Bienvenue à la 110e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
Je vous rappelle de veiller, par mesure de sécurité, à ce que vos écouteurs ne soient pas trop près du microphone, car cela peut causer un effet Larsen préjudiciable pour la santé.
Conformément à notre motion ordinaire, j'informe le Comité que tous les participants à distance ont effectué les tests de connexion nécessaires avant la réunion.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité reprend son étude de l'épidémie d'opioïdes et de la crise des drogues toxiques au Canada.
Je vais accueillir le groupe de témoins présents aujourd'hui.
Nous recevons, à titre personnel, le Dr Nathaniel Day, directeur médical provincial, Dépendance, Alberta Health Services.
Les témoins comparaissent par vidéoconférence. Nous recevons Fiona Wilson, présidente de la British Columbia Association of Chiefs of Police et cheffe adjointe du Service de police de Vancouver. Nous recevons aussi Rachel Huggins, directrice adjointe de l'Association canadienne des chefs de police, dont elle copréside également le Comité consultatif sur les drogues. Enfin, nous recevons Dwayne McDonald, sous-commissaire, et Will Ng, commissaire adjoint, Gendarmerie royale du Canada.
Bienvenue à tous les témoins. Merci d'être des nôtres aujourd'hui.
Je suis certain que vous avez été informés que vous disposez de cinq minutes pour présenter vos observations préliminaires.
Nous commencerons par vous, docteur Day. Soyez le bienvenu.
Vous avez la parole.
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Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de m'exprimer aujourd'hui devant votre éminent Comité.
Je suis le docteur Nathaniel Day et je suis le directeur médical provincial, Dépendance, Alberta Health Services. Je suis aussi celui qui a conçu et qui a, avec notre équipe, mis en œuvre le programme virtuel de traitement des dépendances aux opioïdes de l'Alberta. J'étais membre de la commission des mesures d'urgence face à la crise des opioïdes mise en place par le ministre du gouvernement Notley et je coprésidais le conseil consultatif d'experts sur la réadaptation de l'actuel gouvernement de l'Alberta.
Je résumerai brièvement certaines des mesures que nous avons prises en Alberta en réponse à la phase actuelle de la crise de la dépendance aux opioïdes et des surdoses. Je soulignerai des choses qui sont, à mon avis, fructueuses et qui pourraient être reproduites. Bien entendu, un problème à long terme exige des efforts de longue haleine pour obtenir des résultats optimaux.
En 2016 déjà, l'Alberta, comme toutes les provinces, avait du mal à répondre aux besoins des personnes souffrant d'une dépendance aux opioïdes et ne vivant pas à proximité d'un centre de traitement de la dépendance aux opioïdes. Toutes les provinces sont aux prises avec ce problème. J'ai proposé une nouvelle approche offrant des soins virtuels aujourd'hui suivie dans toutes les collectivités de l'Alberta. À notre connaissance, notre programme a été le premier à envisager des soins exclusivement virtuels, sans aucune composante en personne. Nous avons recueilli des données sur les résultats pour nos patients qui ont été publiées dans des études. En fournissant des services virtuels, nous avons pu atteindre des personnes qui étaient hors d'atteinte auparavant. Nous avons servi des personnes dans 331 collectivités, villages, villes et hameaux dans l'ensemble de notre zone géographique.
Depuis 2018, nous n'avons pas de liste d'attente pour les services. Si vous avez besoin d'aide aujourd'hui, vous l'obtenez aujourd'hui. À l'heure actuelle, il y a certainement des personnes qui demandent de l'aide en Alberta et, aussitôt, notre équipe paramédicale entreprend une évaluation. Nos médecins travaillent par quarts 24 heures sur 24 pour évaluer et traiter les patients. Les ordonnances sont envoyées aux pharmacies les plus proches des patients, et les médicaments sont même livrés aux collectivités autochtones éloignées. Comme nous utilisons des outils virtuels, nous pouvons également aider de nouveaux endroits où des personnes souffrent de dépendance aux opioïdes. Nous avons pour objectif d'atteindre toute personne qui a besoin de nos soins, où qu'elle se trouve.
Nous nous sommes aperçus, par exemple, que les policiers, comme tous les travailleurs de première ligne, veulent aider les personnes qu'ils rencontrent qui souffrent de dépendance. Dans toutes les provinces, les policiers ont affaire à des personnes qui consomment des opioïdes, qui sont arrêtées pour une raison ou une autre et qui, en attendant de voir un juge de paix, sont en manque ou risquent de l'être. En Alberta, quand une personne est en état d'arrestation, elle peut voir quelqu'un, en toute confidentialité, dans les mêmes pièces que pour parler à un avocat, afin d'obtenir une intervention en soins de santé pour gérer son sevrage et, par la même occasion, elle sera invitée à continuer avec nous, si elle le souhaite. Environ 10 % de ces patients font exécuter des ordonnances dans la collectivité 90 jours plus tard.
Nous avons soutenu l'intervention de l'Alberta dans les campements. Nous aidons les personnes dans les centres d'hébergement, dans les programmes de logement peu restrictifs et les centres de consommation supervisée — en somme, là où se trouvent des personnes qui souhaitent bénéficier de services. Le gouvernement finance des places de traitement avec hébergement dans des endroits qui étaient auparavant privés, et il a éliminé la participation aux frais pour le traitement des dépendances. Le gouvernement de l'Alberta a par ailleurs annoncé 11 nouveaux programmes communautaires de traitement et de réadaptation, dont deux sont maintenant opérationnels. Les autres en sont à différents stades de planification ou de construction.
L'Alberta travaille en collaboration avec les services correctionnels provinciaux afin d'élargir les programmes de traitement offerts aux personnes incarcérées souffrant de dépendances. L'Alberta a adopté une loi sur l'agrément et les normes d'accréditation des fournisseurs de services de traitement des toxicomanies. Cela garantit que tout Albertain qui accède à notre système de soins reçoit des services de qualité fondés sur des données probantes.
Nous avons un programme de médicaments d'appoint qui fournit gratuitement du Suboxone, du Sublocade ou de la méthadone à toute personne disposant d'un numéro d'assurance maladie, sans qu'elle ait à faire de demande ou à attendre.
Nous pourrions parler de bien d'autres choses encore. Je conclurai en disant ceci: nous ne serions pas dans cette situation si nos collectivités et nos familles étaient en aussi bonne santé que possible. Je recommande au Comité de ne soutenir que les initiatives qui amélioreront le bien-être des collectivités et des familles. Il est important de donner de l'espoir à toutes les personnes souffrant de dépendances — et toutes les familles et les collectivités canadiennes sont touchées. L'espoir est, à mon avis, l'antidote à la stigmatisation. L'espoir est puissant, et les faits montrent que lorsqu'il s'installe, il y a plus de résultats positifs.
