:
La séance est ouverte. Bienvenue à la 15
e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
Nous nous réunissons aujourd'hui pendant deux heures pour entendre des témoins dans le cadre de notre étude sur les effectifs du secteur de la santé au Canada.
Avant de présenter les témoins, j'ai quelques rappels à faire concernant les réunions hybrides. La séance d'aujourd'hui se déroulera selon une formule hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 25 novembre 2021. Aux termes de la directive du Bureau de régie interne du 10 mars 2022, tous ceux qui participent en personne à la réunion doivent porter un masque, sauf les membres lorsqu'ils sont assis à leur place.
J'ai quelques observations à faire à l'intention des témoins et des membres du Comité. Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous désigne nommément. Ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence doivent, avant de parler, activer leur microphone en cliquant sur l'icône du micro et s'assurer de le mettre en sourdine lorsqu'ils n'ont pas la parole. Pour accéder à l'interprétation sur Zoom, vous n'avez qu'à cliquer, au bas de votre écran, sur l'icône permettant de sélectionner le parquet, l'anglais ou le français. Les personnes présentes dans la salle peuvent utiliser leur écouteur pour sélectionner le canal. Il est interdit de prendre des instantanés d'écran. Les délibérations sont diffusées sur le site Web de la Chambre des communes.
J'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les essais de connexion nécessaires avant la réunion, comme le prévoit notre motion de régie interne.
C'est avec grand plaisir que nous accueillons nos témoins aujourd'hui. Je vous suis reconnaissant d'avoir patienté pendant que je rappelais ces consignes qui assurent le bon fonctionnement de nos institutions démocratiques. Cela a retardé quelque peu notre réunion, et je vous remercie donc de nous avoir attendus patiemment. Nous aurons quand même une séance de deux heures complètes avec vous.
Nous accueillons aujourd'hui le Dr Hugh Maguire, chef de la psychiatrie, Zone nord de la Nouvelle-Écosse, et professeur adjoint à l'Université Dalhousie, qui témoignera à titre personnel.
[Français]
Nous recevons également le représentant l'Association des chirurgiens cardiovasculaires et thoraciques du Québec, le Dr Louis P. Perrault, président et chirurgien cardiaque.
[Traduction]
Nous accueillons également les porte-parole de l'Association des pharmaciens du Canada, la Dre Danielle Paes, pharmacienne en chef; du Collège des médecins de famille du Canada, le Dr Brady Bouchard, président, et la Dre Francine Lemire, directrice générale et chef de la direction; du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, la Dre Guylaine Lefebvre, directrice générale, Bureau des programmes et mobilisation des membres; et d'Orthophonie et Audiologie Canada, Dawn Wilson, chef de la direction, et Susan Rvachew, professeure titulaire.
Merci à tous d'avoir pris le temps de comparaître aujourd'hui.
Nous entendrons les déclarations liminaires de nos invités dans l'ordre où ils figurent dans l'avis de convocation. Nous commencerons donc avec le Dr Maguire.
Bienvenue au Comité, docteur Maguire. La parole est à vous pour cinq minutes.
:
Merci beaucoup de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui.
J'étais déjà assez tendu avant d'apprendre qu'Orthophonie et Audiologie Canada serait de la partie. Je sais maintenant que je dois m'appliquer à articuler aussi clairement que possible.
Je tiens au départ à vous dire ma reconnaissance d'avoir été invité ici aujourd'hui et de pouvoir contribuer à ce très important effort d'examen des ressources en soins de santé du Canada. Jamais l'importance des soins de santé n'est apparue aussi clairement qu'au cours des deux dernières années, confrontés que nous étions à une pandémie mondiale.
En Nouvelle-Écosse, nous avons fait de notre mieux pour lutter contre la pandémie. Nous avons constaté un recours accru à la télésanté, ce qui a été pour nous l'occasion d'utiliser la technologie Zoom pour traiter des patients dans les régions rurales et éloignées. Par bonheur, cette technologie se prête particulièrement bien à la psychiatrie et aux soins de santé mentale et elle nous a aidés à nous occuper en urgence de patients dans des régions éloignées que nous n'aurions pas pu rencontrer autrement.
Cette situation a mis en lumière la nécessité d'améliorer l'accès à l'Internet à large bande dans les régions rurales, ainsi que l'utilité qu'aurait le soutien du gouvernement fédéral à cet effet. Il serait également très utile d'aider les hôpitaux dans les collectivités rurales à obtenir la technologie permettant l'accès à ces services.
Même si la télésanté est une pratique qui s'implante peu à peu, ce n'est pas la même chose que les consultations en personne. Nous avons encore besoin de gens sur le terrain.
Je voudrais aujourd'hui souligner l'importance du recrutement et du maintien en poste des travailleurs de la santé au Canada, en particulier dans les régions rurales. Je côtoie surtout des médecins, mais je crois que mes propos valent également pour les autres travailleurs de la santé.
Pour tout dire, nous tâchons de convaincre les médecins d'aller et de s'installer dans les régions rurales et de se trouver heureux d'y rester. Pour cela, nous formons des médecins ici au pays, et nos écoles de médecine réussissent assez bien à trouver de futurs médecins à qui la pratique en milieu rural conviendrait et à adapter leur programme d'études en ce sens. Nous faisons également venir des médecins de l'étranger et, sur ce point, j'aimerais parler aujourd'hui de l'importance de simplifier le processus d'immigration.
Plusieurs médecins qui avaient accepté de venir dans des régions rurales de la Nouvelle-Écosse ont vu leur arrivée considérablement retardée en raison de problèmes liés au processus d'immigration. L'une des choses que nous retenons en particulier de la pandémie, c'est notre incapacité à communiquer utilement avec Immigration Canada pour régler certains de ces problèmes. Dans un cas, un médecin est arrivé au Canada trois semaines avant sa famille, qui a dû payer un séjour de trois semaines à l'hôtel, à Londres, en attendant que les choses se règlent.
Si nous pouvions simplifier le processus d'immigration et améliorer la communication entre le ministère fédéral de l'Immigration et les autorités provinciales de la santé, ce serait utile.
Le gouvernement fédéral s'efforce de promouvoir un permis national d'exercer la médecine. La reconnaissance réciproque des permis aiderait également les régions rurales à trouver des suppléants pouvant répondre à leurs besoins. Concurremment à cela, un programme fédéral de suppléance permettrait, encore une fois, d'obtenir de l'aide pour les médecins en milieu rural.
Il y a des médecins qui sont réfractaires à l'idée de s'installer dans une région rurale parce que, bien franchement, ils craignent de ne pas pouvoir partir ou prendre une pause. Un programme fédéral de suppléance permettrait donc de rassurer ces médecins qu'ils pourront prendre un congé quand ils en ont besoin.
