HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la santé
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 8 avril 2024
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Bienvenue à la 108 e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
Je vous rappelle de ne pas placer votre oreillette près du microphone, car cela peut provoquer un effet Larsen et des lésions auditives. Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les tests de connexion requis ont été effectués avec les participants à distance avant la réunion.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 16 mai 2022, le Comité reprend son étude sur la santé des femmes.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Nous accueillons aujourd'hui Mme Catriona Hippman, chercheuse postdoctorale, Programme de santé mentale génésique de la Colombie‑Britannique, B.C. Women's Hospital and Health Centre. Par vidéoconférence, nous accueillons le Dr Ryan Van Lieshout, professeur agrégé au Département de psychiatrie et de neurosciences du comportement de l'Université McMaster. Également par vidéoconférence, nous recevons la Dre Simone Vigod, professeure à l'Université de Toronto et chef du département de psychiatrie du Women's College Hospital. De l'Alliance québécoise pour la santé mentale périnatale, nous accueillons Mme Tina Montreuil, professeure agrégée et chercheure pour l'Étude sur le bien-être anténatal de Montréal.
Bienvenue à tous. Nous allons commencer par vos déclarations liminaires d'un maximum de cinq minutes.
Madame Hippman, c'est vous qui allez partir le bal.
Nous réclamons aujourd'hui une révision immédiate de la ligne directrice du Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs concernant le dépistage de la dépression périnatale. Cette ligne directrice vient saboter des décennies de travail effectué par des experts de la Colombie-Britannique et de partout au Canada pour promouvoir un dépistage normalisé universel, et impose aux femmes canadiennes le fardeau de défendre leur santé mentale à un moment de leur vie où elles sont extrêmement vulnérables. Nous pouvons et nous devons faire mieux.
Je m'appelle Catriona Hippman et je suis chercheure postdoctorale au programme de santé mentale génésique de la Colombie-Britannique, à l'Université de la Colombie-Britannique et à l'Université de Calgary. Je suis boursière des Instituts de recherche en santé du Canada et de l'agence Michael Smith Health Research BC.
La dépression périnatale est un important problème de santé publique. Elle touche de 10 à 15 % des femmes. Le taux est encore plus élevé parmi les groupes marginalisés alors que près de la moitié des femmes immigrantes et autochtones sont touchées. Il n'est donc pas surprenant que le suicide soit l'une des principales causes de décès maternel au Canada.
Le dépistage précoce est essentiel à l'amélioration des résultats. Lorsqu'elle est détectée rapidement au moyen d'un dépistage normalisé universel, la dépression périnatale peut être traitée avec succès, et il est alors possible d'enrayer les conséquences négatives en aval pour l'enfant et la famille. Non seulement le dépistage précoce permet‑il de prévenir des conséquences désastreuses pour les familles, mais il peut aussi réduire les coûts pour le système de santé. Un rapport de 2021 du Collectif canadien pour la santé mentale périnatale a démontré que les coûts de 150 000 $ pour chaque dyade mère-bébé touchée par la dépression et l'anxiété périnatales pourraient être réduits à 5 000 $ par famille avec un dépistage normalisé universel.
Dans ce contexte, il est choquant de constater que le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs recommande actuellement de ne pas recourir au dépistage normalisé universel de la dépression périnatale. Ce groupe va ainsi à l'encontre des recommandations formulées en matière de dépistage au Canada et dans le monde entier, y compris aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie.
Dans le cadre du programme de santé mentale génésique de la Colombie-Britannique, nous définissons les normes de soins pour la province en établissant des lignes directrices en matière de pratique clinique, en déployant des ressources et en offrant une formation interdisciplinaire. Nous sommes un chef de file national en matière de soins de santé mentale périnatale. Chaque année, nous offrons directement des soins à des patientes dans le cadre de 5 000 rendez-vous cliniques en plus d'aider indirectement un nombre incalculable d'autres femmes via un service de consultation rapide auprès des fournisseurs de soins primaires de la Colombie-Britannique. Selon nous, la norme de soins en Colombie-Britannique doit comprendre un dépistage normalisé universel de la dépression périnatale.
En revanche, le Groupe d'étude canadien recommande que le dépistage de la dépression périnatale se fasse dans le cadre des soins habituels. Cela signifie que seules les patientes signalées par leur fournisseur de soins primaires recevront une attention supplémentaire. Ce n'est tout simplement pas suffisant. Une étude menée en Alberta en 2021 a révélé qu'environ les deux tiers des cas de dépression périnatale n'étaient pas décelés par le professionnel de la santé dispensant les soins usuels à la patiente. Cette étude a estimé que 2 000 cas de dépression postpartum auraient pu être détectés grâce à un dépistage normalisé universel.
En s'en remettant ainsi aux soins habituels, on impose aux femmes canadiennes le fardeau de la défense de leur santé mentale. Nous savons que notre système de soins de santé est surchargé, et le fait est que dans le cadre de la prestation usuelle des soins, ce sont les patientes qui doivent porter la dépression périnatale à l'attention du professionnel de la santé. De plus, ces soins habituels sont dispensés de manière inéquitable. Des recherches ont démontré que lorsque le dépistage de la dépression périnatale est laissé à la discrétion du fournisseur de soins de santé, les patientes racialisées sont moins susceptibles de se faire dépister. Les femmes blanches ont plus de chances de voir leurs préoccupations prises au sérieux, et les femmes privilégiées du point de vue socioéconomique sont les mieux en mesure de défendre leurs propres intérêts. Cela perpétue les inégalités en matière de santé et marginalise davantage les Canadiennes les plus vulnérables.
Vous pensez peut-être que nous n'aimons tout simplement pas les conclusions du Groupe d'étude, mais c'est plus que cela. Ces conclusions ne sont pas justifiées. L'examen systématique sur lequel la ligne directrice a été fondée n'a permis de relever qu'un seul essai clinique randomisé, et celui‑ci indiquait que les participantes ayant fait l'objet d'un dépistage normalisé universel avaient de meilleurs résultats en matière de santé mentale six mois après l'accouchement. De plus, les études sur les valeurs et les préférences des patientes menées par le Groupe d'étude canadien ont souligné que les participantes estimaient que les avantages possibles du dépistage l'emportaient sur les risques encourus. Les participantes ont indiqué que les méfaits potentiels du dépistage leur apparaissaient insignifiants. Notre point de vue correspond à celui des patientes ayant participé à cette étude qui estiment que les risques associés au surdiagnostic et aux traitements pouvant s'ensuivre ne sont pas déterminants par rapport à ceux pouvant découler d'une dépression non diagnostiquée.
En résumé, le Groupe d'étude a accordé la priorité aux préoccupations relatives aux éventuels méfaits, plutôt qu'aux avantages documentés, aux points de vue des patientes et aux opinions des experts.
Nous devons alléger le fardeau des Canadiennes. Le dépistage normalisé universel favorise un accès équitable pour toutes les Canadiennes à une grossesse et à une périnatalité en bonne santé mentale. Il faut que le Groupe d'étude canadien formule une ligne directrice qui donnera la priorité aux soins de santé préventifs.
Merci.
Merci beaucoup, madame Hippman.
Nous allons maintenant entendre Mme Montreuil, de l'Alliance québécoise pour la santé mentale périnatale.
Bienvenue au Comité. Vous avez la parole pour les cinq prochaines minutes.
Je suis professeure agrégée au Département de psychologie de l'éducation et du counselling de l'Université McGill, ainsi que membre associée au Département de pédiatrie et de psychiatrie. Je suis également chercheure à l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill. Je vais donc m'adresser à vous aujourd'hui en m'appuyant à la fois sur mon expertise en santé mentale périnatale et sur ma spécialisation en développement de la petite enfance.
Voici ce que je pourrais ajouter à ce que vous a dit ma collègue.
La période périnatale est définie comme étant la période gestationnelle allant de la grossesse jusqu'à 12 mois après l'accouchement. Nous savons que les troubles de santé mentale périnatale, comme la dépression et l'anxiété, font partie des complications les plus courantes de l'accouchement, touchant jusqu'à 20 % des personnes enceintes et postpartum. Les taux de dépression postpartum ont doublé depuis la pandémie de COVID‑19. D'après les chiffres compilés par l'organisation Inspiring Healthy Futures, avec la contribution de Santé Canada et de l'Agence de la santé publique du Canada, l'incidence des problèmes de santé mentale chez les femmes et les hommes a augmenté de plus de 10 %.
Ces statistiques révèlent une situation encore plus alarmante chez les femmes au sein des populations marginalisées et sous-représentées, comme les femmes autochtones, noires ou racisées, qui sont touchées de façon disproportionnée par les problèmes de santé mentale et qui sont le plus souvent oubliées dans ces études. Vu que nous ne ciblons pas précisément ces populations, on peut se demander s'il est vraiment possible de généraliser les conclusions que nous publions régulièrement.
Comme plus de 350 000 femmes tombent enceintes au Canada chaque année, jusqu'à 105 000 Canadiennes pourraient souffrir d'anxiété et de troubles de l'humeur périnataux, ce qui en fait la complication de la grossesse la plus courante. Des complications, comme l'hypertension gestationnelle, la prééclampsie ou le diabète gestationnel, n'ont pas seulement des répercussions pendant la grossesse. Il a en effet été établi qu'elles permettent de prévoir l'incidence de maladies chroniques plus tard dans la vie d'une femme. Ce n'est toutefois pas le cas pour la santé mentale pendant cette même période critique pour la santé des femmes.
Comme on vous l'a indiqué, le suicide est l'une des principales causes de décès maternel dans les pays à revenu élevé. La dépression et l'anxiété maternelles sont associées à un risque accru d'accouchement prématuré, de faible poids à la naissance et de difficultés sociales, émotionnelles et comportementales chez l'enfant. C'est là que mon expertise du développement de l'enfant entre en jeu. On sait aussi que les effets à long terme perdurent chez les adolescents et qu'ils sont associés à des problèmes de santé mentale à l'adolescence ainsi qu'à l'âge adulte.
Des analyses causales ont été menées aux États‑Unis, au Royaume‑Uni et en Australie. Ce sont des pays très comparables au Canada. Ces analyses font ressortir les répercussions économiques importantes des troubles de l'humeur et de l'anxiété périnataux non traités au Canada. Ainsi, de nombreux experts qui travaillent dans ce domaine, comme nous qui comparaissons devant vous aujourd'hui, remettent en question le manque de dépistage précoce et de traitement approprié de la dépression et de l'anxiété maternelles, tout en se demandant pourquoi cette problématique ne figure pas au rang de nos priorités en matière de santé publique.
Parmi les troubles gestationnels pouvant toucher la femme enceinte, les problèmes de santé mentale demeurent les plus sous-diagnostiqués. Pour vous donner une petite idée, selon Diabète Canada, le diabète gestationnel touche une femme sur 10 — et je vous rappelle que nous avons dit que les problèmes de santé mentale affectent environ 20 % des femmes. Un bébé sur 632 naît avec des complications comme le syndrome de Down. Encore une fois, ce sont les données de Santé Canada. Ces chiffres compilés au fil des ans ont suffi pour que l'on reconnaisse la nécessité d'effectuer et de maintenir le dépistage systématique de la clarté nucale et du diabète gestationnel dans le cadre des soins prénataux courants. Malgré ce que nous savons de l'incidence des problèmes de santé mentale et du fait qu'ils affectent à la fois la santé de la femme et celle de l'enfant étant donné la transmission intergénérationnelle, nous n'avons pas droit au même type de dépistage des problèmes de santé mentale pendant la grossesse. Cela ne fait pas partie de nos soins prénataux, contrairement à ce qui se passe dans certains des pays mentionnés précédemment, qui sont des pays développés comme le nôtre.
Cela dit, compte tenu de la prévalence élevée et des conséquences néfastes des troubles de l'humeur et de l'anxiété périnataux, plusieurs pays ont maintenant recommandé — comme on l'a déjà mentionné et comme on ne manquera pas de le répéter — un dépistage systématique de l'anxiété prénatale, de la dépression et des autres problèmes de santé mentale pendant la grossesse. Le fait de ne pas cerner ces facteurs de risque pour la santé mentale périnatale peut avoir des conséquences négatives pour la mère, comme je l'ai indiqué, mais aussi pour l'enfant.
À l'aide d'un modèle fondé sur des données probantes provenant de la London School of Economics, nous avons été en mesure d'effectuer le même type de calcul d'impact économique dans le cadre de l'Étude sur le bien-être anténatal de Montréal que je représente. Cet outil de calcul était nécessaire pour déterminer le coût économique des troubles de l'humeur périnataux et nous a aussi permis de faire ces estimations dans toutes les provinces. Nous sommes en train d'étendre la portée de cet outil pour inclure la rentabilité des interventions et des aiguillages dans le contexte canadien.
Dans la première phase de sa mise au point, notre outil de calcul des impacts économiques a permis d'estimer à quelque 6,7 milliards de dollars par année les coûts associés à l'absence d'un dépistage systématique au Canada. Le coût des maladies mentales périnatales au Canada s'établirait à environ 46 000 $ par naissance, et quelque 70 % de ces coûts seraient engagés pour les enfants. L'enfant en ressentirait par la suite les effets et les résultats indésirables comme un mauvais fonctionnement cognitif, ce qui a également une incidence sur son développement.
