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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 20 octobre 1997

• 0914

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

[Français]

Bonjour, tout le monde. Le Comité permanent des finances est très heureux d'être ici, à Montréal. Il y a beaucoup de monde à notre séance d'aujourd'hui. Je souhaite la bienvenue à Robert Demers et Martin Comeau de la Chambre de commerce du Québec.

• 0915

Par la suite, nous entendrons M. Claude Montmarquette de Cirano; M. Yves Morency de la Confédération des Caisses populaires Desjardins; M. Denis Beauregard du Conseil du patronat du Québec, accompagné de M. Jacques Garon; MM. Lachance et Caron et Mme Bélanger de l'Association de planification fiscale et financière; et M. Ingerman de l'Université McGill, mon alma mater. Bienvenue à tous.

Chaque groupe aura cinq minutes pour exprimer son point de vue. Nous allons débuter par M. Demers.

M. Robert Demers (membre du Comité des finances publiques, Chambre de Commerce du Québec): Au nom de la Chambre, nous avons lu avec beaucoup d'intérêt la mise à jour économique et financière de 1997 du ministre des Finances. La Chambre se réjouit de ce que le déficit pour l'exercice 1996-1997 n'est que de 9,8 milliards de dollars. Nous sommes satisfaits des progrès réalisés et de la rapidité avec laquelle ils se sont produits. C'est de bon augure pour l'exercice en cours, et nous encourageons le gouvernement à continuer sur cette voie.

En ce qui a trait aux méthodes suivies par le gouvernement, la Chambre a toujours été un ardent défenseur de la réduction des dépenses gouvernementales afin d'atteindre le déficit zéro et continue de l'être.

La Chambre s'inquiète du fait que le gouvernement utilise les surplus de l'assurance-emploi afin de financer la réduction du déficit. Bon an mal an, le gouvernement dégage un surplus de 5 à 6 milliards de dollars, surplus qui est imputé directement au fonds consolidé. Selon la Chambre, les cotisations de l'assurance-emploi ne doivent d'aucune façon être utilisées pour abaisser le déficit puisque, à l'origine, cet argent n'est pas destiné à cette fin.

La récente étude des ministères des Finances et du Développement des ressources humaines du Canada, qui révèle que le surplus de l'assurance-emploi atteindra près de 13 milliards de dollars d'ici la fin de l'année, confirme notre inquiétude.

Même si ce n'est pas le voeu de la Chambre, si c'est une taxe que l'on veut imposer aux Canadiens et Canadiennes, qu'on l'appelle ainsi au lieu de la déguiser sous une autre forme.

À cet égard, la Chambre réclame que les cotisations des employeurs et des employés soient réduites d'au moins 20 p. 100, soit 4 milliards de dollars. Nous sommes d'avis que les surplus actuels constituent une réserve plus que confortable.

En ce qui a trait aux priorités du gouvernement, nous sommes également heureux que les Canadiens et Canadiennes puissent enfin voir la lumière au bout du tunnel noir des déficits. Par contre, la Chambre s'inquiète des séries de nouvelles mesures que le gouvernement a annoncées dans le discours du Trône et s'inquiète du fait que ces mesures pourraient relancer le gouvernement vers de nouveaux déficits.

Comme le recommande la Chambre depuis plusieurs années, le déficit zéro doit être atteint par une réduction des dépenses, notamment celles associées aux divers programmes gouvernementaux.

Pour la Chambre, il est primordial que le gouvernement s'attaque à la dette et à la réduction des charges fiscales des contribuables. Nous sommes heureux de voir que le Canada semble avoir maîtrisé la situation en termes de déficit et que le pays est en excellente posture par rapport aux autres membres du G-7.

Il n'en demeure pas moins que la dette canadienne est énorme et que, si on l'exprime en pourcentage de son PIB, nous ne sommes pas en aussi bonne posture par rapport aux autres. En fait, seule l'Italie est en pire posture que nous en termes de dette totale par rapport au PIB.

Selon la Chambre, le gouvernement doit profiter de la croissance économique actuelle et de l'excellente position financière dans laquelle il s'est placé pour réduire sa dette de façon importante. S'il ne le fait pas maintenant, on se demande bien quand il pourra le faire.

Le Canada fera face, au cours des prochaines années, à des besoins financiers importants, compte tenu du vieillissement de sa population et des besoins spécifiques de cette dernière. Le moment est idéal, selon nous, pour réduire la dette et bien positionner le Canada pour qu'il soit en mesure de faire face à ces nouveaux défis.

D'autre part, même si la charge fiscale des Canadiens et des Canadiennes s'est maintenue au cours des dernières années, lorsqu'on l'exprime en pourcentage du PIB, il demeure que les Canadiens et Canadiennes sont trop taxés. La Chambre soutient que les 4 milliards de dollars dégagés par la baisse des cotisations à l'assurance-emploi stimuleront les dépenses des consommateurs, permettront aux entreprises de procéder à l'embauche de travailleurs et de créer des emplois et donnera une marge de manoeuvre aux travailleurs et aux employeurs qui auront à subir des hausses importantes à l'égard de leurs contributions au Régime de pensions.

• 0920

Finalement, on sait que le revenu disponible des Canadiens est en baisse et que les consommateurs canadiens sont fortement endettés. Une partie du problème est liée au fait que, même s'il n'y a pas eu de hausses d'impôt au cours des dernières années, notre régime fiscal n'est pas pleinement indexé. En fait, l'indexation est prévue uniquement lorsque l'inflation dépasse 3 p. 100. Il en découle qu'année après année, une partie du revenu disponible des contribuables est grugée par des hausses d'impôt sans que le gouvernement n'ait à lever le doigt.

Nous croyons que le gouvernement devrait également se pencher sur la réindexation complète du régime fiscal en ce qui a trait aux tables d'impôt, au crédit d'impôt personnel, à la prestation fiscale pour enfants, aux crédits de TPS et aux seuils à partir desquels on commence à perdre ces différents crédits.

À titre de conclusion, pour nous, l'objectif est clair: il faut diminuer la dette et les prélèvements fiscaux de façon à assurer la position concurrentielle des entreprises, à stimuler la consommation et à provoquer une croissance accélérée de l'économie dont on a absolument besoin pour créer des emplois.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci, monsieur Demers. M. Montmarquette sera le prochain à prendre la parole. Comme l'intervenant précédent n'a utilisé que quatre minutes, il en reste une.

M. Claude Montmarquette (Cirano): Il n'y a pas de free lunch, mais...

Cirano est un centre interuniversitaire sur la théorie des organisations. Il inclut cinq universités à Montréal. Je vais rappeler quelques chiffres et, essentiellement, je vais dire à peu près ce qui vient d'être dit mais sous une forme un peu différente.

Actuellement, la dette s'élève à au-delà de 100 p. 100 du produit intérieur brut, et celle du gouvernement fédéral représente 75 p. 100 de ce ratio. De 25 à 30 cents de chaque dollar dépensé par le gouvernement fédéral vont au paiement de la dette. Donc, il est clair que c'est une situation dont l'ampleur est importante et qui mérite l'attention qu'on lui accorde actuellement.

Je vous rappelle qu'en 1980, les économistes avaient noté, avec beaucoup d'alarme, que la dette représentait 30 p. 100 du produit national brut. Trente pour cent! On avait fait des éclats extraordinaires, que les journaux avaient plus ou moins laissé tomber. Bien sûr, ce n'était pas bien vu, au plan social, de protester ainsi, mais les économistes étaient très prudents devant cette difficulté. C'était 30 p. 100. On est maintenant à 100 p. 100. Évidemment, dès la récession de 1982, ce pourcentage a commencé à monter de façon considérable.

Donc, les progrès ne sont pas trop lents vu l'ampleur du problème, surtout du niveau actuel de la dette. Tout déficit contribue à accroître la dette en termes absolus. Donc, il faut s'y attaquer. La seule méthode permanente—et j'insiste sur le mot «permanente»—de réduction du déficit et de la dette est la compression des dépenses. Il faut réduire les dépenses si on veut réduire le déficit de façon permanente. Le gouvernement a fait un effort dans cette direction, bien que tous reconnaissent, sans s'entendre sur son ampleur, qu'il y a un pelletage dans la cour des gouvernements provinciaux, qui ont aussi fait une cascade vers le bas. Donc, en bout de piste, il y a eu une hausse de la taxe des contribuables et, puisqu'on ne peut plus voter avec ses pieds, on est obligés de faire face aux taxes qui nous sont imposées.

Lorsqu'on augmente la capacité de taxer d'un gouvernement, on augmente toujours capacité d'accroître son intervention dans l'économie. On ne saurait résister, à ce moment-là, à se servir de sa capacité de taxer. On a haussé les taxes, et cela signale une contradiction vis-à-vis de la taille respective des gouvernements dans le futur.

Notre gouvernement a clairement profité d'une conjoncture économique très favorable, due à la forte croissance aux États-Unis, et des taux d'intérêts très faibles. Il s'est attaqué de façon crédible au déficit. Cela, il faut le reconnaître.

Quant aux priorités, au plan économique, il n'y en a que deux qui soient acceptables. La première et la plus importante, c'est de réduire la dette. Aucun ménage ne pourrait éviter la faillite s'il était dans une situation d'endettement aussi importante. Malheureusement, les gouvernements ne peuvent faire faillite, de sorte qu'on perpétue cette difficulté. Donc, réduire la dette est essentiel. Je vous rappelle encore une fois qu'en 1980, à 30 p. 100, on avait déjà des difficultés énormes.

La deuxième priorité, qui devrait suivre la première parce qu'il serait alors possible de le faire, est la réduction des impôts. Il est grand temps que, dans ce pays, travailler devienne une opération rentable. Il faut inciter les gens à travailler et non pas l'inverse.

• 0925

Toutes les mesures qu'on a actuellement, que ce soit au fédéral ou au provincial, incitent les gens à ne pas travailler. Les gens cherchent à ne pas travailler. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans notre système. Il faudrait inciter les gens à travailler et, pour cela, il faut que le travail devienne rentable, ce qui va contribuer à éliminer le travail au noir, dont on ne cesse de se préoccuper. Lorsqu'il y a une fiscalité aussi forte, il y a une incitation à le faire.

Deuxièmement, il y a un phénomène plutôt récent, mais extrêmement important, et c'est l'exode des cerveaux qu'on observe partout au Canada, y compris au Québec. Les gens vont là où l'effort et le talent sont rémunérés de façon significative. On quitte pour aller aux États-Unis, en particulier, et aussi en Europe.

Il faut à tout prix éviter d'accroître les dépenses. Si on juge que certaines dépenses sont plus importantes que d'autres, il faut tout simplement réduire les dépenses moins prioritaires. Il ne faut jamais perdre de vue que, dans une conjoncture économique moins favorable ou une situation de hausse des taux d'intérêt, les déficits réapparaîtront rapidement si on a ajouté de nouvelles dépenses dès l'apparition de surplus budgétaires. Et là la spirale des déficits sera accrue. Le déficit s'accroîtra de nouveau, comme ce fut le cas dans les années 1970. Je vous rappelle que, dans les années 1970-1975, alors qu'on avait une inflation importante et que les taux d'impôt n'étaient pas indexés, on a commencé à vouloir dépenser les surplus et à créer toutes sortes de programmes qui nous ont conduits à la situation actuelle. Je vous remercie.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup, monsieur Montmarquette.

Monsieur Morency, s'il vous plaît.

M. Yves Morency (secrétaire aux relations gouvernementales, Confédération des Caisses populaires Desjardins): Je pense que je ne ferai pas preuve d'originalité et que je ne ferai pas peur à ceux qui m'ont précédé, parce que les propos que je vais tenir sont tout à fait similaires et conformes à ceux des gens qui m'ont précédé.

D'entrée de jeu, le mouvement des Caisses Desjardins tient à souligner sa satisfaction devant la ténacité du ministre des Finances à persévérer dans ses efforts pour éliminer le déficit fédéral. Comme organisation, au cours des 10 dernières années, nous avons répété le même message à chacun des ministres des Finances qui ont eu le plaisir de préparer des budgets à Ottawa. Nous avons tenu le même discours: il faut que vous consentiez à faire des efforts importants pour réduire les déficits et pour donner aux entreprises et aux Canadiens des marges de manoeuvre suffisantes pour qu'ils soient prêts à affronter la concurrence nationale et internationale.

Une croissance économique soutenue et des taux d'intérêt relativement bas ont même permis au ministre des Finances de devancer de quelques années l'atteinte de ses objectifs. Nos prévisions économiques nous permettent d'anticiper des surplus budgétaires qu'il faudra, pensons-nous, dépenser judicieusement, compte tenu de l'évolution des cycles économiques. Toute bonne chose a une fin un jour, particulièrement au niveau de l'économie. On sait que la dette nationale est de l'ordre de 600 milliards de dollars et que, bon an mal an, c'est près du tiers des revenus gouvernementaux qui sont versés en intérêts.

Donc, voilà une belle occasion de se donner des marges de manoeuvre. Si on pouvait dépenser ailleurs ces 42 milliards de dollars, je pense que ce serait efficace.

Il y a aussi le fardeau fiscal important des contribuables, de même que la situation financière des provinces, notamment le Québec et l'Ontario.

C'est dans ce contexte que nos commentaires se situent et que nous avons l'intention de vous proposer certaines priorités, qui sont en tous points semblables à celles qui ont été déjà énoncées.

D'abord, on souhaite que le gouvernement se donne une marge de manoeuvre financière, et cette marge de manoeuvre financière, il l'obtiendra en réduisant la dette. Nous proposons d'affecter le surplus des opérations non budgétaires à la réduction de la dette et d'ajouter à ce montant celui des réserves pour éventualités non utilisées.

Ce n'est pas parce que nous ne voulons pas que le gouvernement se donne des réserves pour éventualités, car nous trouvons que c'est un effort intéressant et important. Mais quand celles-ci ne sont pas utilisés, nous souhaitons qu'elles soient affectées à la réduction de la dette.

• 0930

En second lieu, il s'agirait d'alléger le fardeau fiscal des contribuables. À cet égard, nous vous proposons de diminuer les cotisations à l'assurance-emploi, d'indexer les montants pour exemptions personnelles et les tables d'impôt et d'éliminer toutes les surtaxes imposées au fil des ans. Je n'élaborerai pas davantage, parce que mes collègues l'ont déjà fait avant moi.

Enfin, s'il restait quelque argent, et je dis bien «s'il en restait», il s'agirait possiblement d'augmenter les paiements de transfert aux provinces au lieu d'engager de nouvelles dépenses, et encore là dans des champs de compétence provinciale comme l'éducation et la santé. Nous croyons que les provinces ont déjà suffisamment comprimé ces diverses dépenses-là. Il faut leur donner une certaine marge de manoeuvre. Ce sont ces gens qui sont près des citoyens, des contribuables et de leurs besoins, et qui sont, à toutes fins pratiques, les mieux placés.

J'ai autrefois travaillé au ministère des Finances du gouvernement fédéral. Dans les années 1970, pour relancer l'économie, on avait institué ce qu'on appelait les Programmes d'initiatives locales, les fameux PIL, ce qui avait créé des attentes chez les citoyens. Le gouvernement fédéral avait utilisé son pouvoir de dépenser dans des programmes comme celui des garderies, qui ne sont pas mauvais en soi, mais une fois qu'il n'a plus eu d'argent pour dépenser dans le cadre de ces programmes, il a laissé le plateau grand ouvert aux provinces et leur a dit de se débrouiller avec ces montants-là. Il ne faudrait surtout pas que la même situation se représente.