Nous devons faire tout ce qui est possible pour soutenir dans leur carrière les médecins qui s'installent en milieu rural, ce qui signifie qu'il faut leur donner un travail valorisant, leur offrir la possibilité d'avoir un bon équilibre entre leur travail et leur vie personnelle et leur assurer des possibilités de formation continue, que ce soit par Zoom dans les cliniques locales ou au moyen de conférences tenues à l'extérieur de leur région. Tout soutien que nous pourrions apporter dans ce domaine serait très utile.
Il serait également utile de reconnaître l'importance de trouver des travailleurs de la santé décidés à s'installer à demeure dans les collectivités rurales. Il est donc très important, à mes yeux, d'offrir des incitations au service de longue durée.
L'une des idées que j'ai proposées chez moi, c'est celle d'instituer une bourse-prime de cinq ans à l'intention des médecins ou des travailleurs de la santé qui, après s'être installés dans une région rurale, y restent cinq années et y achètent une maison, bourse-prime qui leur serait versée graduellement sur les cinq années suivantes afin de les inciter à rester plus longtemps.
En terminant, j'aimerais dire un mot sur l'importance de favoriser des cultures professionnelles positives à l'échelle nationale. Si nous réussissions à créer des milieux de travail positifs et sains, culturellement rassurants, accueillants et inclusifs, ce serait l'un des meilleurs moyens d'encourager les travailleurs de la santé à choisir de vivre dans une région rurale et aussi à y rester.
Je sais que mon temps de parole est compté, que le temps du Comité est précieux, et je vais donc m'arrêter là‑dessus. Je vous remercie de votre temps.
:
Merci beaucoup de m'avoir invité cet après-midi à parler d'un sujet de grande importance pour le système des soins de santé au Canada.
Comme je l'ai mentionné à une autre occasion, je suis président de l'Association des chirurgiens cardiovasculaires et thoraciques du Québec. Je suis professeur de chirurgie à l'Université de Montréal et chirurgien cardiaque depuis 25 ans. Je suis donc plongé dans le système à peu près tous les jours.
Mon collègue, le Dr Maguire, a soulevé beaucoup de points très importants. L'un des constats qu'il importe de faire, c'est que la pandémie de COVID‑19 a montré que notre système n'était pas au bord de l'effondrement, mais qu'il s'était déjà effondré. La pandémie a simplement mis les choses en évidence, non seulement au Québec, mais dans l'ensemble du Canada. À mon avis, cette situation tient au sous-financement chronique du système de soins de santé au Canada.
Nous avons constaté qu'il n'y avait pas assez de lits, ni de personnel. Les leçons que nous aurions dû tirer il y a longtemps, de la crise du SRAS et du rapport Campbell, n'ont pas été apprises ou retenues, car tous les outils nécessaires ont été décrits dans ce rapport des plus exhaustifs. Je vous invite à le lire.
Je crois que, malheureusement, beaucoup des décisions prises en matière de santé procédaient d'une vision à court terme. Nous devons explorer les moyens d'inciter les gens à devenir des professionnels de la santé, des médecins, etc. C'est bien beau de dire qu'il y a la filière de l'immigration, mais je pense que nous devrions avoir un plan à long terme pour attirer, former et avoir des professionnels de la santé en nombre suffisant. C'est vrai sur toute la ligne. C'est certainement le cas pour les médecins, mais les médecins font partie d'une équipe, si bien qu'une pénurie dans l'une des professions de la santé nous empêche de fonctionner correctement.
Pour instaurer une culture appropriée, je crois comme le Dr Maguire, qu'il faut avoir des équipes de taille suffisante, faute de quoi les gens ne seront pas intéressés à rester, ni à venir. Tout est interrelié: culture professionnelle, milieu de travail, etc. C'est très important.
Je pense qu'il faut abandonner la vision à court terme. Il devrait y avoir une sorte d'organisme indépendant qui prendrait les décisions pour une génération à venir, pour 20 ans plus loin, et qui veillerait à nous doter d'un plan de ressources en santé, et également en matière d'infrastructure, pour que nous soyons en mesure de répondre aux besoins des Canadiens. Nous savons tous que la population vieillit et que ce vieillissement se répercute sur nos besoins en matière de soins de santé.
La capacité des hôpitaux canadiens, quant au nombre de lits, est parmi les plus faibles, je dirais, de tous les pays occidentaux. La solution ne dépend pas nécessairement du nombre de lits, mais ceux‑ci auraient certainement pu faciliter les choses pendant la pandémie. Il faudrait se pencher là‑dessus, car une autre pandémie ne manquera pas de surgir à l'avenir, comme la COVID a succédé au SRAS.
Je pense qu'il importe de créer un organisme responsable, qui regardera au‑delà d'un horizon de quatre ans et qui veillera à ce que l'argent des contribuables canadiens soit bien dépensé.
Je pense que c'est le moment de nous tourner vers l'avenir. Nous ne pouvons pas retarder ou geler les investissements dans le système de soins de santé. Le nombre de patients à traiter qui ont manqué de soins pendant la pandémie de la COVID sera énorme. Le financement devrait commencer dès maintenant, sans quoi le rattrapage qui s'impose ne pourra pas se faire.
Je vous remercie de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
:
Je vous remercie de nous avoir invités à nous exprimer au nom du Collège des médecins de famille du Canada et de ses quelque 42 000 membres. Je vais faire mon exposé en anglais, mais nous serons heureux de répondre aux questions dans l'une ou l'autre des langues officielles.
Je m'appelle Francine Lemire. Je suis médecin de famille, directrice générale et chef de la direction du CMFC. Je suis accompagnée aujourd'hui de notre président, le Dr Brady Bouchard, médecin de famille qui pratique à North Battleford, en Saskatchewan.
Pour que les Canadiens aient un accès pratique et en temps opportun aux soins primaires, le dynamisme des effectifs du secteur de la santé est essentiel. Nous aimerions décrire les changements qui sont nécessaires pour faire en sorte que ces effectifs soient en mesure de répondre aux besoins changeants des collectivités canadiennes.
Il y a 4,6 millions de Canadiens qui n'ont pas de médecin de famille attitré et beaucoup d'entre eux n'ont pas accès, quand il le faut, aux soins qui leur sont nécessaires. La pandémie de la COVID‑19 a accentué et mis en évidence les lacunes existantes en matière de soins, en particulier pour les groupes vulnérables, comme les aînés, les peuples autochtones et les personnes aux prises avec des problèmes de dépendance ou de santé mentale. Devant les difficultés d'assurer les soins pendant la pandémie, les médecins de famille se sont rapidement tournés vers la télésanté, tout en prodiguant, au besoin, d'excellents soins en personne.
La fonction fondamentale propre aux médecins de famille consiste à assurer des soins généraux aux familles et aux patients de tout âge, y compris des soins préventifs échelonnés dans le temps, et dans divers milieux. Il ne fait aucun doute que c'est dans les pays où des soins primaires de qualité sont assurés par des médecins de famille que les bilans de santé de la population sont les meilleurs. Cependant, nous sommes préoccupés par les rapports qui font état, dans le sillage de la pandémie, du nombre de médecins de famille et autres fournisseurs de soins qui se disent épuisés, qui prennent une retraite anticipée, qui réduisent considérablement leurs heures en clinique ou qui abandonnent simplement la profession.
