et psychologique pour que l'ancien entraîneur de l'équipe nationale Bob Birarda soit traduit en justice pour les agressions sexuelles et psychologiques qu'il a fait subir à des joueuses. En voyant que Canada Soccer avait renvoyé discrètement Bob Birarda comme entraîneur, en faisant commodément passer son renvoi pour un départ sur accord mutuel, ce qui lui a permis de recommencer à entraîner des filles quelques mois plus tard, ces femmes sont allées raconter leur expérience à la police pour empêcher qu'il y ait d'autres victimes.
On n'a pas pu compter sur Canada Soccer. Notre fédération nationale s'est montrée totalement incapable de nous protéger. L'organisation lui a, de façon irresponsable, permis d'aller exercer ailleurs son comportement prédateur.
Ces femmes ont été ignorées et dépréciées en tant qu'êtres humains par ceux-là mêmes qui devaient veiller sur leur sécurité. Même aujourd'hui, alors que la justice a établi le comportement abusif de Bob Birarda pendant 20 ans à un poste d'entraîneur et qu'il a été reconnu coupable et condamné à une peine d'emprisonnement, ces victimes attendent toujours une déclaration de Canada Soccer et elles attendent toujours que Canada Soccer prononce à son encontre une interdiction d'exercer comme entraîneur.
Pour toute réponse, et pour éviter de prendre ses responsabilités, la fédération persiste à dire que sa première enquête ratée était complète et approfondie. Seule la pression de l'équipe féminine championne olympique a forcé à mener une autre enquête qui a abouti au rapport McLaren révélateur, mais incomplet.
Des joueuses de plusieurs générations ont dû unir leurs efforts pour obliger la direction actuelle de notre fédération nationale à commencer de faire ce qu'il fallait et de bien examiner les choses. J'aimerais pouvoir dire que j'étais surprise par les faux-fuyants et l'irresponsabilité, mais j'avais déjà vu ce genre de dérobade quand mon poste d'entraîneure adjointe dans le programme national m'a permis de m'apercevoir de pratiques financières répréhensibles et d'irrégularités organisationnelles, que j'ai aidé à signaler en vain.
Les vrais leaders sont attentifs. Ils regardent et ils écoutent. Toutefois, quand des athlètes ou des membres du personnel ont fait part de préoccupations au sujet de Canada Soccer, ce n'a pas été le cas. Ceux qui ont eu le courage de demander à la direction de mieux faire n'ont pas été protégés. Certains ont subi des représailles, d'autres ont été réduits au silence par des accords de confidentialité et des clauses dans les contrats de travail.
Nous avons vu, avec Hockey Canada, qu'une absence de sécurité et une absence de transparence au sujet du financement ne constituent pas deux problèmes distincts. Ils témoignent de la dérive de la direction. Ces problèmes se conjuguent et se recoupent pour empêcher le développement de personnes qui méritent de pouvoir se donner à fond dans leur sport pour progresser.
J'utilise ces exemples pour montrer qu'un nouveau paradigme du leadership est nécessaire, un paradigme fondé sur la confiance, le service, la communauté, l'égalité, la considération et le souci d'autrui. Quel genre de culture Canada Soccer a-t-il créé dans le passé? Quel genre de culture l'organisation décidera-t-elle de bâtir intentionnellement à présent? Malheureusement, elle a prouvé à maintes occasions qu'elle est incapable de se réglementer.
Je demande au gouvernement de prendre de véritables mesures en appui à la transformation des sports dans tout le Canada. Voici trois appels à l'action cruciaux.
Premièrement, la violence culturellement ancrée dans nos organisations sportives nationales doit faire l'objet d'une enquête judiciaire. Je vous remercie d'avoir organisé cette réunion pour recueillir des commentaires, mais rien ne changera tant que nous ne faisons pas la lumière sur la situation actuelle.
Deuxièmement, nous devons reconstruire nos organisations sportives en ayant cet auto-examen à l'esprit. Nous devons clairement établir les portails pour les commentaires, les faire connaître et nous engager à examiner ce qui y est signalé. Il nous faut des politiques contre les représailles déclenchées par des signalements. Dans une culture aussi déréglée, les lanceurs d'alerte sont essentiels pour sensibiliser à ce qui se passe et nous remettre sur la bonne voie.
Troisièmement, nous devons nous engager à soumettre les finances de Canada Soccer à une vérification judiciaire détaillée et à rendre publiques la façon dont les fonds sont utilisés et la raison pour laquelle il faut veiller à ce que l'organisation remplisse sa mission de manière éthique et efficace.