Les faits parlent d'eux-mêmes. Des soins préventifs pendant la phase prénatale peuvent améliorer la situation de la mère ou de la femme enceinte. Non seulement cela peut être avantageux pour la femme pendant la grossesse, mais cela pourrait aussi jouer un rôle essentiel dans la détection et la prévention précoces d'autres maladies postpartum, comme le cancer du sein, le cancer du col de l'utérus, les maladies cardiovasculaires, le diabète et l'ostéoporose.
À l'aide d'un cadre de santé de précision...
Madame Montreuil, puis‑je vous demander de conclure? Vous aurez amplement le temps de nous en dire plus long à ce sujet en répondant aux questions des députés.
Absolument.
Nous avons déjà été en mesure de vous dire que c'est bénéfique pour la femme pendant la grossesse, mais aussi après l'accouchement. Pour ce qui est de l'enfant, en ciblant les problèmes de santé mentale périnatale, on optimise son développement, ce qui représente une contribution positive à la société du point de vue du capital humain.
Merci.
Merci beaucoup, madame Montreuil.
Chers collègues, nous éprouvons des difficultés techniques pour ce qui est de la connexion avec nos participants en ligne. Nous allons suspendre la séance pour régler ces questions avant de les inviter à présenter leurs déclarations.
La séance est suspendue. Nous reprendrons, je l'espère, dans quelques minutes seulement.
Nous reprenons nos travaux.
Comme en témoigne la courte durée de cette interruption, l'équipe de soutien des technologies de l'information pour les comités peut compter sur des professionnels hautement qualifiés. Tout indique que la connexion a été rétablie. J'espère ne pas nous porter malchance.
Docteur Van Lieshout, bienvenue au Comité. Vous avez la parole pour les cinq prochaines minutes.
Oh, non. Nous ne vous entendons pas, monsieur.
Merci encore.
Bonjour. Je m'appelle Ryan Van Lieshout, et je suis titulaire de la Chaire de recherche du Canada en santé mentale périnatale et de la Chaire Albert Einstein/Irving Zucker en neurosciences à l'Université McMaster.
Je suis psychiatre et clinicien-chercheur et je travaille auprès de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale pendant la grossesse et la première année post-partum. Mes recherches portent sur la mise au point de psychothérapies évolutives pour les personnes ayant des problèmes de santé mentale périnatale. Nous visons également à optimiser la prestation de ces traitements afin de maximiser leur incidence sur le développement du cerveau de l'enfant. Le but premier de mon travail est d'empêcher la transmission intergénérationnelle des problèmes psychiatriques des parents à leurs enfants.
Mon expertise clinique m'a valu d'être invité à collaborer à l'élaboration des lignes directrices nationales de pratique pour le traitement des problèmes psychiatriques périnataux et de la trousse de santé mentale périnatale de Santé publique Ontario. Tout au long de ma carrière, j'ai vu les effets dévastateurs que les problèmes de santé mentale survenant pendant la grossesse et la période post-partum ont sur les enfants et les familles, et je me suis engagé à réduire leur impact.
Comme les autres experts l'ont laissé entendre aujourd'hui, les problèmes de santé mentale périnatale touchent jusqu'à une femme sur cinq, mais les effets disproportionnés de la pandémie de COVID‑19 sur les mères ont fait passer ce taux à une sur trois. Comme on l'a déjà mentionné, chaque cas de dépression post-partum entraîne à lui seul des coûts pouvant atteindre 150 000 $ au cours de la vie, dont les deux tiers sont attribuables à l'enfant.
Même si des traitements efficaces peuvent aider à la fois les mères et leurs enfants, seulement 1 femme enceinte ou en post-partum sur 10 peut avoir accès à des soins fondés sur des données probantes dans notre pays. Il y a de nombreux obstacles à l'obtention de soins de santé mentale périnatale en temps opportun au Canada. L'un des plus importants est l'absence actuelle de protocoles de soins coordonnés qui permettent d'identifier les personnes atteintes et d'aiguiller la bonne personne vers le bon traitement au bon moment. Deuxièmement, étant donné que la plupart des personnes ayant des problèmes de santé mentale périnatale répondront à la psychothérapie, aux thérapies fondées sur la communication verbale et aux médicaments, un autre défi important réside dans les connaissances relativement limitées que possèdent les médecins de première ligne au sujet de l'innocuité de ces médicaments pendant la grossesse et l'allaitement. Enfin, le manque criant d'accès à des psychothérapies fondées sur des données probantes, causé principalement par le manque de fournisseurs de soins de santé formés pour fournir ces thérapies, nous empêche d'atteindre notre objectif de devenir le meilleur pays au monde pour élever un enfant.
Cependant, il y a de nombreuses raisons de garder espoir. Un groupe de cliniciens-chercheurs canadiens, dont la Dre Vigod et moi-même sommes membres, travaille avec le Réseau canadien pour les traitements de l'humeur et de l'anxiété afin de préparer des lignes directrices nationales de pratique pour les problèmes de santé mentale périnatale, qui peuvent être utilisées pour aider à éduquer les fournisseurs de soins de première ligne et à guider la création et l'application de protocoles de soins propres au Canada. Ces protocoles de soins structurés — des systèmes intégrés qui englobent la détection des problèmes de santé mentale, l'orientation des patients vers les bonnes ressources au bon moment et la prestation d'un traitement et d'un suivi — doivent être adaptés au contexte canadien et mis en œuvre.
Une fois que ces protocoles seront créés, ils nous permettront d'utiliser des psychothérapies fondées sur des données probantes, élaborées et mises à l'essai ici même au Canada, afin d'optimiser le traitement. Cependant, il y a une pénurie importante de professionnels de la santé mentale qualifiés pour assurer ces interventions. Pour remédier à cette situation, notre groupe a élaboré et mis à l'essai plusieurs interventions psychothérapeutiques efficaces et évolutives qui peuvent être offertes par diverses personnes, y compris des infirmières en santé publique, sans formation psychiatrique préalable, ou même des personnes qui se sont elles-mêmes rétablies de problèmes psychiatriques, qu'on appelle aussi des pairs rétablis.
Ces traitements peuvent servir d'étapes initiales et plus intensives dans des modèles de soins par paliers. Par exemple, notre atelier d'une journée basé sur la thérapie cognitivo-comportementale pour la dépression post-partum peut traiter efficacement jusqu'à 30 personnes à la fois et être dispensé en ligne ou en personne par des infirmières en santé publique ou des pairs rétablis. Notre intervention de thérapie cognitivo-comportementale en groupe d'une durée de neuf semaines s'est également révélée efficace, et sa mise en œuvre a déjà été confiée avec succès à des pairs rétablis et à des infirmières en santé publique n'ayant reçu qu'une formation psychiatrique limitée, voire aucune. Ces interventions se sont multipliées et sont utilisées au Canada, en Europe et aux États-Unis.
Comme Mme Montreuil l'a souligné, nous savons que le traitement des mères ne profite pas seulement à celles‑ci, mais aussi à leurs enfants. Les troubles mentaux périnataux font partie des expériences négatives les plus courantes durant l'enfance. Les recherches menées par notre groupe et d'autres ont montré que le traitement des mères souffrant de dépression post-partum entraîne des améliorations cliniquement significatives sur le plan des interactions entre la mère et le nourrisson, du développement du cerveau et de la capacité de régulation des émotions du nourrisson, et même de la santé mentale des enfants plus âgés du foyer. Ces résultats concordent avec les recherches menées dans le monde entier, qui suggèrent que pour chaque dollar investi dans les interventions axées sur la petite enfance, la société récupère 7 $.
Au Canada, les problèmes de santé mentale périnatale peuvent être prévenus, détectés et traités, et nous disposons déjà du savoir-faire nécessaire pour soutenir les mères et interrompre la transmission intergénérationnelle des troubles mentaux dans les familles. Le gouvernement fédéral peut apporter son aide en collaborant avec des experts pour créer des protocoles de soins propres au Canada, accroître la main-d'œuvre en santé mentale périnatale pour répondre aux besoins des mères et travailler avec les provinces pour mettre en œuvre ces systèmes. Grâce à de tels développements, les découvertes faites au Canada contribueront à améliorer la santé et la vie de tous les Canadiens.
Merci, docteur Van Lieshout.
Pour terminer, nous avons la Dre Simone Vigod de l'Université de Toronto et du Women's College Hospital.
Bienvenue au Comité. Vous avez la parole.
Je remercie le président et le Comité de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui pour parler de la santé mentale des femmes.
D'entrée de jeu, comme vous l'avez entendu, je suis psychiatre. Je suis directrice du département de psychiatrie du Women's College Hospital à Toronto, où je suis également titulaire d'une chaire de recherche en santé mentale des femmes. Je suis aussi professeure de psychiatrie à la Temerty Faculty of Medicine de l'Université de Toronto. Depuis 15 ans, je me concentre sur la santé mentale des femmes dans ma pratique clinique et mes travaux de recherche.
Je voulais vous expliquer aujourd'hui comment et pourquoi je crois que la santé mentale des femmes est un problème de santé publique important sur lequel vous devez vous pencher.
De la ménarche — le moment où les règles commencent — à la ménopause, les femmes sont trois fois plus susceptibles d'éprouver des problèmes de santé mentale comme la dépression et l'anxiété que leurs homologues masculins. Bien entendu, les problèmes de santé mentale chez les femmes ont une incidence sur leur bien-être et leur productivité. Puisque c'est souvent les femmes qui prennent soin des gens autour d'elles, il y a aussi des répercussions négatives sur leurs enfants et leurs familles.
Lorsque j'en parle à mes étudiants, à mes collègues et à la communauté, je dis habituellement que certains problèmes de santé mentale sont propres aux femmes. Vous avez entendu parler aujourd'hui de certaines de ces réalités, comme la grossesse, bien entendu. Il y a ensuite les problèmes qui touchent les femmes de manière disproportionnée ou différemment. Par exemple, les problèmes d'humeur qui varient en fonction du cycle menstruel peuvent nécessiter des traitements ou des médicaments différents. Nous avons beaucoup entendu parler de la grossesse aujourd'hui. J'ajouterais que les décisions relatives au traitement pendant la grossesse, et lorsqu'une personne allaite, nous obligent à réfléchir aux répercussions possibles sur le bébé. De plus, il faut même tenir compte de la façon dont les femmes absorbent et métabolisent les médicaments. Elles le font plus lentement que les hommes, ce qui signifie qu'une dose qui est souvent établie pour un homme plus grand ou pesant pendant les essais cliniques peut causer des effets secondaires toxiques.
La violence physique, psychologique et sexuelle ainsi que les agressions, ce qui est beaucoup plus courant pour les filles et les femmes, figurent parmi les principaux problèmes qui nuisent à la santé mentale des femmes de manière disproportionnée. Vous savez probablement que les traumatismes changent le cerveau. Ils augmentent considérablement le risque de dépression, d'anxiété et de stress post-traumatique. En fait, nous savons maintenant que plus de la moitié des femmes qui souffrent d'une maladie mentale ont subi des traumatismes antérieurs.
Les femmes sont également plus susceptibles d'être pauvres, d'être isolées après avoir immigrées et d'être stressées parce qu'elles prennent soin d'autres personnes, entre autres facteurs, ce qui peut non seulement accroître leur risque d'être malades, mais aussi multiplier les obstacles qui les empêchent de recevoir des soins.
J'ai pensé vous parler un peu de la façon dont le Women's College Hospital, qui est affilié à notre département de psychiatrie à l'Université de Toronto, s'attaque au problème. Le Dr Van Lieshout travaille dans un programme similaire à l'Université McMaster. Nous sommes l'un des principaux centres de sciences de la santé de l'Université de Toronto, et nous prenons vraiment au sérieux ces considérations.
Notre département comprend différents programmes cliniques. Premièrement, il est très important d'avoir un programme axé sur les étapes de la reproduction pour les femmes qui souffrent d'une maladie mentale liée au cycle menstruel pendant la période entourant la grossesse, comme vous l'avez entendu aujourd'hui, ainsi que pendant la périménopause. Deuxièmement, nous avons des programmes qui s'adressent aux femmes des populations à risque, y compris les immigrantes, les réfugiées, les femmes autochtones et les femmes toxicomanes. Troisièmement, nous avons un programme de thérapie pour les femmes qui ont vécu des traumatismes émotionnels, physiques et sexuels et qui souffrent maintenant de problèmes mentaux.
À l'aide de ces programmes, car nous sommes un centre hospitalier universitaire, nous sommes déterminés à élargir les connaissances au‑delà de nos murs, en misant sur la recherche et l'éducation. Nous étudions les causes des maladies, par exemple dans notre étude pancanadienne de la prédisposition génétique à la dépression post-partum. Nous trouvons de nouveaux traitements ainsi que les meilleures façons d'utiliser ceux qui existent déjà. Par exemple, nous utilisons une stimulation neurale non invasive pour traiter les femmes qui souffrent de dépression pendant leur grossesse et qui ne veulent pas prendre d'antidépresseurs. De plus, nous venons tout juste de recevoir un financement des Instituts de recherche en santé du Canada pour étudier les effets des médicaments contre le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité pendant la grossesse, car le recours à ces médicaments augmente considérablement chez les femmes. Comme vous l'avez entendu aujourd'hui, nous élaborons et nous testons également des modèles innovatifs de soins pour améliorer l'accès pendant la grossesse, mais aussi pour élargir l'accès aux thérapies axées sur les traumatismes.