Tous les Canadiens devraient avoir accès à des soins de qualité dans un cabinet de médecine familiale à proximité de chez eux. Un meilleur accès serait possible si les médecins de famille et leurs équipes pouvaient consacrer moins de temps à des choses autres que les soins directs aux patients, comme la paperasserie générale et l'administration de la clinique; si les médecins de famille étaient plus nombreux, le Canada étant constamment en retard par rapport aux autres pays de l'OCDE à ce chapitre, et si les médecins de famille travaillant en équipe étaient plus disponibles pour leurs patients et élargissaient l'éventail des services offerts par l'équipe. En réglant chacun de ces points, on pourra maintenir les effectifs, assurer le bien-être et, en bout de ligne, améliorer l'accès.
Que pouvons-nous faire? L'engagement du gouvernement à accroître le nombre de médecins de famille est louable, mais il faudra du temps pour y arriver. À court terme, la solution consiste à alléger le fardeau des médecins de famille de première ligne.
D'abord, nous devons établir un fonds à durée limitée pour encourager le maintien en activité des médecins de famille et autres fournisseurs de soins de santé primaires qui envisagent de quitter la profession après la pandémie ou qui sont déjà en voie de le faire. Ensuite, il faut apporter un soutien administratif aux équipes de soins de santé primaires au moyen d'un financement spécial et d'une simplification des processus administratifs, ce qui permettrait d'accroître le temps et la capacité à consacrer aux soins directs aux patients. Selon un récent sondage auprès de nos membres, le soutien administratif est le principal facteur qui influe sur l'amélioration de l'accès.
Regardant plus loin, nous devons tenir compte de plusieurs enjeux systémiques en vue d'améliorer la disponibilité et la répartition de nos effectifs dans une optique de résilience, d'équité et d'adaptabilité. Nous accueillons favorablement les récentes annonces d'augmentation de la capacité de formation en médecine familiale dans certaines écoles de médecine. Il doit y avoir des mesures cohérentes et réfléchies destinées à accroître l'offre et à améliorer la capacité en fonction surtout des milieux et des populations mal desservis.
Maintenant plus que jamais, nous avons besoin d'une solide stratégie provinciale et nationale en matière de données. Les chiffres ne suffisent pas. Nous devons comprendre et considérer ce que font les fournisseurs: leur champ de pratique et leur cheminement de carrière. Nous devons maintenir et élargir les milieux d'exercice de la profession qui sont avantageux pour les patients et les fournisseurs de soins. Le CMFC fait la promotion du concept de « foyer médical pour patients », une vision des soins axée sur la collaboration, le travail d'équipe, le patient et l'arrimage avec les services communautaires et le système de santé dans son ensemble. Il faut soutenir l'expansion de ce modèle de soins au moyen d'un fonds spécial de transition pour les soins primaires, comme celui que nous préconisons conjointement avec l'Association médicale canadienne et l'Association des infirmières et infirmiers du Canada.
Il y a un sentiment général de manque de reconnaissance et de soutien parmi les médecins de famille, qui se disent épuisés et surchargés. Nos membres demeurent pourtant un fondement au système de santé du Canada et des partenaires de confiance pour leurs patients.
Il est essentiel que les médecins de famille et les autres professionnels de la santé obtiennent le soutien dont ils ont besoin, c'est‑à‑dire que l'on reconnaisse leur contribution et qu'ils bénéficient de l'appui direct de tous les ordres de gouvernement.
Merci.
:
Bonjour et merci de me donner l'occasion de participer à cette étude importante et opportune.
Je m'appelle Danielle Paes et je suis la pharmacienne en chef de l'Association des pharmaciens du Canada. Aujourd'hui, je me joins à vous depuis le territoire traditionnel non cédé du Conseil des Trois Feux des Premières Nations: les Outaouais, les Ojibwés et les Potawatomi.
L'APhC représente les 47 000 pharmaciens du Canada qui, avec leurs équipes de techniciens et d'assistants en pharmacie, ont travaillé sans relâche tout au long de la pandémie pour nous soutenir tous.
J'aimerais prendre quelques instants pour souligner le rôle des pharmaciens pendant la pandémie.
Au début de la pandémie, les pharmacies étaient l'un des seuls fournisseurs de soins de santé communautaires à demeurer ouverts au public, alors que la plupart des autres fermaient leurs portes ou passaient aux soins virtuels. Cela s'est fait dans un climat de grande incertitude, alors qu'on ne savait pas comment protéger le personnel et que l'on essayait de gérer les pénuries de médicaments et les problèmes d'approvisionnement. La pandémie a vraiment mis en évidence le rôle essentiel que jouent les pharmaciens et les pharmacies dans les soins de santé.
Les pharmaciens ont été une source importante d'information sur la COVID‑19 pour le public et ont dû composer avec un environnement en constante évolution, avec peu de préavis, voire pas du tout dans certains cas. Dans de nombreuses régions du pays, les pharmaciens distribuent et font passer des tests de dépistage de la COVID‑19, et ils sont les principaux fournisseurs de vaccins contre la COVID‑19, avec plus de 17 millions de doses administrées dans les pharmacies à ce jour.
Bien que la COVID ait été à l'avant-plan au cours des deux dernières années, la crise des opioïdes n'a pas disparu. Grâce à une exemption accordée par le gouvernement fédéral pendant la pandémie, les pharmaciens ont pu offrir des soins aux patients qui consommaient des opioïdes et d'autres substances désignées. Leur rôle était particulièrement important, parce qu'ils aidaient les personnes aux prises avec une dépendance à poursuivre leurs traitements.
La pandémie a eu des répercussions en raison des exigences constantes imposées à tous les travailleurs de la santé, dans un système qui était déjà surchargé. Au cours des dernières semaines, les mêmes thèmes sont revenus parmi les témoins que vous avez entendus. Notre propre expérience, étayée par un sondage national que nous avons mené récemment, a fait ressortir le fait que la santé mentale de notre main-d'œuvre en pharmacie a été considérablement affectée par l'épuisement professionnel, les pénuries de main-d'œuvre et le harcèlement des patients. J'ai été triste d'apprendre que, pendant la pandémie, près de la moitié des répondants ont été victimes de mauvais traitements ou de harcèlement de la part de patients au moins une fois par semaine, et parfois même quotidiennement.
Comme cela a été le cas pour nos collègues médecins et infirmières, la pandémie a eu un impact majeur sur le bassin de pharmaciens et de personnel de soutien. Nous constatons qu'un nombre alarmant d'entre eux envisagent de quitter la profession. Il est déchirant d'entendre les histoires de mes collègues de première ligne, qui sont épuisés. Dans la plupart des cas, le stress et les pressions qu'ils subissent au travail, conjugués aux défis auxquels ils font face personnellement, font en sorte qu'ils atteignent un point de rupture.