Bonjour à toutes et à tous. Je m'appelle Fiona Wilson. Je suis présidente de la British Columbia Association of Chiefs of Police et cheffe adjointe du Service de police de Vancouver.
J'ai l'honneur, en ma qualité de présidente de la British Columbia Association of Chiefs of Police, de faire part au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes de notre expérience, en tant que chefs de police, de la décriminalisation en Colombie‑Britannique.
L'exemption relative à la décriminalisation a été accordée par Santé Canada en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Elle est entrée en vigueur le 31 janvier 2023. Elle fait partie d'un projet pilote de trois ans qui vise à adopter une approche sanitaire de la consommation de substances, au lieu d'une approche axée sur le système de justice pénale.
En Colombie‑Britannique, nous ne connaissons que trop bien la gravité de la crise des décès causés par des drogues toxiques. Cela a fait huit ans hier qu'un état d'urgence sanitaire a été déclaré en Colombie‑Britannique, le 14 avril 2016. Depuis, malheureusement, plus de 14 000 Britanno-Colombiens sont morts d'une surdose accidentelle.
Nous avons constaté que c'est dans les collectivités rurales, y compris celles du Nord de la province, de l'île de Vancouver et de la région de Cariboo, que la crise se fait le plus ressentir par habitant. Dans nombre de ces collectivités rurales, elle peut être deux ou trois fois supérieure à la moyenne provinciale. Malheureusement, l'incidence la plus forte par habitant touche Vancouver-Centre North, qui comprend le Downtown Eastside de Vancouver. La triste réalité est que la crise des surdoses y est égale à plus de 12 fois la moyenne provinciale.
Nous savons que la crise a un effet particulièrement dévastateur sur les peuples autochtones de la Colombie‑Britannique. Il est alarmant de constater que les Autochtones sont six fois plus susceptibles d'être touchés par la crise que les Britanno-Colombiens non autochtones.
Devant l'ampleur de cette crise, les chefs de police de la province ont appuyé la décriminalisation et l'adoption d'une approche médicale de la consommation de substances. Au fond, la police est d'accord qu'on ne devrait pas criminaliser des personnes à cause de leur consommation personnelle de drogues.
Il ressort des données de la police que les saisies de drogues en quantité inférieure ou égale au seuil de 2,5 grammes ont diminué de plus de 90 % dans la province. Au vu de ces résultats, je suis convaincue que les policiers en première ligne font leur part dans l'application de l'exemption relative à la décriminalisation et dans le soutien à une approche sanitaire de la consommation de substances.
Cependant, la mise en œuvre de la décriminalisation ne se fait pas sans critiques ou sans réserves.
En tant que chefs de police, nous avons été sans équivoque au sujet de la nécessité d'éviter des conséquences indésirables pour la sécurité et le bien-être de la collectivité, en particulier des jeunes. La British Columbia Association of Chiefs of Police a clairement mentionné, oralement et par écrit, certaines de ces conséquences potentielles avant que la demande d'exemption soit présentée. Ces graves préoccupations comprenaient, notamment, la consommation en public, la consommation dans des établissements titulaires d'une licence et dans d'autres lieux tels que les cafés et les restaurants, et la conduite avec facultés affaiblies.
Cependant, la décriminalisation a été mise en œuvre avant que des restrictions plus importantes à la consommation en public et à l'usage problématique de substances puissent être adoptées. Bien que, dans leur immense majorité, les personnes qui consomment des drogues ne veuillent pas le faire d'une manière qui nuise à d'autres personnes, il y a plusieurs cas très médiatisés de consommation problématique de drogues dans des lieux publics, y compris des parcs, des plages et à proximité des transports en commun. En outre, des petites entreprises se sont déclarées préoccupées par l'usage problématique de drogues qui empêche les clients d'accéder à leurs locaux ou qui nuit à leur activité.
Pour répondre à certaines de ces préoccupations, et après tout un travail de plaidoyer de la part des services de police de la province, trois autres exceptions ont été ajoutées à l'exemption le 18 septembre 2023. De plus, la Colombie‑Britannique a fait en sorte d'adopter une loi visant à empêcher la consommation problématique de substances qui a des conséquences négatives pour les membres de la collectivité, en particulier les jeunes. Toutefois, avant que cette loi entre en vigueur, la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a imposé une injonction en se fondant, en partie, sur les droits des personnes qui consomment des drogues en vertu de l'article 7 de la Charte.
Étant donné l'ampleur de la crise, il est évident que la décriminalisation n'est qu'une stratégie parmi d'autres et qu'elle doit faire partie d'une réponse multidimensionnelle plus large. Des stratégies supplémentaires comprennent des efforts accrus dans les domaines de l'éducation, de la prévention et des traitements, ainsi que la fourniture de services de santé améliorés aux collectivités de toute la Colombie‑Britannique. Bien que l'on fasse beaucoup dans ces domaines et bien qu'il y ait des investissements importants de ressources publiques, il est évident que, même s'il a été possible d'instaurer la décriminalisation en un temps relativement court, il faudra bien plus de temps pour adopter et mettre en œuvre ces autres stratégies.
Tout en cherchant à améliorer la santé des personnes qui consomment des drogues, il faut aussi prendre en compte les besoins et le bien-être de l'ensemble de la population. Il me semble que d'autres pays qui ont mis en œuvre ou envisagé la décriminalisation, pour ensuite abandonner l'idée, l'ont fait en raison de conséquences non traitées et indésirables pour la sécurité et le bien-être de la collectivité.
Je vous remercie.
Distingués membres du Comité, je suis heureuse d'avoir l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet de ce problème très important.
Je soulignerai tout d'abord que les organismes d'application de la loi de tout le pays reconnaissent que la crise des opioïdes est une question de santé publique. La police a un rôle essentiel à jouer dans la prévention de la distribution de drogues illicites, la réduction de l'offre et la protection des collectivités, mais nous reconnaissons et comprenons la nécessité d'une approche globale qui prenne en compte les déterminants sociaux de la santé. Des efforts coordonnés entre le gouvernement, les services de santé, le système judiciaire, la police et les organisations communautaires sont nécessaires.
En juillet 2020, l'Association canadienne des chefs de police a demandé une réponse sociétale globale comprenant la prévention, l'éducation, les systèmes de soutien et l'accès au traitement pour les personnes touchées par les drogues. Nous avons également soutenu la décriminalisation de la possession simple de drogues illicites comme moyen efficace de réduire la stigmatisation des troubles liés à la consommation de substances, de réduire les risques pour la santé et la sécurité publiques, et d'éviter que les personnes souffrant de troubles liés à la consommation de substances aient affaire au système de justice pénale.