Tant que nous ne verrons pas clairement les choses et que nous n'aurons pas le courage de créer une nouvelle culture du leadership dans ces organisations, les membres vulnérables de notre société continueront d'être mis en danger et le mal dont j'ai trop souvent été témoin dans la carrière se perpétuera.
Par une prise de conscience et des efforts, en ayant les choses à coeur, nous pouvons aller dans la bonne direction, mais pas sans nous demander aussi ce qui nous empêche de voir, de soutenir et de protéger d'autres êtres humains et de nous préoccuper d'eux lorsqu'ils en ont besoin.
Je vous remercie.
Je m'appelle Sandra Slater et je suis présidente de la WAIPU North America. Nous sommes ici aujourd'hui pour parler des droits des athlètes dans le sport.
En 2022, une femme a pour la première fois été recrutée dans la Ligue canadienne de hockey, la LCH. Nous sommes également là pour parler de l'entrée de gérantes dans un sport dominé par des hommes.
En tant que femme qui essaie de briser le plafond de verre, j'ai fait personnellement l'expérience d'un irrespect frisant la violence et la discrimination de la part de la LCH et d'anciens dirigeants de Hockey Canada — et j'insiste sur « anciens ».
Comme nous l'avons vu au comité du patrimoine, l'industrie du hockey est dominée par des hommes de 60 ans et plus, tous blancs, et marquée par une tendance de longue date à ne pas reconnaître l'influence des femmes dans le sport. Dans notre documentation, vous verrez une lettre de la LCH qui témoigne d'un manque de respect envers les femmes dirigeantes. Nous sommes ici aujourd'hui pour sensibiliser dans l'espoir d'entraîner un changement pour les athlètes et une reconnaissance des femmes à des postes de gestion.
Cette expérience ne se limite pas au milieu du hockey. Mon avis personnel, quand nous nous sommes penchés sur des questions avec les gouvernements fédéral et provinciaux, n'a pas fait l'objet de réponses parce que je suis une femme et parce que les dirigeants de Hockey Canada ont contesté l'intégrité de la WAIPU après que nous avons informé le gouvernement fédéral d'agressions sexuelles et de bizutages dans une correspondance remontant à 2018.
J'en veux pour parfait exemple la fois où la WAIPU a contacté le ministre des Sports pour lui demander une rencontre d'urgence afin de parler des agressions sexuelles et des rites initiatiques violents au sein de la LCH. Neuf mois ont passé et silence radio.
Après avoir retenu les services d'un lobbyiste, la LCH a pu rencontrer le ministre en moins de 30 jours pour discuter, imaginez, d'un financement supplémentaire pour la LCH pendant la COVID.
Nous avons également proposé ce qui nous semble être une solution qui non seulement éduquerait les athlètes au sujet de différentes formes de violence, mais qui serait aussi utilisée comme outil de signalement.
Je cède maintenant la parole à mon collègue.
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Je m'appelle Randy Gumbley. Je suis consultant auprès de la WAIPU.
Vous allez entendre l'histoire d'un modèle de fonctionnement profondément vicié entre la LCH et Hockey Canada qui exploite de jeunes enfants. Nous ne mâchons pas nos mots et parlons de « cartel », de « conspiration » et de « collusion ». Nous n'utilisons pas ces termes à la légère et sans raison.
En 1968, le premier ministre d'alors, Pierre Trudeau, a chargé un groupe de travail d'enquêter sur le sport amateur au Canada et sur les effets du sport professionnel sur le système amateur.
Le groupe de travail a conclu qu'il ne devrait pas y avoir de lien entre le sport amateur et le sport professionnel. Il a demandé que des mesures draconiennes soient prises immédiatement sur les points suivants: la suprématie du hockey, les contrats liant des jeunes, les contrats niant les droits des joueurs et les joueurs liés par des contrats frôlant l'esclavage, et le hockey junior majeur qui fonctionnait en prétendant être amateur.
Le Rapport Downey de 1976 recommandait les changements suivants: la création d'un ombudsman pour le hockey; l'interdiction pour les équipes de conclure des contrats avec des mineurs; l'interdiction des contrats et des ententes visant à interdire aux joueurs d'être libres de s'associer en interligue et en intraligue; et la séparation des sports amateur et professionnel. Ces recommandations ont aidé à formuler l'article 48 de la Loi sur la concurrence.
Malheureusement, un demi-siècle plus tard, ces jeunes enfants sont toujours à la merci des organismes nationaux de sport dans un groupe de hockey aux allures de cartel, avec les mêmes problèmes qui persistent encore aujourd'hui.