Nous croyons qu'il est urgent de prendre des mesures pour faire face à cette catastrophe imminente. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle important en offrant un soutien direct aux fournisseurs de soins de santé, ainsi qu'un soutien indirect par l'entremise des provinces et des territoires. Cela comprend des ressources ciblées en santé mentale pour aider les équipes des pharmacies à faire face aux difficultés auxquelles elles ont été confrontées au cours des deux dernières années, ainsi que des stratégies et du financement pour veiller à ce que nous ayons un nombre suffisant de professionnels de la pharmacie, en particulier dans les régions rurales et éloignées.
Des incitatifs financiers, des exonérations de remboursement de prêts d'études pour les travailleurs de la santé et des subventions pour les employeurs qui offrent une expérience pratique aux étudiants et aux professionnels de la santé formés à l'étranger font partie des quelques recommandations qui, selon nous, pourraient aider à éviter une pénurie future de main-d'œuvre et une situation de crise.
Au moment où le Comité se penche sur des stratégies visant à améliorer le recrutement et le maintien en poste des fournisseurs de soins de santé, je m'en voudrais de ne pas parler du manque de cohérence en ce qui concerne notre champ d'exercice au Canada. De nombreux membres du Comité ici présents peuvent se faire vacciner contre la grippe à leur pharmacie locale, mais il y a encore des territoires qui ne permettent pas aux pharmaciens d'offrir ce service. De même, dans certaines régions du pays, les pharmaciens peuvent prescrire des médicaments pour des affections courantes, comme les infections urinaires et les éruptions cutanées, mais d'autres ne le peuvent pas. Cela démontre clairement les inégalités au chapitre des soins dans notre système actuel.
Lorsqu'il s'agit de recruter et de maintenir en poste des professionnels des services pharmaceutiques, la capacité pour eux d'utiliser leur plein potentiel, peu importe où ils vivent, est très importante pour leur épanouissement personnel et professionnel. Le manque de latitude peut aussi dissuader les pharmaciens de pratiquer dans les régions rurales et éloignées. Bien que la santé et le champ d'exercice demeurent principalement de compétence provinciale, nous croyons que le gouvernement fédéral devrait fournir un financement ciblé aux provinces, afin d'élargir davantage le champ d'exercice des professionnels de la pharmacie, pour qu'ils puissent offrir de meilleurs soins aux patients.
J'aimerais souligner encore une fois le travail incroyable et les sacrifices de tous les travailleurs de la santé au cours des deux dernières années. Nous leur devons beaucoup.
Je remercie le Comité de me permettre de parler de la contribution des pharmaciens et de leurs équipes à l'échelle du Canada pendant la pandémie et des répercussions que celle‑ci a eues sur eux. Nous avons hâte de voir les résultats positifs de vos efforts constants.
:
Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter d'un sujet d'une importance cruciale, soit le recrutement et le maintien en poste des effectifs de la santé.
Je m'appelle Guylaine Lefebvre. Je suis la directrice exécutive du Bureau des programmes et de la mobilisation des membres du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.
Je me joins à cette réunion aujourd'hui à partir d'Ottawa et du territoire traditionnel non cédé de la Nation algonquine Anishinabeg.
Je suis médecin spécialiste depuis 30 ans. Ma spécialité est l'obstétrique-gynécologie. J'ai fait de la formation et j'ai dirigé à de nombreux niveaux dans notre système de soins de santé.
Le Collège royal, son conseil d'administration, notre président, le Dr Richard Reznick, et notre directrice générale, la Dre Susan Moffatt-Bruce, demeurent déterminés à lutter contre l'épuisement professionnel des médecins et à assurer le mieux-être de ceux‑ci. Je présente les excuses de notre directrice générale, qui ne peut pas se joindre à nous aujourd'hui. La Dre Moffatt-Bruce s'acquitte de tâches importantes en tant que clinicienne-chercheure et que directrice générale du collège.
Nous représentons plus de 50 000 médecins et chirurgiens au pays.
[Français]
La raison d'être des soins de santé, ce sont les gens. Quand les travailleurs et les travailleuses de la santé se sentent bien et sont appuyés, ce sont les patients et les communautés de partout au pays qui s'en portent mieux.
[Traduction]
Je remercie le Comité de s'être engagé à régler les problèmes liés au recrutement et au maintien en poste des effectifs de la santé. J'aimerais vous faire part de ce que nous avons entendu et de ce que nous savons au sujet de nos membres, de nos médecins résidents et de leurs collègues du secteur de la santé, et de ce que nous faisons pour les appuyer.
[Français]
Je suis également reconnaissante envers le gouvernement d'avoir adopté projet de loi , qui vise à protéger les travailleurs et les travailleuses de la santé de l'intimidation accrue qu'ils subissent en prodiguant des soins à leurs patients.
[Traduction]
Bien que le Collège royal représente 50 000 médecins et chirurgiens spécialistes au Canada, nous ne travaillons pas en vase clos. Nous travaillons en collaboration avec d'autres intervenants clés de la santé, y compris les membres du Forum médical canadien, avec son groupe de travail sur la planification des effectifs médicaux, et le GIAS — Groupe d'intervention action santé — qui représente les travailleurs de la santé de plus de 40 organisations et disciplines.
Nous ne pouvons pas nous dissocier d'un système qui repose sur une équipe de travailleurs de la santé, qui vont des infirmières en salles d'opération et en salles de réveil aux équipes environnementales qui assurent l'entretien, en passant par le personnel de bureau qui s'occupe de tout le séjour du patient. Nos médecins ne sont qu'un élément du continuum de soins, et le patient devrait toujours être au centre des préoccupations de l'équipe.
Un médecin sur deux montre des signes d'épuisement avancé. Dans les derniers stades de l'épuisement professionnel, les médecins perdent souvent le sentiment d'accomplissement professionnel et peuvent envisager de quitter la profession. C'est un signal d'alarme pour nous tous.
[Français]
Tout au long de la pandémie de la COVID‑19, les travailleurs et les travailleuses de la santé se sont retroussé les manches. Ils sont revenus de leur retraite, ils l'ont repoussée, ils ont travaillé des heures supplémentaires, et ce, pour protéger la santé de nos familles, de nos amis et de notre entourage.
[Traduction]
Dans un récent article publié par CTV, un médecin d'une unité de médecine interne et d'une unité COVID a expliqué que nous allons en arriver à un point où nous aurons des équipes squelettiques partout, ce qui n'est pas la façon dont un système de soins de santé peut survivre. Selon lui, nous avons d'ailleurs dépassé l'étape de la survie.
La réalité, c'est que nous n'avons pas encore payé le plein prix de la pandémie de COVID‑19, mais que ce jour approche.
[Français]
L'épuisement professionnel, le surmenage, le report de la retraite, le harcèlement des travailleurs et travailleuses de la santé sont autant de facteurs qui contribuent à leur départ de la profession, créant une pénurie de personnel dans une période où il y a un énorme retard dans les soins et les interventions à offrir.
