Passer au contenu
;

HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 127 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 septembre 2024

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Je vous souhaite la bienvenue à la 127e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
    Avant de commencer, j'aimerais demander à tous les participants en personne de lire les directives sur les cartons qui se trouvent sur la table. Ces mesures sont en place pour aider à prévenir les problèmes de rétroaction acoustique et ainsi protéger la santé et la sécurité de tous les participants, notamment des interprètes.
    Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les participants à distance ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité reprend son étude sur l'épidémie d'opioïdes et la crise des drogues toxiques au Canada.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins.
    Nous accueillons aujourd'hui, à titre personnel, Mme Patricia Conrod, psychologue clinicienne et professeure en psychiatrie et addictologie, au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine de l'Université de Montréal.

[Français]

     Elle participe par vidéoconférence.

[Traduction]

    Nous accueillons également, à titre personnel, le Dr Martyn Judson, qui comparaît virtuellement, et Gregory Sword, qui est avec nous dans la salle.
    De l'Association canadienne pour la santé mentale, nous accueillons Margaret Eaton, cheffe de la direction nationale, qui est en ligne, et Sarah Kennell, directrice nationale, Politiques publiques.
    Merci à vous tous de prendre le temps de vous joindre à nous aujourd'hui. Vous disposez chacun de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
    Nous allons commencer par Mme Conrod. Bienvenue au Comité. Vous avez la parole.
    En tant qu'experte dans le domaine de la prévention de la toxicomanie et de l'alcoolisme, je veux soulever un certain nombre de préoccupations. Comme vous le savez, le...

[Français]

    Monsieur le président, je prie la témoin de m'excuser, mais j'invoque le Règlement.
    De façon très respectueuse, j'aimerais demander aux interprètes de parler dans le micro. Vous savez très bien qu'ici, dans cette salle, le volume est très faible. Je l'ai mis à 85 % et je n'entends pratiquement rien. J'aimerais donc qu'on fasse un effort particulier, dans la cabine des interprètes, pour parler dans le micro, et non à côté. Merci.
     Merci, monsieur Thériault.

[Traduction]