Je dirai au premier ministre Justin Trudeau, et au comité, que son père avait une vision pour protéger le sport amateur et les athlètes au Canada. Vous avez adopté des lois pour protéger ces athlètes, mais, malheureusement, l'histoire montre qu'aucun ordre de gouvernement ne fait respecter les lois existantes. Le gouvernement actuel a une chance extraordinaire de s'inspirer de son exemple et de faire respecter les lois existantes et reconnaître les droits des athlètes.
En 2018, le Bureau de la concurrence du Canada a reçu une plainte d'athlètes au sujet des groupes-cartel de hockey alléguant une infraction criminelle à l'article 48. Il lui a fallu presque quatre ans pour examiner cette plainte. Pendant que les athlètes faisaient face à une menace réelle de représailles qu'ils craignaient de la part des organismes nationaux de sport et de la LCH pour avoir parlé des mauvais traitements, le gouvernement canadien continuait de fermer les yeux sur des infractions flagrantes à la Loi sur la concurrence, aux lois sur le travail des enfants et à la réglementation de l'Agence du revenu du Canada et sur des violations des droits de la personne.
La WAIPU estime que le gouvernement a pour principale responsabilité de protéger les droits et la liberté de tout citoyen, enfants et athlètes compris. Nous sommes d'avis que le gouvernement doit surveiller, vérifier et, au besoin, réduire les pouvoirs des organismes nationaux de sport existants qui limitent de manière indue les droits et libertés des athlètes.
Le résultat direct de l'inaction du gouvernement est assez évident. Elle a créé une plus grande suprématie dans le milieu du hockey en vertu de laquelle le hockey est intouchable et au-dessus des lois du Canada. Cela a permis à un cartel de se former, cartel qui comprend le sommet du hockey, c'est-à-dire la Ligue nationale de hockey.
Le système tel qu'il est aujourd'hui donne plus de pouvoir aux organismes nationaux de sport. Cela a des répercussions considérables sur la concurrence et met des athlètes dans une position vulnérable.
Une enquête est nécessaire pour que les Canadiens et le gouvernement comprennent pleinement comment nous en sommes arrivés là. Pourquoi a-t-il fallu quatre ans au Bureau de la concurrence du Canada pour donner suite à une plainte? Pourquoi les mineurs sont-ils assujettis à un droit de cession de 500 000 $ s'ils choisissent de quitter la Ligue canadienne de hockey pour offrir leurs services à une autre organisation? Pourquoi l'organisation sportive nationale a-t-elle autorisé une ligue sportive professionnelle à bénéficier de l'assurance payée par le système amateur? Enfin, comment se fait-il que la LCH puisse faire du lobbying dans tout le Canada, non seulement auprès des gouvernements provinciaux, mais aussi auprès du gouvernement fédéral, pour faire changer des lois au beau milieu d'un litige?
Je vous remercie de votre attention.
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Ça aurait été un endroit sûr, un lieu où j'aurais pu porter plainte et parler de ce qui m'arrivait, sans que les personnes dont je me plaignais ouvrent une enquête. C'est ainsi que cela devrait fonctionner. Alors que je grandissais dans le monde du patinage, Patinage Canada avait un programme appelé « surveillance ». Je n'étais pas tout à fait au niveau, mais ma soeur l'était. À l'époque, si vous étiez un athlète de l'équipe nationale, un moniteur vous était assigné et il était censé défendre vos intérêts. Ces moniteurs venaient constater les mauvais traitements dont nous étions victimes au sein de notre club. Or, si les mauvais traitements dont j'ai été victime étaient graves, je n'ose rien dire de ce que ma soeur a vécu, étant à un niveau plus élevé que le mien, et de ce tout le mal que cela lui a fait. Cette personne constatait les choses et disait en gros: « Après tout, c'est du sport. » L'état d'esprit était le suivant: « Bon, puisque j'ai vécu cela, à votre tour maintenant. »
Avec Athlétisme Canada et mon expérience là-bas, je n'aurais pas dû être considéré comme l'athlète responsable du renvoi de Peter Eriksson. J'ai certainement joué un rôle, je le reconnais, mais j'ai coché toutes les cases qu'il fallait. J'ai fait tout ce que j'étais censé faire, et j'ai failli être exclue d'une deuxième équipe olympique. Je n'ai pas pu participer aux Jeux olympiques de 2012 pour des raisons d'ordre politique, alors qu'en 2016, du fait que mon nom était plus connu et qu'à ce moment-là j'étais la femme la plus rapide au Canada, la communauté a parlé en ma faveur. Même en privé, jusqu'au moment où je me suis présentée à ma première épreuve olympique, il a tenté de me faire sortir de l'équipe. Dans quel monde une athlète peut-elle s'épanouir dans de telles conditions, alors que son entraîneur principal ne veut même pas d'elle?
