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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 112 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 29 avril 2024

[Enregistrement électronique]

(1545)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la 112e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
    Avant de commencer, je tiens à rappeler à tous les membres et aux autres participants présents dans la salle les importantes mesures de prévention suivantes.
    Afin de prévenir des rétroactions acoustiques perturbatrices et potentiellement dommageables qui peuvent causer des blessures, tous les participants ici présents doivent tenir leur oreillette loin de leur microphone en tout temps.
     Comme le mentionne le communiqué du Président adressé à tous les membres aujourd'hui, le lundi 29 avril, les mesures suivantes ont été prises pour prévenir les rétroactions acoustiques.
    Toutes les oreillettes ont été remplacées par un modèle qui réduit de beaucoup la probabilité de rétroactions acoustiques. Ces nouvelles oreillettes sont noires, alors que les anciennes étaient grises. Veuillez utiliser uniquement les oreillettes noires approuvées.
    Par défaut, toutes les oreillettes inutilisées seront débranchées au début de la réunion.
    Lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, veuillez la placer face vers le bas au milieu de l'autocollant prévu à cette fin. Vous le trouverez sur la table, comme indiqué.
    Veuillez consulter les cartes sur la table pour savoir comment empêcher les rétroactions acoustiques.
    La disposition de la salle a été modifiée afin d'augmenter la distance entre les microphones et de réduire la probabilité de rétroaction provenant d'une oreillette à proximité.
    Ces mesures sont en place afin de nous permettre de mener nos travaux sans interruption et de protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes.
    Je vous remercie de votre collaboration.
    Conformément à notre motion de routine, j'informe le Comité que tous les participants à distance ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité reprend son étude sur l'épidémie d'opioïdes et la crise des drogues toxiques au Canada.
    J'aimerais accueillir notre groupe de témoins. Nous accueillons le Dr Nickie Mathew, qui est médecin et comparaît à titre personnel par vidéoconférence. Nous recevons le Dr Alexander Caudarella, premier dirigeant, au nom du Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances. Nous accueillons Petra Schulz, cofondatrice de Moms Stop The Harm. La Dre Marie-Ève Morin, médecin de famille spécialisée dans les dépendances et la santé mentale, comparaît également par vidéoconférence au nom du Projet Caméléon.
    Bienvenue à tous nos témoins présents aujourd'hui.
    Nous allons d'abord entendre les déclarations liminaires, en commençant par le Dr Mathew, s'il vous plaît, qui dispose de cinq minutes.
    Merci de m'avoir permis de venir ici pour m'adresser à vous. J'aimerais vous avertir que les points de vue et les opinions que j'exprime sont les miens et ne sont attribués à aucune organisation.
    Je suis psychiatre spécialisé en toxicomanie et psychiatre judiciaire, et j'aimerais parler du lien entre la toxicomanie, la maladie psychiatrique, la surdose et la violence. Pour ce faire, j'aimerais prendre un exemple de la psychiatrie judiciaire.
    Nous avons M. Untel. Son père a quitté la maison lorsqu'il était jeune. Il a été victime de racisme à l'école à cause de la couleur de sa peau. Il a trouvé un sentiment d'appartenance dans un groupe d'amis qui consommaient du cannabis. Il a commencé à consommer du cannabis au primaire et s'est mis à manquer l'école pour en consommer avec ses amis. Au secondaire, il a été transféré dans une école alternative, mais il a abandonné l'école peu de temps après. Sa consommation d'opioïdes a commencé par l'hydromorphone, qu'il achetait dans la rue. Parce qu'il consommait des substances et volait à la maison, on lui a demandé de partir, et il a déménagé dans le Downtown Eastside. Pour rester éveillé dans la rue, il a commencé à prendre de la méthamphétamine en cristaux. À peu près un an avant l'infraction à l'origine de sa peine, il a commencé à vivre une psychose avec paranoïa et hallucinations visuelles, il entendait des voix et avait des hallucinations auditives.
    Le jour de l'infraction à l'origine de la peine, M. Untel prenait du fentanyl et de la méthamphétamine en cristaux. Il a entendu des voix lui disant que la victime allait le voler. Il a donc donné un coup de poing à la victime. La victime a empoigné M. Untel, qui craignait alors pour sa vie. M. Untel a ensuite sorti son couteau et a poignardé la victime dans le cou. Il a éprouvé des remords après l'événement, lorsqu'il n'était plus intoxiqué ni en psychose. M. Untel ne connaissait pas la victime avant l'événement.
    Pour la période de 2017 à 2022, nous constatons que la toxicité des drogues non réglementées est devenue la principale cause de décès chez les jeunes de la Colombie-Britannique, et 73 % des jeunes qui sont morts avaient reçu des services du ministère du Développement des enfants et de la famille. Une étude appelée « Hotel Study », qui a examiné la population du Downtown Eastside, a découvert que 95 % des gens souffraient d'un trouble lié à la consommation de substances et que 84 % avaient une maladie mentale, 74 % souffrant d'une maladie mentale au moment de leur trouble lié à la consommation de substances. Il y avait également une prévalence, chez 45 % des sujets, d'un trouble neurologique diagnostiquable à l'aide d'une IRM, ce qui signifie que beaucoup de personnes aux prises avec ces troubles ont des lésions cérébrales.
    De plus, à l'aide du rapport du coroner en 2017, on a découvert que 52 % souffraient de troubles mentaux. Les troubles concomitants — une maladie mentale et un trouble lié à la consommation de substances — sont la règle, non pas l'exception.
    Une étude réalisée par Kristen Morin en Ontario a envisagé l'ajout d'un traitement psychiatrique pour les personnes suivant un traitement par agonistes opioïdes, c'est‑à‑dire des cliniques de méthadone. Dans le cadre de l'étude portant sur le Nord et le Sud de l'Ontario, on a découvert que l'ajout d'un traitement psychiatrique permettait de diminuer les visites à l'urgence et les hospitalisations dans ces régions, ainsi que la mortalité toutes causes confondues dans le Sud de l'Ontario.
    Beaucoup des personnes ayant fait une surdose en Colombie-Britannique consommaient des amphétamines. Entre 67 et 79 % des personnes décédées avaient des traces d'amphétamine dans leur organisme. Pourquoi devrions-nous nous inquiéter des amphétamines? Parce qu'il y a eu une augmentation du phényl‑2‑propanone dans les méthamphétamines, un composé plus puissant et plus susceptible de causer une psychose.
    Si vous examinez les personnes aux prises avec un trouble de consommation d'amphétamines, vous constaterez que 40 % ont vécu une psychose. À mesure qu'un trouble lié à la consommation d'amphétamines prend de l'ampleur, 100 % des consommateurs auront subi une psychose. La psychose est un événement neurotoxique. Au début, ces utilisateurs ne présenteront pas un comportement psychotique. Celui‑ci se manifestera lorsqu'ils seront intoxiqués, puis lorsqu'ils seront en sevrage et pendant des moments de sobriété. Il y a un effet d'embrasement, et cette psychose est plus difficile à traiter et devient plus sévère à mesure que la consommation continue.
    Quelles seraient les recommandations?
    Le traitement des dépendances est compliqué. On a abordé la crise des opioïdes comme s'il y avait une déficience en opioïdes, comme une anémie due à une déficience en fer, où, lorsque vous ajoutez du fer, vous guérissez la maladie. On a cherché presque exclusivement à fournir aux gens des types d'opioïdes suffisants et différents, présumant que cela réglerait la crise.
    Le trouble lié à la consommation d'opioïdes n'est pas une déficience en opioïdes. Tout endroit du monde qui a réglé une crise des opioïdes a employé des approches multiples où la médication n'était qu'une petite partie. Nous devons examiner un vaste éventail de données probantes et de solutions. Il est peu probable que nous trouvions une solution miracle. Compte tenu de la diversité des populations, nous aurons besoin de l'apport de la santé publique, de la médecine de la toxicomanie et de la psychiatrie de la toxicomanie, entre autres choses. Nous aurons besoin de mesures clairement définies concernant l'échec des interventions et serons prêts à réévaluer ces interventions si elles ne sont pas à la hauteur.
    De récentes données probantes canadiennes montrent que traiter les problèmes de santé mentale et de dépendance des patients de manière concomitante permettra de garder la population en vie. La psychose multiplie par trois ou quatre le risque de violence, et c'est pourquoi il est important de la traiter pour régler la violence. Un accès précoce à un traitement pour des troubles concomitants peut aider à changer la trajectoire de la maladie et du risque connexe. Les clients, particulièrement ceux à risque élevé, ont besoin d'un accès opportun aux traitements.
    En plus du traitement, il doit y avoir un hébergement stable avec des mesures de soutien appropriées. Il doit y avoir des possibilités professionnelles et de réadaptation. Les thérapies psychologiques ne sont pas couvertes. L'intervention la plus éprouvée pour les troubles liés à la consommation d'amphétamines est la gestion des contingences, qui est un traitement psychosocial. Il existe des lacunes importantes dans le système de justice pénale, surtout en ce qui concerne la libération, et ces lacunes doivent être comblées.
    Fournir des soins psychiatriques concomitants aux patients souffrant de dépendances peut permettre de réduire la violence et de sauver des vies.
    Je vous remercie.
(1550)
    Merci, docteur Mathew.
    Dr Caudarella, du Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances, a maintenant la parole pour les cinq prochaines minutes.
    Bienvenue au Comité, docteur Caudarella. La parole est à vous.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les vice-présidents et les membres du Comité, merci de m'avoir invité et d'avoir invité le Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances.
    C'est le regretté Brian Mulroney qui a créé par une loi du Parlement il y a 35 ans le Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances, ou CCDUS, une agence neutre et indépendante visant à fournir du leadership sur la santé liée à l'utilisation de substances et à faire avancer des solutions axées sur des données probantes.
    En tant que nouveau premier dirigeant du CCDUS, j'ai passé ma première année à écouter diverses voix s'exprimer sur la façon dont nous devons agir pour produire le plus d'effets possible. De plus, en tant que médecin de famille, j'ai travaillé dans trois provinces et un territoire.

[Français]

    En fait, ce sont mes patients qui me rappellent que, au Canada, lorsqu'une personne se rend à l'urgence pour un problème lié à des opioïdes, on lui offre rarement du soutien. Moins d’un pour cent des répondants à une récente étude codirigée par le Centre canadien sur les dépendances et l'usage desubstances ont dit qu'ils s'adresseraient à leur médecin de famille pour obtenir de l'aide à propos d'un problème lié à la consommation d'opioïdes.
    En Ontario, chez les jeunes, les taux de traitement par agonistes opioïdes ont diminué pendant les 10 dernières années. Le traitement doit être accessible, mais les gens se heurtent à des portes fermées partout au pays. Nous devons ouvrir les portes du traitement et en élargir l'accès le plus possible.

[Traduction]