[Traduction]
La demande sur les effectifs de la santé ne fera qu'augmenter et il ne restera peut-être plus assez de gens pour fournir les soins.
Nous devons aussi reconnaître que ceux qui restent dans le secteur des soins de santé sont stressés, épuisés et ont subi de la détresse et des traumatismes moraux. Pendant la pandémie, les professionnels de la santé ont dû composer avec des conditions difficiles et prendre des décisions impossibles. La pandémie a fait ressortir de nombreux problèmes qui existaient déjà dans notre système de soins de santé et qui ont été exacerbés au cours des deux dernières années.
Cela signifie que les ressources sont tellement à bout de souffle qu'il devient difficile d'offrir le type de soins compatissants que nous voulons tous pour nous-mêmes et nos familles. Les travailleurs de la santé qui souffrent d'épuisement professionnel n'éprouvent plus non plus la même joie et la même gratification à voir leurs patients se rétablir.
En tant que chirurgienne, je suis très consciente de la difficulté que représente le fait de savoir qu'un patient souffre et a besoin d'une intervention chirurgicale, alors qu'il n'y a pas de temps disponible en salle d'opération. L'empathie que nous avons pour la douleur du patient, la charge de travail liée à l'exploration des options de soins et les défis que représente le maintien des listes d'attente contribuent tous à la détresse morale que nous observons chez nos médecins. L'accès aux soins et les listes d'attente sont encore plus difficiles à gérer en raison de la COVID‑19, mais le problème ne date pas d'hier.
En mars 2020, la Dre Mamta Gautam, psychiatre, a offert d'organiser des appels quotidiens sur Zoom pour offrir du soutien à des collègues de partout au pays. Environ 2 000 médecins ont communiqué avec elle pour y participer. Au cours des premières semaines, entre 30 et 50 médecins, en moyenne, se branchaient sur Zoom chaque jour. Ce nombre atteignait parfois 80. En outre, selon un sondage publié récemment par l'Association médicale canadienne, près de la moitié des médecins envisagent actuellement de réduire leur charge de travail.
La bonne nouvelle, c'est qu'ensemble, nous pouvons changer les choses. Des études ont démontré que pour réduire l'épuisement professionnel, améliorer la résilience et, en fin de compte, améliorer les résultats pour les patients, un système de santé doit identifier et prioriser l'engagement et le dévouement des ressources pour soutenir les professionnels de la santé. Nos collègues de l'Association médicale canadienne ont créé un carrefour du mieux-être des médecins, qui est l'une des ressources pour aider les médecins à prioriser leur propre santé.
Les données sont une ressource que les gouvernements peuvent utiliser pour comprendre la composition actuelle de leur main-d'œuvre en santé, afin de faire progresser notre système par suite de la pandémie. Il existe des ensembles de données sur les effectifs de la santé, mais ils sont généralement limités à une seule administration et reposent sur des bases de données autodéclarées ou payantes, qui n'ont pas été conçues pour la planification des effectifs de la santé.
Il y a également des lacunes importantes dans les ensembles de données existants sur les effectifs, comme un manque d'information sur l'équité, la diversité et l'inclusion. Il est essentiel de cultiver une main-d'œuvre en soins de santé qui est représentative de la population qu'elle sert, afin d'assurer les meilleurs soins de santé pour tous les Canadiens.
:
Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je suis accompagnée de ma collègue, Mme Susan Rvachew, et nous tenons à vous remercier, au nom d'Orthophonie et Audiologie Canada, de nous donner l'occasion de vous parler aujourd'hui de nos professions.
Nos services se concentrent sur la prévention, l'évaluation et la gestion des troubles de communication, de déglutition, d'audition et d'équilibre tout au long de la vie. Nous représentons plus de 7 000 membres, qui sont souvent aidés par des assistants en communication et travaillent dans un large éventail de milieux, y compris des écoles, des hôpitaux, des centres de la petite enfance, des établissements de soins de longue durée et en pratique privée.
De façon plus particulière, l'intervention précoce de nos membres favorise la réussite des enfants à l'âge critique de zéro à six ans, grâce à la détection de la perte auditive et à des thérapies pour le retard de la parole ou du langage. Nos services font partie intégrante des soins, de la dignité et de la qualité de vie des personnes vivant dans des établissements de soins de longue durée, en raison de la prévalence élevée des troubles de communication, de déglutition, d'audition et d'équilibre chez les personnes âgées. Ces difficultés ont une incidence sur les relations personnelles et la prestation de soins et sont également associées à la perte d'autonomie, à l'isolement et au stress des soignants — et je sais, comme nous pouvons tous en témoigner, que la capacité des résidents et du personnel des établissements de communiquer efficacement est primordiale pour la santé et la sécurité de tous.
Au plus fort de la pandémie de COVID‑19, bon nombre de nos membres travaillant dans des établissements de soins de santé ont été redéployés pour aider à répondre à la pandémie, ce qui a contribué encore davantage à l'épuisement professionnel. De plus, nos membres jouent un rôle important dans le rétablissement des malades de la COVID‑19, car de nombreux orthophonistes aident les patients qui ont des problèmes d'élocution ou de déglutition après avoir été mis sous respirateur.
En raison des fermetures liées à la pandémie, de nombreux nouveau-nés ont manqué leur test de dépistage auditif. Selon le ministère de la Santé de l'Ontario, deux bébés sur mille ont une perte auditive à la naissance et deux autres en développent une avant l'âge de cinq ans. En raison d'une déficience auditive, les enfants éprouvent des difficultés d'élocution et de langage, ce qui peut entraîner des problèmes scolaires, comportementaux et émotionnels. La fermeture des écoles et des garderies a une incidence sur le langage et la littératie des enfants et a ajouté à l'épuisement professionnel et à la lourde charge de travail des orthophonistes en milieu scolaire. Nous savons déjà que 45 % des enfants autochtones n'ont pas un niveau de littératie suffisant et que le Canada tire de l'arrière par rapport aux autres pays développés.
À l'heure actuelle, le nombre d'orthophonistes et d'audiologistes au Canada ne répond pas aux besoins de la population, en particulier la population vieillissante qui ne cesse de croître. Bien que la population du Canada représente environ 12 % de la population des États-Unis, le nombre d'orthophonistes canadiens représente environ 3 % de celui des États-Unis. Cela pose un problème parce que ce nombre est trop petit pour fournir un traitement de qualité au nombre de plus en plus grand de personnes ayant des problèmes de communication et de déglutition au Canada.
Récemment, la ministre de la Santé des Territoires du Nord-Ouest, Julie Green, a déclaré que les adultes doivent attendre 19 mois pour voir un audiologiste à Beaufort-Delta et 26 mois à Yellowknife. Il n'y a actuellement que deux audiologistes dans les Territoires du Nord-Ouest. Selon la Health Sciences Association de la Colombie-Britannique, les thérapies d'intervention précoce, y compris les thérapies en orthophonie, comportent les temps d'attente les plus longs de tous les programmes des centres de développement de l'enfant. À l'heure actuelle, il n'est pas rare que les enfants n'aient jamais accès à un orthophoniste avant d'entrer à la maternelle ou doivent attendre des mois ou des années avant d'avoir accès au service.