     Je présume que vous avez entendu cela, madame Conrod.
    Madame Kayabaga, allez‑y.
(1105)
    Monsieur le président, je demanderais également que nous augmentions le volume. Je n'entends pas ce qu'elle dit.
    Merci.
    Très bien.
    Madame Goodridge, allez‑y.
    Oui...
    Donnez-moi un instant, madame Conrod.
    Je n'entends pas ce qui se dit dans la salle.
    D'accord.
    Pouvez-vous dire quelques phrases? Nous devons ajuster le son pour que tout le monde dans la salle puisse vous entendre. Je vais vous demander de recommencer votre déclaration une fois que tous les problèmes seront réglés.
    Madame Conrod, allez‑y.
    Vous voulez que je dise quelques mots seulement, n'est‑ce pas?
    Où êtes-vous aujourd'hui?
    Est‑ce que tout le monde m'entend bien? Je vais attendre votre signal pour recommencer.
    D'accord. Le volume est‑il adéquat dans la salle maintenant? Est‑ce que tout le monde m'entend bien?
    Je vous souhaite la bienvenue à la 127e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
    Est‑ce que vous entendez tous bien dans vos oreillettes?
    Madame Kayabaga, est‑ce que tout va bien?
    Je vous entends bien, mais je n'entends pas ce qu'elle dit.
    D'accord.
    Pouvez-vous essayer cela, madame Conrod?
    Pouvez-vous m'entendre maintenant? Je peux essayer de parler plus fort.
    L'entendez-vous dans votre oreillette? Très bien.
    Veuillez recommencer. Je suis désolé pour ces problèmes, qui arrivent parfois.
    Reprenez depuis le début, madame Conrod. Je vous remercie.
    Il n'y a pas de problème.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à m'adresser au Comité aujourd'hui et de l'attention que vous portez à cette crise sanitaire, la crise de surdoses d'opioïdes, qui touche les jeunes.
    J'ai envoyé une déclaration tard hier soir — j'espère que vous la lirez tous — sur la façon dont la crise des opioïdes touche les jeunes. Les décès liés aux opioïdes sont plus nombreux que ceux liés à l'alcool, malgré la prévalence beaucoup plus élevée de la consommation d'alcool chez les jeunes au Canada. Le Sondage sur la consommation de drogues et la santé des élèves de l’Ontario a récemment révélé que, comparativement à toutes les autres drogues, la consommation d'opioïdes augmente chez les jeunes, et aujourd'hui, plus de 20 % des élèves du secondaire déclarent avoir essayé un opioïde au cours de la dernière année.
    Il existe diverses solutions pour lutter contre la toxicomanie. Il ne s'agit pas seulement de traitements aigus et d'interventions pharmacologiques. Les solutions comprennent également des programmes de prévention indiqués, des programmes de prévention universels et des programmes de prévention sélectifs ou ciblés, et c'est ce dont je veux vous parler aujourd'hui.
    Dans mon mémoire, j'ai souligné un certain nombre d'examens systématiques qui ont porté sur le sujet. L'un d'entre eux a été mentionné par le médecin-chef des États-Unis en 2016 et donne un aperçu très complet des programmes de prévention fondés sur des données probantes qui sont actuellement disponibles et qui peuvent fournir des solutions à la crise actuelle des opioïdes au Canada. Il y a aussi un rapport de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, ainsi qu'un rapport conjoint de l'OMS, l'UNESCO et l'ONUDC. Dans ces trois rapports, il y a des programmes qui ont été élaborés et mis à l'essai au Canada, mais ils ne sont pas très répandus et mis à la disposition des jeunes au pays à l'heure actuelle.
    J'ai présidé un comité, un groupe de travail, qui s'est penché sur la crise sanitaire émergente afin de trouver des solutions pour les personnes à risque et les jeunes consommateurs d'opioïdes. Le rapport de notre examen systématique a été publié dans la Revue canadienne de psychiatrie il y a quelques années. Dans ce rapport, nous avons recensé deux programmes — seulement deux — qui se sont révélés efficaces pour prévenir l'abus de médicaments d'ordonnance chez les jeunes. Il y a le système de prestation Prosper, qui a fait l'objet d'une évaluation à grande échelle aux États-Unis, et le deuxième est le programme de prévention axé sur la personnalité, qui a été élaboré et testé à grande échelle au Canada.
    En ce qui concerne le manque important de données probantes sur les solutions pour les jeunes qui consomment des opioïdes et qui présentent un risque très élevé de décès par surdose ou de transition vers une dépendance et une addiction permanentes, nous avons mené un certain nombre de groupes de discussion auprès de consommateurs à risque partout au pays. Diverses recommandations ont été formulées, et je vous renvoie à des articles qui ont été publiés dans le Canadian Journal of Addiction. Le principal message qui est ressorti de ces entrevues qualitatives avec des consommateurs à risque était le besoin d'avoir plus de programmes axés sur les jeunes et le désir d'avoir plus de programmes scolaires, d'ateliers, d'interactions en personne et de discussions liés au risque d'abus des médicaments d'ordonnance, y compris des discussions sur les problèmes de santé mentale sous-jacents, la pression des pairs et les inquiétudes liées à la consommation des autres.
    Je serais très heureuse de passer en revue les données probantes relatives aux programmes de prévention qui sont actuellement offerts au Canada et qui pourraient être mis en œuvre à grande échelle. Je veux simplement terminer en formulant quelques recommandations au Comité sur la façon dont nous pourrions mieux gérer le risque de surdose d'opioïdes chez les jeunes au pays.
    Premièrement, les collectivités ont besoin d'aide pour examiner et comprendre la documentation très complexe sur la prévention de la toxicomanie et de l'alcoolisme. Je recommande que Santé Canada tienne un processus d'examen et un registre des programmes de prévention de l'alcoolisme et de la toxicomanie fondés sur des données probantes, semblables à ceux de la SAMHSA aux États-Unis et à d'autres États qui ont des programmes de prévention de même nature.
    Le gouvernement fédéral doit investir davantage dans la prévention de la toxicomanie au pays. Comme vous le savez, l'abus d'alcool et de drogues représente des coûts énormes pour la société, mais moins de 1 % de ces coûts sont consacrés à la mise en œuvre de programmes de prévention au pays. Les collectivités ont besoin de ressources supplémentaires pour les aider à adapter les programmes fondés sur des données probantes et à évaluer leur mise en œuvre dans de nouveaux contextes où il y a des lacunes de données.
(1110)
    À la lumière de la menace croissante que la crise des opioïdes fait peser sur la santé des jeunes en Amérique du Nord, Santé Canada et le gouvernement canadien devraient explorer des moyens d'inciter les provinces et les territoires à adopter des ordonnances et des normes minimales en matière de prévention de l'abus des drogues afin que chaque enfant au pays soit exposé à un programme fondé sur des données probantes immédiatement.
    Nous avons besoin d'un outil de mise en œuvre et d'évaluation plus coordonné, qui pourrait facilement être rattaché au réseau de l'Initiative canadienne de recherche sur l'abus de substances des Instituts de recherche en santé du Canada, mais nous avons besoin aussi que plus de ressources soient consacrées à la recherche et à l'évaluation de la prévention, car jusqu'à maintenant, la recherche a porté principalement sur les traitements de substitution aux opioïdes.
    Santé Canada devrait également cesser d'investir dans des stratégies de prévention de la toxicomanie pour lesquelles les preuves scientifiques sont limitées. Je pourrai vous en dire plus à ce sujet.
    Enfin, nous avons besoin d'accroître la sécurité en ligne pour les enfants et les jeunes. Le marché des drogues illicites a fait la transition vers les médias sociaux, et c'est là qu'on prépare les jeunes à faire un usage et un mauvais usage des drogues tout au long de leur vie. Il est extrêmement important que nous commencions à envisager de nouvelles façons de protéger les jeunes en ligne.
    Je vous remercie.
    Merci, madame Conrod.
    Nous passons au Dr Martyn Judson.
    Bienvenue au Comité, docteur Judson. Vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président, pour cette invitation à venir témoigner devant le comité de la santé de la Chambre des communes.
    Je suis un médecin autorisé à pratiquer en Ontario. J’exerce la médecine depuis 49 ans. Au départ, je pratiquais la médecine générale, puis à partir de 1990, je me suis spécialisé à temps plein dans le traitement médical de la toxicomanie. Je suis reconnu officiellement par l’International Society of Addiction Medicine et, dans la prise en charge de l'abus de substances, par le Royal College of General Practitioners du Royaume-Uni. J’ai été le premier médecin à prescrire de la méthadone pour la prise en charge de la dépendance aux opioïdes à l’ouest de Toronto, en 1991.
     Je suis coauteur de la première édition des lignes directrices sur le traitement à la méthadone, publiées par l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario. Plus tard, je suis devenu directeur médical de la Clinique 528, qui, à une certaine période, comptait 22 médecins qui prenaient en charge 1 400 patients dépendants aux opioïdes.
     Au milieu des années 1990, la prescription de méthadone était rigoureusement réglementée par Santé Canada et l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario afin de minimiser la prise en charge inadéquate des patients, le détournement de médicaments et les surdoses. Les protocoles, nécessaires pour atteindre ces objectifs, étaient scrupuleusement respectés, et une amélioration de la sécurité et de la santé des patients a été observée.
    Initialement, la Clinique 528 s’est heurtée à beaucoup de résistance de la part des entreprises locales, mais une fois les craintes apaisées, elle est devenue respectée au sein de la communauté. Selon des données anecdotiques recueillies par le service de police de London, les crimes mineurs avaient diminué.
     Dès l’instauration de ce qu'on appelle des « cliniques d'approvisionnement sûr » à London, le nombre de patients fréquentant la Clinique 528 s’est mis à diminuer, et parmi les patients qui sont restés, beaucoup ont continué à avoir un rétablissement instable.
    Je reconnais que le traitement de substitution des opioïdes, sous forme de méthadone et de Suboxone, ne répond pas aux besoins de tous les patients. Je reconnais également que la prescription d’opioïdes est acceptable, nécessaire et indiquée, mais à la condition qu’elle implique des opioïdes à action prolongée. L’utilisation de préparations d’opioïdes à brève durée d’action comme le Dilaudid, qui ne sont ni contrôlées ni réglementées, augmente considérablement le risque de déstabilisation, de surdose, de détournement de médicaments, d’itinérance et de criminalité chez les patients.
    La situation politique à London n’aide pas à atténuer ces risques. Santé Canada et l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario semblent tous deux avoir abdiqué toute responsabilité de surveillance, ce qui fait que de nombreux médecins et pharmaciens prescrivent des opioïdes à brève durée d’action, qui accroissent la dépendance.
     Il faut reconnaître que les personnes souffrant de dépendances sont malades, mais aussi que le recours aux opioïdes est un choix, un moyen de fuir la réalité et le reflet de la dégradation de la société. Le remède ne consiste pas à prescrire d’importantes doses d’opioïdes, mais plutôt à rétablir des mécanismes de contrôle et de soutien pour aider non seulement les patients, mais également les prescripteurs, les prestataires de soins et les communautés locales. Ce n’est que lorsque le patient est stable qu’il peut retrouver sa santé, son intégrité et sa fierté, et être responsable.
     L’approvisionnement sûr ne s’accompagne généralement pas de tels progrès.
     Je vous remercie.
(1115)
    Merci, docteur Judson. Nous passons maintenant à M. Gregory Sword.
    Monsieur Sword, bienvenue au Comité. Vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire. Allez‑y, monsieur.
    Je vous remercie de m'accueillir. J'ai perdu ma fille il y a deux ans à cause de cette crise des opioïdes. Je me suis battu pendant les deux dernières années pour lui sauver la vie, et j'ai échoué. Elle pouvait obtenir un approvisionnement sûr en un clic sur Snapchat, et elle aurait pu obtenir toutes les drogues qu'elle voulait en cinq minutes.
    Elle a fait des séjours à l'hôpital pendant les deux dernières années de sa vie. Sa première surdose était liée au fentanyl. L'équipe de santé mentale a été appelée à présenter un rapport, a dit qu'elle allait bien, et cinq minutes plus tard, elle a été libérée de l'hôpital. Ma fille souffrait d'un TDAH. Le confinement lié à la COVID l'a éloignée de sa routine habituelle et elle avait besoin d'un exutoire. Elle n'avait pas l'habitude d'être confinée toute la journée, alors elle a commencé à aller de plus en plus sur Internet. C'est à ce moment que son expérimentation a commencé. Elle a commencé par la marijuana, puis elle s'est tournée vers les barres, le Xanax de rue, et elle a finalement été initiée aux dillies. Étant un père naïf, quand elle parlait d'aller chercher une barre dilly, je me disais que c'était de la crème glacée, alors cela ne m'a jamais inquiété. Elle passait du temps au Dairy Queen avec ses amies. La situation a évolué au point où elle a eu une autre surdose, près d'un an jour pour jour avant sa mort. Nous avons eu un an pour la sauver, et nous avons échoué. Chaque fois qu'un conseiller jeunesse venait me voir, il me disait la même chose. Elle devait demander de l'aide concrètement. Ma fille était têtue. Elle n'aurait jamais demandé d'aide à qui que ce soit. Comme père, j'ai dû rester là à regarder ma fille mourir à petit feu pendant un an et je n'ai pas pu l'aider.
    Des conseillers en toxicomanie venaient lui parler, et ils lui disaient qu'il n'y avait pas de problème à ce qu'elle continue à consommer de la marijuana. Je ne pouvais donc plus rien dire. Je ne pouvais contrôler aucune substance que ma fille prenait. Dans son esprit, cela lui donnait le droit de continuer à fumer de la marijuana, ce qui m'a placé dans la position la plus difficile de ma vie. Est‑ce que j'allais laisser ma fille aller se procurer de la marijuana dans la rue ou est‑ce que j'allais devenir un trafiquant pour ma propre fille? J'ai opté pour cette dernière approche et j'ai commencé à en vendre, afin de fournir à ma fille la marijuana dont elle avait besoin et en quantité sûre.
    Mais ce n'était pas suffisant pour elle. Elle aimait les pilules. La facilité avec laquelle elle pouvait obtenir des pilules était incroyable. Elle se rendait au parc local et avait accès à ce qu'on appelle un approvisionnement sécuritaire en cinq minutes. Elle était gênée de le faire. Après la deuxième surdose, elle et ses amies ont décidé qu'elles devaient arrêter, mais elles n'ont pas demandé d'aide professionnelle. Elle en est arrivée au point où elle était gênée d'être une toxicomane, alors elle a commencé à le cacher. Elle attendait que je m'endorme et prenait ses pilules dans son lit. Je me rendais au travail le lendemain matin, alors je n'en voyais jamais les effets, jusqu'à ce que je reçoive cet appel fatidique disant qu'elle avait été retrouvée morte dans sa chambre.
    Depuis, j'ai essayé de comprendre ce qui a mal tourné. J'ai parlé à des députés provinciaux. J'ai parlé à la police. Les policiers ne cessent de me dire qu'ils ont les mains liées. J'ai parlé à des conseillers; ils n'ont pas assez de ressources. Après le décès de ma fille, une de ses meilleures amies a fait une surdose à deux autres reprises, et une autre, à trois reprises. Nous avons finalement réussi à faire suivre une cure de désintoxication à l'une d'entre elles après qu'elle a finalement demandé de l'aide. Il lui a fallu un mois et demi pour trouver une place.
(1120)
    Pour les adolescents, un mois et demi, c'est toute une vie, surtout lorsqu'ils sont aux prises avec une dépendance. Nous aurions pu perdre cette jeune fille très rapidement, faute du financement nécessaire pour aider ces enfants à surmonter leur dépendance.
    C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant.
    Merci, monsieur Sword.
    Nous passons maintenant à Mme Eaton, de l'Association canadienne pour la santé mentale.
    Merci beaucoup. Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité pour contribuer à son étude, qui arrive à point nommé.
    Je tiens à remercier Greg Sword pour ses paroles éloquentes et pour le courage qu'il lui a fallu, je le sais, pour venir raconter son histoire. Je lui offre mes condoléances. Je les offre également à toutes les familles au pays qui ont perdu des êtres chers à cause de la crise des drogues toxiques.
    L'Association canadienne pour la santé mentale fournit aux jeunes des services communautaires gratuits de première ligne liés à la santé mentale et aux dépendances dans plus de 330 collectivités de toutes les provinces et du Yukon, en milieu rural, nordique et urbain.
    Les soins communautaires en santé mentale et en toxicomanie sont un complément essentiel aux soins dispensés par les médecins et les hôpitaux. Nos services couvrent divers éléments: littératie en matière de santé mentale et centres intégrés pour les jeunes, gestion de cas et services d'orientation, counselling clinique, gestion du sevrage et traitement, unités de stabilisation, logements supervisés et équipes mobiles d'intervention d'urgence et lignes d'assistance, y compris la ligne nationale 988 pour la prévention du suicide.
    Cependant, il faut constamment se battre pour répondre aux besoins croissants des Canadiens. Partout au pays, les listes d'attente pour accéder aux services sont longues. Les organismes de santé communautaires de première ligne ne font pas partie du système de soins primaires, une réalité inscrite dans la Loi canadienne sur la santé, qui a été adoptée il y a 40 ans, qui ne garantit aux personnes qui ont des problèmes de santé mentale et de toxicomanie que l'accès aux salles d'urgence, aux psychiatres et aux médecins de famille. On ne prévoit pas l'accès aux services liés à la santé mentale et à la consommation de substances que fournissent les organismes communautaires.
     Par conséquent, la plupart des services communautaires en santé mentale et en consommation de substances ne sont pas couverts par les régimes d'assurance-maladie des provinces et des territoires. Il en résulte que nous manquons de fonds et que nous devons nous contenter de financer des projets à court terme. Nous recueillons des fonds grâce à la bonne volonté des Canadiens qui ont la capacité de faire des dons. En outre, les organismes de santé communautaires sont souvent tenus à l'écart des discussions cruciales sur les soins de santé qui ont lieu avec les décideurs.
    Par ailleurs, il existe de graves inégalités salariales entre notre personnel et celui des hôpitaux et des autres centres de soins de santé. Cette situation, en plus des longues listes d'attente, se traduit par des niveaux élevés d'épuisement professionnel, un faible taux de maintien en poste et un fort roulement de personnel. Notre personnel est épuisé et en proie à une détresse morale et tente de répondre avec compassion et énergie à une crise qui ne cesse de s'aggraver.
     Des intervenants de première ligne m'ont parlé des difficultés qu'ils rencontrent dans le contexte de la crise des drogues toxiques. Partout au pays, ils nous racontent que leurs clients sont prêts à suivre un traitement, mais qu'ils restent sur une liste d'attente pendant quatre mois parce qu'il n'y a pas d'options de traitement financées par l'État. Ils me parlent de leurs clients qui se rétablissent, mais qui rechutent parce qu'ils n'ont pas de logement, et encore moins de logement assorti de services de soutien généraux. Ils me parlent de la douleur causée par la perte, en l'espace d'une semaine seulement, de nombreux clients à cause d'intoxications aux opioïdes.
     Je crois que toutes les personnes ici présentes ont une même vision: faire en sorte que nos collectivités soient des lieux sûrs qui permettent à nos familles et à nos amis de s'épanouir. C'est une vision qui garantit l'existence de services de soutien pour les personnes qui sont atteintes de maladies mentales et de troubles liés à la consommation de substances afin qu'elles puissent obtenir l'aide dont elles ont besoin au moment où elles en ont besoin.
     Bien sûr, nous voulons respecter les domaines de compétence, mais il existe des programmes, des politiques et des lois sur lesquels vous, en tant que décideurs fédéraux, avez le pouvoir d'agir. Je vous donne trois exemples.
     Premièrement, et c'est le plus important, il faut modifier la Loi canadienne sur la santé pour y inclure explicitement les services communautaires en santé mentale, en toxicomanie et en soins de santé liés à la consommation de substances. Deuxièmement, dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement, des fonds doivent être réservés, en particulier pour des logements de transition et des logements supervisés. Les gens peuvent recevoir le meilleur traitement possible contre la toxicomanie, mais s'ils n'ont pas d'endroit où vivre, nous négligeons l'un des éléments fondamentaux de leur rétablissement. Troisièmement, il faut charger Santé Canada de coordonner un plan fédéral de lutte contre la crise.
     Notre système ne peut pas s'appuyer sur les prisons et les hôpitaux. Nos collectivités méritent mieux. Le gouvernement fédéral doit intervenir et coordonner l'adoption d'une approche compatissante et intégrée. L'étude offre la possibilité de mettre les soins de santé mentale et de toxicomanie sur un pied d'égalité avec les soins de santé physique. Je vous demande instamment d'agir en tant que législateurs fédéraux.
    Je suis accompagnée de ma collègue, Sarah Kennell, directrice nationale des politiques publiques, qui est avec vous dans la salle aujourd'hui. Elle y est pour répondre à toutes vos questions.
    Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.
(1125)
     Merci, madame Eaton.
    Voilà qui met fin aux déclarations préliminaires.
    Nous allons maintenant passer aux séries de questions. Ce sont les conservateurs qui commencent.
    La parole est à Mme Goodridge, qui dispose de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je tiens à remercier tous les témoins pour leur témoignage, en particulier Gregory Sword pour avoir parlé de la situation de sa fille. Je lui en suis très reconnaissante.
    Je vais d'abord poser des questions au Dr Judson.
     Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que Santé Canada et l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario semblent tous deux avoir abdiqué toute responsabilité de surveillance.
     Je me demandais si vous pouviez nous en dire plus à ce sujet.
    Lorsque j'ai commencé à prescrire de la méthadone, il me fallait obtenir l'approbation de Santé Canada. Je devais bénéficier d'une exemption spéciale pour pouvoir en prescrire. Pour cela, il fallait que j'aie suivi un cours sur la prescription de la méthadone, dans lequel on décrivait la neurochimie ainsi que la pharmacocinétique de la méthadone. Je devais satisfaire à des exigences particulières devant l'Ordre des médecins et chirurgiens afin de prouver que j'étais en bonne position pour pouvoir prescrire des opioïdes.
    Les deux autorités, l'Ordre et Santé Canada, m'ont désigné comme quelqu'un qui allait prescrire de la méthadone pour des raisons légitimes. La probabilité qu'on en prescrive trop ou de manière inadéquate serait minime.
    Il semble que ce ne soit pas le cas, simplement parce qu'en raison du nombre de patients qui abusent des opioïdes, il est beaucoup trop difficile, voire impossible, pour de nombreux médecins qui traitent cette population de patients, de garder les choses sous contrôle. Je présume que cela prendrait beaucoup trop de temps.
     Je ne peux pas en dire plus.
    Merci.
    En tant que professionnel, pourriez-vous nous expliquer la corrélation entre l'accès aux substances et les dommages qu'elles causent?
    Si l'on ne se limite pas aux opioïdes, on comprend que l'abus de toute substance est un problème. Peu importe ce que l'on consomme, le fait qu'un individu consomme une substance définit vraiment ce qu'est la dépendance.
    Au début des années 1970, peu après avoir ouvert un nouveau cabinet, j'ai été impressionné par un document de recherche qui avait été publié par un sociologue de l'Université Western Ontario. Il concluait que plus l'alcool est disponible, plus il est consommé. Plus l'alcool est consommé, plus il en découle des problèmes.
     Cette conclusion a récemment été corroborée par une étude qui a été menée en Ontario, mais qui a été publiée dans la revue Addiction, au Royaume-Uni, et qui portait sur la consommation d'opioïdes. Les conclusions sont les suivantes: plus on prescrit d'opioïdes, plus ils deviennent accessibles à tous pour des raisons légitimes et illicites, et plus il en résulte de problèmes, notamment une augmentation des problèmes de santé et des visites aux services d'urgence.
     Les deux rapports, qui couvrent une période de 50 ans, indiquent que plus les substances sont accessibles, plus il y aura de problèmes. C'est ce à quoi nous assistons du fait de l'existence des cliniques d'approvisionnement sécuritaire, qui mettent une quantité abondante d'opioïdes dans les rues. Si ces cliniques étaient mieux réglementées, cela permettrait probablement de limiter la quantité d'opioïdes qui se retrouvent dans la rue.
(1130)
    Merci.
    Madame Conrod, je vois que vous hochez la tête. Pourriez-vous peut-être nous en dire plus et nous donner votre point de vue sur le sujet?
    Je comprends la littérature de manière similaire et je souscris donc à toutes ces observations. Cela met également les gens en danger. Plus la consommation de substances est importante chez les adultes, plus le risque est élevé pour les jeunes. Plus on adopte une attitude libérale à l'égard de la consommation de substances, plus les jeunes sont susceptibles d'en consommer, et ce, à un jeune âge. Il existe même des études qui montrent que la proximité de points de vente d'alcool, par exemple, a une influence sur les taux de consommation de substances ou d'alcool chez les jeunes.
    Je répète à quel point je suis préoccupée par l'augmentation de la consommation d'opioïdes chez les jeunes. Il en résulte que le Canada restera confronté à un problème très important pendant des décennies.
    Je vous remercie.
    Monsieur Sword, dans quelle mesure a‑t‑il été facile pour votre fille d'avoir accès à ces puissants comprimés de Dilaudid?
     Il lui suffisait d'un message sur Snapchat ou Instagram pour que quelqu'un lui livre ce qu'elle voulait dans les cinq minutes. Elle pouvait obtenir des dillies, de la cocaïne, de l'acide et de l'alcool quand elle le voulait. Même après sa mort, les gens en question continuaient à lui envoyer des messages.
    Mon ami avait accès à son compte Snapchat et ils lui demandaient toujours si elle avait besoin de dillies.
    Je sais que les amis de Kamilah ont dit que les dillies étaient facilement accessibles dans leur école.
     Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? En tant que parent, je suis terrifiée à l'idée que des opioïdes très puissants soient accessibles dans les écoles.
    La plupart des jeunes s'approvisionnaient auprès de quelqu'un qui pouvait aller dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver, ramasser un tas de pilules et les ramener dans la petite collectivité où je vivais. Avant que ma fille ne meure, deux autres filles de la même région étaient mortes de la même chose, sans qu'on en parle. Je l'ai appris par d'autres parents.
     Il est si facile pour ces jeunes de mettre la main là‑dessus parce qu'on n'exerce pas de surveillance en Colombie-Britannique. On se contente de distribuer les comprimés en espérant que les toxicomanes les prendront et ne les vendront pas pour obtenir la drogue qu'ils veulent. Ils les donnent aux enfants ou aux gangs, et ils reviennent dans les petites collectivités.
    Merci, monsieur Sword.
     Madame Brière, allez‑y, pour six minutes, s'il vous plaît.
     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.