Enfin, nous formons des cliniciens dans tous les domaines — non seulement des psychiatres, mais aussi des travailleurs sociaux, des psychologues, des sages-femmes et d'autres personnes dans de nombreux autres domaines de la médecine liés au nôtre, comme des endocrinologues et des gynécologues — pour que les nouveaux fournisseurs de soins et ceux qui exercent leur profession depuis de nombreuses années puissent aider à mieux traiter les femmes, qui représentent la moitié des patients.
Cependant, comme mes collègues vous l'ont dit aujourd'hui, même si nous réalisons d'excellents progrès, l'objectif d'offrir rapidement à toutes les femmes atteintes d'une maladie mentale au Canada des soins efficaces n'est pas encore atteint.
Je crois que pour avoir de grandes répercussions à l'échelle nationale dans le domaine de la santé mentale des femmes, il faut investir dans les priorités concrètes et réalisables que je vais énumérer. Premièrement, je recommanderais une campagne de sensibilisation à la santé mentale des femmes pour leur permettre de connaître les traitements offerts et pour qu'elles sachent à quoi s'attendre en la matière. Deuxièmement, il faut vraiment promouvoir les possibilités d'éducation et de formation dans le domaine de la santé mentale des femmes, comme celles que mes collègues et moi, l'équipe du Dr Van Lieshout et d'autres personnes avons mises au point d'un bout à l'autre du pays. Troisièmement, il faut renforcer les possibilités de recherche ciblée pour améliorer l'expérience de soins des femmes atteintes d'une maladie mentale ainsi que pour élaborer des mesures de prévention et des traitements pour les femmes de demain.
Compte tenu du grand nombre de femmes atteintes d'une maladie mentale, même les petits progrès en vue de répondre aux besoins des femmes en santé mentale tout au long de leur vie peuvent avoir d'importantes répercussions positives sur la santé de tous les membres de nos collectivités.
Merci.
Merci, docteure Vigod.
Nous allons commencer nos séries de questions par les conservateurs.
Madame Vecchio, allez‑y, s'il vous plaît. Vous avez six minutes.
Je remercie tous nos témoins aujourd'hui de nous présenter leurs points de vue professionnels et leurs travaux dans ce domaine.
Je vais commencer très simplement. Nous savons qu'un Canadien sur cinq n'a pas de médecin de famille. Je crois que c'est probablement un des plus grands défis à relever. Je vois que la plupart d'entre vous viennent du milieu universitaire, mais vous pourriez peut-être me dire ce que vous savez à ce sujet. Que font les femmes enceintes qui n'ont pas de médecin de famille? Il est important d'avoir les lignes directrices du groupe de travail, mais que faisons-nous lorsque personne ne surveille de manière continue leur application?
Je veux poser la question à Mme Hippman.
Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez?
Oui, c'est une question très importante.
En Colombie-Britannique, on peut aussi avoir directement accès aux services de sages-femmes. Je pense que la période périnatale est une période un peu unique de la vie d'une femme pendant laquelle elle est plus susceptible d'entrer en contact avec un médecin de famille. Je pense qu'il y a lieu d'être un peu optimiste pour ce qui est d'avoir des soins continus.
J'ajouterais également qu'il peut être bon de considérer davantage les options existantes d'autodépistage et de soins autoadministrés. Par exemple, je suis au courant de travaux de recherche en Alberta où une étude a essentiellement mené à la création d'un programme en ligne qui permet aux femmes de dépister elles-mêmes des maladies. Elles peuvent également obtenir de l'aide en ligne, comme des soins autoadministrés ou une thérapie cognitivo-comportementale antodirigée et ce genre de choses. Nous pouvons un peu les laisser s'en occuper.
Formidable. Merci beaucoup.
En écoutant les témoignages aujourd'hui, lorsque nous parlons de soins périnataux et de dépression post-partum, je me rends compte que j'ai toujours seulement pensé aux hormones, mais vous êtes nombreux à avoir parlé également du milieu. Nous savons que les traumatismes ont une incidence sur le milieu. Dans le cas des hormones... En fait, je vais poser la question au Dr Van Lieshout, car il a parlé des médicaments.
En tant que mère de cinq enfants, c'est très important pour moi. Lorsqu'on traverse une dépression ou autre chose... on fait attention à ce qu'on mange et à ce qu'on boit pour protéger son enfant.
Pouvez-vous me dire ce qu'on utilise actuellement quand il s'agit peut-être d'aider sur le plan hormonal... ou me dire ce qui est sécuritaire?
C'est une excellente question. Merci de la poser.
Comme je l'ai mentionné, sous la direction de la Dre Vigod, nous préparons actuellement la dernière version des lignes directrices de pratique clinique pour le traitement d'un éventail de problèmes de santé mentale qui surviennent pendant la grossesse et la période post-partum. Lorsque nous avons passé en revue la littérature scientifique, nous avons constaté qu'il semble y avoir un manque relatif de connaissances chez une grande partie des professionnels en ce qui concerne les risques et les avantages relatifs.
Les gens entendent souvent des histoires d'horreur sur ce genre de choses ou ils lisent certaines choses en ligne, mais la vaste majorité des médicaments utilisés pour traiter la dépression et l'anxiété ont un bilan relativement bon en matière de sécurité. Ce ne sont pas toutes les personnes qui souffrent d'un problème de santé mentale qui doivent se faire prescrire un médicament, mais il est très important que les personnes qui en prennent déjà un, ainsi que leurs fournisseurs de soins, soient au courant des risques et des avantages relatifs de ces traitements. Il est important que les personnes qui songent à les prendre ne renoncent pas automatiquement à le faire à cause de choses pour lesquelles leurs fournisseurs de services et elles ne sont pas certains.
Nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de mettre à jour ces lignes directrices et de fournir cette information à tous les fournisseurs de soins de santé de première ligne avec qui nous travaillons et qui font un excellent travail auprès des femmes, des mères, des personnes enceintes et des parents biologiques.
Merci beaucoup.
J'ai entendu beaucoup d'entre vous parler du counseling entre pairs... et de toutes sortes d'autres choses que nous pouvons faire. Je pense que le counseling est très important. D'un bout à l'autre du Canada, combien de temps une femme qui vient d'avoir un enfant doit-elle attendre pour avoir des services de counseling ou une séance de counseling de groupe ou individuelle? Pouvez-vous me dire combien de temps il faut attendre avant d'avoir accès à un médecin pour en discuter?
En Colombie-Britannique, par exemple, il y a la Pacific Post Partum Support Society, qui offre un soutien par téléphone ou par texto. Une personne qui souffre de dépression post-partum peut entrer ainsi en contact avec un pair. Le service n'est pas offert 24 heures sur 24, sept jours sur sept, mais il est très accessible.
Pour ce qui est des services officiels de counseling, cela dépend de l'argent qu'on a pour y avoir accès dans le secteur privé. Si on peut se le permettre, on peut en profiter presque sans attente. Si on doit passer par le système public, on peut devoir attendre de six à huit mois. Cela dépend.
Je pense que le manque de lignes directrices canadiennes en ce qui concerne le dépistage et la prestation de soins a mené — partout au Québec, par exemple — à la création de différents types de programmes offerts par les différents établissements. Par exemple, à l'hôpital Sainte-Justine, où je travaille, il y a une approche de soins par paliers. Nous avons une obstétricienne-gynécologue en chef qui est au courant de la réalité que nous décrivons aujourd'hui. Par conséquent, pour toutes les patientes de l'établissement, un dépistage est fait et un processus d'aiguillage est en place.
Vous avez également parlé des soins personnels. Il y aura un projet appelé Grande Ourse, qui est vraiment destiné à la psychoéducation, par exemple pour diriger les femmes vers différentes ressources dans la province, dont l'Alliance québécoise pour la santé mentale périnatale, sous la direction de Marie-Claude Dufour. Il y a déjà des programmes en place là‑bas pour diriger les femmes vers les ressources, ce qui n'est pas le cas dans les autres établissements.
Je pense que cela montre que même lorsqu'on est animé des meilleures intentions pour offrir des soins, l'absence de lignes directrices claires pour savoir quoi faire crée des écarts, non seulement entre les provinces, mais aussi dans les provinces et les établissements proprement dits.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins de leur présence parmi nous cet après-midi.
[Français]
Madame Montreuil, ma première question est très simple: à quelle période la périnatalité correspond-elle?
Comme je l'ai mentionné au départ, ça commence dès la conception et ça s'étend jusqu'à environ 12 mois après l'accouchement, soit environ jusqu'au premier anniversaire de naissance de l'enfant.
En fait, j'ai des résultats sur ce que j'ai dit tout à l'heure. Nous avons déjà fait l'exercice. Au Québec, un projet pilote en cours subventionné par les Instituts de recherche en santé du Canada vise justement à fournir une intervention en ligne pour bonifier la régulation émotionnelle et démystifier beaucoup des changements qui se produisent au cours de la grossesse.
On parle de changements non seulement biologiques et physiologiques, qui font déjà partie du suivi prénatal, mais également de toute la composante psychologique, qui est souvent oubliée. Nous travaillons beaucoup avec des pairs aidants dans la province. Dans la bible du post-partum, de 300 à 400 pages portent sur le bébé et les soins à lui procurer, alors que deux ou trois pages seulement traitent de la santé mentale après l'accouchement.
L'élément que je veux faire valoir, c'est que, dès le début de la période qui suit l'accouchement, on recommande, par exemple, de suivre le protocole sur la vérification des sièges d'enfant pour s'assurer que les bébés sont déplacés correctement à la maison de manière sécuritaire. Il existe aussi un protocole sur le syndrome du bébé secoué. Je suis d'accord pour proposer ces exercices routiniers. Par contre, pour ce qui est de la violence envers l'enfant, on sait que la santé mentale du parent en est le précurseur. Dans ce cas, pourquoi, quand on vérifie le siège du bébé et le risque que la mère ou le père cause un traumatisme potentiel au bébé, ne s'occupe-t-on pas du précurseur, c'est-à-dire de la façon dont le parent vit la nouvelle situation qu'est la vie avec un bébé? La transition à la parentalité ne se vit pas de la même manière pour tout le monde. Voilà un élément qu'il faut prendre en compte.
D'emblée, la plupart des gens se demandent toujours quelles ressources leur sont offertes et comment ils peuvent y accéder. Or, beaucoup de ressources sont offertes aux parents actuellement, mais il reste du travail à faire pour les intégrer dans les communautés de soins de santé. Je crois aussi que, même à notre époque, on a beau faire connaître aux parents les ressources qui leur sont offertes, on se demande pourquoi ils n'y accèdent pas. Toute la question entourant l'aspect de la stigmatisation pose un grand problème.
Comme le mentionnait Mme Hippman, la grossesse représente une occasion de créer des liens avec le système de santé de façon à pouvoir ensuite mieux prévenir les problèmes au sein de la famille.
Merci beaucoup. Vous répondez à plusieurs de mes questions, ce qui ouvre la porte à d'autres.
Croyez-vous alors qu'il y aurait place à une formation dans les cours prénataux?
Je le crois, absolument.
Nous avons aussi un projet pilote au Québec financé par la Fondation de la recherche pédiatrique, anciennement la Fondation des étoiles, et par le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine: il s'agit du programme ECHO, un programme de télémentorat en ligne.
On a parlé aujourd'hui des raisons pour lesquelles les gens ne se sentent pas capables de faire du dépistage. On a notamment dit que le traitement de manière générale incluait déjà une composante touchant la santé mentale, mais on sait que ce n'est pas le cas. Les études le démontrent. La raison en est que les professionnels, généralement outillés pour faire face à plusieurs situations, ne se sentent pas outillés pour vraiment dépister les problèmes de santé mentale. Comme d'autres programmes au Canada, ce programme de télémentorat permet donc d'offrir à nos professionnels de la santé — sages-femmes, médecins, infirmières et travailleurs sociaux — une mise à niveau qui pourra les outiller.
Quand les gens sont outillés, ils se sentent davantage en mesure d'effectuer ce dépistage. On sait que le fait d'investir un peu d'argent dans la formation par l'entremise de ce projet pilote va permettre d'enrichir notre système de santé avec les gens qui sont déjà en place. La nécessité d'embaucher d'autres personnes pour le faire ou de réorganiser nos ressources demeure, mais certaines mesures peuvent être envisagées en établissant des lignes directrices pour ce faire.
C'est un élément clé. D'ailleurs, nous avons fait un exercice avec l'Alliance québécoise pour la santé mentale périnatale en 2022. Nous avons récemment eu l'occasion de présenter nos résultats à un événement organisé par la Daymark Foundation et qui réunissait des décideurs canadiens.
Nous avons interrogé plusieurs personnes ciblées pouvant avoir une incidence sur la santé mentale, particulièrement sur la santé des femmes au Québec, et nous avons identifié trois obstacles majeurs. L'un des obstacles est l'intégration des ressources. En fait, il y a déjà des ressources, mais leur interconnexion pose problème, car il y a un chevauchement des efforts et le travail se fait de façon cloisonnée.