Ce manque de services pour les enfants d'âge préscolaire est particulièrement grave pour les enfants autochtones, ce qui a des conséquences dévastatrices sur leur niveau de littératie, leur santé auditive, leur réussite scolaire, leur santé sociale et émotionnelle et leurs résultats professionnels.
De plus, selon le système de projection des professions au Canada, au cours de la période de 2019 à 2028, le nombre de possibilités d'emploi découlant de l'augmentation de la demande et du remplacement d'audiologistes et d'orthophonistes devrait totaliser 3 800, alors que le nombre de chercheurs d'emploi ne devrait s'élever qu'à 2 800.
Comme c'est le cas pour bon nombre de nos professions de la santé, les régions rurales et éloignées du pays font face à des problèmes de recrutement et de rétention de leur main-d'œuvre. Par conséquent, nous implorons le gouvernement de recommander et d'appuyer les initiatives suivantes.
Nous devons veiller à ce que les orthophonistes et les audiologistes soient admissibles au Programme canadien d'exonération du remboursement des prêts d'études, en particulier ceux qui s'établissent dans des collectivités rurales et éloignées.
Nous implorons le gouvernement de verser des fonds aux provinces qui collaboreront avec des partenaires pour créer, mettre en œuvre et gérer des stratégies et des programmes novateurs à court et à long terme qui appuient le recrutement et le maintien en poste d'orthophonistes et d'audiologistes.
Nous demandons au gouvernement d'offrir des incitatifs ou du soutien aux universités pour qu'elles élargissent ou créent des programmes d'orthophonie ou d'audiologie.
Nous devons investir dans l'infrastructure de télésanté afin d'améliorer l'accès aux services d'orthophonie et d'audiologie, en particulier dans les collectivités rurales et éloignées, y compris les collectivités autochtones.
Nous aimerions également mentionner que nous appuyons les recommandations que le Réseau canadien des effectifs de la santé, qui fait un travail très important dans ce domaine, a présentées à votre comité.
Nous vous remercions du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui et nous vous invitons à nous poser des questions.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins de leurs déclarations et de leur présence à l'occasion de cette étude extrêmement importante que nous menons et qui touche tous les Canadiens, et probablement plus encore les Canadiens qui vivent en milieu rural.
Je dois vous dire que je suis médecin de famille depuis 26 ans et je suis depuis peu l'un de ces transfuges venus travailler ici à la place, peut-être pour une multitude de raisons. Qui sait?
Comme mes collègues ici le savent, ma femme est pharmacienne. Je tiens à les féliciter, surtout parce que ma femme est formidable, mais tous les pharmaciens le sont.
Des voix: Oh, oh!
M. Stephen Ellis: Merci. Aucune réponse n'est requise.
Docteur Maguire, merci de vous être déplacé. Il y a deux ou trois choses que vous avez mentionnées, en particulier l'Internet à large bande et l'immigration, qui ont eu une incidence sur votre capacité à prodiguer des soins et à trouver des solutions pour régler notre problème très aigu de pénurie de psychiatres.
Vous pourriez peut-être nous dire quelques mots à propos des problèmes d'immigration dont vous avez parlé quand la famille d'un psychiatre a dû rester dans un hôtel de Londres pendant trois semaines.
:
Le médecin en question s'est présenté à l'aéroport de Londres pour commencer sa nouvelle vie au Canada. Quand lui et sa famille sont arrivés à Heathrow, on lui a dit qu'il était autorisé à prendre place à bord de l'avion, mais pas sa famille. Sa femme et sa fille adolescente, ainsi que leur chien ont dû trouver un hôtel au pied levé à Londres.
À l'époque, j'ai été mis au courant du problème. Nous avons désespérément essayé de trouver une solution pour que la famille puisse prendre l'avion. Nous ne parvenions pas à parler à des représentants des services d'immigration ni à qui que ce soit en mesure de permettre à la famille de prendre l'avion.
Comme je l'ai dit, la famille a fini par se rendre à l'hôtel. Encore une fois, nous avons essayé de communiquer avec des gens par les voies appropriées, c'est‑à‑dire par l'entremise du système de soins de santé en Nouvelle-Écosse, par l'entremise du ministère de la Santé, puis nous avons essayé de communiquer avec le ministère de l'Immigration pour faire en sorte que cette famille puisse être réunie le plus rapidement possible. En fait, nous avons été en butte à une série de retard qui se sont enchaînés. La famille était énormément frustrée.
Elle a dû passer trois semaines dans cet hôtel de Londres avant de pouvoir venir au Canada. Entretemps, le médecin a dû faire seul sa période de quarantaine ici, pendant deux semaines, sans avoir sa famille. Bien sûr, quand celle‑ci est arrivée au Canada, elle a dû se soumettre à une quarantaine de deux semaines.
Leur vie au Canada a plutôt mal commencé. Nous sommes chanceux qu'il s'agisse d'une famille résiliente qui a fait de la Nouvelle-Écosse son nouveau chez-soi, mais c'était certainement un début difficile et chargé d'émotions par moments.
Si nous avions une façon d'améliorer notre capacité à régler de tels problèmes lorsqu'ils surviennent, ce serait extrêmement utile pour éviter qu'ils se reproduisent à l'avenir.
:
Merci, monsieur Hanley.
Je me souviens très bien de cette expérience de canotage.
Le modèle de soins en équipe est un modèle que nous essayons de promouvoir en ce moment, et il est déjà en place dans certaines provinces. Les équipes de santé familiale de l'Ontario, les groupes de médecine de famille au Québec et les réseaux de soins de première ligne en Alberta sont des exemples de modèles de soins où chaque membre du cabinet a accès à un médecin de famille, mais où le médecin de famille a aussi l'occasion de travailler avec d'autres fournisseurs.
De nos jours, des pharmaciens sont virtuellement présents, et un pharmacien est un membre important de l'équipe clinique. Nous avons aussi des travailleurs sociaux, des infirmières praticiennes, des infirmières cliniciennes, des diététistes et des physiothérapeutes. La décision de privilégier tel ou tel fournisseur au sein d'une équipe dépend en partie de la population desservie. Pour les modèles que j'ai décrits, nous effectuons généralement une analyse de la population desservie par un cabinet. Ensuite, en fonction de certaines données démographiques, on décide quels types de fournisseurs de soins sont les mieux placés pour offrir le meilleur soutien possible aux patients.
Pour ma part, quand j'étais en pratique clinique, j'ai travaillé pendant plusieurs années dans un tel modèle à Toronto, si bien que j'ai eu des rapports assez étroits avec le pharmacien clinicien de cette équipe, surtout dans le cas de patients fragiles et âgés dont je m'occupais et qui prenaient plus de six médicaments. Chaque année, le pharmacien passait en revue les dossiers de ces patients, et nous discutions de la pertinence de tous les médicaments, de la possibilité d'en supprimer un ou deux ou des interactions médicamenteuses dont il fallait tenir compte.