[Français]

    Docteure Conrod, dans vos remarques préliminaires, vous avez parlé des différentes solutions, qui ne sont pas nécessairement des solutions pharmaceutiques, mais plutôt des programmes de prévention universels et des programmes plus ciblés, notamment.
    Justement, vos recherches portent, entre autres, sur les facteurs de renforcement qui peuvent pousser une personne à la consommation. J'aimerais que vous nous parliez de ces facteurs de renforcement et des facteurs prédisposants, ainsi que des approches préventives sur lesquelles vous travaillez.
(1135)
     Oui, absolument. Est-ce que ça vous dérange si je donne ma réponse en anglais?

[Traduction]

    Non. Aucun problème.
     Merci beaucoup. Vous avez manifestement fait vos recherches et je vous en suis reconnaissante.
    Il existe un certain nombre de programmes de prévention fondés sur des données probantes auxquels tous les jeunes devraient avoir accès. Puisque le pays ne compte que 3 400 écoles secondaires, la tâche n'est pas énorme. Il y a un manque de ressources et il faut en consacrer à ces programmes, car il n'est pas simplement question ici d'une affiche dans un couloir ou d'une conférence donnée par quelqu'un qui a déjà consommé des substances. On parle d'interventions psychologiques ou de programmes pluriannuels qui visent à aider les familles et les jeunes à développer des compétences pour gérer le stress et résister sans hésiter à la pression exercée par leurs pairs qui les incitent à consommer. Donner aux jeunes les outils leur permettant de dire non est vraiment une stratégie efficace.
     Lorsqu'il s'agit de contrecarrer certaines des normes sociales qui émanent des médias sociaux... Mes recherches ont révélé que les médias sociaux prônent des normes relatives à la consommation de substances qui posent problème, ainsi que de normes provenant d'autres médias, de familles et de la société en général.
    Je voudrais également vous parler du problème de l'abus de médicaments sur ordonnance, parce qu'il semble y avoir un lien entre ce problème et le risque de développer d'autres troubles mentaux. Ce que nous savons aujourd'hui, grâce à des décennies de recherche sur la psychopathologie et le neurodéveloppement, c'est qu'il existe un certain nombre de facteurs de risque de problèmes de santé mentale précoces.
     Certains traits psychologiques sont d'excellents marqueurs pour déterminer qui est susceptible de développer des problèmes d'anxiété, de dépression, d'impulsivité ou un TDAH, comme l'a décrit M. Sword, ainsi que d'adopter des comportements liés à la recherche de sensations fortes. Les jeunes peuvent très facilement communiquer ces traits de caractère. La façon dont ils révèlent les différences individuelles, telles que l'impulsivité et la recherche de sensations fortes, permet de prédire qui est susceptible d'abuser d'une substance, de quelle substance ils sont le plus susceptibles d'abuser, de quelle substance prescrite ils sont le plus susceptibles d'abuser et quels types de problèmes de santé mentale ils sont susceptibles d'éprouver du fait de leur consommation de substances.
     Mes travaux ont montré à maintes reprises — et il s'agit de vastes essais randomisés qui ont été menés au Royaume‑Uni, en Australie, au Canada et en Europe, auprès de milliers de jeunes — que l'on peut réaliser des interventions cognitivo-comportementales dès le début, c'est‑à‑dire en 7e, 8e et 9e année. Lorsqu'elles sont réalisées avec une grande fidélité par un professionnel de la santé mentale, il est possible de retarder le moment où les jeunes commencent à consommer des substances. On peut éviter que des jeunes développent un trouble lié à l'utilisation d'une substance.
     Je crois que nous ne l'avons pas encore démontré sur le plan scientifique, mais c'est ainsi que l'on pourra commencer à s'attaquer au problème et à réduire la charge qui pèse sur les services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie. Il faut aider les jeunes à retarder le moment où ils commencent à consommer et empêcher les nouveaux utilisateurs de commencer à consommer des opioïdes, un phénomène qui se produit actuellement et qui prend de l'ampleur chaque année depuis 10 ans, ou presque.

[Français]

     Vous avez développé PréVenture, je crois.
     Oui. Voulez-vous que je parle un peu de ce programme?

[Traduction]

     Je dois dire que j'ai participé à l'élaboration du programme PréVenture, mais d'autres chercheurs — par exemple, Sherry Stewart, de l'Université Dalhousie — ont collaboré avec moi à ce projet. Il s'agit d'un programme qui a été conçu pour former des professionnels de l'éducation et de la santé mentale en milieu scolaire à la mise en œuvre efficace d'interventions cognitivo-comportementales à titre préventif. Il a été démontré que le programme est efficace lorsqu'il est offert à grande échelle au sein d'une collectivité.
    Dans un mois environ, une publication importante paraîtra dans l'American Journal of Psychiatry. Il y sera démontré les effets marqués du programme sur les résultats en matière de consommation de substances qui ont été observés sur une période de cinq ans dans le cadre d'un essai contrôlé randomisé qui a été mené auprès de 31 écoles secondaires à Montréal.
    D'autres essais menés en Australie ont également révélé que le programme PréVenture contribue à réduire la consommation de substances pendant les sept années de la vie d'un jeune. Le programme a fait l'objet d'un très grand nombre d'essais. Dans le rapport de 2016 du directeur du Service de santé publique des États‑Unis, on indique qu'il s'agit d'un programme fondé sur des données probantes. J'ai une grande expérience de ce travail dans les écoles du Canada et du monde entier. Grâce à cette expérience, je constate que les écoles sont de plus en plus surchargées. Elles disposent de moins de ressources pour faire le travail.
     Comme l'a dit ma collègue, elles sont débordées. Les taux de roulement du personnel et d'épuisement professionnel sont très élevés. Les médias sociaux, la lutte contre l'intimidation et la nécessité de faire passer des tests dans les écoles ont submergé les ressources psychologiques des écoles à l'heure actuelle. C'est pourquoi il est absolument nécessaire d'accroître les ressources disponibles dans les écoles du pays. À mon avis, la présence d'un ou deux professionnels de la santé ou de la prévention dans chaque école du pays contribuerait grandement à améliorer la vie des jeunes et à réduire le risque de toxicomanie et de surdose.
(1140)
    Merci, madame Conrod.
    Merci, madame Brière.

[Français]

     Je donne maintenant la parole à M. Thériault pour six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, M. Sword, je vous offre mes plus sincères condoléances. Votre témoignage a été très touchant, et même bouleversant.
     Docteur Judson, je voudrais profiter de votre expérience et je vous remercie de votre dévotion à la lutte contre la toxicomanie: quand on y travaille 49 ans, ce n'est pas rien, c'est quasiment une vocation.
     Aujourd'hui, la crise des drogues toxiques est très complexe, beaucoup plus, j'imagine, qu'à l'époque où vous pouviez prescrire de la méthadone à un héroïnomane. En effet, les drogues actuelles sont composées de plusieurs substances. Des experts nous ont même dit que, lorsqu'on entame un processus de désintoxication à certaines drogues de synthèse, on peut tout à coup s'apercevoir que l'individu devient très malade parce qu'on n'a pas ce qu'il faut pour le désintoxiquer d'une autre molécule qui intervient dans sa toxicomanie.
    Au sujet de la crise à laquelle on fait face actuellement, j'aimerais que vous nous disiez quels sont les défis supplémentaires que l'on rencontre en comparaison de ce que c'était au début de votre implication en toxicomanie.

[Traduction]

    Je ne parle pas très bien le français.

[Français]

     Il n'y a pas de problème. Vous pouvez parler anglais, il y a de l'interprétation. Est-ce que vous dites que vous n'avez pas compris la question?
    Si c'est le cas, monsieur le président, il faudrait indiquer au témoin comment il peut entendre l'interprétation.

[Traduction]

    Docteur Judson, avez-vous pu écouter l'interprétation simultanée?
    Non, je ne l'ai pas entendue.
    D'accord. Sur votre écran, vous devriez voir que vous avez le choix d'entendre les délibérations en anglais, en français ou dans la langue parlée. Votre réglage semble donc fixé à « parquet ». Pouvez-vous sélectionner le bon canal pour tout entendre en anglais, s'il vous plaît?
     Dr Martyn Judson: Où est‑ce que je peux le sélectionner? Désolé, je ne...
     Le président: Ce devrait être au bas de votre écran.
     Dr Martyn Judson: Je ne vois que les options pour le son, la vidéo, les participants et lever la main.
     Le président: Après celle pour lever la main, vous devriez voir celle de l'interprétation. La voyez-vous? C'est au bas de votre écran.
     Dr Martyn Judson: Non. Oh! oui. Je vois un bouton pour lever le volume de l'interprétation. Je vois où c'est maintenant. Merci.
     Le président: D'accord. Donc si vous cliquez sur ce bouton, vous n'avez qu'à sélectionner l'anglais.
(1145)
    J'ai cliqué sur « anglais », oui.
    Très bien.

