FEWO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la condition féminine
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 30 mars 2023
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous.
Je vous souhaite la bienvenue à la 58e séance du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes.
La réunion d’aujourd’hui se déroule en format hybride, conformément à l’ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les membres participent en personne, dans la salle, ou à distance grâce à l’application Zoom.
Je vais faire quelques remarques à l’intention des témoins et des membres du Comité. Avant de parler, veuillez attendre que je vous donne la parole en vous appelant par votre nom. Pour celles et ceux qui participent par vidéoconférence, cliquez sur l’icône du microphone pour activer votre micro et veillez à être en sourdine quand vous ne parlez pas.
En ce qui a trait à l’interprétation pour ceux qui utilisent Zoom, au bas de votre écran, vous avez le choix entre l'anglais et le français. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l’oreillette et sélectionner le canal désiré.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
J'invite les députés présents dans la salle qui voudraient prendre la parole à lever la main. Sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « lever la main ». La greffière et moi allons gérer l’ordre des interventions.
Conformément à la motion de régie interne du Comité concernant les tests de connexion, j’informe le Comité que tous les témoins qui comparaissent virtuellement se sont pliés au test de connexion requis.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le mardi 1er février 2022, le Comité reprend son étude sur la traite des femmes et des filles et les personnes de diverses identités de genre.
Avant de souhaiter la bienvenue à nos témoins, je vais émettre un avertissement. Cette étude ne sera pas facile, car nous allons parler de cas de violence vécue. Cela pourrait déclencher des réactions chez les personnes qui nous regardent, comme chez les membres ou le personnel du Comité qui auraient eu des expériences semblables. Si vous ressentez de la détresse, veuillez en informer la greffière ou nous le signaler.
Je veux maintenant souhaiter la bienvenue à nos invités.
De l’Association for New Canadians, nous avons en ligne Monica Abdelkader, directrice, Services de réinstallation et d’établissement. Du FCJ Refugee Centre, nous accueillons Chiara Rossi, coordonnatrice, Femmes contre la traite des êtres humains, et Jovana Blagovcanin, gestionnaire, Lutte contre la traite des êtres humains. De l’Indus Community Services, nous accueillons Raman Hansra, directrice de projet, Services à la famille, et Jakki Buckeridge, gestionnaire, Services à la famille. Et ici dans la salle, de Ka Ni Kanichihk Inc., nous avons Ieesha Sankar, qui est directrice des programmes et des services.
Comme vous aurez pu le constater, nous accueillons aujourd’hui des représentants de quatre organismes. Nous entendrons nos groupes de témoins pendant une heure et 15 minutes et nous consacrerons les 45 dernières minutes aux travaux du Comité.
Je vais maintenant céder la parole à Mme Abdelkader.
À vous la parole pour cinq minutes, madame.
Bonjour, hello, distingués députés, Je vous remercie de m’avoir invitée.
Je m’appelle Monica Abdelkader et je me définis par le pronom « elle ». Je suis la directrice des services de réinstallation et d'établissement à l’Association for New Canadians de Terre-Neuve-et-Labrador.
Je tiens à souligner que les bureaux de l’Association se trouvent sur les terres ancestrales des peuples béothuk, mi’kmaq, innu et inuit et que nous nous engageons dans le processus de guérison collective, de véritable réconciliation et d’hommage des terres qu’exigent les responsabilités que nous avons à l’égard des peuples autochtones.
L’Association for New Canadians a été fondée en 1979. Il s’agit du principal fournisseur de services d’établissement, de réinstallation, de formation linguistique et d’emploi offerts aux nouveaux arrivants à Terre-Neuve-et-Labrador. Notre mission consiste à installer et à intégrer les immigrants ainsi qu’à leur donner les compétences, les connaissances et l’information nécessaires pour qu’ils deviennent indépendants et puissent ainsi contribuer à nos communautés et à notre pays.
Afin d’aider à faire la lumière sur le phénomène de la traite de personnes vécu par les nouveaux arrivants au Canada, je vais vous aimerais faire part de mon expérience de travail dans un bureau d’aide juridique pour les réfugiés et demandeurs d’asile au Caire, en Égypte, de 2011 à 2012.
Dans leur quête de sécurité qui les a fait quitter des pays voisins de l’Égypte, bon nombre de personnes ont fui des conditions inimaginables pour des gens comme nous qui ont eu la chance de naître au Canada. À maintes reprises, nous avons entendu des histoires de migrants et de demandeurs d’asile qui avaient été piégés et avaient été victimes d’exploitation.
J’ai été témoin des conséquences des cicatrices physiques et mentales laissées par la traite de personnes, dont l’exploitation sexuelle, le travail forcé et le trafic d’organes. J’ai rencontré des victimes qui faisaient activement l’objet de traite, des personnes qui ont survécu et d’autres qui ont eu moins de chances. Les témoignages sont poignants.
Dans des pays comme l’Érythrée, l’Éthiopie, la Somalie, le Soudan du Sud et le Soudan, les conflits ethniques, les régimes successifs dirigés par des gouvernements oppresseurs, la conscription obligatoire ainsi que la corruption endémique ont mené au déplacement de millions de personnes. Pour se rendre en Égypte, la plupart des gens entreprennent une traversée du désert à pied qui dure des jours. Certaines personnes meurent dans le désert du Sahara ou en raison des politiques des contrôles frontaliers qui consistent à tirer pour empêcher les gens de passer. Toutefois, l’élément le plus dangereux reste les gangs. Il est notoire que les milices bédouines enlèvent des demandeurs d’asile et des migrants qui traversent le désert. Elles veulent obtenir une rançon ou s’adonner à la traite de personnes.
Des mères sont venues nous voir pour nous supplier de les aider à payer une rançon variant entre 2 000 et 5 000 dollars américains afin de récupérer leurs enfants menacés par des trafiquants d’organes quand elles n’étaient pas en mesure de réunir les fonds nécessaires. Des pères en larmes nous ont raconté l’histoire de leurs filles disparues après avoir été vendues comme esclaves sexuelles. D’autres personnes ont parlé des peines d’incarcération qu’elles ont reçues, des actes sexuels qu’elles ont été obligées de poser et des milliers de dollars qu’elles ont dû verser pour éviter la torture et la traite aux mains de la police locale.
Les gens qui se sont rendus à notre bureau au Caire faisaient partie des chanceux; cependant, même si ces gens jouissaient d’une protection temporaire ou permanente en tant que réfugiés, les trafiquants demeuraient à l’affût. Nos clients nous ont fait part d’histoires d’employeurs qui leur ont pris leurs pièces d’identité, leur ont imposé des frais et ont prélevé une partie de leur salaire illégalement et qui, parfois, limitaient physiquement leurs déplacements dans le but de les exploiter et de les forcer à se soumettre.
De retour au Canada, quand les survivants yézidis de l’État islamique sont arrivés en 2017 et en 2018, le secteur de l’établissement a une fois de plus été témoin des histoires des femmes yézidies dont la résilience est, par moments, impossible à comprendre.
Le génocide de Sinjar qui a eu lieu en 2014 et la perte d’enfants au profit de l’esclavage sexuel ou de l’enrôlement comme soldats font partie des pires atrocités que l’humanité a connues. Je suis heureuse de pouvoir annoncer que bon nombre de nos amis et voisins yézidis se trouvent maintenant à l’étape de l’obtention de leur citoyenneté canadienne. D’après ce que j’ai appris, ils ont été nombreux à manifester leur fierté d’être Canadiens.
C’est la fierté que nous tirons de notre travail à l’ANC, entre autres dans le cadre du travail que nous venons d’accomplir sur la traite de personnes à Terre-Neuveet-Labrador, que j’aimerais également partager avec vous aujourd’hui.
En 2017, par suite d’un engagement pris par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada de réinstaller des femmes et des filles à risque, nous avons constaté une hausse dans les arrivées de réfugiés pris en charge par le gouvernement ayant vécu des expériences de traite de personnes. Grâce à du financement reçu de Femmes et Égalité des genres Canada, nous nous sommes lancés dans un projet de trois ans dirigé par des femmes réfugiées, dont bon nombre étaient des survivantes du même genre de traite que je viens de décrire.
En travaillant à l’ANC pour sensibiliser davantage les nouveaux arrivants, le personnel responsable de l’établissement, les organismes communautaires et les organisations gouvernementales, nous avons mis en commun leurs expériences, leurs pratiques exemplaires et leurs suggestions pour ce qui est d’apporter des améliorations au système et aux services. L’une des principales difficultés que ce projet cherche à surmonter par son modèle d’apprentissage itératif est la suivante: les gens vivent ou connaissent des situations d’exploitation, mais ne savent pas que ce à quoi ils ont affaire est une forme de traite de personnes.