    Aucune administration canadienne n'a surmonté ces défis. Ce sont des défis ancrés dans la douleur et la tragédie, associés à un profond sentiment d'urgence, qui ont envoyé les gens et les organisations dans toutes les directions.
    Les pays qui ont réussi à s'attaquer aux crises passées liées aux drogues l'ont fait non pas en vase clos, mais avec humilité et en adoptant des approches collectives de santé globale, pangouvernementales et communautaires.
    Une gamme de soins qui comprennent le traitement, la guérison et la réduction des méfaits, mais qui sont axés sur l'amélioration de la santé sont nécessaires. Pour réduire le risque, cette gamme de soins doit également comprendre la prévention.
    En 2011, le CCDUS a publié les premières normes mondiales en matière de prévention axées sur des données probantes. Comme la toute première déclaration d'urgence date d'il y a huit ans, nous devons penser aux vies que nous aurions pu sauver si nous avions investi des fonds. C'est pourquoi le CCDUS s'engage à créer des coalitions de prévention communautaire.
    Chaque collectivité mérite de se sentir en sécurité, et chaque personne mérite d'avoir accès aux soins dont elle a besoin, au moment et à l'endroit où elle en a besoin. Les gens veulent s'entraider, et nous devons créer des occasions pour eux de le faire. Le CCDUS a travaillé avec des personnes ayant une expérience vécue, des familles, des médecins, des policiers et des collectivités pour faire avancer ce dossier. Les solutions véritables proviendront d'eux, et le CCDUS s'engage à utiliser ses ressources et ses données pour soutenir leurs collaborations.
    Nous organisons une série de sommets communautaires sur le terrain, là où les problèmes se posent en ce qui concerne les stratégies permettant de mettre fin à la crise de la consommation de substances. Un résultat immédiat a été l'établissement de compétences pour les prescripteurs à tous les niveaux.
    Notre manque de collaboration plus efficace entre les secteurs surmène le système de soins de santé dans son ensemble. Les méfaits causés par l'utilisation de substances coûtent au pays 49 milliards de dollars ou environ 1 300 $ par Canadien.
    Je n'oublierai jamais, lorsque je travaillais à l'urgence, l'homme en douleur que j'ai vu attendre pendant quatre jours avec une hanche cassée. Sa petite-fille n'a jamais quitté son chevet. Il n'a pas pu avoir de lit d'hôpital parce qu'il y avait trois personnes en surdose dans notre unité de soins intensifs qui n'auraient jamais dû être là et deux personnes en attente d'une chirurgie cardiaque pour des infections liées à la drogue.
    On ne peut pas retourner en arrière. Nous vivons maintenant dans un monde de drogues synthétiques puissantes qui ne coûtent rien à fabriquer et sont trop faciles à acheter, et où les données et la pratique clinique évoluent rapidement.
    En 2005, le CCDUS a réaffecté des ressources en partenariat avec les provinces, les municipalités, les fournisseurs des Premières Nations, des Métis et des Inuits, les organismes d'application de la loi et les principaux ministères fédéraux pour que tout ce que nous faisions puisse soutenir ce dont nos collectivités avaient le plus besoin. Le cadre d'action national de réduction des méfaits associés à l'alcool et à la drogue qui en a résulté était pertinent, réel et percutant.
    À l'époque, nous avons collaboré dans tous les domaines. Maintenant, c'est le temps pour les dirigeants de notre domaine, y compris moi, de mettre la table et de travailler ensemble. Les solutions se trouvent dans les collectivités, et nous devons fournir les données, les données scientifiques et les ressources pour les activer.
    Je vous remercie de votre temps et de mener cette étude sur ces questions importantes.
(1555)
    Merci, Dr Caudarella.
    Nous accueillons maintenant Petra Schulz, cofondatrice de Moms Stop the Harm.
    Bienvenue au Comité, madame Schulz. La parole est à vous.
    Je vous remercie de me donner l'occasion d'être ici.
    Je suis cofondatrice de Moms Stop the Harm, qui représente des milliers de familles au Canada. La plupart d'entre elles pleurent un être cher en raison de la crise des drogues toxiques, et bon nombre d'entre elles soutiennent des proches qui ont vécu une telle expérience ou sont en train de la vivre. Notre site Web renferme 600 images d'êtres chers qui sont décédés.
    Ma présence ici aujourd'hui est à la fois porteuse de sens et difficile, car nous célébrerons demain le 10e anniversaire de décès de notre fils Danny. Danny était un frère, un ami et un chef talentueux.
    Danny est l'exemple même d'une politique sur les drogues ratée. Il a pris de la méthadone pendant un certain temps, puis a été abstinent, mais il n'a jamais été stable. En 2014, le fentanyl est apparu sur le marché, et il en a été l'une des premières victimes. Il n'y a eu aucun avertissement, et il n'a pas eu accès à des services de réduction des méfaits, ce qui aurait pu le sauver.
    Aujourd'hui, presque tout le monde connaît quelqu'un qui a perdu un proche. Les personnes qui meurent sont celles qui consommaient des drogues tous les jours ou à l'occasion, ou qui en ont consommé une seule fois, comme Olivia, une fille de 13 ans du centre de l'Alberta, qui est morte après avoir pris de la drogue avec une amie. Nous ne savons pas quelle substance les adolescentes avaient l'intention d'utiliser ni quelle quantité, mais le fentanyl non réglementé les a tuées toutes les deux.
    L'augmentation des décès attribuables à l'approvisionnement en drogues toxiques est motivée par les décisions politiques prohibitionnistes qui n'ont pas permis de garder nos proches en sécurité. Cela comprend le défaut de mettre en œuvre une politique robuste de réduction des méfaits partout au pays.
    Au Canada, presque tous les décès sont causés par les drogues non réglementées, dont plus de 85 % à l'échelle nationale; et pour les opioïdes en Alberta, il s'agit de 98 %, un taux stupéfiant. Or, nous voyons des chefs politiques susciter une panique morale pour les 2 %, tout en faisant fi des autres 98 %. On nous dit qu'il s'agit d'une crise de la toxicomanie et que l'augmentation du nombre de lits et de traitements fondés sur l'abstinence seront la réponse. Pourtant, l'exemple souvent cité, le modèle de l'Alberta, n'a pas permis de sauver des vies. À ce chapitre, 2023 sera la pire année pour ce qui est du bilan des décès dans ma province d'origine.
    Selon les données nationales, la consommation de substance n'a pas augmenté en plus de 10 ans, mais les décès ont connu une croissance fulgurante. Pourquoi?
    Le problème est non pas celui de la dépendance, mais bien de l'approvisionnement non réglementé et toxique. L'accès aux services de consommation, la vérification des drogues, des solutions de rechange non réglementées et la décriminalisation des personnes qui consomment de la drogue sont nécessaires. Malheureusement, ces mesures actuellement en place ne suffisent pas à répondre à l'ampleur de la crise et ne permettent pas d'atteindre toutes les communautés.
    C'est un problème qui touche la Commission de vérité et réconciliation. Dans son rapport, la Commission de vérité et réconciliation demande au gouvernement de combler les écarts dans les résultats en matière de santé entre les populations autochtones et non autochtones, mais les populations autochtones sont touchées de manière disproportionnée. Elles sont sept fois plus susceptibles de mourir en Alberta, et cinq en Colombie-Britannique.
    Sarah Auger a perdu son fils Lakotah en 2022. Il était un père attentionné, un fils aimant et un fier Cri. Il consommait de l'alcool et d'autres substances, mais son utilisation de substances non réglementées, y compris le fentanyl qui l'a plus tard emporté, s'est aggravée seulement après son incarcération. Même si nous savons que les méfaits de l'alcool surpassent ceux de toutes les autres substances, une seule consommation ne va pas vous tuer.
    L'histoire de Lakotah et celle de Mike illustrent également le danger lié au fait de forcer des gens à l'abstinence malgré les risques bien documentés. Mike était le fils de la présidente de notre conseil d'administration, Traci Letts. C'était un garçon enjoué, attentionné et un cuisinier passionné. Lakotah et Mike sont tous les deux morts peu après leur incarcération.
    De même, Angela Welz a perdu sa jeune fille Zoe, qui était sportive, drôle et impétueuse, peu après avoir tenté deux fois, en vain, d'obtenir de l'aide au moyen de la détention involontaire prévue par la loi PChAD de l'Alberta.
    Ce qui est si troublant, c'est la politisation de la mort de nos proches par la désinformation et des mensonges éhontés. Il s'agit d'un enjeu de santé publique qui doit être traité comme tel. Je vous prie de mettre fin aux débats colériques, nuisibles, désinformés et polarisants. On doit retirer la politique et l'idéologie des soins de santé.
    Il nous faut travailler ensemble et nous concentrer sur ce que nous disent les données probantes. La réduction des méfaits, y compris la fourniture de solutions de rechange réglementées, sauve des vies. Un traitement volontaire et responsable axé sur les données probantes sauve des vies. La prévention et l'examen des déterminants sociaux de la santé sauvent des vies. Le débat n'oppose pas la réduction des méfaits à la guérison. Nos êtres chers ont besoin des deux et les méritent.
    Je pense à Danny tous les jours et je sais qu'il voulait obtenir de l'aide. Le jour précédant sa mort, il m'a demandé de prendre un rendez-vous avec sa psychologue. Il n'a pas vécu assez longtemps pour la voir. Plus de traitements n'auraient pas permis de le sauver, mais la réduction des méfaits et l'accès à des substances réglementées, si.
    Là où il y a de la vie, il y a de l'espoir. C'est votre responsabilité de vous assurer que nos êtres chers vivent et que nous gardons espoir que les décès inutiles cessent.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous.
(1600)
    Merci, madame Schulz.

[Français]

    Nous passons maintenant à la représentante de l'organisme Projet Caméléon.
    Docteure Marie-Eve Morin, je vous souhaite la bienvenue au Comité.
    Vous avez la parole.
    Bonjour à tous les membres du Comité ainsi qu'à mes collègues témoins experts.
    D'abord, merci de me recevoir aujourd'hui. C'est un privilège de pouvoir vous faire part de ma vision des problèmes liés aux dépendances et à la santé mentale chez les jeunes.
    Le sujet de l'étude que mène le Comité tombe à point. L'Organisation mondiale de la santé, ou OMS, vient tout juste de publier une étude alarmante réalisée dans plusieurs pays, dont le Canada, au sujet de la hausse de la consommation de cannabis et d'alcool ainsi que de l'utilisation de la cigarette électronique chez les adolescents. De plus, les surdoses d'opioïdes et d'autres substances sont la première cause de mortalité chez les adolescents dans l'Ouest du pays.
    Je suis médecin de famille en dépendances et en santé mentale depuis 20 ans à Montréal. Je pratique actuellement à la clinique médicale La Licorne. J'ai eu l'occasion de travailler dans divers contextes, toujours liés aux dépendances et à la santé mentale. En 2017, j'ai fondé le Projet Caméléon, un organisme sans but lucratif, ou OSBL, axé sur la réduction des méfaits.
    En septembre prochain, je vais publier un livre au sujet des drogues et des dépendances, lequel sera destiné aux jeunes de 12 à 25 ans ainsi qu'à leurs parents et à leurs professeurs. Les adolescents me tiennent à cœur. Selon moi, il est urgent d'éduquer franchement nos jeunes au sujet du fonctionnement de leur cerveau et de l'impact des drogues sur ce dernier, d'après une approche non moralisatrice. Selon mon expérience, la meilleure prévention demeure l'éducation, et la répression est dépassée.
    Un autre phénomène que j'ai pu observer depuis ma propre adolescence, c'est l'explosion de la diversité des drogues disponibles sur le marché noir. Lorsque j'étais au secondaire, il y a 30 ans, il n'y avait pas de méthamphétamine, de GHB, de MDMA, de lean, de kétamine, de fentanyl, de vapoteuses à extrait de cannabis, que l'on appelle en anglais « wax pen », d'ecstasy, et encore moins de médicaments à base d'opioïdes et de benzodiazépines. Les trafiquants n'ont plus aucun scrupule à laisser le fentanyl et les autres opioïdes envahir le marché: les profits avant tout. Pour ce qui est des adolescents, il est bien connu que c'est souvent dans la pharmacie familiale qu'ils ont leur premier contact avec les opioïdes ou les benzodiazépines.
    Depuis 2005, je donne des conférences dans les écoles, surtout les écoles secondaires privées, car les écoles publiques affirment ne pas avoir le budget nécessaire pour la prévention des dépendances chez leurs étudiants. Pourtant, on pourrait vraiment avoir un impact sur les jeunes, si au moins les profits de la vente de cannabis étaient réellement réinvestis en prévention, en éducation et en traitement des dépendances.
    Depuis la légalisation du cannabis, on observe plutôt une banalisation à outrance de la consommation de cannabis, tant chez les jeunes que chez leurs parents. Légal égale banal. En réalité, le THC est plutôt un perturbateur extrêmement puissant et imprévisible, même à faible dose. Même s'ils sont toujours illégaux, en raison de leur très haute teneur en THC, les wax pens circulent amplement dans les écoles secondaires au pays. En fait, il semble y avoir une augmentation des consultations à l'urgence et des hospitalisations pour des jeunes, en raison de psychoses au THC, même si la vente est interdite aux mineurs. Non seulement la légalisation est loin d'avoir enrayé le marché noir, mais elle a fait chuter le prix du cannabis encore vendu illégalement dans la rue.
    Comme plusieurs, j'ai pu observer que la pandémie a eu un impact délétère majeur sur la santé mentale et sur l'abus de substances, tout particulièrement chez nos jeunes de 25 ans et moins. Ils sont en manque de passions et de contacts humains. L'isolement, l'omniprésence des écrans, des cellulaires et des médias sociaux, le jeu vidéo compulsif et l'absence de loisirs ont eu des conséquences parfois catastrophiques sur l'équilibre mental de ces jeunes, dont le cerveau est en plein développement. De plus, ces facteurs ont eu un effet de catalyseur sur le développement de problèmes liés à l'usage de substances, y compris l'alcool, chez les adolescents. Ces substances sont souvent consommées en guise d'automédication. Il faut préciser que de 50 à 70 % des personnes souffrant de dépendances souffrent aussi d'un autre problème de santé mentale primaire, qui était présent bien avant la consommation. C'est ce qu'on appelle la comorbidité. Mon collègue en a parlé tout à l'heure. Par exemple, un adolescent qui souffre d'un trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité, ou TDAH, non traité peut très bien se sentir soulagé et plus fonctionnel par la prise d'un stimulant comme le speed ou même d'un dépresseur, comme l'hydromorphone.
    Si tous mes patients finissaient en prison, en psychiatrie ou à la morgue, je ne ferais pas ce travail depuis 20 ans. Plusieurs s'en sortent et redeviennent fonctionnels et autonomes. Pour cela, il faut du temps, de l'écoute et de l'empathie afin de pouvoir déceler les traumatismes et traiter les comorbidités dès que possible. Selon mon expérience, cela réduit la criminalité et les méfaits liés à la consommation de drogues et d'alcool, en plus d'améliorer la santé globale.
(1605)
    Mon humble recommandation au Comité serait de mettre en place des mesures concrètes en matière de prévention, de traitement et d'éducation en lien avec l'usage de toutes substances, y compris l'alcool, au bénéfice de tous nos adolescents, dans toutes nos écoles.
    Merci beaucoup de votre attention.
    Merci à vous.

[Traduction]