Il faut d'abord reconnaître que la santé mentale périnatale est une question de santé publique. Ensuite, il faut déterminer comment réorganiser et intégrer beaucoup des intervenants. En fait, nous l'avons vu aussi lors de l'événement de la Daymark Foundation, lors duquel on a démontré que plusieurs acteurs jouant un rôle clé au sein de la communauté pourraient être mieux intégrés au système de santé pour alléger le fardeau créé par cette transition. Il faut évaluer ce qui est déjà disponible et déterminer comment combiner ces éléments pour que ce soit faisable et réalisable.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui, ainsi que de leur expertise, qui est très importante.
Madame Montreuil, vous avez parlé tantôt des femmes marginalisées. Quelles sont les conséquences en matière de santé sur les femmes marginalisées avant l'accouchement et après l'accouchement?
Nous savons, par exemple, que plusieurs problèmes touchent les femmes marginalisées. J'ai parlé de prééclampsie ou d'autres types de diagnostics inflammatoires qui ne touchent pas les femmes marginalisées dans les mêmes proportions que celles du reste de la population. Parfois, on examine ce type de statistiques et on se dit que cette proportion n'est pas très importante par rapport à d'autres types de statistiques.
Toutefois, il faut aussi considérer que ces femmes sont sous-représentées. C'est un fait que nous savons tous en tant que chercheurs. Quand nous sollicitons la participation de femmes, nous tentons vraiment de manière générale d'aller cibler des personnes qui sont sous-représentées. Cela représente toujours un obstacle et il y a toujours la question de confiance en nos motifs lorsque nous réalisons de telles études.
À moins de cibler spécifiquement ces personnes, beaucoup de nos études ne donnent pas des résultats qui sont représentatifs. Il est donc avantageux de travailler avec les communautés et les partenaires communautaires, parce qu'ils ont déjà tissé des liens. Qu'il s'agisse de nos populations autochtones ou des populations de femmes noires avec lesquelles nous sommes souvent appelés à travailler, ces femmes sont déjà intégrées dans bon nombre de ces ressources communautaires. Afin d'assurer une plus grande représentativité de nos résultats, il serait donc beaucoup plus avantageux de travailler davantage avec ces organismes communautaires, qui ont déjà établi un lien de confiance.
Je vous présente cet exemple banal en raison du peu de temps qui nous est alloué, mais c'est un élément à considérer. Je pense qu'il faut aussi appuyer les travaux du Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs, sans pour autant négliger de financer plus de recherche qui ciblerait spécifiquement ces femmes.
Les projets en science de la mise en œuvre coûtent beaucoup d'argent, parce qu'il faut mobiliser non seulement une communauté de chercheurs, mais aussi des praticiens habitués à faire souvent de la recherche. Il faut travailler avec des personnes ayant vécu des expériences en milieu communautaire, qui ne sont pas expertes en la matière. Nous avons donc besoin de fonds pour mener de bonnes études, au-delà des études d'observation, qui sont limitées en matière de positionnement.
J'ai une autre question pour vous. Je viens de la circonscription d'Abitibi—Baie‑James—Nunavik—Eeyou. Notre région est considérée comme une région éloignée. On sait fort bien que beaucoup de femmes vivent des post-partums, peuvent perdre leur enfant, et ainsi de suite. On sait qu'il y a le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, mais le processus dans les régions éloignées est complexe, ce qui fait souvent que ces femmes n'ont pas nécessairement d'outils à leur disposition pour s'en sortir.
En tant que chercheuse, quel est votre point de vue sur l'observation au Québec?
Dans un premier temps, je vous dirais qu'en travaillant avec des femmes qui nous ont joints par l'entremise de l'Alliance, nous pouvons constater qu'il y a beaucoup de travail à faire en suivi post-partum.
Récemment, une dame avec laquelle nous avons enregistré un balado disait, au cours des discussions, que le suivi post-partum de la mère est inexistant. Pendant la période du post-partum, son enfant a eu dix rencontres de suivi en pédiatrie. Or, à chaque rencontre avec le pédiatre, la mère mourrait à l'intérieur, pour reprendre ses termes: elle aurait tellement souhaité qu'on lui demande comment elle-même se portait, mais la question ne lui était jamais posée. Quand elle s'est dit qu'elle allait elle-même soulever le sujet, elle s'est ravisée, pensant qu'on allait la juger comme une mère ingrate, parce qu'elle aurait mis l'accent sur elle-même, et non sur son enfant.
Je dis tout ça pour prouver que la question n'est pas simple. Ayant déjà travaillé dans différentes régions, comme la Gaspésie, je constate que nous avons beaucoup à faire dans tout ce qui est du premier niveau d'intervention. Des recherches et des études cliniques démontrent qu'il faut donner aux gens accès à des ressources, en leur fournissant une sorte de sceau d'approbation de la part de la province.
Par exemple, je suis impliquée dans la conception d'une initiative qui sera mise en oeuvre d'ici quelques mois au Québec. L'idée de base est que, lorsque nous fournissons un service, nous y mettons une espèce de sceau d'approbation du ministère. À chaque rencontre de suivi prénatal, dès le départ, nous introduisons la notion que des services sont accessibles aux femmes, si jamais elles vivent des difficultés au cours de leur grossesse. Ensuite, nous pouvons combiner ça, par exemple, avec le modèle de télémentorat ECHO.
Par ailleurs, je n'ai pas encore mentionné que nous avons aussi fait d'autres études et mis en oeuvre une autre initiative pour donner aux gens un outil supplémentaire: un accès Internet, mais aussi un suivi par un mentor comme une infirmière ou un travailleur social, aux personnes pour lesquelles le premier niveau d'intervention est trop basique et ne suffit pas et à qui il faut quelque chose de plus.
Au besoin, nous pouvons ensuite diriger certaines personnes vers des services de psychiatrie. En offrant les services des deux premiers niveaux d'intervention, nous pouvons régler probablement beaucoup de problèmes. Nous l'avons vu en milieu scolaire. Je travaille beaucoup sur les interventions de niveau 3. Nous voyons qu'avec les interventions des niveaux 1 et 2, nous pouvons régler à peu près 70 % des cas qui nécessiteraient autrement une consultation en psychiatrie. Ça nous laisse 30 % de personnes qui auront réellement besoin d'un psychiatre, ce qui va, par défaut, alléger la charge de travail de ces spécialistes.
Donc, quand je parlais de réorganisation, il s'agissait un peu de ça aussi, soit d'examiner vraiment tous les cas actuellement dirigés vers le niveau 3 pour voir s'il n'y aurait pas moyen de s'occuper de ces gens aux niveaux 1 et 2. Ça aurait pour effet d'alléger la charge sur le système de la santé, tout en répondant aux besoins des communautés plus isolées dont vous faisiez mention.
Madame Hippman, pouvez-vous décrire les conséquences d'une perte de grossesse ou de l'infertilité sur la santé mentale?
[Traduction]
D'accord.
Cela peut être difficile. Je ne connais pas les taux exacts de dépression, mais ils sont élevés. L'infertilité peut être extrêmement stressante et mener à de l'anxiété et à la dépression. Lors d'une perte de grossesse, il peut être difficile de faire la distinction entre le deuil post-partum et la dépression post-partum, mais il est important de ne pas écarter la dépression post-partum parce qu'on pense que c'est attribuable au deuil. Il faut aussi soutenir adéquatement les personnes dans cette situation.
Merci, madame Hippman.
Merci, madame Bérubé.
Mme Idlout est la suivante, s'il vous plaît. Vous avez six minutes.
Qujannamiik, Iksivautaq. Merci, monsieur le président.
Je suis ravie d'être ici. Merci à tous les témoins de nous faire profiter de leur expertise. Je pense que je vais poser la majorité de mes questions à Catriona Hippman. J'ai de la difficulté à poser des questions d'ordre général puisque les témoins viennent tous d'établissements très différents et de différentes régions du Canada.
J'aimerais entendre parler du dépistage normalisé que vous recommandez, mais avant de passer à ce genre de questions, je veux vous poser plus précisément une question sur les femmes autochtones. D'après vous, depuis combien de temps sait‑on que les femmes autochtones sont plus susceptibles de souffrir de problèmes de santé mentale?
Je pense que nous devons continuer d'accorder plus d'attention à la question. Je vois qu'il se fait plus de travaux de recherche et qu'on accorde plus d'attention au soutien offert aux Autochtones dans le domaine de la santé mentale, mais cela ne fait encore que commencer. Le manque de confiance est très problématique, comme on l'a mentionné et comme vous le savez sûrement tous, et il arrive que les Autochtones ne se sentent pas à l'aise de s'identifier ainsi.
Il y a maintenant un programme à l'hôpital pour femmes de la Colombie-Britannique. Nous avons un système en place pour diriger les patientes autochtones vers des travailleurs autochtones de soutien par les pairs et des aînés, mais elles doivent se sentir à l'aise de s'identifier comme Autochtones. Compte tenu de ce que nous savons du racisme dans le système de santé, de toute la discrimination et des répercussions négatives et nuisibles que cela peut avoir, il est compréhensible que les Autochtones ne se sentent pas à l'aise de s'identifier en tant qu'Autochtones ou de même se tourner vers le système de santé.
C'est un gros problème, mais nous nous efforçons de trouver des moyens pour renforcer cette confiance et nous essayons de trouver une façon de répondre à leurs besoins en santé mentale pendant la période périnatale.
Au risque de vous demander de généraliser, ce qui n'est pas mon intention, quels sont certains des problèmes observés? Quelles sont les réalités qui rendent les femmes autochtones plus susceptibles de souffrir de problèmes de santé mentale?
Ce qui me vient à l'esprit, ce sont les traumatismes intergénérationnels et personnels. La grossesse est une période pendant laquelle les traumatismes peuvent vraiment revenir à la surface de manières inattendues. On est aux prises avec des changements d'identité, et il y a un lien avec les ancêtres et les générations qui suivent. C'est une période critique, et je pense que ce n'est pas apprécié à sa juste valeur et que le soutien offert est inadéquat.
Il était formidable d'entendre la Dre Vigod parler des mesures prises pour offrir des soins dans le cadre de leurs programmes en tenant compte des traumatismes subis. En général, je ne pense pas que c'est un point fort de notre système de santé. Un soutien et des soins doivent être offerts aux femmes enceintes en tenant compte de leurs traumatismes, pour lesquels un traitement pourrait s'avérer nécessaire s'ils refont surface.
Que recommanderiez-vous pour que le dépistage normalisé tienne compte de la nécessité de réfléchir à ce que les femmes autochtones ont peut-être vécu et de comprendre ces difficultés?
C'est une question très importante à laquelle il faut réfléchir. Nous avons retiré les enfants des familles autochtones, ce qui est absolument tragique. C'était une mesure du système de soins de santé périnatale, qui se manifestait dans une pratique connue sous le nom d'alertes à la naissance pour les femmes autochtones. Après la naissance, elles étaient vues par un travailleur en développement de l'enfant et de la famille, et le risque que leur enfant leur soit retiré était plus élevé. Cette pratique a pris fin, mais assez récemment, en 2019, je crois. L'histoire demeure, tout comme une crainte très valable qu'en entrant dans le système lorsqu'elles sont enceintes, on enlève aux femmes leur enfant. En plus, si on leur pose des questions au sujet de la dépression ou d'une autre maladie mentale, on a plus de munitions pour leur enlever leur enfant.
Je comprends que c'est un problème très délicat. Nous devons adopter des approches de dépistage mieux adaptées aux communautés autochtones afin qu'elles ne se sentent pas menacées, et intégrer cela dans un système qui peut leur offrir un soutien adapté à la culture, qui tient compte des traumatismes.
Merci, madame Hippman.
Merci, madame Idlout.
Nous allons maintenant entendre Mme Roberts, qui dispose de cinq minutes. Allez‑y.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous.
Je vais revenir à une question que ma collègue, Mme Vecchio, a soulevée au sujet de la pénurie de médecins de famille.
Mercredi dernier, on a annoncé en Ontario — je viens de l'Ontario, soit dit en passant — que le gouvernement de la province verserait 9 millions de dollars à l'Université York pour la construction d'une école de médecine juste à côté de l'hôpital Cortellucci de Vaughan, précisément pour les médecins de famille. Je vois que vous en avez entendu parler. C'est assez intéressant. Selon les statistiques, 2,3 millions de personnes n'ont pas de médecin de famille en Ontario; en 2026, ce chiffre s'élèvera à quatre millions. C'est une personne sur quatre... et je ne parle que de l'Ontario. Mais voici où les choses se corsent: l'école ne sera pas construite et achevée avant 2028, et je pense qu'il faudra quatre autres années...
Nous accusons un retard tellement important en ce qui concerne les médecins de famille. Je sais que les conservateurs ont un très bon plan avec le programme du Sceau bleu pour faire venir des médecins. En vous écoutant, je comprends qu'il est important que nous cernions ces problèmes afin de pouvoir protéger les femmes.
En 2018, il y avait 8,3 décès maternels par 100 000 habitants. Ce chiffre semble avoir doublé au cours des 10 dernières années. C'est un enjeu très important, dont il faut tenir compte si nous voulons défendre les femmes.
Je suppose que je ne suis pas normale, parce que j'ai perdu cinq enfants. Je pense que ce qui m'a aidée, c'est ma foi, ma famille et le système de soutien que j'avais. C'est ce qui m'a aidée à traverser cette épreuve. Quand je suis tombée enceinte, on m'a obligée à rester au lit. Je pense que c'était pire que tout, parce que je ne suis pas le genre de personne qui aime rester immobile.