On aimerait aussi porter à votre attention le nouveau programme qui viendra au cours des prochaines années, soit la prestation aux aînés, non pas parce que nous nous opposons au principe même de ce programme, qui est une initiative intéressante, mais parce que nous voudrions vous faire part d'une mise en garde. Il faudrait s'assurer que les règles mises de l'avant soient des incitatifs pour les contribuables qui veulent planifier leur retraite et ne les découragent pas de considérer le REER comme un élément important de leur retraite.

À l'heure actuelle, dans nos caisses, on constate beaucoup d'inquiétude. Il y a des gens qui se demandent s'ils ne feraient pas mieux de retirer leur REER pour éviter d'être pénalisés dans le cadre de ce programme. Je ne vous dis pas que ce n'est pas une situation où les gens ne comprennent pas le programme. On commence à avoir des analyses faites par des fiscalistes qui commencent à pointer du doigt les effets pervers de certains éléments. Sur le principe, nous sommes d'accord; il s'agirait d'analyser les règles.

Ceci termine mes propos. Je reviendrai sur d'autres aspects plus tard. Merci.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup, monsieur Morency. J'accorde maintenant la parole à M. Beauregard.

M. Denis Beauregard (président, Conseil du patronat du Québec): Je vais demander à M. Jacques Garon, qui est directeur de la recherche économique au Conseil du patronat, de faire la présentation du CPQ qui, comme vous allez pouvoir le constater, recoupe un certain nombre de points que nous avons déjà entendus auparavant.

Je vous signale tout de suite qu'au cours des jours à venir, nous serons en mesure de vous faire parvenir un certain nombre de points beaucoup plus spécifiques à la suite de la réunion du conseil d'administration du CPQ, qui aura lieu demain. C'est donc une question de timing. Il y a un certain nombre d'éléments que je ne peux vous dévoiler ce matin, mais nous vous les transmettrons au cours des jours à venir, de même qu'à tous les intéressés.

Monsieur Garon, s'il vous plaît.

M. Jacques Garon (directeur de la recherche économique, Conseil du patronat du Québec): Dans le peu de temps qui nous est imparti, j'aimerais aborder trois sujets en relation avec les deux thèmes que vous présentez.

À la première question, à savoir si les progrès réalisés jusqu'à maintenant ont été trop lents ou trop rapides, nous pensons qu'ils ont été à peu près corrects, mais il y a là beaucoup de matière à discussion.

Quant aux méthodes, étaient-elles appropriées? La réponse est non et je vous expliquerai pourquoi dans une seconde.

J'aimerais aborder trois questions très rapidement. D'abord, il y a la politique monétaire de la Banque du Canada. Pourquoi aborder cette question dans un tel contexte? Parce que cela a une incidence non négligeable sur les revenus du gouvernement fédéral, sur les revenus des provinces, de même que sur le service de la dette. Donc, on parle déjà d'un partage éventuel d'un excédent budgétaire. Ce partage éventuel dépend, dans une bonne mesure, de ce que va faire M. Gordon Thiessen, le gouverneur de la Banque du Canada.

Or, l'action récente de la Banque du Canada nous laisse perplexes. En effet, on a relevé le taux d'escompte de la banque centrale, le 1er octobre dernier, de 25 points de base, ce qui a fait monter le taux préférentiel des banques à charte de 50 points de base.

• 0935

Par ailleurs, le gouverneur de la Banque du Canada a par la suite clairement indiqué qu'il fallait s'attendre à d'autres augmentations du loyer de l'argent au cours des prochains mois. Nous n'acceptons pas l'argument de M. Gordon Thiessen, selon lequel il faut des mesures préventives pour s'assurer que la croissance économique actuelle puisse perdurer et que, par conséquent, il faut dès maintenant décourager les expectatives inflationnistes.

Cette action vient en contradiction avec les déclarations antérieures du gouverneur, selon lesquelles l'économie canadienne pourrait progresser à un rythme soutenu au cours des prochains trimestres, sans exercer de pressions à la hausse sur l'inflation, en raison de la très grande marge de manoeuvre de capacité productive inutilisée dans l'économie, comme en témoigne le taux de chômage encore très élevé.

De plus, au moment où les taux à court terme augmentaient, le 1er octobre dernier, les taux hypothécaires à cinq ans diminuaient de 15 points de base, preuve évidente qu'il n'y a aucune pression prévisible pour une augmentation de l'inflation.

Reste l'argument selon lequel la faiblesse du dollar canadien serait due en partie aux taux d'intérêts réels plus bas au Canada qu'aux États-Unis, mais nous n'acceptons pas non plus cet argument, parce que ce n'est pas en protégeant la valeur de la devise de façon artificielle qu'on va réussir à augmenter notre compétitivité sur les marchands étrangers.

En réalité, c'est une question de productivité. Dans ce contexte, toutes les études montrent que jusqu'à maintenant, la productivité, particulièrement dans le secteur manufacturier, a diminué depuis cinq ans quand on compare notre performance à celle d'autres pays, principalement les États-Unis.

Bref, une augmentation des taux d'intérêts à court terme n'est pas justifiée et elle ne le serait vraisemblablement pas davantage au cours des prochains mois.

Pourquoi les méthodes étaient-elles inappropriées? Eh bien, je reviens à ce qui a été dit un petit peu plus tôt. Je parle évidemment de l'utilisation de l'excédent cumulatif qui se dégage du fonds de l'assurance-emploi. Il est utilisé par le gouvernement pour justifier une diminution plus importante que prévue de son déficit budgétaire. Si l'économie continue sur sa lancée, on prévoit un excédent au compte du fonds de l'assurance-chômage d'environ 17 milliards de dollars à la fin de l'année prochaine.

C'est une mesure tout à fait artificielle car, en cas de récession, le gouvernement se verrait obligé de renflouer la caisse pour rencontrer ses obligations. Nous sommes par ailleurs tout à fait d'accord pour dire qu'il n'y a aucune raison de maintenir le taux de cotisation à 2,80 $, comme l'a annoncé le ministre des Finances il y a quelques mois. Nous pensons qu'il faudrait le réduire au minimum à 2,40 $, voire même à 2,20 $, ce qui serait toujours suffisant pour laisser un coussin d'environ 8 milliards de dollars dans le fonds de l'assurance-emploi, qui donnerait un pouvoir d'achat beaucoup plus grand aux employés et qui diminuerait les coûts de production des employeurs.

Finalement, une fois l'équilibre budgétaire atteint, quelles seraient les priorités du gouvernement? Les pressions, comme on le voit, viennent déjà de toutes parts pour diminuer l'impôt des particuliers ou augmenter les paiements de transfert vers les provinces, notamment aux chapitres de l'éducation postsecondaire et de la santé, une fois l'équilibre budgétaire atteint.

Selon nous, cet équilibre sera atteint lorsque les revenus budgétaires dépasseront les dépenses de 8,4 milliards de dollars. Je m'explique. Il faut pouvoir assurer un fonds de 8 milliards de dollars au compte de l'assurance-emploi pour que le gouvernement fédéral ne soit pas déficitaire au cours d'une prochaine récession. Comme il doit payer au fonds des intérêts sur cette somme à un taux hypothétique de 5 p. 100, cela fait 400 millions de dollars.

Nous sommes d'avis qu'il est également impératif de réduire la dette accumulée de plus de 600 millions de dollars si, au cours des prochaines années, nous voulons véritablement assurer la pérennité des programmes sociaux chers aux Canadiens.

Par conséquent, le gouvernement fédéral devrait partager l'excédent budgétaire éventuel entre la réduction des impôts des particuliers et des entreprises et la diminution de la dette plutôt que de s'engager dans de nouvelles dépenses.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci, monsieur Garon. Nous entendrons aussi M. Roberge de la Chambre de commerce de Montréal métropolitain, mais je dois maintenant donner la parole à M. Caron et ensuite à M. Ingerman. Monsieur Caron.

M. Yvon Caron (Association de planification fiscale et financière): Madame la présidente, d'abord, veuillez m'excuser pour ma présentation, dans laquelle il est indiqué «monsieur le président». On m'avait dit que ce serait un président ce matin.

Madame la présidente, membres du comité, mesdames, messieurs, l'APFF est heureuse de pouvoir présenter ici ce matin son opinion sur la réduction du déficit du gouvernement fédéral.

• 0940

Comme on nous l'a demandé, nous nous attarderons principalement sur la priorité que devrait se fixer le gouvernement en ce qui a trait à la réduction de la dette, à l'augmentation des dépenses ou à l'allégement des impôts.

J'aimerais préciser que l'APFF est un organisme à but non lucratif, apolitique et non subventionné. Nos commentaires seront donc neutres et objectifs.

Le Canada a amélioré sensiblement sa situation budgétaire au cours des dernières années. Les efforts ont été faits non seulement par le gouvernement fédéral, mais également par les provinces. Aussi, exprimé en pourcentage du PIB, le déficit de l'ensemble des administrations publiques au Canada sera le plus faible des pays du G-7 en 1997, soit 1,2 p. 100, alors que la moyenne du G-7 est de 2,6 p. 100. En 1992, le déficit de l'ensemble des administrations publiques au Canada était de 7,7 p. 100 du PIB, soit presque le double de celui des pays du G-7, 3,9 p. 100.

Par ailleurs, l'endettement des administrations publiques canadiennes demeure élevé en comparaison avec les autres pays du G-7. Ainsi, la dette nette du Canada correspond à environ 65 p. 100 de son PIB en comparaison de 44 p. 100 pour les États-Unis et l'Allemagne, de 40 p. 100 pour la France et le Royaume-Uni et de 18 p. 100 pour le Japon. Il est important de rappeler également que le Canada a la plus petite économie des pays du G-7.

Cette lutte au déficit et à la dette s'est faite de deux façons. Elle s'est faite par une hausse du fardeau fiscal. Ainsi, l'ensemble des impôts et des taxes payés par toutes les catégories de contribuables au Canada a augmenté de 31,6 p. 100 du PIB en 1980 à 36,1 p. 100 en 1994. Aux États-Unis, ces pourcentages sont restés approximativement inchangés. Ils étaient de 27,1 p. 100 en 1980 contre 27,6 p. 100 en 1994. Pour les pays du G-7, exclusion faite de l'Italie, en 1994, la moyenne était de 34,6 p. 100.

Elle s'est aussi faite par une réduction des dépenses de programmes dans l'ensemble des administrations publiques. Ces dernières représentaient 42 p. 100 du PIB canadien en 1992. En 1997, elles représentent 34 p. 100 du PIB. Mais les dépenses de programmes au Canada demeurent toutefois supérieures à la moyenne des pays du G-7 en 1997, où ce pourcentage est de 32 p. 100.

Avant que j'en arrive aux suggestions, vous remarquerez qu'on ne s'est pas attardés à la question de savoir si le gouvernement était allé trop vite ou pas assez vite. Quand le bateau s'en va trop vite dans les rapides, on prend une rame et on donne un coup de barre. C'est là qu'on était, et il était plus que temps que le coup de barre soit donné.

On s'est attardés davantage sur les priorités. Conséquemment, à partir de ces faits, sachant les sacrifices effectués par l'ensemble des Canadiens dans la lutte au déficit et à la dette mais reconnaissant toutefois que ces efforts ont permis une importante réduction des taux d'intérêt qui a été stimulante pour l'économie, l'APFF est d'avis qu'il serait prématuré de réduire immédiatement, de façon démesurée, le fardeau fiscal des contribuables avant que des surplus budgétaires stables soient dégagés au niveau de l'ensemble des administrations publiques canadiennes.

De plus, l'APFF désire faire au moins trois suggestions au gouvernement, suggestions qui, selon nous, sont importantes et doivent trouver écho dans ce processus de consultation prébudgétaire.

Si on ne réduit pas dès 1998 le fardeau fiscal des contribuables, il nous faut au moins éviter de l'augmenter, et j'insiste là-dessus. Or, les mesures annoncées pour solutionner le problème important du financement des régimes de pensions publics, du Régime de pensions du Canada ou du Régime des rentes du Québec, contiennent des hausses de cotisations salariales à ces régimes.

L'APFF ne conteste pas les solutions proposées, mais il faut trouver des moyens de réduire d'autres impôts et taxes pour éviter une augmentation nette du fardeau fiscal des salariés, cela à partir de 1998.

Deuxièmement, il faut éviter d'augmenter indirectement le fardeau fiscal des contribuables, comme on le fait depuis plusieurs années. Par exemple, plusieurs mesures fiscales, comme l'abolition de la déduction pour emploi en 1988, ont augmenté le fardeau fiscal des contribuables sans hausse directe des taux d'imposition. Ainsi, même si l'idée d'accroître la tarification des services publics est saine en soi, la mise en place de nombreux tarifs est une hausse indirecte du fardeau fiscal lorsque l'implantation de ces tarifs ne s'accompagne pas d'une baisse des impôts et des taxes des contribuables.

• 0945

Troisièmement, les autorités fiscales peuvent ne pas augmenter les impôts et taxes, mais quand elles exigent de plus en plus de formulaires de la part des contribuables et complexifient les lois fiscales, cela entraîne des coûts supplémentaires pour les contribuables, simplement pour respecter des exigences juridiques. Ces coûts augmentent d'année en année et, malheureusement, ils ne servent pas à défrayer le coût de services publics et constituent une perte de production pour notre société.

Madame la présidente, je voudrais vous présenter Mme Lucie Bélanger, qui est la présidente du conseil d'administration de l'APFF, et M. Renaud Lachance, qui est économiste. S'il y a lieu, ces deux personnes m'aideront pendant la période des questions.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup. Cela vous a pris exactement cinq minutes.

Nous allons maintenant passer à M. Ingerman.

M. Sidney Ingerman (témoigne à titre personnel): Madame la présidente, membres du Comité permanent des finances, j'ai reçu votre invitation à comparaître tard jeudi après-midi. J'ai été occupé pendant la fin de semaine et j'ai fini ma présentation à 3 heures ce matin. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de la faire traduire. Vous l'avez reçue et je vais vous la lire en anglais seulement ce matin.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Nous sommes dans un pays bilingue.

[Traduction]

M. Sidney Ingerman: Je vais commencer en vous lisant une partie du premier paragraphe de mon mémoire et ensuite j'en résumerai, au fur et à mesure, les points principaux.

D'abord, il y a la question de savoir à quoi servent les budgets. Les budgets fédéraux, provinciaux et municipaux ainsi que la politique budgétaire du gouvernement influent sur l'offre et la demande globales, c'est-à-dire sur la croissance économique, l'emploi, la répartition du revenu, et, en bout de ligne, les déficits réalisés, les excédents budgétaires et les niveaux de la dette gouvernementale. Cela fonctionne ainsi. Ce sont des instruments et non l'objet de la politique économique.

Dans le cadre de cet examen prébudgétaire, on devrait préciser quels sont les objectifs, économiques et sociaux du fédéral et indiquer comment les réaliser au cours des périodes budgétaires prochaines, à court et à long terme.

Dans le discours du budget, le gouvernement énonce ses intentions en matière de dépenses et ses attentes sur le plan des recettes fiscales. Les résultats qui influent sur l'offre et la demande globales, qui entraînent des déficits ou des excédents annuels et qui déterminent le niveau d'endettement au Canada sont affectés par la politique monétaire—M. Garon l'a certainement montré il y a un instant—la politique provinciale, la politique relative au commerce international et, chose plus importante encore, notre activité économique au sein d'une économie nord- américaine et mondiale extrêmement intégrée. Voilà ce qui détermine les résultats, il n'y a pas que le budget.