    Nous allons maintenant commencer nos séries de questions.
    Nous commençons par M. Ellis pour six minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tout le monde d'être ici.
    Docteur Mathew, vous avez parlé un peu de comorbidités. J'ai une préoccupation concernant la consommation de cannabis et la psychose qui y est associée.
    Pourriez-vous nous dire d'après votre expérience quelle en est la prévalence dans la société ces jours‑ci?
    En ce qui concerne la consommation de cannabis au Canada, nous avons constaté une augmentation des troubles liés à la consommation de cannabis. Nous avons également vu une augmentation des visites à l'urgence pour les psychoses liées au cannabis. La légalisation du cannabis n'a pas permis de diminuer cela.
    Cependant, il faut atteindre un équilibre. Cet inconvénient a‑t‑il été compensé par l'avantage de la diminution de la criminalisation des personnes qui consomment le cannabis? Je laisserai le soin aux décideurs de le déterminer, mais il semble y avoir des avantages et des inconvénients à la légalisation.
    Docteur Mathew, vous avez parlé un peu des psychoses associées à la consommation de méthamphétamines.
    Selon votre expérience — et si vous n'avez pas d'expérience dans ce domaine, je serai heureux de poser la question à quelqu'un d'autre — s'agit‑il du même type de psychose que ce qui se passerait avec la schizophrénie ou avec le trouble lié à la consommation de cannabis?
    C'est une vaste question.
    La psychose est un symptôme et une perte de contact avec la réalité. Il pourrait s'agir de fausses croyances fixes, qui sont des idées délirantes, ou bien d'hallucinations, qui sont des perceptions sensorielles erronées, ou vous pourriez être en proie à des pensées incohérentes.
    Il est très difficile de distinguer le tableau clinique des personnes qui ont un trouble mental intrinsèque et organique comme la schizophrénie et celles qui ont subi une psychose causée par la consommation de substances, comme le cannabis ou les amphétamines.
     L'une des choses que nous avons découvertes, c'est que des personnes peuvent souffrir d'une psychose causée par la consommation de substances qui dure très longtemps. Le manuel que nous utilisons en psychiatrie, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, le DSM, indique une durée de un mois pour la psychose provoquée par la consommation de substances. Cependant, une recherche récente menée par Shah et coll. a révélé que 80 % des psychoses causées par le cannabis durent plus de un mois. Nous savons que, dans le cas des psychoses provoquées par les amphétamines, 27 % durent plus de un mois. Il est en fait très fréquent que ces psychoses durent plus de un mois, et cliniquement, il est très difficile de les distinguer.
    Au bout du compte, le traitement est le même, alors on utilisera des médicaments antipsychotiques pour traiter les deux.
    Docteur Mathew, je vous remercie.
    Par votre entremise, monsieur le président, je m'adresse de nouveau au Dr Mathew: lorsque nous parlons de poser le diagnostic d'une personne qui a un trouble lié à la consommation de substances et une maladie mentale concomitante — appelons cela simplement de manière générique « psychose » — est‑il possible de les distinguer lorsque la personne continue d'utiliser la substance de son choix?
    Une étude, dont le nom de l'auteur m'échappe en ce moment, s'est penchée sur les personnes qui entraient dans un établissement de traitement de la toxicomanie. L'échelle utilisée s'appelait « bref inventaire des symptômes » et examinait différents types de symptômes psychiatriques comme la dépression, l'anxiété et la paranoïa, qu'on appelait « psychoticisme ».
    On a découvert que, parmi toutes les personnes qui entraient dans cet établissement de traitement de la toxicomanie, 39 % éprouvaient des symptômes psychiatriques. Cependant, après un mois de sobriété, ce chiffre était 13 fois plus bas pour s'établir à 3 %, et ce chiffre de 3 % est resté stable six mois après. C'est ce qui a été recommandé dans le DSM, que j'ai mentionné plus tôt. C'est-à-dire que vous devriez attendre un mois après le début de la sobriété avant de diagnostiquer une maladie psychiatrique.
    Pour répondre à votre question, si une personne consomme actuellement des substances et n'est pas sobre depuis un mois et que vous n'avez pas d'historique longitudinal de dossiers cliniques, il est très difficile de poser un diagnostic psychiatrique avant cette période de sobriété.
(1610)
    Merci beaucoup de votre réponse.
    Par votre entremise, monsieur le président, si je vous ai bien compris, docteur Mathew, vous proposeriez de traiter cette personne au moyen d'une médication pour la psychose même si elle continue de consommer activement sa substance de choix?
    Pour la médication antipsychotique, vous verrez que si une personne souffre d'une psychose causée par la consommation de substance et qu'elle prend un médicament antipsychotique, ce médicament ne l'empêchera pas d'adopter un comportement psychotique.
    Plus tôt, j'ai parlé d'un effet d'embrasement qui s'est produit avec la consommation de substances. Comme je l'ai mentionné plus tôt, ce qui se passe, c'est que vous devenez psychotique durant l'intoxication, et cela se répercute sur la sobriété, qui se répercute sur... et les symptômes deviennent plus sévères. Cela empêche en fait la progression, et c'est l'avantage.
    De plus, si une personne est en proie à une psychose aiguë, cela l'aidera à traiter ses symptômes psychotiques aigus.
    Merci beaucoup, docteur Mathew.
    Par votre entremise, monsieur le président, j'aimerais proposer la motion suivante:
Que, étant donné
La dangereuse expérience de décriminalisation de drogues, comme la cocaïne, le crack, les méthamphétamines, le fentanyl et bien d’autres, menée par le premier ministre Justin Trudeau en Colombie-Britannique, a entraîné une augmentation significative des surdoses mortelles et compromis la sécurité des Canadiens;
L’expérience de décriminalisation des drogues a entraîné un carnage et un chaos, avec des conséquences néfastes sur la santé publique et la sécurité communautaire;
La semaine dernière, le premier ministre de la Colombie-Britannique David Eby a reconnu les échecs de cette expérience et a demandé le gouvernement fédéral à l'aider à revenir sur cette décision politique imprudente;
La ville de Toronto a déposé une demande auprès de Santé Canada pour la décriminalisation des drogues, en la qualifiant de modèle de Toronto, la consommation de drogues serait légale partout, à l'exception des garderies, des écoles primaires et secondaires et les aéroports;
Les Canadiens d’un océan à l’autre réclament la fin de la décriminalisation, sachant qu'il s'agit d'un système axé sur la reprise qui permet de sauver des vies, de reconstruire des familles et d'éliminer le chaos;
Le Comité fasse rapport à la Chambre qu’il demande au gouvernement d'immédiatement démanteler tous les programmes de décriminalisation des drogues au Canada.
    Merci.
    Merci, monsieur Ellis.
    La motion effleure le sujet que nous étudions maintenant. Elle est donc en règle, étant donné que nous étudions l'épidémie d'opioïdes et la crise des drogues toxiques.
    Je déclare la motion en règle. Par conséquent, le débat porte sur la motion.
    Je vais céder la parole à M. Hanley d'abord, puis ce sera M. Doherty.
    Merci, monsieur le président.
    La réunion d'aujourd'hui est très importante. Nous avons quatre excellents témoins. Nous venons à peine de commencer d'entendre les témoignages. Je pense que la motion, même si elle est en règle, n'est pas une chose dont nous devons débattre maintenant. Ce qu'il nous faut vraiment, c'est entendre les témoignages des témoins.
    Je pense qu'il s'agit d'une motion frivole, et je propose donc que l'on ajourne le débat.
    La motion d'ajourner le débat est une motion dilatoire qui ne peut pas faire l'objet d'un débat et doit être directement mise aux voix.
    À main levée, le Comité désire-t‑il ajourner le débat?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: La motion est adoptée, et le débat est ajourné.
    Le tour de M. Ellis est terminé.
    La parole revient à M. Hanley, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Encore une fois, merci à tous les témoins d'avoir présenté aujourd'hui des témoignages très importants.
    Docteur Caudarella, j'aimerais commencer par vous. Vous avez écrit que les interventions et les solutions variaient fortement en fonction des collectivités. Vous parlez d'une diversité d'approches qui répondent aux besoins des collectivités, et de ce qui permet d'établir une approche efficace en tant que gamme de soins.
    Pourriez-vous parler d'une collectivité ou d'une approche qui a réussi à intégrer les éléments importants d'une approche communautaire? Il peut s'agir d'un exemple réel ou peut-être même d'un exemple hypothétique de ce qui pourrait en fait fonctionner.
(1615)
    Lorsque nous parlons de ces approches, ce sont souvent des aspects où des associations entre les secteurs n'ont traditionnellement pas fonctionné. Ce sont des aspects où vous verrez des responsables de l'application de la loi et de la santé collaborer, où vous verrez des villes travailler avec les familles et les différents constituants.
    J'ai quelques exemples en tête. L'Islande, par exemple, s'est attaquée aux taux très élevés de consommation d'alcool chez ses jeunes. Elle a réussi à faire de la question le problème de tous. Cela concernait non seulement les experts, les spécialistes, mais aussi les parents, les enseignants. Tout le monde estimait avoir un rôle à jouer, dès le lever du jour, pour contribuer à la réduction des méfaits. Le projet a connu une grande réussite.
    En France, pendant une épidémie d'héroïne dans les années 1990, encore une fois, le pays a choisi d'en faire le problème de tous. Chaque prescripteur s'est fait expliquer comment utiliser le Suboxone et comment faire différentes choses.
    En fait, dans le cadre de certaines de nos récentes conférences et de différents constituants, nous avons constaté que, avec les bonnes mesures de soutien, on peut mettre des gens aux idées diverses dans la même salle tant qu'ils ont l'impression d'aller de l'avant et de participer. Je pense qu'une bonne partie de la colère et de la frustration que nous entendons de la part des membres de notre communauté est en fait une volonté de participer davantage au processus. Les gens veulent participer à ce qui se passe dans leur collectivité, mais ils veulent aussi faire partie des solutions.
    Merci.
    Madame Schulz, je vous remercie de votre témoignage. Je suis vraiment désolé de ce qui est arrivé à Danny et de l'anniversaire de dix ans qui approche. Je suis sûr que vous rejouez en boucle, peut-être des milliers de fois ou plus, ce qui aurait pu arriver.
    Si Danny était ici aujourd'hui dans cette situation, quel serait le soutien idéal pour l'aider à survivre et même à s'épanouir?
    Je vous remercie de la question et de vos aimables paroles.
    Pour ce qui est de Danny, de toute évidence, il n'était pas rendu à vouloir cesser de consommer. Nombre de personnes qui consomment des substances ne se rendent pas à ce moment ou à la bonne position pour vouloir cesser de consommer, mais tout le monde mérite le droit de vivre.
    À ce moment‑là, si Danny avait eu accès à des solutions de rechange réglementées, cela lui aurait donné la possibilité de consommer une substance qui ne l'aurait pas tué, l'aurait mis en lien avec un système de santé et lui aurait ouvert des portes pour qu'il puisse aller chercher d'autres mesures de soutien.
    Il était également aux prises avec quelques problèmes de santé mentale auxquels on aurait pu s'attaquer à l'époque, ce qui aurait constitué un élément primordial. À ce moment‑là, il n'existait aucune solution de réduction des méfaits, ce qu'on a maintenant élargi. Il était toujours très conscient de la sécurité. Même le jour précédant sa mort, il a acheté de nouvelles seringues. Nous avons vu le reçu de cet achat, une chose très difficile pour nous.
    La situation aurait pu être meilleure s'il y avait eu un endroit sûr où consommer. Il est mort à quelques pas du lieu où il y a eu plus tard eu un centre de consommation en Alberta, mais qui a fermé par la suite.
    Pour ceux qui estiment que la recriminalisation mettra fin à la consommation publique de substances, je les invite à venir en Alberta. Il s'y fait beaucoup de consommation de substances en public, parce que nos lieux de consommation sûrs sont fermés. Tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas de logements et de lieux sûrs que les gens peuvent utiliser, nous assisterons à la consommation de substances en public et verrons aussi des gens comme Danny consommer seuls à la maison.
    Une autre chose qui aurait aidé Danny est la décriminalisation. Il était très conscient de sa consommation de substances, et il en avait honte. Il avait l'impression que cela faisait honte à la famille et était source de stigmatisation. La stigmatisation est un énorme problème. Nous en parlons souvent, mais nous n'éliminerons pas la stigmatisation tant que vous ne mettrez pas fin à la criminalisation de la consommation de substances.
    Excusez-moi, car il ne me reste que une minute ou deux. C'était formidable, merci.
    Pensez-vous que la consommation criminelle de drogues a été un facteur dans le décès de Danny et dans celui d'Olivia que vous avez décrit, oui ou non?
    Absolument, le fait d'avoir accès uniquement à des substances non réglementées et de devoir cacher sa consommation a été un énorme facteur. Il rêvait de s'enrôler dans l'armée. C'est une chose qu'il voulait faire, et il savait que les antécédents de consommation de substances l'auraient empêché de le faire, c'est donc pourquoi il voulait absolument se cacher aux yeux du public, mais aussi de sa famille, et c'est pourquoi il a fini par mourir seul.
(1620)
    Je vous remercie.
    Dans le peu de temps qu'il me reste, sur la même lancée que le commentaire du Dr Caudarella, je constate qu'il y a un petit problème où nous séparons nous et eux. Comment pouvons-nous renforcer l'idée que c'est le problème de tous, un problème pour nous tous?
    Merci.
    Je pense que nous avons leur attention. Nous avons l'attention des gens. Ce n'est plus une question de sensibilisation. En réalité, les gens doivent savoir et croire que nous avons à la fois les preuves et les données qui nous permettront de faire avancer les choses.
    Je pense que c'est pourquoi je suis de plus en plus partisan du travail de coalition communautaire, une tactique de prévention axée sur les données probantes pour essayer de sensibiliser les gens... Je ne crois pas que les gens ne veulent pas participer. Je pense que, en ce moment, ils ne savent pas quoi faire. Nous savons que beaucoup de choses contribuent à la prévention, au traitement, à la guérison et à la réduction des méfaits, mais je ne pense pas qu'ils savent ce qu'est leur rôle. Comment pouvons-nous dessiner ce squelette, et comment pouvons-nous les soutenir?
    D'un point de vue réaliste, beaucoup de ces mesures sont excessivement rentables, mais...
    Merci, docteur Caudarella. C'est tout le temps dont nous disposons pour ce tour.

[Français]

     Monsieur Thériault, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leurs témoignages.
    Docteure Morin, cela fait 20 ans que vous travaillez dans le domaine de la réduction des méfaits. Je ne veux pas parler trop longtemps, car je ne dispose que de six minutes. Je veux surtout avoir vos observations.
    Plusieurs témoins sont venus nous dire que, compte tenu de la crise liée aux drogues illicites contaminées et de la quasi-épidémie de morts, il fallait faire des choses. Je pense notamment à l'approvisionnement sécuritaire. On s'aperçoit maintenant que les sites de consommation supervisée posent des problèmes.
    Vos 20 ans d'expérience en réduction des méfaits vous conduisent aujourd'hui à dire qu'il faut faire encore davantage de prévention. Toutefois, vous avez parlé tout à l'heure de l'échec, en quelque sorte, de la légalisation de la marijuana.
    Faut-il la criminaliser à nouveau? J'aimerais entendre ce que vous avez à dire là-dessus.
    Merci de cette excellente question. Je pourrais vous parler de cela pendant trois heures.
    D'abord, il est important de mettre les choses au clair. Lorsqu'on traite des personnes souffrant de dépendances, il y a un continuum de soins. La réduction des méfaits en fait partie, mais ce n'est pas une solution absolue. C'est une étape.
    À l'autre extrême, il y a aussi le traitement des comorbidités. On sait que de 50 à 70 % des personnes toxicomanes ont aussi besoin de recevoir un traitement pour un problème de santé mentale. Il peut s'agir de personnes souffrant de bipolarité, d'un TDAH, de troubles anxieux, et ainsi de suite. De plus, au moins 50 % des opiomanes souffrent de douleur chronique. Ainsi, quand on traite les comorbidités existantes, qu'elles soient de nature physique ou psychiatrique, c'est bien moins difficile, sans dire que c'est facile, pour une personne d'abandonner sa substance de choix.
    Il y a une autre chose que je tiens à dire. Tantôt, on a parlé un peu de la criminalité et de la criminalisation des personnes souffrant de dépendances. J'ai travaillé quatre ans dans les prisons fédérales et j'ai été à même de constater que 80 % des détenus ont commis un délit lié directement ou indirectement aux drogues ou à l'alcool. Cette donnée a été étudiée. Pour ce qui est de la décriminalisation des drogues, je pense que l'exposition à celles-ci a tendance à faire augmenter leur consommation. Je pensais que c'était plus réaliste il y a quelques années. À l'heure actuelle, je ne suis pas certaine que nous soyons prêts pour cela.
    Finalement, je dirais que c'est assez paradoxal qu'il y ait autant de décès liés à la consommation d'opioïdes. En effet, la seule dépendance connue qui se traite pharmacologiquement, et dont le taux de succès est de presque 100 %, c'est la dépendance aux opioïdes. Nous pouvons traiter cette dépendance par la méthadone et la buprénorphine, et, quand ces traitements sont administrés à la bonne personne et suivant la bonne posologie, ils peuvent faire en sorte d'amener la personne à arrêter complètement la consommation d'opioïdes.
    Il faut donc aller à la base du problème et se concentrer sur les ressources en psychiatrie et en médecine générale pour traiter les douleurs chroniques. La réduction des méfaits, selon moi, est une étape. Tout alcoolique qui veut arrêter de boire va, au début, essayer de se maîtriser avant d'arrêter pour de bon. La réduction des méfaits est une façon d'amener les gens vers un éventuel arrêt de la consommation, une abstinence totale ou, du moins, une réduction de la consommation, en traitant les comorbidités.
    C'est ce que je constate, mais la réduction des méfaits n'est pas une religion pour moi. C'est un outil, et, parfois, ce n'est pas de cet outil qu’on a besoin. Il s'applique à toutes les dépendances, mais ce n'est pas une solution absolue.
(1625)
    Oui, j'ai bien compris.
    Vous nous dites qu'il faudrait intervenir davantage à l'étape de la prévention, mais il y a des tabous liés à la consommation. Le premier, c'est que les gens vont d'abord et avant tout consommer de façon récréative, parce que c'est bon. Cela, on ne le dit jamais. Si on veut faire de la prévention...
    C'est tout à fait vrai. Cependant, il y a 25 ans, c'était peut-être un peu plus vrai qu'aujourd'hui, parce qu'il y avait beaucoup moins de drogues, et celles qui étaient sur le marché étaient de bonne qualité. C'est plate à dire, mais c'est la réalité.
    Aujourd'hui, il y a la contamination des drogues et leur multiplication. Les jeunes vont aussi mélanger des substances. Des monotoxicomanes, je n'en connais pas beaucoup. Ce que je constate sur le terrain, c'est la polytoxicomanie.
    La réduction des méfaits, comme je vous le disais, est un outil, mais cela ne va pas tout régler. Il faut aller à la base du problème et traiter les comorbidités.
    Je pensais à Vancouver, où les autorités veulent essayer à nouveau de maîtriser la situation relativement à la consommation de substances en public.
    Je peux comprendre leur intention, mais doit-on envisager une loi?
    Les autorités municipales auraient pu adopter un règlement pour permettre à la police d'exercer un pouvoir discrétionnaire afin d'éviter la stigmatisation ainsi que les problèmes liés à la consommation.
    On parle de consommation de substances dans les salles d'attente. Y a-t-il de la consommation dans les salles d'attente à Montréal?
    Il y en a partout, vous savez, même dans les toilettes publiques.
    Je pense qu'il sera difficile de revenir en arrière. Je ne veux pas être pessimiste, mais on a ouvert les portes, et ce sera très difficile de les refermer. Je ne sais pas comment nous allons nous y prendre.
    Pour ma part, je pense qu'il faudra augmenter le nombre de travailleurs sociaux, de travailleurs de rue, de psychologues et d'intervenants en toxicologie pour diriger les gens aux prises avec des problèmes liés à la consommation vers des soins adaptés en santé mentale ou en psychiatrie.
    Je pense qu'il serait très difficile de faire appliquer une loi. Ce serait un peu comme vouloir interdire aux gens de rouler à une vitesse supérieure à 100 kilomètres à l'heure sur l'autoroute. C'est interdit, mais c'est toléré par tout le monde.
    Selon moi, il sera difficile de revenir en arrière sans s'occuper des comorbidités, des problèmes de santé mentale et de la criminalité qui sont liés à cette consommation, que ce soit à cause de psychoses ou parce que les gens sont en sevrage.
    Merci, docteure Morin.