Bien sûr, dans ce cabinet, nous administrions des vaccins, et les infirmières cliniciennes étaient d'importantes prestataires de soins qui nous aidaient à faire cela et à nous désigner les personnes à vacciner. Il est donc très important de travailler en étroite collaboration avec les infirmières.
Et puis, on parle peu des réceptionnistes. Bien entendu, chaque cabinet a une réceptionniste, et le fait d'avoir amélioré le rôle des réceptionnistes a également contribué à simplifier la prestation des soins.
Je pourrais continuer longtemps ainsi, et ce ne sont là que quelques exemples. Dans l'équipe dont je faisais partie, nous avions un travailleur social — absolument essentiel pour les patients qui dépendaient de l'aide financière des services sociaux —, qui était chargé de trouver des sources potentielles de financement et d'aider ces patients à remplir les formulaires de demande.
:
Je vous remercie de votre question.
Votre analyse de la situation est bonne. Comme l'a mentionné ma collègue du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, la pandémie n'a fait qu'exposer au grand jour des problèmes qui existaient déjà, tels que les listes d'attente.
Au début de la pandémie, nous avons vu que les patients en cardiologie et en chirurgie cardiovasculaire avaient tendance à ne pas accéder au réseau de la santé par peur de se trouver dans les hôpitaux. Cela a non seulement entraîné toutes sortes de nouvelles complications, mais a aussi mis en lumière que certains problèmes qui auraient pu être détectés plus tôt et traités de façon diligente sont restés en suspens, d'une part en raison de l'accès limité aux ressources hospitalières et, d'autre part, de la crainte tout à fait normale des patients d'être examinés dans des milieux contaminés. Plusieurs conséquences ont découlé de ces complications. L'une d'elles est que des patients se sont présentés dans les hôpitaux dans un état détérioré, donc possiblement instable.
Imaginez un peu la situation: nous sommes au XXIe siècle, nous avons les traitements, les diagnostics, les médecins et l'équipe, mais nous n'avons pas les moyens d'accueillir les patients. Il est clair que cela est néfaste sur leur récupération.
Ce qui est aussi vraiment dommage, c'est que, si nous attendons trop longtemps, le retard que nous aurons pris aura vraiment des conséquences indésirables sur toutes les cohortes de patients. Je prêche pour ma paroisse, mais ce retard n'a pas été observé seulement dans le domaine cardiovasculaire. Il se retrouve aussi en oncologie, où des patients ont reçu un sous-diagnostic, un retard de diagnostic ou encore un diagnostic pour des maladies plus avancées.
Il y avait urgence avant la pandémie, mais il est maintenant crucial d'ajuster les niveaux de financement, possiblement sous forme de transferts, et de nous assurer que la reconstruction et la reprise des activités débutent maintenant. Nous ne pourrons pas endurer une telle situation encore bien des années.
Si vous me le permettez, je vais faire un commentaire qui fait écho à ceux de certains de mes collègues et d'autres témoins. La planification est actuellement cruciale pour toutes les équipes de santé. Nous nous apercevons entre autres que, dans certaines provinces, comme la mienne, le nombre de résidents en chirurgie a diminué de moitié depuis 10 ans. Ainsi, si on a besoin d'une chirurgie, on aura du mal à se faire traiter.
Comme ma collègue du Collège royal l'a mentionné, la planification de la main-d’œuvre de façon indépendante à long terme, à l'aide de données probantes, est extrêmement importante pour l'avenir, non seulement pour les médecins, les chirurgiens, et ainsi de suite, mais pour tous les professionnels de la santé.
Je vous donne un exemple. Nous avons une pénurie cruciale de perfusionnistes qui dure depuis 20 ans, et rien n'a été fait jusqu'à présent. Nous traînons donc des problèmes qui sont connus depuis deux décennies, sans que des solutions ne soient adoptées.
:
Oui. Les orthophonistes sont passés très rapidement à la télésanté. Par le biais de notre association professionnelle nationale, Orthophonie et Audiologie Canada, de l'organisation québécoise, et des instances provinciales de tout le Canada, de nombreux soutiens ont été offerts aux orthophonistes pour les encourager à se tourner vers la télésanté, à les former à cette méthode de travail et à déterminer de quel équipement ils auraient besoin pour le faire et ainsi de suite. Cela fait maintenant deux ans et nous avons acquis beaucoup d'expérience en la matière. Nous enseignons à nos étudiants comment utiliser ce modèle de prestation et ils consacrent de plus en plus d'heures de pratique clinique à la télésanté. Nous sommes très enthousiastes.
Cela pose beaucoup de défis, comme l'a mentionné M. Maguire. Le premier est lié à l'intégrité du réseau sans fil et à la connectivité, parce qu'il est très important que les orthophonistes aient un son d'une bonne qualité. Les retards sonores peuvent être dévastateurs en orthophonie. Nous devons donc avoir une connexion de bonne qualité.
Le deuxième enjeu qui fait une différence en matière d'égalité, c'est de s'assurer que le patient ou le client dispose lui aussi de l'équipement nécessaire. Ce n'est pas tout le monde qui possède le matériel, encore moins du matériel de qualité. Nous devons donc leur fournir l'équipement nécessaire.
Le troisième point, c'est que les orthophonistes doivent avoir des compétences, ils ne sont pas tous égaux à cet égard. Ce modèle doit être adapté aux diverses tâches que les orthophonistes effectuent, parce que chaque trouble est traité d'une manière particulière. Actuellement, on ne sait pas clairement s'il convient à toutes les tâches. À notre école, nos orthophonistes et nos étudiants offrent ce service pour toute une gamme de troubles et cela semble fonctionner très bien pour un certain nombre de cas. À mon laboratoire, nous avons cependant mené une étude sur un trouble très grave de la parole appelé apraxie, et ce mode de prestation n'a pas fonctionné. Cela fonctionne bien pour certains services, mais pas pour d'autres.
Je suis un peu inquiète pour l'avenir. Des orthophonistes pourraient décider d'adapter leurs interventions à cette modalité de soins au lieu d'offrir des traitements adaptés au problème du patient...
Au risque de me répéter, nous n'avons pas les données voulues.
Vous avez demandé tout à l'heure si nous avons assez de médecins. Je l'ignore. Avons-nous le bon type de médecins? Pourrions-nous utiliser cet ensemble de données pour informer nos étudiants en médecine et ainsi les aider à choisir leur parcours professionnel?
Au long de ma propre carrière, j'ai observé une tendance. Lorsque j'ai achevé ma résidence, tous mes collègues voulaient avoir leur cabinet et un poste, pensant qu'ils seraient casés pour la vie. Ce n'est plus ce qui se passe. Nous avons maintenant des résidents qui se voient obtenir leur diplôme et avoir ensuite la souplesse que donne la suppléance, sans le fardeau d'administrer un cabinet, par exemple.