Comme l'a souligné ma collègue coprésidente du Comité consultatif sur les drogues de l'ACCP, la cheffe adjointe Fiona Wilson, notre expérience de la décriminalisation officielle de la possession simple de drogues illicites a eu dans un premier temps des conséquences indésirables, mais pas complètement inattendues.
Les résultats préliminaires de ce projet pilote ont confirmé ce que les chefs de police disent depuis le début: la décriminalisation des drogues pour usage personnel n'est qu'un élément d'un tout et elle doit s'inscrire dans une approche intégrée axée sur la santé pour lutter contre la crise des opioïdes et l'approvisionnement en drogues toxiques.
Aujourd'hui, l'ACCP réaffirme son soutien à une approche du problème des drogues axée sur la santé. Elle réaffirme aussi que la lutte contre la crise des opioïdes comprend la décriminalisation de la possession de substances illicites.
Au cours des quatre dernières années, d'importantes réformes juridiques et de procédure, ainsi que des formations ont été mises en œuvre. Elles ont entraîné un changement notable dans la perception que la police et le public ont des troubles liés à la consommation de substances, ainsi qu'une diminution des accusations de possession simple, les sanctions pénales étant par conséquent réservées aux cas les plus graves.
La décriminalisation vise à prévenir la criminalisation non souhaitée de la consommation personnelle de substances, à créer un continuum de soins pour faire en sorte que les personnes qui consomment des drogues disposent d'un meilleur accès aux services de santé et, enfin, à permettre à la police de se concentrer sur les infractions plus graves liées au trafic et à la production de drogues illicites.
Le projet pilote mis en œuvre en Colombie‑Britannique a permis d'atteindre le premier objectif, qui est facile à atteindre du point de vue de la procédure et des finances.
Il est beaucoup plus difficile de créer un continuum de soins, et cela demande beaucoup de ressources, mais la réalisation du premier objectif dépend de la mise en œuvre réussie de mesures visant à soutenir la réalisation des deuxième et troisième objectifs.
En tant que chefs de police, et d'un point de vue policier, nous estimons qu'il est essentiel de mettre en place les structures sanitaires et sociales appropriées avant d'apporter au cadre législatif des changements qui officialiseraient la décriminalisation de la possession simple de substances illicites.
En conclusion, du point de vue de la sécurité publique, les chefs de police canadiens estiment que le succès de toute stratégie visant à enrayer la crise actuelle provoquée par l'approvisionnement en drogues toxiques devrait être mesuré en fonction de sa capacité d'améliorer les résultats en matière de santé, de réduire l'impact du crime organisé, ainsi que de lutter contre les crimes contre les biens et de régler les problèmes de sécurité publique qui découlent des troubles liés à la consommation de substances non traités.
L'ACCP estime que toute stratégie envisagée doit être dirigée par des médecins, se fonder sur des recherches médicales empiriques et permettre aux personnes ayant des problèmes de consommation de substances d'être davantage en contact avec des professionnels de la santé.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, monsieur le président. Bonjour.
Je suis le sous-commissaire Dwayne McDonald, commandant divisionnaire de la Gendarmerie royale du Canada de la Colombie‑Britannique. Je supervise plus de 10 500 employés, dont 6 800 sont des policiers. Nous assurons la prestation de services de police municipaux, provinciaux et fédéraux partout en Colombie‑Britannique.
Je tiens à souligner que nous nous joignons à vous aujourd'hui depuis notre quartier général, qui se trouve sur les territoires non cédés des Premières Nations Katzie, Kwantlen et Semiahmoo.
Je suis accompagné aujourd'hui du commissaire adjoint Will Ng. Il est notre officier responsable des enquêtes criminelles pour la Colombie‑Britannique et il sert de seul point de contrôle et de coordination de toutes les ressources spécialisées, d'enquête et de renseignement de la GRC dans la province, où il veille à l'harmonisation et à l'amélioration de la prestation des services aux partenaires contractuels municipaux et provinciaux.
Je vous remercie de nous donner l'occasion de nous exprimer aujourd'hui.
Nous sommes là pour fournir un point de vue et des renseignements sur les répercussions de la crise des opioïdes sur les services de police de la GRC en Colombie‑Britannique. Je vais vous expliquer notre rôle, notre formation et nos défis et vous exposer les conclusions d'enquêtes récentes.
Depuis 2015, en Colombie‑Britannique, la GRC est aux prises avec une augmentation alarmante du nombre de décès par surdose, augmentation alimentée par la prévalence accrue du fentanyl dans l'approvisionnement en drogues illicites. Non seulement cette crise fait des milliers de morts, mais elle a aussi de graves répercussions sur nos collectivités.
Depuis la déclaration d'un état d'urgence sanitaire provincial en avril 2016, plus de 13 000 personnes ont perdu la vie à cause de drogues illicites toxiques, rien qu'en Colombie‑Britannique. C'est une crise qui ne connaît pas de frontières et qui touche des personnes de tous les milieux, dans toutes les collectivités de toute la province.
Les collectivités autochtones de la Colombie‑Britannique sont frappées de façon disproportionnée par cette crise, avec des taux plus élevés de dépendance aux opioïdes, de surdoses et de décès que dans l'ensemble de la population. Les personnes souffrant de troubles mentaux ou de problèmes de santé mentale sont également surreprésentées parmi les personnes touchées par la crise des opioïdes.
Il est évident qu'il ne s'agit pas seulement d'une question d'application de la loi, mais aussi d'une crise de santé publique qui exige une réponse globale et bienveillante.
Comme vous le savez tous, le 31 mai 2022, la Colombie‑Britannique est devenue la première province du Canada à se voir accorder par Santé Canada une exemption en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Cette exemption décriminalise la possession de substances illicites pour consommation personnelle. Nous en sommes maintenant à la deuxième année d'application de l'exemption, qui est valide jusqu'au 31 janvier 2026.
La GRC de la Colombie‑Britannique continue d'appuyer ses partenaires et ses intervenants dans la mise en œuvre en collaboration de cette exemption. Notre rôle, en tant que service de police, consiste à éviter que les personnes en possession de petites quantités de certaines drogues illicites aient affaire au système de justice pénale et à les diriger vers les services sociaux et de santé. La GRC continue d'appuyer tous les efforts visant à faire en sorte qu'une urgence en cas de surdose soit traitée comme une urgence médicale ou de santé.
Les répartiteurs aux urgences médicales qui évaluent les appels ne demandent plus l'aide de la police dans toutes les situations d'urgence liées à une surdose. La police n'est informée dans les appels pour surdose que lorsque la situation est jugée dangereuse pour les premiers intervenants ou les membres du public, et lorsqu'il s'agit de tentatives de suicide, qu'elles soient liées à la drogue ou pas.