[Traduction]

    Le prochain est M. Johns, s'il vous plaît, pour six minutes.
    Merci à tous les témoins d'être ici.
    Je vais m'adresser à Mme Schulz, d'abord, et lui exprimer mes condoléances également pour Danny, à la veille de l'anniversaire de son décès. Vous, les mères et les familles savez mieux que quiconque à quel point l'approvisionnement en drogues illicites et toxiques est dangereux en ce moment et ce que c'est que de soutenir une personne qui souffre d'un trouble lié à l'utilisation de substances.
    En Colombie-Britannique, les chiffres se sont stabilisés à environ 5 % année après année pour ce qui est de la croissance des décès par surdose. Aucun décès par surdose n'est une bonne chose. En Ontario, la proportion était de 6,8 %. La province offre également un approvisionnement sûr. C'est une très petite proportion dans les deux provinces. Je pense que moins de 2,5 % des gens qui ont accès à un approvisionnement sûr font une surdose. En Alberta, les chiffres ont augmenté de 17 % dans votre province d'origine. En Saskatchewan, ils ont augmenté de 23 %. Un État voisin, l'Alaska, un État républicain, a connu une augmentation de 45 % année après année. Il vient de surpasser la Colombie-Britannique pour le nombre de décès dus à des drogues toxiques par tranche de 100 000 habitants, et l'Alberta est en voie de surpasser la Colombie-Britannique d'ici juin.
    Pourriez-vous nous dire ce qui se passe dans votre province d'origine et pourquoi il y a une telle augmentation en Alberta, en Saskatchewan et peut-être en Alaska?
    Ce qui se passe dans ma province est déchirant. Nous avons vu un gouvernement qui a une vision à courte vue sur le traitement. Croyez-moi: le traitement est important. Nous adorons le traitement. Nous adorons la guérison en tant que familles, mais nous devons nous assurer que les gens vont bien et qu'ils sont en vie.
    Même dans ce modèle de traitement, un système de soins axé sur la guérison est en place depuis quatre ans et demi, mais, comme vous l'avez décrit, nous connaissons certaines des augmentations les plus élevées au pays.
    Récemment, j'ai essayé d'amener quelqu'un en cure de désintoxication. Vous devez vous présenter au centre de désintoxication trois jours de suite à neuf heures le matin pour que la personne puisse être admise. Expliquez à quelqu'un qui utilise des stimulants qu'elle doit se lever tôt, m'accompagner trois jours de suite et que, peut-être, un jour ils la laisseront entrer.
    La communauté qui s'occupe de la guérison à Red Deer a une liste d'attente de six mois. Ma chère amie, Esther Tailfeathers, vient de la Tribu des Blood, dans le Sud de l'Alberta, où le gouvernement a fermé le centre de consommation. Lethbridge a maintenant un taux par habitant trois fois supérieur à celui d'autres collectivités. Il s'agissait du seul centre qui offrait l'inhalation. La plupart des gens ont maintenant adopté l'inhalation, et nous ne fournissons pas ces services partout.
    Dans le Sud de l'Alberta, à Lethbridge, la Tribu des Blood s'est fait promettre une communauté responsable de la guérison il y a trois ans et demi. Le projet a été inauguré, mais il n'y a pas de construction.
    Il s'agit non seulement d'une vision à courte vue de ce qu'on appelle la « guérison », mais cela n'existe que dans le nom. Ce n'est en fait pas offert aux gens qui en ont besoin, où l'approvisionnement en drogues devient plus toxique, et vous le voyez dans les augmentations.
    Pour moi, le vrai succès de toute approche stratégique se mesure lorsque mes amis n'ont pas à organiser de funérailles. Voilà une véritable mesure du succès. La présidente de notre conseil d'administration, Traci Letts, planifie les funérailles de son fils. Tant et aussi longtemps que cela se poursuivra, le modèle ne sera pas fructueux, et le modèle de l'Alberta nous laisse tomber. Lorsque les gens insistent pour une guérison sans réduction des méfaits, sans prévention — personne ne parle plus de prévention... Je suis heureuse que les autres intervenants aient soulevé ce point.
(1630)
    Nous avons reçu ici les chefs de police de la Colombie-Britannique ainsi que le sous-commissaire de la GRC. Ils ont été très clairs par rapport au modèle de décriminalisation de la Colombie-Britannique, qui est en vigueur depuis 18 mois seulement, disant qu'ils voulaient des outils pour faire avancer les choses.
    Ils ont aussi été très clairs, et Mme Wilson a dit ceci:
... nous sommes tous d'accord avec l'idée de ne pas criminaliser des gens qui ont un problème personnel de consommation de drogues. Cette époque est révolue. Nous appuyons l'approche axée sur la santé.
    Ils disent de façon très claire qu'ils ne veulent pas recommencer à criminaliser les gens.
    Ils ont également dit ceci:
Les gens ne meurent pas après avoir consommé des produits détournés de l'approvisionnement sécuritaire, et ils ne meurent pas non plus à cause des médicaments d'ordonnance détournés. Ils meurent à cause du fentanyl, de la cocaïne et de la méthadone, et ce sont les substances que nous ciblons dans notre travail policier.
    Ils ont également réclamé des centres de consommation plus sécuritaires et leur élargissement pour inclure l'inhalation, et ils ont également exprimé clairement que:
... Il est évident qu'il ne s'agit pas seulement d'une question d'application de la loi, mais aussi d'une crise de santé publique qui exige une réponse globale et bienveillante.
    Enfin:
La GRC continue d'appuyer tous les efforts visant à faire en sorte qu'une urgence en cas de surdose soit traitée comme une urgence médicale ou de santé.
    Lorsque vous entendez cela et le voyez dans les témoignages, que les politiciens sortent d'une audience comme celle‑ci et qu'ils veulent s'attaquer à la décriminalisation et la qualifier ou qualifier l'approvisionnement sûr de cause profonde de cette crise des drogues toxiques, que ressentez-vous en tant que mère ayant perdu un proche?
    Je ressens de la colère et de la frustration, mais je suis aussi incrédule qu'une personne, qui est le chef d'un parti politique national, puisse communiquer des renseignements qui ne reposent pas sur les faits et ne s'alignent pas sur ce qui s'est réellement produit dans le cadre de la décriminalisation ou de l'approvisionnement sûr. Je vous presse tous d'examiner les données probantes qui montrent l'efficacité de ces mesures, et c'est ce sur quoi nous devons nous recentrer.
    J'ai une question très brève.
    Est‑ce que Moms Stop the Harm a rencontré tous les dirigeants politiques du pays, et s'il manque quelqu'un, pourquoi?
    Il manque M. Poilievre. J'ai communiqué à nouveau avec lui, lui disant que nous avons essayé de le rencontrer il y a un an. Nous lui avons écrit à plusieurs reprises.
     J'ai vu ce matin la ministre Saks. Elle a pris le temps. Quant à vous, je sais que je peux communiquer avec vous quand j'en ai besoin, mais M. Poilievre n'a pas répondu à nos appels pour le rencontrer. Nous aimerions beaucoup lui parler. Nous aimerions beaucoup lui dire ce que nous ressentons par rapport aux familles, ce que nous vivons. Nous le vivons chaque jour — chaque jour — et il est temps qu'il ouvre sa porte et noue le dialogue avec les familles qui représentent des milliers de Canadiens qui ont subi une telle perte.
(1635)
    Merci. C'est tout le temps que nous avions pour vous, monsieur Johns.
    Nous passons maintenant à M. Doherty, s'il vous plaît, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Schulz, je vous remercie de votre témoignage aujourd'hui. Je ne sais pas si vous avez entendu mes interventions ici. J'ai un frère qui vit dans la rue et qui est toxicomane. J'ai perdu un beau-frère à cause d'une surdose, et, en fait, de nombreux membres de ma famille sont toxicomanes, et c'est... Quand vous le vivez tous les jours, vous ne savez pas, quand le téléphone sonnera, si ce sera le jour où vous apprendrez que votre proche a été retrouvé mort — mon frère ou mon beau-frère — alors vous revivez cela chaque jour.
    Notre chef a dit très clairement que nous croyons à la guérison. Nous croyons que, si une personne comme vous ou votre fils était prête à commencer un traitement, un lit serait disponible. Vous n'êtes pas obligé d'attendre six mois ou de vous présenter trois jours de suite. C'est ce que croit notre chef, et cela peut être interprété de toutes les manières.
    Je tiens à vous remercier de votre témoignage d'aujourd'hui, mais je voudrais vous demander si vous croyez que nous devrions avoir un approvisionnement sûr en drogues dures comme l'héroïne, la cocaïne, le crack ou la méthamphétamine dans la rue?
    Pas dans la rue, non, mais personne ne propose cela...
    Devrions-nous plutôt investir de l'argent pour créer un établissement qui offre un traitement? Si vous en avez besoin, c'est là.
    Ce n'est pas l'un ou l'autre. Nous avons besoin des deux.
    Mon fils voulait un traitement. J'ai pris rendez-vous avec son conseiller et avec son médecin, mais il est décédé le jour même où j'ai pris le rendez-vous. Si nous ne maintenons pas les gens en vie et en bonne santé, nous pouvons avoir tous les lits dans un centre de traitement, mais ils seront vides quand tout le monde sera mort.
    Le traitement doit être un choix. Il doit être fondé sur des données probantes. Si l'on se concentre uniquement sur l'abstinence... Selon les lignes directrices de l'Initiative canadienne de recherche sur les substances psychoactives, ou ICRIS, le traitement par agonistes opioïdes est ce qui est le plus efficace.
    Les rues ne sont pas pavées d'un approvisionnement sûr. En Alberta, 98 % des décès attribuables aux opioïdes sont causés par les drogues non réglementées, et 2 % le sont par des substances réglementées.
    Docteur Mathew, pouvez-vous expliquer au Comité vos préoccupations concernant l'approvisionnement prétendument sûr financé par le gouvernement?
    Bien sûr. Une chose que nous devrions examiner est l'offre d'opioïdes dans une population. Si vous regardez les pays qui ont enregistré les taux de surdose les plus élevés en 2020, le pays numéro un était les États‑Unis. Je pense que c'est environ 271 décès par million d'habitants. C'est également le pays où l'offre d'opioïdes est la plus élevée parmi la population.
    Le fentanyl en est un aspect important, mais comment les gens finissent-ils par faire une surdose de fentanyl? Souvent, l'histoire est que les gens ont commencé avec des substances légales qui leur étaient prescrites, puis ils deviennent dépendants et acquièrent une tolérance, et ces substances ne fonctionnent plus pour eux. Ils se tournent alors vers le marché illicite parce qu'ils ont besoin de quelque chose de plus fort.
    J'ai dit 2020, et cette année‑là, le taux de décès par surdose en Colombie‑Britannique était de 340 par million d'habitants. C'est beaucoup plus élevé que ce qui se passe aux États‑Unis. C'est beaucoup plus élevé que dans n'importe quelle autre province du Canada. Depuis l'année dernière, ce chiffre est passé, je pense, à 444 par million d'habitants; il y a donc eu également une augmentation massive. Ce qui m'inquiète, c'est l'offre d'opioïdes au sein de la population.
    À votre avis, la décriminalisation et l'approvisionnement prétendument sûr résoudront-ils notre crise des opioïdes?
    Je vais commencer par la décriminalisation. À cet égard, il existe différents modèles. Il est important d'en distinguer deux. Par exemple, il y avait un modèle comme celui de l'Oregon, qui était très similaire à celui de Vancouver, où l'on autorisait la consommation de drogue en public. Entre 2022 et 2023, on a constaté une augmentation de 45 % des décès par surdose, ce qui représente la plus forte augmentation parmi tous les États. C'est pourquoi, en mars dernier, l'Oregon a abrogé la décriminalisation.
    Le Portugal avait un modèle différent. Dans cette approche de la décriminalisation, les gens se voyaient imposer des sanctions juridiques ou devaient suivre un traitement. On exerçait une sorte de pression en faveur du traitement, et c'est le changement qu'a effectué l'Oregon. En fait, je félicite le gouvernement de la Colombie‑Britannique, car lorsque les responsables ont trouvé plus d'information, ils ont également pu changer d'orientation. À propos de...
(1640)
    Merci. Je suis désolé. Vous avez marqué une pause au bout de cinq minutes environ et vous m'avez permis d'intervenir. Je suis sûr que vous aurez l'occasion de compléter votre réponse ultérieurement.
    Merci, monsieur Doherty.
    Nous passons maintenant à Mme Sidhu, s'il vous plaît, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins.
    Merci, madame Schulz, d'avoir partagé l'histoire de Danny. Aucune mère ne devrait vivre ce que vous avez vécu.
    La crise des opioïdes touche des personnes de tous les milieux. Étant donné la stigmatisation liée à la consommation de drogue, nous pouvons comprendre pourquoi les professionnels, les étudiants et les personnes ayant des familles ont peur même d'admettre qu'ils consomment des drogues.
    Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Pourquoi est‑il important d'éliminer la stigmatisation et les obstacles aux soins?
    Je vous remercie de vos aimables paroles.
    La stigmatisation est un obstacle à l'obtention d'une aide. Tant que la consommation de substances sera aussi profondément stigmatisée qu'elle l'est aujourd'hui, les gens cacheront leur consommation, et nous savons que, parmi les victimes, les hommes sont touchés de manière disproportionnée; environ 80 % sont des hommes. En raison de la stigmatisation, les gens ont plus de difficulté à demander de l'aide. Toute mesure que nous prenons pour réduire la stigmatisation suppose que les gens se sentent plus ouverts à en discuter avec un ami ou un membre de leur famille, ou qu'un étudiant peut demander de l'aide à un enseignant.
    Rien ne stigmatise plus les gens que la criminalisation de la consommation de substances. Nous savons qu'un casier judiciaire a une incidence sur ce que vous pouvez faire en éducation, les destinations que vous choisissez pour voyager, les endroits où vous pouvez vivre et les études que vous pouvez faire. Il s'agit là d'un énorme obstacle que nous pouvons éliminer grâce à la décriminalisation.
    Vous avez parlé d'éducation. À quel âge faut‑il commencer l'éducation sur la sensibilisation aux drogues?
    Cette éducation devrait être adaptée à l'âge. Je suis éducatrice, et on me pose souvent cette question. Nous devrions discuter de la consommation de substances lorsque nous abordons d'autres questions sur lesquelles les jeunes doivent se renseigner, comme la façon de parler de l'alcool et des rapports sexuels protégés, et nous ne devrions pas les séparer. Regroupons le tout dans la discussion avec nos jeunes, au niveau approprié à leur âge, évidemment, quand on parle de la manière d'assurer leur sécurité, et nous devrions nous concentrer, autant que possible, sur la réduction... L'abstinence est toujours un objectif lorsque nous parlons aux jeunes.
    Lorsque nous adoptons une approche de réduction des méfaits, cela signifie également qu'ils restent en sécurité. Comme nous le savons tous, nous n'arriverons jamais à convaincre tous les adolescents de s'abstenir d'avoir des relations sexuelles, mais nous voulons qu'ils soient en sécurité. De la même manière, nous voulons que les adolescents soient en sécurité s'ils consomment des substances.
    Vous êtes une ardente défenseure d'une approche centrée sur les personnes en matière de soins.
    Que pensez-vous de cette approche et de l'approche communautaire pour les jeunes?
    Les approches communautaires sont vraiment importantes parce que la communauté n'est pas seulement composée de ceux qui ont de l'expérience; elle englobe aussi ceux qui peuvent faire avancer les choses. C'est pourquoi il est si important d'inclure les communautés touchées.
    Ce dont on ne parle pas souvent, c'est que dans certaines de nos communautés au Canada, la consommation de substances est encore plus stigmatisée. Il est important de transmettre les messages à ces communautés, dans différentes langues et auprès des gens de la collectivité.
    Vous avez également parlé de désinformation.
    Voudriez-vous donner des précisions? De quel genre de désinformation s'agit‑il?
    Par exemple, on dit que les rues sont remplies d'un approvisionnement sûr. C'est faux. L'Alberta nous le démontre. Même en Colombie‑Britannique, les chefs de police nous le disent. C'est ce que nous dit le coroner en chef. Un approvisionnement sûr n'est pas ce qui tue les gens; ce sont les drogues non réglementées qui tuent les gens.
    C'est une chose que nous entendons sans cesse dans certains quartiers: des gens meurent à cause de l'approvisionnement sûr.
    L'autre problème, c'est que la décriminalisation provoque des troubles sociaux. Lorsque les gens ne sont pas hébergés et n'ont pas d'endroits sûrs pour consommer, ils consomment en public, que ce soit en Colombie‑Britannique, en Alberta, en Ontario ou dans toute autre province ou tout autre territoire du pays.
    Merci.
    Docteur Caudarella, j'ai une question pour vous.
    Quels types de traitements ou de services doivent être disponibles pour les personnes qui consomment des substances à la suite de violence physique ou sexuelle, ou de toute forme de traumatisme?
(1645)
    Merci.
    Dans le domaine des soins de santé, nous parlons de soins tenant compte des traumatismes, ce qui revient essentiellement à l'idée selon laquelle ce n'est pas tout le monde qui divulguera son traumatisme au départ. Il s'agit donc d'ouvrir cette porte et de traiter tout le monde d'une manière sensible et appropriée. Je pense que nous avons probablement besoin de quelque chose d'assez similaire lorsqu'il s'agit de consommation de substances et de supposer que toute personne pourrait potentiellement souffrir d'un trouble lié à l'usage d'une substance psychotrope et avoir besoin d'aide.
    C'est là que la compréhension... Les gens veulent être résilients. Les gens veulent pouvoir tomber et se relever. Je pense que pouvoir créer cela est probablement l'une des choses les plus importantes que nous puissions faire pour les gens d'un point de vue tenant compte des traumatismes. Nous devons avoir beaucoup plus de discussions sur la manière dont nous développons les compétences.
    Même lorsque nous parlons de certains de ces programmes de prévention qui, par exemple, ont donné des résultats extraordinaires, comme réduire de moitié l'initiation à la drogue ou à l'alcool, il s'agit vraiment de développer des compétences. Il s'agit d'établir une communication avec les familles. Il s'agit d'aider les gens à mieux survivre dans le monde.
    Il s'agit avant tout de pouvoir rencontrer les gens au moment où ils sont présents.
    Merci.
    Merci, docteur Caudarella et madame Sidhu.