[Français]

     Monsieur Thériault, reprenez votre intervention s'il vous plaît. Vous avez la parole pour six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Docteur Judson, je vais aller droit au but. Je vous lançais des fleurs pour votre engagement quant au traitement de la toxicomanie. On peut dire que c'est pour vous une vocation, étant donné que vous travaillez dans ce domaine depuis plusieurs décennies.
    Je disais aussi qu'il était beaucoup plus simple de traiter un héroïnomane à vos débuts qu'il ne l'est aujourd'hui de désintoxiquer les gens qui vivent l'actuelle crise des drogues toxiques. J'aimerais que vous nous parliez de ce qui différencie ces deux époques.
     Selon des experts que nous avons rencontrés au Comité, au début d'un traitement de désintoxication, l'individu devient vraiment très malade parce que les opioïdes ne sont pas les seuls à contribuer à sa toxicomanie. Il y a aussi d'autres types de molécules. Les gens sont donc confrontés à des défis qu'ils ne connaissaient pas auparavant.
     Quelle est votre expérience en la matière? Que pensez-vous de la crise complexe à laquelle nous faisons face? J'imagine que vous travailliez au début dans un milieu institutionnel et que vos interventions étaient par le fait même de cette nature. Or, l'hiver dernier, le jeune Mathis Boivin est mort après avoir ingéré une seule pilule, une seule fois dans sa vie. Cet état des choses rend la situation plus complexe, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Je vous remercie de vos bons mots.
    Vous avez raison de dire qu'il est plus facile de traiter une personne héroïnomane qu'une personne qui consomme du Dilaudid facilement accessible. Lorsque nous avons commencé à traiter la dépendance aux opioïdes, il y a une quarantaine d'années, le seul médicament accessible à l'époque était la méthadone. La méthadone est un agoniste opioïde à action prolongée, qui a été mis au point pour le traitement de la douleur à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
    La première clinique à utiliser la méthadone a été établie à Vancouver au début des années 1970. À l'époque, le Dr Cassidy avait remarqué que les patients à qui l'on prescrivait de la méthadone pour le traitement de la douleur réagissaient très bien et conservaient la même dose pendant très longtemps, sans jamais n'avoir besoin de dose supérieure.
    En revanche, les opioïdes à durée d'action plus courte, comme l'héroïne et le Dilaudid... En raison de leur durée d'action très brève, le patient se retrouve en sevrage toutes les deux ou trois heures. Il réagit, il combat cette sensation de sevrage en prenant plus d'opiacés. Lorsqu'on prend plus d'opiacés... Il faut comprendre la neurochimie des drogues et des médicaments. Pour simplifier les choses, pour le Comité, je soulignerai seulement que les opioïdes, en fait, finissent par détruire les terminaisons nerveuses. Quand les terminaisons nerveuses sont endommagées, elles ne réagissent plus aux drogues et aux médicaments. C'est pourquoi il faut augmenter les doses d'opioïdes au fil du temps. Cela fait intervenir des substances chimiques appelées cytokines, dont certains ont entendu parler.
    Pour revenir au traitement de la dépendance à l'héroïne, il y a 30 ou 40 ans, il n'y avait pas d'autres substances dans la rue, c'était surtout de l'héroïne et de l'opium, et la prescription de méthadone était très efficace. Le nombre de médecins traitant cette maladie a augmenté graduellement, et nous réussissions à répondre à la demande.
    C'est vraiment depuis la mise en place de ces cliniques d'approvisionnement sécuritaire que... [Difficultés techniques] la surabondance d'opioïdes à brève durée d'action, qui détruisent naturellement l'intégrité neurochimique des utilisateurs, et que nous voyons ces mêmes patients avoir besoin de doses de plus en plus fortes. Dans les faits, les cliniques d'approvisionnement sécuritaire font plus de mal que de bien.
    Je ne suis pas contre les solutions de rechange à la méthadone et à la buprénorphine, c'est‑à‑dire le Suboxone, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire. Les solutions de rechange devraient toutefois être à action prolongée, comme la méthadone et le Suboxone, et il faut exercer une surveillance afin d'éviter cette surabondance de substances à brève durée d'action, qui sont détournées. J'en suis moi-même témoin. Je le vois dans les rues, à l'extérieur de ma propre clinique. Il n'y a pas abondance d'opioïdes pouvant être détournés qui se retrouvent malheureusement entre les mains de jeunes gens comme la fille de M. Sword.
    J'espère que cela répond à votre question.
(1150)

[Français]

     Oui. Il y a maintenant des doses phénoménales et des substances beaucoup plus fortes que l'héroïne, et c'est la raison pour laquelle la situation est complexe.
    Docteure Conrod, nous parlons de cette crise des drogues toxiques et du taux de mortalité associé à leur consommation. En effet, une seule dose est parfois suffisante pour causer la mort, la drogue étant alors quelque chose qu'on essaie pour la première et la dernière fois. De plus, le crime organisé ne semble avoir aucune éthique ni aucune conscience au sujet de ce qu'il vend.
    Par conséquent, que pensez-vous des cliniques de consommation supervisée et de l'approvisionnement sécuritaire? Considérez-vous qu'on a dépassé l'étape où il faut sauver des vies et qu'on peut maintenant strictement se concentrer sur la prévention et le traitement, ou faut-il encore intervenir pour éviter que des gens souffrent et crèvent dans la rue parce qu'on n'est pas capable de contrôler leur consommation?
    Êtes-vous pour la consommation sécuritaire?
    Docteure Conrod, le temps de parole de M. Thériault étant écoulé, je vous prie de répondre brièvement.

[Traduction]