L'évolution se fait d'un côté comme de l'autre, si je considère ce que recherchent les médecins diplômés pour pouvoir répondre aux besoins des populations, en commençant par la définition de ces besoins.
Absolument, nous avons entendu...
Nous sommes tous ici pour étudier le problème des pénuries de main-d'œuvre dans les soins de santé. Le Dr Maguire a parlé de la possibilité d'avoir recours à un plus grand nombre de diplômés étrangers.
Je suis sans doute le doyen de ce groupe des médecins. J'ai décroché mon diplôme il y a 36 ans. Savez-vous quoi? Absolument rien n'a changé en 36 ans en ce qui concerne l'octroi de l'autorisation d'exercer aux diplômés étrangers. Ils sont là et un certain nombre d'entre nous ont travaillé dans des régions... J'ai passé la plus grande partie de ma vie dans des régions mal servies et il y a toujours eu beaucoup de médecins étrangers au Canada à qui nous pourrions, si nous le voulions, offrir des moyens d'améliorer leurs compétences au besoin afin qu'ils puissent exercer au Canada.
Pourquoi cela ne s'est‑il pas produit en 36 ans?
Je vois ici quelques autres médecins qui se trouvent dans une situation semblable. Eux aussi ont travaillé dans des régions mal servies. C'est exaspérant. Nous avons parlé de différences. C'est sans doute la Dre Lefebvre qui a parlé d'amener les gens au bon niveau, mais elle est obstétricienne. J'ai moi-même fait des césariennes dans des pays en développement. Je sais qu'il y a beaucoup de diplômés étrangers qui peuvent faire de meilleures césariennes que les médecins canadiens.
Au besoin, nous pouvons former les gens, les amener au niveau requis pour qu'ils puissent exercer au Canada. Quel a donc été le problème jusqu'ici?
Je veux poser la question à un grand nombre d'entre vous, mais je dirais pour ma part qu'il y a un certain nombre de problèmes possibles.
Le premier est le protectionnisme. Des organisations comme l'AMC et l'AMO représentent tous les médecins. Oui, les médecins des régions rurales veulent attirer davantage de diplômés étrangers, mais j'ai aussi travaillé un peu dans de grands centres comme Toronto. Savez-vous quoi? Il n'y a pas suffisamment de patients dans ces endroits. Alors on essaie de les attirer. Un médecin qui travaille dans un grand centre ne tient peut-être pas à ce que beaucoup de médecins étrangers obtiennent l'autorisation d'exercer parce que ce seront des concurrents et qu'il risque de gagner moins d'argent. Je dirai donc qu'il y a peut-être un certain protectionnisme dans la profession médicale, ce qui ne facilite pas la tâche aux médecins étrangers qui veulent travailler chez nous.
Deuxièmement, il est possible que les provinces ne veuillent pas avoir un plus grand nombre de numéros de facturation parce que cela entraîne des coûts plus élevés. Troisièmement, il y a le problème des facultés. Le vrai problème est que les établissements étrangers n'ont pas les mêmes normes que nous. Quatrièmement, il y a le problème de l'immigration, tant pour nous que pour le gouvernement fédéral.
Docteur Maguire, je vais commencer par vous, puis je passerai la parole au Collège des médecins de famille du Canada et au Collège royal. Je remarque que ni l'un ni l'autre n'ont parlé d'accroître le recours aux médecins étrangers.
Docteur Maguire, nous pourrions peut-être commencer par vous.
:
Merci, docteure Lemire.
Tout au long de la pandémie, les médecins se sont beaucoup adaptés. Ils se sont intéressés à des domaines de la pratique où ils n'étaient pas présents ou ne l'avaient pas été par le passé. Ils ont fait de leur mieux pour offrir des soins de grande qualité aux Canadiens, mais cela mène à l'épuisement professionnel. Vous avez dit qu'ils en ont trop fait.
La question est complexe. On a parlé des modèles de rémunération. En particulier dans certaines régions urbaines, compte tenu de l'inflation, des coûts indirects et des salaires du personnel, les frais administratifs d'un cabinet ont augmenté de façon astronomique, en particulier après la pandémie. Il faut essayer de gagner sa vie dans un cabinet en régime de rémunération à l'acte, par exemple, où ce qu'on peut facturer et ce qu'on peut gagner dans un cabinet dépendent de taux fixes. Les médecins sont formés à faire de leur mieux, et cela peut parfois les amener à se limiter à un seul sujet de consultation, bien que nous n'appuyions certainement pas cette façon de faire.
L'autre aspect, c'est la complexité de la situation des Canadiens. Ils vieillissent. Ils ont plus de problèmes de santé. Ils ont besoin de soins complexes. Ils ont plus d'options thérapeutiques à leur disposition. Ils attendent plus longtemps pour consulter un spécialiste ou subir une chirurgie. Tout cela contribue certainement à l'épuisement professionnel, mais cela a aussi un effet sur le nombre de patients que le médecin peut gérer efficacement dans sa pratique.
J'entends des collègues de partout qui ont un cabinet. Ils suivent peut-être 1 000 ou 1 200 patients, et ils ne veulent pas les laisser tomber. Ils ne vont pas leur fermer leur porte, puisqu'il n'y a pas d'autre médecin, mais ils se sentent dépassés pour les raisons que j'ai dites et bien d'autres.
Merci.
:
Merci, monsieur le président. Merci à tous nos témoins. Plus particulièrement, merci à mon collègue Don Davies de m'avoir donné l’occasion de saluer tous les travailleurs en santé buccodentaire, et en particulier les hygiénistes en dentisterie conservatrice. Je salue ainsi ma femme.
Des voix: Oh, oh!
M. Majid Jowhari: J’ai regardé tous mes collègues, et je ne voulais pas rentrer chez moi jeudi soir sans avoir salué mon épouse. Elle est incroyable. J’en atteste, comme tous les patients pour lesquels elle se dévoue depuis 22 ans.
Voilà, Homeira, femme extraordinaire.
J’aimerais également m’adresser à la docteure Paes.
J’ai un très bon ami, Akil Dhirani, qui est pharmacien. Il a plusieurs pharmacies dans le Grand Toronto, dont l’une dans ma circonscription. Nous avons souvent des conversations très profondes sur les diverses compétences que les pharmaciens peuvent apporter en matière de santé buccodentaire. Il parle de l’utilisation d’autres capacités des pharmaciens.
Nous parlons du permis d’exercice national, dont nous avons aussi parlé aujourd’hui; des possibilités d'inventer des soins axés sur le patient, où tous les fournisseurs de soins de santé se réunissent pour fournir des soins intégrés; et de partenariats avec divers ordres de gouvernement; ainsi que du droit de prescrire.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé d’un manque d’uniformité dans la portée des services, et de la fragmentation du financement.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce manque d’uniformité et sur ce que signifie pour nous la capacité de passer un jour aux soins virtuels?