[Français]

    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
     Merci, monsieur le président.
    Docteure Morin, vous avez dit qu'il fallait éviter d'avoir une position idéologique quand on déterminait une stratégie. Je suis d'accord avec vous.
    Vous avez parlé des adolescents et de l'importance de la prévention.
    Je vous laisse mon temps de parole de deux minutes et demie pour leur parler. Que leur diriez-vous, avant qu'ils n'arrivent à votre clinique, pour éviter qu'ils s'y retrouvent?
    En toute humilité, je vous dirai que je fais de la prévention dans les écoles depuis 2005.
    Tantôt, quelqu'un a demandé à partir de quel âge on peut parler de ces questions. Si l'on n'a pas déjà commencé à parler de drogues et de sexe aux adolescents de 12 ans, je pense que c'est le bon moment de commencer à le faire. Il faudrait leur en parler dès la première année du secondaire.
    Les jeunes sont intelligents. Il ne faut pas les sous-estimer. Il faut leur expliquer, de façon vulgarisée et compréhensible, tous les effets toxiques potentiels de ces substances. Il faut donc leur apprendre que, dans la vie, il faut faire des choix libres et éclairés, comme c'est le cas pour nous tous. Je pense que les jeunes ne sont pas assez éclairés, justement. En leur parlant dans un langage compréhensible, en leur expliquant les faits, on les éclaire.
    Tantôt, on parlait des compétences. Les jeunes sont capables d'apprendre. Leurs cerveaux sont des éponges. En ce moment, on ne fait pas de sensibilisation auprès des jeunes. On fait encore beaucoup de répression dans les écoles. Cependant, on peut expliquer aux jeunes ce qu'est une substance, leur dire qu'une substance peut provoquer du plaisir, mais qu'elle comporte aussi des risques. Ainsi, dans le cas de la MDMA, celles et ceux qui en consomment peuvent faire des crises de panique ou souffrir d'un syndrome neurologique. La consommation de cannabis augmente le risque de faire une psychose et, dans le cas de l'alcool, de tomber dans un coma éthylique. Quant à la prise d'opioïdes, c'est jouer à la roulette russe. On le sait, maintenant: quand on consomme des opioïdes, on n'a pas de deuxième chance.
    Hier, j'ai assisté aux funérailles de ma patiente préférée. Elle avait 48 ans, et elle est morte d'une surdose de fentanyl. Pourtant, cela faisait 20 ans qu'elle s'en injectait. Ce n'est pas juste une question d'être débutant ou d'avoir de l'expérience. Je crois que, dans son cas, c'est une question de malchance.
    À mon avis, les jeunes sont beaucoup plus allumés qu'on le pense, et on doit leur faire confiance. Si on leur explique les vraies affaires, ils vont prendre de meilleures décisions. Beaucoup de jeunes agissent par ignorance ou encore par défi, en raison de la pression des pairs.
    Malheureusement, beaucoup s'inspirent également de leurs artistes préférés. On sait que dans le monde du rap, notamment, on fait la promotion du Xanax et du lean, qui sont aussi des opioïdes. Nous avons tous eu nos idoles de jeunesse. Elles avaient toutes leurs habitudes, mais je pense qu'aujourd'hui, on fait la promotion de choses vraiment dangereuses, dont les opioïdes et les benzodiazépines.
    Je pense qu'il faut informer les jeunes, d'abord et avant tout. Aussitôt qu'ils atteignent l'âge de 12 ans, ils sont capables de comprendre.
    Merci.
    Merci, docteure Morin.
    Sur le plan de l'expérience...
     Ai-je déjà terminé mon temps de parole, monsieur le président?
    Oui, cela fait près de trois minutes.

[Traduction]

    Monsieur Johns, vous disposez de deux minutes et demie.
    Merci.
    Nous avons entendu le Groupe d'experts sur la consommation de substances de Santé Canada. Les représentants ont clairement précisé, avec des recommandations unanimes, qu'ils appuyaient la décriminalisation, un approvisionnement plus sûr, le traitement sur demande, la prévention et l'éducation en matière de rétablissement et qu'il fallait intensifier les efforts dans tous ces domaines. Ils étaient unanimes. Il y avait l'association des chefs de police, des experts en santé, des dirigeants autochtones en matière de toxicomanie et des personnes ayant vécu ou vivant une expérience de toxicomanie. Les chefs de police du Canada ont également publié un rapport qui reflétait cela.
    Le Portugal a fourni un modèle, qui comprenait une approche coordonnée, compatissante et intégrée.
    À l'heure actuelle, nous avons un gouvernement qui adopte une approche progressive face à une urgence de santé publique. Nous avons des politiciens qui répandent de la désinformation...
    Une voix: Comme vous...
    M. Gord Johns: ... en pleine urgence de santé publique. Les deux coûtent des vies.
    Je n'apprécie pas d'être chahuté ici, au Comité, monsieur le président.
    De plus, nous avons présenté le projet de loi C‑216 visant à apporter une réponse axée sur la santé concernant la crise des drogues toxiques, en espérant qu'il serait renvoyé au Comité et qu'il aurait au moins l'occasion d'être examiné.
    Nous avons eu un sommet sur le vol d'automobiles, ce qui est bien sûr une question importante, mais il s'agit ici de la principale cause de décès dans ma province d'origine chez les moins de 59 ans. Il n'y a toujours rien. Le gouvernement n'a pas déclaré une urgence nationale de santé publique. Nous avons été heureux aujourd'hui, pendant la période des questions, de constater qu'il va enfin rétablir, à la suite de nos pressions, une sorte de groupe d'experts sur la consommation de substances. C'est un soulagement.
    Le Portugal a mis en place un groupe d'experts, et les politiciens ont été des héros parce qu'ils se sont mis en retrait. Ils ont laissé les experts diriger au lieu de l'idéologie.
    Madame Schulz, pouvez-vous parler de l'importance d'écouter les experts et de laisser les politiques fondées sur des données probantes prendre le pas sur l'idéologie et la politique, et de la façon dont cela coûte des vies?
(1650)
    Nous le constatons à nouveau avec le modèle de l'Alberta. Ce modèle ne fonctionne pas parce que l'Alberta a choisi de se concentrer uniquement sur un éventail restreint d'opinions alors que, lorsque nous laissons les experts diriger, nous examinons toutes les preuves disponibles et poursuivons dans cette voie.
    Le fait de laisser les experts diriger signifie que des personnes présentes dans la salle qui consomment des drogues peuvent nous montrer ce qui fonctionne pour elles et ce qui est efficace.
    C'est également ce qui s'est passé dans d'autres pays. J'ai récemment participé à la Commission des stupéfiants des Nations unies, où j'ai été surprise de voir que les États‑Unis avaient présenté une politique qui contenait les mots « réduction des risques ». Pour la première fois dans l'histoire des Nations unies, la réduction des risques constituait l'un des piliers. La Suisse a parlé de la façon dont elle continue à fournir un approvisionnement sécuritaire.
    Le monde se dirige dans cette voie. Le Canada ne peut pas reculer.
    Merci, madame Schulz.
    Nous passons maintenant à Mme Goodridge, pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'avoir pris le temps d'être ici.
    Je vais commencer avec le Dr Mathew.
    En 2021, vous avez publié dans le British Medical Journal un article qui repose sur des conversations que vous avez eues avec un trafiquant de drogue reconnu coupable en Colombie‑Britannique. Il a déclaré que de nombreuses personnes qui consomment de la drogue recherchent du fentanyl. Il a même dit que, lorsque les gens voient quelqu'un faire une surdose, ils veulent acheter la même drogue au narcotrafiquant de cette personne car ils savent qu'ils obtiendront une substance plus forte et meilleure. Cela semble indiquer que les personnes recherchent des drogues plus fortes et non pas une drogue sécuritaire, même si elles savent qu'elle pourrait les tuer.
    Je me demandais si vous pourriez expliquer un peu cela.
    Bien sûr. Merci de la question.
    Ce qui me préoccupe, c'est que ce qui est distribué ne sera pas en mesure de soutenir la concurrence du marché clandestin de la drogue. Ce marché est souvent décrit comme une source d'approvisionnement en drogues empoisonnées. D'après les données disponibles, il semble que le marché réponde à la demande du consommateur final. L'une des raisons pour lesquelles Paul Janssen a inventé le fentanyl était que celui‑ci avait un délai d'action rapide. Cela signifie que le consommateur ne peut pas compter sur cette drogue pour lui offrir la durée d'intoxication qu'il recherche. Par conséquent, en Colombie‑Britannique, environ 50 % des drogues contiennent un autre type de drogue appelée benzodiazépine, qui procure la durée d'intoxication recherchée. Cela rend les drogues fournies plus toxiques. Puisque nous devons penser à la sécurité, je suis sceptique quant à la possibilité de fournir des formes légales de médicaments que le consommateur utilisera pour remplacer l'offre illicite.
    Pour répondre à votre question, je pense qu'il sera difficile pour le marché légal de supplanter le marché illicite, car nous devons penser à la sécurité. Par exemple, si quelqu'un fait une surdose et décède, davantage de personnes iront acheter de la drogue à ce narcotrafiquant, parce qu'il a des produits plus forts et que c'est ce qui est recherché. La sécurité n'est pas l'objectif principal du consommateur.
    Merci. Je comprends.
    Docteur Caudarella, l'un des principaux arguments avancés par les promoteurs du prétendu approvisionnement sécuritaire est qu'il supplantera le marché illicite et le marché noir. Nous avons en quelque sorte une étude de cas ici. Le cannabis a été légalisé il y a six ans. Quel est aujourd'hui le pourcentage approximatif du marché légal par rapport au marché illicite?
(1655)
    L'une des difficultés que nous observons dans le pays est de savoir la quantité exacte que les gens consomment et qui consomme quoi. C'est l'un des problèmes, par exemple, en ce qui concerne les opioïdes. Nous ne savons pas vraiment combien de personnes consomment des opioïdes dans le pays.
    En ce qui concerne le cannabis, il y a eu quelques estimations. À notre connaissance, il semble que le marché légal ait accaparé entre 50 et 60 % de la part de marché du marché noir au cours des cinq dernières années; le prix et la disponibilité font partie des principaux facteurs.
    Merci. Je comprends.
    Je pense que tout cela en est la preuve. Si nous partons du principe que les gens choisissent ces drogues parce qu'elles sont sécuritaires, nous devons admettre que la dépendance est une maladie et que les gens ne prennent pas nécessairement les décisions logiques que nous souhaiterions qu'ils prennent dans ces situations. Cela fait partie du défi.
    Docteur Mathew, vous êtes sur le terrain en Colombie‑Britannique. Pensez-vous que la demande du premier ministre de la Colombie‑Britannique de revenir sur une bonne partie de la décriminalisation est une bonne décision ou une demande raisonnable?
    Je pense qu'il faut recueillir toutes les informations et les comparer avec ce qui s'est passé au Portugal. Encore une fois, au Portugal, la consommation de drogue dans la rue n'était pas autorisée; vous étiez passible de sanctions juridiques ou vous étiez forcé de suivre un traitement. Nous avons vu ce qui s'est passé dans l'Oregon et en Colombie‑Britannique; les surdoses n'ont fait qu'augmenter depuis la décriminalisation. C'est une intervention qui a été mise en place dans toute la province, et nous n'avons pas vu de résultats. Encore une fois, je félicite le premier ministre d'avoir changé de direction après avoir recueilli plus de données.
    Merci.
    Compte tenu de ce qui précède, monsieur le président, j'aimerais proposer une motion, dont j'ai donné avis vendredi dernier:
Que, étant donné
a. qu'une déclaration du cabinet de la ministre fédérale de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associée de la Santé affirme qu'une réunion aura lieu avec la ministre de la Santé mentale et des Dépendances de la Colombie‑Britannique pour discuter de la décriminalisation des drogues;
b. que trois conseillers municipaux de la région métropolitaine du Grand Vancouver ont indiqué qu'ils présenteraient des motions à leurs conseils respectifs pour demander officiellement aux gouvernements provincial et fédéral de mettre fin au projet pilote de décriminalisation des drogues;
conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité ajoute deux autres réunions à l'étude sur l'épidémie d'opioïdes et la crise des drogues toxiques au Canada pour discuter de la décriminalisation; que la ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associée de la Santé ainsi que Santé Canada soient invités à comparaître pendant au moins deux heures; et que la ministre de la Santé mentale et des Dépendances de la Colombie‑Britannique et DJ Larkin, de l'organisme Coalition canadienne des politiques sur les drogues, soient invités à témoigner pendant au moins deux heures.
    Je pense que nous devons absolument, en tant que législateurs, étudier cela compte tenu des importants faits nouveaux qui se sont produits au cours des dernières semaines au chapitre de la discussion sur la décriminalisation. Nous n'avons pas entendu le gouvernement fédéral nous dire où il en était rendu. Ce que nous avons entendu, c'est que la ministre de la Santé mentale et des Dépendances a déclaré qu'elle n'avait pas l'intention d'agir immédiatement.
    Nous avons entendu dire que la police de la Colombie‑Britannique ne dispose pas des outils nécessaires pour assurer la sécurité. Nous avons entendu dire que les dépendances ont augmenté. Nous avons entendu dire que les décès par surdose ont augmenté. Nous avons entendu dire que la criminalité, le chaos et le désordre sévissaient dans nos collectivités.
    Je pense qu'il nous incombe certainement, en particulier depuis que nous avons réalisé cette étude, de continuer à nous pencher sur cette question. La situation a évolué assez rapidement depuis que Fiona Wilson, cheffe de police adjointe de Vancouver, a déclaré que les policiers ne disposaient pas des outils pour effectuer leur travail. J'aimerais que nous puissions poursuivre cette étude et l'étendre afin que ces ministres puissent venir expliquer comment, selon eux, nous devrions aller de l'avant afin de pouvoir assurer la sécurité de tous les Canadiens et de tous les Britanno-Colombiens.
    Chaque jour, six personnes meurent d'une surdose en Colombie‑Britannique. Nous devons prendre chacune de ces vies au sérieux et faire tout ce qui est en notre pouvoir, en tant que législateurs, pour veiller à ce que la santé et la sécurité publiques soient prises en considération.
    Je demande aux gens de soutenir cette motion.
(1700)
    Merci, madame Goodridge.
    Une motion très similaire a fait l'objet d'un avis, mais puisqu'elle porte directement et clairement sur la question que nous étudions, la motion est recevable. Le débat porte sur la motion.
    Nous passons maintenant à M. Powlowski et ensuite à M. Ellis.
    Je note que nous avons eu des discussions assez approfondies, il y a quelques semaines, sur le désordre causé par la consommation de drogue dans la rue. Je suis très heureux de l'annonce du premier ministre de la Colombie‑Britannique selon laquelle l'usage dans la rue de drogues est criminalisé de nouveau.
    Personnellement, je ne suis pas en désaccord avec cela, mais il y a beaucoup d'autres questions liées à la crise des opioïdes. Nous discutons avec certains experts de ces nombreuses autres questions. Je pense qu'il y aura un besoin, et je serais probablement d'accord pour prolonger l'étude, mais elle porterait peut-être également sur d'autres questions.
    Étant donné l'importance des témoins que nous recevons et du fait que nous aimerions leur poser d'autres questions et aborder d'autres problèmes liés à la crise des opioïdes, je propose une motion d'ajournement du débat.
    Merci, monsieur Powlowski.
    Comme nous le savons, une motion pour ajourner le débat ne peut pas être débattue, et nous procéderons immédiatement au vote.
    Le débat sur cette motion est‑il maintenant ajourné?
    Je demande un vote par appel nominal.
    S'il vous plaît, madame la greffière, nous allons procéder à un vote par appel nominal.
    (La motion est adoptée par 7 voix contre 4.)
    Le président: Nous passons aux questions. Madame Brière, vous avez cinq minutes.
    Monsieur Doherty, c'est à vous.
    Je crois que Mme Goodridge avait 30 secondes avant la présentation de la motion visant à prolonger cette étude.
    D'après le chronomètre, le temps était presque écoulé lorsqu'elle a présenté la motion. Il n'y a certainement pas assez de temps pour une question et une réponse, je donne donc la parole à Mme Brière.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à tous les témoins. Je vous remercie de vous joindre à nous aujourd'hui pour cette importante discussion.
    Docteur Caudarella, pouvez-vous nous expliquer comment la désintoxication et l'abstinence forcée augmentent le risque de décès d'une personne qui lutte contre la toxicomanie?
     Merci de la question.
    La désintoxication a longtemps été un outil utilisé pour traiter des dépendances. On l'utilise encore pour traiter beaucoup de dépendances à des substances, et l'une des plus importantes est la dépendance à l'alcool.
    Toutefois, on sait qu'une période d'abstinence réduit la tolérance aux opioïdes. Quand une personne sort d'une période de désintoxication, elle est exposée à un risque élevé de mourir dans le mois ou dans l'année qui suit. On constate la même chose dans les prisons ou dans d'autres situations où l'abstinence de drogues est forcée. Par exemple, à sa sortie de prison, une personne est exposée à un risque de mourir 10 fois plus élevé que les personnes n'ayant pas été sevrées de manière forcée.
    On le sait, il est nécessaire d'avoir des traitements par agonistes opioïdes dans les centres de désintoxication et de traitement ainsi que dans les prisons.
    Merci.
(1705)
    Merci beaucoup.
    Docteure Morin, vous avez beaucoup parlé de comorbidité. On sait que la consommation de substances peut aggraver un problème de santé mentale. À l'inverse, des personnes vont en consommer pour oublier leurs problèmes de santé mentale. Que doit-on traiter en premier, le problème de santé mentale ou celui lié à la consommation de substances?
    D'après vous, quel problème est-il préférable de traiter en premier? Doit-on les considérer comme deux problèmes indépendants, mais qui ont des répercussions l'un sur l'autre?
    C'est la grande question, celle de l'œuf ou la poule. Tout le monde se la pose.
    D'abord, je vous dirai qu'il faut mettre les choses en perspective. Il y a deux types de problèmes de santé mentale liés aux drogues.
    D'abord, il y a la présence d'états comorbides et le recours à l'automédication. L'exemple le plus fréquent est la consommation d'alcool en réaction à des troubles anxieux. Beaucoup de gens anxieux boivent de l'alcool pour se médicamenter. L'anxiété était d'abord présente, et les problèmes de consommation de drogues ont suivi.
    Ensuite, il y a les troubles induits par la consommation de drogues. Par exemple, beaucoup d'adolescents semblent avoir des symptômes de TDAH, alors qu'en fait, ces symptômes sont induits par la consommation de cannabis. Autrement dit, les symptômes sont déclenchés par la consommation de substances, et non l'inverse.
    Je vous dirais donc que, l'important, c'est d'essayer de diagnostiquer la maladie primaire, s'il y en a une, et de la traiter en même temps que le problème de consommation. On ne doit plus faire ce qu'on faisait par le passé, c'est-à-dire demander au patient d'arrêter de consommer pendant six mois et lui offrir des soins uniquement à la fin de cette période. Cela ne marche plus. On doit traiter de façon concomitante l'état de dépendance et le problème de santé mentale, s'il y en a un. C'est ce qu'on appelle un traitement concomitant, ou une prise en charge de la comorbidité.
    Votre grande question, celle de l'œuf ou la poule, demeure toujours. On a parfois des réponses lorsque l'abstinence se prolonge, par exemple dans le cas de la maladie bipolaire ou de troubles psychotiques.
    Merci beaucoup.
    En réponse à une question de mon collègue M. Thériault, vous avez expliqué de quelle façon vous vous adresseriez aux jeunes pour faire de la prévention et de l'éducation.
    Or, nous avons entendu dire tantôt, dans un autre témoignage, que lorsque des gens se tournent vers des drogues comme le fentanyl ou des drogues encore plus puissantes, ils ne recherchent pas la sécurité.
    Quel est votre avis à ce sujet?
     C'est l'effet du buzz qui est recherché. Il ne faut pas oublier que les gens consomment pour deux raisons, soit pour augmenter leur plaisir, soit pour soulager une souffrance. C'est rarement pour les deux raisons en même temps.
    On apprend beaucoup par les pairs. Lors de conférences, j'amène une personne dans la vingtaine qui s'en est sortie. J'amène un jeune adulte qui a connu la prostitution, les gangs de rue, les centres jeunesse ou encore les opioïdes ou plein d'autres substances. La vedette de ces conférences, ce n'est pas moi, c'est le témoin que j'amène. Les histoires d'un jeune adulte de 22 ans qui a été incarcéré, qui a connu les centres jeunesse, la prostitution, la vente de drogue, cela frappe les jeunes pas mal plus que les propos d'un médecin.
    C'est ma façon de faire, et cela fonctionne très bien. Habituellement, la conférence marque les jeunes. Ils se rappellent la personne qui s'en est sortie lorsqu'elle était encore jeune. C'est mon truc.
    Merci, docteure Morin.

[Traduction]

    Monsieur Ellis, c'est à vous pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous de vos réponses jusqu'à présent.
    Si vous me le permettez, j'aimerais m'attarder un peu sur la prévention. Je vais commencer par Dr Mathew.
    Vous avez parlé de la prévention. Je sais que vous êtes psychiatre judiciaire, alors si cela dépasse votre sphère de compétence, n'hésitez pas à le dire. Il semblerait que les troubles liés à la consommation de substances soient un problème qui peut commencer très tôt, mais, au chapitre de la prévention, il s'agit peut-être de quelque chose dans quoi nous devons dépenser de l'argent. Nous pouvons parler de résilience, d'exercice physique, d'amitié, de sens à la vie et de toutes ces choses. Existe‑t‑il actuellement des programmes financés par le gouvernement fédéral qui abordent la prévention? Connaissez-vous la réponse? Si vous ne le savez pas, ce n'est pas grave. Peut-être pourriez-vous nous dire comment vous voyez la prévention.
(1710)
    Mon domaine de compétence englobe la dépendance, en plus des sciences judiciaires. Je fais les deux.
    Il y a des campagnes de sensibilisation pour aider les gens à comprendre la toxicité des drogues en circulation, mais il y a aussi d'autres programmes qui existent. Par exemple, en Islande, il y a un programme où on donnait aux familles des bons pour qu'elles puissent inscrire leurs enfants à des activités extrascolaires. Il y avait aussi — je ne me souviens plus de l'âge des enfants visés — un couvre-feu pour les adolescents en bas d'un certain âge. Pour encourager les gens à ne pas sortir la nuit, et on les encourageait à faire du sport. Cela a considérablement réduit la consommation d'alcool et de drogue au pays.
    Une autre chose que je dirais, c'est qu'il faut réduire la quantité d'opioïdes en circulation dans la rue. Je pense que c'est important pour la prévention primaire. Il y a aussi d'autres choses comme l'accès à la thérapie et le traitement précoce, qui permettent d'éviter que le trouble lié à l'usage d'une substance psychotrope, ou le trouble de santé mentale qui peut mener à un trouble de l'usage d'une substance psychotrope, ne dégénère pas jusqu'à ce qu'il s'agisse d'un trouble grave de l'usage d'une substance.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Docteure Morin, je vous pose la même question.