Les objectifs de la politique budgétaire nationale sont plus faciles à réaliser si les gouvernements des divers paliers coordonnent leurs politiques ce qui m'amène à vous parler d'autre chose.

Examinons les objectifs importants et les moyens budgétaires pour y parvenir. J'ai tendance à utiliser le mot «objectifs» plutôt que «priorités», par exemple. Il y a donc trois objectifs que j'aimerais aborder ce matin.

Premièrement, il faut augmenter le nombre d'emplois. Deuxièmement, nous devons adopter une politique budgétaire qui consiste à réduire les écarts de revenu et la pauvreté au Canada.

• 0950

Troisièmement, je vais traiter de la nécessité de freiner l'effritement des programmes d'éducation et de santé.

Permettez-moi de résumer brièvement chacun de ces objectifs pour ensuite aborder la question des moyens.

En ce qui concerne l'emploi, je pense qu'il faut regarder ce qui s'est passé aux États-Unis et ce qui se passe au Canada. L'économie est extrêmement intégrée et on ne saurait comprendre ce qui se passe, ou ne se passe au Canada au niveau de l'économie et de la pauvreté, sans examiner ce qui s'est produit dans l'économie américaine.

Les États-Unis ont connu six années de forte croissance économique, six années de diminution progressive du chômage, qui n'atteint plus que 5 p. 100. Il n'y a pas d'inflation galopante. Il n'y a pas de problème grave à ce niveau. Il y a une diminution du pourcentage du déficit budgétaire par rapport à la production et de la dette par rapport à la production.

Par contre, au Canada, nous avons connu une reprise, une relance assez faible après la crise de 1990-1991: une croissance économique qui hoquette, une réduction inadéquate du chômage due à une croissance économique insuffisante pour réduire le chômage élevé et absorber un plus grand nombre de travailleurs. Notre taux de chômage en 1996 se maintenait toujours à 9,7 p. 100 par année. Au début de 1997, il y a eu une amélioration de la situation lorsqu'il est tombé à 9 p. 100. La croissance semble s'être arrêtée en août et septembre et la situation demeure toujours très insatisfaisante.

Pour bien comprendre la situation, il faut savoir qu'en 1990, le taux de chômage au Canada était supérieur de 40 p. 100 au taux de chômage américain. En 1993, le taux canadien avait atteint 80 p. 100 de plus que le taux américain. C'est là un grave problème. Je n'entrerai pas dans les détails. Mais le gouvernement devrait accorder la plus grande priorité à cette situation.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Je regrette, monsieur Ingerman, il ne vous reste plus de temps. Si vous voulez résumer le tout en une phrase, je vais vous permettre de le faire et il restera du temps à la fin...

M. Sidney Ingerman: Certainement.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): ... au cours de la période de questions.

M. Sidney Ingerman: Le document se passe d'explications.

On connaît bien le problème de la répartition du revenu et de la pauvreté. C'est un grave problème au Canada. Vu le faible niveau de la reprise économique, il y a un écart dans la répartition du revenu. La situation dans les secteurs de la santé et de l'éducation est déplorable. Il s'agit là de secteurs de compétence provinciale. Il ne sert à rien de prendre des mesures au palier fédéral. Il faut plutôt rendre aux provinces le financement dont les a privées le transfert social canadien. Diverses formules de réduction d'impôt et de réduction des dépenses s'offrent à nous à l'intérieur d'une politique budgétaire et monétaire raisonnable.

Merci.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup, monsieur Ingerman.

[Français]

Monsieur Roberge.

M. Françoy Roberge (directeur des affaires publiques et de la recherche, Chambre de commerce de Montréal métropolitain): Bonjour, madame la présidente et membres du comité.

Je vous prie d'abord d'excuser le président de la Chambre, qui se trouve aujourd'hui à Toronto, et notre directeur général qui, lui, se trouve au Chili.

À titre de directeur des affaires publiques et de la recherche, je vais vous présenter, en deux minutes à peu près, la position que la Chambre a adoptée au cours des deux dernières années au sujet des budgets du gouvernement canadien et qu'elle a réitérée à l'occasion du discours du Trône de cette année, qui nous semblait marquer un virage dans une direction que nous n'approuvons pas complètement.

Si nous avons bien compris, ce discours du Trône semblait indiquer que les éventuels surplus budgétaires du gouvernement canadien seraient affectés, non plus à 50 p. 100, mais à 25 p. 100 au remboursement de la dette une fois le déficit éliminé.

• 0955

La Chambre demande au gouvernement canadien de maintenir le cap et de continuer à consacrer 50 p. 100 de ses éventuels surplus budgétaires à l'élimination de la dette du Canada, parce qu'il s'agit probablement du meilleur investissement que nous puissions faire, comme le font les compagnies quand elles rachètent leurs actions. En éliminant plus rapidement le déficit, le Canada achète de très bonnes valeurs.

Par ailleurs, nous croyons qu'il faut assainir la situation générale du Canada. Nous croyons que la formule européenne de Maastricht est un bon objectif pour le Canada et que sa dette doit être rapidement ramenée en deçà de 60 p. 100 du produit national brut. C'est le volet de l'assainissement.

Le deuxième volet a trait à la stimulation de l'économie. Nous pensons que le gouvernement canadien doit consacrer 25 p. 100 de ses éventuels surplus à des réductions du fardeau fiscal des contribuables et des entreprises, et nous incluons dans cette réduction une réduction des tarifs de l'assurance-emploi.

Par ailleurs, pour stimuler la croissance de la demande intérieure, nous pensons qu'il est préférable d'agir en maintenant des taux d'intérêt peu élevés. Puisque l'on observe actuellement une certaine reprise de la consommation, nous croyons que le maintien de taux plus bas, peut-être même le taux actuel, serait de nature à favoriser la confiance des citoyens dans leur économie.

L'autre part de 25 p. 100 devrait être utilisée pour conforter la population et consolider les acquis, notamment en matière sociale. Cependant, la Chambre croit que le gouvernement canadien ne devrait pas intervenir lui-même dans des champs de compétence provinciale, mais qu'une bonne partie de ces 25 p. 100 d'un éventuel surplus devrait être remise aux provinces pour qu'elles retrouvent une certaine marge de manoeuvre pour administrer ou maintenir de meilleurs programmes sociaux dans les domaines de l'éducation et de la santé, qui sont de compétence provinciale.

On voit que des transferts de responsabilités se traduisent par des transferts de coûts. On commence par le gouvernement canadien, qui transfère des coûts aux provinces qui, elles, transmettent à leur tour une facture aux municipalités. Actuellement, les municipalités sont sur le point d'étouffer, non seulement au Québec, mais aussi dans d'autres provinces.

Donc, s'il y a de l'argent à réinjecter dans des programmes, une bonne partie de cet argent devrait être injectée dans des transferts aux provinces pour aider vraiment les contribuables à souffler et peut-être, en bout de ligne, contribuer à l'assainissement des finances municipales.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Pour ce qui est des questions, nous allons accorder cinq minutes à chaque parti. Nous allons débuter avec M. Jaffer du Parti réformiste.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): Je vais poser mes questions au professeur Montmarquette. Vous parlez de réductions d'impôts. À quel point le gouvernement devrait-il commencer à réduire les impôts? Pensez-vous que le gouvernement devrait indiquer quand et comment cela va se faire?

M. Claude Montmarquette: J'ai dit que la première priorité était de réduire la dette. Je crois qu'on aurait alors un coussin raisonnable, parce qu'il faut éviter de croire que la croissance sera toujours maintenue dans l'économie. Il y aura des ralentissements qui feront réapparaître les déficits rapidement. Là on retombe dans la même difficulté.

Toutes administrations publiques confondues, je pense qu'on est à 100 p. 100 du PIB. Le fédéral, quant à lui, est à environ 60 ou 65 p. 100 du PIB. Dès qu'on sera autour de 50 à 60 p. 100, je pense qu'il deviendra raisonnable de réduire les impôts.

• 1000

C'est extrêmement prioritaire, et cela pour deux raisons. Il faut que les gens soient incités à travailler. Le gouvernement du Québec a lancé un programme de mise à la retraite anticipée visant 18 000 personnes, mais 30 000 s'en sont prévalues. Qu'est-ce que cela veut dire? Quel est le signal? Le signal est qu'il devient rentable de ne pas travailler. Essentiellement, c'est cela, le signal.

Donc, il faut revenir à la rentabilisation du travail. Ce qui m'inquiète beaucoup, et je l'ai dit, c'est que de plus en plus de gens quittent le Canada, et pas les moins compétents. Ceux qui ont l'occasion de le faire le font. Il y a aussi cette perspective.

Je tiens à souligner un autre point en ce qui a trait à la question de la réduction des impôts. Tant qu'on percevra des impôts, les hommes et les femmes politiques auront la tentation d'augmenter les dépenses parce qu'ils auront une source de revenus. C'est toujours dangereux de se lancer dans cette direction-là, car cela accroît la taille du gouvernement dans l'ensemble de l'économie. Cela ne semble pas être la bonne voie pour assurer une croissance soutenue, comme on l'a bien mentionné en ce qui a trait aux États-Unis, où la différence avec le taux de chômage est considérable et s'est accrue depuis 1982 et, par la suite, avec la récession de 1988. Que se passera-t-il lors de la prochaine récession?

Le taux de chômage est encore élevé au Canada. Il est de 18 p. 100 dans les Maritimes et de presque 12 p. 100 au Québec.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Quelqu'un d'autre veut-il commenter?

[Traduction]

Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): J'ai une question rapide. Quelques témoins ont mentionné qu'il fallait augmenter la productivité, ce qui serait à l'avantage du Canada, plutôt que de protéger la valeur de notre devise et notre régime bancaire comme c'est le cas actuellement.

Au cours de quelques-unes de nos réunions précédentes, on a semblé beaucoup se préoccuper du projet d'AMI, l'Accord multilatéral sur les investissements. Est-ce que vous avez, messieurs, quelque chose à ajouter à ce sujet? Devons-nous tous nous préoccuper de cet accord, ou est-ce que cela sera à l'avantage du Canada dans l'économie mondiale? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Jacques Garon: Excusez-moi, je n'ai pas étudié cette proposition en détail, mais je ne pense pas que la productivité augmentera au Canada avec cette protection. D'après les derniers chiffres que j'ai vus—et il s'agissait surtout du secteur de la fabrication—en 1980, en moyenne, notre productivité était de 20 p. 100 inférieure à celle des États-Unis, et en 1994, ce pourcentage atteignait 40 p. 100. On ne peut y échapper.

Il ne s'agit donc pas de savoir si l'on va signer ou pas un accord international. Nous avons plus de latitude au niveau des investissements d'un pays à l'autre que nous m'en avons avec les meilleurs produits que l'on a au Canada. Il faut bien comprendre que ce n'est pas en augmentant le taux de la Banque du Canada que l'on protégera le dollar canadien.

D'ailleurs, regardez ce qui arrive actuellement au dollar. Il redescend au point où il en était avant l'augmentation. Je pense donc que c'est une question de productivité; il ne s'agit pas de tenter de se protéger de ce qui va se passer sur la scène internationale, et qui se passe déjà de toute façon.

M. Gerry Ritz: Merci.

[Français]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Loubier, cinq minutes.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Je vais essayer d'être bref, mais j'ai beaucoup de questions.

Je suis heureux d'être ici ce matin. Je suis surtout heureux de ce que j'ai entendu. Il y a un tel consensus autour de la table qu'on pourrait faire une coalition pour se rendre à Ottawa et exiger des choses du gouvernement fédéral.

On parle d'un consensus au niveau de la réduction du taux de cotisations à l'assurance-emploi. Nous, on y travaille depuis presque deux ans maintenant et on obtient toujours la même réponse au bout.

Il y a aussi l'indexation des tables d'impôt, et je suis heureux que vous en ayez parlé, parce que c'est une réalité. Cela a permis d'expliquer, du moins en partie, le fait que depuis deux ans, il y a 23 milliards de recettes nouvelles qui sont entrés dans les coffres fédéraux. Et on se demande ensuite pourquoi les consommateurs consomment moins.

• 1005

Un troisième point fait consensus, et je suis aussi heureux de l'apprendre. C'est qu'on devrait profiter du surplus qui sera dégagé, probablement d'ici la fin du présent exercice, et qui sera d'environ quatre ou cinq milliards de dollars, selon nos estimations, pour remettre en partie aux provinces ce qu'on leur a dérobé au niveau des programmes établis plutôt que de financer de nouvelles initiatives. Cela aussi, nous le proposons à M. Martin.

Lors de la mise à jour économique, cela a été l'un des points forts. On nous annonçait toutes sortes d'initiatives dans les domaines de l'éducation et de la santé, qui sont des champs de compétence provinciale. Voilà pour la coalition. On en parlera plus tard. Je prendrai vos noms et on se rencontrera à Ottawa.

J'aurais une première question. En ce qui a trait au taux de cotisations à l'assurance-emploi, chaque fois qu'on a demandé à M. Martin de le réduire d'au moins 35 ou 40 cents par 100 $ de masse assurable, M. Martin nous a répondu que, premièrement, il fallait faire la preuve que cette réduction-là aurait une incidence positive et forte sur l'emploi. Je pose donc la question au Conseil du patronat, ou peut-être à M. Montmarquette, à M. Morency ou à M. Caron. Je lance la discussion. Existe-t-il des analyses à l'heure actuelle? Sinon, peut-on en produire? S'il ne manque que cela à M. Martin, on va le lui offrir sur un plateau d'argent.

Ma deuxième question a trait à la politique monétaire de la Banque du Canada. C'est M. Garon qui en a parlé. Comment peut-on expliquer, comme vous l'avez dit plus tôt, qu'on maintienne le cap sur une lutte à tout crin, une lutte fanatique à l'inflation, alors qu'à l'heure actuelle, il n'y a plus d'inflation au Canada? Même avec les erreurs d'estimation qu'il peut y avoir, positives ou négatives, on serait même en début de déflation. Gordon Thiessen lui-même, l'an passé, n'a pas rejeté catégoriquement cette hypothèse de la déflation. Si je me fie aux cours que me donnait M. Montmarquette à l'Université de Montréal, c'est presque aussi dangereux que l'hyperinflation. Donc, pourquoi maintenir ce cap alors qu'on a certains problèmes au niveau de la création d'emplois même et qu'on devrait profiter de trois ans de reprise économique pour refaire le plein?

Troisièmement, monsieur Montmarquette, serait-ce un bonne chose que de présenter au gouvernement fédéral la loi antidéficit, telle qu'elle a été adoptée à l'Assemblée nationale, pour qu'il puisse éviter les erreurs du passé?

Quatrièmement, j'aimerais que M. Morency explique davantage la question des réserves pour éventualités.

Ma cinquièmement question s'adresse à M. Garon directement. Y aurait-il possibilité de définir clairement, sur le plan fiscal, ce que c'est un surplus budgétaire? On sait qu'avec les transferts et les techniques comptables actuelles, il est facile de réaliser un surplus ou un déficit au gré des idées du ministre des Finances. Cela résume mes questions.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Vous avez 30 secondes chacun.

Monsieur Beauregard.

M. Denis Beauregard: Je vais m'occuper de la toute première partie de la première question et je céderai ensuite la parole à M. Garon.

Certaines études ont-elles été faites sur les possibilités de création d'emplois qui suivraient une réduction considérable du taux de cotisation à l'assurance-emploi? Il faut être prudent avec ce genre d'études, parce que la réduction de la cotisation à l'assurance-emploi serait une réduction d'une taxe sur la masse salariale. Tout cela est un ensemble de choses.

Nous prétendons, au Conseil du patronat, mémoire après mémoire, année après année, que les taxes sur la masse salariale sont beaucoup trop élevées. Bien sûr, à Ottawa, il n'y en a pas des milliers, mais il y a celle-là et il y en a une série d'autres au Québec.

Nous pensons qu'il faudrait conjuguer des réductions de taxes sur la masse salariale de façon très significative, et là je pense qu'on pourrait dire de façon quasi assurée que oui, il y aurait un impact sérieux sur la création d'emplois, surtout dans les petites et moyennes entreprises, où cela joue un rôle extrêmement important.

Pour la suite de votre question, je cède la parole à M. Garon.

M. Jacques Garon: Sur la question de l'action de la Banque du Canada et du taux de change, il faut dire que la Banque du Canada marche sur la corde raide. Si le dollar canadien descend sous les 72 cents, les importations commencent à augmenter de façon saisissante. D'ailleurs, on voit depuis un an ou deux que le surplus de la balance commerciale diminue presque constamment. Le résultat de cela est que si, aux États-Unis, le taux d'inflation se maintient à environ 3 p. 100, plus on va importer, plus on va importer de l'inflation. Donc, on marche sur la corde raide.

D'un autre côté, en ce moment, si on considère cet aspect, il est moins important que de considérer que le fait de tuer une reprise économique trop brièvement dans le temps serait plus néfaste pour les 97 p. 100 de PME qui constituent le bassin industriel du Canada que des mesures préventives telles que celles que préconise le gouverneur de la Banque du Canada.

• 1010

Donc, d'après nous, il est certainement trop tôt, en vue de notre contexte inflationniste, qui est tout à fait sous contrôle, pour augmenter, alors qu'aux États-Unis, où on n'en est qu'à 3 p. 100, on résiste encore à cela.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Montmarquette.

M. Claude Montmarquette: J'aimerais résumer sur cette question des taxes salariales. Toute diminution de taxe sur les salaires est un incitatif à la création d'emplois, de même que toute diminution de la réglementation sur le travail. Cela pourrait contribuer à rehausser le taux d'emploi dans l'économie.

Je ne commenterai pas sur la question de la Banque du Canada. Il y a un arbitrage important à faire entre l'inflation causée par l'importation qui s'accroît si le taux de change continue à baisser et le fait qu'on ne voit pas beaucoup, à l'horizon, se pointer des pressions inflationnistes à l'intérieur du pays.

Sur la loi antidéficit, puisque la question m'est directement posée, la question est de savoir s'il vaut mieux avoir des politiques... J'aimerais d'abord revenir à un argument de M. Ingerman. Comme tout cela est très interrelié, il est très difficile de répondre dans une dimension sans répondre dans d'autres. On peut bien faire dans un coin et complètement abolir un effet positif simplement en poussant la politique monétaire ou fiscale dans des directions qui viennent annihiler ce qu'on a fait déjà. Il est donc très difficile d'avoir une idée globale.

Selon moi, la question de la loi antidéficit est de savoir s'il vaut mieux avoir des règles ou une discrétion. Si on sait bien gérer l'économie, si on sait bien voir ce qu'il faut faire, la discrétion est toujours préférable. Mais je ne pense pas qu'on sache bien gérer l'économie, enfin pas au niveau des gouvernements. Je ne vois pas pourquoi ils auraient ce monopole de bonne gérance de l'économie. Ils ont tous leur propre politique qui les concerne et, à ce moment-là, je préfère une règle. Au moins, la règle est claire et elle sera suivie, mais encore faudra-t-il s'entendre. Lorsqu'on a essayé de proposer ce genre de chose aux États-Unis, on a commencé à faire beaucoup, beaucoup d'amendements et on a un peu perdu le sens de ce qu'était une loi antidéficit.

Je préfère que les règles du jeu soient connues d'avance et qu'on les respecte. Je préfère cela à une discrétion qui répond souvent à des préoccupations beaucoup plus d'ordre politique qu'économique.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Ingerman.

M. Sidney Ingerman: Monsieur Loubier, quant à la question de la réduction des cotisations à l'assurance-emploi, c'est un peu théorique en ce sens que l'idée comporte des coûts unitaires. On dit que les entreprises seraient plus compétitives et que cela créerait des emplois et entraînerait une meilleure productivité. Il n'y a pas beaucoup de preuves empiriques de cela. C'est une proposition théorique, et le ministère se pose certaines questions à cet égard.

D'un autre côté, les syndicats sont plus inquiets parce que le pourcentage des chômeurs qui recevaient des prestation d'assurance-emploi est passé de 87 p. 100 en 1990 à environ 47 p. 100 à l'heure actuelle. Cela veut dire que seulement 47 p. 100 des chômeurs au Canada peuvent recevoir des prestations. Donc, ils sont plus intéressés à augmenter les prestations et à avoir une meilleure couverture.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Lachance.

M. Renaud Lachance (économiste, membre de l'Association de planification fiscale et financière): Monsieur Loubier, j'ai une réponse à trois de vos questions. Premièrement, y a-t-il des études qui ont été faites pour déterminer si une diminution des taxes entraîne une création d'emplois? J'ai examiné cela il y a quelques années. Il n'y en a pas comme telles. Cependant, il y a des études, dont une très sérieuse de la Banque du Canada et d'autres économistes canadiens, qui ont démontré que la hausse des taxes a créé du chômage. Selon une étude de l'Association des manufacturiers et des exportateurs du Québec, on pourrait penser qu'à l'inverse, si on baissait les taxes, on pourrait diminuer le chômage.

• 1015

Votre deuxième question portait sur une loi antidéficit. Aux États-Unis, certaines études ont démontré qu'une loi antidéficit très crédible, au niveau des gouvernements des États américains, a réussi à réduire les taux d'intérêt payés par les États sur leur dette. Cela devrait être une loi extrêmement rigide et cela prendrait un certain nombre d'années avant qu'elle ne fasse effet. Aurait-elle le même effet au niveau d'un gouvernement national? Je n'en suis pas tout à fait convaincu, parce que les marchés penseraient peut-être qu'un gouvernement national devrait avoir une certaine marge de manoeuvre par rapport à d'autres niveaux de gouvernement.

En termes très économétriques et très théoriques, au niveau d'un gouvernement autre que national, les lois antidéficit ont un certain effet lorsqu'elles sont crédibles.

Finalement, qu'est-ce qu'un surplus budgétaire? Pour avoir travaillé au ministère des Finances, je sais que, dans un ministère des Finances, on contrôle une certaine information. Un surplus budgétaire, c'est en fonction d'une comptabilité de caisse modifiée.

Vous avez un chèque. Si vous l'encaissez le 31 mars, il fera l'objet d'une entrée pour l'exercice qui se termine. Si vous l'encaissez cinq minutes plus tard, à 0 h 5, il entrera dans l'exercice suivant. Le treizième mois, ce n'est pas une fiction de l'esprit; c'est tout à fait réel.

Dans le dernier budget fédéral, on voyait très bien qu'on chercherait tous les moyens possibles pour essayer de dégonfler le déficit. Il se fait un certain jeu et la seule police qui existe vraiment pour contrôler tout cela, c'est le vérificateur général du Canada qui, lui, peut examiner cela d'un peu plus près pour donner une certaine discipline à cela.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Je cède la parole à M. Brison.

[Traduction]

Monsieur Brison, avez-vous une autre question?

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, Paddy.

Des discussions de ce matin, il se dégage un consensus, ou presque, sur plusieurs questions. Un sujet sur lequel nous sommes presque tous parfaitement d'accord, c'est celui des charges sociales. Il y a quelques mois, l'Economist a publié un article formidable sur la politique du chômage. On y cite des exemples précis, à l'échelle internationale, de cas où les charges sociales, ou plutôt leur réduction, avaient permis de diminuer le chômage ou tout au moins de stimuler la croissance économique.

M. Ingerman a soulevé ou souligné la question du chômage. Je pense que nous sommes d'accord probablement pour la fin—c'est-à-dire que nous voulons réduire le chômage—nous différons peut-être sur les moyens.

Je pense que sur le plan international, il ressort que le secteur privé est plus efficace que le gouvernement lorsqu'il s'agit de stimuler la croissance économique et l'emploi. Une réduction des charges sociales, des charges sociales qui tuent les emplois, constitue une façon de s'y prendre.

Ma première question est donc toute simple, il suffira d'y répondre par «oui» ou par «non». Je vais vous demander à tous d'y répondre en levant la main. Combien de nos témoins ici ce matin estiment que l'on doit réduire les primes d'AE afin de stimuler la croissance économique au Canada?

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Malheureusement, nos magnétophones n'enregistrent pas les mains levées, et il faudra donc dire oui ou non dans le micro.

M. Scott Brison: Très bien. Combien d'entre vous ici ce matin—et vous pouvez répondre par oui—estiment que la réduction des charges sociales, et plus particulièrement des primes d'AE, aiderait à stimuler la création d'emplois au Canada?

[Français]

M. Robert Demers: Oui.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Est-ce que quelqu'un a dit non?

[Traduction]

M. Sidney Ingerman: Je ne sais pas au juste.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Ingerman, un pionnier.

M. Scott Brison: C'est un saint Thomas.

Je veux m'assurer d'avoir bien compris. Est-ce que vous dites tous oui, sauf une personne? Est-ce que c'est vraiment peut-être?

M. Sidney Ingerman: Peut-être.

M. Scott Brison: Très bien.

[Français]

M. Renaud Lachance: Dites-moi où on prend 10 milliards de dollars en impôts et taxes. Les gens disent qu'il y a des surplus importants dans le programme d'assurance-emploi. On sait que le Canada a déjà les taux d'imposition marginaux les plus élevés, une assiette fiscale relativement élargie, des taxes à la consommation plus importantes qu'aux États-Unis et qu'on a un peu de magasinage outre-frontière. Si vous dites qu'on n'aurait pas dû créer de surplus à l'assurance-emploi, dites-moi alors où vous prendriez ces 15 milliards de dollars. Il n'y a plus d'autres endroits, dans les impôts et taxes, dans l'assiette fiscale canadienne, pour aller chercher autant d'argent. On a utilisé à peu près tous les autres impôts et taxes.

• 1020

Lorsqu'on se met dans la position d'un économiste apolitique au ministère des Finances, il est évident qu'on regarde tous les impôts et taxes et qu'on se dit que la seule assiette fiscale qu'on n'a peut-être pas parfaitement utilisée et qui va faire moins mal que toutes les autres, c'est celle des taxes sur la masse salariale. C'est celle-là qu'on a utilisée.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Beauregard.

M. Denis Beauregard: Je pourrais peut-être vous dire où aller chercher l'argent qu'il faut. C'est peut-être en évitant d'envahir des champs de compétence provinciale qui ne sont pas déjà envahis. C'est un début de réponse.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Montmarquette.

M. Claude Montmarquette: En fait, il n'y a pas d'étude économétrique sur les baisses de taxe sur la masse salariale. Il n'y a jamais eu de baisse de taxe sur la masse salariale. On peut bien faire des études, mais il n'y en a jamais eu. Cependant, on sait qu'il y a des comparaisons entre ce qui se passe en Europe et ce qui se passe aux États-Unis. C'est là qu'est la différence.

Maintenant, si on veut effectivement retrouver ces sommes, on n'est pas obligé d'imposer des impôts; on peut réduire les dépenses davantage, et là on va y arriver.

M. Yvan Loubier: Il reste un jeu de 9 p. 100; il y a 8 milliards de dollars à aller chercher dans les réductions de dépenses.

M. Denis Beauregard: Il reste un autre 25 p. 100 sur les transferts aux provinces, un autre 25 p. 100 sur les transferts aux particuliers...

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Loubier, c'est fini.

[Traduction]

Oui, cela fait cinq minutes. Très rapidement.

[Français]

Monsieur Charbonneau, cinq minutes.

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Je voudrais remercier nos invités de ce matin de s'être livrés à l'exercice de consultation prébudgétaire. Je pense que c'est une période très importante de notre cycle annuel politique que d'aller chercher les contributions des uns et des autres.

L'élection vient d'avoir lieu, et le gouvernement en place a pris l'engagement largement publicisé, écrit et verbal, d'en arriver à un point d'équilibre des finances publiques et de disposer de ce qu'on pourrait considérer comme un surplus de la manière suivante: en réinvestir 50 p. 100 dans des mesures économiques ou sociales ciblées et en utiliser 25 p. 100 pour réduire la dette et 25 p. 100 pour réduire les impôts et les taxes.

Plus tôt, j'ai entendu quelqu'un parmi vous qui disait que c'était 50 p. 100 pour la dette. L'engagement, c'est 50 p. 100 pour les mesures, 25 p. 100 pour la dette et 25 p. 100 pour les taxes.

Toutefois, ce qu'une telle image ne dit pas, c'est l'influence de ces facteurs les uns sur les autres. Le fait de réduire la dette va-t-il contribuer à améliorer la croissance? Le fait de réduire les taxes va-t-il avoir un effet sur l'économie, qui va permettre d'investir davantage dans des programmes?

C'est difficile de déterminer tout cela quand on utilise cette façon de s'expliquer: 50 p. 100, 25 p. 100 et 25 p. 100. Mais c'est l'idée générale. Donc, il y a une approche qui se voudrait équilibrée. Naturellement, certains parleront de saupoudrage, de manque de clarté dans la direction que prend le gouvernement. D'un autre côté, le gouvernement doit considérer les différents secteurs de la société et essayer de présenter un menu où les uns et les autres trouvent leur compte.

Un autre indicateur dans le débat, c'est le rapport entre la dette et le PIB. Je crois que c'est très important. De ce côté-là, c'est sûr que le Canada n'est pas parmi les plus brillants. Le rapport de la dette au PIB est très difficile. Par contre, quand on met en rapport la dette et le PIB... Évidemment, si, du côté de la croissance, il y a du progrès, le rapport s'améliore.

J'aimerais suggérer que nous profitions de ce débat pour définir nos visions de la direction que doit prendre ce pays. Il est toujours tentant de multiplier les recettes et les techniques. Tout à l'heure, en l'espace de sept ou huit minutes, on a énuméré une douzaine de moyens, et il y en a probablement 50 qui ont été mis sur la table: retouchons tel réglage, tel réglage, tel réglage, etc.

• 1025

Quand on se prépare à une course en Formule I, les réglages sont bien précis. Cependant, si je me prépare à descendre en Floride en Winnebago et que je vais voir mon mécanicien, il va peut-être me dire de faire attention à ceci et à cela. Cela n'a rien à voir avec le mécanicien de Jacques Villeneuve pour la Formule I. Si je me prépare à une partie de chasse et que je mets au point mon 4 x 4, les réglages seront probablement différents de ceux du Winnebago ou de la voiture de Formule I.

Quelle est la vision? Où veut-on aller avec ce pays-là? C'est pour cela qu'il est important d'échanger là-dessus aussi en période de consultation prébudgétaire.

Je voudrais en profiter pour demander à M. Ingerman, qui a parlé le dernier et qui n'a pas eu le temps d'exprimer l'ensemble de sa pensée, de nous expliquer davantage sa vision ou ses objectifs. Vous semblez avoir pris beaucoup de votre temps de réflexion pour préparer certains objectifs. Vous n'avez pas eu le temps de nous les livrer tous plus tôt.

Également, si vous en avez l'occasion, dites-nous pourquoi le chômage au Canada est toujours plus élevé qu'aux États-Unis. Où est le facteur de réglage sur lequel on devrait intervenir pour changer ce point particulier?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Ingerman.

M. Sidney Ingerman: Dans une étude approfondie des niveaux de vie publiée l'autre jour, on examinait la différence entre les taux de chômage aux États-Unis et au Canada. Les conclusions habituelles, à savoir que l'assurance-chômage est trop [Note de la rédaction: Inaudible]... que les syndicats ont trop de pouvoirs, ne sont pas confirmées par les recherches.

En fait, on conclut, de façon très préliminaire dans cette étude, parce qu'on n'en sait vraiment rien, que, comme la croissance économique au Canada a été et continue à être assez faible comparée à celle des États-Unis, le taux de chômage est resté élevé et a été aggravé par les changements technologiques rapides, la mondialisation de l'économie et d'autres facteurs. L'essentiel toutefois, c'est que nous n'avons pas connu une croissance suffisamment rapide pour absorber les travailleurs qui arrivent sur le marché du travail et les chômeurs.

Ce n'est pas une réponse élégante, mais je pense que c'est assez juste.

[Français]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Quelqu'un d'autre voudrait-il faire des commentaires sur ce point?

M. Yvon Charbonneau: Cela nous ramène toujours à la même question. Vous dites que c'est parce que la croissance a été plus rapide et meilleure, mais je vous renvoie la question: quel est le facteur? C'est la même chose; ce sont les deux côtés de la pièce de monnaie. Le taux d'emploi est plus bas, et vous me dites que c'est parce que la croissance est meilleure, mais quels sont les réglages qui ont permis cela?

[Traduction]

M. Sidney Ingerman: Le gouvernement a sa politique budgétaire et monétaire. Nous examinons actuellement le budget afin de déterminer si nous pouvons trouver une meilleure façon de stimuler la croissance dans économique dans le cadre de la politique budgétaire du gouvernement. A mon avis, le gouvernement peut y parvenir en faisant la promotion du secteur privé par le truchement de sa politique fiscale, des programmes de subventions et d'autres politiques. Le gouvernement peut le faire lui-même, au moyen de programmes dans le secteur public, comme le réinvestissement dans la garde des enfants, qui demande une main-d'oeuvre nombreuse, et dans les hôpitaux, par l'entremise des provinces, comme nous l'avons tous dit. Ce sont les mécanismes dont dispose le gouvernement.

Cela échappe peut-être au contrôle du gouvernement. Il se peut que M. Greenspan, aux États-Unis, exerce dix fois plus d'influence que M. Martin sur le chômage au Canada, mais il n'y a rien à faire à ce niveau. Au mieux, nous pouvons utiliser les outils dont nous disposons, dont notamment le budget. Mais ce n'est pas le seul outil.

[Français]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Messieurs Montmarquette et Beauregard.

M. Claude Montmarquette: Sur cette question des différentiels, on a vu que les taux de chômage se sont accrus au cours des récessions entre 1982 et 1990. D'ailleurs, c'était très cohérent. C'est toujours un peu plus élevé au Canada qu'aux États-Unis, possiblement à cause des politiques sociales plus larges. Donc, cela veut dire que ce qu'on appelle le taux normal de chômage est probablement plus élevé au Canada qu'il ne l'est aux États-Unis.

Mais, en 1982, on commençait à avoir des écarts accrus et, en 1989, on a vu encore des écarts accrus. Cela veut dire qu'on n'est pas capables, nous, de gérer des récessions. C'est ce que cela veut dire. On n'est pas capables de se sortir de cette rigidité sur le marché du travail ou d'une intervention gouvernementale toujours accrue dans ces cas-là, ce qui n'est peut-être pas la bonne solution, alors qu'aux États-Unis, on semble se fier surtout à des décisions du secteur privé.

• 1030

Je vous ai entendu, monsieur Charbonneau, et je suis un peu surpris que vous n'ayez pas bien compris le message autour de cette table. On n'a pas parlé de 50 p. 100 de réduction des dépenses.

M. Denis Beauregard: C'est peut-être une impression beaucoup plus qu'une certitude basée sur des études. M. Montmarquette vient de dire qu'au Canada, on gère moins bien qu'aux États-Unis, en termes de résultat chiffrés, les périodes difficiles. On a affaire à deux pays qui se sont bâtis, qui se sont développés avec des gouvernements centraux qui jouaient des rôles complètement différents.

Les États-Unis ont choisi de soutenir beaucoup moins les gens en période difficile qu'on ne le fait chez nous. Nous avons des programmes sociaux qui sont beaucoup plus développés, qui coûtent beaucoup plus cher.

Comme M. Montmarquette le mentionnait plus tôt, je crois, on a, pendant de longues périodes, un peu coupé le lien entre travail et revenu, du moins dans une certaine mesure.

Donc, l'incitation à faire l'effort supplémentaire est très élevée, dans certains cas, aux États-Unis. Si tu ne travailles pas, tu ne manges pas. C'est aussi clair que cela.

Nous, on a choisi autre chose, et cela a donné une société dans laquelle on a des problèmes d'ajustement en périodes très difficiles, problèmes qu'on traîne beaucoup plus longtemps. Par contre, cela a aussi donné une société où on n'a pas les problèmes sociaux que les Américains connaissent. La violence dans les grands centres, on ne connaît pas cela. On ne connaît pas de problèmes de pauvreté extrême au Canada comme on en connaît aux États-Unis. Notre système de santé est passablement supérieur à celui de la plupart des autres pays, même si on éprouve actuellement certains problèmes.

Le Canada a investi l'argent public très différemment des États-Unis. Aux États-Unis, cela donne un niveau de rendement économique qu'on voit progresser très rapidement à partir d'une impulsion. Au Canada, on a une machine à traîner, qui est beaucoup plus lourde, beaucoup plus coûteuse et qu'on traîne pendant plus longtemps. Lequel est le meilleur? Je ne le sais pas, mais une chose est certaine. Il faudrait peut-être, comme le disait M. Charbonneau, savoir quels ajustements très très spécifiques il faut faire, parce que c'est extrêmement délicat, aller jouer là-dedans.

On dit qu'il faudrait éliminer la dette. Un instant. Nous, on n'a pas dit cela. Il faut réduire la dette, il faut en réduire l'importance, en réduire le ratio par rapport à la richesse collective, mais lessiver la dette d'un bord à l'autre? Je me dissocie du beau consensus qu'on évoquait plus tôt. De toute façon, ce n'était pas cela, le consensus.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Il nous reste huit minutes, soit une minute pour chaque groupe.

Monsieur Comeau, avez-vous quelque chose à dire?

M. Martin Comeau (économiste, Chambre de commerce du Québec): J'aurais peut-être envie de compléter la réponse à M. Charbonneau.

L'une des raisons qui expliquent peut-être pourquoi le taux de chômage est moins élevé aux États-Unis qu'au Canada, c'est que le marché du travail est plus souple aux États-Unis. On s'ajuste plus rapidement aux changements économiques, ce qui fait que, lorsqu'on arrive en période de récession, le taux de chômage augmente moins aux États-Unis qu'au Canada.

Pourquoi le marché du travail est-il plus souple au États-Unis? D'abord, parce que la productivité y est plus grande. J'ai vu plusieurs analyses sur la productivité des investissements ou de la formation professionnelle faits aux États-Unis. Lorsqu'on regarde les chiffres bruts, on voit que les investissements des entreprises américaines par rapport au PIB sont moins élevés qu'en Allemagne ou en France, par exemple, mais que la rentabilité de ces investissements-là est beaucoup plus grande qu'en Allemagne et en France, ce qui fait qu'au total, la productivité des Américains est grandement supérieure à celle de leurs principaux concurrents. C'est un peu la même chose au niveau de la formation professionnelle.

Finalement, en ce qui a trait à la politique monétaire, celle des États-Unis, au début des années 1990, a peut-être été un peu moins restrictive que celle du Canada, ce qui a permis de donner de l'oxygène à l'économie américaine. C'est ce que je voulais ajouter.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Montmarquette.

M. Claude Montmarquette: Non, j'ai assez parlé.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Morency.

• 1035

M. Yves Morency: Je voudrais revenir sur les ajustements dont M. Charbonneau a parlé. Ici, la plupart des gens ont justement parlé d'ajustements. Il y a peut-être un ajustement auquel il faudrait apporter une plus grande attention. C'est la tendance que l'on a, dès qu'on a des surplus, à les dépenser immédiatement, même si ce n'est que dans une proportion de 50 p. 100. On sait ce que cela coûte, car on l'a vécu au cours des 20 ou 25 dernières années. Je ne pense pas qu'il faille retourner à ces éléments-là.

Nous disons, pour notre part, qu'il faut se donner des ajustements à l'égard de la marge de manoeuvre et alléger le fardeau à la fois des particuliers et des entreprises jusqu'à un certain point.

Jacques Villeneuve peut avoir les meilleurs ajustements sur sa voiture, mais s'il entre au puits et que quelqu'un a du mal à mettre la pompe pour ajouter de l'essence à sa voiture, il part avec 20 ou 25 secondes de retard. C'est à ces ajustements-là qu'il faut faire attention.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Messieurs Beauregard et Roberge.

M. Denis Beauregard: Je pense qu'il est extrêmement important d'avoir une vision des choses. Il faut savoir dans quel genre de pays on évolue. Je caricature un petit peu, mais je dirais quasiment qu'on a la vision qu'on peut se payer.

Dans la mesure où on est un pays extrêmement taxé, extrêmement imposé, tant en ce qui a trait aux entreprises qu'aux individus, il y a un gros ménage à faire. Il y en a une partie qui est faite, mais ce n'est pas fini. Il faut éviter de faire croire aux gens que le problème budgétaire, le problème financier des gouvernements canadiens est réglé. Ce n'est pas vrai.

Quand on a une dette qui dépasse la valeur totale produite dans le pays pendant l'année, il y a encore un sérieux problème à régler. Et si on en est arrivés là, c'est parce qu'on s'est engagés dans des avenues trop coûteuses pour nos moyens.

Oui, pensons au genre de pays dans lequel on veut vivre. C'est absolument essentiel. Mais aussi, concentrons-nous sur le problème budgétaire, qui sera vraiment réglé une fois que la dette sera rendue à un niveau raisonnable, c'est-à-dire 60 p. 100 de la richesse, et quand nos nouvelles façons de faire nous permettront de laisser la dette à ce niveau et de ne pas la faire remonter jusqu'à 100 p. 100 peu de temps après.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Roberge.

M. Françoy Roberge: Je voudrais apporter une précision. Peut-être que j'ai été mal interprété en ce qui a trait à la position de la Chambre de commerce. On dit que le gouvernement canadien, il y a deux ans, parlait de consacrer 50 p. 100 d'un éventuel surplus budgétaire à l'élimination du déficit ou de la dette. On croit qu'il y a eu un changement, parce que des électeurs de certaines provinces ont envoyé au gouvernement canadien un message qui semblait demander un peu plus de compassion, d'argent et de programmes.

On aimerait que le gouvernement maintienne un cap. Tant que le déficit n'aura pas été ramené bien en deçà du 60 p. 100 de Maastricht, le gouvernement doit consacrer 50 p. 100 de tout surplus budgétaire à la réduction du déficit. Cela réduirait aussi les intérêts annuels qu'on doit payer sur la dette, ce qui est quand même très encombrant dans le budget fédéral.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Caron.

M. Yvon Caron: Tout a été dit, ou à peu près. La seule chose que j'aurais à ajouter, c'est que je ne pense pas que quiconque ici parle de l'élimination du déficit, mais bien de la réduction du déficit. Selon nous, l'élimination du déficit n'est pas la réduction de la dette.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Ingerman.

[Traduction]

M. Sidney Ingerman: L'un des aspects les plus étranges du débat actuel sur la réduction des impôts nous vient de la déclaration du ministre des Finances, M. Martin, à savoir que, dans l'avenir immédiat, il veut chercher à réduire les impôts qui frappent les contribuables à faible et moyen revenu. Toutefois, encore en juin dernier, il lançait l'idée d'augmenter le plafond des cotisations au REER, une dépense fiscale qui a une incidence sur le déficit et la dette, qui coûte très cher aux contribuables canadiens et qui a tendance à profiter, plus ou moins, à ceux dont les revenus sont plutôt élevés.

C'est très étrange. Le comité pourrait y regarder de plus près et tenter de tirer cela au clair.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup de ce défi, et merci à tous de nous avoir communiqué vos meilleures idées. Bonne journée.

Nous allons faire une courte pause.

• 1040




• 1056

[Français]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Bonjour. Le Comité permanent des finances de la Chambre des communes se réunit pour continuer ses consultations prébudgétaires. Nos témoins seront M. Benoît Latulippe de la Fédération des étudiants et étudiantes universitaires du Québec, MM. Pierre Paquette et Peter Bakvis de la Confédération des syndicats nationaux et M. Pierre Beaulne de la Centrale de l'enseignement du Québec.

Vous disposerez de cinq minutes pour faire votre présentation, après quoi il y aura une période de questions. Monsieur Latulippe.

M. Benoît Latulippe (Fédération des étudiants et étudiantes universitaires du Québec): Alors, c'est moi qui ouvre le bal.

Je suis membre de la Fédération des étudiants et étudiantes universitaires du Québec et étudiant à l'Université de Sherbrooke. Je suis coordonnateur à la recherche sociopolitique et on m'a demandé de venir vous transmettre l'opinion des étudiants concernant la consultation prébudgétaire.

Mon exposé traitera un petit peu d'éducation, du Transfert social canadien, de fiscalité corporative et de la dette du Canada.

Lorsque le gouvernement fédéral est entré en poste en 1993, il avait bien cerné le problème. Son problème était évident pour tous: c'était le déficit qui s'accumulait d'année en année qui faisait en sorte qu'on avait une dette qui amputait notre avenir et notre marge de manoeuvre. On a donc décidé de sabrer dans les dépenses pour venir à bout du déficit. On a réussi, mais à quel prix? On a sacrifié les plus démunis, l'éducation, la santé, les services sociaux, et c'est regrettable parce que ce sont les piliers d'une société en santé.

La Fédération des étudiants et étudiantes trouve important aujourd'hui de critiquer les choix budgétaires qui ont été faits dans le passé parce qu'ils vont amputer notre avenir. Nous sommes une jeune génération qui a beaucoup d'espoir en l'avenir, mais qui a aussi beaucoup de craintes pour l'avenir. Les choix qu'a faits le gouvernement fédéral sont regrettables; ils vont diminuer notre compétitivité et faire en sorte qu'on aura encore moins de marge de manoeuvre à l'avenir.

À la veille d'un nouveau budget fédéral, il est important que la marge de manoeuvre qui a été rétablie un tant soit peu ces dernières années le soit davantage. Il est donc très important que le Transfert social canadien soit rétabli, et même bonifié si possible. On oeuvre dans une économie du savoir, une économie d'information et de haute technologie. Si le Canada et sa main-d'oeuvre veulent demeurer compétitifs, nous allons devoir investir. Il est très important pour nous que l'éducation, par l'intermédiaire du Transfert social canadien, soit rééquilibrée, et même bonifiée si possible.

• 1100

Au cours des dernières années, nous avons réussi à stabiliser la dette canadienne, bien qu'il demeure évident pour tous qu'elle est énorme et gêne notre marge de manoeuvre.

Si on veut faire en sorte que les jeunes d'aujourd'hui, la population active de demain et les futurs contribuables au régime fiscal canadien, puissent faire face aux responsabilités financières qu'ils auront à assumer, nous devons songer à leur accorder aussi une marge de manoeuvre.

Il est évident que l'éducation, tout comme le système de santé et les services sociaux, coûtera de plus en plus cher. En raison des tendances démographiques et de la population vieillissante, on peut s'attendre à une demande accrue de soins de santé au cours des prochaines décennies. La population active se dirige vers une pente descendante, ce qui représente pour les contribuables au régime fiscal canadien des charges encore plus lourdes qu'aujourd'hui. Si on ajoute à ces responsabilités une dette, ce sera encore plus difficile. Il est donc important qu'on commence à rembourser la dette afin que cette dernière soit moins lourde pour eux, compte tenu des charges financières qu'ils auront à assumer au cours des décennies à venir.

En résumé, il faut réinvestir dans le Transfert social canadien, et même le bonifier si possible. Il faut commencer à rembourser la dette.

Certains pourraient dire que les modestes remboursements qu'on pourrait faire seraient sans conséquence; c'est peut-être vrai à court terme, mais pas à long terme.

Une étude de l'OCDE publiée en 1995, qui a utilisé l'indice de SEN, démontre combien l'État providence au Canada est peu présent. Cet indice montre comment la concentration des revenus est distribuée dans la société. Et plus les années avancent, plus la classe des pauvres s'agrandit. Le seul pays ayant un État providence moins cher qu'au Canada, ce sont les États-Unis. Les pays européens nous battent à plate couture.

Lorsqu'on parle d'un marché de l'emploi fermé et précaire pour les jeunes, on parle d'une situation difficile. En ce moment, plusieurs pays européens étudient sérieusement l'aménagement de la réduction du plan de travail pour combattre quelque peu le chômage de masse. Bien que rien n'ait été mis en oeuvre de façon sérieuse, rien ne prouve que ce soit une solution intéressante. Par contre, en théorie, les gens sont d'accord.

Il y a un lien facile à établir—ce que des études ont déjà fait—entre l'approbation des travailleurs qui seront touchés par l'ARPT, l'aménagement et la réduction du plan de travail, et l'affaire de l'État providence. Au Canada, comparativement aux pays européens, nos travailleurs sont loin d'appuyer ce genre de concept. Le lien est facile puisque notre État providence est encore moins fort que dans les pays où les classes pauvres sont omniprésentes et font face à des charges financières très difficiles.

Afin d'assurer un avenir à long terme adéquat à notre génération, il est très important de contrôler la dette et de rétablir les transferts sociaux pour faire en sorte que nos responsabilités financières soient moindres; sinon, le poids financier qui incombera à notre génération sera difficile à assumer, cela autant pour nous que pour les retraités d'aujourd'hui qui sont passifs ou ceux qui le seront dans 10, 15, 20 ou 25 ans.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup, monsieur Latulippe. Monsieur Paquette.

M. Pierre Paquette (secrétaire général, Confédération des syndicats nationaux (CSN)): Je vous présente Peter Bakvis qui est adjoint à l'exécutif.

Je désire remercier le comité de son invitation et aussi vous rappeler que la Confédération des syndicats nationaux regroupe 250 000 membres dans tous les secteurs d'activité au Québec. Cette confédération est une centrale autonome, affiliée au CTC, ce qu'il faut toujours se rappeler.

• 1105

Évidemment, comme le ministre des Finances, on constate le succès remporté par le gouvernement dans sa lutte au déficit, succès qui est dû essentiellement à trois facteurs: d'abord la croissance économique, qui a donné lieu à des rentrées fiscales plus importantes que ce qu'on avait connu dans la période qui a suivi la récession de 1990-1991, ensuite la baisse des taux d'intérêt, qui a permis de stabiliser le service de la dette publique, mais surtout les compressions draconiennes dans les dépenses de programmes. Ces dernières ont passé de 120 milliards de dollars en 1993-1994 à quelque 105 milliards de dollars en 1997-1998, soit une réduction de 14 milliards de dollars, ou 13 p. 100 des dépenses de programmes.

Les trois quarts de ces compressions ont été faites sur le dos des chômeurs et celui des provinces au chapitre des transferts pour la santé, l'aide sociale et l'éducation supérieure, ce qui a obligé les gouvernements provinciaux, en particulier celui du Québec, à négliger, si ce n'est pas à détériorer, notre système de santé et de services sociaux et nos réseaux d'éducation.

Je rappelle, en passant, que le gouvernement du Québec a dû comprimer dans ses propres programmes pour à peu près 5 p. 100. On constate donc qu'une très grande partie de la pression qui nous est venue du fédéral a dû être amortie soit par des hausses d'impôt, soit par des compressions dans d'autres domaines.

Je rappelle encore une fois que les trois quarts des réductions ont été faites sur le dos des chômeurs: par exemple, au chapitre de l'assurance-emploi, une baisse de plus de 4 milliards de dollars dans les prestations aux personnes en chômage et, au chapitre des transferts aux provinces, près de 7 milliards de dollars, soit la moitié des compressions, qui ont été pelletées dans la cour des gouvernements provinciaux.

Nous connaissons l'impact des compressions budgétaires au niveau de l'assurance-emploi. Au cours des prochaines semaines, d'ailleurs, nous serons probablement en mesure d'en constater encore plus l'effet négatif avec l'entrée en vigueur des mesures adoptées en janvier dernier, en particulier pour les travailleurs saisonniers. Nous commençons pour notre part à voir des cas dramatiques que nous rendrons d'ailleurs publics au cours des prochaines semaines. En 1993, 90 p. 100 des chômeurs touchaient des prestations, tandis qu'actuellement, selon les données de juillet 1997, seulement 43 p. 100 d'entre eux y ont droit. Nous nous attendons encore à une baisse au cours des prochains mois.

J'ai déjà parlé des effets indirects de la diminution des transferts; que ce soit au niveau de la santé ou de l'éducation, il y a eu des dommages qui vont laisser des séquelles irréversibles.

Une des choses qu'on constate et qu'on dénonce ce matin, c'est qu'autant les prédécesseurs de M. Martin, que ce soit MM. Mazankowski ou Wilson, avaient tendance à exagérer ou à avoir une vision optimiste des choses, autant le ministre actuel nous semble avoir systématiquement, non pas une vision pessimiste puisque ce n'est évidemment pas ce à quoi on peut s'attendre d'un ministre des Finances, mais une tendance à surestimer ou sous-estimer, soit surestimer ses dépenses et sous-estimer ses rentrées fiscales. Selon nous, c'est tout aussi dommageable pour le débat public qu'un ministre des Finances ait tendance à surestimer la situation qu'à la sous-estimer.

Dans ce sens-là, on demande au comité d'inviter le ministre des Finances et le gouvernement en place à être davantage transparents quant à l'état réel tant de l'économie canadienne que des finances publiques.

Par exemple, dans sa mise à jour économique et financière, qui a été présentée devant ce comité ici, à Vancouver, le ministre nous annonce la présentation d'une loi qui augmentera de 11 milliards de dollars à 12,5 milliards de dollars le montant minimum en espèces du Transfert social canadien en matière de santé et de programmes sociaux qui sera versé aux provinces et aux territoires.

Dans le budget de l'année dernière, on nous annonçait une réduction de 12,5 milliards de dollars à 11,8 milliards de dollars. Ce n'est donc pas une augmentation des transferts que nous annonce le ministre des Finances dans sa mise à jour, mais plutôt un gel des transferts aux provinces à 12,5 milliards de dollars. Il n'y a pas de quoi se péter les bretelles quand on annonce qu'on va geler 700 millions de dollars de compressions qui auraient été faites.

Je pense que de ce côté-là, il faut donner l'heure juste; il ne s'agit pas d'une augmentation du transfert aux provinces, mais tout simplement d'un gel pour cette année. Je crois qu'on aurait intérêt à être plus transparent vis-à-vis de la population canadienne.

Cela dit, le document que nous vous avons remis renferme un certain nombre de propositions. La première, que nous jugeons extrêmement importante, en raison de la marge de manoeuvre qui se dégage et qui était déjà présente selon nous—parce que le ministre a bien dit lui-même que, selon les techniques qu'on utilise, on peut se dire qu'on connaît déjà un surplus étant donné qu'il n'y a plus de besoins financiers nets—, c'est de restaurer le Transfert social canadien.

• 1110

On veut absolument que le gouvernement évite d'empiéter, de dédoubler ou de faire concurrence à des programmes qui existent.

Je trouve particulièrement significatif que le ministre nous parle maintenant des infrastructures de la santé et de l'éducation tout simplement pour se donner un prétexte pour utiliser sa nouvelle marge de manoeuvre dans des domaines qui sont de compétence provinciale. Nous nous y opposons; c'est par des mécanismes convenus, entre autres le Transfert social canadien, que doivent se faire les choses.

Quant au programme d'assurance-emploi, il y a place aussi pour améliorer la couverture au niveau des prestations tout en réduisant légèrement les cotisations.

On demande aussi le retrait du projet de création de la nouvelle prestation des aînés. Je crois que le mouvement Desjardins a déjà bien présenté les raisons pour lesquelles on demande ce retrait: ce projet pénaliserait les personnes à bas et moyen revenu dans notre société à la retraite.

Également, s'il y a baisse d'impôt pour des populations ciblées, surtout les personnes à bas revenu, l'effort global doit être compensé par une réforme de la fiscalité davantage axée sur l'équité, entre autres au chapitre des fiducies familiales. Certains abris fiscaux doivent être revus; c'est là un des engagements du gouvernement dans son Livre rouge.

Nous croyons que le gouvernement fédéral doit traiter équitablement le Québec en l'indemnisant pour l'harmonisation de la TPS et de la TVQ, soit en lui versant à peu près 2 milliards de dollars. Nous sommes probablement prêts à faire une concession et à nous entendre pour 1,9 milliard de dollars.

La même situation prévaut pour la politique familiale. Il faut absolument que les négociations reprennent avec le gouvernement du Québec.

Je termine en disant qu'on s'attend du gouvernement et du ministre des Finances qu'ils fassent pression auprès de la Banque du Canada pour qu'elle maintienne des taux d'intérêt stables et bas pour faciliter l'investissement et la création d'emplois, et maintienne un taux de change qui soit réaliste par rapport à la situation de l'économie canadienne.

Nous vous remercions. Nous serons disponibles pour répondre à vos questions.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup, monsieur Paquette.

Monsieur Beaulne.

M. Pierre Beaulne (économiste, Centrale de l'enseignement du Québec): Bonjour. Je voudrais d'abord remercier le comité de nous accueillir.

La Centrale de l'enseignement du Québec regroupe 120 000 membres, surtout des enseignants francophones des commissions scolaires, mais aussi des enseignants des collèges, du personnel de soutien scolaire et de collèges, et une diversité d'employés du secteur de la santé, bien que dans une mesure plus restreinte.

Je voudrais faire porter mon intervention sur des aspects qui nous paraissent prioritaires, laissant de côté un certain nombre de questions sur lesquelles nous pourrons revenir au cours de la discussion. J'aimerais donc en particulier que cette intervention porte sur cinq aspects qui me paraissent prioritaires: d'abord, qu'on vise un budget équilibré pour l'année prochaine; deuxièmement, qu'on réinjecte des fonds dans le TCSPS pour la santé, l'éducation et l'aide sociale tout en respectant les juridictions provinciales; qu'on améliore la couverture du régime d'assurance-emploi tout en abaissant les cotisations des employeurs et des employés; quatrièmement, qu'on utilise la réserve pour éventualités de 3 milliards de dollars si elle est disponible pour le remboursement de la dette; et finalement, qu'on poursuive les efforts pour l'amélioration de l'équité fiscale.

J'apporterai maintenant des précisions. Le gouvernement avait prévu un déficit de 17 milliards de dollars pour l'année 1997-1998, bien qu'il semble s'acheminer vers un déficit de quelque 9 milliards de dollars. Un budget équilibré nous semble donc tout à fait atteignable l'année prochaine, puisqu'il comporterait une réserve de 3 milliards de dollars. Ce serait donc un budget qui en fait comporte un surplus déguisé.

Au cours des dernières années, les transferts financiers du fédéral aux provinces pour la santé, l'éducation et l'aide sociale ont été réduits de 7 milliards et demi de dollars à l'occasion de l'introduction du transfert canadien. En conséquence, l'assainissement des finances publiques au Québec s'avère particulièrement ardu. Les budgets de santé, tout comme ceux de l'éducation, accusent des réductions en termes absolus. Notre système de santé est aux abois, tandis que nos réseaux de l'éducation sont de moins en moins en mesure de relever les défis importants qui se posent à eux pour l'avenir.

• 1115

Parallèlement, la réforme de l'assurance-emploi a poussé vers l'aide sociale des milliers de personnes, alors que le soutien financier qui était consenti auparavant par le fédéral via le RAPC a été restreint, occasionnant des difficultés supplémentaires au gouvernement du Québec, qui a répercuté ses compressions en effectuant des compressions dans ses propres programmes de soutien du revenu.

Il nous apparaît souhaitable que les marges dégagées au fédéral soient affectées prioritairement à la bonification des transferts pour la santé, l'éducation et l'aide sociale, le tout dans le respect des juridictions provinciales.

Les surplus de la caisse d'assurance-emploi, qui semblent vouloir atteindre 10 milliards de dollars, constituent pour nous un scandale. Le gouvernement fédéral, qui ne contribue rien à la caisse, utilise ces surplus pour éponger son déficit sur le dos des plus démunis. Depuis les restrictions entraînées par la réforme, moins de 50 p. 100 des chômeurs touchent des prestations d'assurance-emploi comparativement à 87 p. 100 en 1990. Les critères du programme doivent être revus pour élargir la couverture et, parallèlement, un abaissement des contributions pour les employeurs comme pour les employés paraît souhaitable au moment où les cotisations au RPC et au RRQ sont appelées à augmenter systématiquement au cours des prochaines années.

Quatrièmement, à compter du moment où le budget est équilibré, la dette cesse de s'accroître. Du fait de la croissance économique, son poids relatif diminue. Ce mouvement est déjà bien amorcé. Même si le remboursement de la dette fédérale, qui est largement domestique, ne nous paraît pas un axe qui doit être prioritaire, nous pourrions quand même souscrire à l'idée que la réserve pour éventualités, si elle n'est pas utilisée aux fins auxquelles elle est destinée, puisse être affectée au remboursement de la dette.

Finalement, l'amélioration de l'équité fiscale nous paraît être une priorité qui doit être poursuivie de manière continue. La perception est grandement répandue que les entreprises ne contribuent pas leur juste part de l'effort fiscal, particulièrement au chapitre de l'impôt sur le revenu. Les comparaisons internationales de l'OCDE concordent dans cette appréciation, tout comme les observations faites par le FMI. Nous croyons donc qu'un effort peut être fait pour un certain rééquilibrage des charges fiscales entre les entreprises et les particuliers, qui ont assumé largement ces dernières années le poids de l'assainissement des finances publiques.

Dans un deuxième volet, nous croyons qu'un effort peut être également consenti au chapitre de la perception des taxes de vente. Des enquêtes faites par les enquêteurs du ministère du Revenu ont indiqué qu'à Saint-Sauveur, 30 p. 100 des commerces n'étaient pas inscrits auprès de Revenu Canada aux fins de la TPS; à Varennes, c'était 22 p. 100; à Beloeil, à peu près autant; sur le mail de la rue Saint-Hubert ici, en plein coeur de Montréal, 17 p. 100. Il me semble que des efforts importants doivent être consentis encore une fois pour lutter contre l'évasion fiscale, en particulier au chapitre des taxes de vente, ce qui permettrait de soulager les contribuables dans d'autres formes de contribution. Merci beaucoup.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup. Nous passons maintenant à la période de questions. M. Jaffer posera la première question. J'invite ceux et celles qui désirent intervenir au cours de la discussion à lever la main.

[Traduction]

M. Rahim Jaffer: J'ai une question à l'intention de M. Beaulne. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce dernier point. Vous avez mentionné qu'il fallait tenter d'équilibrer le régime fiscal, dans le cas des entreprises et des particuliers qui ne versent peut-être pas d'impôts.

J'aimerais savoir comment la situation au Canada se compare par exemple à celle d'autres pays comme la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni ou même les États-Unis, pays qui se sont penchés sur les façons de réduire les taux d'imposition. Dans certains cas, lorsqu'un pays réduit le taux d'imposition des sociétés et d'autres taux d'imposition, il augmente en fait les montants que le gouvernement peut percevoir à long terme.

S'agit-il de ce que vous proposez en fait? Proposez-vous simplement d'augmenter les impôts des sociétés? Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre cinquième suggestion?

• 1120

[Français]

M. Pierre Beaulne: Nous avons examiné les statistiques de l'OCDE qui présentent des comparaisons sur la répartition des charges fiscales aux différentes formes de cotisations: les cotisations sociales, l'impôt sur le revenu des particuliers, l'impôt sur le revenu des sociétés, les taxes foncières, etc.

Bien que ces données ne soient pas nécessairement les plus récentes, elles font cependant ressortir qu'en matière d'impôt sur les profits des sociétés, les sommes perçues ici au Canada sont inférieures à celles qui sont perçues aux États-Unis et dans la plupart des autres pays. Notamment, aux États-Unis, où le fardeau fiscal global est beaucoup plus faible, il y a une contribution plus forte des entreprises qu'au Canada en termes de rapport au PIB de ces impôts. Si on ajoute les cotisations sociales pour l'assurance-chômage, le RPC et ainsi de suite, encore là, nos contributions ici, au Canada, en proportion du PIB, sont inférieures à celles qu'on paie aux États-Unis, sans parler de l'ensemble des autres pays.

Il est assez clair que depuis plusieurs années, on demande aux particuliers de fournir l'effort majeur pour l'assainissement des dépenses publiques. À la lumière de ces comparaisons internationales, nous croyons qu'un meilleur dosage dans la répartition des charges fiscales devrait être examiné avec soin.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Paquette.

M. Pierre Paquette: J'aimerais ajouter que beaucoup de choses se disent sur la question de l'effort fiscal qu'on demande des Canadiens et aux Canadiennes. Globalement, si on regarde le fardeau fiscal au niveau du G-7 en 1993, on constate que les Canadiens se trouvaient au quatrième rang. On entend tout le temps dire qu'on est surtaxés, trop taxés. Pour les particuliers, on se trouvait au premier rang. Effectivement, les individus sont appelés à faire un effort fiscal, toutes proportions gardées, beaucoup plus important que dans l'ensemble du Groupe des sept. Par contre, entre autres pour les entreprises, on se retrouve au quatrième rang globalement. Donc, il y a un rééquilibrage à faire.

Au Québec, à la demande de la Commission sur la fiscalité, une étude a été faite par Price Waterhouse et elle concluait que la fiscalité des entreprises au Québec—et on sait qu'elle n'a pas la réputation d'être la moins lourde—était moins lourde que dans les États du nord-est des États-Unis et à peu près équivalente à ce qui existait en Ontario. Là encore, ce sont les particuliers qui assument une plus grande part du fardeau fiscal.

Maintenant qu'on a atteint l'équilibre budgétaire, il ne faudrait pas faire l'économie du débat sur l'équité fiscale, qui demeure toujours un débat d'actualité, entre autres au sujet de la question des fiducies familiales. L'année dernière, on avait rappelé au comité, et on le rappelle encore ce matin, que le gouvernement s'était engagé à commencer à rouvrir la question des fiducies familiales d'ici 1999. Bien que la date en ait déjà été reportée à plusieurs reprises, nous ne remettons pas en question cette date qui doit effectivement être une date butoir pour l'ouverture des fiducies familiales. Cela, c'est sans compter les abris fiscaux qui doivent être revus par le gouvernement fédéral pour plus d'équité fiscale.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup. Monsieur Latulippe.

M. Benoît Latulippe: J'aimerais aussi apporter des précisions sur l'équité fiscale entre les particuliers et les entreprises. Une étude de l'OCDE—c'est peut-être celle à laquelle vous faisiez allusion—prouve qu'au cours des 20 dernières années, la moyenne de l'apport des revenus gouvernementaux provenant de l'impôt des particuliers a diminué dans la moyenne des pays de l'OCDE, tandis qu'au Canada, elle a augmenté de plus de 5 p. 100. C'est beaucoup.

Nous nous demandons aussi si le secteur privé et les gens riches font leur part dans cet effort de rationalisation budgétaire. Nous croyons que les particuliers ont fait leur part au cours des dernières années. À preuve, une statistique importante enregistrée par le ministère des Finances démontrait que jusqu'en 1988, l'évolution des reports d'impôts que faisaient les entreprises suivait une courbe exponentielle.

• 1125

En 1988, c'était 27 milliards de dollars que les entreprises pouvaient reporter indéfiniment d'année en année. Ce sont des pertes de recettes fiscales énormes pour les gouvernements. Je pense donc qu'il y a du travail à faire du côté du report d'impôt. Je crois également qu'il y a du travail à faire au niveau de l'évasion fiscale. On sait que les entreprises établissent des sièges sociaux à l'extérieur du Canada afin que leurs bénéfices sortent du Canada et soient exempts d'impôt canadien.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup.

Monsieur Loubier, vous avez cinq minutes.

M. Yvan Loubier: Bonjour, messieurs.

Monsieur Paquette, vous cherchiez tout à l'heure un terme pour qualifier la manipulation de chiffres faite par M. Martin. J'ai deux termes pour cela: c'est de l'hypocrisie et du mensonge. Hier encore, j'étais avec le président d'Informetrica, et on a convenu que dès février dernier, on pouvait voir poindre à l'horizon un déficit d'environ 10 milliards de dollars. À ce moment-là, nous l'avions dit, et Paul Martin nous avait traités d'incompétents et avait dit que c'était des chiffres en l'air, etc.

Vous avez mentionné un autre point. D'ailleurs, j'ai interpellé M. Martin à Vancouver, la semaine dernière, au sujet des chiffres qui sont présentés concernant les programmes sociaux. On nous annonce en grande pompe qu'on va augmenter les contributions aux programmes sociaux. On va saupoudrer quelque centaines de millions de dollars au cours des cinq prochaines années.

En réalité, le plan de compressions budgétaires qui avait été arrêté dans le budget de 1996 par M. Martin se poursuit jusqu'en 2001-2002, si ma mémoire est bonne. Au bout de la ligne, on aura retranché 42 milliards de dollars du financement des programmes sociaux et des soins de santé. Là aussi, on devrait faire preuve de transparence devant la population et bien l'informer. À l'heure actuelle, la population est très mal servie par ce que M. Martin lui présente depuis deux ans.

Voici ma première question. Seriez-vous prêts à vous associer à nous pour demander un véritable débat public basé sur les véritables chiffres des finances publiques et portant sur l'utilisation des surplus qui s'en viennent? J'ai posé la question à M. Martin à Vancouver, et il a refusé tout débat autre que ceux qu'on pourrait avoir au cours de la consultation prébudgétaire.

M. Pierre Paquette: Il est extrêmement important qu'il y ait un large débat public, parce que ça va avoir une influence importante sur le comportement des provinces. Il est très clair que si le gouvernement fédéral décidait de réduire son impôt, il y aurait une très forte pression sur les gouvernements provinciaux, entre autres le gouvernement du Québec, pour qu'ils réduisent eux-mêmes leurs impôts, cela au moment où l'on a de la difficulté, avec les ressources actuelles, à maintenir les services à un niveau de flottaison. C'est un débat qui doit se faire et je suis d'accord avec vous qu'il doit se faire avec l'ensemble des chiffres, des chiffres qui soient objectifs.

Vous avez utilisé le terme «hypocrite». C'est le terme que la CSN avait utilisé pour décrire le dernier budget fédéral. En effet, on nous annonçait un budget sans histoire à la veille des élections, alors que le plus gros des compressions se vivait cette année-là. Dans ce sens-là, il y avait un problème de transparence important.

Alors, non seulement on est prêts à s'associer à vous, mais on demande un débat public sur l'avenir de nos finances publiques, en particulier sur la marge de manoeuvre qui se dégage actuellement.

M. Yvan Loubier: Prenez la réforme de la fiscalité. Je pense que tout le monde en a parlé autour de la table. L'an dernier, le Bloc québécois a produit deux rapports fouillés sur la fiscalité, la fiscalité des particuliers et celle des entreprises. On s'était aperçu que depuis 1962, il n'y avait pas eu de changements majeurs à la fiscalité. On avait fait du top loading et modifié certaines mesures, mais dans l'ensemble, la fiscalité n'avait pas été examinée.

Il y a là d'énormes possibilités de transferts du fardeau fiscal. On offre à l'heure actuelle à des grandes entreprises des bénéfices qui n'ont plus leur raison d'être en 1997. Il y aurait peut-être une occasion de vous manifester, et on ne manquera pas de le faire nous non plus. C'est que cet hiver, le rapport du professeur Mintz sera déposé.

Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais un groupe de travail sur la nécessité d'une réforme de la fiscalité avait été mis en place par M. Martin à la suite des pressions de l'opposition. Je m'attends à ce que ce rapport-là ne contienne rien de valable au niveau de l'équité et de la justice fiscale.

Seriez-vous prêts à vous manifester là aussi? C'est une question d'importance cruciale et on n'en parle pas assez. On l'a en quelque sorte mise de côté. C'est occulté par la conjoncture de recettes supplémentaires de 23 milliards de dollars dans les coffres de l'État et d'un surplus dès l'an prochain, mais cela demeure une question fondamentale, une question d'efficacité et d'équité également. On pourrait même dépasser nos objectifs budgétaires si on arrivait à resserrer suffisamment les règles de la fiscalité pour enlever des privilèges indus à de grandes sociétés, dont celle de M. Martin.

• 1130

M. Pierre Paquette: La CSN demande depuis plusieurs années déjà un débat sur l'ensemble de notre fiscalité. Je vous rappelle que la fiscalité vise essentiellement trois choses.

D'abord, elle a pour but de financer nos services publics. Actuellement, il faut qu'il y ait un débat, au niveau fédéral comme au niveau des provinces, sur le niveau de services publics qu'on veut. Au Canada, on s'est donné des mécanismes pour assurer le financement de ces services, mais ils ont été remis en question par l'obsession du déficit zéro, que ce soit à Québec ou à Ottawa. Donc, il faut savoir quel niveau de services publics on veut et comment on veut se les donner. Entre autres, c'est toute la question de la juridiction des provinces qui est en cause et qui est remise en question dans le discours du Trône.

Deuxièmement, la fiscalité doit servir à redistribuer la richesse par des mesures d'équité, mais aussi par des mesures de redistribution aux plus démunis.

Troisièmement, elle doit servir à l'emploi. Il y a aucune préoccupation qui a été émise sur cette question à Ottawa. Au Québec, il y a un effort, qui n'est pas suffisant mais qui a été amorcé dans le dernier budget Landry, entre autres pour diminuer les taxes sur la masse salariale pour les nouveaux emplois à temps plein qu'on crée.

On s'attend à un relais du côté du fédéral à cet égard. Entre autres, le surplus de la caisse d'assurance-emploi pourrait être utilisé intelligemment au niveau de la modulation des cotisations. On pourrait par exemple exempter les entreprises qui créent de l'emploi à temps plein dans le cadre de mesures d'aménagement et de réduction du temps de travail.

On pourrait aussi voir comment dédommager, au niveau de la fiscalité, les travailleurs et les travailleuses qui acceptent volontairement de réduire leur temps de travail pour créer de l'emploi. Enfin, il y a toute une série de choses au niveau de l'emploi, comme l'équité fiscale, qui ne font pas partie du débat public et qui mériteraient d'être au centre de ce débat essentiel pour l'avenir de notre société.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup.

Monsieur Brison.

M. Yvan Loubier: On va y répondre.

[Traduction]

M. Scott Brison: On a déjà parlé assez longuement de la rationalisation ce matin; d'autres ont signalé que la réduction de la dette fédérale s'est faite au détriment des provinces, qui ont dû prendre des décisions très difficiles à la fois au niveau provincial et au niveau municipal. Les coûts ont été transférés au simple citoyen, et je crois que les plus grandes victimes de ces mesures ont été les étudiants d'un bout à l'autre du Canada.

Nous sommes une nation commerçante; 40 p. 100 de notre PIB provient du secteur des échanges commerciaux. Nous vivons à l'âge de l'information. Les industries fondées sur les connaissances ainsi que les entreprises du secteur de la technologie et de l'information seront les grands créateurs d'emplois à la fin de ce siècle.

Depuis 1988, le fardeau de la dette des étudiants qui terminent leurs études universitaires a augmenté de 280 p. 100; il y a eu une augmentation de 110 p. 100 des frais de scolarité. Je tire ces chiffres de documents que j'ai lus au cours des dernières semaines.

Monsieur Latulippe, quelle proposition votre organisme a-t-il formulée afin de faire en sorte que l'on réinvestisse dans le secteur de l'éducation pour que les jeunes Canadiens contribuent à faire du Canada la nation la plus concurrentielle au XXIe siècle?

[Français]

M. Benoît Latulippe: Si j'ai bien compris, vous demandez ce que la Fédération des étudiants propose pour faire en sorte qu'on réinvestisse davantage dans l'éducation. C'est bien cela? Vous parlez aussi de l'endettement étudiant.

[Traduction]

M. Scott Brison: Je parle de cibler les réinvestissements.

[Français]

M. Benoît Latulippe: Pour ce qui est de l'endettement étudiant, la Fédération propose une modification au régime de remboursement. On propose la voie du RPR, le remboursement proportionnel au revenu. Il est dommage que les étudiants, peu importe la discipline dans laquelle ils ont étudié, aient tous à faire face aux mêmes contraintes dès leur arrivée sur le marché du travail. Il est très important que, peu importe leur revenu, ils soient libres de continuer à avancer dans la vie. Si on est six mois, un an ou un an et demi sans salaire, on doit être exempt de la pression exercée par les banques pour le remboursement de la dette étudiante. Donc, on propose le remboursement proportionnel au revenu, qui fera en sorte qu'on remboursera notre dette étudiante en fonction du revenu qu'on gagnera.

• 1135

Pour ce qui est de réinvestir dans l'éducation, comme on l'a dit tantôt, cela passe par le Transfert social canadien. On a fait des compressions énormes ces dernières années et certains pourraient dire que les revenus sont insuffisants. Par ailleurs, il y a d'énormes revenus à aller chercher du côté corporatif, au niveau des évasions fiscales. Les sociétés canadiennes et les gens riches ne font pas leur part, à notre avis, et cela mérite d'être examiné. C'est pour cela qu'on parle d'une révision de la fiscalité. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Pierre Beaulne: Est-ce que je pourrais intervenir sur ce sujet?

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Oui.

M. Pierre Beaulne: Je voudrais commencer par signaler que la situation du Québec est légèrement différente de celle qu'on observe dans le reste des provinces canadiennes. Le niveau d'endettement étudiant y est un peu plus faible, les frais de scolarité y sont un peu plus faibles et le Québec dispose d'un système de prêts et bourses pour les étudiants qui est assez complet, à la différence de ce qu'on trouve dans le reste du Canada. Ce programme de prêts et bourses vient d'être revu par le gouvernement du Québec. Un certain nombre de corrections et de bonifications y ont été apportées récemment, et nous n'avons pas terminé l'étude de ces réaménagements.

Cependant, nous considérons que cette annonce de programme de bourses pour le millénaire n'a pas de pertinence pour le Québec, qui dispose déjà de son système de prêts et bourses. Au moment où le gouvernement fédéral a fait des compressions massives dans le Transfert social canadien en particulier, donc dans le système d'éducation, on a réinjecté des fonds par la bande au moyen d'un programme qui existe déjà et qui fonctionne bien au Québec. Donc, cette initiative ne nous semble pas pertinente pour le Québec. Nous estimons que les sommes qui pourraient être disponibles pour de tels programmes devraient être acheminés au gouvernement du Québec par les canaux normaux, c'est-à-dire par le biais du Transfert social canadien. Le Québec, comme je l'ai mentionné, administre un programme qui, tout en n'étant pas parfait, tout en étant perfectible, existe déjà et sert assez bien les fins auxquelles il est destiné.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup. Quels sont actuellement les frais de scolarité pour une année à l'université?

M. Benoît Latulippe: Environ 900 $ par session à temps plein, ou environ 2 000 $ par année.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Cela a été moins cher pendant très longtemps.

M. Benoît Latulippe: Oui. Depuis sept ou huit ans, cela a presque triplé.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): En 1985, c'était 570 $ et cela a été comme cela pendant 15 ans et plus.

Monsieur Assad.

M. Mark Assad (Gatineau, Lib.): Messieurs, merci beaucoup de votre présentation.

J'ai écouté M. Latulippe, M. Paquette et M. Beaulne. Ils ont abordé des choses d'actualité: l'équilibre budgétaire, la réinjection de fonds pour l'hospitalisation et l'assurance-maladie en général, les cotisations à l'assurance-emploi, l'affectation d'une partie ou de la totalité de la réserve à la dette consolidée et une demande de changement dans la fiscalité.

Il est assez difficile de regrouper tout cela en cinq minutes. Je m'intéresse au système de taxation depuis que je suis arrivé à Ottawa, en 1988. Si je comprends bien, on a non pas exprimé des voeux pieux, mais parlé des changements qu'on voudrait qu'on apporte à notre système. Donc, la clé, c'est la réforme, et Dieu sait si on a besoin d'une réforme de notre système de taxation.

Je ne veux pas faire l'historique de tout cela parce qu'il ne me reste que quelques minutes, mais quelqu'un a mentionné qu'il n'y avait pas eu de véritable réforme de notre système de taxation depuis 1962. C'est vrai, car la Commission Carter avait commencé ses travaux en 1962 et les avait terminés en 1967. Il faut dire aussi que le rapport de la Commission Carter était un document révolutionnaire, mais qu'il n'a pas été mis en application.

• 1140

L'Université de Harvard en avait obtenu une copie pour démontrer comment les pays industrialisés du monde pouvaient équilibrer leur système de taxation de manière qu'il soit autant que possible juste et équitable. Il y a des pays scandinaves qui ont mis en application une bonne partie des recommandations de la Commission Carter. Le seul pays à ne pas les avoir mises en application est le nôtre, le Canada.

Comme je vous le disais, il est assez difficile de résumer tout cela en quelques minutes. Regardons les statistiques. Il y a eu un rapport de Statistique Canada en 1990. Son auteur était un ancien fonctionnaire à la retraite, M. Mimoto. Je vous recommande la lecture de ce document, car il décrit l'évolution de la dette de notre pays et dit qui sont les coupables, si je puis employer le terme, comment le déficit s'est accru dramatiquement et comment il se fait qu'on n'avait pas les revenus nécessaires pour subvenir à ces besoins.

Il ne fait pas de doute que les gouvernements de l'époque n'ont pas eu le courage de taxer. Ils ont plutôt fait le financement de tous leurs programmes en augmentant leur déficit. On avait jadis un déficit très bas. C'est incroyable quand on y pense. Il ne faut pas oublier que vers 1972, le déficit était négligeable.

Si on regarde les statistiques de 1980, on voit que 1 p. 100 des gens détenaient 17 ou 18 p. 100 de toute la richesse du pays. Douze ans plus tard, en 1992, parce que je n'ai pas les dernières données—je ne sais pas si elles existent—, cette même proportion de 1 p. 100 des gens détenait 27 p. 100 de toute la richesse du pays. Il n'y a qu'aux États-Unis que la situation est plus grave, que la concentration de la richesse est plus forte.

Donc, une réforme s'impose. Vous avez cité tous les aspects qu'on devrait examiner. C'est vrai, mais je suis profondément convaincu qu'il est très difficile d'avoir un débat public. C'est très difficile. Vous avez demandé un débat public large. C'est une erreur, et je vais vous dire pourquoi. C'est que vous donnez à l'élite financière trop de possibilités de diviser et de régner.

Un débat public ne doit pas être trop large. Il faut mettre l'accent sur quelque chose. On a au pays, et même ici au Québec, des types comme Pierre Fortin et d'autres, qui ont joué un grand rôle dans l'explication de ce qui nous arrive depuis quelques années. Il y a le rôle de la Banque du Canada. C'est une chose qui est complètement ignorée. Il y a notre système monétaire. Messieurs, si vous attendez après les médias, qui sont contrôlés par les mieux nantis de ce pays, vous n'aurez jamais sur la place publique un véritable débat, non seulement sur le déficit, mais aussi sur la réforme de notre système de taxation.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Paquette.

M. Pierre Paquette: Je ne partage pas votre pessimisme pour ce qui est du débat large. C'est bien sûr que, pour un gouvernement, c'est extrêmement impliquant. On a eu ici, au Québec, la Commission sur la fiscalité. D'ailleurs, Peter Bakvis était un des commissaires. Cette commission, dans des délais très courts, a été capable de cerner un certain nombre de consensus. Le problème, c'est qu'à la suite du rapport de la commission, le débat s'est terminé au Québec. Le ministre Landry a décidé d'une réforme fiscale dont personne n'avait entendu parler.

• 1145

Dans ce sens-là, ce n'est pas tant le débat au sein de la population qui pose un problème, mais plutôt la suite que donnerait le gouvernement à un tel débat. Vous êtes probablement mieux placés que moi pour aller chercher ces garanties.

On a eu un débat très intéressant et très stimulant. Un des problèmes qu'on rencontre quand on parle de fiscalité, ce sont tous les aspects techniques qui rebutent énormément de gens. On a l'impression qu'il s'agit d'un débat de spécialistes alors que l'argent vient de chacune de nos poches. Il y a donc un important effort de démocratisation à faire. Un débat large devrait aussi porter sur les enjeux d'une réforme de la fiscalité. Il y a beaucoup de pensée magique, et vous le savez comme moi. Les gens pensent qu'on peut tout faire avec la fiscalité, ou encore qu'on ne peut rien faire avec la fiscalité parce qu'on doit absolument calquer ce qui existe chez nos voisins, entre autres aux États-Unis.

Je voudrais ajouter un élément auquel vous avez fait allusion à la fin. On parle de la concentration de la richesse dans les mains de 1 p. 100 de la population. La fiscalité a sûrement joué un rôle dans cela, mais la politique monétaire en a aussi joué un important. Quand on insécurise des millions de travailleurs et de travailleuses vis-à-vis de leur emploi, vis-à-vis de leur gagne-pain, en provoquant deux récessions comme celles qu'on a connues au début des années 1980 et au début des années 1990, avec les répercussions que cela a eu sur les négociations salariales, sur la détermination des salaires, on se retrouve avec la situation qu'on vit ici, au Canada et aux États-Unis, c'est-à-dire une polarisation de plus en plus grande des revenus.

Le système fiscal peut jouer un rôle pour corriger cela, mais il faut aussi s'assurer que la Banque du Canada ne vienne pas régulièrement provoquer des récessions comme cela a été le cas. C'est Pierre Fortin qui utilisait ces termes dans Le Devoir il y a à peine deux semaines.

Je pense que la population québécoise et canadienne est suffisamment mûre pour faire un débat public. Maintenant, les engagements que pourra prendre le gouvernement fédéral vis-à-vis d'une démarche de ce type me semblent être la meilleure garantie du succès de cette opération.

Quand la Commission sur la fiscalité a été mise sur pied et a fait le tour des régions du Québec, ceux qui s'y sont opposés ont justement été les lobbies patronaux: le Conseil du patronat, la Chambre de commerce et l'Alliance des manufacturiers. Ils avaient peur que dans chaque région, la population vienne dire que l'équité fiscale était pour elle une priorité. Une telle démarche ne me fait pas peur, bien au contraire, mais elle doit se faire sur la base de données objectives.

M. Fortin pourrait faire partie d'une éventuelle commission, comme d'autres grands intellectuels du Canada anglais.

M. Yvan Loubier: Madame la présidente, j'ai une petite question à poser.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Non, pas maintenant.

M. Yvan Loubier: Une petite question à votre intention.

Est-ce qu'une table ronde technique est prévue, avec des gens comme Pierre Fortin, M. McCracken, M. Sonnen...

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): [Note de la rédaction: Inaudible].

M. Yvan Loubier: Ça va, merci.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Il y en a deux qui veulent s'exprimer. Ensuite nous aurons une ou deux minutes pour chaque groupe.

Monsieur Latulippe.

M. Benoît Latulippe: Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Je suis d'accord lorsqu'on dit qu'il y a des débats qui se sont faits. Le dernier débat au Parlement a été fait en 1962. Bien souvent, il y a des voeux pieux qui sont exprimés, mais quand vient le temps d'appliquer les recommandations, cela reste lettre morte.

Oui, je suis d'accord qu'on doit tenir un débat public où on va condamner les absurdités de notre régime fiscal. Il faut que l'équité soit rétablie.

Vous avez aussi parlé de la Banque du Canada et de la politique monétaire. Ce que je constate—ce n'est pas une position de la Fédération—, c'est que la richesse est de plus en plus concentrée dans les mains de quelques particuliers. Aujourd'hui, les marchés financiers sont mondiaux et communiquent entre eux en quelques secondes, ce qui fait en sorte qu'il y a énormément de spéculation. Les gens qui possèdent le pouvoir financier sont devenus très exigeants quant aux bénéfices qu'ils peuvent tirer des entreprises et aux investissements qu'ils peuvent faire. Pour cela, ils demandent des choses très claires aux entreprises: coupez! Il faut rentabiliser la main-d'oeuvre et les investissements faits par les spéculateurs.

Je crois qu'en plus d'un débat sur la fiscalité, il devrait aussi y avoir un débat sur la réglementation des opérations financières au Canada et peut-être même à l'extérieur du Canada.

• 1150

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Beaulne.

M. Pierre Beaulne: Je voudrais abonder dans le sens de ce que M. Paquette disait il y a un moment. L'année dernière, au Québec, a été un temps fort de discussion sur les questions de fiscalité. Il y a eu beaucoup de temps et d'efforts qui ont été consacrés à des discussions sur la fiscalité au sein de la Commission sur la fiscalité. Les organisations syndicales étaient à l'origine de la mise sur pied de cette commission.

Dans nos milieux, nous avons mené des opérations de consultation, de sensibilisation, de discussion extrêmement larges et variées qui ont mené à ces audiences de la commission et à un rapport. Cependant, l'attitude du gouvernement du Québec face à ce rapport nous est apparue décevante.

Je voudrais surtout insister sur le processus de discussion, qui a été extrêmement apprécié, du moins par nos membres, si je peux témoigner pour eux, et par la plupart des intervenants sociaux, je crois. En même temps, je dois signaler qu'un des aspects qui nous ont frappés au terme de cette étude, c'était un certain problème concernant la capacité d'action du gouvernement du Québec à cause de l'harmonisation importante de plusieurs dispositions des régimes fiscaux.

On pourrait en nommer quelques-unes, mais il y a tellement de mesures fiscales qui sont harmonisées entre les deux systèmes qu'on s'est aperçu qu'il était un peu difficile d'amener un gouvernement, malgré toutes ses bonnes dispositions, à agir de manière isolée. Nous avons en même temps demandé au gouvernement du Québec d'intervenir auprès du gouvernement fédéral lorsque le besoin se faisait sentir. Merci.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup. Il nous reste quelques minutes. Nous avons une ou deux minutes pour chaque personne.

M. Mark Assad: Est-ce que vous avez à votre disposition de l'argent pour préparer un genre de rencontre entre vous-mêmes?

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Assad, ce temps est accordé aux témoins. Vous avez utilisé 15 minutes. Merci.

Monsieur Latulippe.

M. Benoît Latulippe: On trouve que le Transfert social canadien est très important et qu'il faut y réinvestir de l'argent. On trouve que la dette est suffisamment pressante aujourd'hui et qu'il faut éviter de compromettre l'avenir de notre génération et aussi de la vôtre, parce que c'est nous qui serons appelés à prendre soin de vous à un moment donné.

On doit commencer à aménager cette dette ainsi qu'une marge de manoeuvre. Cela passe en grande partie par une réforme de la fiscalité corporative. Les entreprises et les gens riches ne font pas leur part dans l'effort fiscal au Canada.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup.

M. Pierre Paquette: J'aimerais répondre brièvement à la question. Il y a déjà quelque chose qui se fait, et la CEQ et la CSN y sont associées. C'est le budget alternatif préparé par le Centre canadien de politiques alternatives. Cela nous amène à débattre avec des vis-à-vis syndicaux et des groupes populaires du Canada, entre autres de notre vision du pays. Ils ont publié un livre très intéressant sur une approche autre que celle qu'on a connue au cours des dernières années. Ils font l'opération chaque année. D'ailleurs, il y a aujourd'hui une réunion à Ottawa sur cette question, et une des personnes qui devaient m'accompagner est là-bas.

Je termine en disant que pour nous, la priorité est le Transfert social canadien. Il s'agit de stimuler la croissance économique, de stimuler la croissance de l'emploi, mais certainement pas de réduire les impôts, sauf peut-être pour des clientèles à faible revenu ciblées, ce qui serait compensé par des apports d'impôt d'un autre niveau.

Pour ce qui est de la dette, nous n'y accordons pas une grosse priorité à condition que la croissance soit là. On sait que quand il y a croissance économique, le poids relatif de la dette s'atténue. Il faut se rappeler qu'après la Deuxième Guerre mondiale, notre dette était de plus de 100 p. 100 du PNB—à ce moment-là on parlait de PNB—et qu'il a fallu quelques années pour qu'elle disparaisse ou soit ramenée à un niveau tout à fait acceptable.

• 1155

S'il fallait que les choix passent par le remboursement de la dette au détriment de la croissance économique et de la croissance de l'emploi, on se tirerait dans le pied, comme on l'a fait avec la lutte contre l'inflation et la lutte pour le déficit zéro.

On est à un tournant et il serait important qu'on prenne la bonne direction pour les prochaines décennies.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup. Monsieur Beaulne.

M. Pierre Beaulne: Je vais aller un peu dans le même sens que les interventions de mes collègues. L'assainissement des finances publiques a exigé des sacrifices importants et, actuellement, menace carrément la viabilité de nos systèmes publics de santé et d'éducation.

S'il est une chose qui est une priorité majeure pour nous, c'est de réinjecter les fonds qui peuvent être disponibles, qui peuvent se dégager des marges financières dans ces domaines-là.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Bakvis, vous avez quelque chose à ajouter? Non? Alors, merci beaucoup.

Ceci marque la fin de cette table ronde. Merci beaucoup aux témoins. Nous allons ajourner jusqu'à 13 heures.