Pensez-vous qu'en raison de la COVID — je sais que vous en avez parlé —, ces systèmes de soutien ont simplement été mis de côté?
Je pose la question à quiconque souhaite y répondre.
En tant que psychiatre, j'ai beaucoup de collègues qui sont médecins de famille, et bon nombre d'entre eux me consultent. Les médecins de famille suivent les femmes toute leur vie. Ils les connaissent. Ils savent si quelque chose ne va pas. Ils observent leurs patientes.
Si 20 % ou plus des femmes au Canada ont un problème de santé mentale... C'est comme si on disait que tous les cardiologues allaient gérer les cas d'hypertension artérielle. La vérité, c'est que les médecins de famille sont probablement la première ligne de défense pour les problèmes de santé mentale, et ce sont les médecins de famille, comme les équipes, qui offrent les services de base.
Nous avons élaboré un modèle de soins en santé mentale périnatale où les femmes n'avaient pas besoin de passer par leur médecin de famille pour obtenir des soins. À leur arrivée, nous avons mis en place les soins par paliers dont nous avons parlé. Nous leur avons offert du soutien par les pairs. Nous leur avons offert des traitements psychologiques dans la collectivité, pour lesquels elles n'avaient même pas besoin de voir un médecin. Un petit nombre d'entre elles avaient peut-être besoin de médicaments, ou de quelque chose de plus, alors des personnes comme moi, qui connaissent bien les médicaments associés à la grossesse et tout le reste, ont pu faire des appels téléphoniques avec les médecins de famille pour déterminer ce dont les patientes avaient besoin. Les patientes font confiance à leur médecin de famille. Sur les 50 personnes qui ont participé à notre projet pilote initial, seulement deux ont dû me consulter.
Les médecins de famille savent quand quelque chose ne va pas avec leur patiente. C'est presque comme un parent, qui sait que quelque chose cloche avec son enfant. On ne saurait trop insister sur l'importance des soins primaires en tant qu'épine dorsale de notre système de santé.
Ce qu'il faut faire aussi, lorsque nos citoyens canadiens quittent le pays pour aller étudier ailleurs, c'est de veiller à ce qu'ils puissent pratiquer la médecine familiale à leur retour. Je crois que nous devons nous améliorer sur ce plan. Je crois que notre programme du Sceau bleu aidera en ce sens.
Je suis d'accord avec vous: les médecins de famille nous connaissent beaucoup mieux que quiconque. C'est la seule façon d'éviter ces types de situations et de décès. Je suis heureuse que vous soyez d'accord avec moi là‑dessus.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Docteure Vigod, la plupart de mes questions s'adresseront à vous. Comme vous le savez, en mai 2023, le gouvernement du Canada a annoncé le financement de trois projets dans le domaine de la santé mentale maternelle. L'un d'entre eux vise l'octroi, par Santé Canada, de 372 000 $ au Women's College Hospital en vue de l'élaboration de lignes directrices cliniques nationales sur les troubles de l'humeur périnataux. Comment ces fonds aideront-ils le Women's College Hospital à élaborer ces lignes directrices nationales ou à appuyer d'autres initiatives relatives à la santé mentale maternelle?
Bien sûr. Avec plaisir.
Le Dr Van Lieshout a fait référence à ces lignes directrices. Il s'agit d'un partenariat entre le Women's College Hospital et une organisation appelée CANMAT, le Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments, qui a élaboré les lignes directrices sur la dépression et le trouble bipolaire, et les traitements que les données suggèrent de recommander. Dans le cadre de l'élaboration de ces lignes directrices, que je coordonne en collaboration avec le Dr Benicio Frey de l'Université McMaster, nous avons formé un groupe de scientifiques de partout au pays qui avaient une expertise dans ce domaine. Nous avons aussi travaillé à la mise sur pied de groupes d'experts pour nous aider. En fait, Mme Montreuil fait partie de l'un de ces groupes, et on demandera probablement à Mme Hippman de nous parler également. Nous avons des groupes d'experts en recherche; des groupes d'experts en soins, comme des obstétriciens, des sages-femmes et des psychiatres qui font du travail clinique. Nous avons également des groupes de personnes ayant une expérience vécue. De plus, deux personnes ayant de telles expériences siègent à notre comité.
Jusqu'à présent, nous avons procédé à l'examen des données probantes. Nous avons commencé par passer en revue 12 000 données probantes de façon systématique. Nous les classons et nous déterminons quelles données existent pour diverses thérapies ou divers médicaments, par exemple. Le 1 er mars, nous avons réuni les rédacteurs des lignes directrices de partout au Canada afin de préparer des recommandations. Cette semaine, nous allons rédiger notre première ébauche ensemble. Nous espérons que d'ici le début de juin, nous aurons tout transmis à nos partenaires et que d'ici le début de l'automne, nous aurons une publication.
Nous allons également élaborer un guide à l'intention des personnes ayant une expérience vécue, des patients et des membres de leur famille, qui sera rédigé en collaboration avec ces personnes. Nous aurons aussi un guide de référence pour les fournisseurs. L'idée ici — et Mme Montreuil en a parlé —, c'est d'avoir des pistes en vue d'élaborer des normes. Il est aussi question de la façon dont nous désignons les troubles. Quels sont ces troubles? Qui sommes-nous censés examiner? Comment devons-nous prodiguer les traitements? Les gens sauront à quoi ils doivent s'attendre, et nous pourrons déterminer si nous respectons le niveau de soins dans les provinces. Pour améliorer la situation, il faut l'évaluer.
Voilà où nous en sommes. Ce fut vraiment un privilège de pouvoir bénéficier de ce soutien, en particulier pour l'examen des données probantes des services de bibliothèque. Je dois vous dire que c'est plus de travail que je ne l'aurais jamais imaginé. Je dois féliciter le Dr Van Lieshout, qui a examiné tous les médicaments que nous devons utiliser. Je suis certaine qu'il a consacré plus de 100 heures à cette tâche.
C'est donc ce que nous faisons.
Non, c'était excellent. J'espérais que vous abordiez la question des échéanciers. Je vous remercie.
Il me reste environ 30 secondes, et je vais me permettre un peu de partisanerie. Pouvez-vous nous parler de l'importance de l'élaboration de lignes directrices cliniques nationales sur la santé mentale périnatale et reproductive, par opposition à une approche provinciale relative aux soins et au dépistage? Vous avez effleuré le sujet, mais à votre avis, quel rôle les provinces devraient-elles jouer à cet égard?
Merci.
Comme nous le savons, les services de santé sont organisés par province. Ces lignes directrices présenteront les recommandations relatives aux traitements, et permettront de veiller à ce qu'ils soient tous offerts au Canada. Je parle des thérapies et des médicaments, et du moment où une personne devrait être vue, etc.
Bien que ce ne soit pas de mon ressort, cela pourrait permettre par exemple au Conseil canadien des normes de dire: « Vous avez établi ces lignes directrices relatives aux traitements; quelles sont les normes à respecter? » Ensuite, en travaillant en partenariat avec les provinces, on pourra assurer le respect de ces normes de diverses façons. En Ontario, nous venons tout juste de recevoir des fonds pour que cinq hôpitaux travaillent ensemble dans le but de répondre à certaines normes préliminaires. Les diverses provinces peuvent faire les choses différemment.
Merci, monsieur le président.
Madame Hippman, comment les troubles de santé mentale, tels que la dépression et l'anxiété, peuvent-ils influer sur la décision de devenir parent et sur la parentalité elle-même?
[Traduction]
Excusez-moi. C'était un peu silencieux avec l'interprétation.
Votre question portait sur la façon dont les problèmes de santé mentale peuvent avoir une incidence sur la décision de devenir parent et sur la parentalité en soi.
Il y a une histoire qui me vient à l'esprit. J'ai travaillé comme conseillère en génétique psychiatrique pendant un certain temps. J'ai vu une femme qui souffrait du trouble bipolaire et qui était très consciente de tous les risques associés à la grossesse. Elle était très préoccupée par sa propre santé mentale, sachant qu'elle présentait un risque plus élevé de psychose post-partum, par exemple.
Elle disait qu'elle voulait vraiment être mère, mais qu'elle était préoccupée par la grossesse. Elle savait également qu'elle pourrait être désavantagée si elle souhaitait adopter un enfant à l'étranger, et qu'elle ne serait pas choisie, en raison des médicaments qu'elle prenait. Elle se demandait si ici, au pays, quelqu'un accepterait d'établir un plan d'adoption avec elle, connaissant son histoire. Elle s'inquiétait aussi du risque de transmettre la vulnérabilité génétique du trouble bipolaire à ses enfants.
Nous en avons beaucoup parlé. En fin de compte, j'ai écrit une lettre pour l'appuyer afin qu'elle suive des traitements de fertilité et qu'elle obtienne l'ovule d'une donneuse. Elle se sentait mieux à l'idée d'éliminer une partie de cette vulnérabilité génétique accrue qu'elle pouvait transmettre. Elle a été entourée d'une équipe de soutien très solide, avec des psychiatres et d'autres professionnels de la santé pour l'aider. Elle s'est très bien débrouillée après l'accouchement.
Je pense que cela dépend de la situation. C'était une femme très bien informée. D'autres n'ont peut-être pas les mêmes connaissances, la même sensibilité et le même réseau. Il serait donc vraiment bon d'avoir des mesures de soutien supplémentaires dans ce domaine.
Les problèmes de santé mentale peuvent avoir une incidence sur la capacité à jouer un rôle parental, évidemment. Si vous souffrez de dépression, par exemple, tout est difficile; la parentalité le sera aussi.
Merci, madame Hippman.
Nous allons maintenant entendre Mme Idlout, qui dispose de deux minutes et demie. Allez‑y.
Merci.
Mes questions s'adressent au Dr Van Lieshout.
J'aimerais en savoir plus au sujet des pairs rétablis dont vous avez parlé. Quels sont les facteurs de protection que doivent avoir ces personnes pour devenir des pairs rétablis?
Merci.
Tout ce que nous avons exigé, c'est que ces femmes soient rétablies, et ce, depuis plus d'un an. Ensuite, nous leur avons posé quelques questions sur leur ouverture à l'égard de différentes approches en matière de traitement. Ce que nous voulions, lorsque nous avons choisi les personnes qui allaient travailler avec des mères en difficulté, c'était une ouverture à l'égard de toutes les expériences et des différents choix de traitement, afin que ces participantes puissent être à l'aise.
Le travail avec ces pairs est l'une des plus belles expériences de ma carrière. Ce sont des femmes remarquables... Remarquablement fortes, brillantes et engagées.
Ce que nous avons constaté, lorsque nous donnions la formation et lorsque ces femmes offraient les traitements ou se supervisaient entre elles dans le but de rendre le programme autosuffisant, c'est que la participation au travail d'aide leur permettait de devenir plus fortes, de boucler la boucle de leur propre parcours et de se rétablir de la dépression. Certaines d'entre elles craignaient que leur état s'aggrave, mais le fait de traiter ou d'aider d'autres personnes les a en fait amenées à se sentir plus fortes et plus guéries.
Pourriez-vous nous donner plus de renseignements sur ces pairs rétablis? Combien de personnes étaient considérées comme des pairs rétablis, et quelle est la possibilité d'élargir le recours à des personnes telles que les pairs rétablis?
Leur âge variait grandement. Certains venaient tout juste de se rétablir. Certains étaient au début de la vingtaine, et d'autres étaient dans la cinquantaine et avaient eu leur stade reproductif 30 ans auparavant. Nous n'avions pas de critères très précis au moment de la sélection. Nous nous intéressions à des pairs de tous les horizons et comptant toutes sortes d'expériences, et nous étions donc vraiment inclusifs lorsque nous les avons choisis. Ils venaient de tous les horizons, de toutes les orientations spirituelles, pour ne nommer que certaines caractéristiques.
Un très grand nombre de personnes se sont rétablies d'une dépression post-partum; cela signifie malheureusement qu'elles en ont traversé une. Mais si une personne sur cinq a vécu ce genre d'épreuve, un très grand nombre de pairs rétablis pourraient aider à combler l'écart qui existe pour offrir un traitement aux patientes en temps opportun.
Merci, docteur Van Lieshout et madame Idlout.
La parole est maintenant à M. Ellis, pour cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Je demanderais aux témoins de bien vouloir me donner une minute pour discuter de travaux du Comité.
J'aimerais donner avis de la motion suivante:
Que, étant donné que:
La ministre de la Santé mentale et des Dépendances a affirmé qu'il n'y a « aucune preuve d'un détournement généralisé », et pourtant les données de Santé Canada publiées aujourd'hui montrent que les saisies policières d'hydromorphone (Dilaudid) émise par le gouvernement en Colombie-Britannique ont quadruplé, soit 300 %, depuis la mise en œuvre de « l'approvisionnement sûr », de moins de 100 saisies par an à 408 saisies en 2023;
La GRC de Prince George a signalé la saisie de « milliers » de pilules d'approvisionnement sûr lors d'une saisie de drogues illégales de 10 000 pilules d'ordonnance individuelles le mois dernier, et la police de Campbell River, en Colombie-Britannique, a signalé la saisie de 3 500 pilules d'approvisionnement sûr détournées sur le territoire de la Première Nation We Wai Kai;
Le chef de la Nation We Wai Kai a sévèrement critiqué l'expérience dite « d'approvisionnement sûr »;
3 656 personnes en Colombie-Britannique ont reçu de l'hydromorphone délivrée par le gouvernement en raison de cette expérience dangereuse; et
Des rapports font état de détournements de médicaments sûrs vendus dans les écoles;
Le Comité convoque les témoins suivants: la ministre de la Santé mentale et des Dépendances et les représentants de Santé Canada pendant au moins deux heures; le commissaire de la GRC Michael Duheme; le commissaire adjoint John Brewer de la Division « E » de la GRC.