Les résultats ont dépassé nos attentes. Nous avons constaté une hausse presque immédiate de l’identification et de la déclaration des cas de migrants faisant activement l’objet de traite ou présentant un risque imminent de devenir victimes de traite. Nous nous retrouvons devant des cas de migrants, autant des résidents temporaires que des résidents permanents, qui font l’objet de traite prenant la forme de travail forcé par des employeurs qui, comme en Égypte, leur ont pris leurs pièces d’identité, leur imposent des frais et prélèvent une partie de leur salaire illégalement; des cas de nouveaux arrivants qui sont les conjointes de citoyens canadiens et à qui l’on a pris les pièces d’identité avant de les enfermer dans leur maison; d’autres cas de personnes qui ont été abordées pour des relations sexuelles ou le mariage en échange de l’obtention de la résidence permanente. Les cas recensés font état de gens provenant de l’Érythrée, du Mexique, des Philippines, de la Somalie et de l’Ukraine.
Nous avons également reçu de nombreuses marques de soutien de la part de la magnifique et généreuse population de notre superbe province. Le 22 février de cette année, dans le cadre de la Journée nationale de sensibilisation, nous avons tenu le tout premier Sommet sur la traite de personnes dans la province. Parmi les participants se trouvaient des dirigeants du milieu communautaire et du secteur gouvernemental. Nous sommes honorés d’avoir gagné la confiance de ces nouveaux arrivants, femmes et survivants, qui nous laissent faire cet important travail, et nous sommes reconnaissants envers nos communautés pour leur appui fidèle.
Pour conclure, je tiens à vous remercier une fois de plus de m’avoir consacré du temps aujourd’hui et de m’avoir laissé l’honneur de parler au nom des réfugiés et des migrants. C’est grâce à eux que j’ai pu vous faire part de telles observations et expériences.
Merci.
Merci beaucoup.
Nous passons maintenant au FCJ Refugee Centre.
Jovana, vous avez la parole pour cinq minutes.
Je remercie les membres du Comité de nous recevoir aujourd’hui. Je m’appelle Jovana Blagovcanin et je suis gestionnaire de la Lutte contre la traite des êtres humains au FCJ Refugee Centre. Je suis accompagnée de ma collègue Chiara Rossi, qui est coordonnatrice, Femmes contre la traite des êtres humains.
Le FCJ Refugee Centre est un organisme communautaire basé à Toronto, en Ontario. En plus de 30 ans, le FCJ Refugee Centre a aidé des centaines de personnes et de familles — dont bon nombre se trouvaient dans des situations précaires — à accéder à des services et à régulariser leur statut d’immigration. Avec une politique de la porte ouverte et une approche holistique, nous proposons un modèle intégré unique pour offrir du soutien et des services aux migrants, notamment en ce qui concerne le logement et l’intégration. Il s’agit notamment de migrants susceptibles d’être victimes de la traite de personnes à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle, ou qui en sont victimes.
Dans le cadre de notre travail de soutien aux survivants de la traite de travailleurs, nous avons constaté que les femmes sont fortement représentées dans ce type de cas de traite. Ce n’est pas un enjeu à prédominance masculine. Parmi les cas que nous avons traités au cours de la dernière année, 40 % concernaient des migrantes. Les migrantes sont extrêmement vulnérables à l’exploitation en raison de leur genre, de leur statut d’immigration précaire, des barrières linguistiques et de leur manque de connaissances sur leurs droits ou sur les ressources disponibles, ce qui se traduit par un accès limité à leurs droits.
Des femmes sont exploitées dans tous les secteurs. Nous voyons des femmes victimes de la traite dans l’industrie du sexe, la servitude domestique, les usines, les restaurants, les hôtels, les fermes et les services de nettoyage. Ces femmes ont peu d’options pour se sortir de cette situation et on les menace souvent de violence ou de déportation. De fait, les trafiquants utilisent souvent le statut d’immigration précaire de leurs victimes contre elles, comme une forme de contrôle et de contrainte. En plus de ces obstacles, on constate souvent que les femmes ont du mal à assurer leur sécurité en raison de l’intégration inadéquate de la perspective sexospécifique et de l’analyse comparative entre les sexes dans les services pertinents d’application de la loi.
Pour ces femmes dont le statut d’immigration est précaire, rares sont les recours leur permettant d’assurer leur stabilité. Tout d’abord, même si la politique d’IRCC n’oblige pas les victimes à collaborer avec les organismes d’application de la loi ou à témoigner contre leurs trafiquants afin d’obtenir un permis de séjour temporaire pour les victimes de la traite de personnes, dans notre pratique quotidienne, nous constatons que bon nombre des demandes de PST sont refusées lorsqu’il n’y a pas d’affaire en instance contre leur trafiquant, que ce soit parce qu’aucune enquête n’a été lancée par les services de police ou parce que l’affaire a été entendue par un tribunal. C’est particulièrement vrai pour l’obtention des PST initiaux et ultérieurs chez les victimes de la traite de travailleurs, dont les taux de refus sont plus élevés que ceux des victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Par conséquent, s’il n’y a pas d’enquête criminelle en cours ou si l’affaire a déjà été entendue par un tribunal, la personne se retrouve sans statut, sans justice. Les options qui s’offrent alors à elle pour demeurer au Canada en toute sécurité sont plutôt minces.
En outre, même si certaines victimes obtiennent un permis de séjour temporaire, il n’y a pratiquement aucun recours en matière d’immigration permanente. Actuellement, les options sont de nature exceptionnelle, ce qui fait en sorte qu’il est difficile pour les victimes de réussir à obtenir la résidence permanente. Cela engendre de l’incertitude dans la vie des victimes et de leur famille, dont le futur dépend du résultat imprévisible de leurs procédures d’immigration et procédures criminelles.
Finalement, si elle obtient un PST, la victime se heurtera à des obstacles concernant l’accès à des services essentiels comme les subventions au logement disponibles pour les victimes de la traite des personnes et les autres femmes vulnérables, l’aide financière provinciale — ici, en Ontario, il s’agirait d’Ontario au travail — et, surtout, elle n’aura pas droit à la réunification familiale. Par conséquent, les mères ne peuvent pas être réunies avec leurs enfants au Canada et ont du mal à les visiter dans leur pays d’origine sans perdre leur statut.
Nous recommandons donc de mieux intégrer une perspective sexospécifique aux services de police et autres services, d’accorder un statut temporaire aux victimes sans égard à l’existence d’une enquête ou de procédures criminelles contre leurs trafiquants — comme le prévoient les politiques pertinentes d’IRCC — que des options claires et conséquentes pour la résidence permanente soient mises en place afin de répondre aux besoins des survivantes, et, finalement, que des services adéquats tenant compte des traumatismes et axés sur la victime soient offerts à toutes les victimes, quel que soit leur statut d’immigration.
Nous sommes reconnaissants et honorés d’être ici pour présenter ce point de vue, y compris la traite des personnes comme un problème qui touche les femmes, en particulier les femmes migrantes. Nous sommes reconnaissants de pouvoir présenter le point de vue de toutes les femmes migrantes aujourd’hui.
Nous vous remercions de votre invitation.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant céder la parole à Indus Community Services.
Madame Hansra et madame Buckeridge, vous avez cinq minutes à partager.
Madame Hansra, la parole est à vous.
Bonjour. Je vous remercie de m’accueillir ici aujourd’hui.
Je m’appelle Raman Hansra et je suis directrice de projet des Services à la famille chez Indus Community Services.
Notre projet de lutte contre la traite de personnes, généreusement financé par Femmes et Égalité des genres Canada, met à l’essai les meilleures pratiques pour venir en aide aux victimes de la traite des personnes et aux personnes à risque. Au début de ce projet, nous nous sommes rendu compte que les recherches fondées sur des données probantes portant sur les besoins des victimes de la traite de personnes et les services qui leur sont offerts sont encore très limitées. Comme les incidents ne sont souvent pas signalés, nous ignorons souvent l’ampleur réelle de la traite de personnes. Ce que nous savons, c’est que le phénomène est en plein essor au pays, qu’il requiert notre attention et nous demande d’agir.
Le travail avec d'autres partenaires communautaires et fournisseurs de services d’établissement nous permet également de reconnaître que, bien que des services efficaces soient offerts, certains aspects restent à améliorer. Il faut, par exemple, tenir compte des différences culturelles lorsque vient le temps d’orienter les victimes vers des services de consultation psychologique, car elles sont issues de cultures très diverses et on ne peut pas présumer que les personnes de toutes les cultures réagiraient de la même façon.
Il est important de permettre aux membres de la famille d’aider les victimes de la traite, car ils peuvent être d’un grand soutien. Mais leurs connaissances rudimentaires du sujet peuvent cependant amener la famille à stigmatiser la victime. Il est donc essentiel pour les prestataires de services que nous sommes de bien comprendre leurs besoins particuliers, et de former et de soutenir nos conseillers en établissement et autres prestataires de services afin qu’ils soient mieux armés pour aider les victimes de la traite de personnes et les personnes à risque.