    Brièvement, nous avons besoin d'une stratégie globale de lutte contre les drogues qui comprenne des options sécuritaires pour les personnes dépendantes des opioïdes, d'une stratégie qui mette beaucoup l'accent sur les programmes et les interventions visant à empêcher les jeunes de consommer toute drogue que ce soit. Un jeune intoxiqué est beaucoup plus susceptible d'essayer d'autres substances, par exemple. Ce qui circule actuellement dans les rues et sur Internet est extrêmement dangereux pour les jeunes.
    La dernière chose que je dirais, c'est que ce ne sont pas seulement les cliniques d'approvisionnement sécuritaire qui ont contribué à la circulation des opioïdes. Il y a aussi les chirurgies d'un jour et la prescription d'analgésiques à brève durée d'action pour la gestion de la douleur. C'est ainsi qu'a débuté la crise des opioïdes. Bien des gens sont graduellement passés à des substances plus puissantes parce qu'ils n'avaient pas reçu de diagnostic de dépendance aux opioïdes, puis ils ont été sous-traités.
    Il s'agit d'un problème qui dure depuis 30 ans, qui a évolué et s'est transformé en une situation très complexe, qui exige une approche globale pour régler le problème.
    Merci, madame Conrod.
    C'est maintenant au tour de M. Johns, qui dispose de six minutes.
    Tout d'abord, je remercie tous les témoins de leurs témoignages importants. Je remercie en particulier M. Sword d'avoir le courage d'être ici et de nous faire part de son expérience. C'est un problème tellement difficile à résoudre pour tous ceux qui essaient de trouver des solutions.
    Je tiens à vous remercier de nous raconter votre histoire afin que nous puissions en parler.
    Madame Conrod, M. Sword nous a dit que sa fille avait accès à Internet. En quelques minutes, elle pouvait obtenir du fentanyl, de la cocaïne, de la méthamphétamine, de l'hydromorphone ou de la marijuana. Un clic, et le tour était joué. Vous avez également souligné, dans votre discours, l'impact d'Internet. Vous avez mentionné la nécessité d'améliorer la sécurité en ligne pour les jeunes.
    Pouvez-vous répondre à quelques questions et nous faire part de vos réflexions à ce sujet? Quel rôle jouent les médias sociaux dans la crise de la santé mentale chez les jeunes? Avez-vous des recommandations particulières à faire sur la façon dont nous pouvons rendre Internet plus sûr pour les jeunes?
(1155)
    Je vous remercie de cette question.
    J'ai fait pas mal de recherches sur le sujet. Mes travaux ont permis de démontrer que les médias sociaux, plus que toute autre forme de média, contribuent à la mauvaise santé mentale des jeunes. Il semble que les articles que nous avons publiés ont inspiré en partie Meta à entreprendre une étude sur les jeunes et les effets de ses produits sur la santé mentale.
    Les recherches canadiennes alimentent et influencent actuellement les politiques d'autres pays sur la sécurité en ligne des jeunes. J'aime beaucoup certaines des solutions qui ont été proposées et adoptées au Royaume-Uni et en Europe. Il y a même un rapport que je pourrais transmettre à tous sur certains changements que l'industrie a dû mettre en oeuvre pour se conformer aux nouvelles politiques réglementaires en Europe. Elles se traduisent par des pratiques plus sécuritaires pour les jeunes sur les plateformes de médias sociaux.
    Ce que je peux dire, c'est que plus un jeune utilise les médias sociaux, plus il est susceptible de ressentir des symptômes de dépression et d'anxiété. Plus les jeunes apprennent que la consommation d'alcool chez les mineurs est normale, plus ils sont incités à boire à un jeune âge. Nous constatons le même effet pour le cannabis. Nous avons également démontré que l'utilisation des médias sociaux a une incidence sur le développement cognitif et rend le jeune plus désinhibé et impulsif. Cela contribue aussi aux symptômes du TDAH. Nous savons que ces trois profils comportementaux et symptomatiques exposent un jeune à un risque beaucoup plus élevé de toxicomanie précoce.
    Par conséquent, les médias sociaux augmentent directement et indirectement le risque de dépendance chez les jeunes, à mon avis, parce qu'ils leur donnent accès à des substances, mais aussi par leur incidence sur le développement cognitif et le développement de la maîtrise de soi chez les jeunes, ainsi que par leur influence sur leur attitude à l'égard de la consommation de substances. Il y a trois effets distincts.
    Quelle est la solution au Canada pour accroître la sécurité des jeunes en ligne? Il faut tenir l'industrie responsable des préjudices. Ce n'est pas ce que nous faisons au Canada, à ma connaissance. Je pense qu'il ne faut pas nous concentrer uniquement sur les discours haineux. Les médias sociaux ont d'autres effets néfastes sur les jeunes, et il existe des solutions à ce problème. Je ne sais pas combien de temps il me reste. L'idée est de veiller à ce que les produits soient plus sécuritaires pour les jeunes. Nous pourrons peut-être en reparler à un autre moment.
    Il faut tenir l'industrie responsable de rendre ses produits plus sûrs pour les jeunes, parce que les jeunes utilisent ses produits.
    Merci beaucoup, madame Conrod.
    Nous pourrions vous interroger toute la journée, j'en suis sûr. La prévention est tellement importante chez les jeunes. On ne parle vraiment pas assez de prévention. Nous avons hâte que vous nous fassiez parvenir cette information.
    Madame Eaton, vous avez parlé d'une recommandation qui a été faite au Comité lors d'une réunion précédente d'examiner attentivement la Loi canadienne sur la santé parce qu'elle ne couvre pas ou ne favorise pas les soins interdisciplinaires pour les personnes atteintes de maladies chroniques et complexes.
    Pensez-vous que les contraintes découlant de la Loi canadienne sur la santé nous nuisent dans nos efforts pour endiguer la crise de la santé mentale et des drogues toxiques à laquelle nous sommes confrontés en ce moment?
    Merci beaucoup de cette question.
    Je vais demander à Sarah Kennell, qui est dans la salle et qui est notre experte de la Loi canadienne sur la santé, de répondre à cette question.
    Merci beaucoup de votre question, monsieur Johns, et bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité.
    Le fait est que la Loi canadienne sur la santé ne couvre que les services fournis dans les hôpitaux et par des médecins, ce qui signifie que des services comme la psychothérapie, la consultation et toutes les interventions en amont dont Mme Conrod a parlé, ainsi que les services de traitement de la toxicomanie échappent tous à la portée de la loi. Cela signifie que des personnes qui cherchent à obtenir des services vitaux de traitement de la toxicomanie et de psychothérapie pouvant prévenir l'aggravation des symptômes doivent s'en passer ou payer des services de leur poche.
    Les gens s'en passent parce qu'ils ne peuvent tout simplement pas se les payer. Cela signifie que les symptômes s'aggravent au fil du temps, au point où ils en viennent à devoir composer avec des problèmes très complexes qui mènent à des comportements criminels et à des hospitalisations répétées, ce qui, au bout du compte, coûte plus cher à notre système et est plus difficile à traiter.
    Nous constatons également une prévalence croissante de la prestation de services de traitement de la toxicomanie offerts par des fournisseurs privés, ce qui signifie qu'il n'y a pas de reddition de comptes, pas de normes, pas de surveillance réglementaire et que les gens doivent payer des dizaines de milliers de dollars pour participer à ces programmes. J'ai entendu des histoires de familles qui ont dû contracter une deuxième ou une troisième hypothèque pour que des membres de leur famille aient accès à ce traitement.
    Il n'est tout simplement pas considéré comme faisant partie de notre système de santé public universel.
    La solution envisagée en ce moment serait de modifier la loi afin d'y inclure explicitement une mention de la « prestation communautaire de services », des services comme ceux que M. Sword cherchait si désespérément à obtenir pour sa fille et d'autres membres de la collectivité. Ainsi, ces services pourraient être inclus aux régimes d'assurance-maladie provinciaux et territoriaux, afin que les gens puissent obtenir les soins dont ils ont besoin au moment où ils en ont besoin.
(1200)
    Merci, madame Kennell.
    Nous passons maintenant à M. Moore.
    Je vous félicite pour votre promotion au comité de la santé. La parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse au Dr Judson.
    Vous avez mentionné dans vos observations en quoi se distingue la prescription d'une substance contrôlée à quelqu'un et la façon dont ce médicament est suivi de près par son médecin et sa pharmacie.
    Pouvez-vous expliquer à ceux qui nous regardent en quoi cela diffère de ce qu'on appelle maintenant l'approvisionnement soi-disant sécuritaire que nous voyons dans nos collectivités?
    Certainement. Tout d'abord, je tiens à dire que je suis d'accord avec les observations formulées par Mme Conrod. Nous partageons le même avis.
    Tout d'abord, je dirais que le terme est mal choisi. Le simple fait que ces cliniques soient qualifiées de sources d'« approvisionnement sécuritaire » constitue une forme de désinformation qui laisse entendre que quiconque prend ces médicaments sera parfaitement en sécurité. Il ne s'agit que d'ordonnances d'opioïdes de qualité pharmaceutique, de sorte que le bénéficiaire sait que le médicament vient directement d'une société pharmaceutique et qu'il n'a pas été fabriqué dans un laboratoire clandestin.
    Cependant, l'utilisation de tels médicaments demeure dangereuse. La consommation d'opioïdes à brève durée d'action n'est qu'une solution de rechange à la consommation d'opioïdes achetés dans la rue.
    Je tiens à souligner que la prise du médicament, qu'il s'agisse d'ordonnances de méthadone ou de Dilaudid, n'est qu'une petite partie du traitement de la dépendance. J'insiste toujours sur le fait que la prescription de méthadone ou de Suboxone à un patient vise à ouvrir le dialogue avec lui, à établir des liens et à l'orienter dans la bonne direction pour répondre à ses besoins psychosociaux.
    La perpétuation d'un approvisionnement en opioïdes ne fait que perpétuer la dépendance. Cela ne changera en rien le mode de vie de la personne. C'est ce sur quoi la plupart des ressources doivent se concentrer. Tant qu'on consacre notre temps et notre argent à prescrire des opioïdes à brève durée d'action, on ne change pas grand-chose, dans les faits.
    Merci, docteur.
    Je vous cite une affaire qui a fait les manchettes pas plus tard qu'hier, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. « Une descente de police dans un centre de réduction des méfaits très fréquenté de Nanaimo a donné lieu à plusieurs accusations criminelles contre deux personnes. » En résumé, une personne a été accusée de « 14 chefs d'accusation de possession [de substances] en vue d'en faire le trafic et de huit infractions liées aux armes », tandis qu'une autre a été accusée de « six chefs d'accusation en vue de trafic » et de « cinq infractions liées aux armes ».
    Docteur, compte tenu de votre vaste expérience, cette nouvelle vous surprend-elle?
    Non, parce que la criminalité et la toxicomanie sont en quelque sorte inextricablement liées. Cependant, je tiens à souligner que ce ne sont pas les patients, les utilisateurs, ceux qui souffrent de troubles liés à l'abus de substances qu'il faut cibler. Ce sont les trafiquants et les fournisseurs qu'il faut freiner. C'est pourquoi je suis si convaincu que bon nombre des médecins qui prescrivent des opioïdes à brève durée d'action... Je me demande s'ils comprennent vraiment le mal qu'ils causent. Ils ne sont pas réglementés. S'ils ne sont pas suffisamment éduqués à ce sujet, cela ne fera qu'aggraver le problème.
    Je tiens également à souligner que je dis souvent que l'abus de substances est le problème de santé numéro « quatre-deux-un ». La plupart des étudiants en médecine passent quatre ans à l'université. S'ils sont chanceux, ils bénéficieront de deux heures d'enseignement sur la cause numéro un de morbidité.
    Si l'on forme des médecins qui ne comprennent pas vraiment la dépendance, vous comprendrez à quel point il est facile pour eux de trop prescrire de médicaments ou de mal les prescrire, et il en va de même pour les pharmaciens. Ils n'ont pas la formation nécessaire pour empêcher que des quantités excessives d'opioïdes se retrouvent dans la rue. La plupart des opioïdes qui proviennent d'un approvisionnement considéré sécuritaire se retrouvent entre les mains de trafiquants comme ceux dont vous venez de parler. Ils en accumulent puisque leurs activités consistent à promouvoir la consommation de drogues.
(1205)
    Merci, monsieur Moore.
    Nous allons passer à M. Hanley, s'il vous plaît, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Je remercie l'ensemble des témoins.
    Je me ferai également l'écho de mes collègues en vous remerciant, tout particulièrement, monsieur Sword, d'avoir raconté votre histoire tragique et celle de votre fille.
    Sur ce thème, j'aimerais commencer par demander à Mme Kennell d'imaginer un cas où un enfant serait en détresse, mais ne demanderait pas d'aide. Y a‑t‑il des ressources en place? Y a‑t‑il des interventions qui existent pour aider un tel enfant, et que favoriseriez-vous davantage pour permettre à cet enfant de recevoir de l'aide?
    Je vais vous demander d'être aussi concise que possible, parce que j'ai beaucoup de questions.
    Merci beaucoup, monsieur Hanley.
    La réponse courte est non. Nous n'avons pas les ressources nécessaires pour aider les enfants et les jeunes à faire face aux défis croissants en matière de santé mentale et de toxicomanie auxquels ils sont confrontés et auxquels ils seront confrontés à mesure qu'ils vieillissent.
    La solution, pour faire écho aux propos de Mme Conrod, consiste à intégrer des interventions préventives en amont et à faire la promotion de la santé mentale d'une façon qui les rejoint tout au long de leur parcours, puis à créer des voies d'aiguillage efficaces vers des options de traitement accessibles, communautaires, hors des hôpitaux. Il pourrait s'agir d'interventions précoces en cas de psychose ou de programmes de prévention de la toxicomanie et de la consommation de substances, pour ne donner que quelques exemples.
    Le problème, c'est que tous les services qui existent sont payants, inaccessibles et que les listes d'attente sont très longues.
    Merci.
    Madame Kennell, considérez-vous que les soins de santé mentale font partie des soins de santé primaires?
    Oui, tout à fait. Je parierais que c'est au coeur de ce que les étudiants en médecine apprennent au quotidien.
    Le problème, cependant, c'est que notre système de santé n'est pas outillé pour offrir des soins en santé mentale et en toxicomanie comparables aux soins de santé physique ou aux soins de santé primaires. Étant donné la difficulté d'avoir accès à un médecin de famille et le manque de formation adéquate et robuste des professionnels de la santé, les gens ne savent pas où aller pour obtenir de l'aide, ils sont confrontés à de longs délais d'attente ou il n'y a pas de solutions adéquates pour régler leurs problèmes de santé mentale.
    Madame Conrod, je vais vous poser à votre tour la première question que je viens de poser au sujet de l'enfant en détresse qui ne demande pas d'aide.
    Pourriez-vous nous répondre brièvement et nous parler de l'accès aux services?
    La meilleure façon d'offrir des services à ce jeune qui ne demande peut-être pas d'aide, mais qui montre des signes de difficulté, c'est dans son école où il doit se présenter tous les jours jusqu'à l'âge de 16 ans. Il est très facile d'y offrir sans tarder une aide psychologique en amont au moyen de programmes qui ont fait leurs preuves dans la prévention des problèmes de santé mentale et de toxicomanie.
    À l'heure actuelle, il est difficile de constituer des équipes d'intervention en santé mentale dans les écoles. Il y a toutefois certains avantages à ce modèle. Ainsi, ces services peuvent être reliés à des ressources communautaires, de sorte que lorsque le problème dépasse la capacité de l'équipe scolaire, celle‑ci peut interagir avec les services de santé, par exemple, et aiguiller rapidement le jeune vers des soins plus poussés.
(1210)
    Je vous prie de m'excuser, madame Conrod, mais je vais devoir vous interrompre, car je veux laisser une minute à mon collègue, M. Morrice, pour qu'il puisse poser une question.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Hanley. Je vous en suis reconnaissant.
    La situation dans ma collectivité, dans la région de Waterloo, est désastreuse. Plus de 63 personnes sont mortes cette année alors que ces décès étaient évitables. Nous n'avons pas encore vu d'organisation obtenir un renouvellement du financement du Programme sur l'usage et les dépendances aux substances. Nous avons également un premier ministre provincial qui envisage de fermer des centres de consommation supervisée, des ressources qui sauvent des vies.
    Je suppose que ma question s'adresse aux représentantes de l'ACSM. Je vous suis vraiment reconnaissant d'avoir pu travailler avec l'organisme Thresholds pour établir un centre intégré de crise pour la santé mentale dans notre collectivité. Je vous en remercie.
    Dans votre témoignage, vous avez évoqué la possibilité de demander à Santé Canada de mettre sur pied un nouveau groupe de travail chargé d'élaborer une stratégie nationale pour faire face à cette crise. Dans le temps qu'il me reste, peut-être une trentaine de secondes, pouvez-vous nous faire part de quelques éléments clés que vous aimeriez voir se concrétiser si nous devions écouter l'avis des experts, plutôt que les considérations partisanes?
    Merci beaucoup de votre question, monsieur Morrice.
    Je tiens à rappeler que l'Association canadienne pour la santé mentale souhaite que l'on puisse déployer un ensemble complet de soins allant des interventions en amont pour aider à prévenir l'apparition d'une crise jusqu'à l'aide offerte aux gens pour cheminer vers le rétablissement, en passant par les services plus pointus dont ils peuvent avoir besoin. Je m'en voudrais de ne pas prendre un moment pour exprimer mon appui à ce soutien global à long terme qui est lié aux déterminants sociaux de la santé. Comme l'a mentionné ma collègue, Mme Eaton, en l'absence de logements adéquats et d'un soutien du revenu suffisant, nous devrons composer avec une situation de crise incessante.
    Nous recommandons à Santé Canada et au gouvernement fédéral dans son ensemble d'élaborer un plan complet et intégré énonçant les programmes actuellement à la disposition des fournisseurs communautaires comme l'ACSM et d'autres intervenants pour faire ce travail de sauvetage sur le terrain, de combler les lacunes du système de soins actifs et d'ensuite évaluer les autres manques à combler. C'est peut-être au chapitre des programmes de prévention en milieu scolaire. Il faudrait peut-être investir davantage dans les déterminants sociaux. Nous devons adopter une vision pansociétale et pangouvernementale de la responsabilité fédérale. Cela commence par un plan.
    Merci, madame Kennell, et merci, monsieur Morrice.

[Français]

     Monsieur Thériault, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
     Madame Eaton, des témoins spécialisés en toxicomanie et en prévention sont venus nous dire que de 30 à 70 % des gens qui sont aux prises avec une dépendance ont un problème de santé mentale primaire. Ce n'est quand même pas rien. De plus, on connaît toute la problématique de l'accessibilité aux soins en santé mentale.
    Que préconisez-vous pour qu'on puisse arriver à traiter ces gens avant même qu'ils ne s'automédicamentent et qu'ils n'atténuent eux-mêmes leur souffrance? Êtes-vous d'accord avec cet énoncé?

[Traduction]

    Je vais demander à Sarah Kennell, qui est avec vous dans la salle, de répondre à cette question.
    Merci.

[Français]

     Bonjour, monsieur Thériault, et merci beaucoup pour la question.

[Traduction]