C'est la fin de ma déclaration. Je vous remercie de votre indulgence. Je vous en suis reconnaissant.
Madame Hippman, pour bien jeter les bases, je me demande si nous pourrions expliquer clairement à tous les Canadiens qui nous écoutent la différence que le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs... le changement dans la recommandation. En effet, je pense que beaucoup d'entre nous ici savent peut-être ce qui s'est passé, mais nous devons expliquer aux Canadiens aussi simplement que possible ce qu'est l'incidence. Je ne veux pas que la population ignore en quoi ce changement changera la donne pour les Canadiennes.
Aucun problème.
Lorsqu'elle a été publiée, elle s'inscrivait dans la recommandation précédente du groupe de travail, qui portait plus généralement sur la dépression chez les femmes ou les adultes. On recommandait toujours de ne pas faire de dépistage à l'aide d'outils — en d'autres mots, à l'aide d'un questionnaire, essentiellement. On suggérait qu'une conversation avec son médecin serait préférable.
Le changement que nous avons constaté, en Colombie-Britannique, au programme de santé mentale liée à la reproduction, c'est que lorsque la recommandation a été publiée, des collègues obstétriciens-gynécologues ou des médecins de famille nous ont dit de façon informelle qu'ils n'avaient donc plus besoin de se préoccuper du dépistage. Même si ce n'était pas la recommandation du groupe de travail, ce que le milieu des soins de maternité a compris, de façon générale, c'est que le dépistage de la dépression périnatale n'était pas recommandé.
Donc, essentiellement, madame Hippman, de façon réaliste... Je pense que tous nos témoins d'aujourd'hui nous ont dit très clairement que la période périnatale est une période unique dans la vie, évidemment, pour de nombreuses raisons, mais qu'elle offre aussi l'occasion de dépister les maladies mentales et les difficultés qui peuvent toucher la femme enceinte et l'enfant par la suite, bien sûr, et les liens à cet égard.
Je tiens à préciser, pour les gens qui nous écoutent, que cette recommandation a eu pour conséquence imprévue de ne pas faire de dépistage. Ai‑je bien compris?
La recommandation maintenant... Qu'est‑ce que vous voudriez qui change? Voulez-vous revenir au dépistage à l'aide d'outils? Souvent, la médecine s'appuie sur une relation, bien sûr. C'est beaucoup plus facile si on connaît la personne, mais comme nous le savons, beaucoup de patients n'ont pas accès à un médecin de famille. Si vous aviez tout l'argent — les 4,5 milliards de dollars de fonds canadiens pour la santé mentale non transférés —, que feriez-vous différemment?
Comme nous serions comblés!
À très petite échelle, il serait formidable de recommander un dépistage normalisé universel. J'entends par là qu'il faut envoyer un message clair à tous les fournisseurs de soins primaires pour leur dire que c'est important et qu'il y a des nuances dans la façon de procéder. Si un professionnel utilise le meilleur outil à l'échelle mondiale — l'Échelle de dépression postnatale d'Édimbourg —, c'est bien, mais il peut l'intégrer à une conversation. L'exercice n'a pas à se résumer à un questionnaire écrit; on peut plutôt l'intégrer dans sa pratique habituelle. Cependant, le message qu'il faut à tout prix transmettre est le suivant: « Demandez aux patientes comment se porte leur santé mentale pour voir si elles souffrent de dépression. »
Puis, si j'avais une marge de manœuvre et de l'argent supplémentaires, ce serait merveilleux de mettre en œuvre certaines des autres recommandations que vous avez entendues aujourd'hui entourant le renforcement d'une stratégie nationale pour la santé mentale périnatale. Cela favoriserait une formation et une capacité supplémentaires pour que les fournisseurs de soins de santé sachent comment mieux soutenir les patientes et comment les mettre en contact avec toutes les mesures de soutien extraordinaires qui existent, mais qui, comme nous l'avons entendu, ne sont pas nécessairement utilisées.
Merci, monsieur le président.
Je suppose que la question qui demeure... Nous savons que 25 % ou peut-être le tiers des Canadiens ont des problèmes de santé mentale en général. Je pense que, aujourd'hui, nous avons entendu très clairement que les femmes enceintes ont peut-être plus de problèmes et que près de la moitié des gens ont maintenant des besoins non comblés en matière de soins de santé.
Je pourrais peut-être remercier l'Association canadienne des ergothérapeutes. J'ai rencontré ses représentants aujourd'hui, et je pense qu'ils seraient les mieux placés pour fournir une partie de ces soins. Est‑ce juste de penser ainsi?
Je pense que ce serait formidable, oui. Ce serait fantastique.
J'aimerais aussi que les conseillers en génétique psychiatrique aient un rôle à jouer à cet égard.
Merci, madame Hippman et monsieur Ellis.
La parole est maintenant à M. Powlowski, qui dispose de cinq minutes.
Nous sommes tous des personnes très averties. Je suis surpris que personne n'ait posé de questions vraiment idiotes, alors je m'en charge. Je ne suis pas un « conservateur ayant un gros bon sens » comme les députés d'en face, alors cette caractéristique me fait défaut.
Des voix: Ha, ha!
M. Marcus Powlowski: Si je me souviens bien de ce que j'ai appris à la faculté de médecine, le grand problème entourant la dépression périnatale est que la société s'attend à ce que les gens soient heureux. Le mari — ou qui que soit le père — pense que la mère devrait être heureuse. Les frères et sœurs se disent qu'ils devraient être heureux. Leurs parents pensent qu'ils devraient être heureux, mais ils ne le sont pas. J'aurais pensé que cette attente faisait partie intégrante du problème. On est censé être heureux, et on ressent peut-être un peu de honte et de réticence à s'exprimer, parce qu'on ne l'est pas.
Cela dit, j'ai deux questions. Premièrement, pourquoi? Dans quelle mesure la cause est-elle hormonale? Je suis sûr qu'il y a un grand nombre de cas, parce que certaines femmes souffraient déjà de dépression. Or, dans quelle mesure la dépression est-elle attribuable à d'autres facteurs, comme la situation dans laquelle se trouve la femme, son insatisfaction par rapport à sa relation ou sa perte de liberté ou de soutien? Dans quelle mesure la dépression est-elle circonstancielle? Dans quelle mesure est-elle hormonale? Je demande donc d'abord quelles sont les causes. La deuxième partie de ma question est la suivante: dans quelle mesure la reconnaissance et le traitement font-ils partie intégrante de tout le problème puisqu'on s'attend à ce que les gens soient heureux?
Nous avons élaboré le programme que j'ai mentionné tout à l'heure. Il a été inspiré par des mères et des bébés et s'appuie sur des données probantes du monde entier, mais il vient de Palo Alto aux États-Unis. Nous l'avons adapté pour l'appeler Toi, Moi, Bébé. L'un des premiers modules porte précisément là‑dessus. Nous avons créé des bandes dessinées pour y aborder un grand nombre de conventions sociétales universelles sur la façon dont les gens vivent la transition vers la parentalité.
L'expérience varie d'une personne à l'autre. Je pense que, bien souvent, des normes sociales sont perpétuées par ce que nous voyons plus activement dans les médias; par conséquent, je pense que notre approche est très utile. Des gens avec qui nous avons travaillé ont mis à l'essai l'intervention aux toutes premières étapes pour en évaluer la faisabilité et l'acceptabilité. C'est l'une des choses que les participants signalaient. Je me sentais tellement soulagée de voir une femme vivant sa grossesse de façon positive, des cas très difficiles qui n'étaient pas sous le signe la joie, mais également des exemples où je me reconnaissais.
Pour répondre à votre deuxième question, tant que nous ne connaîtrons pas les causes, rien ne nous empêche d'offrir ces types d'interventions, car elles semblent utiles et elles sont facilement accessibles dans notre province, par exemple, en ligne.
Par ailleurs, il existe des études comme la nôtre — l'Étude sur le bien-être anténatal de Montréal —, où nous cherchons certains biomarqueurs, tant nerveux qu'endocriniens. Il est certain qu'il se passe quelque chose. Nous savons que les femmes ayant certains profils sont plus vulnérables; par conséquent, nos discussions ici portent davantage sur la santé des femmes en général. Les soins avant la grossesse, par exemple, offrent la possibilité de cerner des biomarqueurs en dialoguant avec les patientes et en relevant certains éléments qui sont mentionnés par les femmes enceintes. Nous pouvons ainsi cerner ces biomarqueurs sur une base médicale.
En tant que psychologue clinicienne, je constate que bien des personnes qui n'attendent pas d'enfant négligent leur bien-être. Nous sommes tous ainsi. Nous savons en quoi consiste un mode de vie sain, mais nous ne vivons pas nécessairement ainsi.
Lorsqu'une grossesse survient, les femmes, mais aussi les hommes, se disent tout à coup qu'ils s'apprêtent à prendre soin non seulement d'eux-mêmes, mais aussi de leur progéniture. Il se produit un changement sur le plan de la cognition et de la motivation pour lequel les gens veulent demander de l'aide. Pourquoi ne pas tirer parti de cette motivation supplémentaire pour amener les patients à parler de santé mentale et de la façon dont ils peuvent faire une autoréflexion à ce moment‑là pour s'améliorer, en adoptant non pas une approche thérapeutique, mais une approche plus préventive?
Nous avons déjà entendu les statistiques du Dr Ryan Van Lieshout au sujet des sept dollars pour chaque dollar investi. Cela nous ramène à M. Heckman, qui en a parlé en 2000. Si nous investissions un dollar dans la prévention, nous économiserions plus tard sept dollars en soins thérapeutiques.
C'est ce qu'il faut garder à l'esprit. Il est possible d'utiliser ces facteurs de motivation pour amener la population à vouloir aller mieux.
Je ne sais pas s'il me reste du temps pour renchérir sur la réponse.
Même avant de connaître les biomarqueurs ou des renseignements connexes grâce à un test sanguin, en tant que conseillère en génétique, je m'informe sur les antécédents familiaux. On peut en dire beaucoup sur le risque en fonction des antécédents familiaux d'un patient. On peut travailler avec lui. La consultation génétique consiste en partie à cerner les risques, mais également à parler aux patients de ce qu'ils peuvent faire pour protéger leur santé mentale. Nous avons constaté qu'il y a des moyens d'améliorer la santé mentale des patients après une consultation génétique. Il y a un mélange de vulnérabilité génétique et environnementale.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être ici. J'en suis très reconnaissant.
En fin de compte, nous menons une étude dans l'espoir de pouvoir demander aux Canadiens comment améliorer la situation des femmes. C'est un défi.
Vous êtes tous des chercheurs, comme vous nous l'avez dit. Je vous remercie de la recherche que vous faites, car elle aide les praticiens. Certains d'entre nous autour de cette table avons été des praticiens, mais à ce stade‑ci de nos vies, nous sommes des politiciens. En définitive, comment pouvons-nous améliorer la donne pour les Canadiens, en gardant à l'esprit que le système de santé relève principalement des provinces? C'est très compliqué en ce sens.
Je sais que tout au long de la conversation d'aujourd'hui, dans tout ce dont nous parlons — les périodes post-partum et avant l'accouchement, etc. —, on laisse entendre que la période totale dure un an. Je dirais que ce n'est pas le cas. Je pense que les gens qui nous écoutent diront: « Oh, la période dure un an. Mon accouchement a eu lieu il y a un an, alors je n'ai pas à m'inquiéter. »
Y a‑t‑il des données probantes qui indiquent combien de temps la période peut durer, madame Montreuil?
C'est une très bonne question.
Je dirais que, de plus en plus, nous élaborons des protocoles pour être en mesure de trouver ces données. C'est l'un des éléments. Si nous avions un continuum de soins commençant avant la conception, nous pourrions établir des modèles de causalité très solides pour répondre à votre question. Malheureusement, nous avons beaucoup d'études transversales portant sur différents moments, et nous pouvons en quelque sorte les regrouper.
Une chose dont nous sommes certains, d'après certaines des études que nous menons au Research Institute-McGill University Health Centre, ou RI‑MUHC, est que dans le cas de l'anxiété qui commence en période périnatale, on peut établir un lien avec des conditions inflammatoires, qui peuvent ensuite... Si, après avoir suivi des femmes pendant leur première grossesse, nous les suivons jusqu'à leur deuxième grossesse, il semble que nous puissions établir des liens en examinant ces deux grossesses s'échelonnant sur plus d'un an. Par exemple, les problèmes de santé mentale qui ne sont pas réglés auront également une incidence...
Merci. Je vous suis reconnaissant de votre réponse. Je suis désolé de vous interrompre. J'ai un certain nombre de questions à poser, et j'ai très peu de temps.