L'accès à ces services d'établissement par la plupart des personnes nouvellement arrivées et les membres de la communauté étudiante étrangère représente pour nous, prestataires de services, une occasion unique de repérer les signes de la traite de personnes et d’orienter la clientèle vers les services appropriés
Nous avons récemment lancé notre trousse d’outils pour aider les fournisseurs de services à mieux soutenir les victimes et les personnes à risque. Nous avons bon espoir que cela les aidera à déterminer qui est à risque, qui sont les trafiquants et quelles sont les interventions efficaces, tout en fournissant une liste détaillée des ressources locales.
À l’avenir, Indus Community Services et ses partenaires espèrent poursuivre sur cette lancée et mettre fin à la traite de personnes sous toutes ses formes.
Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser au Comité.
Je m’appelle Jakki Buckeridge. Mon pronom est elle.
Pour faire suite à ce qu'a dit ma collègue, nous combattons la traite de personnes depuis plus de 10 ans. Nous collaborons avec tous les paliers de gouvernement, à la création, pour Peel, d'un plan d'intervention pour les survivantes de la traite. Nous sommes actifs au sein du Comité des fournisseurs de services contre la traite de personnes de Peel, lequel oeuvre à la grandeur de la région — par l’éducation, la défense et la restauration des droits des victimes et l'habilitation — à l'élimination de ce trafic.
Près de 50 % des étudiants internationaux au Canada choisissent d'étudier en Ontario, et plus de 50 % de tous les étudiants internationaux au pays viennent de l’Inde ou de la Chine.
S'ils choisissent le Canada comme destination, c'est principalement parce qu'ils estiment que ce pays n'est pas discriminatoire (réponse donnée par environ 78 % des étudiants), et qu'il est sûr (78 % des étudiants).
Au Sheridan College, sur plus de 22 000 étudiants, 6 800, ou plus de 30 %, sont des étudiants internationaux. Ce collège a des campus à Brampton, à Mississauga et dans notre région soeur, Halton.
Quelque 60 % des activités de traite de personnes au Canada ont lieu dans la région du Grand Toronto. Mais cette réalité peut exister partout, dans chaque ville, aux arrêts d’autobus, dans des boutiques, même à côté de chez vous. De plus, dans le tiers des cas, la traite de personnes implique d'autres crimes. Selon la police, ce trafic a augmenté de 200 % ces six dernières années.
En plus de répondre aux besoins des victimes de l'exploitation sexuelle, notre organisme oeuvre à l’élimination de toutes les formes du trafic de personnes, dont: le travail forcé, le trafic sexuel, la servitude domestique, le prélèvement d’organes, la servitude pour dettes, la mendicité forcée, le recours aux enfants soldats et le mariage forcé.
C’est en 2020 que Indus, fort de son expérience auprès des nouveaux venus et des étudiants internationaux, a élargi son champ d'action grâce au financement généreux de FEGC. Nous avons mis au point, en consultation avec les survivants, une trousse d’outils pour aider les fournisseurs de services à reconnaître, en tenant compte du contexte culturel, les personnes nées à l’étranger qui sont victimes de travail forcé et à leur venir en aide. Le 28 février, nous avons lancé notre prototype de trousse d’outils auprès de plus de 80 fournisseurs de services de la région afin d’y apporter des améliorations, d'accroître la sensibilisation, de cerner les lacunes et d'améliorer le soutien collaboratif offert aux survivants.
Je suis très heureuse d’être ici aujourd’hui pour vous faire part de notre point de vue.
Merci beaucoup.
Je vais maintenant céder la parole à Mme Sankar.
Madame Sankar, vous disposez de cinq minutes.
Merci. Je suis très heureuse d’être ici aujourd’hui pour parler de ce sujet très important.
Bonjour. Je m’appelle Ieesha Sankar. Je suis de la Première nation Wuskwi Sipihk et je vis à Winnipeg, au Manitoba. Je suis ici aujourd’hui pour représenter l’organisation Ka Ni Kanichihk pour laquelle je travaille.
Ka Ni Kanichihk signifie « celles qui dirigent » en cri, et a été créée en 2001, lorsqu’un groupe de femmes autochtones a décidé qu’il était temps de bonifier le rôle des femmes à titre d’expertes et de dirigeantes dans leur propre développement social et communautaire. Depuis, nous avons élargi notre programme communautaire en fonction des besoins des personnes de poursuivre leur parcours. En tant qu’organisation dirigée et mise en œuvre par des Autochtones, elle aide les Autochtones vivant en milieu urbain, principalement les femmes, qui souhaitent changer leur vie: qu'elles veuillent s'instruire davantage, solidifier leur famille, se rendre dans un espace sûr, sortir de la pauvreté ou trouver un emploi. Ka Ni Kanichihk propose des programmes et du mentorat sur mesure qui aident les femmes à réaliser leurs rêves.
Ka Ni Kanichihk se trouve dans le centre de Winnipeg. Nous sommes déterminés à fournir des programmes et des services holistiques qui répondent aux besoins des gens. Nous proposons des programmes et des services désignés comme étant autochtones, axés sur le mieux-être et nous appuyant sur les forces et la résilience des peuples autochtones. Nous avons de nombreux programmes de base qui soutiennent la croissance et le développement individuels et collectifs dans les domaines de l’éducation des adultes, de la préparation des jeunes à l'emploi et du développement des compétences, des programmes de mentorat, de la sensibilisation à la culture et des services de soutien au mieux-être.
Mushkowzee Ikew, qui est un projet d’autonomisation, est un projet communautaire de trois ans destiné aux femmes autochtones et aux personnes non binaires agées de 14 à 29 ans qui risquent d’être exploitées sexuellement, de faire l'objet d'un trafic, d’avoir des démêlés avec la justice ou de vivre dans la pauvreté. Fondé sur un cadre d’autonomisation basé sur la force et sur une philosophie organisationnelle de « culture de prévention », le projet travaille avec un minimum de 20 participants par an, pour un total de 60 participants pour la durée du projet. En raison d'une plus grande participation et d'un retour au projet après des périodes d’absence... Cette variation augmente la capacité du projet en présentant la possibilité de travailler avec plus de 100 participants au cours du projet.
Le projet s'articule autour de quatre axes: compétences de vie, remise en valeur de la culture, autonomisation et guérison, et formation préalable à l’emploi. La mise en œuvre comprend un apprentissage individuel combiné à des programmes en ligne, un travail en petits groupes, une connectivité culturelle liée à la terre et un mentorat personnalisé et complet. Grâce à un modèle d’admission continue, le projet a permis un transfert intensif de connaissances en matière de mobilisation et une approche de la prestation de services combinés à des relations de mentorat positives qui renforceront ces facteurs de protection et augmenteront la résilience en réduisant les influences négatives, comme l’implication dans des gangs et l’exploitation sexuelle.
Le programme Mushkowzee Ikew est mis en œuvre dans le cadre d’une approche axée sur les ressources communautaires. Il cherche à s’appuyer sur les forces individuelles, utilise des programmes fondés sur la connaissance, l’appartenance et l’autonomisation. Des programmes culturels prennent place tout au long du projet et sont axés sur la participation à des activités liées à l’établissement ou au rétablissement des connaissances et des pratiques traditionnelles. Il s’agit notamment d’enseignements traditionnels, de fabrication de tambours, de perlage, de cueillette de médicaments et de participation à diverses cérémonies traditionnelles. Chaque participant a un mentor qui l’accompagne et le guide dans les domaines des aptitudes de la vie quotidienne, l’établissement d’un budget, les conseils, les traitements, la défense des intérêts médicaux et juridiques, l’orientation vers des services communautaires et l’aide à l’emploi.
Ce projet fonctionne en partenariat avec les services correctionnels pour la communauté et les jeunes, l’unité des délinquantes, Justice Manitoba pour recevoir les personnes référées par le projet, et avec le Manitoba harm reduction Network pour soutenir les pratiques de réduction des risques
Les objectifs du programme Ikew de Mushkowzee sont la prévention et la lutte contre la traite de personnes à des fins sexuelles et la prévention de la revictimisation par la mise en place de réseaux de soutien et d’un plan de sécurité, ainsi que le soutien au rétablissement et à la guérison des victimes et des survivants, tout en donnant aux participants les moyens de retrouver leur indépendance et de se réinsérer dans la communauté. Ancrés dans l’histoire et les traditions culturelles autochtones, les programmes et les modes de fonctionnement du projet constituent une base solide pour permettre aux populations autochtones de guérir de la victimisation et des traumatismes qu’elles ont subis.
La traite de personnes ne connaît pas de frontières. Il est essentiel que nous fassions mieux connaître ce problème et que nous travaillions ensemble pour le combattre. Les gouvernements et les autorités policières ont un rôle important à jouer dans la lutte contre la traite de personnes. Ils peuvent renforcer les lois et les politiques visant à prévenir la traite de personnes, enquêter sur les auteurs et les poursuivre en justice, et apporter soutien et protection aux victimes.
En conclusion, la traite de personnes est une grave violation de leurs droits qui touche des millions de personnes dans le monde. Il s'agit d'un problème complexe et multiforme qui nécessite une réponse complète. Nous devons travailler ensemble pour prévenir la traite de personnes, protéger les victimes et financer davantage de programmes tels que Mushkowzee Ikew, qui offre une assistance aux victimes et s'efforce de prévenir la traite de personnes.