Je ne sais pas si ce qui s'est passé à l'Université de Guelph est consigné ici. Dave Scott-Thomas était l'entraîneur, et il était également le coordonnateur des courses de fond de haut niveau pour Athlétisme Canada. Tout le monde savait qu'il avait des comportements inappropriés, qu'il avait violé une athlète mineure pendant des années. La première équipe nationale dont j'ai fait partie se composait de cette dernière, de Dave Scott-Thomas et de sa femme. Je ne peux pas imaginer la terreur et l'horreur qu'elle a dû vivre en sachant que tout le monde la traitait de folle. Elle a subi tant de pressions. Il a fallu plus d'une décennie pour que cet homme soit écarté du monde sportif et que quelqu'un la croit.
Ce que je veux, et je pense est que chaque athlète veut la même chose, c'est que l'on m'écoute et qu'on me croit. Nous ne voulons pas que quelqu'un étouffe l'affaire ou dise: Participe à la prochaine course, à la prochaine épreuve, où sais-tu quoi? Même une telle allégation contre cette personne pourrait nuire à sa réputation et à sa carrière.
Je n'ai même pas eu mon anneau olympique. Lorsqu'on participe aux Jeux olympiques, on reçoit une sorte de bijou; le mien s'est perdu dans le courrier. Je n'ai même pas demandé qu'on m'en envoie une autre pendant les années qui ont suivi, parce que je ne voulais rien avoir à faire avec mon expérience olympique. Cela n'avait rien à voir avec la course — je suis fière de la course. Cela avait à voir avec tout ce qui m'avait conduite à la ligne de départ et à ces courses.
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Merci madame la présidente.
Merci à tous d'être avec nous aujourd'hui.
Madame Marchant, vous avez dit quelque chose qui m'a vraiment frappé. En fait, il y a deux ou trois choses qui m'ont vraiment touchée. Vous avez dit « croire », en voulant dire « nous voulons simplement être crues ». Je pense que lorsque vous croyez ce que dit quelqu'un, vous répondez par l'action.
Vous avez témoigné en 2016. Vous êtes de nouveau ici. De toute évidence, les actions ont été insuffisantes.
Vous avez aussi parlé de votre « stupide » cerveau d'athlète. Je parlerais plutôt d'un « cerveau blessé ». Cela m'a vraiment frappé, et montré à quel point l'étiquetage est profond.
Plus nous avançons dans cette étude... C'est quelque chose que je ne connaissais pas du tout. Je n'étais pas sportive. J'ai passé de justesse mes cours d'éducation physique à l'école secondaire. Ce fut très difficile.
Tout cet univers est nouveau pour moi, mais selon ce que notre étude nous apprend, je vois de plus en plus clairement que les systèmes en place ne fonctionnent pas. Il y a le BCIS. Vous avez parlé des ONS et de Hockey Canada. Ils n'assurent pas la sécurité des athlètes.
Il semble cependant que les fédérations se montrent très réticentes à répondre aux victimes qui réclament des enquêtes judiciaires. Je sais que vous avez une formation juridique. Je me demande si vous pourriez nous dire pourquoi, selon vous, les fédérations s'opposent actuellement à la tenue d'une enquête judiciaire.
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Je veux surtout essayer d'épurer un peu le langage.
En fait lors de mon témoignage précédent, j'ai parlé de tout, sans toutefois être aussi franche que je le suis maintenant. J'aurais aimé l'être, mais cela illustre bien où j'en étais, je crois, dans mon parcours de guérison. La dernière fois que je suis venue ici, je ne devais pas aller en profondeur.
Ceci étant dit, j'ai tout de même parlé du fait que les jeunes filles abandonnent le sport parce que... Si je suis sexualisée et considérée comme un objet dans ce contexte, que pensez-vous qu'une jeune fille de 13 ans qui m'encourage et qui est déjà bombardée par la société d'idées sur son apparence physique et sa façon d'être... Si, au lieu de parler de mes résultats, vous faites des commentaires sur mes fesses. Pensez-vous que cette petite fille voudra participer à des courses en portant de petits shorts et une petite camisole? Non. J'ai fait des observations à ce sujet.
Ce que l'on m'a dit en ligne… Essentiellement, on m'a dit que j'aurais dû me présenter ici en petites culottes pour vous montrer vraiment de quoi je parle. Comment avoir osé me présenter ici, habillée de manière professionnelle si je porte des sous-vêtements en compétition? Personne n'a pensé à me demander pourquoi j'étais vêtue ainsi pour courir. Parfois, c'est tout ce que le commanditaire vous donne. La course à pied, ce n'est pas aussi payant que d'autres sports professionnels. Vous ne faites rien pour déplaire à vos commanditaires, surtout en tant qu'athlète féminine. C'est ce genre de commentaires que j'ai reçus.
Lorsque j'ai parlé du harcèlement et des abus venant de certaines de mes coéquipières et de ce que cela signifie d'être une athlète féminine en général, on m'a dit ce que nous entendons toujours: si un bel homme avait dit cela, je l'aurais accepté sans protester. Cependant, parce que cela venait d'une personne qui n'était pas jolie, bien sûr je ne l'acceptais pas. C'est toujours ce que nous entendons, que nous soyons dans le sport ou non.
Le fait est que j'ai eu le courage, à ce moment-là, de venir ici et de dénoncer ces comportements. Il ne s'est rien passé par la suite. Cependant, on s'attendait à ce que je participe quand même à des compétitions et que j'essaie d'être sélectionnée dans des équipes nationales. Le fait de savoir comment mon témoignage avait été perçu par les athlètes et le grand public était plus que démoralisant. Être assise ici et vous parler de l'âgisme et du sexisme que j'ai vécus… J'ai même dit, dans mon témoignage de 2016, que je perdrais mon financement le lendemain. J'ai perdu mon financement le lendemain.
Où était Sport Canada? Je vous dis littéralement qu'il y a des politiques en place dans mon ONS qui disent que je suis trop vieille et qu'en tant que femme, je dois atteindre un certain jalon pour pouvoir participer à des compétitions. Cependant, si j'avais eu 25 ans ou que j'avais été un homme, le jalon aurait été différent, et j'aurais pu conserver mon financement. L'ONS, Athlétisme Canada... c'était sa politique. La réponse de Sport Canada fut essentiellement: « Ce sont les experts dans votre sport. Nous n'interviendrons pas. Nous accordons simplement le financement en fonction de leurs politiques. »
Je vous ai imploré. J'ai dit: « Une athlète ne peut pas faire cela. » Quelqu'un a-t-il vérifié si Sport Canada avait modifié la politique d'Athlétisme Canada? Personne ici ne l'a fait. Cette politique a fini par être assouplie, mais c'est parce que Peter Eriksson a été expulsé. Cela n'avait rien à voir avec un changement quelconque fait par Sport Canada ou ce gouvernement.
Je m'appelle Andrea Proske. Je suis rameuse, deux fois médaillée de la Coupe du monde, championne olympique et vice-présidente d'AthletesCAN. Je comparais également devant vous en tant que survivante d'un environnement d'entraînement toxique. Malheureusement, il n'y a là rien de nouveau. Cependant, si vous me le permettez, j'apporte aussi la preuve concrète qu'il est possible de gagner des médailles olympiques avec une autre culture.
Contrairement à d'autres athlètes dont vous avez peut-être entendu parler, j'ai commencé le sport à l'âge mûr de 27 ans, alors que j'étais gérante d'un hôtel avec des années d'expérience de direction. En route vers l'équipe nationale, j'ai dû composer avec de nombreux revers et des blessures graves, dont une collision avec un VUS. Malgré tout, j'ai persévéré, car je ne voulais rien de plus que le privilège de porter la feuille d'érable canadienne sur la scène mondiale.
Ni ma décennie d'expérience dans le monde réel ni ma résilience ne m'ont épargné les mauvais traitements qui ont suivi. Alors que Rowing Canada Aviron brillait sur la scène mondiale, pendant quatre ans, l'environnement de notre centre d'entraînement national a permis à 46 femmes de subir la manipulation, l'isolement et les mauvais traitements de la part d'un entraîneur autocratique qui régissait nos vies, Dave Thompson. Des punitions physiques étaient infligées pour des indiscrétions perçues, nos coéquipières étaient considérées comme des rivales à battre, les résultats des courses de sélection étaient gardés secrets et la prise d'un rendez-vous avec un physiothérapeute était vue comme un signe de faiblesse. Il contrôlait les moindres détails de ma vie, m'empêchant de voir des professionnels de la santé, des professionnels de la santé mentale et de parler à mon réseau de soutien.
Les répercussions de sa culture de la peur étaient loin de se limiter aux athlètes. Je n'oublierai jamais un membre du personnel de soutien qui m'a dit: « J'ai voulu démissionner tellement de fois, mais je n'ai pas pu parce que je savais que pour vous, les femmes, ce serait pire si je partais, vous n'auriez personne pour vous protéger. » Chaque fois qu'on me disait que j'étais trop grosse, trop lente, trop difficile, je le croyais un peu plus. L'environnement s'est normalisé, imprégné de favoritisme. C'était un maître de la manipulation qui m'a dit ouvertement qu'il préférait travailler avec des athlètes plus jeunes parce qu'elles suivaient les directives, sans poser de questions.