    La réalité, c'est que des millions de Canadiens n'ont pas accès à des soins primaires. La solution ne peut pas consister uniquement à embaucher plus de médecins de famille. Si nous voulons nous attaquer à la crise des ressources humaines en santé à l'échelle du pays, nous devons envisager d'élargir l'éventail de professionnels qui offrent des soins en santé mentale et en toxicomanie afin de nous assurer de disposer d'un nombre suffisant de travailleurs sociaux, d'ergothérapeutes et de pairs aidants. Voilà le genre de professionnels dont nous avons besoin pour jeter les bases d'un système solide et complet de soins en santé mentale et de traitement de la toxicomanie.
    Malheureusement, bon nombre de ces professions sont exclues du débat national sur les ressources humaines en santé, sans compter que ces professionnels, lorsqu'ils sont embauchés à l'extérieur des hôpitaux ou des cabinets de médecins, ne sont pas rémunérés adéquatement pour leurs services. En Ontario, par exemple, ils gagnent de 20 à 30 % de moins que leurs homologues qui travaillent dans d'autres secteurs de la santé, ce qui est à l'origine des difficultés évoquées par ma collègue, Mme Eaton, à savoir d'importants problèmes de maintien en poste et de recrutement, et des taux élevés d'épuisement professionnel étant donné la détresse morale dont ces gens‑là sont témoins sur le terrain.
    Notre solution consiste à modifier la Loi canadienne sur la santé en vue d'inclure ces services pour veiller à ce qu'ils soient couverts par notre système public universel de soins de santé et à ce que ces fournisseurs de soins soient adéquatement rémunérés.
(1215)
    Merci, madame Kennell.
    Nous passons maintenant à M. Johns qui dispose de deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai essayé de retarder le dépôt de motions pour avoir une première heure avec les témoins, mais je dois maintenant le faire. La première motion dont j'ai donné préavis se lit comme suit:
Que le Comité donne instruction à la présidence d'écrire à la vérificatrice générale du Canada pour lui recommander de procéder en priorité à un audit de performance portant sur la réponse du gouvernement fédéral à la crise des opioïdes et des drogues toxiques au Canada, et notamment sur sa gestion des programmes définis dans la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances.
    J'aimerais vous dire quelques mots à propos de cette motion.
    La motion est recevable puisqu'elle se rapporte au sujet à l'étude. Nos échanges porteront donc maintenant sur cette motion.
    Est‑ce que quelqu'un veut en débattre?
    À vous la parole, monsieur Johns.
    J'espère que nous pourrons adopter cette motion sans que cela prenne trop de temps.
    Pour situer les choses dans leur contexte, j'ai écrit en décembre 2022 à la vérificatrice générale pour recommander qu'un audit soit mené sur la réponse du gouvernement à la crise des drogues toxiques. On m'a alors indiqué que l'on avait l'intention de mener un audit sur la question, mais que l'on ne s'attendait pas à pouvoir entreprendre ce travail en 2023.
    Sur le site Web du Bureau du vérificateur général, la liste de rapports prévus pour 2024‑2025 n'inclut toujours pas la crise des drogues toxiques. Nous comptons maintenant pas moins de 15 rapports de la vérificatrice générale sur des éléments de la réponse du gouvernement à la pandémie, et deux autres sont en cours d'élaboration. Un audit de la réponse du gouvernement à la crise des drogues toxiques s'impose depuis longtemps. J'espère que les membres du Comité appuieront cette motion.
    Je veux simplement mentionner que sur l'île de Vancouver, une seule circonscription sur sept a bénéficié du Programme sur l'usage et les dépendances aux substances. Je sais aussi que mon ami de la grande région de Waterloo, M. Morrice, n'a rien reçu. Je pense qu'il est pertinent que nous écrivions à la vérificatrice générale pour lui demander d'accorder la priorité à cette question.
    Merci, monsieur Johns.
    Monsieur Ellis, nous vous écoutons.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je trouve surtout cette motion problématique du fait qu'il y a amplement d'occasions, à d'autres moments, de discuter d'un éventuel élargissement de l'étude sur les opioïdes, ce qui me semble être directement lié à ce qui est proposé. Nous accueillons aujourd'hui des témoins, et voilà que notre ami du NPD choisit ce moment pour présenter sa motion. C'est un peu ridicule.
    Comme je l'ai dit, nous avons eu bien d'autres occasions de soulever cette question, et je ne sais pas pourquoi on ressent le besoin de se livrer à cet exercice démagogique à ce moment‑ci.
    Monsieur Johns, vous avez la parole.
    Ce n'est pas de la démagogie. J'essaie de faire adopter cette motion pour que nous puissions écrire à la vérificatrice générale. Comme j'en ai donné préavis la semaine dernière, la motion arrive à point nommé. Je mets de l'avant cette proposition afin que nous puissions écrire à la vérificatrice générale. Je ne crois pas que quiconque devrait s'y opposer.
    Y a‑t‑il d'autres interventions au sujet de la motion?
    Comme il ne semble pas y en avoir, sommes-nous prêts à passer au vote?
     Le président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion présentée par M. Johns veuillent bien lever la main.
    Tous ceux qui sont contre?
    (La motion est adoptée.)
     Le président: Monsieur Johns, il vous reste deux minutes et 23 secondes.
    Merci.
    Madame Eaton, vous avez parlé du fait qu'il n'y a pas de plan.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    M. Ellis invoque le Règlement.
    Je sais que je viens d'arriver, et je vous prie de m'en excuser. S'agissait‑il d'un tour de cinq minutes? Comment peut‑il encore avoir du temps? Je croyais que le Comité avait convenu que le temps utilisé pour présenter une motion était perdu pour le proposant.
    Non. Le chronomètre s'arrête. Je suis certain que Mme Goodridge serait en mesure de le confirmer.
    C'est exact — à l'exception des motions présentées à la toute fin.
    D'accord, très bien.
    Vous pouvez poursuivre, monsieur Johns.
    Merci.
    Madame Eaton, vous avez parlé plus tôt de l'absence de plan. C'est quelque chose que nous avons également réclamé. Le gouvernement a tenu une réunion de haut niveau sur le vol d'automobiles, et je ne dis pas que ce n'est pas une question importante, mais il n'a toujours pas organisé de sommet sur la crise des drogues toxiques. Ils ont présenté un plan, mais il n'y a pas d'échéancier et il n'y a pas de ressources rattachées à cet échéancier.
    Pouvez-vous nous dire à quel point il est essentiel que le gouvernement présente un plan assorti de ressources et d'un échéancier de mise en œuvre afin de répondre à la crise des drogues toxiques et de la santé mentale qui sévit au Canada?
(1220)
    Merci beaucoup, monsieur Johns.
    Absolument. Nous serions tout à fait en faveur d'un sommet pour trouver des solutions à cette crise.
    Le nombre de décès est élevé partout au pays, et nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Nous publierons bientôt des données très intéressantes révélant que les provinces ont en fait réduit les sommes qu'elles consacrent aux soins en santé mentale et en toxicomanie. En proportion, ces sommes sont inférieures à ce qu'elles étaient il y a 10 ou 15 ans.
    Nous souhaitons vraiment que le gouvernement se penche de près sur cette question et sur les moyens législatifs qu'il peut utiliser pour réellement changer la donne afin de sauver des vies. Nous serions tout à fait en faveur d'un plan et d'un sommet.
    Pensez-vous que l'élargissement de la couverture offerte par la Loi canadienne sur la santé est la voie à privilégier pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés en ce qui concerne les soins en santé mentale et en toxicomanie? Qu'est‑ce que cela réglerait?
    Nous sommes absolument convaincus de la nécessité de modifier la Loi canadienne sur la santé. Nous constatons que les provinces ne sont pas tenues responsables d'investir dans les soins en santé mentale et en toxicomanie. Nous n'avons pas de normes nationales. Nous ne pouvons pas permettre à une personne d'utiliser sa carte d'assurance-maladie provinciale pour obtenir les services essentiels dont elle a besoin.
    De plus, nous constatons cette grande disparité quant au financement offert à l'échelle du pays, de telle sorte que les régions rurales sont nettement laissées pour compte, même pour ce qui est des services déjà prévus dans la Loi canadienne sur la santé — comme ceux des médecins et des psychiatres —, sans parler des services en santé mentale et en toxicomanie.
    Nous voyons certes la Loi canadienne sur la santé comme une piste de solution.
    Merci, monsieur Johns.
    La parole est maintenant à M. Steinley qui dispose de cinq minutes.
    Ma question s'adresse à Mme Conrod.
    Voilà maintenant neuf ans que nous menons l'expérience de l'approvisionnement soi-disant sécuritaire, et je me pose des questions sur l'évolution de la situation. Connaissez-vous le nombre total de décès pour la période d'environ 10 ans précédant la mise en œuvre de l'approvisionnement sécuritaire, et pour les 9 années qui ont suivi son déploiement au Canada par le gouvernement néo-démocrate-libéral? Existe-t‑il des données à ce sujet?
    Pourriez-vous nous parler du nombre de surdoses supplémentaires enregistrées au Canada avant et après la mise en place de cet approvisionnement que l'on qualifie — et je m'inscris en faux à ce sujet — de sécuritaire, et nous indiquer ce qu'on peut déduire de ces chiffres?
    J'ai bien peur de ne pas pouvoir répondre directement à votre question. Je ne sais pas si les données actuellement à notre disposition pourraient même nous renseigner à cet égard. Il y a un certain nombre de facteurs qui ont changé au fil de la dernière décennie et pendant cette vingtaine d'années, et qui ont contribué à la situation que nous connaissons maintenant.
    Je tiens à préciser une chose. Le concept d'approvisionnement sécuritaire englobe en fait toute une gamme de services et de possibilités de traitement. Je sais que certains chercheurs de l'Initiative canadienne de recherche sur l'abus de substances comptent produire des documents qui pourraient être utiles au gouvernement canadien et aux collectivités de tout le pays en leur permettant de se faire une meilleure idée de ce qu'on entend par approvisionnement sécuritaire en faisant la part des choses entre les pratiques qui sont sans danger et celles qui pourraient avoir des conséquences imprévues pour la population en général.
    Nous avons besoin de beaucoup plus d'efforts en ce sens pour savoir clairement à quoi nous en tenir au sujet de certaines de ces pratiques.
    Je vous suis très reconnaissant pour ces précisions.
    Monsieur Sword, je vous remercie de votre présence.
    J'ai eu une conversation avec un commettant qui est venu à mon bureau. Son fils avait lui aussi été victime d'une surdose. Son discours était très semblable au vôtre. La facilité avec laquelle son fils... Le petit-fils de ce monsieur était présent lorsque son père a fait une surdose. Il était assis devant la télévision lorsque son grand-père est arrivé et a trouvé son fils mort. Il m'a dit souhaiter par-dessus tout que l'on puisse faire en sorte qu'il ne soit pas aussi facile de se procurer de la drogue. Son fils passait une commande en ligne et on lui livrait la drogue directement à sa porte. C'était très semblable à Snapchat. Il avait accès aux drogues en ligne.
    Je crois que Mme Conrod a fait des recherches sur la facilité avec laquelle les gens peuvent désormais se procurer des drogues en ligne. C'est quelque chose qui me terrifie dans mon rôle de père. J'ai trois enfants. Ils ont 7, 9 et 11 ans, et je suis terrifié à l'idée qu'un enfant de 12 ans puisse se faire livrer de la drogue à la maison en cliquant sur un bouton.
    Avez-vous des données pouvant nous fournir des indications sur les mesures que nous pourrions prendre en notre qualité de législateurs afin d'améliorer la situation et de faire en sorte qu'il soit plus difficile pour ces enfants et ces adultes de se procurer des drogues en ligne?
(1225)
    Cette question s'adresse-t-elle à moi?
    Oui, docteure.
    Il y a beaucoup à dire à ce propos, mais il est important que nous reconnaissions que les jeunes utilisent les médias numériques et que ceux‑ci devraient être structurés en conséquence, ce qui n'est pas le cas actuellement. Il y a notamment toutes sortes de dispositifs de protection de la vie privée et de paramètres par défaut qui supposent que l'utilisateur est un adulte, alors que nous savons pertinemment qu'une très grande partie des utilisateurs des médias sociaux et des autres plateformes numériques ne sont pas des adultes. Ce sont des mineurs. Nous pouvons obliger l'industrie à modifier certaines de ces caractéristiques par défaut afin que, par exemple, les jeunes risquent moins d'être sollicités par un étranger en ligne. Cela pourrait contribuer grandement à les protéger. On pourrait aussi mieux surveiller les environnements dans lesquels les jeunes se rencontrent en ligne.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Sword, j'aimerais en fait vous laisser le dernier mot. S'il y a une chose que vous pourriez nous demander de faire dans notre rôle de législateurs, comment pensez-vous que nous pourrions contribuer à faire en sorte que ce qui est arrivé à votre belle fille n'arrive à personne d'autre? Quel est le meilleur conseil que vous pourriez nous donner?
    C'est essentiellement une question de financement. Il faut investir dans la santé mentale de nos enfants. C'est notre avenir que nous jetons à la poubelle. La plupart des enfants envisagent maintenant un avenir sombre en raison de l'inflation et de la conjoncture économique. Ils savent dorénavant exactement de quoi il en retourne, et ils cherchent à s'évader. Certains jeunes se tournent vers la drogue pour oublier les problèmes, alors que d'autres optent pour les jeux vidéo. Ni l'un ni l'autre n'est bon pour leur santé mentale.
    Nous devons investir dans notre avenir et consentir les investissements nécessaires pour leur offrir l'aide dont ils ont besoin avant de développer une véritable dépendance.
    Ils ont besoin d'espoir.
    Oui. Ils ont besoin d'une lumière au bout du tunnel. Tout ce qu'ils voient, c'est la grande noirceur.
    Merci, messieurs Sword et Steinley.
    Nous passons maintenant à Mme Kayabaga. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais également remercier nos témoins d'être des nôtres aujourd'hui. Je vous suis tout particulièrement reconnaissante, monsieur Sword, pour votre bouleversant témoignage. Mes pensées vous accompagnent, vous et votre famille, alors que vous poursuivez vos démarches.
    J'aimerais peut-être commencer par le Dr Judson.
    Docteur Judson, je suis sûre que beaucoup de choses ont changé depuis que vous avez commencé à pratiquer. Je serais curieuse de savoir si la méthadone ou le Suboxone peuvent être détournés. À part peut-être une formulation injectable, pensez-vous qu'il y a un médicament que l'on ne peut pas détourner? Êtes-vous d'accord pour dire qu'il est presque impossible d'éliminer complètement les détournements lorsqu'il s'agit de médicaments sur ordonnance ou même de médicaments non prescrits?