Ce faisant, nous pouvons contribuer à garantir que toutes les personnes puissent vivre à l’abri de l’exploitation.
Meegwetch pour avoir écouté.
Merci beaucoup, madame Sankar.
Je vais simplement faire un commentaire à Mme Hansra. Nous remarquons que votre arrière-plan est flou, ce qui cause certains problèmes pour notre technologie. Pourriez-vous régler cela avant que nous ne passions aux questions?
Nous allons commencer par un tour de six minutes, et ce sera d'abord au PCC et Michelle Ferreri.
Vous avez les six premières minutes.
Merci, madame la présidente, et merci à tous d’être ici. C’était un excellent témoignage de vous tous, qui nous faites profiter de votre expérience et de vos idées.
C’est intéressant parce que je crois que c’était Jakki — si je peux vous appeler Jakki, tout d’abord — qui, je le sais, travaille dans ce secteur depuis 23 ans. Vous avez fourni beaucoup de chiffres, ce que je trouve formidable, mais en même temps, selon Mme Hansra, de même que certains bureaucrates, les statistiques et les données ne reflètent tout simplement pas la véritable crise, et c’est une chose vraiment difficile à résoudre quand on n’a même pas les vrais chiffres pour résoudre ce problème.
Il y a un village de tentes dans ma collectivité de Peterborough—Kawartha. Le logement semble vraiment être au coeur d'un grand nombre de ces problèmes. C’est la recette du désastre. S’il n’y a pas de logements, s’il n’y a pas de soutien, je suppose que le risque augmente considérablement lorsque je pense à certaines des jeunes femmes que j’ai rencontrées et qui vivent dans l’itinérance dans ma collectivité.
Si je peux m’adresser à Mme Abdelkader, pensez-vous que des logements avec services de soutien pour les victimes seraient bénéfiques pour gérer cette crise, surtout compte tenu de ce que nous avons entendu à propos des immigrants? Il y a eu tellement de témoignages que je ne vais pas désigner une personne en particulier, mais si quelqu’un veut lever la main pour répondre à cette question en premier, allez-y s’il vous plaît. Il y a tellement de choses à dire à ce sujet, car la question des immigrants se pose également lorsque nous parlons du logement.
Je vous vois hocher la tête, madame Abdelkader, alors je vais vous donner la parole, si vous le voulez bien. Je vais vous demander de répondre à la question de savoir quelle est la place du logement dans tout cela.
Je répondrai à cela qu'un bon nombre d’entre nous ont mentionné que nous travaillons ensemble. J'inviterais donc mes collègues à ne pas hésiter à intervenir aussi si elles le souhaitent.
Je vais répondre à la question en deux parties.
Lorsque je travaillais au Caire, bon nombre de nos dossiers concernaient la traite de personnes. Ce que j’ai vu chez les nouveaux arrivants avant leur arrivée au Canada, c’est que bien souvent, ces problèmes sont liés à votre question initiale et à des problèmes de pauvreté abjecte. Lorsque les gens perdent tout et cherchent désespérément à rebâtir leur vie, ceux qui n’ont pas les moyens de naviguer dans ces systèmes ont tendance à devenir des victimes de l’exploitation. C’est quelque chose que j’ai constaté à maintes reprises au cours de ma carrière — et j’ai eu la chance de travailler dans ce domaine pendant un certain temps. Lorsque je reviens au Canada et à notre travail à Terre-Neuve-et-Labrador, je vois beaucoup de similitudes. En fait, l’Association for New Canadians a réalisé des études de faisabilité portant précisément sur les services d'hébergement pour les femmes nouvellement arrivées dans notre collectivité, qui sont pratiquement inexistants. Lorsque nous avons des victimes de la traite, des survivantes de la traite, dans nos programmes, il devient encore plus difficile de savoir comment les soutenir lorsque nous essayons de les sortir de ces situations.
Qu’il s’agisse du trafic de main-d’oeuvre dans les collectivités éloignées du Labrador ou ici même à St. John’s, la réponse est beaucoup plus difficile à apporter lorsqu’il n’y a pas de logement. Mais il en va de même pour les conditions qui mènent à cette exploitation au départ, de sorte que le parallèle que j'ai fait entre mon expérience en Égypte et mon expérience ici à Terre-Neuve, ces parallèles existent aussi ici au Canada. Dans bon nombre des cas que nous voyons, ces personnes sont plus à risque de faire l’objet de traite ou d’en devenir victimes parce qu’elles finissent par se tourner vers des gens qui leur offrent une aide en apparence authentique pour les sortir de cette pauvreté abjecte.
Par conséquent, le logement sous-tend une grande partie de notre travail, et l’approche Logement d’abord est souvent celle qui tient compte des traumatismes subis. Cela se résume en grande partie à cela.
Je vois que ma collègue, Mme Rossi, veut ajouter quelque chose, alors je vais lui laisser un peu de temps.
D’accord, je vais vous en donner aussi. Désolée, je n’ai pas beaucoup de temps. J’ai deux autres questions.
Madame Rossi, si je peux revenir à vous dans un instant, j’aimerais d’abord poser deux autres questions.
Je pense que les refuges sont importants, mais je pense que le logement permanent est vraiment le noeud du problème, n’est-ce pas? C'est vraiment le logement abordable.
Madame Hansra, vous avez parlé d’un minimum de recherche fondée sur des données probantes. Comment proposez-vous que nous l’obtenions? Quelle serait la meilleure façon pour le gouvernement ou pour les organismes d’obtenir cette recherche?
Pendant que nous travaillions à ce projet, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait peu de recherches fondées sur des données probantes, parce que souvent, les incidents ne sont pas signalés. Pour quelles raisons les victimes ou les personnes à risque ne dénoncent-elles pas la traite de personnes? Nous devons aller au fond des choses. C’est seulement alors que nous pourrons obtenir des données probantes sur la traite de personnes.
Je pense aussi que le statut d’immigrant est un élément important. Comme Mme Bucheridge l’a mentionné, dans la région de Peel, nous avons des milliers d’étudiants étrangers. En raison de leur statut et des obstacles qui existent, des obstacles systémiques et des obstacles individuels, il arrive souvent qu'ils ne se sentent pas en sécurité pour parler de leur situation.
Vous avez terminé, je suis désolée.
Je vois des mains levées. Nous allons poursuivre nos tours de questions, et je suis certaine que vous pourrez vous faire entendre.
Je vais donner la parole à Sonia Sidhu.
Madame Sidhu, vous avez six minutes.
Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins d’être parmi nous.
Ma question s’adresse à Indus, parce que vous êtes de Brampton. Je suis députée de Brampton. Merci pour le travail que vous faites sur le terrain.
Madame Hansra, vous avez parlé des étudiants étrangers, du fait qu’ils ne connaissent pas leurs droits et qu’il y a des obstacles.
De quels types d’obstacles avez-vous entendu parler sur le terrain?
Je dirais que le plus grand obstacle est le manque de logements abordables. C’est un énorme problème. Je ne peux même pas imaginer les conditions de vie. Il y a 10 ou 15 étudiants qui vivent ensemble dans un sous-sol. C’est vraiment dangereux, non seulement pour leur sécurité physique, mais aussi pour leur bien-être émotionnel. Ils deviennent des cibles faciles des trafiquants qui font parfois de fausses promesses comme « Si vous avez besoin d’aide, nous pouvons vous aider. Il vous suffit de faire ce que nous vous demandons. » Parfois, en raison de leur situation financière, de leurs conditions de vie, du manque de logements abordables... Il y a aussi les barrières linguistiques. Pour les nouveaux immigrants, c’est un obstacle énorme.
Tous ces obstacles les mènent à des situations dangereuses. En raison de leur statut et parce qu’ils ne savent pas comment naviguer dans le système, il leur est très difficile d’aller chercher de l’aide.
Merci.
Merci.
Ma prochaine question s’adresse à Jakki Buckeridge.
À Peel, nous avons de solides modèles de services intégrés comme Indus Community Services, Zonta Club et Sukhmani Haven. Il y a beaucoup d’autres organismes qui sont là pour apporter de l'aide.
Comment peut-on améliorer la coordination des services pour les nouveaux arrivants victimes de la traite de personnes?
Je tiens également à souligner que nous avons le Encourage Hub, qui fait partie du Safe Centre of Peel, où nous sommes situés en tant qu’organismes partenaires individuels pour soutenir les efforts en matière de logement, de santé mentale et de toxicomanie. Ce sont tous des guichets uniques.