Je me suis inquiétée lorsque des athlètes m'ont dit qu'il terminait ses appels téléphoniques en disant: « Je t'aime » et qu'il ne raccrochait pas avant qu'elles lui disent la même chose en retour. Je m'inquiétais qu'il leur achète des cadeaux. Je m'inquiétais des rencontres individuelles avec l'entraîneur dans sa chambre d'hôtel. Mes craintes les plus profondes se sont concrétisées plus tard lorsque j'ai appris l'existence de dîners privés, de harcèlement sexuel et de violence sexuelle que mes coéquipières ont endurés.
J'essaie de me pardonner d'avoir été la témoin silencieuse de ces mauvais traitements. À bien des égards, j'ai obtenu ma médaille olympique au prix de ma dignité. Trop souvent, j'ai dû choisir entre mon sens moral et mes rêves olympiques.
En 2020, Rowing Canada Aviron a discrètement laissé partir Dave Thompson avant qu'une enquête sur la sécurité dans le sport ne confirme l'intimidation, le harcèlement et les mauvais traitements. Il a ensuite travaillé pour d'autres pays, et même pour une école de filles. Il n'y a pas de mots pour exprimer à quel point cela me met en colère.
Cependant, je vous ai promis un dénouement heureux. Notre merveilleuse nouvelle entraîneuse, Michelle Darvill, a hérité d'un groupe de femmes épuisées et brisées et elle a immédiatement donné la priorité à la reconstruction de la culture, de la confiance et du travail d'équipe. Elle disait des choses étranges comme: « Bon travail, je suis fière de toi. » À l'époque, cela semblait tout simplement révolutionnaire.
On nous a encouragées à nous montrer sans artifice, à être vulnérables et à nous tenir mutuellement responsables. Le secret de l'ancien régime a disparu, remplacé par une transparence totale et une communication ouverte. Pour la première fois comme membre de l'équipe nationale, j'ai eu le sentiment que mon parcours m'appartenait. Je créais une culture à partir de la base. Je créais un environnement d'entraînement dans lequel je pouvais m'épanouir. Nous étions en train de réinventer la performance d'élite. Je suis à votre disposition pour toute question visant à approfondir cette étude de cas.
Depuis, j'ai vu mon histoire se répéter dans d'innombrables autres à travers le Canada. Nous voyons certaines des femmes les plus fortes du Canada atteindre leur point de rupture collectif. Si l'année 2020 a été l'occasion d'écouter, l'année 2023 doit être celle d'agir. Voici trois mesures à prendre:
Premièrement, les services du BCIS doivent être accessibles à tous les niveaux du sport et suffisamment financés, la culture étant liée au financement des ONS.
Deuxièmement, nous avons besoin d'une formation complète et obligatoire pour les intervenants du domaine sportif sur tous les types d'abus. Nous avons besoin d'une formation des observateurs tiers.
Troisièmement, nous avons besoin d'une approche de justice réparatrice qui n'engendre pas de nouveaux traumatismes chez les victimes. Je vous suis très reconnaissante de m'accueillir aujourd'hui, mais comme vous pouvez le constater, il est très difficile d'exposer ce tissu cicatriciel émotionnel et de le revivre.
Pour conclure, lorsque j'ai commencé à travailler avec Michelle, je savais que c'était à nous de prouver que sa méthode d'entraînement pouvait faire gagner des médailles. Me voici, championne olympique, vous montrant une autre façon d'atteindre l'or. Ce n'est pas un chemin facile. Vous devrez faire preuve de la persévérance, de la confiance et du courage dont des femmes d'un peu partout au pays ont fait preuve.
Chaque athlète sait que le podium ne vient pas du jour au lendemain, mais je sais ceci: le Canada peut faire sa place sur la scène mondiale en tant que champion.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais commencer par reconnaître que nous sommes réunis sur le territoire ancestral du peuple algonquin Anishinabe. Je reconnais respectueusement les Premières Nations, les Inuits et les Métis de tout le Canada.
En écoutant aujourd'hui mesdames Marchant, Neil et Slater nous décrire ce qu'elles ont vécu, j'aimerais également rendre hommage à tous ceux et celles qui sont venus avant moi pour raconter comment ils ont fait face aux mauvais traitements, ainsi qu'à ceux et celles qui vivent encore avec le traumatisme en silence.