Docteur Van Lieshout, vous avez parlé un peu de la lactation et de préoccupations au sujet des médicaments et des problèmes. Comment pouvons-nous éduquer les femmes canadiennes pour vraiment...? Je sais que lorsque j'exerçais la médecine, Dr Google venait à mon bureau tous les jours et disait: « Voici mon diagnostic. » De nos jours, Dr Google semble en savoir beaucoup plus sur la lactation que les praticiens en sauraient. Je me demande simplement comment nous pouvons lutter contre ce phénomène.
Oui, je connais bien le Dr Google et ses qualifications.
Tout d'abord, je pense que si nous élaborons ces lignes directrices dans les règles de l'art au Canada pour la pratique et que nous les transmettons ensuite aux praticiens de première ligne, ces derniers auront des informations à portée de main pour aider les patients qui cherchent un deuxième avis sur Dr Google et ont des questions à prendre les meilleures décisions possible. Il en va de même pour les sages-femmes.
Nous sommes impatients de le faire avec les informations que nous sommes en train de recueillir. Je pense qu'il faudra ensuite voir comment cela se passe. La santé publique pourra peut-être s'impliquer et commencer à parler des avantages et des inconvénients réels d'un traitement par rapport à l'absence de traitement. Malheureusement, le Canada manque de psychothérapies; elles ne sont pas disponibles. Les traitements sont souvent une option par défaut pour beaucoup de gens, et certains ne se font pas soigner en raison de l'incertitude liée à la sécurité.
Merci. J'en suis également conscient.
En fin de compte, je pense que lorsque nous examinons les aspects de l'enjeu qui nous occupe... Vous avez soulevé un point à propos de... Je viens d'une région rurale de la Saskatchewan. Ma collègue du Bloc vient d'une région rurale du Québec, et ma collègue du Nunavut vient de beaucoup plus loin. Ma circonscription, que je considère comme rurale, n'est même pas proche de la réalité de celle de ma collègue du Nunavut. Ma collègue à côté de moi vient d'une zone rurale de la région de London. On parle d'un trajet d'une demi-heure dans le cas de sa circonscription, mais il faut deux ou trois heures à nos électrices pour se rendre à leur destination. Elles ont affaire à des praticiens qui viennent de diverses régions qui n'ont jamais vécu dans le coin.
Comment pourrait‑on éduquer ces praticiens pour veiller à ce que l'information se rende aux femmes pendant cette période afin qu'elles sachent quoi faire? Elles font trois heures de route pour se rendre à un rendez-vous, et, comme vous l'avez dit, madame Montreuil, l'accent est davantage mis sur le bébé que sur la mère. C'est un grand défi. Comment pourrait‑on améliorer la situation?
Si vous allez sur PubMed et que vous tapez « antidépresseurs pendant la grossesse », vous verrez qu'environ 80 articles sont publiés à ce sujet annuellement. Il est pratiquement impossible pour les praticiens de tous les lire. Il en va de même pour les patients qui font des recherches sur Internet.
Nous avons créé un outil en ligne d'aide à la décision pour les patients il y a quelques années qui leur explique leur maladie et les différents traitements possibles. Cet outil présente les avantages potentiels et les risques possibles pour la sécurité. Lorsque nous l'avons testé avec les patients dans ma clinique — puisque je suis une prestataire de soins et que j'offre ce genre de conseils constamment —, nous avons constaté que la décision ne leur apportait pas grand‑chose de plus. Par contre, lorsque nous l'avons testé auprès de personnes à travers le Canada qui vivaient notamment dans des régions rurales de la Saskatchewan, nous avons constaté que ces personnes avaient désormais beaucoup plus de facilité à décider si oui ou non elles désiraient prendre des médicaments. Nous avons ensuite reçu des fonds et avons fait des tests sur environ 500 personnes au pays. Nous voulions non seulement voir si cet outil les aidait à prendre des décisions, mais aussi s'il leur permettait d'obtenir de meilleurs résultats et de réduire la probabilité de souffrir de dépression à long terme.
Si l'on peut faire appel à quelques spécialistes et disposer d'une marque digne de confiance avec des données probantes, il existe des moyens très astucieux de diffuser ces informations dans la population. Le médecin de famille peut télécharger l'outil et le patient peut le consulter. Nous disposons de très bonnes technologies pour diffuser ces informations, mais je pense qu'il faut veiller à ce qu'elles soient transmises d'une façon qui inspire confiance.
Merci, docteure Vigod.
Nous allons maintenant passer à Mme Thompson pendant cinq minutes. Allez‑y, je vous prie.
Merci, monsieur le président.
Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui. Je ne fais habituellement pas partie de ce comité, mais le sujet de la réunion d'aujourd'hui me tient particulièrement à cœur. Il y a un incroyable travail qui se fait présentement dans ma circonscription de St. John's—Est. De toute évidence, nous ne sommes pas rendus là où nous devrions l'être, mais je suis très au fait de la situation et je continue à m'en préoccuper en tant que mère, infirmière, et maintenant politicienne.
Docteure Vigod, je vais m'adresser à vous, mais cette question pourrait également s'adresser à n'importe quel autre témoin dans la salle. Pourriez-vous revenir sur les soins échelonnés et nous en dire un peu plus à ce sujet? Dans ce va‑et‑vient, j'ai encore l'impression que l'on ne comprend pas vraiment ce que sont les soins échelonnés et le rôle des soins de santé primaires multidisciplinaires qui permettent aux patients d'entamer des traitements de soutien sans avoir à consulter un médecin de famille.
Pourriez-vous m'expliquer ce concept de façon simple et concrète, je vous prie?
Oui, je peux essayer de le faire, et mes collègues sauront peut-être également m'aider un peu.
Le concept de soins échelonnés repose sur l'idée d'offrir les traitements les moins invasifs et les plus faciles d'accès aux patients qui présentent des symptômes très légers en premier lieu. Il convient ensuite d'en faire davantage — un traitement qui nécessite plus de ressources, qui prend plus de temps, ou qui représente peut-être davantage un risque pour la sécurité — uniquement si le patient en a vraiment besoin.
La première étape des soins de santé mentale périnatale comprend habituellement l'éducation, les traitements autoguidés et les conseils des infirmières de la santé publique. Il existe notamment de nombreuses preuves de l'utilité du soutien par les pairs — comme nous en avons parlé aujourd'hui —, de la protection du sommeil des patientes, de la gestion de toutes sortes de problèmes sociaux, et du soutien en général.
Si ces mesures ne fonctionnent pas, il faut alors passer à l'étape suivante des soins, qui peut impliquer une psychothérapie en bonne et due forme, comme la thérapie cognitivocomportementale ou la psychothérapie interpersonnelle. Si cela ne porte pas fruit, il faut ensuite passer à l'étape suivante, qui pourrait peut-être mener à la prise de médicaments. Enfin, si la situation est très grave, il peut être nécessaire de procéder à une hospitalisation ou d'envisager d'autres types de traitements plus sérieux.
Il ne faut pas oublier non plus que dans le cadre des soins échelonnés, il est possible de donner des soins de l'étape 1, mais de réaliser qu'il serait nécessaire de donner des soins de l'étape 2 en fonction du degré de gravité du cas. Si une personne est très malade — suicidaire, par exemple —, on la fait passer immédiatement à l'étape 4. Les soins échelonnés reposent sur l'étape dont le patient a besoin. Il nous arrive parfois d'augmenter le niveau de soin tranquillement, mais aussi de commencer par l'étape 3 si quelqu'un est vraiment malade.
Ai‑je répondu à votre question?
Oui, merci.
Cela m'amène à la sensibilisation du public, qui est vraiment liée à une grande partie du défi et de la stigmatisation des femmes qui ont tendance à cacher ce qu'elles ressentent pendant la période périnatale.
À quoi ressemblerait un programme de campagne de sensibilisation du public?
Nous avons beaucoup parlé de santé mentale périnatale aujourd'hui. Personnellement, j'estime que nous devrions parler de la santé mentale des femmes tout au long de leur vie et des divers enjeux qui les concernent, parce qu'ils sont tous liés les uns aux autres. Si les femmes savaient que si elles sont plus susceptibles biologiquement d'avoir des troubles d'humeur pendant leurs règles, elles sont probablement aussi plus susceptibles d'en avoir également au moment de l'accouchement et de la périménopause... Tout est lié. Et qu'en est‑il des différences? Les femmes devraient savoir que la métabolisation des médicaments peut varier d'une personne à l'autre.
Compte tenu du nombre de personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale, l'objectif ne serait pas nécessairement de mener une campagne de sensibilisation du public sur la santé mentale ou les troubles mentaux. On pourrait aborder les problèmes de santé mentale tout au long de la vie reproductive, afin que les femmes puissent comprendre ce qui est normal et les signaux d'alarme qui pourraient leur indiquer qu'elles ont besoin d'un peu plus d'aide. Elles devraient pouvoir savoir à quoi s'attendre de leur traitement si elles ont besoin de ce petit coup de pouce.
C'est par là que je commencerais. Bien sûr, 80 % de mon activité clinique est axée sur la période périnatale. Les autres témoins ici présents peuvent également vous parler de cette période. On peut penser à des choses très précises, mais c'est par là que je commencerais. Je pense que si la population était plus sensibilisée à la santé mentale des femmes en général, elle serait plus disposée et apte à réaliser qu'elle peut... Au cours de la période périnatale... Une partie de la honte et de la stigmatisation... Enfin, cela pourrait être utile.
C'est mon opinion. D'autres peuvent penser autrement.
Merci. Votre temps est écoulé.
[Français]
Madame Bérubé, vous avez deux minutes et demie de temps de parole.
Docteure Vigod, j'aimerais savoir comment les facteurs de protection et de risque en santé mentale évoluent au cours de la vie des femmes, selon les différents groupes d'âge, par exemple, à la ménopause.
[Traduction]
J'étais en train d'écouter l'interprétation. Vous avez posé une question sur les facteurs de risque pour la santé mentale tout au long de la vie d'une femme, et vous avez demandé si ces derniers changent au cours des menstruations, de la grossesse, de la période post-partum et de la ménopause.
Oui, je pense que le fait d'avoir des antécédents personnels ou familiaux de dépression ou d'avoir une mère ou une sœur qui a vécu des moments difficiles au cours de leur période reproductive est un facteur de risque. Le cerveau de certaines femmes est plus sensible au changement hormonal. Il n'est pas nécessairement question d'un niveau faible ou élevé d'hormones. Il s'agit plutôt du fait que le cerveau de certaines femmes est plus sensible au changement. C'est un facteur de risque. Les autres facteurs de risque sont notamment liés à des éléments dont j'ai parlé. Je pense entre autres aux traumatismes lors de la petite enfance — sévices physiques, sexuels ou émotionnels —, qui sont un facteur de risque majeur. Il existe également d'autres facteurs de risque psychologiques et sociaux, tels que les pertes et les transitions.
En ce qui concerne le cycle menstruel, il arrive que des mois plus stressants aient des répercussions sur l'humeur prémenstruelle. Nous avons parlé de la période périnatale. Le plus grand facteur de risque de dépression périnatale est le manque de soutien émotionnel et concret. Pour ce qui est de la périménopause, il est là encore question de transitions. On se rapproche de la fin de sa carrière, les enfants quittent le nid, etc. Il y a donc des facteurs de risques très similaires, et, je dirais, des facteurs de risques propres aux femmes.
[Français]
Selon vous, quelles sont les mesures prises par le gouvernement du Canada pour promouvoir une bonne santé mentale chez les femmes aux différents stades de leur vie?
[Traduction]
Je me répète, mais l'initiative la plus importante que l'on pourrait mener à l'échelle fédérale serait d'aider les femmes à comprendre ce à quoi elles peuvent faire face, afin qu'elles sachent ce qu'elles peuvent attendre de leur santé mentale et de leur traitement, et qu'elles comprennent qu'il y a des choses très précises à faire. Nous prescrivons des médicaments de différentes façons si une patiente a des troubles d'humeur pendant ses règles. Au moment de la ménopause, nous faisons appel à des endocrinologues et à des gynécologues spécialisés dans le système reproducteur pour déterminer s'il est plus approprié d'offrir un traitement hormonal ou un autre type de traitement. Je pense que la sensibilisation est importante.
Je reviendrais ensuite à l'éducation. Les femmes forment environ 50 % de la population du pays, et pourtant, les programmes de formation n'abordent pas vraiment les enjeux qui leur sont propres. Même lorsqu'il s'agit de déterminer la dose de médicament à prescrire, on ne parle pas du fait que les femmes ont une capacité d'absorption plus lente, ce qui veut dire que le médicament peut être plus présent dans leur système et leur causer plus d'effets secondaires. On sait tout cela, mais on n'a pas... Le gouvernement fédéral pourrait nous aider à mieux intégrer ces éléments dans les programmes de formation.
Enfin, il est toujours possible de mener plus de recherches sur le sexe et le genre.
Merci, docteure Vigod.
La prochaine intervenante est Mme Idlout, s'il vous plaît, pour deux minutes et demie.
Qujannamiik. Je vais adresser mes questions à la Dre Vigod.