[Traduction]

    Pouvez-vous répéter le début de la question? Je pense que cela ressemble à ce que j'ai répondu à Mme Brière.
    Cela y ressemble beaucoup.
    Recevez-vous actuellement de l'argent du gouvernement fédéral pour financer la prévention présentement? Recevez-vous des fonds du gouvernement fédéral, quels qu'ils soient, pour vos activités de prévention? Pouvez-vous nous dire à quoi ressemble un bon programme de prévention?
    Je peux essayer de répondre.
    J'ai ouvert ma propre clinique en 2015, à Montréal, pour lutter contre le seul problème de la dépendance, mais j'ai dû la fermer en 2020, parce que le gouvernement provincial m'a dit que ce n'était pas une priorité. La priorité à ce moment‑là, c'était la COVID, alors j'ai dû fermer ma clinique.
    Ma clinique s'appelait la Clinique Caméléon, comme l'animal. Je pense que si vous voulez travailler dans le domaine de la dépendance, vous devez être un caméléon: vous devez changer le contexte, dépendamment de la question. Si une personne veut réduire sa consommation de drogue, c'est déjà une bonne chose. Si une personne veut arrêter, c'est aussi une très bonne chose, mais vous devez adapter votre approche à ce que demande le patient.
    Mon mentor avait l'habitude de me dire que travailler dans le domaine de la dépendance, c'est comme travailler aux soins intensifs: si vous ne traitez pas les patients quand ils sont prêts, ils meurent, et c'est ce que nous avons vu, alors nous devons être prêts à les aider quand ils sont prêts.

[Français]

    Merci beaucoup, docteure Morin.

[Traduction]

    Docteur Caudarella, je pense que je vais vous poser la même question. Savez-vous si le gouvernement fédéral finance des programmes de prévention? À quoi ressemblerait un programme de prévention idéal, selon vous?
    Merci.
    Nos activités de prévention sont fondées sur des données probantes, alors nous savons ce qui ne fonctionne pas et ce qui fonctionne. Nous devons vraiment mettre l'accent sur des programmes communautaires, scolaires et familiaux, des programmes pour renforcer les compétences et la résilience, et aussi les programmes qui aident les gens à comprendre et à faire des liens.
    Beaucoup de communautés dont nous avons parlé, dans tout le pays, sont très fortes. Il faut tirer parti de cette force. Souvent, ce qu'il faut, c'est soutenir ces communautés pour qu'elles répondent à leurs besoins et déterminent comment y répondre.
    Malheureusement, tous les gouvernements au pays font la même erreur: ils répondent aux crises en tenant seulement compte du court terme. Nous sommes intervenus en essayant de traiter tout ce qu'il y a en aval. Comme je l'ai dit, lorsqu'on a déclaré la première crise il y a huit ans, ces enfants avaient seulement 12 ans à l'époque. Aujourd'hui, ce sont eux qui meurent.
    J'espère que tous les gouvernements du pays: les administrations municipales, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral, pourront réinvestir dans la prévention et voir que la prévention a un rôle à jouer dans ce continuum, et aussi dans les espoirs à long terme de régler ces problèmes d'envergure.
    Merci.
    Merci, docteur Cauderella.
    Docteur Powlowski, vous avez cinq minutes.
    Merci.
    Il y a deux ou trois semaines, nous avons discuté des troubles de l'ordre public qui caractérisent un grand nombre de zones du centre-ville, et du fait que ces troubles semblent tourner autour de l'usage de drogue. Je suis content de voir qu'il y a quelques personnes ici qui évoquent aussi les problèmes de santé mentale, dans le cadre de la discussion.
    J'aimerais discuter un peu plus de la proportion de l'usage de substances psychotropes et de troubles de santé mentale dans ces problèmes.
    Il a aussi été dit qu'il est difficile de faire la distinction entre les deux, parce que c'est le problème de l'œuf et de la poule. Il y a des drogues, comme la méthamphétamine et même la marijuana, qui peuvent entraîner des psychoses.
    Je pense que je peux m'adresser d'abord au Dr Mathew, et peut-être ensuite à la Dre Morin.
    Dans le Downtown Eastside, dans quelle proportion les problèmes liés à l'itinérance, à l'usage de drogue, à la criminalité et au désordre social sont-ils réellement un problème lié à la drogue, et dans quelle proportion s'agit‑il de problèmes psychiatriques qui ne sont pas traités correctement?
    Sur le même sujet, au cours des dernières semaines que j'ai passées à réfléchir sur la question, j'ai discuté avec des psychiatres à propos de la disponibilité des traitements et des traitements pour la dépendance. Ils m'ont dit: docteur Polowski, il n'y a plus de places. Dans notre aile psychiatrique, nous donnons leur congé à des gens qui ont encore la trace de la corde autour du cou, parce qu'ils avaient essayé de se pendre, alors comment voulez-vous que nous leur retrouvions une place?
    Il n'y a pas assez de places, et certainement pas suffisamment de services aux malades externes. J'ai aussi entendu quelqu'un à Thunder Bay dire qu'il devrait y avoir une centaine de gens à Thunder Bay en train de suivre un traitement ordonné par un tribunal et de prendre des médicaments antipsychotiques, mais qui ne le font pas. Une partie du problème tient apparemment aux troubles concomitants et à la difficulté de faire la distinction entre les troubles psychiatriques et les problèmes de dépendance.
    Dans quelle mesure ces problèmes sont-ils une conséquence du manque de place en soins aux malades chroniques? Nous avons fermé tous les hôpitaux pour patients atteints d'une maladie psychiatrique chronique il y a quelques années pour les remplacer par des médicaments antipsychotiques à long terme. Devrait‑on réexaminer cette décision, pour voir si c'est un problème?
    Je sais que vous avez beaucoup parlé sur le sujet, mais peut-être, docteur Mathew, pourriez-vous d'abord nous parler de certains des enjeux liés à l'intersection entre la maladie psychiatrique et la dépendance.
(1715)
    D'accord. Il y avait beaucoup d'éléments dans votre question, alors je vais commencer par votre dernier point.
    Si on prend la schizophrénie, l'une des statistiques les plus solides que nous avons à ce sujet, c'est qu'environ 1 % de la population sera atteinte de schizophrénie. En Colombie-Britannique, avec sa population d'environ 5 millions de personnes, cela veut dire qu'il y aura environ 50 000 personnes schizophrènes. Ensuite, de ces personnes schizophrènes, environ 20 % pourront être traitées par médication, ne jamais faire de rechute et vivre une vie généralement normale. De l'autre côté, 50 % d'entre eux auront une maladie cyclique, et 30 % ne réagiront pas à la médication.
    Qu'est‑on censé faire avec les gens qui ne réagissent pas à la médication? Le taux d'usage de substances psychotropes est aussi élevé, chez cette population. Chez les gens qui ont une maladie organique intrinsèque qui cause des crises de psychose, il y a souvent des troubles liés à l'usage de substances psychotropes, comme la méthamphétamine en cristaux ou le cannabis...
    Dans mon centre de traitement, la substance la plus couramment utilisée est la méthamphétamine en cristaux. Environ les deux tiers de mes clients en prennent, et environ la moitié consomme aussi du cannabis. Quand ils consomment ces substances, cela les déstabilise aussi, en fait.
    Vous avez mentionné la fermeture des établissements de santé mentale. Il y a un grand asile en Colombie-Britannique, Riverview, qui a fermé ses portes. Mon ami et collègue, le Dr Christian Schütz, a réalisé une étude, et il a constaté que 10 % des gens du Downtown Eastside étaient d'anciens patients de Riverview. Cela remonte à 2005, je crois, alors c'est une ancienne étude, mais cela montre ce qui arrive quand ces gens ne sont pas logés. Il s'agit de milliers et de milliers de personnes, et il faut fournir à ces gens des logements supervisés à long terme. Je pense que c'est un élément clé qui manque dans le continuum.
    Je suis présentement en Suisse, où j'essaie de déterminer comment ici on traite les troubles d'usage de substances et de santé mentale de façon très différente, et pourquoi les taux de rétention sont si supérieurs aux nôtres. Ici, il y a entre autres choses des services globaux, ainsi que des logements supervisés, ce qui veut dire qu'un travailleur social, un infirmier et un médecin de famille sont affectés à chaque patient, et aussi un psychiatre, et toutes ces personnes suivent leurs patients longitudinalement dans la collectivité. Aussi, par rapport au logement, les patients ont du soutien pour obtenir la médication qui leur est fournie.
    Il y a tellement plus de soutien ici, dans la collectivité... et nous ne semblons avoir rien de tel au Canada, en comparaison avec la Suisse.
    Pour répondre à votre première question sur la violence et les problèmes de santé mentale, je n'ai pas de statistiques là‑dessus, à dire vrai. Je peux vous dire ce que je vois, de manière anecdotique.
    Je fais des évaluations rapides pour les tribunaux. Disons qu'une personne commet un crime et se fait arrêter, mais qu'il y a des préoccupations concernant sa santé mentale et qu'on se demande si elle devrait comparaître à son audience sur la libération sous caution le lendemain. On me demande d'évaluer le patient, pour savoir si la personne se porte suffisamment bien, mentalement, pour comparaître devant la cour le lendemain.
    Avant la pandémie, environ une personne sur cinq que j'évaluais rapidement était là parce qu'elles avaient agressé un étranger au hasard. Ces personnes ne connaissaient pas la victime, et pour une raison ou pour une autre, soit parce qu'elles ont fait une psychose à cause d'une maladie organique intrinsèque, soit parce que la psychose a été causée par une substance, elles ont décidé d'agresser quelqu'un.
    Depuis quelques années, c'est une personne sur deux. Il y a eu une augmentation marquée des agressions par un étranger. À présent, je pense que cela a diminué et que c'est peut-être une personne sur trois, mais cela reste une augmentation. Je pense qu'il y a beaucoup de problèmes qui expliquent cela. Premièrement, il y a la déstabilisation à cause de la COVID, et deuxièmement...
(1720)
    Merci.
    Tout cela est très intéressant. Je ne voulais pas vous interrompre, mais nous avons largement dépassé le temps.

[Français]

    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
     Docteure Morin, tantôt vous avez dit qu'il fallait être aux soins intensifs quand le patient est là et prêt à recevoir des traitements.
    Le problème, en ce qui a trait à la crise liée aux drogues illicites contaminées, c'est que les patients n'arrivent pas nécessairement en ambulance aux soins intensifs. Il faut être là où ils sont. Quel que soit le processus thérapeutique à mettre en place, lequel devrait tenir compte du phénomène de rechute, il faut établir un lien avec ces patients et être en contact avec eux.
    Quelles sont vos observations là-dessus?
    En fait, je vais vous donner un exemple très concret, qui concerne le Projet Caméléon. J'ai mis sur pied cet organisme à but non lucratif en 2017, au début de la crise des opioïdes.
    Dans le cadre du Projet Caméléon, une équipe de médecins, de pharmaciens, d'infirmières, d'étudiants en médecine, de bénévoles et de travailleurs de rue se rendent dans des festivals de musique électronique, où les gens sont presque à 95 % sous l'effet de drogues.
    Nous intervenons sur place en cas de surdoses de GHB et de kétamine. On ne retrouve pas beaucoup d'opioïdes ni d'alcool dans ce genre de festivals. Cependant, il y a beaucoup de drogues psychédéliques, comme le LSD et les champignons magiques.
    L'année précédant notre arrivée au festival Éclipse, qui a eu lieu près de Gatineau, à Sainte‑Thérèse‑de‑la‑Gatineau, 27 ambulances se sont rendues sur les lieux. Il y avait des ambulanciers sur place, mais aucun médecin.
    La première année où les intervenants du Projet Caméléon se sont rendus sur les lieux pour intervenir sur place, seulement quatre ambulances ont été appelées. L'année dernière a été une année record, car aucune ambulance n'a été appelée.
    Nous offrons donc des traitements sur place. Nous administrons des antipsychotiques injectables, de la naloxone et des benzodiazépines pour traiter les crises de panique, entre autres choses.
    Nous observons très concrètement que, lorsqu'on traite les gens sur place, on évite des décès et un grand nombre d'hospitalisations, ces dernières n'étant peut-être pas toujours nécessaires.
    Des services de travailleurs de rue sont aussi offerts au centre-ville de Montréal par une foule d'organismes, notamment par les organismes Cactus Montréal et Spectre de rue.
    Nous n'en avons pas parlé du tout aujourd'hui, mais les intervenants du Projet Caméléon procèdent aussi à l'analyse de substances. Les gens peuvent donc faire analyser des substances avant de les consommer. Habituellement, quand nous pensons avoir trouvé des traces de fentanyl dans ces substances, nous en informons les gens. Ils ne les consomment tout simplement pas.
    Quelqu'un a dit tantôt que les gens se tournent vers le fentanyl de rue. C'est vrai. Je considère qu'il existe maintenant une épidémie de « fentanylomanes ». Certaines personnes souffrent maintenant de dépendance liée à la consommation de fentanyl.
    Sachez qu'il existe aussi maintenant dans la rue des produits bien pires que le fentanyl, comme le carfentanil et l'isotonitazène. Les gens peuvent se procurer toutes sortes d'autres opioïdes qui sont encore plus puissants que le fentanyl.
    L'analyse de substances est un service pouvant être offert dans la rue, et cela peut sauver des vies. J'espère qu'il est offert à Vancouver.
    Contrairement à ce que des gens pensent, ce service ne fait pas augmenter la consommation de substances. Cela a plutôt tendance à la faire diminuer.
    Merci.
    Merci, docteure Morin.

[Traduction]

    Monsieur Johns, vous avez deux minutes et demie. Allez‑y.
    Je vais reparler de Mme Wilson, la présidente de l'Association des chefs de police de la Colombie-Britannique, qui a dit, lors de notre dernière réunion: « Nous savons que ce n'est pas le détournement de substances issues de l'approvisionnement sécuritaire et de médicaments d'ordonnance qui tue les gens. » Elle a aussi dit: « Nous savons aussi que le volume ou le potentiel d'augmentation du volume de médicaments d'ordonnance et de substances d'approvisionnement sécuritaire qui peuvent être détournés sont assez négligeables comparativement aux quantités de fentanyl que le crime organisé peut produire, importer et exporter. »
    Madame Schulz, peut-être pourriez-vous nous dire à quel point il est facile d'obtenir du fentanyl toxique dans les rues au Canada, et à quel point il est difficile — ou quelle est la procédure — pour obtenir des substances d'approvisionnement sécuritaire, dans les provinces où cela est autorisé. Je m'excuse aux autres témoins, mais je vous cède le reste de mon temps — une minute et demie —, parce que je sais qu'il y a certains politiciens qui ne veulent pas que vous ou d'autres mères soyez entendues. Je veux m'assurer que vous avez le temps de vous exprimer.
(1725)
    Merci, monsieur Johns.
    Nous savons tous à quel point il est facile d'obtenir des substances illicites, où que ce soit au pays. Les narcotrafiquants ne vous demandent pas une carte d'identité. Je vous ai donné l'exemple de la jeune Olivia, qui est décédée.
    En ce qui concerne l'approvisionnement sécuritaire, les gens qui en ont besoin pour sauver leur vie doivent surmonter des obstacles énormes. En Colombie-Britannique, où cela est autorisé, il faut un médecin prescripteur qui soit prêt à travailler avec la personne. Seulement un très petit nombre de gens en Colombie-Britannique, environ 5 % de ceux que cela aiderait, ont accès à un approvisionnement sécuritaire. En Alberta, où il y a eu une injonction judiciaire, il reste une personne qui a accès à l'approvisionnement sécuritaire, et elle se porte bien, fort heureusement. Elle m'a dit qu'elle serait morte, aujourd'hui, si ce n'était de cette injonction de la cour.
    Nous érigeons des obstacles énormes devant une mesure qui pourrait sauver la vie des gens, alors qu'il est si facile d'acheter de la drogue dans la rue, de la drogue trop souvent mortelle. Nous fermons aussi les yeux sur le fait que les gens qui meurent ne sont pas seulement ceux qui auraient besoin d'être traités; ce sont aussi les consommateurs occasionnels. Ce sont des gens qui consomment juste une fois, comme la jeune Olivia. Nous devons tenir compte de ces personnes également. C'est dans ce contexte que la vérification des drogues prend son importance. Nous devons éliminer les obstacles qui nous empêchent de sauver des vies et mettre en œuvre des mesures fondées sur des données probantes. Autrement, les taux au Canada vont continuer d'augmenter.
    De même, il faudrait fournir immédiatement un accès au traitement, quand une personne veut faire des efforts de prévention. Personne ne parle de la pauvreté et des effets de la pauvreté, dans le contexte de la prévention. On ne peut pas faire de la prévention seulement avec une poignée de programmes de sensibilisation. Il faut aussi s'assurer que les gens ont une bonne vie.
    Merci, madame Schulz.
    La parole est à Mme Goodridge, s'il vous plaît, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Docteur Mathew, la Colombie-Britannique a élaboré des protocoles pour prescrire du fentanyl aux jeunes à des fins récréatives. Je me demandais simplement si vous pouviez dire au Comité ce que vous pensez du fait de fournir du fentanyl aux jeunes plutôt que de leur offrir un traitement en matière de santé mentale et de toxicomanie.
    Je ne crois pas que nous devrions rejeter d'emblée la moindre intervention, mais nous devons appliquer le principe de précaution à l'élaboration de tels protocoles. Que cela signifie‑t‑il? Un auteur, Nassim Taleb, a rédigé un document en 2010. Ce qu'il a dit, c'est que l'on doit tenir compte de deux facteurs. D'abord, le risque est‑il systémique ou local? Cela cause‑t‑il peu de dommages ou beaucoup de dommages?
    Pour ce cas‑ci, si l'on augmente l'approvisionnement de fentanyl dans la communauté, il s'agirait d'un risque systémique ayant d'importants effets négatifs, et il faudrait y appliquer le principe de précaution. Ce qu'il faut faire, c'est de comprendre d'abord comment cela fonctionne.
    S'il y a bien quelque chose à faire, c'est de tenir compte de petits projets pilotes qui examinent de manière rigoureuse et objective les effets positifs et négatifs; bon nombre des études menées jusqu'à présent à ces égards ne tiennent pas compte des effets négatifs. De cette manière, nous pouvons mesurer les risques et les avantages d'un tel programme, et si la mise en place d'un tel programme indiquait que les avantages objectifs surpassaient les risques, c'est un programme qu'il faudrait alors mettre en œuvre. Toutefois, et cela ne se fait pas, nous devrions appliquer le principe de précaution lorsque nous effectuons des interventions qui peuvent augmenter l'approvisionnement de drogues causant une dépendance dans la collectivité.
    Croyez-vous qu'il est problématique de fonder des décisions politiques sur des projets qui n'ont pas été étudiés rigoureusement et d'examiner seulement les répercussions sur les personnes qui consomment des drogues, et non sur la sécurité publique et communautaire?
    Je crois que nous devons absolument avoir une vue d'ensemble lorsqu'il est question de l'approvisionnement en drogues causant une dépendance; nous devons en examiner les effets positifs et négatifs non seulement sur la population qui reçoit un traitement, mais sur la population en général.
    Dans les années 1990, lorsque les médecins ont été poussés à prescrire des opioïdes, c'était pour soulager la douleur en tant que « cinquième signe vital ». C'était le Dr James Campbell qui était le président de l'American Pain Society; c'était donc une personne très respectable qui exerçait des pressions en ce sens. Toutefois, cela a entraîné de nombreux effets négatifs, et nous devons donc vraiment étudier les effets positifs et négatifs parce que, en tant que médecin, on veut s'assurer de prescrire quelque chose dont les avantages surpassent les risques.
(1730)
    Merci.
    Vous avez parlé de la crise de l'OxyContin. Constatez-vous qu'il y a des similitudes lorsqu'il est question de l'approvisionnement sûr d'opioïdes puissants? Voyez-vous des similitudes entre ce qui s'est passé dans les années 1990 et la crise de l'OxyContin?
    Je ne veux pas me prononcer sur la question, mais je vais parler d'un document que le gouvernement a produit, qui s'appelle « Youth Unregulated Drug Toxicity Deaths in British Columbia ». Les données de cette étude ont été recueillies entre 2017 et 2022. On a conclu que, parmi le nombre de jeunes décédés, aucun n'est décédé avec de l'hydromorphone dans son organisme en 2017, 2018 et 2019. En 2020, l'année où l'approvisionnement sûr est apparu, 5,5 % des jeunes décédés avaient de l'hydromorphone dans leur organisme. En 2021, 8,3 % des jeunes avaient de l'hydromorphone dans leur organisme, et en 2022, cette proportion avait augmenté pour atteindre 22,2 %. Nous constatons qu'il y a une augmentation du nombre de jeunes qui ont de l'hydromorphone dans leur organisme au moment de leur décès.
    Soyons clairs. Cela ne veut pas dire que les jeunes sont décédés à cause de l'hydromorphone, mais cela n'aide certainement pas d'avoir de l'hydromorphone dans son organisme au moment du décès. Ce qui m'inquiète, c'est que cela pourrait indiquer qu'il y a une augmentation de la consommation de drogues parmi les jeunes. Nous n'en sommes pas certains. Il faut étudier davantage la situation, et c'est certainement quelque chose qu'il faut examiner. Les données concernant les adultes n'ont pas encore été publiées, alors je veux m'en tenir aux faits, et ce sont là les statistiques à ce sujet.
    Je suis ravie que vous souhaitiez que les décisions soient fondées sur les faits et non sur des projets, et je crois que c'est l'un des défis qui se posent. Je sais que des membres du NPD aiment dire que nous répandons de fausses informations, mais, en fait, je souhaite simplement que les décisions en matière de politique publique soient fondées sur des faits et sur des données scientifiques examinées par des pairs, et non sur des sentiments et sur la volonté de sauver le monde alors que nous laissons la prochaine génération succomber à la dépendance en facilitant l'accès aux drogues. Si vous pouviez dire quelque chose maintenant aux jeunes, qui pourraient envisager de consommer et de se procurer de l'hydromorphone grâce à l'approvisionnement sécuritaire, que diriez-vous à ces jeunes de la Colombie-Britannique?
    Répondez aussi brièvement que possible, s'il vous plaît.
    Je leur dirais que tous les types d'opioïdes créent une dépendance et que si vous acquérez une tolérance à une drogue comme l'hydromorphone, vous pourriez passer à des drogues plus dangereuses comme le fentanyl; il faut rester prudent face à la consommation de tout type d'opioïdes.
    Merci.
    Les dernières questions pour ce groupe de témoins seront posées par des libéraux.
    Je crois que c'est au tour de M. Hanley.
    Merci.
    Je laisserai du temps à M. Powlowski, également, surtout si vous me le rappelez.
    Je souhaite tout d'abord remercier mon collègue, M. Ellis, d'avoir mentionné le modèle de prévention Planète Jeunesse.
    Je veux simplement souligner de nouveau, comme l'a dit Mme Schulz, à quel point c'est essentiel. J'aimerais aussi faire remarquer — parce que ce n'est peut-être pas tout le monde qui le sait — que 20 millions de dollars du budget fédéral est consacré, à partir de 2023‑2024, aux initiatives de Planète Jeunesse, et qu'un financement pouvant aller jusqu'à 125 000 $ est consacré à chaque initiative communautaire.
    C'est un très bon départ, à mon avis, pour s'engager à nouveau dans la prévention, qui doit permettre de soutenir nos jeunes de manière très dynamique.
    Docteur Mathew, très brièvement, je tiens à vous féliciter de votre présence en Suisse. Je me demande si vous êtes déjà allé au Portugal.
    Je ne suis pas allé au Portugal.
    Je tiens seulement à le préciser parce qu'il y a peut-être eu une perception erronée selon laquelle la coercition est la pierre angulaire de l'approche du Portugal. J'ai eu la chance de voyager au Portugal avec mon collègue, M. Johns, et de rencontrer directement le Dr Goulão pendant un long moment.
    La coercition ne fait certainement pas partie de l'approche du Portugal. Un groupe travaille à la dissuasion. Il existe une série de mesures fondées sur les cinq piliers, dont la réinsertion, qui répondent vraiment aux besoins des clients, qu'il s'agisse du logement, de la réduction des méfaits, du Suboxone ou de la méthadone ou de la disposition à recevoir un traitement, tout en offrant les moyens nécessaires de répondre à ces besoins selon une approche intégrée fondée sur la compassion et la coordination centrale.
    Je vais céder la parole à M. Powlowski.
    Je vais peut-être avoir besoin d'une minute à la fin, monsieur Powlowski.
(1735)
    J'aimerais laisser le Dr Mathew terminer son récit au sujet de l'augmentation des attaques aléatoires. Je crois qu'il allait faire un lien avec la maladie mentale et la consommation de drogues.
    Vous pouvez peut-être terminer ce récit, et je céderai ensuite la parole à M. Hanley s'il nous reste du temps.
    Bien sûr.
    J'en ai fait mention dans mon exposé, mais je crois que l'un des plus grands problèmes est l'augmentation de la consommation du phényl‑1-propanone‑2 dont est dérivée la méthamphétamine. J'en ai parlé plus tôt dans mon exposé.
    Lorsqu'on fabrique de la méthamphétamine en cristaux... Elle est constituée de deux énantiomères, qui constituent un genre de chiralité. La l‑méthamphétamine est un décongestionnant nasal, et la d‑méthamphétamine est le composant psychotrope. Cette drogue est fabriquée de façon à être de la d‑méthamphétamine pure, alors même si vous en consommez la même quantité, vous êtes plus susceptible de ressentir des effets psychotropes.
    Je crois que l'augmentation de cette drogue dans le marché de stupéfiants a grandement participé à la psychose dont nous sommes témoins.
    Je crois que toutes ces choses combinées entraînent une augmentation des attaques aléatoires sur des inconnus dans la population.
    Vous avez deux minutes.
    Excellent.
    Docteur Caudarella, je veux revenir à vous. Nous avons parlé un peu de la décriminalisation ici et là durant la réunion. Je sais que vous êtes installé en Colombie-Britannique. J'aimerais savoir ce que le Canada pourrait apprendre du projet pilote de la Colombie-Britannique jusqu'à présent et ce que vous conseilleriez à Toronto et à peut-être d'autres territoires d'intégrer pour assurer la réussite d'une approche de décriminalisation.
    Merci.
    Même si j'ai travaillé à Vancouver, je suis actuellement à Ottawa.
    Il y a un certain nombre de leçons vraiment importantes. Tout d'abord, la plupart des mesures de décriminalisation ou des solutions de rechange à la criminalisation ont nécessité divers rajustements à différents moments. Les membres de la collectivité ont indiqué clairement qu'ils souhaitent participer à la discussion et négocier une partie de la façon dont les endroits publics sont utilisés.
    Nous devons créer plus de possibilités afin de permettre aux gens de parler, et de parler de différentes manières. Il faut un très bon accès aux traitements. Je crois également que nous devons nous rappeler que si, par exemple, nous demandons à un agent de police d'amener une personne à l'hôpital au lieu de l'amener en prison — je peux vous en assurer parce que je l'ai constaté tant de fois —, nous ne pouvons nous attendre à ce que l'agent de police attende toute la journée que cette personne se fasse soigner.
    Il nous faut de nombreux moyens d'action différents. Nous devons nous assurer qu'il y a des outils à notre disposition. Ce que nous ont dit les forces de l'ordre et les partenaires avec qui nous travaillons, c'est que cela témoigne d'une tendance à ne pas punir les gens des symptômes que nous essayons de traiter. En fin de compte, le but consiste essentiellement à offrir aux gens un accès le plus facile possible en laissant la porte grande ouverte.
    Les gens nous disent qu'ils veulent y participer. Ils veulent avoir des discussions. Le CCDUS tiendra un sommet dans les mois à venir sur la consommation de drogues en public parce que les gens veulent prendre part à cette discussion. Ils ne veulent pas pénaliser les consommateurs. Ils ne veulent pas punir les consommateurs, mais ils veulent avoir une discussion à ce sujet. Nous devons écouter les gens. Nous devons nous adapter. Il n'est pas seulement question de petits groupes de personnes. Nous devons nous assurer d'inclure tout le monde dans la discussion.
    Merci, docteur Caudarella.
    Cela met fin aux questions de la séance d'aujourd'hui.
    Je tiens à vous remercier grandement de la passion avec laquelle vous faites votre travail et de la patience dont vous avez fait preuve durant cette réunion. Nous vous en sommes très reconnaissants, et cela nous sera très utile pour faire des recommandations au Parlement et au gouvernement.
    Le Comité souhaite‑t‑il lever la séance?
    Des députés: D'accord.
    Le président: La séance est levée.
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