    Il y a toujours des détournements. Lorsque les programmes de méthadone ont été lancés au début des années 1990, des protocoles ont été mis en place pour minimiser les détournements en obligeant les patients qui venaient d'être initiés à la méthadone à se rendre à la pharmacie tous les jours et à consommer une dose de méthadone devant témoin. Ils n'étaient pas autorisés à apporter des doses de méthadone chez eux tant qu'ils n'avaient pas démontré que leur comportement était suffisamment stable. Cela nécessitait généralement une période de plus de trois mois.
    Lorsqu'un patient n'avait pas consommé de substances pendant une période de trois mois et que cela avait été corroboré par des tests de dépistage négatifs devant témoins — au cours desquels le patient devait produire un échantillon d'urine devant témoins —, si ces échantillons d'urine bihebdomadaires restaient négatifs sur une période de trois mois, le patient pouvait prendre une dose de méthadone à domicile par semaine, et après un mois, il pouvait prendre deux doses chez lui. Il fallait donc attendre six mois — neuf mois dans les faits — pour obtenir toutes les doses à emporter. Cette méthode ne permettait pas d'éradiquer complètement les détournements, mais elle aidait certainement à les réduire.
    On peut comparer cela à ce qui se passe dans les centres d'approvisionnement sûr, en particulier à London. Si vous entrez dans une clinique de London en déclarant que vous avez un problème de consommation d'opioïdes, il y a de fortes chances que vous sortiez du bureau du médecin avec une ordonnance de Dilaudid — en quantité suffisante pour toute une semaine. Vous devrez peut-être prendre une dose en présence d'un pharmacien, mais vous pourrez ensuite emporter le reste de vos doses chez vous. Si cela ne se produit pas immédiatement, vous recevrez certainement, au bout de deux ou trois semaines, de 50 à 60 comprimés à emporter chez vous. C'est bien plus que ce dont un patient qui vient de subir une chirurgie abdominale aurait besoin pour gérer sa douleur. C'est essentiellement de la négligence. C'est tout simplement incompréhensible. Il est inadmissible de penser qu'on peut laisser une personne souffrant activement de toxicomanie emporter une telle quantité d'opioïdes à la maison.
(1230)
    Je vous remercie.
    On n'a pas beaucoup discuté de l'impact socioéconomique sur les patients souffrant de toxicomanie.
    Madame Kennell, j'aimerais savoir ce que vous pensez de certains commentaires formulés par les conservateurs, qui insistent sur les traitements imposés de force. Je ne donnerai qu'un petit exemple. Dans certaines collectivités, les revenus sont moins élevés et le revenu médian est peut-être beaucoup moins élevé que dans les circonscriptions de certains de nos collègues. Que pensez-vous de l'impact socioéconomique de ces traitements forcés? De toute évidence, certaines recherches ont démontré que cette approche ne fonctionne pas.
    Qu'arriverait‑il aux personnes qui seraient forcées de suivre des traitements, un peu comme si elles étaient en prison? Qu'en pensez-vous?
    Je vous remercie beaucoup, madame Kayabaga.
    Je dirais que votre question comporte deux volets. Le premier est le contexte socioéconomique dans lequel se trouvent les personnes qui souffrent de troubles liés à la consommation de substances et de troubles de santé mentale. Nous savons, par exemple, que de 25 à 50 % des personnes sans domicile ou faisant face à l'insécurité en matière de logement souffrent d'un trouble de santé mentale ou de toxicomanie.
    La corrélation est indéniable. Par conséquent, il faut travailler en collaboration avec tous les territoires de compétence, et de façon intersectorielle, pour trouver des solutions qui répondent réellement aux crises et à la nature intersectionnelle des crises auxquelles nous faisons face. La Prestation canadienne pour les personnes handicapées, qui est entrée en vigueur cet été, est un exemple du type d'intervention fédérale qui peut réduire les pressions exercées par la pauvreté sur les personnes qui souffrent de troubles de santé mentale et de troubles liés à l'utilisation de substances.
    En ce qui concerne la question des traitements imposés, j'encourage le Comité à se concentrer sur les interventions qui relèvent directement de la compétence fédérale. Nous savons que chaque province et territoire du Canada dispose d'une loi sur la santé mentale. Nous savons que les arrestations en vertu de ces lois augmentent face à la menace pour la sécurité publique et la menace de préjudices chez les individus. Par conséquent, nous savons qu'il existe des options législatives qui sont utilisées au niveau provincial et territorial.
    Ces méthodes ne sont pas parfaites, et nous devons reconnaître les niveaux extrêmement élevés de traumatisme et de préjudice qui sont causés lorsque nous détenons des personnes contre leur gré, parfois pendant de longues durées, tout en donnant la priorité aux voix des personnes ayant une expérience concrète vécue qui interagissent avec le système tous les jours. Nous devons nous assurer que nous répondons à leurs besoins et à leurs expériences vécues dans le système lorsque nous élaborons des modifications pour ces lois ou que nous envisageons de nouvelles options législatives.
    Je vous remercie, madame Kennell.
    La parole est maintenant à Mme Goodridge. Elle a cinq minutes.
    Je vous remercie.
    J'aimerais d'abord poser des questions au Dr Judson.
    Des prescripteurs d'opioïdes très puissants qui travaillent à London ont comparu devant notre comité. Ils nous ont dit que le détournement peut parfois être perçu comme un geste de compassion. À titre de personne qui vit et travaille à London, en Ontario, quelles sont vos préoccupations en ce qui concerne le détournement de ces opioïdes très puissants financés par le gouvernement?
    Il faut minimiser les détournements, et il faut que ce soit une priorité. Je ne suis pas contre la prescription d'opioïdes de qualité pharmaceutique, mais est‑il approprié de prescrire des opioïdes à action rapide? Non. J'ai déjà dit que c'était contre-productif. Le fait de donner des doses à emporter prématurément lorsque l'état du patient n'est pas stable, par exemple lorsqu'il ne participe pas activement à ses traitements de psychothérapie, n'est pas une méthode appropriée. En effet, lorsqu'on donne ces opioïdes à action rapide à une personne qui souffre activement de toxicomanie, on risque fort de la dissuader d'amorcer des changements de mode de vie.
    Il faut donc adopter une approche qui encourage une participation active chez le patient et le thérapeute. L'objectif de la thérapie de remplacement des opioïdes est d'éviter que le patient ne se retrouve en état de manque ou qu'il ne souffre d'une envie irrépressible de consommer une substance. Une fois ces symptômes éradiqués, le patient est stable et plus à même de recevoir activement le soutien psychothérapeutique qui lui est proposé.
(1235)
    Je vous remercie.
    Madame Conrod, quelles sont vos inquiétudes en ce qui concerne les jeunes en particulier et les détournements très bien documentés de ces opioïdes puissants financés par le gouvernement qui envahissent les rues des collectivités d'un bout à l'autre du pays?
    Toutes les substances consommées par les jeunes sont détournées d'une manière ou d'une autre. Une petite partie d'entre elles leur sont prescrites directement par un psychiatre ou un médecin de famille. La documentation laisse croire que la plupart des jeunes se procurent ces substances auprès d'amis et de membres de leur famille. Ils ne les obtiennent pas directement du gouvernement, mais plutôt d'autres membres de leur collectivité. Ces gens pourraient être mieux informés. On pourrait les aider, comme l'a dit Dr Judson, à avoir accès à des stocks d'opioïdes plus sûrs, quelle que soit la raison pour laquelle ils sont prescrits, que ce soit pour le traitement de la douleur ou pour les traitements de remplacement des opioïdes.
    Je tiens à ajouter quelque chose à la discussion. Nous devons comprendre que la santé mentale joue un rôle très important dans la toxicomanie. Nous constatons que les cliniques d'approvisionnement sûr et de traitement de remplacement des opioïdes de partout au pays disposent de moins en moins de ressources pour fournir les services de santé mentale et de psychothérapie que Dr Judson vient tout juste de décrire. Il y a moins de fonds et moins de personnes pour fournir ces services. De plus, des données probantes montrent que les traitements de remplacement des opioïdes sont efficaces lorsqu'ils sont combinés à des services de santé mentale et de psychothérapie.
    Selon vous, faut‑il prendre d'autres mesures pour empêcher les jeunes d'avoir accès aux opioïdes et à diverses autres substances?
    Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il faut prendre d'autres mesures des deux côtés, c'est‑à‑dire du côté de l'offre et du côté de la demande chez les jeunes.
    Je pense qu'il est important d'agir du côté de la demande en particulier. Votre organisme a‑t‑il été en mesure d'obtenir des fonds du gouvernement fédéral pour financer son programme PréVenture?
    On peut emprunter trois voies à cet égard. La première est la recherche, par l'entremise des IRSC. Les IRSC ont souvent participé aux essais cliniques et aux comités de soutien à la recherche sur le sujet. Ces recherches sont donc bien évaluées et soutenues de cette manière. C'est un travail considérable, et il faut beaucoup de temps pour mener des recherches dans les écoles.
    La deuxième voie concerne le PUDS. J'ai travaillé en partenariat avec les intervenants d'un groupe dans le Nord-Ouest de l'Ontario qui a reçu une subvention du PUDS… Je suis désolée, il s'agit plutôt d'une subvention de l'ASPC. Ils ont mis en œuvre le programme PréVenture dans leur collectivité et ils ont obtenu d'excellents résultats. Le projet a été très bien accueilli.
    La troisième voie est celle des gouvernements provinciaux. Une grande initiative est actuellement menée en Ontario, par l'entremise du ministère provincial de la Santé, pour mettre en place le programme PréVenture dans toutes les écoles de la province. Nous avons maintenant formé plus de 1 000 professionnels à la mise en œuvre du programme en milieu communautaire et scolaire. Ce projet présente un certain nombre de défis, mais l'objectif est d'offrir ce programme à 30 000 jeunes au cours des deux prochaines années.
    Je vous remercie, madame Conrod.
    Je vous remercie, madame Goodridge.
    La parole est maintenant à Mme Sidhu. Elle a cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Sword, je vous remercie de nous avoir raconté votre histoire poignante. Je suis de tout cœur avec Kamilah. Je suis mère de deux filles et je sais exactement ce que vous ressentez.
    Je remercie tous les organismes du travail qu'ils effectuent sur le terrain.
    Ma question s'adresse à Mme Conrod.
    Madame Conrod, vous avez parlé des professionnels en matière de prévention qui interviendront dans ce dossier. Nous savons que les jeunes nés après 2010 sont constamment en présence de médias sociaux, de technologie et d'écrans. Nous entendons de plus en plus d'experts parler de surexposition à la technologie et des répercussions indéniables sur la santé mentale.
    Dans quelle mesure peut‑on observer que ces répercussions sont liées à la toxicomanie? Quels sont certains autres facteurs auxquels sont exposés les jeunes d'aujourd'hui? Je sais qu'il y a une question… Quel changement observez-vous actuellement?
(1240)
    La situation n'est pas aussi désespérée que nous pourrions le penser, dans la mesure où la consommation d'alcool, de cocaïne et de tabac a constamment diminué chez les jeunes depuis les années 1970. Nous avons donc réussi, dans une grande mesure, à protéger les jeunes contre d'autres substances.
    Les opioïdes sont les seules substances qui présentent la tendance inverse, et c'est la raison pour laquelle nous devons nous concentrer sur ce comportement particulier. La consommation d'opioïdes augmente chez les jeunes malgré une baisse des taux de consommation d'autres substances, et il s'agit donc d'une substance extrêmement dangereuse pour les jeunes. Nous devons prendre ce problème très au sérieux.
    Toutes les tendances indiquent que le nombre de décès attribuables aux opioïdes augmentera de façon importante chez les jeunes au pays.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Eaton.
    Je suis heureuse de vous revoir. Votre équipe de Brampton accomplit un travail extraordinaire sur le terrain.
    Ma première question concerne la toxicomanie chez les jeunes, une situation qui s'est maintenant transformée en véritable crise. Nous avons récemment annoncé la création d'un fonds d'équité pour les services d'écoute téléphonique dans la région de Peel, afin de multiplier les services d'écoute téléphonique fournis par l'Association canadienne pour la santé mentale et ses partenaires.
    Pouvez-vous fournir au Comité des données sur le nombre de jeunes qui utilisent les services d'écoute téléphonique fournis par l'Association canadienne pour la santé mentale?
    Je vous remercie beaucoup.
    Je n'ai pas ces chiffres sous la main, mais nous serions heureux de trouver ces renseignements et de vous les faire parvenir.
    Nous savons, de manière générale et anecdotique, que de plus en plus de jeunes tentent d'avoir accès à ces services. Il s'agit d'une réponse postpandémique, même si la COVID est terminée.
    Nous savons que les jeunes n'ont pas cessé de souffrir de troubles de l'alimentation et de troubles liés à l'utilisation de substances lorsque la pandémie a pris fin. Je sais, par exemple, que les services d'écoute téléphonique pour les jeunes reçoivent de plus en plus d'appels et que l'utilisation des services de lignes téléphoniques d'urgence est conforme aux attentes à l'échelle du pays.
    Je serais heureuse de vous faire parvenir ces chiffres.
    Monsieur le président, j'aimerais partager le reste du temps qui m'est imparti avec M. Powlowski.
    Monsieur Powlowski, vous avez un peu plus d'une minute.
    Docteur Judson, travaillez-vous toujours à la clinique 528? Je crois qu'elle est située à London et qu'on y administre le traitement par agonistes opioïdes avec la méthadone ou le Suboxone. C'est ce que j'ai compris de votre témoignage, mais je n'étais pas tout à fait sûr.
    Vous disiez que selon vous, le recours à ces cliniques et au traitement par agonistes opioïdes avait diminué parce qu'il était possible d'avoir facilement accès à un approvisionnement sûr de substances, notamment le Dilaudid, à London.
    Pensez-vous que ce soit le cas? Y a‑t‑il des preuves que c'est bien le cas?
    Je vous remercie.
    Oui, je travaille toujours à la clinique 528.
    Comme je l'ai dit plus tôt, en 2004, nous avions 1 400 patients. Aujourd'hui, nous n'avons plus que quelque 600 patients. Autrefois, nous recevions deux ou trois patients par jour, du lundi au samedi. De nos jours, nous ne recevons plus qu'un ou deux patients par semaine, tout au plus.
    La plupart des patients qui souhaitent obtenir un traitement pour leur dépendance aux opioïdes gravitent autour des cliniques d'approvisionnement sûr. Pourquoi? Parce qu'on leur pose apparemment moins de questions. On y effectue moins de tests de dépistage et les patients peuvent facilement obtenir des doses à emporter avant que leur état soit stable et qu'ils aient entamé un programme de rétablissement complet.
(1245)
    Je vous remercie, docteur Judson, et je vous remercie, monsieur Powlowski.