Je suis accompagnée d'Erica Gavel, paralympienne membre du conseil d'administration du CPC et vice-présidente du Conseil des athlètes; et de Michelle Killins, membre du personnel du CPC et directrice de la performance paralympique et du cheminement. Nous sommes toutes disponibles pour répondre à vos questions le moment venu.
Le CPC, ou Comité paralympique canadien est un organisme sans but lucratif qui compte 27 organisations sportives membres et qui se consacre au renforcement du mouvement paralympique et à l'inclusion au moyen des parasports. Nous nous employons à créer une culture sûre, inclusive et accueillante, une culture et un environnement qui soutiennent chaque participant, tout en respectant et en valorisant son vécu, sa voix et sa diversité, que ce soit sur le terrain de jeu ou dans son développement comme personne et comme leader. Nous sommes guidés par le leadership et l'expérience des athlètes pour créer un accès plus large à des possibilités sûres, positives et accueillantes.
J'aimerais vous présenter quelques exemples.
Notre programme phare de découverte d'athlètes, Paralympiens recherchés, produisait systématiquement un taux de participation des femmes nettement inférieur, ce qui illustre la sous-représentation systémique des femmes handicapées dans le sport. En réaction, nous avons chargé la paralympienne Elisabeth Walker Young, qui travaille également pour la diversité, l'équité et l'inclusion, de créer le cadre d'un événement pilote axé sur les besoins des femmes, dans le but de fournir un espace sûr et accueillant aux femmes et aux filles dans leur parcours parasportif.
En outre, pour mieux comprendre le vécu des femmes et des filles dans le parasport, nous avons mené plusieurs projets pour favoriser des environnements sûrs et inclusifs. Ils comprenaient une collaboration avec des organisations sportives nationales qui ont recueilli des données auprès des membres de leurs équipes afin que le vécu et la voix de leurs athlètes soient entendus, qu'ils soient pris en compte et qu'ils mènent à des changements positifs.
Par ailleurs, la paralympienne Stephanie Dixon et ses collègues ont mené une étude sur le sport sûr, inclusif et accessible. Cette étude et d'autres recherches visant explicitement des athlètes paralympiques sur la sécurité dans le sport ont été réalisées parce que la plupart des données et des idées issues des recherches disponibles n'étaient pas aussi inclusives ni représentatives du vécu des athlètes paralympiques. De plus, au niveau de la direction, le mouvement paralympique est renforcé par le fait que le conseil d'administration du CPC comprend une proportion élevée de paralympiennes: Erica Gavel, Michelle Stilwell et Cindy Ouellet. En outre, le Conseil des athlètes du CPC comprend aussi les paralympiennes Ina Forrest, Erica Gavel, AmyBurk et Abi Tripp.
Ces femmes mettent directement à profit leur propre expérience en matière de diversité, d'équité, d'inclusion et de sécurité dans le sport et grâce à leur leadership, elles contribuent à réinventer notre système sportif pour l'avenir.
Plusieurs fondements d'une culture de la sécurité dans le sport au Canada comprennent l'assurance absolue que plus de femmes, plus de diversité et plus d'athlètes ayant une voix directe sont soutenus dans des rôles de leadership. Deuxièmement, le concept d'éducation a été mentionné à plusieurs reprises. Pour être clair, il s'agit de parler non seulement de ce à quoi cela ressemble quand la sécurité fait défaut, mais aussi de ce à quoi ressemble un environnement et une culture de qualité pour le sport lorsque l'inclusion et la sécurité sont assurées.
La gouvernance a également été mentionnée à plusieurs reprises cet après-midi. Nous devons revoir certaines hypothèses et certains préjugés implicites de notre infrastructure et de nos politiques de gouvernance actuelles.
Enfin, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent assurer un leadership fort, collectif et ciblé pour assurer la sécurité, l'inclusion et la qualité dans le sport.
Pour conclure, le CPC croit en l'appartenance par le sport. Nous nous engageons à offrir un environnement sportif de qualité, inclusif, accueillant et sûr. Ce n'est pas négociable. Nous sommes résolument engagés à faire mieux.
Merci, madame la présidente.
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Merci de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui au nom de Natation Canada.
Je voudrais remercier les membres du Comité pour tout leur travail acharné et l'attention qu'ils accordent à ce sujet d'une importance primordiale. Je voudrais remercier tout particulièrement les athlètes, les victimes, leurs familles et leurs amis d'avoir eu le courage de venir nous faire part de leur vécu et de leur histoire.