Je représente 25 communautés qui ne sont accessibles que par avion et dont aucune n'est accessible en voiture. Parmi ces 25 communautés, il n'y a qu'un seul hôpital. La plupart des communautés ne disposent que d'infirmières praticiennes et d'un centre de santé. La plupart subissent des fermetures et n'ouvrent leurs portes qu'en cas d'urgence. Ayant compris certaines de ces réalités, je souligne qu'il y a trop de facteurs de risque pour les Nunavummiuts, pour les femmes du Nunavut.
Quels investissements le gouvernement fédéral doit‑il faire pour augmenter les facteurs de protection afin que les femmes du Nunavut puissent bénéficier des mêmes facteurs de protection que les autres femmes canadiennes?
Vous savez, nous parlons beaucoup des éléments de l'environnement social et physique qui sous-tendent la santé. Si les gens n'ont pas les éléments de base dont ils ont besoin, c'est très difficile. Même dans mon cabinet du centre-ville de Toronto, si quelqu'un vient me voir en me disant qu'elle n'a pas assez de nourriture pour nourrir son bébé ou qu'elle n'a personne pour l'aider, je ne vais pas lui venir en aide avec une thérapie et un antidépresseur.
Je ne prétends pas avoir toutes les réponses, mais je pense que nous en revenons à ces facteurs de risque et à la manière dont nous nous assurons que les gens disposent des éléments de base dont ils ont besoin pour être en mesure de bâtir cette base et d'atteindre le bien-être.
Pourriez-vous donner un exemple de ces éléments de base? Seriez-vous d'accord pour dire que c'est notamment d'avoir un logement sûr et confortable, d'un endroit où faire ses devoirs et d'un endroit pour prendre soin de sa santé mentale?
Merci, madame Idlout.
La prochaine intervenante est Mme Vecchio, s'il vous plaît, pour cinq minutes.
Je vous remercie.
Je vais revenir à la Dre Vigod.
Vous avez mentionné l'aide en ligne que vous proposez aux patientes pour éviter qu'elles aillent toutes chez le docteur Google. S'agit‑il d'un service accessible à toutes les femmes ou seulement aux patientes de votre centre?
L'idée est qu'il soit disponible partout. Nous avons terminé l'essai clinique et nous discutons donc avec le gouvernement du Québec au sujet des traductions en français, et nous réfléchissons à la façon dont nous pouvons commencer à le déployer de manière durable. Nous espérons qu'il sera bientôt disponible.
C'est fantastique.
Je viens du secteur de la santé dentaire. Nous avions l'habitude d'avoir des patients qui venaient tout le temps, et vous disiez, « C'est une infection des sinus ». Je crois savoir que les soins dentaires ne représentent qu'un ou deux jours de l'ensemble du programme.
Lorsque nous parlons de santé mentale, et plus particulièrement de la santé mentale des femmes pendant cette période de soins périnataux, quel type de formation un médecin généraliste reçoit‑il au cours de ses premières années d'études?
Vous savez, il y en a un peu dans le programme de base de la formation médicale. Mme Montreuil pourrait parler de la formation psychologique et Mme Hippman pourrait parler de la formation de conseillers en génétique. Je dirais que le nombre d'heures est insuffisant par rapport à la proportion de la population touchée.
Je suis d'accord. J'ai travaillé à la création de programmes d'études pour les programmes de counselling en génétique sur la santé mentale périnatale et la santé mentale en général, mais c'est toujours un très petit nombre d'heures.
Nous en faisons l'essai avec le programme ECHO en ce moment. Il s'agit de six séances d'environ 90 minutes. Il est déjà possible d'accroître le niveau de connaissances, et il ne s'agit pas seulement de connaissances, mais de savoir-faire. Parfois, il s'agit simplement de valider certains renseignements que les personnes ont recueillis, mais le fait de le faire dans le cadre d'une formation officielle suffit à donner aux gens les moyens de se sentir mieux dans ce qu'elles font.
Il existe des programmes. Il suffit de regarder ce qui a été fait. Si nous regardons le programme ECHO plus précisément pour la santé mentale périnatale, par exemple, une séance porte sur le dépistage et l'aiguillage. Nous parlons de régions plus rurales. Nous avons un protocole de dépistage et d'aiguillage que nous mettons à l'essai en ce moment avec les sages-femmes, qui s'est avéré très efficace, et nous pensons qu'il pourrait être adapté à d'autres types de professionnels de la santé.
Je pense qu'il y a un minimum, comme de se demander notamment, « Qu'est‑ce que la santé mentale? Comment l'évaluer? Quels sont les outils? ». Je pense qu'il suffit de donner des renseignements aux gens.
Nous nous rendons également compte de nos propres préjugés concernant les problèmes de santé mentale. Nous cherchons à changer nos méthodes de dépistage et d'aiguillage. Nous cherchons à éduquer les gens sur la base... Nous avons une formation de trois heures. Nous sommes en mesure de montrer qu'en offrant une formation de trois heures, nous pouvons changer la façon dont les gens perçoivent la santé mentale. Je pense qu'il s'agit là d'un élément important que nous omettons souvent. Nous donnons des outils, mais nous n'examinons pas les croyances que les gens ont à l'égard des personnes qui consultent pour des problèmes de santé mentale. Si nous parvenons à changer l'opinion du personnel soignant ou des prestataires de soins sur la santé mentale, nous pourrons améliorer la qualité des soins.
Parfait. Je vous remercie.
D'après ce que Mme Idlout a dit, il y a 25 communautés accessibles uniquement en avion. Elles ont besoin des services. Tout le monde a besoin que ces services soient disponibles, mais nous avons aussi des problèmes de connectivité dans ce type d'endroits.
Quelles sont certaines mesures que nous pourrions prendre d'ici à demain? Que pouvons-nous faire immédiatement pour contribuer à faire évoluer la situation des personnes qui méritent ce soutien?
C'est une question très politisée, mais un revenu de base universel et une plus grande stabilité financière contribueraient à la sécurité alimentaire et à beaucoup d'autres éléments de base qui assurent un bien-être fondamental et peuvent ensuite permettre d'autres perspectives.
Il y a aussi l'éducation. Je pense que beaucoup de ces mesures peuvent être mises en œuvre dès maintenant en ce qui concerne la manière de prendre soin de soi et de promouvoir sa propre santé mentale. Cela ne nécessite rien de plus, mais il faut avoir les ressources nécessaires pour bien se nourrir.
Parfait.
Je sais que mon temps de parole est écoulé. Il va m'interrompre.
Je vous remercie d'être venus aujourd'hui. Vos témoignages ont été très utiles. Merci.
Merci, madame Vecchio.
[Français]
Nous en sommes au dernier tour de questions.
Madame Fortier, vous avez la parole pour cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis remplaçante, moi aussi, au Comité aujourd'hui et c'est vraiment une belle visite. J'ai l'occasion de revivre mes trois grossesses, ou mes trois grossesses et demie, puisque j'ai malheureusement fait une fausse couche. J'ai été accompagnée par des sages-femmes. Lors de tous mes rendez-vous avec les sages-femmes, la question de la santé mentale revenait toujours dans nos discussions. Même quand j'ai fait ma fausse couche, la sage-femme a continué à m'appeler pour voir si tout allait bien. Je pense que vous avez vraiment mis le doigt sur ce qui est important. J'ai eu mes enfants il y a plusieurs années, mais il n'empêche qu'il faut continuer à se pencher sur la question. Je vous remercie de nous communiquer vos idées et vos recommandations.
Ce qui a attiré mon attention dans vos propos, c'est la stratégie nationale que vous proposez. J'ai eu l'occasion de faire un peu de recherches. En janvier 2023, le Journal d'obstétrique et de gynécologie du Canada a publié un article intitulé « Troubles de santé mentale périnataux: agissons maintenant, ensemble ». L'article parle d'une stratégie nationale et du fait que l'Australie et le Royaume‑Uni en ont déjà une. Pourriez-vous nous expliquer à quoi ressemblerait une stratégie nationale et nous parler de ce qui se passe dans d'autres pays? Je pense que ce serait utile pour le Comité.
Au Royaume-Uni et en Australie, la politique nationale a été adoptée, justement, à l'échelle nationale.
Dans mon ancienne vie, j'ai beaucoup travaillé sur la psychose. Maintenant, lors d'un premier épisode psychotique, on travaille beaucoup, entre autres, avec le modèle d'ACCESS Esprits ouverts, basé sur un modèle australien, qui vise vraiment à tisser des liens entre le système médical et le milieu communautaire pour créer des cliniques aisément accessibles.
Nous avons touché à plusieurs points aujourd'hui, notamment l'accessibilité aux soins et la disponibilité des médecins. Dans les régions éloignées, où il n'y a pas de médecin, qu'est-ce qu'on fait? Je n'entrerai pas trop dans les détails, car ma réponse serait trop longue, mais nous pourrons vous fournir des documents après la réunion. En résumé, de tels programmes rendent les soins plus accessibles et tissent des liens intégratifs entre les différents acteurs.
Je voudrais aussi dire que nous nous sommes rendu compte qu'il n'était pas suffisant de faire juste de la sensibilisation. Cette dernière est très bien, mais, en travaillant auprès de gens ayant une expérience vécue, j'ai appris que la psychoéducation et les campagnes de sensibilisation n'étaient pas suffisantes à elles seules. Je veux faire part au Comité de ma crainte en tant que psychologue: nous faisons beaucoup de psychoéducation, mais celle-ci doit être suivie d'interventions concrètes et de pistes de solution. Une personne travaillant avec nous et ayant une expérience vécue nous a dit que l'absence de solutions en présence continue, de campagnes de sensibilisation, devenait perverse. En effet, on dit aux gens que c'est normal et que ça devrait bien aller. Par contre, il est probable que ça ne marche pas pour les 30 % de gens qui ne vont réellement pas bien. Il faut donc des mesures plus sérieuses pour gérer leur situation.
J'aimerais laisser le reste de mon temps de parole à Mme Hippman, car je pense qu'elle souhaite ajouter quelque chose à cet égard.
[Traduction]
Je vous remercie de la question.
Je pense que l'exemple australien est un bon exemple à examiner. Il y a des similitudes dans la répartition géographique de la population, de même que des besoins uniques des populations autochtones d'Australie. Je pense que c'est un très bon exemple dont on pourrait s'inspirer.
L'Australie a également fait de l'excellent travail d'évaluation de la mise en œuvre de ses initiatives, notamment l'initiative nationale sur la dépression périnatale. Elle s'est penchée sur l'incidence des hospitalisations pour la maladie mentale post-partum et a révélé une réduction de 50 % des admissions dans les hôpitaux psychiatriques après la mise en œuvre de leurs voies de dépistage et de traitement. C'est énorme.
Je dirige actuellement une étude de recherche avec un groupe de défenseurs et de conseillers de l'expérience vécue qui ont tous été hospitalisés pour une maladie mentale post-partum au Canada. C'est une expérience vraiment traumatisante à l'heure actuelle au Canada. Il n'est pas possible d'être hospitalisé en même temps que son bébé, si bien que la mère et l'enfant sont séparés. Nous espérons pouvoir formuler des recommandations sur la manière dont nous pouvons mieux soutenir les gens lorsqu'ils atteignent ce niveau de besoin dans le cadre de ce parcours de soins échelonnés.
Cela montre aussi qu'il est important d'essayer de prendre les gens en charge tôt, de mettre en place les soutiens de base et, idéalement, d'éviter l'hospitalisation.
[Français]
[Traduction]
Merci, madame Hippman.
Chers collègues, voilà qui met fin à la série de questions. Nous allons dire au revoir à nos témoins, et j'ai une question à vous poser, alors ne partez pas en courant, je vous prie.
Je remercie tous nos témoins de leur présence. La profondeur et l'étendue de l'expérience et des qualifications des personnes qui comparaissent devant ce comité ne cessent de nous surprendre. Le groupe de témoins d'aujourd'hui en est un exemple éclatant. Je vous remercie d'avoir eu la patience de nous faire part de votre expertise. Soyez assurés qu'elle sera d'une grande utilité dans nos délibérations. Si vous souhaitez aborder d'autres questions pour compléter ce que vous avez déjà dit, nous sommes tout à fait disposés à recevoir des mémoires écrits. Nous en tiendrons compte dans l'élaboration du rapport.
Merci beaucoup à vous tous. Vous êtes invités à rester, mais vous êtes libres de partir.
Pour le reste d'entre vous, chers collègues, le temps imparti pour l'examen des documents de Medicago que nous avions à notre disposition est écoulé, et nous aimerions que le Comité nous donne l'ordre de détruire ces documents. Pouvons-nous avoir une motion du Comité en ce sens?
Quelqu'un a‑t‑il des observations ou des points de vue à ce sujet?
Si vous le permettez, j'aimerais que quelqu'un propose cette motion:
Que les copies non caviardées du contrat d'approvisionnement en vaccins entre le gouvernement du Canada et Medicago Inc. daté du vendredi 13 novembre 2020, soumis au Comité en réponse à la motion adoptée le vendredi 19 janvier 2024, soient immédiatement détruites par la greffière à la suite de l'adoption de la présente motion.
Quelqu'un pourrait‑il présenter cette motion?
M. Marcus Powlowski: Je vais le faire.
Le président: Quelqu'un veut‑il intervenir?
(La motion est adoptée.)
Le président: Le Comité souhaite‑t‑il ajourner la réunion?
Des députés: D'accord.
Le président: Merci. La séance est levée.
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