[Français]

     Monsieur Thériault, vous avez maintenant la parole pour deux minutes et demie.
     Docteure Conrod, vous avez parlé du fait que la prévention est importante. Nous avons vu que des interventions ont été réalisées, notamment en ce qui a trait à la consommation de tabac chez les jeunes. Il y a quand même un nouveau phénomène, soit la dépendance à la nicotine par le vapotage et des produits comme les sachets de nicotine Zonnic, qui offrent un produit de nicotine pur et accessible aux jeunes. Il s'agit d'une dépendance quand même importante. Que comptez-vous faire relativement à cela?
    De plus, pourriez-vous nous faire parvenir toute la documentation dont vous nous parlez depuis tantôt? Vous dites qu'on peut intervenir en amont, et c'est ce qu'il faut faire. Nous comprenons très bien qu'il est important de faire de la prévention. Par contre, pendant que nous faisons ça, des gens vont mourir d'une surdose parce qu'on vend des drogues de mauvaise qualité dans les rues. Il faut modifier la loi en plus de travailler en amont et sur le long terme. Cependant, il y a quand même une crise des drogues toxiques qui tuent les gens dans les rues. J'aimerais que vous nous fassiez parvenir toute la documentation, car je veux absolument la lire.
    Les médias sociaux jouent deux rôles dans cette crise. Le premier est d'aller à la rencontre des jeunes dans l'intention de leur vendre de la drogue. Le deuxième est de créer une dépendance et des troubles de santé mentale.

[Traduction]

    Je ne suis pas tout à fait sûre de ce que vous cherchez à savoir exactement, mais je suis d'accord avec tous vos commentaires.
    Nous devons absolument consacrer des ressources aux interventions indiquées pour les jeunes qui commencent à consommer des substances. Nous devons réduire leur consommation de substances et donner la priorité aux interventions qui les aideront à ne pas passer à une consommation plus fréquente et nuisible de substances qui présentent un risque très élevé. Nous avons également besoin de solutions en amont, et nous avons besoin de solutions pour fournir des services en matière de santé mentale aux personnes qui souffrent de troubles liés à l'utilisation de substances et de toxicomanie, car ces personnes sont prises dans un phénomène de porte tournante.
    Je pense que le Comité doit comprendre qu'il est déjà difficile d'aider une personne qui souffre de troubles de santé mentale. Il est également très difficile d'aider une personne qui souffre de toxicomanie, et lorsqu'on combine ces deux choses, on obtient un mélange très complexe de symptômes qui s'influencent mutuellement, d'où la notion de « télescopage ». Les difficultés augmentent rapidement et il devient plus difficile d'intervenir. C'est la raison pour laquelle nous préconisons une intervention beaucoup plus précoce en ce qui concerne les troubles concomitants de toxicomanie et de santé mentale. Des recherches menées sur de vastes cohortes révèlent qu'il existe des facteurs de risque qui permettent de cerner les personnes susceptibles d'éprouver des troubles concomitants de santé mentale et de toxicomanie. Nous avons même cerné certains des facteurs sous-jacents communs qui mènent à ces problèmes, et c'est là que les interventions sont ciblées.
    Je vous remercie, madame Conrod.
    La parole est maintenant à M. Johns. Il a deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    C'est le seul moment que j'ai pour déposer des motions. Je déteste devoir le faire, mais je n'ai pas le choix. Monsieur le président, je propose:
Que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, compte tenu de la prévalence croissante des soins de santé privatisés dans tout le pays et de la difficulté qu'ont les Canadiens à obtenir les soins de santé dont ils ont besoin, le Comité entreprenne une étude d'au moins quatre réunions sur la protection du système des soins de santé public du Canada contre les sociétés à but lucratif, et que le Comité invite les présidents-directeurs généraux des fournisseurs de soins de santé à but lucratif, tels que les Compagnies Loblaw Limitée à témoigner.
    J'aimerais parler de la motion, si possible.
    D'accord. L'avis de motion a été donné il y a plus de 48 heures. Elle est donc recevable.
    Monsieur Hanley, allez‑y.
(1250)
    Merci, monsieur le président.
    Je suis désolé, mais M. Johns voulait parler de la motion.
    Monsieur Johns, vous avez encore la parole, et ce sera ensuite à votre tour, docteur Hanley.
    Je pense que c'est important. Aujourd'hui, l'Association canadienne pour la santé mentale nous a directement parlé des soins de santé, y compris de santé mentale, offerts à but lucratif. Nous devons forcer la main des présidents-directeurs généraux de ces entreprises à but lucratif qui essaient carrément de remplacer le régime d'assurance-maladie du Canada par un modèle où il faut payer pour les soins. Ils doivent venir à Ottawa et expliquer leurs plans. C'est le but de cette motion. Nous voyons des médecins et des infirmières dans nos hôpitaux être repêchés par des établissements privés. Nous avons besoin de l'aide de ces médecins et de ces infirmières dans la lutte contre la crise des drogues toxiques et la crise de santé mentale. Il y a aussi des répercussions sur les salles d'opération de nos hôpitaux, qui sont vides. Les salles d'urgence sont débordées et manquent de personnel. Ces sociétés à but lucratif commencent déjà à faire payer les gens. Le message que les familles reçoivent actuellement, c'est qu'il faut payer ou prendre place à la fin de la file. Je crois que les Canadiens, et certainement le NPD, croient en un système public de soins de santé universels. Nous croyons que les gens et leurs familles méritent les meilleurs soins qui soient, peu importe combien d'argent se trouve dans leur compte de banque. Des présidents-directeurs généraux comme celui de Loblaws doivent venir dire aux Canadiens pourquoi ils veulent ruiner cela. Nous avons besoin de réponses.
    Merci, monsieur Johns.
    Nous allons entendre M Hanley, s'il vous plaît.
    Merci.
    Je suis conscient du temps qu'il nous reste avec les témoins, mais même s'il ne reste que quelques minutes, je pense que c'est un sujet important.
    Je veux souligner qu'il y a actuellement, bien entendu, une contribution du secteur privé dans notre système de santé aujourd'hui. L'Association médicale canadienne a récemment fait un excellent travail sur le rôle du secteur privé, y compris les options, pour ainsi dire, et sur les avantages et les inconvénients.
    Dans cet esprit, je propose un amendement qui élargit un peu la portée de la motion. Il se lit comme suit:
Que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, compte tenu de la prévalence croissante des soins de santé privatisés dans tout le pays et de la difficulté qu'ont les Canadiens à obtenir les soins de santé dont ils ont besoin, le Comité entreprenne une étude d'au moins quatre réunions sur le rôle du secteur privé dans le système de santé publique du Canada, y compris la nécessité de protéger les Canadiens contre les sociétés à but lucratif, et que le Comité invite les présidents-directeurs généraux des fournisseurs de soins de santé à but lucratif, tels que les Compagnies Loblaw Limitée à témoigner.
    Merci.
    Monsieur Hanley, je pense que vous venez tout juste de lire la motion modifiée.
    Pouvez-vous dire quelle est exactement la nature de l'amendement? Je le demande parce que nous devons maintenant tenir un débat sur l'amendement.
    Je peux certainement le faire.
    Les mots ajoutés sont « sur le rôle du secteur privé dans le système de santé publique du Canada, y compris »...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Allez‑y, monsieur Johns.
    Puis‑je l'accepter en tant qu'amendement favorable, pour que nous puissions passer à la motion principale?
    Non, je ne pense pas que vous pouvez. Nous allons débattre de l'amendement, puis de la motion modifiée.
    Le débat porte maintenant sur l'amendement.
    J'ai M. Ellis et Mme Goodridge.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Une fois de plus, nous voyons les petits jeux politiques de la coalition néo-démocrate-libérale, qui a eu pendant neuf années la possibilité, au nom des Canadiens, d'améliorer le système de santé. Nous parlons maintenant ici d'une initiative absolument incroyable et importante.
    Bonté divine, chers collègues, nous avons ici un monsieur dont la fille a succombé au fléau des opioïdes, mais vous voulez tous les deux parler d'une chose que vous auriez pu régler au cours des neuf dernières années. Vous devriez avoir honte. C'est tout à fait inacceptable et ridicule. Lorsque M. Johns dit qu'il n'avait pas d'autre moment pour présenter cette... Pour employer une expression familière, voyons donc. C'est tout à fait faux. C'est ridicule. Nous avons un système qui tombe en morceaux, avec sept millions de Canadiens qui n'ont pas accès à des soins primaires. Ces deux personnes ont présenté une motion qui porte sur une chose qu'elles auraient pu régler au cours des neuf dernières années. Elles pensent qu'elles doivent le faire maintenant. Au nom des Canadiens, je dis que c'est inacceptable.
    Dans cet esprit, monsieur le président, je propose de mettre fin au débat pour que nous puissions revenir à l'importante question dont nous sommes saisis.
(1255)
    Une motion pour mettre fin au débat est une motion dilatoire qui ne fait pas l'objet d'un débat. Nous passons directement au vote.
    Je vais procéder à un vote à main levée.
    Que tous ceux qui sont d'accord pour mettre fin...
    Je demande un vote par appel nominal.
    Nous allons tenir un vote par appel nominal pour déterminer s'il faut mettre fin au débat maintenant.
    (La motion est adoptée par 6 voix contre 5.)
    Le président: La motion est adoptée. Le débat sur la motion est donc terminé.
    Vous avez deux minutes et demie, monsieur Johns.
    Je tiens à mentionner clairement que les conservateurs ont, à de nombreuses reprises, déposé des motions pendant les témoignages très importants de cette étude. Je pense d'ailleurs moi aussi que nous devrions la rallonger.
    Je vais revenir à la Mme Conrod.
    À votre avis, qu'est‑ce qui se cache derrière la consommation accrue d'opioïdes chez les jeunes? Pouvez-vous expliquer les facteurs qui rendent les jeunes susceptibles de subir les méfaits liés à la toxicomanie? En comparaison, quels sont les facteurs qui réduisent le risque?
    Je suis désolé, mais j'ai une autre question: qu'est‑ce que le gouvernement peut faire pour réduire les risques et augmenter le nombre de facteurs qui protègent?
    Comme je l'ai décrit dans mon mémoire, je pense que la première chose que le gouvernement doit faire, c'est appuyer la création d'un registre des programmes fondés sur des données probantes et aider les collectivités à examiner les données sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Il est important de se rendre compte que certains programmes peuvent causer du tort. Nous ne devrions appuyer que les programmes qui, à la suite de recherches rigoureuses, se sont avérés utiles pour protéger les jeunes. Nous devrions offrir ces programmes. Les collectivités qui montrent ensuite qu'elles sont prêtes et qu'elles souhaitent mettre en œuvre de tels programmes pourraient recevoir un appui à cette fin.
    J'ai décrit un certain nombre de mesures qui pourraient faciliter la mise en œuvre de programmes fondés sur des données probantes pour les collectivités, des mesures qui pourraient être prises très rapidement.
    Je vous ai également posé une question là‑dessus plus tôt. Avez-vous une idée? Vous avez affirmé que le Canada n'investit pas suffisamment dans la prévention. Je pense que toutes les personnes présentes peuvent s'entendre là‑dessus. Avez-vous une estimation de l'ampleur de l'investissement nécessaire pour mettre en œuvre un programme universel de prévention d'un bout à l'autre du Canada pour les jeunes?
    Il faudrait que je vous revienne là‑dessus. C'est minimal relativement au coût de la toxicomanie et au coût des vies perdues à cause de la crise de la toxicomanie jusqu'à maintenant. Un rapport de M. Jürgen Rehm publié en 2006 et révisé plus récemment dit que la mise en place de mesures de prévention ne coûte qu'une très petite fraction — environ 0,1 % — que ce que coûte à la société l'abus de substances. Je vais devoir vous revenir avec un modèle économique s'il vous en faut un, mais il est très facile d'obtenir ces chiffres.
    Merci, monsieur Johns.
    Je remercie tous nos témoins de s'être joints à nous.
    Monsieur Sword, veuillez me permettre d'ajouter mes condoléances pour la perte de votre fille et mes sincères remerciements pour le courage dont vous avez fait preuve en comparaissant publiquement ici. J'espère que l'expertise des autres témoins et votre courage aujourd'hui feront en sorte que moins de personnes traverseront ce que vous avez vécu.
    Plaît‑il au Comité de mettre fin à la séance?
    Des députés: Oui.
    Le président: La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU