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Bonjour à toutes et à tous et bienvenue à la 55
e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 1er février 2022, le Comité entreprend son étude sur la traite des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre.
La réunion d'aujourd'hui se déroulera selon une formule hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022. Les députés participent en personne dans la salle ou à distance au moyen de l'application Zoom.
J'aimerais d'abord faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, vous devez cliquer sur l'icône du microphone pour ouvrir votre micro et ne pas oublier de le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas. Pour l'interprétation sur Zoom, vous avez le choix au bas de votre écran entre le parquet, le français et l'anglais. Les membres présents dans la salle peuvent se servir de l'oreillette et sélectionner le canal désiré. Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Si vous voulez prendre la parole, veuillez lever la main. Si vous êtes sur Zoom, servez-vous de la fonction « Lever la main ».
Comme je le fais souvent à ce comité, avant d'accueillir nos témoins, je dois vous avertir que le sujet de notre étude est très délicat. L'étude que nous entreprenons sera difficile à mener. Nous allons discuter d'expériences liées à la maltraitance qui pourraient provoquer des réactions chez les téléspectateurs, les députés ou le personnel ayant vécu des expériences similaires. Si vous vous sentez bouleversés ou si vous avez besoin d'aide, veuillez en informer la greffière.
Comme nous l'avons fait lors des études précédentes, si vous devez intervenir à un moment ou à un autre, il suffit de nous le faire savoir et nous pourrons travailler ensemble pour aller de l'avant.
J'aimerais à présent souhaiter la bienvenue à nos invités du premier groupe de témoins. Nous accueillons Daniel Anson, de l'Agence des services frontaliers du Canada. Il est directeur général, Renseignements et enquêtes. Du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, nous avons Michelle Van De Bogart, directrice générale, Application de la loi. De la Gendarmerie royale du Canada, nous accueillons la surintendante Kimberly Taplin, directrice générale, Services nationaux de police autochtones et de prévention du crime, ainsi que la caporale Jennifer Demers, Section nationale contre la traite de personnes.
Nous allons accorder à chacun cinq minutes. Si vous me voyez commencer à faire tourner mon stylo, cela voudra dire qu'il ne vous reste environ que 15 secondes pour conclure. Si nous pouvions nous en tenir le plus possible à cinq minutes pour avoir le temps de poser toutes les questions, ce serait excellent.
Pour commencer nos présentations, je cède la parole à Daniel Anson.
Monsieur Anson, vous avez cinq minutes.
[Français]
Je salue tous les membres du Comité.
Je m'appelle Daniel Anson, directeur général de la Direction du renseignement et des enquêtes, à l'Agence des services frontaliers du Canada.
Je ne prendrai que quelques minutes pour expliquer au Comité le rôle et les responsabilités de l'Agence des services frontaliers du Canada dans la détection et la lutte contre la traite de personnes à l'échelle internationale.
Comme le Comité le sait, l'administration et l'exécution de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR, relèvent de plusieurs ministères et organismes gouvernementaux.
Bien qu'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ait la responsabilité première d'élaborer une politique d'admissibilité qui établit les conditions d'entrée et de séjour au Canada et d'administrer la LIPR, l'Agence partage avec la Gendarmerie royale du Canada la responsabilité de l'application de cette loi. Dans l'exercice de son mandat, l'Agence partage de l'information et des renseignements avec d'autres ministères et partenaires de l'exécution de la loi, au besoin.
[Traduction]
Plus spécifiquement, l'ASFC repère les situations de traite des personnes transfrontalière, y compris à des fins de travail forcé; elle contribue à la sécurité des victimes potentielles en les soustrayant au contrôle des trafiquants présumés et en les orientant vers les services gouvernementaux appropriés; elle appuie les enquêtes sur des trafiquants, ainsi que les poursuites à leur endroit.
L'ASFC et la GRC ont une approche complémentaire en ce qui concerne les infractions en matière d'immigration. Alors que la GRC est responsable d'enquêter sur les infractions liées au crime organisé, à la traite des êtres humains et à la sécurité nationale, l'ASFC est responsable des autres infractions en matière d'immigration, en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, ou LIPR, qui comprend des infractions liées au passage de clandestins, aux documents frauduleux, aux fausses déclarations et à la section Infractions générales de la loi. L'ASFC fera appel à la GRC si elle découvre des indices liés à la traite des êtres humains au cours d'une enquête portant sur d'autres infractions. L'ASFC renvoie toutes les affaires de traite des êtres humains présumées à la GRC à des fins d'enquête, et elle oriente les victimes potentielles à IRCC à des fins de soutien.
La traite des êtres humains et le passage de clandestins étant souvent confondus, j'ai pensé profiter de l'occasion pour différencier ces deux infractions.
D'une part, la traite des êtres humains se produit lorsqu'une partie viole les droits d'une autre en la privant de sa liberté de choix à des fins d'exploitation. Elle peut se produire à l'intérieur comme à l'extérieur des frontières d'un pays, et peut impliquer de vastes réseaux de criminalité organisée. La traite des êtres humains implique le recrutement, le transport et l'hébergement de personnes par la force ou d'autres formes de coercition et de tromperie. Par exemple, certaines victimes peuvent être exploitées pour le commerce du sexe, le travail forcé ou l'esclavage domestique.
Le passage de clandestins, d'autre part, suppose qu'une personne franchit illégalement une frontière internationale. La personne en question choisit d'entrer clandestinement dans un pays et a conclu un accord avec une autre personne ou un autre groupe de personnes, généralement en échange d'une somme d'argent et en s'exposant parfois à des conditions dangereuses. La relation entre la personne et le passeur se termine généralement une fois que la personne qui est entrée illégalement arrive à destination.
Une personne ayant accepté d'être introduite de manière clandestine au pays peut également devenir victime de la traite des êtres humains aux mains du passeur. L'élément constant, c'est que la relation entre un trafiquant d'êtres humains et sa victime est continue et s'étend au‑delà du passage à la frontière. Les victimes peuvent être maltraitées par les trafiquants et subir de graves conséquences si elles tentent de s'échapper.
Depuis 2012, l'ASFC collabore avec des partenaires à l'échelle fédérale pour mettre en place le plan d'action — la stratégie, à présent — nationale pour lutter contre la traite de personnes. Dans le cadre de cet engagement, les agents de l'ASFC reçoivent une formation leur permettant de cerner les indicateurs associés aux victimes de la traite des êtres humains, et de leur apporter du soutien en les orientant vers les organismes gouvernementaux appropriés.
Malgré tous les efforts déployés, l'identification des victimes de la traite des êtres humains à la frontière peut s'avérer difficile. Les victimes potentielles peuvent ne pas savoir ce qui les attend à la suite de leur entrée au pays. Par ailleurs, si elles ne se rendent pas compte qu'elles sont exploitées, elles peuvent être intimidées et refuser de demander ou de recevoir de l'aide.
L'ASFC prend très au sérieux l'enjeu de la traite internationale des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre. Les cas d'exploitation sexuelle et d'esclavage domestique affectent ces populations de manière disproportionnée. En effet, selon certaines estimations, environ 90 % des victimes de la traite des êtres humains au Canada sont des femmes et des filles. Les trafiquants d'êtres humains engrangent d'importants bénéfices tout en privant les victimes de leur liberté, de leur dignité et de leur potentiel humain.
L'ASFC est un partenaire actif et engagé dans la lutte contre la traite des êtres humains. Elle détecte et perturbe les opérations de traite et de transport des victimes au Canada. Nous continuons de travailler avec nos partenaires dans l'objectif commun d'empêcher le Canada de servir de pays d'origine, de destination ou de transit pour ces comportements criminels.
Voilà qui conclut mes remarques préliminaires. Je vous remercie à nouveau de m'avoir donné l'occasion de souligner le rôle et l'impact de notre agence. Je serai heureux de répondre aux questions des membres du Comité.
Je vous remercie.
Avant de commencer, je tiens à souligner que nous sommes réunis aujourd'hui sur les terres traditionnelles non cédées du peuple algonquin Anishnaabeg.
Je vous remercie de m'offrir la possibilité de m'adresser à vous aujourd'hui. Je m'appelle Michelle Van De Bogart et je suis directrice générale de l'Application de la loi à Sécurité publique Canada. Je prononcerai le mot d'ouverture au nom de Sécurité publique Canada et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions au cours de cette table ronde.
Je vous félicite, vous ainsi que les membres du Comité, pour le débat en cours sur un sujet d'une importance cruciale pour les droits fondamentaux des femmes, des jeunes filles et des personnes de sexe différent au Canada: la traite des personnes.
Nous savons que la traite des personnes est un crime très sexiste dont les causes profondes sont souvent liées au déséquilibre des pouvoirs, à l'inégalité entre les genres et à la discrimination. Le fait est que les femmes et les jeunes filles sont le plus souvent ciblées à des fins d'exploitation sexuelle en raison d'une combinaison de facteurs sociaux, économiques et culturels.
Le gouvernement du Canada reconnaît depuis longtemps l'importance d'une stratégie globale, coordonnée et multidimensionnelle pour lutter contre ce crime. Les efforts de lutte contre la traite des personnes sont entrepris par de nombreux ministères et organismes du gouvernement du Canada, notamment la Gendarmerie royale du Canada, l'Agence des services frontaliers du Canada, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Statistique Canada et d'autres organismes dont vous entendrez parler tout au long de cette étude.
Sécurité publique Canada est le ministère fédéral chargé de diriger la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes depuis son lancement en 2019. La Stratégie nationale réunit les efforts fédéraux dans un cadre stratégique unique. Elle repose sur les piliers internationalement reconnus que sont la prévention, la protection, les poursuites et les partenariats, et comprend également un pilier autonomisation qui vise à renforcer l'aide aux victimes touchées par ce crime.
Un financement d'environ 75 millions de dollars a été affecté à la Stratégie nationale entre 2018 et 2024. Ce montant comprend un investissement de 14,5 millions de dollars pour la Ligne d'urgence canadienne contre la traite des personnes.
La Stratégie nationale est maintenant dans sa dernière année — des progrès et des réalisations ont été accomplis, mais il reste encore beaucoup à faire. En tant que stratégie évolutive, nous continuons à l'adapter à l'évolution des circonstances et aux besoins de nos communautés.
J'aimerais souligner quelques réussites pour chaque pilier de la Stratégie nationale.
Dans le cadre du pilier de l'autonomisation, le gouvernement du Canada a investi jusqu'à 22,4 millions de dollars dans 63 organisations qui s'efforcent de prévenir la traite des personnes et de soutenir les populations à risque et les survivants. Cette annonce a été faite conjointement avec le ministère des Femmes et de l'Égalité des genres du Canada. Ces projets ont permis et permettront d'améliorer l'accès des victimes et des survivants aux services et au soutien, de sensibiliser les jeunes à risque à la traite des personnes et d'élaborer des idées technologiques novatrices pour lutter contre la traite des personnes.
Plus récemment, Sécurité publique Canada a conclu un accord de financement avec Victim Services Toronto pour le « Project Recover », un projet de collaboration visant à aider les survivants de la traite des personnes à résoudre les dettes frauduleuses contractées en leur nom par les trafiquants.
Il est essentiel de sensibiliser les Canadiens à la traite des personnes. Dans le cadre du pilier prévention, Sécurité publique Canada a lancé la campagne de sensibilisation primée intitulée « Ce n'est pas ce qu'on croit » afin d'informer le public, en particulier les jeunes et les parents, sur la traite des personnes. Cette année, l'équipe de marketing de Sécurité publique Canada travaille à la planification et à l'élaboration de matériel de sensibilisation pour les publics autochtones.
Une initiative importante dans le cadre du pilier protection a été notre soutien constant à la Ligne d'urgence canadienne contre la traite des personnes, un service multilingue gratuit disponible 24 heures sur 24 et sept jours sur sept qui oriente les victimes vers les services locaux d'application de la loi, les refuges et toute une série d'autres aides et services. Dans le cadre de ce pilier, nous travaillons également à l'élaboration de lignes directrices et d'outils de formation pour les fournisseurs de services de première ligne, y compris des lignes directrices spécifiques pour soutenir les survivants autochtones.
En ce qui concerne le pilier des poursuites, je m'en remettrai à mes collègues pour parler de leurs efforts en matière d'enquêtes et de mouvements transfrontaliers.
Enfin, le gouvernement du Canada reconnaît que le maintien et l'établissement de partenariats solides à l'intérieur et à l'extérieur du gouvernement du Canada sont essentiels au succès du Canada dans la lutte contre la traite des personnes. Dans le cadre du pilier des partenariats, l'engagement avec les provinces et les territoires a été essentiel pour soutenir notre réponse collective à ce crime, notamment par l'intermédiaire du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la traite des personnes, dirigé par Sécurité publique Canada, et des tables des ministres FPT responsables de la justice et de la sécurité publique. Ces forums demeurent importants pour les partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux, car ils permettent d'optimiser les efforts de chacun dans la lutte contre la traite des personnes.
J'aimerais conclure en reconnaissant que la traite des personnes à des fins de travail, la traite des femmes et des filles autochtones, des personnes 2SLGBTQIA+ et des migrants, l'utilisation de la technologie dans la traite des personnes, les efforts de collecte de données et la protection des nouveaux arrivants contre la traite des personnes, y compris les ressortissants ukrainiens au Canada, sont quelques-unes des questions clés qui ont suscité davantage d'attention et qui nécessiteront une collaboration accrue au cours des prochaines années.
Dans cette optique, je tiens à remercier le Comité d'avoir entamé ce dialogue important aujourd'hui. Je répondrai volontiers à vos questions.
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Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité. J'aimerais commencer par rappeler que nous sommes réunis sur le territoire non cédé du peuple algonquin.
Comme la présidente l'a dit, je suis la surintendante Kim Taplin, directrice générale des Services nationaux de police autochtones et de prévention du crime. Je suis accompagnée aujourd'hui de ma collègue, la caporale Jennifer Demers, membre de la Section nationale contre la traite de personnes.
Je vous remercie de nous avoir invitées dans le cadre de votre étude sur la traite des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre. J'aimerais commencer par expliquer le mandat et le travail de la Section nationale contre la traite de personnes de la GRC et vous communiquer quelques faits saillants sur la traite de personnes dans le contexte canadien.
Partout au Canada, la GRC contribue au déploiement de la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes du gouvernement du Canada. Elle reste déterminée à prendre des mesures en collaboration avec les ministères et organismes fédéraux et provinciaux, les organisations non gouvernementales et les partenaires chargés de l'application de la loi. Ces relations sont essentielles pour que la police et les organisations non gouvernementales puissent identifier et aider les victimes de la traite de personnes.
La Section nationale contre la traite de personnes, qui facilite de manière centralisée les activités de lutte contre la traite de personnes de la GRC, exécute les fonctions suivantes: sensibiliser et renseigner la population, établir des partenariats et les consolider, soutenir les opérations, faire avancer la politique opérationnelle et produire des rapports internes et externes. La Section nationale contre la traite de personnes ne mène pas d'enquêtes, mais agit plutôt à titre de centre décisionnel chargé de la sensibilisation et de l'éducation sur la traite de personnes.
Par exemple, récemment, le 9 mars, la GRC a organisé un atelier de formation sur la traite de personnes et l'exploitation sexuelle des hommes et des garçons à l'intention des membres la GRC, des Forces armées canadiennes, d'autres services de police et d'autres ministères. Cet événement avait pour but d'aider les responsables de l'application de la loi à comprendre le modus operandi de la traite de personnes de sexe masculin. Des victimes de diverses identités de genre faisaient partie du sujet abordé lors de l'atelier.
Tout le monde peut être victime de la traite de personnes. Toutefois, des facteurs comme l'âge, la situation géographique, le contexte socioéconomique et l'appartenance ethnique peuvent contribuer à des difficultés uniques qui mettent certaines populations particulièrement à risque.
Comme l'a dit mon collègue de l'ASFC, pour qu'il y ait traite de personnes, il ne faut pas nécessairement qu'une frontière soit franchie ou qu'il y ait eu un quelconque déplacement. L'exploitation, selon la définition donnée dans le Code criminel, est l'élément clé de l'infraction. Il y a exploitation lorsqu'une personne oblige une autre personne à fournir un travail ou un service sexuel en lui faisant craindre pour sa sécurité ou celle d'une personne qu'elle connaît.
On parle de traite nationale de personnes lorsque toutes les étapes du crime se déroulent au Canada; il n'y a pas de déplacements transfrontaliers internationaux. On parle de traite internationale de personnes lorsque la victime, au cours du processus d'entrée ou de sortie du Canada, franchit une frontière internationale.
Il est difficile d'évaluer l'ampleur de la traite de personnes en raison de la nature clandestine de cette infraction et de la réticence des victimes et des témoins à parler aux autorités chargées de l'application de la loi. Dans certains cas observés au Canada, il est évident que certaines victimes ne savaient pas qu'elles étaient exploitées.
La GRC mène des initiatives proactives de sensibilisation et des enquêtes sur les infractions possibles liées à la traite de personnes. L'une des sources les plus importantes: les experts ayant une expérience vécue, c'est‑à‑dire les survivants. Nos partenariats nous permettent de leur donner les moyens de nous raconter leur histoire ainsi que d'enseigner aux responsables de l'application de la loi à reconnaître les signes de la traite de personnes.
Il est important pour les organismes d'application de la loi qui mènent des enquêtes de connaître les stratégies employées par les trafiquants. En 2022, un sergent de la GRC s'est rendu dans un pénitencier de l'Ontario pour s'entretenir avec un détenu incarcéré pour des accusations liées à la traite de personnes. L'objectif de l'entretien était d'obtenir le point de vue d'un trafiquant réhabilité en lui demandant comment il est devenu trafiquant et pourquoi il a commis ces crimes. L'entretien a été enregistré et sera intégré à la formation à l'intention des responsables de l'application de la loi.
La GRC collabore avec des partenaires nationaux et internationaux afin d'assurer une approche coordonnée de la détection des cas de traite de personnes, des enquêtes sur le sujet et de la lutte contre ce crime. La GRC contribue également à la mise en oeuvre d'initiatives de prévention du crime et oriente les victimes vers les services d'aide aux victimes et les ressources communautaires, s'il y a lieu.
La traite de personnes est un sujet important et un délit grave. La caporale Demers et moi-même sommes heureuses d'être ici pour répondre à vos questions et vous fournir de l'information sur les projets, les initiatives et les produits auxquels notre équipe a travaillé ces dernières années.
Nous apprécions également le travail que vous faites. Nous vous remercions de continuer à attirer l'attention sur cet enjeu crucial qui a des répercussions sur la vie, la santé et le bien-être des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre.
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Je vous remercie de votre question.
Certainement, je vais vous parler du plus grand défi, auquel l'agence fait face, à savoir qu'il s'agit d'une activité clandestine qui se déroule aux postes frontaliers. Les preuves ou les indicateurs de traite des personnes sont très rares, voire inexistants, au point d'entrée lors de l'arrivée. Le problème, le plus souvent, est que beaucoup de ces personnes peuvent entrer légalement ou pour toutes sortes d'autres raisons, par exemple, comme travailleurs étrangers temporaires, comme personnes munies d'un permis de résidence temporaire, par les canaux d'immigration habituels ou par le biais d'Expérience internationale Canada. Ce que l'on constate ce sont des entrées légales au Canada, et c'est ensuite qu'interviennent la force, la fraude et la coercition.
Parallèlement, le problème croissant auquel nous faisons face en matière d'immigration clandestine ne fait qu'amplifier le risque encouru par les personnes entrées clandestinement, en ce sens que cela donne aux trafiquants potentiels des moyens de pression sur ces clandestins et des moyens de les mettre en danger. Par exemple, elles n'ont peut-être pas encore de permis de travail pour ressortissant étranger. Elles n'ont peut-être pas encore récupéré leur vrai passeport. Elles peuvent dépendre de faux papiers. Ce sont là quelques-unes des méthodes qu'utilisent les trafiquants pour continuer d'exercer leur influence, qu'il s'agisse de promesses de regroupement familial ou autre.
En réalité, notre difficulté est que l'agence ne dispose que d'une marge de manœuvre restreinte pour ce qui est d'interdire l'entrée à un poste frontière, ce qui nous permettrait de séparer immédiatement le trafiquant de ses victimes et de nous assurer que les personnes qui ont déjà été victimisées ou traumatisées soient en mesure d'obtenir les services et le soutien de certains de nos partenaires nationaux ou fédéraux.
Pour répondre directement à votre question, madame Sudds, le fait est que nous avons des capacités restreintes pour traiter et reconnaître la traite directement, même si nous consacrons beaucoup d'efforts aux rapports de renseignements, à l'identification et à l'énumération des indicateurs, des modes et des tendances de la traite. Nous faisons ensuite de notre mieux pour que cette formation soit déployée à tous les agents des services frontaliers du pays, qu'elle soit mise en commun par les membres du groupe de travail d'experts et systématisée dans le cadre de la formation des ASF lors du cours d'initiation du collège de Rigaud et dans toutes les formations continues pour nous assurer que tous sont en mesure de reconnaître la traite des personnes.
C'est le défi que nous devons relever. Nous renvoyons toutes les situations, les cas ou les cas soupçonnés de traite des personnes à nos partenaires des forces de l'ordre, que ce soit la police compétente ou nos partenaires de la GRC, mais si je devais résumer la situation à un seul problème, je dirais que c'est vraiment là que nous faisons face au plus grand défi, lors de la protection des points d'entrée et de l'accès au Canada.
À propos de partenaires, ma prochaine question s'adresse à la superintendante Kimberly Taplin, ou peut-être à la caporale Jennifer Demers si elle souhaite aussi répondre.
Si l'on regarde la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes, de ce que j'ai lu au cours de la semaine dernière pour me préparer, il me semble que les faits révèlent l'utilisation croissante de la technologie quand il s'agit de la traite des personnes. Ce qui est particulièrement préoccupant, selon moi, c'est l'exploitation des enfants sur Internet.
Je me demandais si vous pouviez nous parler du travail que vous accomplissez contre l'exploitation des enfants qui se fait en tirant parti de la technologie.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'être ici pour cette étude si importante sur la traite des personnes.
Cela fait longtemps que je souhaite aborder cette question au Comité, en tant que membre du Groupe parlementaire multipartite de lutte contre l’esclavage moderne et la traite des personnes. Cette année, le 22 février, nous avons souligné la troisième édition de la Journée nationale de sensibilisation à la traite des personnes.
Comme l'ont indiqué la plupart des témoins dans leurs remarques préliminaires, nous nous rendons compte de notre manque de connaissances et de formation en la matière et du besoin de sensibiliser les gens à cette question. Les gens pensent que la traite des personnes est une question qui se passe à l'extérieur de nos frontières, mais on constate que la plupart des victimes, finalement, sont canadiennes. Cela se passe à l'intérieur même de nos frontières. Cela démontre le manque flagrant d'éducation et de connaissances de la population à ce sujet.
Je vais d'abord m'adresser à M. Anson, mais, si quelqu'un d'autre veut ajouter quelque chose, je l'invite à le faire.
En 2005, le Canada a adopté un projet de loi interdisant la traite des personnes, mais les trafiquants continuent de s'enrichir en exploitant des gens de partout. Entre 2009 et 2018, les services de police d'un bout à l'autre du pays ont signalé 1 708 cas relatifs à la traite des personnes. Toutefois, comme vous l'avez dit, ces données ne représentent toutefois probablement que les cas ayant fait l'objet d'une intervention policière. Les témoignages de personnes qui ont vécu une expérience de traite et de fournisseurs de services sociaux nous laissent plutôt croire que le nombre réel de victimes et de survivants est beaucoup plus élevé.
Avez-vous des données plus récentes concernant les cas relatifs à la traite des personnes? Vous avez dit qu'il était difficile d'obtenir des chiffres, mais pouvez-vous nous brosser un portrait plus actuel de la situation?
Je m'adresse à vous d'abord, monsieur Anson, mais j'invite d'autres témoins à intervenir pour que nous ayons un portrait plus actuel de la situation.
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Je remercie la députée de sa question.
[Traduction]
Je suppose que je dirais d'entrée de jeu que je comprends certainement ce point de vue et, encore une fois, la grande importance des statistiques.
Malheureusement, l'ASFC n'a pas nécessairement le même mandat national pour ce qui est de faire un suivi des dossiers de traite des personnes ou des cas soupçonnés, de s'y attaquer et d'intenter des poursuites.
Nous participons avec notre service de police compétent, nos partenaires des services nationaux de police, pour assurer une sensibilisation continue. La détermination des indicateurs, des tendances et des mises en garde est mise en commun pour renseigner le service de police compétent dans ses processus d'enquêtes nationales et pour mieux sensibiliser les partenaires fédéraux de tous les ministères. Par conséquent, nous reconnaissons sans aucun doute que la sensibilisation est essentielle, sans compter notre capacité à soutenir nos partenaires des services de police nationaux. Ce n'est pas nécessairement une chose que nous établissons ou dont nous faisons un suivi.
Une fois de plus, la seule chose que j'ajouterais pour répondre à votre question serait vraiment que, compte tenu de l'éventail de moyens utilisés pour arriver au Canada, les gens peuvent parfois hésiter à signaler des cas de traite de personnes. Il est encore une fois important de reconnaître qu'un grand nombre de ces personnes sont vulnérables à la coercition, à la fraude et à des situations potentielles de servitude. De plus, elles fuient peut-être la persécution, des catastrophes naturelles, des dictatures ou de la discrimination fondée sur le sexe, l'orientation sexuelle, la religion, la race, la couleur et ainsi de suite, ce qui signifie qu'elles ont peut-être tendance à avoir peur de signaler certains incidents aux autorités compte tenu du fait qu'elles arrivent de pays où on n'a pas le même lien de confiance envers les forces de l'ordre ou les partenaires des services de sécurité nationaux.
Pour ce qui est des chiffres et de la capacité de s'attaquer au problème à l'échelle nationale, je vous dirigerais sans aucun doute vers nos partenaires des services de police nationaux.
[Français]
Je vous remercie de cette question, madame.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Ma première question est pour la surintendante Taplin. Nous savons qu'il y a des problèmes persistants de discrimination systémique et de violence sexuelle au sein de la GRC. Je veux attirer l'attention sur un article publié par CBC en mai 2021, en réponse au rapport de l'Alliance canadienne féministe pour l'action internationale. Selon le rapport, il existe des preuves d'une tendance à la discrimination, au harcèlement et aux agressions contre les femmes par des agents de la GRC.
Plus loin, Pamela Palmater dit que si les agentes de la GRC ne sont pas à l'abri des agressions sexuelles commises par des agents, personne ne devrait être surpris d'apprendre que les femmes et les filles autochtones marginalisées ne sont également pas en sécurité.
Je veux aussi attirer l'attention sur un article publié par CBC en 2015 à propos de l'agent Kevin Theriault, dans le Nord du Manitoba, qui a conduit à la maison une femme intoxiquée qui s'était retrouvée en prison, avec la permission d'un agent superviseur, pour avoir des relations avec elle. Je n'ai pas la citation exacte, mais l'agent superviseur aurait dit, en des termes moins polis: « Tu l'as arrêtée; tu peux maintenant en faire ce que tu veux. » C'est dans un reportage de CBC.
Ce qui me préoccupe, c'est que la GRC continue d'enquêter sur ses propres allégations d'inconduite. Je me demande ce qu'elle fait pour s'attaquer à ce genre de racisme systémique grotesque et à la violence sexuelle qu'on observe encore, plus particulièrement contre les femmes et les filles autochtones.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vous serais reconnaissante de nous donner des réponses assez brèves, parce que nous n'avons pas beaucoup de temps.
Monsieur Anson, vous parlez dans vos notes d'allocution du Plan d'action national de lutte contre la traite des personnes.
Quant à vous, madame Van De Bogart, vous parlez de la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes.
Le plan d'action date de 2012 et la stratégie, de 2019.
Chacun des organismes possède-t-il son propre plan d'action?
Travaillez-vous isolément, chacun de votre côté?
Quelle est l'origine de ces plans et stratégies? Comment fonctionnent-ils quand vient le temps d'être efficient et opérationnel?
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Si je devais répondre à la question, je dirais que c'est très difficile, car il y a une série de différents types d'exploitation qui, malheureusement, sont utilisés par les trafiquants de personnes.
J'ai tenté d'en apprendre le plus possible sur le sujet et je poursuivrai mes efforts, mais il existe toute une série de notions différentes que les gens associent, à tort, à ce que j'appellerais les « chaînes de l'esclavage moderne ». Il peut s'agir de tout, du travail forcé à l'exploitation sexuelle. Il s'agit de tout ce qui est fait pour forcer une personne à exercer, contre son gré, une activité qui est très probablement, dans de nombreux cas — et certainement lorsqu'il s'agit de la traite des êtres humains —, à des fins horribles.
Qu'il s'agisse de travail forcé, qui peut se manifester dans le secteur de la construction ou dans le secteur agricole par l'exploitation des personnes qui arrivent au Canada pour échapper à la persécution, qu'il s'agisse des personnes exploitées à des fins sexuelles… Là encore, ma collègue, Mme Van De Bogart, a expliqué qu'environ 96 % des personnes sont exploitées à des fins sexuelles et que, sur l'ensemble des personnes victimes de la traite des personnes, 71 % le sont à des fins d'exploitation sexuelle.
À quoi la situation ressemble‑t‑elle aujourd'hui? La traite des personnes est présente dans tous les milieux et dans toutes les classes de la société. Elle est présente dans un grand nombre de secteurs d'activités. Je pense que les efforts de sensibilisation à cet égard représentent l'une des meilleures méthodes que nous puissions mettre en œuvre pour lutter contre ce fléau.
Pour répondre aussi à la question sur le travail en cloisonnement, nous travaillons efficacement ensemble au sein de la police et des organismes de réglementation et d'application de la loi. Par ailleurs, à l'échelon international, dans le cadre du pilier des partenariats, nous travaillons avec des partenaires internationaux pour sensibiliser les gens, certainement dans les pays sources à partir desquels des personnes sont potentiellement envoyées au Canada dans le cadre de la traite des personnes.
La situation actuelle est donc un amalgame de nombreux éléments, et nous devons continuer à adapter les approches utilisées. Nos rapports sur le renseignement continuent de fournir des indicateurs sur la situation actuelle, afin que nous puissions mieux repérer les activités liées à la traite des personnes et prendre les mesures appropriées.
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Je vous remercie, madame la présidente.
J'aimerais remercier tous nos témoins d'être venus nous fournir des renseignements sur la traite des personnes et sur les mesures prises par notre gouvernement pour lutter contre cette situation.
Monsieur Anson, vous avez dit plus tôt que lorsque les gens arrivent à la frontière, rien n'indique qu'ils ont été victimes de la traite des personnes. Nous ne le découvrons que plus tard, et nous avons peu de temps pour intervenir et aider la victime et veiller à ce qu'elle soit prise en charge.
Que faisons-nous lorsque ces personnes se présentent dans les bureaux des services frontaliers pour des entretiens ou d'autres raisons? Je ne sais pas à quelle fréquence cela se produit, mais lorsqu'une personne se présente et qu'elle est victime de la traite, ou lorsqu'il apparaît clairement qu'elle est une victime, des mesures précises sont-elles prévues à la frontière pour encourager cette personne à divulguer la situation dans laquelle elle se trouve? Je sais qu'il est souvent difficile pour ces personnes de s'exprimer, car elles sont souvent en danger.
Pouvons-nous prendre d'autres mesures à la frontière pour aider davantage ces personnes à s'exprimer ou à demander de l'aide si elles sont dans une situation dans laquelle elles ne souhaitent pas nécessairement se retrouver?
:
C'est certainement une question très difficile et complexe, car pour informer les personnes qui font potentiellement l'objet de la traite des personnes et qui, je suppose, à ce stade, sont susceptibles d'être amenées clandestinement au Canada… Il est très difficile de les informer sur leur situation.
Pour répondre à votre question, ainsi qu'à la question précédente, je dirais qu'il est très important d'informer les gens au pays sur cette situation pour veiller à ce qu'ils soient en mesure de repérer les indicateurs après l'arrivée de ces personnes au Canada. Je ne peux pas parler des mesures qui pourraient être prises à la frontière, mais je dirais que nous comptons grandement sur nos agents des services frontaliers pour appliquer un très large éventail de plus de 100 mesures législatives, de la Loi sur les douanes à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Cependant, ces agents sont passionnément déterminés à s'assurer que la traite des personnes est interdite à la frontière.
Pour vous rassurer, je vous dirai que, dans les cas soupçonnés de traite des personnes à la frontière, la première chose que fera un agent des services frontaliers sera de séparer la victime potentielle de la personne qui fait la traite. À partir de là, l'agent suivra une série de procédures établies qui mèneront probablement à la détention et potentiellement à une demande d'enquête auprès du service de police concerné ou de la GRC. C'est à ce moment‑là que la personne qui a été traumatisée et qui est susceptible d'être victime de la traite des personnes aura accès à toute une série de services et de soutiens de nos partenaires fédéraux, qui sont habituellement offerts par l'entremise d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.
L'autre chose que j'aimerais ajouter, c'est que très souvent — et c'est une chose que nous entendons assez fréquemment —, ces personnes ont peur de se manifester, car elles risquent l'expulsion. Chaque cas est différent, mais divers services de soutien sont accessibles aux personnes qui déclarent être une victime potentielle de la traite des personnes. Par exemple, il y a des logements d'urgence, du financement d'urgence et des services de soutien, ainsi que divers types de séjours au Canada, qu'il s'agisse d'un permis de travail ouvert pour les travailleurs vulnérables ou d'un permis de séjour temporaire pour les victimes de la traite des personnes. Un mécanisme de soutien a été mis en œuvre et il peut être appliqué immédiatement à la frontière. Les agents des services frontaliers reçoivent la formation nécessaire afin d'avoir cela à l'esprit et d'être en mesure de prononcer une interdiction s'ils soupçonnent qu'une personne est victime de la traite des personnes à la frontière, c'est‑a‑dire à un point d'entrée au Canada.
Je vous remercie beaucoup d'avoir posé cette question.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie encore les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Le Plan d'action national de lutte contre la traite des personnes a été lancé en 2012 et la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes l'a été en 2019. Pourtant, les chiffres continuent de démontrer que le nombre des victimes de traite des personnes augmente.
Vous avez même dit que la traite touchait particulièrement les femmes. Selon vos derniers chiffres, les femmes et les filles représentent 96 % des cas. C'est vraiment frappant.
Or ce qui est pire encore, c'est qu'on se doute que ce n'est que la pointe de l'iceberg. C'est une question très sensible, mais il semble que les femmes et les filles victimes de cette traite trouvent difficile de la dénoncer. Elles éprouvent probablement aussi un certain manque de confiance quant à la façon dont elles pourraient être aidées si elles font de la dénonciation. Elles l'ont d'ailleurs déjà dit. La dénonciation entraîne aussi de la peur.
Qu'est-ce qui ne fonctionne pas pour que les victimes ne fassent pas confiance au système et aux différentes institutions qui s'occupent de la traite des personnes?
Visiblement, il existe un problème de manque de confiance.
Monsieur Anson, sincèrement, depuis le lancement de la dernière Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes, en 2019, comment votre travail a-t-il évolué par rapport à la détection des cas de traite des personnes?
Vous sentez-vous mieux outillé, en 2023, pour prévenir et détecter ces cas?
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Je vous remercie aussi de cette question.
[Traduction]
Je ne pourrais pas nécessairement vous indiquer ce qui ne fonctionne pas, mais je peux assurément vous parler de ce qui fonctionne.
Je vous dirais qu'à la faveur d'un soutien plus senti résultant d'une plus grande conscientisation, l'ASFC a fait le nécessaire pour assurer une sensibilisation accrue à l'interne en tablant sur une formation en constante évolution pour nos agents des services frontaliers. Nous veillons ainsi à ce que nos points d'entrée ne deviennent pas des dispositifs facilitant la traite de personnes, et surtout de femmes, de filles et de personnes de diverses identités de genre, qui seront ensuite exploitées au Canada.
Il y a un autre élément qui fonctionne bien dans le cadre de notre programme de renseignements. On nous a fixé au départ un objectif qui était, si je ne m'abuse, de 11 rapports par année pour sensibiliser les gens à cette problématique, fournir des indicateurs en la matière et servir des mises en garde. Depuis 2019, nous en avons produit 145 à un rythme qui atteint actuellement quelque 35 rapports par année. Il s'agit de rapports de renseignement très détaillés connaissant toutes sortes d'informations sur les différents types d'activités dont il faut suivre l'évolution en mettant en lumière les nouvelles formes d'exploitation de nos processus d'immigration. Comment ces gens‑là traversent-ils nos frontières? Quels sont les indices ou les signaux d'alarme à détecter dans un véhicule pour déterminer qu'une personne pourrait être victime de traite? Quels sont les comportements, les indices visuels et les itinéraires particuliers que nos agents pourraient repérer?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vais continuer avec M. Anson.
Nous savons que la meilleure façon de protéger les femmes est d'avoir recours à des approches de réduction des méfaits. Il ne fait aucun doute que la traite de personnes à des fins sexuelles est une grande source de préoccupation. Dans un article publié par CBC News le 11 mai 2015, Jean McDonald, qui travaillait alors — et je ne sais pas si c'est encore le cas — pour Maggie's, le projet d'intervention auprès des travailleuses du sexe de Toronto, a déclaré que les victimes identifiées lors des enquêtes sur la traite de personnes devraient se voir offrir sur‑le‑champ la résidence permanente et l'immunité contre toute expulsion.
Pour faire suite à la question de ma collègue concernant les nombreuses victimes de la traite de personnes qui hésitent à dénoncer les coupables de crainte d'être expulsées du pays, ne croyez-vous pas que l'on pourrait notamment protéger ces femmes en leur offrant la résidence permanente dans les cas de traite à des fins sexuelles, de telle sorte qu'elles puissent communiquer sans crainte aux autorités tous les renseignements pertinents?
:
Merci pour la question.
Vous avez raison. Comme nous ne le savons que trop bien, c'est un crime qui n'est pas suffisamment signalé. Nous collaborons de près avec Statistique Canada pour compiler des données afin d'orienter le mieux possible notre stratégie.
Je vais revenir à la question de la sensibilisation. Nous avons souligné à quel point il est crucial que les Canadiens comprennent bien en quoi consiste la traite des personnes, quels sont les indices d'une telle activité et comment signaler les situations semblables. Dans le cadre de ses efforts de prévention, notre ministère a mené de nombreuses campagnes de sensibilisation. Nous avons parlé précédemment de la forme que peut prendre la traite des personnes. En 2021, nous avons lancé notre campagne « Ce n'est pas ce qu'on croit », parce que de nombreux Canadiens ne comprennent pas que bien des victimes de la traite le sont aux mains d'un conjoint, d'un partenaire intime ou d'un proche.
J'estime que la collecte de données est absolument primordiale. Nous devons poursuivre nos efforts en ce sens, mais la sensibilisation est également cruciale. Il faut sensibiliser le grand public, mais aussi les différents acteurs dans le secteur des services et les endroits où sévit la traite de personnes. Nous préparons actuellement des directives dans quatre domaines principaux afin d'aider les travailleurs de première ligne du secteur des services à mieux comprendre les indices de la traite de personnes et la manière dont ils doivent s'y prendre pour signaler ce genre de situations.
Je pense que c'est une façon d'y arriver. Nous pouvons faire le nécessaire pour nous assurer que les gens comprennent bien. Chacun peut faire un signalement, et ces signalements représentent autant de données à notre disposition.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie également les témoins de leurs témoignages.
Ma première question s'adresse à Mme Van De Bogart, du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile.
Madame Van De Bogart, vous avez parlé de la Ligne d'urgence canadienne contre la traite des personnes. Le Comité vient de terminer son étude sur la santé mentale. Lors de cette étude, on nous a dit qu'il y avait beaucoup de lacunes sur le plan des services offerts par les municipalités et par les communautés aux femmes et aux filles victimes de trafic d'êtres humains. Vous avez dit que les victimes ont accès à la ligne d'urgence 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, et qu'elles sont dirigées vers le bon service.
Quelle information pouvez-vous transmettre au Comité concernant les lacunes et les défis auxquels est confronté le personnel? Ce dernier doit parfois recommander des services qui n'existent pas ou qui diffèrent selon qu'il s'agit d'une petite ou d'une grande municipalité.
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Je vous remercie de votre question.
[Traduction]
Je sais que vous allez pouvoir en discuter tout à l'heure avec les responsables de la ligne d'urgence. Je suis persuadée qu'ils pourront vous fournir tous les détails pertinents à ce sujet. Je peux déjà vous dire que les services sont offerts dans plus de 200 langues. La ligne d'urgence n'est pas seulement pour les victimes, mais aussi pour les gens qui peuvent avoir des questions après avoir vu quelqu'un qui pouvait sembler, à leurs yeux, être victime de la traite de personnes. Je ne doute pas que vous allez leur poser une foule de questions pour aller au fond des choses.
En plus de l'aide apportée grâce à la ligne d'urgence, je peux vous dire que parmi les 63 projets que nous avons financés, il y en a 20 qui sont réalisés par des organismes communautaires de différentes régions, une approche visant expressément à tenir compte du fait qu'un modèle unique ne fonctionne pas lorsqu'il s'agit de sécurité publique. Nous savons qu'il est nécessaire d'appuyer ces intervenants locaux qui connaissent bien leur collectivité, sont au courant des choses qui s'y passent et savent quels services sont requis.
Je voudrais ajouter que lors des consultations que nous avons tenues au départ en vue d'élaborer la stratégie en 2018, plus de 200 intervenants nous ont permis de dégager trois principes clés. Pour que notre stratégie soit efficace à tous les égards, elle doit être respectueuse des valeurs culturelles, tenir compte des traumatismes et être axée sur les survivants. Ces trois grands principes ont servi de base à notre stratégie et sont, comme je l'ai indiqué, au cœur des engagements que nous y prenons. Il est important d'offrir le soutien nécessaire pour insuffler la confiance voulue aux victimes afin qu'elles dénoncent les coupables, et aux survivantes afin qu'elles demandent de l'aide. Nous ne voulons surtout pas leur faire revivre leur traumatisme. Nous ne voulons pas les victimiser de nouveau. Je pense que c'est un autre aspect primordial.
Je veux juste dire une dernière chose. Nous procédons en ce moment à l'évaluation officielle de la stratégie en cours parce qu'elle en est à sa dernière année. Nous pourrons ainsi cerner les lacunes et les difficultés, souligner les bons coups réalisés et refaçonner la stratégie en prévision de l'avenir.
:
Je vous remercie, madame.
Ma prochaine question s'adresse à M. Anson, mais Mme Van De Bogart pourra aussi y répondre, si le temps le permet.
Monsieur Anson, tantôt, vous avez parlé du fait que vous n'avez pas nécessairement le contrôle des réfugiés aux frontières. On nous a également dit que le nombre de personnes victimes de trafic d'êtres humains augmente.
Récemment, nous avons appris, par l'intermédiaire des médias, qu'un plus grand nombre de réfugiés en provenance du Panama, de la Colombie et d'Haïti vont arriver aux États‑Unis et au Canada au cours des prochains mois. Il est donc possible que le nombre de victimes de trafic d'êtres humains augmente.
Quelles démarches avez-vous entreprises?
Quelles recommandations avez-vous à faire au Comité?
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Je vous remercie de votre question.
[Traduction]
Je tiens à apporter une précision: nous représentons une partie importante du processus. Nous n'avons pas perdu le contrôle de l'accueil des réfugiés au Canada. Ce n'est pas nécessairement un enjeu, mais c'est un sujet dont je ne parle pas aujourd'hui.
Pour répondre à votre question, oui, des réfugiés de nouveaux pays d'origine arrivent au Canada. Les mouvements migratoires évoluent constamment, que la migration soit régulière ou irrégulière; qu'elle soit faite par des voies officielles ou non officielles, comme le passage de clandestins ou, dans certaines circonstances, la traite des personnes.
C'est au moyen des rapports de renseignement que l'Agence adapte et modifie constamment son approche à l'égard de pays d'origine donnés. Les mouvements migratoires sont nombreux et ils évoluent d'un jour à l'autre et d'un mois à l'autre, souvent en fonction des événements et des situations géopolitiques à l'étranger, ainsi que des modifications que nos pays partenaires apportent à leurs lois. C'est certainement le cas en ce qui concerne l'Amérique du Nord, l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud.
Nos rapports de renseignement nous permettent de continuer à évaluer quel pourcentage et quelle proportion des migrants sont des victimes ou des usagers des réseaux de passage de clandestins, quels types de groupes du crime organisé soutiennent ces réseaux, et aussi quels pays semblent produire le plus fréquemment des victimes de la traite des personnes. Voilà comment l'Agence s'attaque à la menace et évolue continuellement pour y faire face.
Merci beaucoup aux membres du Comité de me recevoir aujourd'hui.
Je m'appelle Julia Drydyk. Je suis la directrice générale du Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes. Le Centre est un organisme de bienfaisance national qui se consacre à mettre fin à toutes les formes de traite des personnes au Canada. Nous travaillons en vue de provoquer des changements systémiques en collaborant avec divers intervenants pour faire progresser les pratiques exemplaires, mettre en commun les résultats de la recherche et éliminer les efforts déployés en double à l'échelle du Canada.
En mai 2019, le Centre a lancé la Ligne d'urgence canadienne contre la traite des personnes, un service confidentiel et multilingue qui fonctionne 24 heures sur 24, sept jours sur sept, pour mettre les victimes et les survivants en communication avec les services sociaux et les forces de l'ordre, s'ils le souhaitent.
Aujourd'hui, je tiens à vous faire part de trois vérités que j'ai apprises dans le cadre de mon expérience au Centre.
La première est que personne n'est vraiment conscient de l'ampleur du phénomène de la traite des personnes au Canada. Les quelques ensembles de données que nous possédons sont extrêmement limités quant à l'information qu'ils sont en mesure de saisir. Cela signifie que le nombre de personnes marginalisées apparaissant dans nos ensembles de données ne représente que la pointe de l'iceberg. Cela dit, l'information que nous possédons est préoccupante.
Un taux stupéfiant de 90 % des survivants qui communiquent avec notre ligne d'urgence sont des femmes. Pour certains Canadiens, cette conclusion peut sembler aller de soi; cependant, elle fournit une preuve supplémentaire que la traite des personnes, en particulier la traite à des fins sexuelles, doit être vue et prise en main comme une forme de violence fondée sur le genre. Nous savons également qu'environ 2 % des victimes et survivants qui communiquent avec la ligne d'urgence s'identifient comme des hommes transgenres, des femmes transgenres ou des personnes de genres divers. Cela signifie que ces groupes sont surreprésentés dans nos données dans une proportion de 8 à 1 par rapport à la population.
Les gouvernements doivent en faire plus pour tenter de comprendre l'incidence de la traite des personnes sur les groupes à risque élevé, notamment comment cet acte est commis, et comment les groupes concernés le comprennent et en discutent. Nous devons également mieux adapter les mesures de soutien afin de répondre aux besoins culturels uniques de ces groupes.
La deuxième vérité est que la traite des personnes est un symptôme de facteurs socioéconomiques beaucoup plus profonds. N'importe qui peut devenir une victime de la traite, mais les personnes les plus vulnérables sur le plan économique sont celles qui courent les plus grands risques.
En 2017, les Nations unies ont révélé que des institutions canadiennes avaient empêché, par le passé, des Canadiens noirs de jouir d'un accès équitable à des possibilités économiques. Cette situation a mené à des taux de pauvreté plus élevés, à de mauvais résultats scolaires, à des incarcérations et à des disparités sur le plan de la santé chez les Canadiens noirs. Nous savons que c'est également le cas pour d'autres groupes historiquement marginalisés, comme les femmes et les filles autochtones, la communauté 2SLGBTQIA+ et les travailleurs migrants. Les gouvernements doivent adopter une approche holistique dans leur travail pour s'attaquer aux inégalités économiques qui rendent possibles l'exploitation et la traite des personnes au Canada.
La troisième vérité est que nous devons bien réfléchir au moment où nous faisons intervenir les organismes d'application de la loi et à la façon dont nous le faisons. Bon nombre de survivants craignent la police pour des raisons que nous pouvons comprendre. Dans la plupart des cas, les survivants qui ont recours à la ligne d'urgence sont à la recherche de conseils, d'une place dans un refuge ou d'autres services. S'adresser aux organismes d'application de la loi ne fait tout simplement pas partie des priorités de la majorité des survivants qui communiquent avec nous pour se sortir d'un contexte de traite des personnes.
Heureusement, certains services de police tiennent compte de cette réalité. En Ontario, les services de police qui ont reçu une formation spécialisée attendent dans les coulisses et ils laissent les fournisseurs de services prendre l'initiative. Cela permet aux fournisseurs de services de stabiliser la situation en répondant aux besoins immédiats des survivants et en établissant un lien de confiance. Par la suite, les policiers, qui ont reçu une formation sur les soins tenant compte des traumatismes, entrent en scène pour entreprendre leur enquête. Il faut qu'un plus grand nombre de services de police examinent et adoptent ce modèle partout au Canada.
J'aimerais vous faire part d'une dernière observation sur les limites de notre système de justice criminelle.
Au Canada, on compte trop sur la preuve testimoniale pour entamer des poursuites dans des affaires de traite des personnes. Les victimes hésitent souvent à révéler des détails des mauvais traitements qu'elles ont subis parce qu'elles ont peur, qu'elles ont honte ou qu'elles ont de la difficulté à se souvenir de certaines expériences traumatisantes. Nous savons que le processus judiciaire en soi peut s'avérer très traumatisant. Cela dissuade certains survivants de demander justice.
Dans un tel contexte, il n'est peut-être pas surprenant d'apprendre que l'approche actuelle se traduit rarement par des condamnations. D'après un rapport produit en 2019 par Statistique Canada, moins d'une accusation pour traite des personnes sur dix mène à un verdict de culpabilité. Le faible taux de poursuites engagées au Canada est inquiétant. Il montre que la traite des personnes continue d'être un crime payant qui comporte peu de risques.
Si nous voulons obtenir justice pour les victimes, et atténuer par le fait même les préjudices, nous devons nous éloigner des pratiques courantes et nous tourner plutôt vers des approches qui misent davantage sur d'autres types d'éléments de preuve.
En terminant, je tiens à remercier encore une fois le Comité de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
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Je vous remercie de m'avoir invitée ici aujourd'hui pour faire part de mes réflexions sur la façon de lutter contre la traite des personnes, surtout la traite des jeunes au Canada.
Création d'opportunités et de ressources pour arrêter le trafic humain, ou CORATH, travaille avec des jeunes et de jeunes adultes âgés de 12 à 24 ans, à Ottawa et dans les environs, qui sont victimes ou à risque de traite de personnes, le plus souvent à des fins d’exploitation sexuelle.
C’est en travaillant au Centre Roberts Smart et à CORATH depuis près de deux ans que j'ai pu constater de façon directe à quel point les jeunes sont vulnérables à la traite et que j'ai observé un changement considérable dans l'âge de nos clients. Depuis la création de CORATH, nous avons constaté que l'âge moyen est passé de 16 ans à 12 et 13 ans. Le changement peut être lié, en partie, à l'évolution des habitudes de navigation en ligne des jeunes depuis le début de la pandémie.
Les médias sociaux représentent un outil puissant pour nos jeunes et offrent un accès instantané à des personnes qu'ils n’auraient peut-être jamais rencontrées autrement. Dans un cas, un jeune s'est lié d’amitié avec quelqu’un par le biais d'Instagram et s'est livré à des actes sexuels, littéralement, en l'espace d'une heure. Il suffit de quelques minutes pour se faire des amis en ligne, supposer qu'ils sont fiables et les rencontrer en temps réel.
En cette ère numérique, les téléphones intelligents offrent un accès continu à des médias hypersexualisés et à de la pornographie. C’est facile d'accès, c'est gratuit et c'est intense.
Gail Dines a souligné que l'âge moyen du premier visionnage de pornographie, intentionnel ou accidentel, est estimé par certains chercheurs à 12 ans, et des preuves anecdotiques suggèrent que cet âge pourrait être de seulement 8 ans. Ce type d'exposition en ligne nuit au développement sain de nos enfants et de nos jeunes, et a contribué à ce que les conseils scolaires jouent un rôle presque de première ligne après avoir constaté la nécessité d'une intervention audacieuse contre la menace du trafic sexuel des enfants d'âge scolaire.
Nous avons également constaté des changements importants dans la façon dont les jeunes sont exploités, ce qui montre sans équivoque qu'une combinaison d’approches est nécessaire pour protéger nos jeunes.
Le point de départ est l'éducation et la sensibilisation. Il faut que les jeunes, leurs familles et la population connaissent les risques de la traite de personnes, comprennent les tactiques utilisées par les trafiquants pour attirer les jeunes, et veillent à ce que les jeunes disposent des outils dont ils ont besoin pour se protéger.
De nombreux jeunes que nous voyons à CORATH ont tiré profit des apprentissages pour reconnaître les relations malsaines, les stratégies pour établir des limites claires, la sécurité en ligne et la sécurité des transports. De nombreux jeunes utilisent les transports en commun pour se déplacer sans la surveillance d'un adulte. Il s'agit d’un lieu de recrutement privilégié. La traite de personne est également souvent effectuée à l'aide des transports en commun.
Dans un autre cas, deux jeunes de 12 ans qui s’ennuyaient pendant la pandémie ont commencé à prendre les autobus locaux et le train. En quelques semaines, les deux jeunes ont rencontré des jeunes plus âgés, ont commencé à consommer des substances psychoactives, ont changé leur maquillage et arboraient de nouveaux cadeaux.
Pour éviter que de telles situations se produisent, nous avons besoin de personnel des transports en commun formé pour déterminer et prévenir les cas de traite des personnes. Le personnel doit savoir à quoi peut ressembler l'exploitation sexuelle, reconnaître les cas de manipulation psychologique et comprendre comment intervenir. Comme pour les transports en commun, une formation devrait également être offerte aux employés des hôtels et aux autres personnes du secteur des services susceptibles d'être confrontées à la traite de personnes.
Vous avez peut-être entendu l'affirmation selon laquelle la traite de personnes peut toucher n'importe qui, quel que soit son statut socioéconomique. C'est vrai, et nous avons vu des cas avec des jeunes de tous les milieux. Cependant, nous ne pouvons pas passer sous silence que certains groupes démographiques de jeunes sont plus à risque que d'autres. De nombreux jeunes qui risquent d'être victimes de la traite sont issus de populations vulnérables, comme les personnes en situation de pauvreté, en situation d'itinérance, victimes de rejet familial lié à l'identité de genre ou victimes de discrimination culturelle ou de traumatismes. Nous qualifions ces identités d'invisibles.
Il est essentiel que nous mettions en place des systèmes permettant un accès rapide au soutien et aux ressources, notamment à un logement sûr, à des services de santé mentale, à l'éducation et à la formation professionnelle. Une approche unique pour tendre la main à ces communautés et les aider ne fonctionnera pas.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je salue nos deux témoins.
Ma première question s'adresse Mme Julia Drydyk.
Dans votre mémoire, vous dites que « les gouvernements doivent en faire plus pour tenter de comprendre l'incidence de la traite de personnes sur les communautés à risque élevé, notamment comment cet acte est commis, traité et compris ».
Qu'est-ce que vous entendez exactement par « doit en faire plus », madame Drydyk? Que devons-nous comprendre de cette recommandation, de ce souhait que vous émettez?
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Bon nombre de personnes que nous aidons craignent véritablement les contacts avec les forces de l'ordre et y voient des difficultés. Si on s'intéresse aux personnes touchées par la traite de personnes et aux appels faits à la Ligne d'urgence canadienne contre la traite des personnes, on constate que les victimes et les survivants forment le groupe le plus important. Les amis et les membres de la famille arrivent au deuxième rang.
À mon avis, l'une des raisons expliquant une telle augmentation de la traite des personnes est que nous réalisons des progrès sur le plan de la prise de conscience et de la sensibilisation. Au fur et à mesure qu'un plus grand nombre de personnes sont en mesure de détecter ce qui se passe sous leurs yeux, elles demandent de l'aide. C'est une excellente nouvelle.
Je crois qu'il nous faut vraiment une intervention communautaire. De nombreux survivants et victimes de traite de personnes voient leurs craintes des policiers renforcées. On leur dit qu'ils sont dans l'illégalité et qu'ils s'écartent du droit chemin. La honte et la stigmatisation sont féroces. À bien des égards, cette réalité représente bien leurs expériences. Nous devons collaborer avec les écoles, les groupes communautaires et les parents pour déchirer cette toile, parce que de nombreux obstacles pour signaler les problèmes à la police sont bien réels. De plus, les victimes et les survivants sont souvent forcés à se livrer à des activités criminelles au profit de leur trafiquant.
Nous devons créer des espaces sécuritaires offrant la protection aux personnes touchées et mettant leurs droits de la personne au tout premier plan des interventions.
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Dans leur arsenal pour amener de force les victimes dans l'industrie commerciale du sexe, les trafiquants essaient souvent de les isoler de leurs réseaux, de leurs amis et de leurs familles. On leur ment. Les trafiquants leur disent qu'elles seront dans le pétrin ou qu'elles se feront arrêter.
Je dois souligner à grands traits la stigmatisation et la honte qu'on inflige aux victimes et aux survivants pendant leur traite, puisqu'ils sont actifs dans l'industrie commerciale du sexe. Le sexisme et l'hypersexualisation des femmes représentent d'autres facteurs qui les font hésiter à s'adresser aux forces policières: on leur dit qu'elles doivent avoir honte de cette hypersexualisation.
À vrai dire, les forces de l'ordre sont loin d'être la priorité pour les survivants qui appellent la ligne d'urgence: ils veulent habituellement trouver du logement d'urgence et un gestionnaire de cas. C'est là que le navigateur de services entre en jeu: il aide les survivants à combler leurs besoins de base ainsi qu'à accéder aux services et à des thérapies de soutien. Habituellement, ce n'est qu'après plusieurs appels — ou même des années plus tard — qu'une personne se sent prête à parler aux forces de l'ordre.
Nous constatons les meilleurs résultats lorsque la personne est en mesure d'accéder aux mesures d'appui communautaires pour s'extirper de sa situation et commencer à rebâtir sa vie. C'est ce que nous disent les survivants au quotidien. La stigmatisation et la honte qu'on leur fait vivre leur font ressentir de l'isolement et les empêchent d'obtenir de l'aide.
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Je remercie grandement nos deux témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
J'ai quelques questions sur la prise de conscience et la sensibilisation.
Avant de les poser, j'aimerais revenir sur un commentaire que vous avez fait, madame Drydyk, sur le logement.
Un des groupes dans ma circonscription avec qui j'ai échangé est le Conseil canadien de la permanence pour les enfants et les jeunes. Dans le cadre de ses activités, il s'occupe des enfants pendant la période de danger, soit quand les enfants quittent le système de protection de la jeunesse. Lorsque les enfants issus de ce système ont 18 ans, ils se retrouvent sans famille, démunis de ressources et, subitement, à la rue. C'est le moment décisif. Bien entendu, ils sont nombreux à être autochtones et racisés. C'est à ce moment qu'ils se retrouvent dépourvus de tout et qu'un grand nombre d'entre eux sont victimes de traite de personnes. Dans ma circonscription, les intervenants cherchent à créer du logement, qui pourrait être du logement à vocation spéciale pour ces personnes et qui tiendrait compte des traumatismes; les portes seraient verrouillées, par exemple, et d'autres mesures du genre seraient prises.
Je commence par Mme Drydyk, mais je vois que Mme Clark hoche aussi la tête. Puis‑je vous entendre toutes les deux à ce sujet?
Le logement est de loin le service le plus demandé lors des appels à la ligne d'urgence. Ce logement prend souvent la forme de logement d'urgence lorsque les jeunes essaient de quitter le réseau, mais c'est le logement précaire et le manque de logement abordable qui placent nos jeunes dans cette situation vulnérable. Il me répugne de le dire à voix haute, mais les trafiquants cherchent des personnes dont les besoins de base ne sont pas comblés afin de les attirer et de les manipuler pour la traite de personnes à des fins sexuelles.
Bien que beaucoup de matériel de sensibilisation donne l'exemple des sacs à main et des vêtements dispendieux pour attirer et manipuler psychologiquement les victimes, c'est habituellement aussi la promesse d'un endroit sûr où dormir et d'un amour inconditionnel qui les leurre. Les besoins en abris tenant compte des traumatismes sont manifestes partout au pays, mais nous devons aussi étudier la situation du logement abordable.
Je tiens à dire que les refuges d'urgence sont en décrépitude partout au pays, dans les petites et les grandes communautés. Nous recevons même des appels au beau milieu de la nuit de survivants qui tentent de s'échapper de leurs bourreaux dans des villes aussi grandes qu'Ottawa et Montréal, où aucun lit n'est disponible dans les refuges. Aucun lit n'est libre, même dans les refuges qui ne conviennent pas nécessairement à la situation des survivants, étant donné leurs traumatismes et leurs besoins. Nous constatons les effets concrets de l'effondrement du réseau de logements, qui aggrave la traite de personnes dans notre pays.
Mon autre question porte sur la sensibilisation. Vous avez toutes deux parlé d'éducation et de sensibilisation. Vous avez parlé du système de transport en commun, chose à laquelle je n'aurais pas pensé. De toute évidence, la population n'est généralement pas au fait du sérieux de l'affaire; elle ne sait pas non plus où les enfants sont ciblés.
Il nous faut assurément rejoindre les gens où ils sont. J'ai entre autres vu des affiches dans les toilettes pour femmes de boîtes de nuit, à l'insu des hommes. Voilà le genre de choses qui me vient en tête. Pourriez-vous m'en dire plus sur la façon de rejoindre les personnes qui ont besoin d'être informées et aussi sur la manière dont on peut rejoindre ceux qui ne savent pas qu'ils ont besoin d'être informés, alors que c'est le cas, tels que les membres de la famille?
Vous pouvez répondre en premier, madame Clark.
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Je crois qu'il nous faut avoir de multiples méthodes pour entamer une discussion dans les communautés et à la maison. Il est impératif d'aller à la rencontre des jeunes là où ils se trouvent. Certes, il est très difficile d'avoir des discussions sur le sexe et ce type d'activité sexuelle avec nos jeunes, mais il faut commencer à converser autour d'une table. Un simple message ne suffit pas.
Malheureusement, on essaie encore de résoudre certains des problèmes liés à une éducation passée très médiocre. Il y a encore l'image de la personne qui semble menottée à un radiateur avec le visage d'un homme en arrière-plan. Des survivants m'ont dit être restés plus longtemps en situation de traite, parce qu'ils pensaient que la traite de personnes devait impliquer un enlèvement ou une séquestration.
Nous devons vraiment avoir des discussions franches dans nos écoles, dans les centres communautaires et dans les médias; il faut parler du spectre de relations malsaines, de la violence entre partenaires intimes et de la violence sexospécifique, afin que les jeunes aient les outils pour reconnaître de telles situations et puissent s'en sortir plus tôt que tard.
Nous avons mené une campagne exhaustive l'an dernier...
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les deux témoins. C'était fort intéressant.
Tout à l'heure, nous avons reçu des gens de l'Agence des services frontaliers, du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile et de la Gendarmerie royale du Canada. J'ai été un peu consterné de voir que, si on devait s'appuyer strictement sur ces mesures, on n'arriverait pas à grand-chose dans la lutte contre la traite des personnes.
Je comprends que le caractère clandestin de cette pratique et le fait que les victimes se font duper par un prétendu bon samaritain, qui n'a que des intentions malveillantes, contribuent à leur isolement. Il est presque impossible, comme les témoins nous le disaient, de détecter le passage de ces gens à la frontière.
Vous travaillez de près avec les victimes. Je comprends que les mesures que nous prenons en amont sont nécessaires, comme les efforts de sensibilisation, et qu'en aval, il faut prendre soin des victimes. Toutefois, j'aimerais savoir ce qui ressort de leur discours et de leur perception des interventions policières, afin que nous sachions ce que la Gendarmerie royale du Canada, les services policiers et l'Agence des services frontaliers devraient faire de plus ou de moins.
Y a-t-il une réponse à cela qui aurait émergé des conversations que vous avez eues avec les victimes ou de votre travail auprès d'elles? Sinon, ce n'est pas grave. J'aurai d'autres questions pour vous. Peut-être que Mme Clark, qui est dans la salle, peut répondre la première.
Est-ce une question qui vous interpelle?
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La grande majorité des personnes qui sont victimes de la traite et pour lesquelles l'ASFC est impliquée sont des travailleurs migrants qui entrent au Canada grâce à des permis de travailleurs étrangers temporaires et qui sont en grande partie victimes de la traite de la main-d'œuvre dans nos secteurs agricole et manufacturier. Nous avons récemment mené une étude auprès de 77 travailleurs migrants en Ontario, et leur principale requête — ou l'une des plus importantes — était d'obtenir des informations sur leurs droits avant leur arrivée au Canada, à l'arrivée et après.
Malheureusement, l'exploitation ne devient généralement évidente qu'après leur arrivée au pays; ils se rendent alors compte qu'ils se sont fait avoir et que la situation est tout autre que celle qu'ils pensaient vivre en venant travailler dans nos exploitations agricoles et dans notre secteur manufacturier.
Il s'agit en fait de veiller à ce qu'ils disposent d'informations sur leurs droits, et ce dans leur langue maternelle et à un niveau d'alphabétisation approprié, mais aussi qu'ils demeurent informés, parce qu'il y a souvent tout un spectre de situations. Cela ne commence pas par de la traite de main-d'œuvre ou de la traite sexuelle. Généralement, les travailleurs commencent par être exploités d'autres façons; leurs conditions de travail peuvent être mauvaises et on peut refuser de les payer, par exemple. Tout cela, combiné à la coercition et à la peur, est compris dans la définition de la traite de personnes du Code criminel canadien.
Nous avons un réel besoin de continuité en matière de soutiens et de services, mais aussi de campagnes de sensibilisation proactives ciblant ces personnes pour changer la donne.
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Merci beaucoup. J'aimerais faire suite très rapidement à ce qui vient d'être dit.
Si j'ai posé cette question, c'est parce que le Butterfly Asian and Migrant Sex Workers Support Network a indiqué, dans un article de mars 2019, que les travailleurs racisés et migrants — et je cite — « sont souvent surveillés, harcelés, arrêtés, détenus et expulsés, même lorsque rien ne prouve leur participation à la traite des personnes ».
Ils sont moins susceptibles de porter plainte en cas de danger à cause de la façon dont ils sont criminalisés pour ce qu'ils font, et cela ne fait qu'amplifier le risque auquel ils s'exposent. Je ne suis pas surprise que l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées soutienne la légalisation du travail du sexe pour réduire les risques et protéger les femmes, les filles et les personnes bispirituelles.
Cette question s'adresse à vous deux. Nous savons qu'une recherche a été menée sur l'intersectionnalité entre la traite des personnes, le racisme, le colonialisme, le sexisme et l'exploitation au Canada. L'article s'intitule « Trafficking at the Intersections: Racism, Colonialism, Sexism, and Exploitation in Canada ». L'auteur conclut que:
[...] le discours sur la traite des personnes est [...] souvent déconnecté d'une critique de l'oppression raciale et coloniale. Les politiques publiques accordent la priorité à l'application de la loi, à l'aide aux victimes et à la vigilance individuelle, sans trop approfondir les questions de changement structurel, de guérison communautaire et personnelle et de justice sociale. Pour être efficace, la lutte contre la traite des personnes doit également viser à atténuer les oppressions structurelles sous-jacentes et les séquelles du passé [...]
Kyla Clark, je sais que vous avez évoqué la question du logement. Vous avez parlé des enfants qui quittent le système de protection de la jeunesse. Je sais que, selon l'enquête nationale, les enfants qui sont pris en charge et ceux qui ne le sont plus en raison de leur âge sont exposés au risque d'être portés disparus ou assassinés.
Par exemple, vous avez parlé, madame Drydyk, de la question du logement. J'ai présenté un projet de loi pour un revenu de base garanti. Je pense que cela changerait la donne, notamment pour les enfants qui ne sont plus pris en charge en raison de leur âge, afin de donner aux personnes — qu'elles travaillent dans l'industrie du sexe ou même qu'elles essaient de quitter le milieu — de vraies ressources et de vrais choix, et même des moyens de ne pas se faire exploiter dans des relations ou des situations empreintes de violence. Comme vous l'avez dit, les victimes ne cherchent pas à obtenir des « sacs à main », mais bien un logement, de la nourriture et un abri. C'est cette promesse qui les leurre dans ce milieu.
Je me demande si vous pouvez nous dire ce que vous en pensez.
Je vais commencer par vous, Kyla Clark, puis je donnerai la parole à Mme Drydyk.
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Oui. Je partage mon temps de parole, alors je vais être aussi brève que possible.
Merci à toutes les deux d'être des nôtres. Vos témoignages sont excellents. Je crois que vous avez peut-être travaillé avec des gens de ma circonscription, Peterborough—Kawartha, et je vous suis très reconnaissante de l'information que vous nous avez fournie.
Je suis vraiment curieuse de savoir si vous avez déjà consulté d'anciens trafiquants ou des trafiquants réadaptés qui pourraient aider à mieux comprendre le profil d'un trafiquant et à aborder la question sous un autre angle pour venir en aide aux victimes. Par ailleurs, du point de vue de l'éducation, comment pouvons-nous apprendre à nos jeunes garçons, ou à nos jeunes en général, à ne pas agir de la sorte?
Je crois que je vais commencer par vous, madame Drydyk.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais parler d'une affaire datant du 18 janvier 2018 — je sais qu'il s'agit d'une décision judiciaire — dans laquelle la condamnation d'un agresseur a été annulée le 18 mai 2022. Au lieu de purger les 17 ans et demi auxquels il avait été condamné, il a pu réduire sa peine à 6 ans. Il sortira donc dans moins de six mois.
Vous avez dit tout à l'heure qu'il faut créer des espaces sécuritaires grâce aux écoles et aux groupes communautaires. Vous avez également mentionné que les victimes craignent la police. Vous avez ajouté que les gens ont peur de dénoncer les coupables. Je pense que nos lois ne fonctionnent pas. À mon sens, la peine n'est pas à la hauteur du crime. Elle n'est pas proportionnelle au crime. J'ai parlé à des agents de police, et ils sont frustrés. Dans le cas particulier que je viens d'évoquer et où le verdict de culpabilité a été annulé, la jeune femme, que l'on a désignée par les initiales « PL » et qui ne sera pas nommée, avait peur de se manifester. Elle savait que son agresseur allait être libéré sous caution. Il l'avait menacée, elle et sa famille. Comment pouvons-nous empêcher cela?
Madame Drydyk, voulez-vous répondre à cette question?
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C'est tout à fait exact. Nous constatons que les étudiants étrangers sont vulnérables à l'exploitation.
La liste des facteurs de risque est presque sans fin. En somme, le tout découle de la non-satisfaction des besoins fondamentaux et de l'isolement social. À cela s'ajoutent les problèmes de racisme, de colonialisme et de sexisme.
On ne peut donc pas se limiter à une analyse unidimensionnelle. Les personnes les plus vulnérables ou les plus exposées au risque de la traite des personnes sont celles qui ont peut-être des problèmes familiaux. Elles ne savent pas où elles dormiront la nuit. Elles n'ont pas toujours de quoi manger. Elles mènent une vie instable.
Encore une fois, il faut doter le pays d'un filet de sécurité solide pour que chaque enfant soit entouré d'un adulte de confiance à qui il pourra se confier. Ce n'est pas tout le monde qui naît dans une famille où les parents jouent un tel rôle. Nous devons nous assurer que nos systèmes scolaires et nos réseaux communautaires sont bien outillés et bien encadrés afin qu'aucun enfant ne soit laissé pour compte.
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Si nous voulons mettre fin à la traite des personnes, il faudra certes miser sur la prévention.
Je dis souvent aux gens que s'ils ont l'impression que quelque chose cloche, alors c'est sans doute le cas. L'avantage d'un service d'assistance téléphonique entièrement confidentiel et indépendant des forces de l'ordre et du gouvernement, c'est que nous sommes en mesure de tenir compte des circonstances particulières de chaque personne avec qui nous parlons.
Parfois, les gens ont peur parce qu'ils craignent que ce soit comme le service 911, alors que c'est tout le contraire. Nous pouvons leur fournir des renseignements, leur permettre de parler en toute confiance, selon une approche tenant compte des traumatismes, et leur proposer des pistes de solution en fonction de la situation.
Je le répète, le service est offert 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et dans plus de 200 langues au Canada.
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Nous faisons ce que nous pouvons, à titre d'organisme de bienfaisance, pour mener des campagnes de sensibilisation à l'échelle nationale.
Ce dont nous avons vraiment besoin, dans une perspective pancanadienne, c'est d'une uniformité entre les provinces. Par exemple, le gouvernement de l'Ontario a investi plus que toute autre province — peut-être même par habitant — dans des initiatives de lutte contre la traite des personnes. Il a également donné aux conseils scolaires le mandat d'offrir une éducation en matière de lutte contre la traite des personnes dans les écoles. Ce ne sont pas toutes les provinces qui déploient de tels efforts.
Nous savons qu'il existe des couloirs de la traite des personnes, couloirs qui passent par l'Ontario et qui s'étendent à l'ensemble du pays. Au fond, si une province ne dispose pas d'une stratégie de lutte contre la traite des personnes, il y aura des gens qui glisseront entre les mailles du filet. Je le répète, les trafiquants iront là où ils seront moins susceptibles d'être repérés et là où ils auront plus de facilité à leurrer, à manipuler et à exploiter nos jeunes.
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Je tiens à remercier Mmes Clark et Drydyk. Merci beaucoup d'avoir participé à la réunion d'aujourd'hui.
Avant que tout le monde quitte la salle, je voudrais mentionner que vous avez reçu la semaine dernière un avis aux médias concernant l'étude sur la traite des personnes. J'aimerais obtenir l'approbation du Comité pour que nous puissions le publier. Je ne me rappelle plus si nous avions donné une approbation générale ou non, mais je me demande si quelqu'un peut proposer une motion en vue de l'approuver.
Michelle Ferreri en fait la proposition.
(La motion est adoptée.)
La présidente: Excellent.
La séance d'aujourd'hui sera levée dans un instant, mais permettez-moi de remercier encore une fois les témoins.
Nous nous retrouverons jeudi, à 15 h 30.
M. Serré a présenté la motion d'ajournement.
La séance d'aujourd'hui est levée. C'est parfait. Je vous remercie.