Je pense que pour nous, l’un des défis, pour revenir à ce que disait Mme Hansra, c’est que souvent nos clients ont un logement, mais que le propriétaire est aussi leur employeur. Ils se disent: « Si je quitte mon emploi, je perds mon logement. Si je déménage, je perds mon emploi. » Nous l’avons beaucoup constaté pendant la pandémie, lorsque les gens étaient sous-payés, travaillaient au noir et étaient vraiment endettés. Parce qu’ils étaient des étudiants étrangers et qu’ils n’avaient aucun moyen de gagner de l’argent pendant la pandémie pour l’année suivante, ils faisaient souvent des choses qui étaient certainement illégales et exploitantes. Ils ne peuvent pas dire à leur famille qu’ils ont accordé des faveurs sexuelles à leur propriétaire ou à leur patron, parce que la stigmatisation associée à cela à leur retour à la maison serait tout simplement trop grande.
Nous faisons de grandes choses ici, dans la région. Je n’ai pas la solution. Honnêtement, je ne sais pas comment régler la question des frais de scolarité exorbitants des étudiants étrangers, mais je sais que cela doit se faire au niveau législatif, car il n'est pas possible de faire appliquer la loi si quelqu’un dit : « Mon propriétaire profite de moi ». On lui dira simplement de déménager. C’est à peu près ce qu'on lui répond.
Lorsque nous avons lancé notre trousse d’outils, nos recherches et notre travail auprès des fournisseurs de services nous ont permis de constater que nous n’avions pas les réponses. Nous avons examiné trois scénarios de vie au symposium, et les gens pouvaient cerner les problèmes assez facilement. Ils pouvaient identifier des stratégies, mais il y avait très peu de ressources pour soutenir les victimes de la traite de personnes.
Je ne sais pas si cela répond à votre question. J’espère que oui.
Merci.
L’Association of New Canadians ou n’importe qui d’autre peut répondre à cette question. Quelles sont les stratégies de prévention les plus efficaces pour que nous puissions travailler ensemble? Pour la sensibilisation, nous avons entendu parler d’une trousse d’outils pour les victimes. Y a-t-il quelque chose qui soit efficace pour qu’elles puissent connaître leurs droits?
Nous avons également entendu dire qu’un cas sur trois se trouve à Peel, ce qui est beaucoup, et qu’il y a une augmentation de 200 % du nombre de cas, alors nous avons certainement besoin de stratégies de prévention efficaces.
Nous avons également entendu parler de la subvention de FEGC. Dans quelle mesure cette subvention est-elle efficace pour que d’autres organisations puissent travailler à des stratégies de prévention?
Il y a beaucoup de choses à passer en revue, probablement trop pour pour que je puisse le faire aujourd’hui. Je vais commencer par le financement de FEGC.
Le financement de Femmes et Égalité des genres Canada a joué un rôle essentiel dans le travail que nous faisons. Je pense qu’il vaut la peine de souligner que le fonds pour la santé sexuelle et génésique prendra fin en 2024, et un certain nombre de fournisseurs de services demandent au gouvernement de le prolonger afin qu’ils puissent poursuivre une partie de ce travail très important. On peut voir, d'après ce que moi-même et tous les autres témoins avons dit d’aujourd’hui, que tout notre travail est guidé par les victimes.
Ce financement nous a permis d’amplifier la voix des victimes pour les aider à participer aux décisions. En tant qu’organisation, nous travaillons avec de nombreux partenaires présents aujourd’hui, mais aussi avec d’autres, et nous formons des gens dans le domaine de la traite de personnes et offrons des systèmes de soutien.
Je vais m’arrêter là.
C’est excellent. Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à Mme Larouche.
Madame Larouche, vous avez six minutes.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Je remercie l'ensemble des témoins d'être avec nous aujourd'hui dans le cadre de cette étude.
Quand on se penche sur la traite des filles et des femmes, on en découvre chaque jour un peu plus. On enlève une couche et on en découvre une autre. Ce qui se cache en dessous n'est pas toujours très beau. On découvre que ce problème comporte de nombreux aspects.
Ce matin encore, j'étais avec la représentante d'un CALACS, au Québec. Elle me rappelait les différents projets en place au Québec, qui se penchent en ce moment sur la question de la traite des personnes. Plusieurs groupes travaillent auprès des victimes d'agression sexuelle, mais ils travaillent aussi à cette question de la traite à des fins sexuelles. J'étais aussi avec une survivante d'agression. Dans son cas, l'agression a eu lieu dans un milieu sportif. Elle soulignait qu'encore aujourd'hui, il reste la question de l'éducation. Les milieux scolaires sont des sources de recrutement pour la traite à des fins sexuelles. On voit donc que cela touche plusieurs enjeux.
Je vais essayer de poser des questions à l'ensemble des témoins, mais je m'adresserai d'abord à Mme Hansra.
Vous avez soulevé l'aspect de la langue dans le cas des victimes qui viennent de l'étranger. Je ne sais pas si vous vous intéressez à cette question ici même, à l'intérieur des frontières du Canada, mais elle est importante ici aussi. Il y aurait un réseau de traite entre le Québec et l'Alberta. Les victimes francophones de Montréal sont emmenées dans le Nord de l'Alberta, où, dans un milieu anglophone, elles ne trouvent aucun service dans leur langue. Ce que vous dites à propos des victimes venant de l'extérieur est tout à fait vrai, et il se produit même à l'intérieur des frontières du Canada. La question de la langue est cruciale si nous voulons venir en aide aux victimes.
Pouvez-vous nous donner quelques commentaires sur l'importance de pouvoir offrir des services adaptés aux cultures et à la langue des victimes?
[Traduction]
Oui.
Je pense que le besoin de services et de ressources adaptés à la culture et à la langue est essentiel, surtout dans ce genre de travail, où les gens ne se sentent pas à l’aise, pour diverses raisons, de parler de leur situation. S’ils sont prêts à aller finalement chercher de l’aide, mais qu’ils ne peuvent pas s’exprimer dans la langue qu’ils préfèrent, c’est un gros obstacle. L’approche tenant compte des traumatismes et les services adaptés sur les plans culturel et linguistique sont essentiels pour soutenir les victimes.
Merci.
[Français]
J'aimerais ajouter que, à mon avis, c'est très important de travailler étroitement avec les communautés francophones. À Terre‑Neuve‑et‑Labrador, un des grands problèmes, c'est qu'il n'y a pas beaucoup de services offerts en français. Plusieurs personnes qui ont emprunté le chemin Roxham ou qui viennent d'Haïti ou d'autres pays francophones ont de la difficulté à recevoir des services en français. Nous travaillons de concert avec la Fédération des francophones de Terre‑Neuve et du Labrador, la FFTNL.
Vous avez soulevé un élément important: ce n'est pas seulement important pour les nouveaux arrivants, ce l'est aussi pour les francophones du Canada.
Merci beaucoup, madame Abdelkader.
Madame Buckeridge, dans vos remarques liminaires, vous avez mentionné que vous collaboriez avec l'ensemble des paliers de gouvernement pour créer un plan d'intervention pour les survivantes de la traite. Pouvez-vous nous en dire davantage à cet égard?
Comme je l'ai mentionné, il s'agit d'un défi complexe et multidimensionnel. Travailler en collaboration est donc primordial. Depuis le début de notre étude, nous avons entendu différents sons de cloche. Comme nous avons pu le constater, cela touche plusieurs ministères et plusieurs paliers de gouvernement.
Que pourrait faire le Comité pour améliorer la collaboration entre les différents ministères et paliers de gouvernement? Vous nous en avez déjà un peu parlé, mais j'aimerais savoir si vous avez d'autres pistes de solution à nous proposer.
[Traduction]
Certainement.
Le Peel Human Trafficking Service Providers Committee regroupe divers fournisseurs de services de la région. Nous suivons les stratégies qui découlent de la stratégie du gouvernement fédéral sur la traite de personnes, celle de la province et, bien sûr, celle de la région, qui a sa propre stratégie. Étant donné que Peel est une collectivité bien particulière, et que nous reconnaissons qu’elle est incroyablement diversifiée, nous avons estimé que nous avions besoin d’une approche distinctive pour offrir de l'aide aux victimes de la traite des personnes.
Pour revenir à la question de l’inclusion du français et des femmes francophones, l'Oasis Centre des femmes est l’un de nos membres et siège à la table de planification qui aide à développer cette voie.
En tant qu’organisme d’établissement — c’était notre rôle principal lorsque nous avons commencé, il y a 37 ans —, nous sommes très heureux de sa participation. Notre projet financé par FEGC vise à élaborer une trousse d’outils et à mettre à l’essai des pratiques innovantes pour les personnes nées à l’étranger. Cependant, nous déployons des efforts collectifs pour aider les gens ici même, parce que nous savons que cela se passe chez nous. Nous faisons ces efforts depuis plus d’une décennie.
Je recommande fortement... J’ai mon bailleur de fonds FEGC, mes députés provinciaux et différents ordres de gouvernement à chacune de mes réunions afin que nous puissions continuer à leur faire passer le mot et à travailler vraiment ensemble, parce que les niveaux sont défragmentés, en toute honnêteté.
Merci beaucoup, madame Buckeridge.
Nous allons poursuivre. Nous passons maintenant à Leah Gazan.
Madame Gazan.
Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à tous les témoins d’aujourd’hui.
Ma première question s’adresse à Ieesha Sankar. Tout le monde sait que je suis une grande admiratrice de Ka Ni Kanichihk. C’est une petite vantardise — Ka Ni Kanichihk se trouve dans ma circonscription et offre des services qui sauvent des vies.
Je voulais aborder précisément ce dont vous avez parlé, les stratégies fondées sur les forces. Vous utilisez des stratégies fondées sur les forces et vous utilisez les forces de vos nations, de votre culture, ce qui est fondamental.
Nous avons parlé de l’importance d’avoir un sens clair de la culture et de l’identité comme moyen de prévention.
Vous avez parlé un peu des programmes axés sur les terres pour appuyer la prévention. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, s’il vous plaît?
Oui. Il s’agit de permettre à n’importe lesquels de nos participants de revenir sur leurs terres et de récupérer leur culture, car beaucoup d'entre eux ont perdu leur culture. Cela les ramène à leur propre conscience de ce qui se passe autour d’eux, qu’il s’agisse de la traite de personnes à des fins sexuelles ou du système de justice, comme je l’ai dit, dans le cadre du programme Mushkowzee Ikew. Cela les amène à se connecter à leur culture, puis aux parents et aux gens qui les entourent. Cela leur apporte le mieux-être et l'estime de soi, et les moyens de prendre les bonnes décisions pour eux-mêmes, ce qui les aidera dans leur cheminement vers la croissance.
À ce sujet, tout le monde sait que nous menons une étude sur la traite de personnes à des fins sexuelles. Nous savons que les groupes les plus touchés — les femmes autochtones, en particulier, les personnes de diverses identités de genre — entrent dans cette catégorie, tout comme de nombreuses travailleuses du sexe migrantes et les communautés noires, autochtones et de couleur.
Nous savons que cette situation s’explique en partie par le colonialisme violent dont sont victimes les femmes et les filles autochtones et les personnes de diverses identités de genre. Nous le savons grâce à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Nous voyons le même genre de choses se produire même à la Chambre des communes, en tant que femme autochtone à la Chambre des communes.
Dans quelle mesure peut-on parler d’un manque de sensibilisation, d’un manque de réponse réelle? En quoi cela rend-il les jeunes femmes et jeunes filles, ainsi que les personnes de diverses identités de genre plus vulnérables à la traite de personnes à des fins sexuelles?
Cela ne fait aucun doute.
Nous pouvons revenir au premier commentaire à ce sujet. C'est également une question de logement. Bon nombre des personnes avec qui nous travaillons dans le centre-ville de Winnipeg sont sans-abri. Beaucoup d’entre elles n’ont nulle part où aller. Si elles n’ont nulle part où aller, elles cherchent des gens qui vont leur dire qu’ils vont les aider, alors qu’en réalité, ils n’essaient pas de les aider. Ils essaient ainsi d'obtenir d'elles ce qu’ils veulent.
Par ailleurs, j’ai beaucoup parlé de l’importance de faire la distinction entre la traite de personnes à des fins sexuelles, le travail du sexe et l’exploitation sexuelle des enfants. L’une des choses dont j’ai parlé, c’est que lorsqu’on place les gens dans l'illégalité pour quelque raison que ce soit — vous savez que nous avons entendu aujourd’hui des témoins parler de citoyenneté, de statut d’immigration et de rendre les gens illégaux —, on les met en danger. Est-ce l’une des raisons pour lesquelles les gens participent à toutes sortes d’activités pour quelque raison que ce soit...? Est-ce pour cette raison qu’ils hésitent à s’adresser à la police, par exemple parce qu’ils craignent d’être persécutés s’ils participent à quelque chose comme le travail du sexe, qui est illégal?
Si quelque chose se produit — par exemple, une agression sexuelle —, pensez-vous que cela a une incidence sur la capacité des gens de s’adresser à la police?
Certainement.
Toute répercussion s’ils vont de l’avant... S’ils sont sans abri et que cette personne est celle qui les aide tout juste à survivre, il y aura des répercussions auxquelles ils ne veulent pas faire face s’ils s’adressent à la police.
Nous savons également que les femmes et les filles autochtones ont été hypersexualisées et rabaissées sur le plan des étiquettes. Nous voyons qu’à l’Halloween, c’est encore pire: la squaw sexy, la Pocahottie. Elles sont plus susceptibles d’être la cible de violence sexuelle.
Êtes-vous d’accord pour dire que cela se perpétue?
Êtes-vous d’accord pour dire qu’il y a toujours un manque de réponse en ce qui concerne la gravité de la violence continue contre les femmes et les filles autochtones, en ce qui a trait à toute forme d’exploitation sexuelle — un manque de réponse à cet égard?
Nous venons de publier un budget fédéral. J’ai examiné les fonds alloués pour les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues. C’était très décevant. Je sais que le gouvernement fédéral a prévu un financement pour l'appel à la justice 1.7 pour la surveillance.
Cependant, lorsque j’ai examiné le financement pour appuyer la prévention et des programmes comme votre... Pourquoi est-il important d’investir massivement dans la prévention si nous voulons nous attaquer à la crise de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones au pays?
C’est très important pour la prévention.
Je vais essayer de résumer très rapidement.
Il faut plus de programmes qui peuvent être offerts sur le terrain dans la communauté pour la communauté... Vous obtiendrez même des statistiques de cette façon également, étant sur le terrain avec les gens qui ont besoin d’aide, de ressources ou d’accès à des ressources. Il faut agir par l'entremise de communautés comme Ka Ni Kanichihk, qui peuvent aider les gens à se rétablir et passer en revue toutes les ressources dont ils ont besoin et qu’ils ne connaissent peut-être pas.
Excellent.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer au prochain tour.
Vous avez cinq minutes, et je vais donner la parole à Anna Roberts.
Madame Roberts.
Merci, madame la présidente.
Je vous remercie tous des efforts que vous déployez pour améliorer la situation.
Ma question s’adresse à Mme Abdelkader. Cela va probablement déclencher quelque chose, alors je vous préviens tous d’entrée de jeu, s’il vous plaît.
Madame Abdelkader, j’ai rencontré des yézidis, des gens qui sont venus à mon bureau et dans ma circonscription, et l’une de ces histoires m’a vraiment bouleversée. Je vais revenir à ce que ma collègue, Mme Ferreri, a dit au sujet du logement.
Deux soeurs ont réussi à venir au Canada. Après que l'aînée des soeurs a été témoin du meurtre de son mari et de ses enfants, elles ont été jetées en prison et continuellement violées, et la nourriture qu’elles ont mangée était les restes de leur famille. J'en parle parce que cela m’a vraiment bouleversée.
Cependant, elles étaient très heureuses d’avoir pu venir au Canada. Voici le problème. Elles sont venues au Canada. Il n’y avait pas de logement, pas de médicaments, pas de services de santé mentale pour les aider émotionnellement à passer à travers ce dont elles avaient été témoins. Nous faisons la promotion de ce programme et vous le défendez. Il est évident que cela vous tient à coeur. Cependant, comment pouvons-nous aider ces gens, aider les yézidis à venir ici? Comment peut-on faire ces promesses? Ils n’ont nulle part où vivre, pas de médicaments, pas d’aide, pas de counselling. Quand j'y pense, nous les retirons du feu et nous les remettons dans la poêle à frire. Comment pouvons-nous changer cela?
Les membres de la communauté yézidie ont reçu beaucoup de services lorsqu’ils ont été réinstallés au Canada. Environ 1 100 yézidis ont été réinstallés dans quatre collectivités du Canada, soit London, en Ontario, la région de Toronto, Calgary et Winnipeg.
Ces communautés reçoivent du financement d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada dans le cadre du Programme d’aide à la réinstallation. Grâce à ces programmes — l’Association for New Canadians de St. John’s, à Terre-Neuve, fournit le service ici —, nous avons le mandat de fournir de l’aide au logement et d’établir des liens avec le système de santé provincial.
Lorsque les yézidis sont arrivés, le traumatisme qu’ils ont vécu — j’ai fait partie de l’une des équipes qui sont intervenues dans l’une de ces communautés — était différent de tout ce que j'avais vu. Je travaille à l’étranger et au Canada depuis près de 20 ans maintenant, et je vais être honnête, lorsqu’ils sont arrivés, il était très traumatisant, même pour ceux d’entre nous qui ont de l’expérience dans le secteur, d’entendre leurs histoires et de répondre à leurs besoins.
Comme vous l’avez dit, il y a certainement eu un certain décalage dans notre réponse au début. En tant que fournisseurs de services d’établissement, nous avons compris et saisi la gravité et la complexité de leurs traumatismes, mais nous avons aussi élaboré les interventions appropriées en matière de santé mentale.
Dans le cadre de la prestation de services de santé mentale aux nouveaux arrivants, nous avons mené un projet de recherche très rigoureux et nous avons mis en place un dépistage de santé mentale à de multiples étapes et points de contact tout au long de leur parcours. Nous constatons constamment que les nouveaux arrivants qui sont réinstallés dans le cadre du Programme d’aide à la réinstallation ne sont vraiment prêts à recevoir des services de santé mentale qu’au huitième mois...
Madame Abdelkader, je veux en venir à mon point, parce que je vais organiser une autre réunion avec les familles yézidies que j’ai rencontrées.
Le gouvernement va ouvrir l’immigration à un demi-million de personnes. Nous n’avons pas de logements. Comment peut-on faire ces fausses promesses aux gens? Je pense qu’en tant que Canadiens, nous voulons aider les gens. Cela me brise le coeur de savoir qu’ils viendront ici et qu’ils seront dans des refuges ou que certains d’entre eux devront vivre dans la rue. Ils n’obtiennent pas de soutien, de logement, de médicaments ou de traitement. Comment pouvons-nous changer cela lorsque nous leur faisons ces promesses et que nous n’avons nulle part où les loger?
Dans le cadre du Programme d’aide à la réinstallation pour les réfugiés pris en charge par le gouvernement, nous avons le mandat de fournir le logement, et IRCC finance des logements temporaires dans les collectivités.
Lorsque nous réinstallons des réfugiés, nous avons tendance à être très efficaces. Là où nous ne sommes pas vraiment excellents, c’est dans le cas des demandeurs du statut de réfugié.
Mes collègues de la FCJ pourront vous répéter jour après jour — et maintenant, à Terre-Neuve, avec l’expérience que nous avons eue avec les nouveaux arrivants du chemin Roxham — que ce sont certains des groupes les plus à risque en raison du manque de logements abordables.
Merci beaucoup. Nous devons passer au prochain tour de questions.
Je vais maintenant donner la parole à Jenna Sudds.
Madame Sudds, vous avez cinq minutes.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci à tous nos témoins d’être avec nous aujourd’hui, mais surtout, merci du travail incroyable que vous faites tous dans vos communautés et partout au pays.
Je vais commencer par Mme Abdelkader.
Tout d’abord, j’aimerais vous faire part de bonnes nouvelles, madame Abdelkader. Vous avez parlé du fonds pour la santé sexuelle et génésique. Je suis heureuse de vous annoncer que c’était dans le budget d’hier pour 2024, alors vous verrez là, ce qui est, bien sûr, un financement essentiel et une excellente nouvelle.
En me préparant, j’ai fait quelques recherches sur votre organisme. J’ai vu sur votre site Web que vous avez ouvert un certain nombre de bureaux satellites pour tenir compte de l’augmentation de l’immigration et de l’entrée de réfugiés que vous avez constatée.
Je me demande si vous pouvez nous en dire davantage sur certains des changements ou des tendances que vous constatez sur le terrain.
C'est une excellente question. Il s'agit d'un aspect vraiment spécial de notre travail à l'Association for New Canadians.
Comme vous l'avez mentionné, nous sommes installés dans neuf collectivités, dont huit à l'extérieur de noyaux urbains. Ces bureaux se trouvent parfois dans des collectivités vraiment éloignées, comme Forteau, au Labrador, et Labrador City, qui sont situées dans la partie continentale de la province, et non pas sur l'île de Terre-Neuve. Nos bureaux couvrent plus ou moins tout le territoire de la province.
Comme vous l'avez mentionné, ce que nous constatons dans ces bureaux, particulièrement dans le cadre de cette étude, c'est que plus les nouveaux arrivants se trouvent dans des régions éloignées, plus ils courent un risque immédiat d'être victimes de la traite de personnes. En fait, parmi les cas qui ont été signalés depuis que nous avons lancé le projet avec Femmes et Égalité des genres Canada, il n'y en a eu qu'un seul dans le centre urbain de St. John's. Nous avons été à même de constater que la phase actuelle de notre projet nous permet de servir ces collectivités rurales éloignées.
Nous avons vu cela se produire assez souvent dans le cas des Ukrainiens qui sont arrivés ici et qui reçoivent des offres, tant de l'étranger que de l'intérieur du pays, pour se rendre dans ces collectivités. Une fois rendus, ils constatent que l'offre n'est pas celle à laquelle ils s'attendaient ou que le comportement de l'employeur n'est pas celui auquel ils s'attendaient. En fait, notre organisation a parfois de la difficulté à convaincre les employeurs de présenter les détails des emplois qu'ils offrent aux nouveaux arrivants.
Certains des cas les plus graves, même ceux qui ne touchent pas des Ukrainiens, se produisent dans des endroits comme le Labrador. L'information qui nous est communiquée comprend des préoccupations de nouveaux arrivants qui ne se limitent pas aux employeurs, mais concernent aussi des gens comme des policiers et des dirigeants locaux. Ces cas sont encore plus déchirants du fait de leur éloignement. Ces personnes sont vraiment isolées.
Certains de mes collègues ont mentionné, et le député Gazan l'a fait très brièvement, la question du statut. Dans bien des cas, nous constatons que ces gens sont terrifiés à l'idée de se manifester, mais nous voyons aussi qu'il leur manque des renseignements sur le statut et la façon de régulariser leur situation.
Comme Mme Blagovcanin du FCJ l'a mentionné, le problème ne se résume pas à obtenir un permis de séjour temporaire d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, étant donné que la voie d'accès pour obtenir la résidence permanente n'est pas claire, ni la façon de raconter son histoire et d'obtenir un statut permanent, sans avoir à déposer des accusations criminelles. C'est en fait ce que nous entendons le plus souvent, cette crainte que les gens ont, même si nous avons ici des collègues incroyables de la GRC, d'IRCC, qui leur disent qu'ils seront en sécurité. Peu importe. Ils continuent de taire ces cas. En fin de compte, ils n'ont pas vraiment de recours en pratique, même si des recours existent en théorie.
Incroyable. Merci beaucoup de cette réponse et de ces observations. C'est très utile pour notre étude.
Il me reste une minute. J'aimerais m'adresser à Mme Hansra, d'Indus Community Services, qui a parlé de la nécessité de tenir compte des considérations culturelles dans l'aiguillage vers des fournisseurs de services aux victimes.
J'aimerais beaucoup que vous preniez les 30 secondes qui me restent pour nous en dire plus long sur ce que vous entendez par cela.
Merci.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, les considérations culturelles sont la clé. Par exemple, nous avons parfois l'impression qu'une seule approche peut convenir à tout le monde, mais je pense que lorsque nous travaillons avec des survivants, il est important de se rappeler que ces personnes viennent de milieux différents, qu'elles appartiennent à des cultures différentes. Que pouvons-nous faire, en tant que décideurs et fournisseurs de services, pour qu'elles se sentent en sécurité et entendues?
Merci.
Parfait, merci beaucoup.
Nous allons maintenant donner la parole à Andréanne Larouche pour deux minutes et demie.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Je vais poursuivre sur la lancée de Mme Abdelkader.
Madame Abdelkader, vous étiez en train d'aborder le sujet du chemin Roxham. Nous avons commencé à parler de la question de la régularisation des statuts et de la façon de faire preuve d'humanité lorsque quelqu'un arrive ici. Je parlais de langue, tout à l'heure. D'après ce qu'on entend relativement au chemin Roxham, il est important et crucial d'offrir des services en santé et en logement.
L'autre préoccupation concerne les gens qui ne sont pas accueillis de façon régulière et dont le statut n'est pas régularisé. Il est plus facile de perdre leur trace et il devient alors impossible de les retrouver pour leur offrir les services appropriés. C'est à ce moment-là qu'ils se retrouvent vulnérables dans la société.
D'une part, quelles conséquences cela peut-il avoir sur le plan de la traite des personnes?
D'autre part, comment ces personnes se retrouvent-elles dans une situation inhumaine à l'accueil, parfois les menottes aux mains?
[Traduction]
Je m'excuse. Je vais répondre en anglais.
J'aimerais céder mon temps de parole à Mme Blagovcanin et à Mme Rossi. Mme Blagovcanin et Mme Rossi, du FCJ Refugee Centre, sont les spécialistes de la question des demandeurs. Elles nous conseillent dans le cadre de notre projet sur la traite des personnes.
À l'Association for New Canadians, nous venons à peine de commencer à travailler avec les demandeurs, alors que le FCJ a plus d'expérience.
Merci, madame Abdelkader.
Les trafiquants, les employeurs, les agresseurs ou quiconque d'autre peuvent exploiter les victimes sans statut de différentes façons... parce qu'ils savent qu'elles n'ont accès à aucun service. Ils peuvent dire: « Si vous ne faites pas cela ou si vous ne travaillez pas dans ces conditions, nous vous signalerons à l'immigration et vous serez expulsé. » Ces personnes deviennent dépendantes de leur emploi. Elles deviennent dépendantes de leurs trafiquants, pour le logement également, comme on l'a mentionné à plusieurs reprises.
De nombreux services et soutiens ne sont pas offerts aux personnes sans statut. Même si elles obtiennent un statut quelconque, les services auxquels elles peuvent avoir accès, comme l'aide financière, sont limités. Beaucoup de subventions au logement ne sont pas offertes aux personnes ayant un statut temporaire. Cela les place dans une situation où, encore une fois, elles peuvent être vulnérables à l'exploitation, et les trafiquants tirent parti de la crise du logement à leur avantage.
Merci beaucoup, madame la présidente.
J'ai une autre petite question pour Mme Sankar.
J'ai présenté un projet de loi pour un revenu de base garanti suffisant. Il s'agit du projet de loi C-223.
Nous parlons de la traite des personnes à des fins sexuelles et de la protection des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre contre la traite des personnes à des fins sexuelles. Répondez-moi par oui ou par non. Un revenu de base garanti suffisant serait-il un outil de prévention?
Merci beaucoup.
J'aimerais passer à Indus.
Je suis une ancienne éducatrice postsecondaire. Je connais beaucoup d'étudiants étrangers. Ils paient des frais de scolarité élevés et ne reçoivent aucun soutien. On en a parlé aux nouvelles pas plus tard qu'hier.
J'ai présenté un projet de loi pour un revenu de base garanti suffisant. Un tel revenu protégerait-il les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre contre la traite des personnes à des fins sexuelles?
Mon projet de loi vise les travailleurs étrangers temporaires, les demandeurs d'asile — il est très inclusif — et toute personne de plus de 18 ans. Répondez-moi par oui ou par non.
Comme je n'ai pas beaucoup de temps, j'aimerais poser une question au FCJ.
Je sais que votre organisation préconise des permis de travail ouverts pour les travailleurs migrants au Canada. J'ai parlé des dangers d'une situation illégale, et je pense que nous avons eu plusieurs exemples aujourd'hui des raisons pour lesquelles une situation d'illégalité... ce pourquoi j'appuie #StatusForAll. C'est une nécessité pour assurer la sécurité des gens.
Pourquoi les permis de travail ouverts sont-ils importants?
Les permis de travail ouverts sont importants parce que la solution de rechange est un permis de travail propre à un employeur qui lie une personne à ce dernier, dans un seul rôle. Cet employeur peut utiliser le pouvoir qu'il détient pour exploiter le travailleur. Il sait que le travailleur ne peut travailler que pour lui et qu'il compte sur cet emploi pour obtenir son statut au Canada. Cela amène ces gens à dire qu'ils doivent travailler dans des conditions très abusives, ce qu'aucun travailleur canadien ne ferait jamais, et qu'il a très peu de possibilités de changer d'emploi. C'est un processus difficile et très long.
De nombreux travailleurs continueront de travailler pour un employeur abusif simplement parce qu'ils n'ont pas d'autres choix. S'ils avaient un permis de travail ouvert...
Merci, madame la présidente.
Merci à tous. C'est une excellente information.
Madame Buckeridge, vous dites dans votre biographie que vous travaillez dans ce domaine — pas nécessairement la traite des personnes — depuis 23 ans. Ce dont j'aimerais que vous me parliez — et quiconque d'autre veut intervenir de nouveau —, ce sont des changements qui se sont produits dans la traite des personnes au cours de cette période.
Qu'est-ce qui est différent aujourd'hui par rapport à autrefois? J'ai 43 ans, et je ne me souviens pas d'avoir autant entendu parler de la traite des personnes qu'aujourd'hui.
Je travaille dans ce domaine depuis 26 ans, mais sans vouloir me vieillir, je travaille dans le domaine de la prévention de la violence depuis plus longtemps encore. Pour moi, toutes les formes de violence doivent être éliminées.
Je peux vous dire que le discours a changé, c'est certain. Il est évident que les dispositions législatives ont évolué dans une certaine mesure. Je sais qu'il y a 20 ans, les femmes ne se manifestaient pas parce qu'elles savaient qu'elles seraient arrêtées et accusées. Maintenant, nous tenons les trafiquants et les clients responsables, et une femme ne peut pas être accusée de faire le commerce du sexe. Vous ne pouvez être accusé que si vous achetez des services sexuels, ce qui est très différent.
Je pense qu'il s'agit davantage d'un effort de collaboration. En tant que fournisseurs de services, nous sommes plus disposés à aider les personnes qui ont des besoins très complexes. Je pense que la façon dont nous fournissions du soutien était très rigide il y a 15 ou 20 ans. J'espère que notre façon de faire les choses comprendra davantage de collaboration, que nous recevrons plus de financement et que nous continuerons de recevoir du financement pour les programmes, ainsi que d'éliminer les obstacles systémiques auxquels se heurtent les personnes victimes de la traite.
Merci beaucoup.
Madame Rossi, vous aviez levé la main lors de ma dernière série de questions. Je veux simplement vous donner l'occasion de nous faire part de vos réflexions.
Je veux simplement aller dans le sens de ce que Mme Abdelkader a dit au sujet du logement et des services.
Au FCJ, nous travaillons pour beaucoup de gens qui n'ont pas de statut ou qui ont un statut temporaire, et cela représente un énorme défi supplémentaire pour l'accès à des services comme le logement. Il arrive même que certains des services qui sont offerts aux victimes canadiennes de la traite, à des fins sexuelles notamment, ne le sont pas aux personnes ayant un statut temporaire, même si elles détiennent un permis de séjour temporaire.
Cet accès aux services est essentiel, et il serait utile qu'il soit accordé aux victimes, peu importe leur statut.
Merci beaucoup, madame Rossi.
Je vais maintenant donner la parole à Mme Lambropoulos, qui est en ligne.
Vous avez trois minutes.
Merci, madame la présidente.
J'aimerais commencer par remercier tous nos témoins pour les témoignages incroyables que nous avons entendus aujourd'hui. Cela a été très instructif et va certainement aider à orienter l'étude.
Je vais commencer par Mme Blagovcanin.
Vous avez parlé tout à l'heure des permis de séjour temporaires pour les victimes de la traite de personnes, et vous avez dit que beaucoup de ces victimes se voient refuser de tel permis. Par ailleurs, plus tôt cette semaine, des représentants d'IRCC nous ont dit que c'était une très bonne avenue que les gens pouvaient emprunter si jamais ils étaient victimes de la traite de personnes ou pour les personnes sans statut victimes de la traite de personnes.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet et nous expliquer dans quelles circonstances ces personnes essuient un refus? De plus, avez-vous des statistiques ou pouvez-vous obtenir des statistiques sur le nombre de victimes dont la demande a été refusée? Même si cela ne touchait qu'une personne, ce serait une personne de trop, et je pense que cela nous aiderait à savoir plus précisément combien de fois cela s'est produit.
Le permis de séjour temporaire est offert aux personnes sans statut victimes de la traite de personnes. Le premier permis accordé l'est pour une période de six mois; il s'agit donc d'un PST à court terme. La personne doit ensuite présenter une autre demande, et le permis est normalement accordé pour une période d'un an.
Les politiques d'IRCC stipulent qu'il n'est pas nécessaire de parler aux organismes d'application de la loi ou de témoigner devant un tribunal pour qu'une demande soit approuvée, mais ce que nous constatons — nous n'inventons pas cela, étant donné que c'est ce que la lettre de refus indique —, c'est que le dossier est fermé, qu'il n'y a pas de procédures judiciaires, et que ces personnes ne sont plus tenues d'être au Canada. On leur refuse alors le permis de séjour temporaire pour cette raison, ce qui est déroutant pour elles, et pour nous aussi, lorsque nous soumettons ces demandes.
Je n'ai pas les statistiques devant moi précisant combien de personnes ont essuyé un refus, mais d'après nos dossiers, je peux dire que nous avons des cas importants où plus de 40 victimes auraient pu recevoir un permis de séjour temporaire à court terme parce qu'une enquête était en cours. Toutefois, maintenant, les demandes commencent à être toutes refusées, parce que l'affaire est réglée ou qu'il n'y a plus de procédures judiciaires.
Merci. C'est bon à savoir.
J'ai une autre question, mais je ne sais pas si vous pourrez y répondre en 30 secondes.
Vous avez mentionné que les gens ne peuvent pas être réunis avec leur famille. Bien sûr, cela n'est offert qu'aux résidents permanents. Avez-vous une recommandation simple à faire pour les victimes de la traite?
Il faut permettre aux demandeurs de permis de séjour temporaire d'inclure les membres de leur famille, ou fournir une voie d'accès plus rapide et beaucoup plus accessible vers la résidence permanente pour les victimes de la traite, afin qu'elles puissent faire venir leur famille. À l'heure actuelle, elles doivent avoir détenu un permis de séjour temporaire pendant cinq années consécutives. Cela complique beaucoup les choses. Cela n'arrive presque jamais, du moins de notre point de vue et selon notre expérience.
Cela met fin à notre premier groupe de témoins d'aujourd'hui. Je remercie tous les témoins.
Vous nous avez apporté beaucoup. S'il y a des renseignements supplémentaires que vous souhaitez envoyer ou des statistiques que vous avez reçues et que vous souhaitez partager, n'hésitez pas à nous les faire parvenir.
Nous allons suspendre la séance et poursuivre à huis clos.
La séance est suspendue.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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