Il est essentiel de souligner que le trafic de stupéfiants reste une infraction aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, et que la GRC entend enquêter sur de telles infractions et intenter des poursuites contre leurs auteurs. De plus, la GRC accorde la priorité au respect de la primauté du droit et à la sécurité des collectivités qu'elle sert en ciblant les délinquants violents, en dissuadant les jeunes de rejoindre des gangs et en luttant contre la violence liée aux gangs qui découle du trafic de stupéfiants.
Nous nous efforçons aussi de démanteler les laboratoires de production de drogues et d'enrayer le trafic transfrontalier, y compris l'importation de précurseurs.
Afin d'appuyer la mise en œuvre de l'exemption et d'assurer une application uniforme de la loi, la GRC collabore avec le ministère de la Santé mentale et des Dépendances et le ministère de la Sécurité publique et du Solliciteur général de la Colombie‑Britannique, ainsi qu'avec ses partenaires de l'application de la loi, pour offrir des formations et des ressources aux agents de première ligne. Nous fournissons à nos policiers les compétences et les connaissances nécessaires pour éviter les écueils de l'exemption et intervenir efficacement en cas d'urgence liée à une surdose.
Cependant, des défis persistent. Malgré les progrès réalisés, la gestion de la consommation publique de drogues depuis la décriminalisation reste problématique. D'autres mesures législatives sont nécessaires pour lutter contre la consommation publique dans les zones non exemptées. Nous suivons de près les efforts du gouvernement provincial à cet égard. Nous continuons aussi de travailler avec nos villes et nos collectivités autochtones pour répondre aux préoccupations en matière de sécurité publique concernant les effets indésirables de la consommation publique.
Le détournement d'un approvisionnement plus sécuritaire vers le trafic de drogues illicites est une nouvelle préoccupation qui nécessite une attention immédiate. Par des enquêtes continues menées en collaboration avec les autorités sanitaires, nous cherchons à mieux comprendre ce problème et à le régler afin d'empêcher d'autres méfaits. Des mesures sont en cours pour améliorer la saisie et l'analyse des données afin de mieux comprendre le problème. De plus, nous nous employons actuellement à créer des outils de formation et d'éducation pour aider nos agents de première ligne à reconnaître l'approvisionnement plus sécuritaire qui est détourné.
Nous reconnaissons, par ailleurs, les frustrations et les problèmes ressentis par les collectivités autochtones qui continuent d'être touchées de façon disproportionnée par la crise des opioïdes. En tant que partenaire dans cette lutte, la GRC entend collaborer avec les collectivités et les organismes autochtones afin de définir et d'appliquer des stratégies à long terme pour s'attaquer aux causes profondes de la toxicomanie. Nous continuerons également de tenir responsables les personnes qui se livrent à un trafic de stupéfiants dans ces collectivités.
En conclusion, je tiens à réaffirmer l'engagement inébranlable de la GRC à lutter contre la crise des opioïdes en Colombie‑Britannique. Nous continuerons de collaborer avec les organismes gouvernementaux, les collectivités et les intervenants pour sauver des vies et mettre fin à cette crise dévastatrice.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au Comité aujourd'hui. Le commissaire adjoint Will Ng et moi-même répondrons volontiers à vos questions.
Voici comment il fonctionne aujourd'hui en Alberta. Si, par exemple, une personne se trouve chez elle et s'inquiète au sujet de sa consommation d'opioïdes ou si elle a épuisé sa réserve de drogue et souffre de manque, il lui suffit de composer directement un numéro sans frais — le 1‑844‑383‑7688 — pour être immédiatement mise en relation avec un membre d'une équipe paramédicale qui commencera à évaluer sa situation. En Alberta, nous avons l'avantage d'avoir des dossiers médicaux uniques, ce qui nous permet de consulter tout le dossier de cette personne, de ses passages à l'hôpital à des surdoses antérieures, notamment.
Une fois l'évaluation de notre équipe paramédicale terminée, presque aussitôt — ou généralement en 15 minutes au plus, en fonction du nombre d'appels à un moment donné —, la personne est mise en relation avec un spécialiste des dépendances qui lui exposera les options de traitement qui s'offrent à elle. Ce spécialiste lui prescrira un chemin à suivre pour commencer un traitement médicamenteux fondé sur des données probantes.
L'ordonnance est envoyée à la pharmacie la plus proche du lieu de résidence ou de travail, selon les préférences de la personne, qui peut commencer son traitement le jour même.
Bien entendu, notre équipe fera un suivi auprès de cette personne plus tard dans la journée ou le lendemain matin pour voir comment elle se porte, et nous adapterons les soins à partir de là.
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Dans les services correctionnels de l'Alberta, nous poursuivons, bien sûr, le traitement médicamenteux fondé sur des données probantes des personnes après leur arrestation. Nous mettons également en place des traitements médicamenteux.
Malheureusement, le plus grand établissement correctionnel du Canada, l'Edmonton Remand Centre, se trouve à Edmonton. La durée moyenne d'incarcération est d'environ deux semaines. Ce que nous avons constaté, c'est qu'un grand nombre de personnes ne pouvaient pas commencer un traitement dès leur mise en détention. Elles devaient parfois attendre quatre ou cinq mois. Vous pouvez imaginer que beaucoup de nouveaux détenus n'étaient pas en mesure de commencer un traitement. Ensuite, ils étaient remis en liberté avant d'avoir eu accès à un traitement, ce qui est un problème.
Aujourd'hui, quand une personne est incarcérée, elle est immédiatement soumise à un dépistage des troubles liés à l'utilisation des opioïdes. Les services peuvent faire passer un examen toxicologique à l'appui. Nous faisons un enregistrement vidéo que nous transmettons à notre équipe virtuelle de traitement des dépendances aux opioïdes. La personne peut alors être évaluée et commencer un traitement. Il me semble que la moyenne est maintenant de 0,9 jour à partir de la mise en détention. Nous avons complètement résolu le problème des listes d'attente en utilisant la technologie.
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Bonjour à toutes et à tous.
Je remercie tous les témoins de leur présence et de ce qu'ils nous apprennent.
Je tiens à me faire l'écho des félicitations de Mme Goodridge au sujet du programme de soins virtuel. Je pense que le pays tout entier a beaucoup à apprendre des succès de ce programme, docteur Day.
Je vais me concentrer sur d'autres aspects.
Un nouvel article publié hier ou aujourd'hui dans le Journal de l'Association médicale canadienne montre qu'en 2021, en Alberta, 1 décès sur 13 parmi les personnes de moins de 85 ans était lié aux opioïdes. Je suis sûr que vous connaissez cet article. Pour les Albertains âgés de 20 à 39 ans, chose incroyable, les opioïdes représentaient un décès sur deux. Sur certains graphiques illustrant l'article, les différences entre l'Alberta et les autres provinces sont franchement très alarmantes.