Je suis directeur général depuis juillet 2013. J'aimerais vous donner un aperçu de notre sport et de notre organisation. Nous comptons plus de 75 000 inscrits en plus de milliers de bénévoles. Notre équipe féminine se classe parmi les six premières au monde et nous lui devons plusieurs des meilleures performances que le Canada ait jamais connues. En ce qui concerne les officiels et les athlètes, nous sommes pratiquement à la parité hommes-femmes. En collaboration avec la Société de sauvetage, on estime que 1,5 million d'enfants suivent différents types de cours de natation dans tout le pays.
Notre organisation dispose d'un budget d'environ 9 millions de dollars. Environ les deux tiers de cette somme proviennent de sources gouvernementales. Comme nous sommes relativement bien financés par rapport à d'autres sports plus petits, j'aimerais reconnaître que nous avons été en mesure de mettre en oeuvre des pratiques, des projets, des programmes et des systèmes de sécurité dans le sport que beaucoup d'autres ONS ne pourraient pas mettre en oeuvre. Nous avons le sentiment d'avoir bien fait beaucoup de choses, mais comme dans tous les sports, nous devons nous regarder dans le miroir et voir où nous pouvons faire mieux.
À mon arrivée, il manquait de femmes à des postes de direction et de ressources humaines en général au sein de l'organisation. Nous sommes passés de 10 à 50 employés. Notre personnel est majoritairement féminin, y compris plusieurs cadres supérieures et une directrice principale. Quatre des neuf membres de notre conseil d'administration sont des femmes, dont notre présidente actuelle et notre ancienne présidente. Avec l'aide du Comité olympique canadien, du Comité paralympique canadien et du gouvernement du Canada, nous avons mis au point un système de sécurité dans le sport axé sur l'éducation, la prévention et l'intervention.
Nous avons abondamment consulté nos amis d'USA Swimming qui avaient une longueur d'avance sur nous. Ils ont été heureux de partager avec nous leurs outils et leurs ressources. Nos sections provinciales et l'Association canadienne des entraîneurs de natation ont travaillé avec nous pour nous aider à trouver notre chemin au travers de l'écheveau de compétences très complexe, du manque de fonds et de ressources et, surtout, d'une gestion de cas complexe.
En 2016, nous avons commencé à mettre en oeuvre un programme national qui traite les problèmes, les plaintes et les allégations par l'entremise d'une agente indépendante de la sécurité dans le sport. Nous avons renforcé notre réponse en adhérant au Code de conduite du BCIS. Notre programme restera en place tandis que notre partenariat avec le BCIS se concrétisera dans des domaines qu'il ne couvre peut-être pas. Nous voulons que tous les participants disposent d'un endroit sûr pour se manifester dans les situations les plus difficiles.
Le BCIS est un élément clé qui permet à la communauté sportive de continuer à renforcer la sécurité de tous les participants. Il faudra du temps pour que chacun comprenne le rôle du BCIS et commence à en voir les effets positifs. Il faudra soutenir le système à partir de la base. Tous les acteurs de notre sport s'engagent à assurer un environnement sain et positif et à maintenir une culture sûre et inclusive pour tous.
Encore une fois, merci pour votre important travail au sein de ce comité. Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions dans le cadre de notre collaboration pour rendre le sport aussi sûr que possible.
Je vais commencer, puis j'inviterai peut-être Mme Gavel à donner le point de vue d'une athlète.
Je dirais que nous voyons un lien fondamental et fort entre la diversité et l'inclusion, d'une part, et la sécurité dans le sport, d'autre part. Si vous êtes en mesure d'établir ce à quoi ressemble un environnement sûr, accueillant et inclusif, vous atténuerez alors probablement vos risques de préjudice et de maltraitance. Nous croyons qu'ils sont inextricablement liés.
À titre d'organisation axée sur les Jeux, nous organisons et finançons, au nom du Canada, l'équipe paralympique canadienne pour trois séries de Jeux tous les quatre ans. Il s'agit des équipes des Jeux parapanaméricains, des Jeux paralympiques d'été et des Jeux paralympiques d'hiver.
D'un point de vue organisationnel, nous nous occuperons de tous les détails pendant la période des Jeux, par exemple, la façon dont nos organisations membres préparent les athlètes et notre partenariat avec ces organisations avant même qu'ils ne se rendent aux Jeux. C'est particulièrement vrai pour ceux dont c'est peut-être leur première participation aux Jeux et leur première expérience des Jeux.
Dans le village, il y a des structures de soutien intégrées pour s'assurer que les directeurs sportifs, les athlètes et les différentes équipes sportives sont bien pris en charge et disposent d'un mécanisme de réponse en cas de besoin immédiat. De plus, à un niveau très fondamental, simplement pour gérer le nombre de personnes, il y a la répartition des chambres et les liens avec le personnel.
Mme Gavel peut peut-être nous parler du point de vue et du vécu d'une athlète.