Vers la fin de l'article, on peut lire ceci: « [...] le fardeau des décès prématurés attribuables à la toxicité accidentelle des opioïdes au Canada a considérablement augmenté, en particulier en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. » Cela donne à penser que l'Alberta a une mortalité prématurée liée aux opioïdes supérieure à celle du reste du Canada. D'après ce que j'ai vu, les données de 2023 ne semblent pas plus rassurantes.
En même temps, cela contraste avec une note plutôt positive, dirai‑je, de votre première ministre, qui a déclaré récemment qu'au fil des ans, « beaucoup moins » d'Albertains ont été emportés par la toxicomanie et que « bien des drogues ont le taux de mortalité le plus bas jamais enregistré ». Je sais qu'elle fait référence à la diminution dans d'autres domaines que celui des opioïdes illicites, mais le taux de mortalité attribuable aux opioïdes illicites toxiques éclipse de loin toutes les autres causes et continue d'augmenter.
Tout cela pour dire que six Albertains meurent chaque jour et qu'en même temps, des éléments de la panoplie complète des approches sont retirés. Pouvez-vous résumer et peut-être justifier l'approche adoptée par l'Alberta?
Comment se déroule l'expérience de l'Alberta jusqu'à présent?
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Je vous remercie de cette question.
Si nous prenons la crise des surdoses dans son ensemble et le nombre de décès au Canada, nous constatons que la Colombie-Britannique a le taux le plus élevé pour 100 000 habitants. L'Alberta arrive en deuxième position et l'Ontario en troisième. L'arrivée du fentanyl et du carfentanil dans notre province ne passe certainement pas inaperçue. Aucun d'entre nous ne se réjouit du nombre de décès dus à la consommation de fentanyl et de carfentanil.
Cela dit, la réalité est que nous avons une obligation. Je considère que mon obligation au sein des services de santé de l'Alberta est de veiller à ce que nous mettions en place le meilleur système de traitement possible, un système qui soit accessible aux personnes lorsqu'elles en ont besoin, afin qu'elles puissent progresser dans le continuum des soins et recevoir des soins reposant sur des données probantes.
Malheureusement, l'Alberta ne raconte pas tout ce qui se passe dans la province. Ainsi, en Alberta et auparavant, comme je l'ai découvert en regardant les transcriptions du Comité, l'Alberta a exactement le même nombre de centres de consommation supervisée aujourd'hui qu'il y a six ou sept ans. L'an dernier, l'Alberta a ouvert six centres de services de transition pour les stupéfiants qui fournissent de l'hydromorphone par injection ou par voie orale sous supervision. Ces médicaments ne peuvent pas quitter le centre. Les centres sont destinés à aider les personnes souffrant de la forme la plus extrême de dépendance aux opioïdes à éviter les conséquences les plus négatives qui en découlent.
Par ailleurs, l'Alberta a, par exemple, distribué près d'un quart de million de trousses de naloxone l'an dernier. Il se passe donc beaucoup de choses en matière de réduction des risques qui ne font pas la une des journaux. Je ne dirai pas que l'Alberta n'investit pas ou ne travaille pas dans ces domaines.
L'Alberta se distingue peut-être par le fait qu'elle essaie de mettre en place un système de soins axé sur la guérison, de sorte qu'une personne qui entre dans un service de transition pour les stupéfiants ou dans un centre de consommation supervisée est encouragée et que l'on s'attache à la mettre en contact avec des aides au traitement par la suite.
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Je ne suis pas sûr de pouvoir parler des résultats de personnes qui n'ont pas de contacts avec le système de santé. C'est très difficile à mesurer.
À propos de votre commentaire, il y avait à Lethbridge un centre de consommation supervisée géré par un organisme à but non lucratif, et ce centre a été fermé, mais les services ont été immédiatement transférés à un centre que je supervise. Il s'agit d'un centre de prévention des surdoses qui n'est donc pas à proprement parler un centre de consommation supervisée, mais qui dispose de cabines. Il est géré par notre système de santé publique. Il est situé sur le stationnement juste à l'extérieur du centre d'hébergement de Lethbridge que gère la communauté autochtone locale.
Pour ce qui est des résultats dans l'ensemble, je peux dire sans hésitation que, sous le gouvernement actuel comme sous le précédent, toutes les mesures prises visent à améliorer le sort des Albertains. Toutes nos initiatives et tous nos projets visent à améliorer notre système, à faire en sorte qu'il soit plus complet, à ce qu'il présente moins de lacunes, afin que les personnes qui ont besoin de services puissent les recevoir.
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Le détournement de médicaments d'ordonnance n'a rien de nouveau. Quand je patrouillais dans le quartier Downtown Eastside il y a 25 ans, il y avait toujours quelqu'un qui vendait des comprimés contenant de la codéine ou d'autres trucs du genre au coin des rues Main et Hastings. Le problème du détournement n'est pas nouveau.
Le diable se cache dans les détails quand il est question de détournement. Le détournement de médicaments d'ordonnance est différent, même s'il inclut, du détournement de médicaments d'approvisionnement plus sécuritaire.
À cela s'ajoute un problème qui, de mon point de vue de chef de police, est beaucoup plus urgent, et c'est celui des comprimés de contrefaçon qui sont fabriqués, et qui peuvent être fabriqués, en très grandes quantités. Le problème vient de ce qu'il est impossible de distinguer ces comprimés de ceux qui sont vendus sous ordonnance et que le risque de décès est très élevé étant donné que les personnes pensent consommer un médicament détourné et n'ont aucun moyen de connaître la composition des comprimés contrefaits. Le crime organisé peut les fabriquer à très grande échelle. Contrairement au détournement de médicaments d'ordonnance ou d'approvisionnement plus sécuritaire, un phénomène qui reste marginal et limité à la rue, il existe un risque très réel d'escalade de la contrefaçon de médicaments d'ordonnance. C'est un énorme problème, c'est clair.
Pour répondre à la question sur la drogue la plus mortelle sur le marché, je répondrai sans hésitation que c'est le fentanyl, qui est responsable de 85 % des décès. Viennent ensuite la cocaïne et la méthadone.
Ce que nous ne voyons pas, en tout cas pas à Vancouver… Je ne peux pas parler de ce qui se passe ailleurs dans la province, même si je suis ici à titre de présidente de la British Columbia Association of Chiefs of Police. Je ne connais pas la situation exacte dans les autres communautés de la province. Une chose est sûre, les efforts sont centrés sur ces substances à Vancouver parce que, selon les données du coroner, ce sont celles qui tuent les gens. Les gens ne meurent pas après avoir consommé des produits détournés de l'approvisionnement sécuritaire, et ils ne meurent pas non plus à cause des médicaments d'ordonnance détournés. Ils meurent à cause du fentanyl, de la cocaïne et de la méthadone, et ce sont les substances que nous ciblons dans notre travail policier.
D'entrée de jeu, je tiens à exprimer ma compassion sincère pour toutes les victimes de la crise des drogues.
J'aimerais toutefois discuter avec vous d'une autre facette du problème.
Il y a quelques mois, je suis allé dans un bar du centre-ville, ici à Ottawa, ce qui est assez rare pour moi. Un des collègues que j'allais y rencontrer a été attaqué alors qu'il se dirigeait vers le bar, et un autre a été menacé. Environ un mois après, je suis allé au Centre Rideau, au centre-ville, et je suis rentré à pied par la rue Wellington. Mon fils de 15 ans me suivait. Il faisait nuit et il y avait quelqu'un qui criait et qui accostait les voitures en plein milieu de la rue. J'en ai parlé à des agents de la police parlementaire qui m'ont dit qu'ils connaissaient cet homme et que je ne devais pas m'inquiéter. Mon fils ne savait pas cela et je l'ai donc attendu. Je ne voulais pas qu'il soit accosté par une personne dérangée dans la rue.
Aux yeux de bon nombre de Canadiens, la situation est hors de contrôle dans beaucoup de centres-villes. Bien entendu, des gens peuvent aussi avoir l'impression que la situation est pire autour des lieux comme les centres d'approvisionnement sécuritaire et d'injection supervisée, et que des personnes sont manifestement droguées et doivent être réanimées en pleine rue, ou qu'il y a des aiguilles et des excréments partout.
Un des piliers de l'approche adoptée en Suisse pour lutter contre le problème de la drogue est la réduction des méfaits pour la société. Je souligne que ce n'est pas un élément de l'approche canadienne. Pensez-vous qu'il y a lieu de l'intégrer à notre approche?
J'aimerais que les représentants des forces de l'ordre me disent s'ils conviennent que c'est un problème. À votre avis, est‑il vrai que beaucoup de Canadiens qui ne consomment pas de drogues sont de plus en plus insatisfaits de ce que la société leur offre dans ces centres-villes? Voulez-vous en faire davantage à ce sujet? Le cas échéant, de quoi avez-vous besoin pour mieux vous attaquer au problème?
J'aimerais entendre les réponses des représentants de la GRC en premier lieu, et celles des autres témoins ensuite.
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Monsieur le président, je peux répondre à la question.
Je n'ai pas manqué de remarquer que le cas que vous avez donné en exemple s'est produit à Toronto, où il n'y a pas de mesures de décriminalisation. Je peux volontiers vous parler de notre expérience par rapport à la décriminalisation et à la consommation en public ici en Colombie-Britannique. Je suis heureuse d'en parler parce que je suis tout à fait d'accord avec ce que vous a dit le sous-commissaire McDonald à propos de nos craintes concernant la consommation en public dans nos rues avant la demande d'exemption prévue à l'article 56. C'est quelque chose qui continue de nous préoccuper.
En fait, toutes nos craintes se sont concrétisées. Nous avons fait face à des problèmes très préoccupants de consommation en public, même si par expérience, je sais que la grande majorité des personnes qui consomment de la drogue n'ont aucune envie de le faire devant des enfants, entre autres, ou d'une manière que je qualifierais de problématique.
Cela dit, je reconnais que notre gouvernement provincial a vraiment tout mis en œuvre pour adopter une loi sur la consommation en public. Malheureusement, son entrée en vigueur a été empêchée par une injonction interlocutoire délivrée par le juge en chef de la Cour suprême de la Colombie-Britannique.
Des efforts ont été faits pour régler le problème… Nous aurions aimé qu'il soit réglé avant la demande d'exemption au titre de l'article 56. C'est un défi permanent pour nous en Colombie-Britannique, c'est clair.
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Oui. Par votre entremise, monsieur le président, je remercie le député de cette question.
Pour ce qui concerne les outils d'application de la loi, depuis la décriminalisation, nous ne pouvons pas saisir des quantités inférieures à 2,5 grammes. Nous ne menons plus d'enquêtes. Avant la décriminalisation, ces infractions auraient fait l'objet d'enquêtes.
À l'heure actuelle, nous avons besoin d'outils pour cibler ceux qui sont à la tête des activités de trafic et de vente de drogues illicites aux usagers et, au bout du compte, qui produisent les drogues toxiques qui sont malheureusement responsables des décès. C'est important de parler des précurseurs qui entrent dans la fabrication du fentanyl, de la méthamphétamine et d'autres opioïdes. Un certain nombre de ces précurseurs ne sont pas réglementés actuellement, ce qui signifie que leur possession et leur utilisation sont légales et que la police ne dispose pas actuellement des pouvoirs nécessaires pour saisir ces substances chimiques ou pour mener des enquêtes sur leur possession.
Du point de vue du travail policier, ce serait formidable si des efforts étaient faits pour inscrire ce type de substances chimiques aux annexes des drogues prohibées et les réglementer. C'est essentiel pour donner aux policiers les autorisations et les pouvoirs requis pour saisir ces substances chimiques et stopper la fabrication de drogues illicites.
Nous savons que le groupe d'experts a formulé des recommandations unanimes, et qu'il était présidé par Mike Serr, l'ancien président de l'Association canadienne des chefs de police. Avec une unanimité sans équivoque, le groupe a recommandé de mettre fin à la criminalisation des personnes qui utilisent des substances; d'assurer un approvisionnement plus sécuritaire pour les personnes qui consomment des substances et qui en ont besoin, et d'élargir les mesures de prévention, l'éducation et l'accès aux traitements sur demande. Ces politiques sont très similaires à celles qui ont été adoptées au Portugal.
Actuellement, on nous rebat aux oreilles que le détournement est la principale cause de l'escalade de la crise des drogues toxiques. Pensez-vous que le détournement, selon ce qu'on entend… Êtes-vous d'accord que le détournement de substances issues de l'approvisionnement plus sécuritaire aggrave le problème parce qu'il fait obstacle aux interventions contre les causes profondes et les problèmes réels, et donc qu'il ralentit la lutte contre la crise des drogues?
Madame Wilson, je vais vous demander votre réponse en premier.
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Dans une déclaration sur l'approvisionnement plus sécuritaire publiée le 11 mars, on peut lire que la « saisie de médicaments sur ordonnance, tels que les narcotiques et les opioïdes, ne se trouvant plus en la possession du titulaire de l'ordonnance est un enjeu auquel la police a dû faire face à de nombreuses reprises. »
Toujours selon cette déclaration, « il n'existe actuellement aucune preuve d'une distribution généralisée de produits pharmaceutiques plus sécuritaires sur le marché clandestin de la drogue en Colombie-Britannique ou au Canada ».
Monsieur McDonald, je n'ai pas le choix de dire que je ne suis pas d'accord avec vous quand je constate que les policiers de première ligne de vos détachements recueillent et présentent de plus en plus de preuves à ce sujet.
C'est frustrant d'entendre ce genre de commentaires alors que des gens se battent pour vous et pour vos policiers de première ligne, qui je sais ne sont pas d'accord avec ces déclarations publiques. On dirait que la GRC et tous les chefs de police de la Colombie-Britannique essaient de protéger le gouvernement dans un dossier qui risque de lui nuire politiquement dans une année électorale.
Pouvez-vous au moins convenir avec moi que c'est exactement ce que vos commentaires et ceux de certains de vos agents peuvent donner à penser?
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Je peux vous assurer que nous avons exprimé de sérieuses réserves relativement à la décriminalisation. C'est clair.
Cela dit, tous les chefs de la province vous diront qu'ils ne veulent pas emprisonner des gens pour un problème de consommation personnelle. Au‑delà, comme l'expérience nous l'a montrée, le diable se cache dans les détails. Nous avons attiré l'attention sur le problème de la consommation en public avant que la demande d'exemption soit déposée.
Il s'est passé exactement ce que nous avions prédit. Nous sommes contents que la province fasse des efforts pour remédier au problème en proposant une loi sur la consommation en public, mais elle n'a pas réussi à la mettre en œuvre jusqu'ici.
Pour revenir à la question du détournement, je rappelle que la triste réalité, c'est que sept personnes meurent tous les jours en Colombie-Britannique à cause de la crise des drogues toxiques. Ces personnes ne meurent pas à cause des médicaments d'ordonnance détournés, mais à cause de l'approvisionnement en drogues toxiques qui envahissent nos rues.
Madame Wilson, merci d'insister sur ce dernier point.
La persistance de mes collègues à vouloir parler du détournement ne manque jamais de m'étonner. Comme vous et d'autres l'avez rappelé, c'est un problème dont il faut certes s'occuper, mais ce n'est pas ce qui tue des Canadiens. C'est l'approvisionnement en drogues toxiques qui tue des Canadiens.
J'ai quelques questions brèves pour vous.
Mon collègue, M. Powlowski, a donné quelques exemples de la réalité des rues du centre-ville d'Ottawa. Je peux vous assurer que je vois couramment ce genre de choses en me rendant chez moi à pied tous les jours. Soit dit en passant, ce n'est pas un secteur visé par l'approche de décriminalisation.
Pouvez-vous nous parler de la corrélation? Je sais qu'il existe une corrélation avec l'appui du public et que c'est un problème grave qu'il faut régler, mais pouvez-vous nous parler de la corrélation entre la décriminalisation, la sécurité publique et la consommation en public?
Avant la décriminalisation, le public pouvait signaler la consommation de drogue à des endroits où elle est problématique — un terrain de jeu, un abribus ou une plage, par exemple — en téléphonant au service 911. Les policiers pouvaient intervenir et régler le problème.
La grande majorité des personnes qui consomment de la drogue — je parle en connaissance de cause après avoir fait trois affectations dans le quartier Downtown Eastside — ne cherchent pas à le faire, disons, devant des jeunes ou des enfants. Toutefois, cela peut quand même arriver et, dans ces cas, c'est très important que les policiers aient les outils voulus pour intervenir. Depuis la décriminalisation, nous ne pouvons pas intervenir quand une personne consomme de la drogue dans un lieu inapproprié si elle a moins de 2,5 grammes en sa possession et si ce lieu ne fait pas partie des exceptions à l'exemption.
En septembre dernier, nous avons obtenu l'ajout de trois exceptions à l'exemption. C'est un progrès. Ces exceptions incluent les planchodromes et les terrains de jeu. Quelques autres exceptions ont été ajoutées et il y en a maintenant neuf au total. Il reste encore des situations où la consommation de drogues pose un problème et est très préoccupante pour le public. Toutefois, si le lieu ne fait pas partie des exceptions à l'exemption, les policiers sont impuissants. Ces affaires ne concernent pas la police s'il n'y a pas d'autre comportement criminel. Si une personne est à la plage avec sa famille et que quelqu'un fume du crack à proximité, la police ne peut pas intervenir parce que les plages ne font pas partie des exceptions actuelles à l'exemption.
C'est ce que nous aimerions régler par une loi sur la consommation en public. Ce que j'aime du projet de loi qui a été présenté, c'est qu'il ne criminalise pas davantage la consommation de drogues. Il prévoit seulement l'obligation pour les policiers de demander aux consommateurs de quitter un lieu. Seul un refus d'obtempérer entraînerait des sanctions pénales, un peu comme une entrave à la justice. Cela permet un bon équilibre avec ce qui est déjà prévu dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Les droits des consommateurs de drogues sont respectés et le sentiment de sécurité des communautés est protégé. C'est primordial à mon avis.
Monsieur le président, j'aimerais présenter une motion:
Que, étant donné qu'une note interne ayant fait l'objet d'une fuite dans un réseau de santé de la Colombie-Britannique stipule ce qui suit:
« Le personnel ne doit pas fouiller ou saisir les drogues des patients ou les armes dont la lame mesure moins de quatre pouces de long, ni restreindre les visiteurs qui leur apportent des drogues pour leur usage personnel;
Cela s'applique à toute personne en possession de 2,5 grammes ou moins de fentanyl, d'héroïne, de cocaïne, de méthamphétamine ou de MDMA »;
Et que, la situation actuelle à l'hôpital général de Victoria en Colombie-Britannique, où des drogues illicites sont régulièrement consommées par les patients de l'hôpital général de Victoria, exposant les patients, y compris les femmes enceintes à la maternité, et les travailleurs de la santé aux risques d'inhaler des substances toxiques, d'entrer en contact avec des poudres illicites, et de subir des dommages de la part de patients intoxiqués, et que cette situation est le résultat des politiques de décriminalisation des drogues dangereuses;
le Comité rapporte son soutien aux victimes de cette situation, y compris les infirmières et les femmes enceintes, et sa condamnation des politiques qui permettent l'usage de drogues dangereuses dans les hôpitaux, et que le Comité appelle les témoins suivants: la ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associée de la Santé et des représentants de Santé Canada pendant au moins deux heures; des représentants du service de police de Victoria; des représentants du British Columbia Nurses Union.
Monsieur le président, je pense que les derniers éléments du témoignage que nous avons entendu montrent de plus en plus clairement que la décriminalisation engendre des problèmes très graves et qu'elle a des répercussions majeures. La représentante de la police de Vancouver nous a même dit explicitement qu'il y a des exceptions à l'exemption et que cette mesure n'a pas été mise en œuvre de manière à préserver la sécurité publique.
Par conséquent, je pense qu'il est évident qu'il nous incombe, en tant que Comité de la santé, d'étudier et d'examiner les conséquences directes de cette mesure dans nos hôpitaux. En lisant certaines histoires et certains incidents horribles dont nous avons dû être témoins, je ne peux pas imaginer que des mères qui allaitent se fassent dire par leurs infirmières qu'elles ne veulent peut-être pas allaiter leurs nourrissons parce qu'il y a des préoccupations concernant la consommation de drogues dans les hôpitaux, et que la consommation de drogues est tellement répandue dans l'espace public que des gens portent des masques à gaz.
Je me contente de vous en faire part. J'espère que nous pourrons adopter cette motion et revenir à nos témoins.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins de leur présence.
Ma question s'adresse à Mme Wilson.
Vous avez dit que nous avons besoin d'une approche à plusieurs niveaux pour faire face à la crise des opioïdes. Nous savons que la situation en Colombie-Britannique est différente de celle de l'Ontario, d'où je viens, et que de nombreuses collectivités à travers le pays sont touchées. Nous savons aussi qu'il est important de respecter les compétences de nos provinces et territoires et de collaborer avec eux.
Cela dit, qu'aimeriez-vous voir dans notre travail avec les provinces et les territoires pour lutter contre le crime organisé, qui est responsable de cet approvisionnement mortel qui tue des Canadiens?
Madame Wilson, pouvez-vous répondre à cette question?
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Merci beaucoup pour cette question.
Je pense que vous avez tout à fait raison. Je crois que la cheffe adjointe Wilson en a parlé. Il s'agit d'une approche globale.
Vous avez évoqué entre autres les raisons pour lesquelles ces personnes n'utilisent pas les sites d'injection sous supervision. Je pense que le rôle d'une approche communautaire globale incluant la santé, la justice et la police est vraiment de procéder à ce type d'évaluation, non seulement pour comprendre ce dont on a besoin dans sa communauté, mais aussi ce dont ces personnes ont envie ou besoin à un moment donné, quel que soit le problème auquel elles sont confrontées.
Nous avons recensé plusieurs ressources qui ont une incidence sur une réponse sanitaire adéquate. Le logement a été évoqué, ainsi que les sites d'injection sous supervision et leur emplacement. Je pense que le problème tient au fait que nous devons travailler tous ensemble, en collaboration avec la santé, la police et les services sociaux, pour déterminer ce qui est nécessaire et ce dont les habitants de cette collectivité ont besoin.
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Il y a beaucoup d'occasions de collaboration en matière d'éducation.
Pour préciser, je parlais du crime organisé qui crée ce qui semble être des comprimés qui ressemblent à des médicaments d'ordonnance. Il ne s'agit pas forcément de l'approvisionnement sûr, mais de toute une myriade de médicaments d'ordonnance.
Toutefois, je pense honnêtement qu'en matière d'éducation, une grande partie devrait vraiment être dirigée par le secteur de la santé. La police joue un rôle dans l'éducation, cela ne fait aucun doute. Je peux certainement parler au nom du service de police de Vancouver. Nous avons d'innombrables initiatives. Nous nous efforçons de sortir et d'éduquer surtout les jeunes sur les dangers de la consommation de drogues, que ce soit dans nos écoles ou nos centres communautaires. Nous menons toutes sortes de programmes.
Cependant, j'aimerais vraiment que le secteur de la santé prenne l'initiative d'éduquer nos jeunes et notre population sur les dangers de la consommation de drogues. Je pense que c'est un élément très important que nous devons prendre en compte chaque fois que nous réfléchissons à ces initiatives. Si nous voulons vraiment que l'approche soit axée sur la santé, il faut que le secteur de la santé prenne l'initiative dans des domaines comme l'éducation, la prévention et le traitement à la demande.
Cela ne veut pas dire que la police n'a aucun rôle à jouer à cet égard, mais j'ai l'impression que nous le faisons depuis de nombreuses années.
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Je pourrais peut-être compléter les commentaires de la cheffe adjointe Wilson.
Les gens aiment avoir le choix. Ils aiment avoir des options pour tout dans la vie. En ce qui concerne la consommation de drogues, s'il n'y a qu'une seule option et qu'elle ne leur convient pas, ils iront là où cela leur convient, et leur choix pourra être de consommer dans l'espace public.
Comme on l'a dit, dans certains de nos sites de consommation sous supervision ou de prévention des surdoses, il n'y a pas de salles d'inhalation ou il n'est pas possible d'inhaler. Nous constatons que la plupart des décès par surdose sont liés au fentanyl et à l'inhalation. Nous devons donc fournir des espaces qui le permettent, je pense, mais il ne faut pas que quelqu'un doive parcourir quatre kilomètres en autobus et traverser la ville pour trouver cet espace. Ces espaces doivent être facilement accessibles.
Cependant, il faut aussi qu'il y ait de multiples options de traitement, d'aide psychosociale et d'endroits plus sûrs. Je pense que cela mérite une discussion afin que nous ne forcions pas les gens à emprunter une voie qui pourrait ne pas leur convenir.
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Tout à fait. C'est un excellent exemple de la nécessité d'adopter une approche pluridimensionnelle de ce problème.
Il ne s'agit pas exclusivement de décriminalisation, ni d'approvisionnement sécuritaire, ni d'éducation, de traitement et de prévention. Il s'agit de tout cela à la fois. Je pense que la multiplication des sites d'injection et de consommation sécuritaires où les gens peuvent inhaler, au lieu de simplement s'injecter, est un élément très important de cette approche. Si l'on ajoute dans l'équation l'augmentation de l'itinérance, je pense qu'il est très important de fournir à ces personnes des lieux sécuritaires où elles peuvent consommer de la drogue. Nous savons que c'est ce que de nombreuses personnes choisissent de faire de toute façon.
J'ai récemment entendu parler d'un homme qui a vécu dans le Downtown Eastside pendant 20 ans et qui est maintenant abstinent depuis 11 ans. Il lui a fallu des dizaines de traitements, et il n'est encore en vie aujourd'hui que grâce à l'intervention des services de réduction des préjudices et d'approvisionnement sécuritaire.
Je pense que c'est un enjeu très complexe. Il est très important que nous adoptions une approche qui couvre tous les types de situations. Idéalement, nous faisons de la prévention et de l'éducation pour que les gens ne commencent pas à consommer, mais nous devons aussi tenir compte du fait qu'il y a des gens chez qui la consommation est profondément ancrée et nous voulons essayer de les garder en vie. Puis, il y a tous ceux qui se situent entre les deux.
C'est probablement le principal commentaire que je ferai aujourd'hui. Nous avons vraiment besoin d'une approche pluridimensionnelle, et aucune approche n'est meilleure ou pire qu'une autre. Toutes sont vraiment nécessaires.