NRGO Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES AND GOVERNMENT OPERATIONS
COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 2 avril 1998
[Traduction]
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)): Avant de déclarer la séance ouverte, je voudrais mentionner aux membres que la seconde partie, en quelque sorte, de la réunion d'hier sur les travaux futurs du comité aura lieu le jeudi après l'ajournement. Le mardi, nous allons accueillir le ministre Goodale, c'est pourquoi nous poursuivrons notre discussion sur l'ordre du jour et sur les questions soulevées par Pierre, entre autres, le jeudi seulement.
Au même moment, nous allons aussi discuter... notre attaché de recherche va assister à la conférence sur le changement climatique qui aura lieu à Calgary dans la première quinzaine de mai et il se pourrait qu'au moins un membre du comité... Dave a dit qu'il avait prévu y aller. Donc, on pourrait envisager une organisation semblable, c'est-à-dire que ceux qui sont prêts à utiliser leurs points de voyage—c'est une conférence très importante—pourront bénéficier d'un remboursement des frais d'hôtel et d'une indemnité journalière. Dans ce cas-ci, il se pourrait qu'on défraie Dave et peut-être une autre personne des frais d'inscription à la conférence.
Ces questions seront soulevées à notre prochaine réunion sur nos travaux futurs, jeudi. Je suis certain que la majorité approuvera ces suggestions. Dans la mesure où, en tant que parlementaires, nous devons nous renseigner sur les questions importantes pour le comité, nous arriverons à faire un meilleur travail.
On vous a remis un document pour l'exposition-conférence sur la foresterie. Je vais envoyer à tous les membres une note pour demander des volontaires. Je sais maintenant que Darrel Stinson, probablement Roy et moi-même allons y aller, puis Yvon Godin aussi est intéressé. Vous avez mentionné René, peut-être. Nous n'allons pas fournir de services d'interprétation. René est-il bilingue? Nous n'y allons pas en tant que comité mais comme volontaires.
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Je comprends. Je vais lui demander. Je pense qu'il est probablement capable de comprendre. C'est plus facile que de parler.
Le président: Bon, d'accord. Nous allons essayer de prévoir un programme ensemble, même si c'est un voyage volontaire.
Nous allons maintenant commencer la réunion du 2 avril du Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales. Nous poursuivons notre étude des industries découlant du savoir et de la technologie dans le secteur des ressources naturelles. Nous avons déjà entendu des représentants du secteur énergétique, du secteur forestier et de l'industrie du bois. Nous avons aussi accueilli des fonctionnaires qui nous ont parlé un peu de la géomatique et des sciences de la terre.
Nous croyons que si l'avenir se trouve dans le savoir, il est important que les gouvernements—le gouvernement fédéral en ce qui nous concerne—fassent leur possible pour soutenir les efforts de l'entreprise privée afin que le Canada demeure un chef de file dans nombre de disciplines scientifiques et de domaines de connaissances, ou encore dans le secteur des ressources naturelles, celui qui nous intéresse.
Nous avons donc le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Ed Kennedy, le président de l'Association canadienne des entreprises de géomatique, et Robert McNutt, le président du Conseil Géoscientifique Canadien.
Messieurs, vous êtes peut-être accompagnés par des personnes que vous voulez nous présenter.
Je vais demander à M. Kennedy de commencer. Nous vous remercions d'être venus aujourd'hui.
M. Ed Kennedy (président, Association canadienne des entreprises de géomatique): Nous vous remercions de nous accueillir.
J'ai quelques transparents que j'aimerais utiliser. Je devrais peut-être aller en avant pour y installer notre matériel.
Le président: En passant, nos fonctionnaires ont tenu des propos très favorables sur les sciences de la terre et la géomatique. Il semble que le Canada soit un chef de file dans le domaine.
M. Ed Kennedy: Encore une fois, merci.
Bonjour, tout le monde. Malheureusement, comme mon français est très limité, je vais devoir vous parler en anglais seulement.
Comme vous l'avez dit, monsieur le président, mon confrère au gouvernement, M. Marc Denis Everell, vous a donné une introduction à la géomatique il y a environ un mois. Si je ne m'abuse, il a comparu devant le comité pour vous entretenir de l'activité gouvernementale dans le secteur.
• 1110
Je ne m'étendrai donc pas sur les définitions, si ce n'est
pour dire que la géomatique, en termes courants, c'est une
technologie utilisée pour rassembler des informations sur les
ressources et sur le terrain au moyen des technologies des
satellites, de cartographie et d'arpentage.
Je veux vous présenter le point de vue de l'entreprise privée sur les liens entre cette industrie de matière grise et le secteur des ressources, et aussi vous raconter l'histoire de quelques entreprises qui ont bien réussi dans notre secteur grâce à un partenariat gouvernement-industrie.
Pour vous permettre de relativiser, je vais vous donner des statistiques sur les entreprises privées en géomatique au Canada. Le secteur canadien de la géomatique compte environ 1 500 entreprises, presque toutes des PME, puisque plus de 95 p. 100 des entreprises dans le domaine comptent probablement moins de 50 employés. L'industrie emploie en tout quelque 21 000 personnes.
À l'heure actuelle, notre chiffre d'affaires est de l'ordre de 1,8 milliard de dollars par année et près du tiers de cette somme provient des exportations soit, en chiffres ronds, 500 millions de dollars canadiens. Dans notre secteur, les affaires s'internationalisent de plus en plus puisqu'on transige avec au- delà d'une centaine de pays.
Je vais vous dire quelques mots sur l'évolution de notre secteur. La géomatique a une histoire très ancienne et une solide tradition. Notre industrie remonte aux premières vagues d'exploration et de colonisation du Canada. D'ailleurs, Samuel de Champlain était un géomètre, un explorateur et donc l'un des créateurs de ce qu'on appelle maintenant la géomatique.
Je vais vous exposer quelques faits saillants de l'évolution de notre industrie. Après la Seconde Guerre mondiale, l'industrie a vraiment trouvé sa justification. Elle s'est développée très rapidement dans les années d'après-guerre pour se transformer en une industrie de calibre international. C'est à ce moment-là, à la fin des années 40 et au début des années 50, que les activités à l'étranger ont vraiment commencé dans notre secteur.
Le Canada est considéré comme le lieu d'invention d'une technologie fondamentale qui est le moteur et le pivot de notre industrie—le système d'information géographique ou SIG. C'est une technologie informatique qui consiste à gérer un très grand volume de données géographiques ou spatiales ou d'informations sur la localisation.
Le système a été inventé par Roger Tomlinson, un Canadien qui était d'ailleurs un fonctionnaire fédéral. La technologie a été utilisée la première fois pour dresser l'inventaire des terres du Canada au début des années 60. Elle a été déterminante par la suite pour le développement et la croissance du secteur de la géomatique.
Aujourd'hui, à la fin des années 90, on se concentre sur l'établissement de l'infrastructure canadienne des données géospatiales, qui se compose non seulement de la technologie nécessaire à l'utilisation des informations géomatiques—c'est-à- dire l'infrastructure de base pour les télécommunications et l'informatique—mais aussi de normes qui permettent l'échange d'informations entre organismes gouvernementaux, secteur privé et divers ordres de gouvernement, ainsi que leur utilisation pour concevoir des applications commerciales et permettre au secteur privé de faire des bénéfices.
Le gouvernement fédéral a un nouveau projet intergouvernemental passionnant qui a des ramifications dans tous les gouvernements provinciaux au Canada. Il s'agit de créer une voie d'accès, en quelque sorte, à l'autoroute de l'information pour notre secteur.
La géomatique constitue un très petit segment de l'économie, comme le montrent les statistiques, mais c'est néanmoins un secteur stratégique. La première chose à faire quand on veut mettre en valeur une ressource quelle qu'elle soit, planifier et construire une infrastructure des transports ou des télécommunications, ou encore entreprendre un projet d'ordre énergétique, c'est réunir toutes les informations élémentaires sur le terrain et sur les ressources qui s'y trouvent. C'est le rôle de la géomatique.
• 1115
Donc, la géomatique donne accès à une foule de débouchés sur
le marché international. On peut dire qu'elle signale des projets
beaucoup plus importants d'ingénierie, de construction,
d'aménagement énergétique, de foresterie, d'exploitation minière,
etc. C'est donc un secteur stratégique, une activité préalable à de
nombreux types de projets.
La compétitivité est la clé du succès dans notre secteur comme dans tous ceux de l'économie canadienne. Elle est tout à fait capitale pour l'avenir de notre industrie. Le marché mondial dans le secteur est de l'ordre de 15 milliards de dollars et sa croissance est rapide. Le taux de croissance annuelle est de 15 à 20 p. 100 et le Canada y occupe une place importante.
Pour pénétrer le marché international, il est indispensable de former des alliances stratégiques et des partenariats mais pas seulement entre entreprises canadiennes. Nous avons beaucoup travaillé cet aspect. Un grand nombre de nos PME ont formé entre elles des alliances stratégiques, des partenariats et des consortiums, mais elles en ont formé aussi avec des entreprises étrangères, car c'est on ne peut plus essentiel pour brasser des affaires à l'échelle internationale.
Le rapport entre secteur public et secteur privé au Canada est primordial pour nous. Les partenariats industrie-gouvernement sont essentiels à la pénétration des marchés, puisque le secteur public, surtout dans les pays en développement, représente environ 70 p. 100 des débouchés internationaux; autrement dit, on travaille pour des gouvernements. Donc, nos partenaires du secteur public au Canada jouent un rôle très important en nous ouvrant les portes. Nous avons eu énormément de succès à ce chapitre. Marc Denis vous en a peut-être parlé dans son exposé.
Mais ça ne suffit pas toutefois. Le gouvernement peut aussi jouer un rôle dans la réalisation des projets par l'entremise de ses experts ou spécialistes. Nombre des débouchés internationaux que nous visons avec le secteur public des pays en développement nécessitent l'établissement d'institutions et le transfert de technologies. De plus, nombre des experts dont on a besoin dans nos équipes de projet sont des fonctionnaires. D'ailleurs, il nous est arrivé souvent de former des équipes d'experts provenant à la fois du secteur public et du secteur privé.
Sur la scène internationale, nos coûts nuisent à notre compétitivité. Nos frais sont trop élevés. Nos salaires sont trop élevés. La valeur du dollar canadien est évidemment un avantage majeur pour nous en ce moment, mais le marché est extrêmement concurrentiel.
Deux ou trois désavantages outre les coûts jouent contre nous, notamment le fait que nombre de nos principaux concurrents— quelques-uns des pays européens clés, l'Australie et certains pays scandinaves—se servent du financement pour gagner des contrats alors qu'on ne peut pas offrir les mêmes conditions. Ils se servent de leurs programmes d'aide extérieure pour profiter de certaines opportunités dans des cas où le Canada n'est pas compétitif puisqu'il ne peut pas offrir ce financement complémentaire.
Nous, on doit faire valoir la supériorité de notre technologie et de notre expertise. Il est primordial d'être à la pointe et parfois même à la «fine» pointe de la technologie si l'on veut réussir à l'étranger. C'est pourquoi le gouvernement a un rôle si important à jouer.
Comment le gouvernement peut-il nous aider? Quel est le rôle du gouvernement dans notre secteur?
Il y a quatre domaines sur lesquels je voudrais me concentrer. J'ai déjà mentionné le projet qui est en voie de réalisation au Canada, un partenariat entre secteur public et secteur privé pour établir l'infrastructure canadienne des données géospatiales. C'est l'une des facettes du rôle important que le gouvernement peut jouer.
• 1120
L'infrastructure de l'économie de matière grise est comparable
à celle de l'économie postindustrielle—par exemple,
l'infrastructure des transports. Pour arriver à un système de
transport moderne, il a fallu transformer nos réseaux routiers très
élémentaires en réseaux d'autoroutes modernes, intégrés et
nationaux pour permettre le déplacement des biens et des services.
Nous avons besoin du même genre d'infrastructure de
télécommunication, des mêmes normes, des mêmes accès faciles à
l'économie de matière grise pour permettre l'exploitation et
l'utilisation de cette technologie.
Cette initiative vise à faire sauter l'un des obstacles à l'expansion de l'industrie au Canada, en permettant un accès plus facile, plus rapide, plus pratique aux données que possède le secteur public au Canada. Le secteur public au Canada est une mine incroyable d'informations géomatiques et il est possible de mettre au point des applications commerciales ici même à partir de cette infrastructure de données fondamentales. À condition d'y avoir accès.
L'infrastructure canadienne des données géospatiales est censée procurer cet accès après étude des politiques qui empêchent d'avoir accès aux données, etc. Le gouvernement peut donc jouer un rôle de premier plan en mettant ces données à la portée de l'industrie pour qu'elle développe au Canada des applications qui pourront être exportées dans le monde entier.
Le gouvernement participe à l'avancement des sciences et au développement de la technologie. Le secteur lui-même a lancé une initiative dans le cadre du programme des réseaux de centres d'excellence, un programme fédéral. La géomatique est l'un des 11 secteurs en lice pour l'établissement d'un nouveau réseau de centres d'excellence. Seulement trois seront choisis en septembre prochain. Donc, la géomatique est l'un des 11 secteurs qui rivalisent dans l'espoir d'obtenir une subvention pour un RCE. Ça contribuera énormément à la compétitivité de l'industrie, parce qu'on fait le commerce de notre excellence en technologie.
De plus, les technologies mises au point dans la fonction publique ont été déterminantes pour le développement d'entreprises privées canadiennes de géomatique. La firme MacDonald Dettwiler and Associates Ltd., qui est basée à Vancouver, en est un exemple bien connu. C'est une entreprise en systémique qui a grandi grâce à l'aide d'une des organisations qui relèvent de M. Everell, le Centre canadien de télédétection. MacDonald Dettwiler and Associates est maintenant une société de classe internationale. Elle a vu le jour grâce à l'aide financière et aux transferts de technologies des laboratoires gouvernementaux dans les années 70.
Une entreprise de Toronto appelée PCI Enterprises Inc. est un autre exemple. C'est l'un des principaux fournisseurs mondiaux de logiciels pour analyser et créer des produits d'information à partir de la technologie d'imagerie spatiale. C'est aussi le transfert de maintes technologies du Centre canadien de télédétection qui a donné à cette entreprise un rôle de premier plan.
J'ai dit que le gouvernement pouvait aider l'industrie à trouver des débouchés à l'étranger. Les liens qui se tissent entre gouvernements sont d'une importance capitale pour l'accès à ces débouchés.
Enfin, le gouvernement peut continuer d'être un client exigeant des produits et services de notre industrie. Nous avons bénéficié d'un immense appui grâce à la sous-traitance et aux transferts technologiques. C'est un rôle très important. Si nous sommes parmi les meilleurs au monde en technologie, c'est parce que nous avons au Canada une clientèle très exigeante dont le gouvernement fédéral fait partie.
Je veux vous dire un mot sur trois des projets qui démontrent la puissance d'un partenariat entre secteur privé et secteur public.
Le premier, c'est RADARSAT International. M. Everell ou quelqu'un d'autre vous a probablement parlé de l'une des grandes réussites du programme spatial canadien, la construction d'un satellite baptisé RADARSAT. C'est une technologie qui consiste à former des images de la terre 24 heures sur 24 et qui est très utile dans les Tropiques, notamment, parce qu'elle traverse la couverture nuageuse qui complique la collecte d'informations dans les régions tropicales.
RADARSAT International est une entreprise privée qui a été fondée il y a deux ans par quatre autres entreprises dans le dessein de former un partenariat avec le gouvernement fédéral pour commercialiser cette technologie. C'est une très grande réussite. Ça montre le pouvoir de la coopération entre le gouvernement et le secteur privé.
• 1125
RADARSAT a investi dans le programme de satellites et obtenu
en retour les droits de distribution de cette technologie dans le
monde entier. Il existait un marché international en croissance
dans l'exploitation des richesses naturelles. Cette technologie est
donc utilisée pour l'exploration minière, par exemple, afin de
repérer les endroits où l'exploitation serait possible et où les
géologues et les géophysiciens doivent donc concentrer leur
exploration.
La technologie a été largement utilisée lors de deux récentes catastrophes naturelles qui se sont produites au Canada: l'inondation du printemps dernier au Manitoba et la tempête de verglas dans la région, en janvier. Elle a servi à contrôler, à mesurer pour aider les organisations de secours à planifier leurs activités et à prévoir où l'eau allait monter, dans le cas de l'inondation.
Est-ce qu'il me reste encore du temps, monsieur le président?
Le président: Votre temps est écoulé depuis longtemps.
M. Ed Kennedy: Très bien, je vais accélérer.
Le deuxième exemple est un partenariat entre un autre groupe d'entreprises et le gouvernement du Manitoba, baptisé LINNET Geomatics International. Cette société a pour mission d'établir cette infrastructure au Manitoba. C'est un partenariat exclusif. D'ailleurs, le gouvernement est un actionnaire de LINNET Geomatics International qui s'est servi de ce qu'elle a élaboré pour la province comme tremplin vers le marché international. Elle exporte donc avec succès vers les États-Unis et l'Amérique latine en particulier.
Le troisième et dernier exemple, c'est une entreprise de Toronto qui s'appelle TERANET Land Information Services. C'est un partenariat vraiment unique. Un important groupe d'entreprises privées et le gouvernement de l'Ontario se sont associés moitié- moitié pour automatiser le régime d'enregistrement foncier de l'Ontario. On a donc privilégié une fois de plus le partenariat. TERANET est un réseau informatique qui diffuse ces informations et développe des produits à valeur ajoutée. Ses premiers succès au Canada lui ont servi de base pour ses projets internationaux en Amérique latine, dans les Antilles et dans plusieurs pays d'Europe et d'Asie.
En conclusion, le Canada est reconnu comme un chef de file en géomatique. On peut proposer des solutions globales aux problèmes dans un large éventail d'applications commerciales pour le secteur des ressources naturelles, des forêts, des mines. On travaille dans le monde entier en coopération avec des entreprises canadiennes oeuvrant dans ces secteurs.
Nous nous efforçons d'accroître notre compétitivité sur le plan international et d'améliorer notre partenariat avec le gouvernement fédéral, en particulier avec l'organisation de M. Everell, le secteur des sciences de la terre, qui est d'une importance cruciale pour notre travail. Le gouvernement a plusieurs rôles à jouer pour aider l'industrie, je vous en ai déjà parlé. On a conclu des partenariats assez innovateurs—je dirais même des solutions sans précédent—entre le secteur privé et le secteur public au Canada pour promouvoir l'utilisation de cette technologie et acquérir l'expertise nécessaire pour la commercialiser dans le monde entier.
Encore une fois, je vous remercie de m'avoir écouté et je m'excuse d'avoir débordé la période qui m'était allouée.
Le président: Merci, monsieur Kennedy.
Nous allons demander à Robert McNutt du Conseil Géoscientifique Canadien de présenter son remarquable invité.
M. Robert McNutt (président, Conseil Géoscientifique Canadien): Merci, monsieur le président.
Effectivement, sans plus attendre, je vous présente M. Denis St-Onge. M. St-Onge est l'ancien président du Conseil Géoscientifique Canadien, mais il est toujours président de la Société géographique royale du Canada. Il est l'un des plus éminents scientifiques canadiens dans le domaine de la science des terrains, surtout dans l'Arctique. Il est ici ce matin à la fois pour s'assurer que je présente correctement la position du CGC et pour vous faire profiter de sa propre expertise.
Le président: Il a aussi été décoré de l'Ordre du Canada.
M. Robert McNutt: Vous avez tout à fait raison.
M. Denis A. St-Onge (président, Société géographique royale du Canada): Merci, monsieur le président.
M. Robert McNutt: Le Conseil Géoscientifique Canadien est une organisation cadre qui représente plusieurs sociétés différentes: des sociétés professionnelles, des sociétés scientifiques, des organisations plutôt concentrées dans le secteur minier, dans le secteur pétrolier ou dans le domaine environnemental et ainsi de suite. Nous représentons toute la gamme des sciences de la terre.
En ce qui concerne mes antécédents personnels et mon emploi actuel, je suis professeur à l'Université de Toronto. J'occupe un poste administratif. Je suis géologue de formation avec spécialité en géochimie. Je vous avertis tout de suite que ça risque de teinter certains de mes propos.
• 1130
Je vais vous raconter l'histoire de quelques réussites. L'une
des plus grandes réussites connues ces dix dernières années au
Canada, c'est celle de Lithoprobe. Il s'agit d'une initiative
conjointe du gouvernement fédéral, de l'industrie et des
universités pour mapper en trois dimensions dix coupes
transversales très détaillées de l'écorce terrestre au Canada. Le
projet a commencé en 1984 et a exigé la participation de plus de
750 scientifiques et de plusieurs entreprises privées; il a donné
lieu à plus de 900 publications scientifiques et il a fourni et
continue de fournir un ensemble de données extraordinaires pour le
Canada et le monde entier. Denis allait distribuer de la
documentation sur cette organisation.
C'est vrai qu'à la base, c'est un projet de recherche pour comprendre les connaissances fondamentales sur l'écorce terrestre, mais il a fait découvrir au secteur minier de nouvelles possibilités d'exploration au Canada. En ce qui concerne les risques pour l'environnement, nous comprenons maintenant beaucoup mieux les risques de tremblements de terre pour la côte Ouest à cause des mouvements des plaques tectoniques, et c'est grâce à cette étude extrêmement détaillée.
Ce projet est reconnu mondialement comme l'un des plus grands jamais entrepris et Lithoprobe est donnée en exemple dans le monde entier pour sa façon d'aborder un mégaprojet regroupant tous les secteurs d'activités. Les données qui ont été rassemblées et qui continueront de l'être si le gouvernement décide de subventionner les derniers projets qui viennent d'être présentés, constituent un ensemble extraordinaire dont le monde entier pourra se servir, et en particulier le Canada, pour essayer de mieux comprendre notre planète et la façon d'en extraire ses ressources.
Il y a un autre projet, international celui-là, auquel le Canada participe; c'est un programme de sondage des fonds marins— PSFM—en sciences de la mer. Il consiste à étudier les fonds marins et les plateaux continentaux. Vous savez que nous sommes un grand pays maritime bordé par la mer sur trois côtés. Au début, on voulait acquérir des connaissances de base, mais comme toujours, la recherche fondamentale alimente l'entreprise privée qui commence à mieux comprendre certaines choses, en particulier si elle veut forer dans des zones pétrolières et gazières du plateau continental.
Les ressources aquifères, c'est un autre domaine dans lequel le Canada a été un chef de file et continue de l'être. J'ai parfois l'impression que les Canadiens n'accordent pas assez d'importance à l'eau comme ressource. C'est probablement parce qu'il y en a beaucoup à la surface de notre pays mais, néanmoins, dans nos villes, la qualité de l'eau potable fait problème.
Laissez-moi vous donner un exemple. À l'Université de Waterloo, les retombées technologies de recherches menées sur la façon de traiter les déchets organiques sur place, sous la surface de la terre, ont donné naissance à deux entreprises privées. Au lieu d'essayer d'extraire ces matières de la terre, on a mis au point une méthode qui permet de les décomposer sur place. On a donc formé une entreprise et la technologie est exportée dans le monde entier. L'entreprise a déjà d'importants contrats aux États-Unis et en Allemagne.
Il y a aussi le fait que les ressources aquifères constituent un domaine très complexe qui exige une modélisation mathématique extrêmement compliquée nécessitant l'utilisation des ordinateurs les plus puissants. Et pourtant, certains de ces modèles mettent à rude épreuve même les ordinateurs les plus puissants. C'est donc un domaine de très haute technologie qui ne peut que se développer encore et qui aura besoin de plus d'investissements. Il faut surveiller ce secteur de très haute technologie.
Dans le secteur de la géophysique d'exploration, le Canada est un chef de file depuis longtemps. L'industrie est établie surtout dans la région de Toronto pour les mines et de Calgary pour le pétrole. Quand on assiste au congrès annuel des prospecteurs et entrepreneurs qui a lieu en mars, à Toronto, et qu'on voit le grand nombre de petites entreprises canadiennes ou basées au Canada qui ont mis au point toutes sortes de techniques d'exploration minière et autres, on constate la très grande qualité du travail effectué par des gens qui ont été formés dans des universités canadiennes et qui ont appliqué la technologie dans l'entreprise privée.
• 1135
Toutefois, depuis dix ans, on commence à perdre notre avance.
L'Australie semble le nouveau chef de file dans le secteur de
l'exploration géophysique. Nous sommes encore globalement en tête,
mais nous perdons lentement mais sûrement du terrain. Il semble que
le gouvernement australien ait décidé de se donner pour politique
nationale de mettre l'accent sur le secteur des ressources
naturelles.
Mon collègue vous a parlé des centres d'excellence nationaux en géomatique au Canada. En Australie, il y a trois ou quatre centres pour les ressources naturelles. Le gouvernement travaille donc en très étroite collaboration avec le secteur privé là-bas.
Enfin, je vous donne un dernier exemple qui nous ramène à la collecte de données géophysiques dans le secteur des sciences maritimes. Certaines des techniques que des géophysiciens sont en train de mettre au point à lÂUniversité Memorial de Calgary et ailleurs ont produit des ensembles de données compliqués et époustouflants. On peut prévoir pour l'avenir que, dans ces secteurs du domaine des sciences de la terre, on pourra obtenir un très grand nombre de séries de données fort compliquées qui devront être analysées. Pour ce faire, il faudra des ordinateurs très haut de gamme, ainsi que de la modélisation mathématique et de la visualisation sophistiquées.
On entendra parler de plus en plus de la façon de traiter ces ensembles de données afin qu'on puisse arriver à les comprendre. Il faudra non seulement des modèles mathématiques transformés en programmes informatiques qui marchent, mais aussi de la visualisation et de l'animation. Souvent, quand on parle d'animation, on pense aux dessins animés du samedi matin, mais l'animation, c'est la technique qui permet de voir les données parce que l'oeil humain est relié au cerveau et que c'est là qu'on comprend ce qui se passe.
Voilà donc deux ou trois exemples de ce qui arrive au Canada. Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur. Le Canada est un chef de file dans le secteur des ressources naturelles. Je dirais que la Commission géologique du Canada, par exemple, a été reconnue dans le passé comme l'une des deux ou trois meilleures commissions géologiques au monde pour la qualité du travail qu'elle a effectué et la façon dont elle a produit des données dont les Canadiens se servent. D'ailleurs, quand les Canadiens assistent à des colloques internationaux sur les sciences de la terre, ils se classent parmi les meilleurs. Ils font beaucoup de communications et on leur demande souvent conseil.
Voilà ce que je voulais vous dire. Je demanderais maintenant à M. St-Onge d'ajouter quelques observations.
[Français]
M. Denis St-Onge: Je m'adresserai à vous en français et vous donnerai trois exemples.
Le premier exemple s'inscrit dans le sens des propos qu'on vient de tenir sur le rôle de la Commission géologique du Canada et démontre son impact sur l'industrie. Récemment, pendant trois étés, la Commission géologique du Canada a poursuivi un projet dans le sud de Baffin. Cette carte géologique qu'avaient produite les scientifiques du gouvernement et qui avait simplement pour but de mieux nous faire connaître cette partie du Canada a suscité tellement d'intérêt auprès des compagnies qu'on a investi, l'année dernière et cette année, plusieurs millions de dollars pour explorer le potentiel minier de la région d'Iqaluit.
Deux autres exemples récents présentent un intérêt certain pour nous tous, notamment la découverte des diamants dont tout le monde a entendu parler et les hydrates de gaz. Les hydrates de gaz sont essentiellement un gaz qui est gelé. C'est comme de la glace. Ils suscitent toutefois un intérêt énorme. Un rapport du United States Geological Survey publié il y a un an dit ceci:
[Traduction]
-
Selon des estimations prudentes, la quantité de carbone trouvée
dans les hydrates de gaz du monde entier serait deux fois plus
élevée que celle trouvée dans toutes les réserves connues de
combustible fossile sur la terre.
[Français]
C'est une estimation conservatrice; la quantité est peut-être plus élevée. Cette découverte intéressante a été faite à la suite de la prospection du pétrole dans le delta du Mackenzie. Je généralise ce qui s'est passé, mais c'est à peu près ainsi. Lorsqu'on faisait du forage pour l'exploitation du pétrole, on considérait que les hydrates de gaz étaient des nuisances. On s'est cependant rendu compte qu'il y avait beaucoup d'hydrates de gaz et que cela pouvait être intéressant comme solution de rechange au gaz naturel.
• 1140
Au moment où on se parle, les Japonais qui, comme tout
le monde le sait, sont pauvres en hydrocarbures,
sont extrêmement intéressés par cette
découverte. Les hydrates de gaz se retrouvent
dans les endroits où le sol est gelé,
essentiellement dans le nord
du Canada et dans les fonds marins, où il fait aussi très
froid.
Les Japonais émettent l'hypothèse que leurs
fonds marins renferment peut-être des hydrates de gaz.
Il serait toutefois extraordinairement coûteux
d'aller y faire le forage. Comme la
technologie n'est pas au point, ils ont décidé de venir
faire des forages dans le delta du Mackenzie, au Canada.
Ce projet est financé par un consortium extraordinaire
qui regroupe le gouvernement canadien, plusieurs
compagnies canadiennes, 10 compagnies japonaises et
l'United States Geological Survey. C'est
essentiellement le Japon qui s'acquitte des dépenses.
On veut procéder à cette exploration ici parce
qu'il est plus facile de faire
des forages à partir de la surface. On veut voir dans quelles
conditions ce gaz se présente et quelle serait la
meilleur méthodologie pour son extraction. Il s'agit
ici d'un exemple extraordinaire, actuel et courant d'un transfert de
technologie canadienne dans le monde.
Je parlerai brièvement d'un autre transfert de technologie dans le cadre de la découverte des diamants. La découverte de diamants au Canada est une chose bizarre. Il y a longtemps qu'on en cherche. On en avait trouvé dans le sud de l'Ontario, dans des débris de matériel transportés par les glaciers, mais on ne savait pas d'où ils venaient. C'était un problème qu'il fallait résoudre. Le Canada ayant déjà été recouvert par les glaces, les débris et les roches des glaciers ont été transportés un peu partout. Nous connaissons depuis longtemps, grâce aux études qu'ont faites les scientifiques du gouvernement et ceux des universités canadiennes, les directions dans lesquelles ces glaciers se sont déplacés. On peut ainsi savoir si les débris qu'on retrouve contiennent des minerais intéressants. On peut les retracer vers la source. C'est ce qu'on appelle en anglais mineral tracing. Ces études ont été poursuivies pour des intérêts purement académiques, que ce soit dans le monde universitaire ou au gouvernement canadien.
Un individu un peu plus intelligent que les autres s'est dit que s'il y avait des diamants au Canada, il pourrait les trouver grâce à cette méthode. Le problème auquel on faisait face, c'est que les diamants se trouvent dans une roche très tendre que les glaciers ont érodée, qu'on trouve toujours les kimberlites des diamants en dessous des lacs et qu'on ne les voit pas en surface. Cet individu a donc fait ce traçage à partir des minéraux indicateurs au nord de Yellowknife. Il a finalement rétréci l'éventail qu'il avait obtenu et déterminé que s'il y avait des diamants quelque part, c'était dans la région du lac de Gras. C'est ainsi qu'on a découvert des diamants.
Encore une fois, c'est un transfert de technologie qui émane des efforts du gouvernement canadien et de la recherche faite dans les universités et en grande partie—pour aller plus loin que mon collègue—par des étudiants diplômés.
Puisque j'ai passé 10 années de ma carrière à l'Université d'Ottawa, j'aimerais profiter de cette occasion pour souligner l'apport important des étudiants diplômés dans le domaine de la recherche.
J'aimerais aussi souligner que la recherche dans l'Arctique canadien n'a été possible que grâce à un seul organisme: le Polar Continental Shelf Project, ou l'Étude du plateau continental polaire, projet qu'on a mis sur pied en 1959. J'ai participé à la première année de cette étude et me suis rendu en Arctique. Cet organisme avait précisément pour but de fournir de l'aide logistique à la recherche dans tous les domaines, tant dans les universités qu'au gouvernement. Malheureusement, à la suite de réductions budgétaires et peut-être en raison d'une administration qui laisse à désirer, cette étude est en train de mourir sur la vigne.
Si le Canada désire continuer à assumer la responsabilité de son territoire dans l'Arctique, il ne pourra le faire que si cet organisme continue d'être efficace. S'il n'est pas possible que cet organisme continue d'exister avec sa structure actuelle, il faudra qu'on songe à le restructurer. Merci, monsieur le président.
[Traduction]
M. Robert McNutt: Pour conclure, je crois que nous, les Canadiens, nous possédons une grande partie du globe. Nous avons un pays immense mais faiblement peuplé. Nous avons donc le devoir et l'obligation de continuer à utiliser nos ressources avec sagesse et d'investir collectivement dans nos ressources.
Je vous remercie.
Le président: Merci. Vous avez tous fait des observations fascinantes.
Nous allons passer aux questions. Monsieur Chatters, s'il vous plaît.
M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais revenir sur un sujet qui a été soulevé à maintes reprises dans le cadre de notre étude et à d'autres occasions aussi. C'est celle des droits de propriété intellectuelle et du rendement du capital investi dans la propriété intellectuelle.
Je ne nie absolument pas la valeur du développement technologique réalisé au Canada et des avantages que ça apporte et apportera aux industries canadiennes dans le secteur des ressources. Mais quand l'exploitation d'une technologie est confiée au secteur privé et que des entreprises privées l'exploitent lucrativement dans le monde entier, parce que c'est le but de l'entreprise privée... Vous avez même laissé entendre qu'une partie de votre équipe du secteur privé se compose de fonctionnaires fédéraux.
Je continue donc de croire qu'il faut régler cette question. Les contribuables financent la mise au point d'une technologie qui est ensuite exploitée par l'entreprise privée. Quel rendement en tirent les contribuables canadiens si le fruit des investissements est exploité à l'étranger? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Ed Kennedy: Je peux répondre en premier. En fait, il existe une politique et une pratique assez bien établies, je dirais, sur la licenciation de la propriété intellectuelle mise au point par des fonctionnaires pour le secteur privé.
Les deux entreprises que j'ai mentionnées en sont d'ailleurs deux bons exemples. MacDonald Dettwiler and Associates et PCI ont toutes deux des contrats de licence avec le Centre canadien de télédétection. Donc, les redevances tirées de l'utilisation de la technologie mise au point par des fonctionnaires sont versées au gouvernement.
Le Centre a un mécanisme appelé fonds renouvelable et une partie des redevances et des honoraires facturés par le gouvernement pour les fonctionnaires qui font partie des équipes de projet—d'ailleurs, le gouvernement pratique les taux du marché— est versée dans ce fonds pour être réinvestie dans le développement de nouvelles technologies. On trouve que c'est une excellente formule.
Nous sommes d'accord avec vous... Je suis certain que les membres de mon association soutiendraient que les redevances sont trop élevées, comme les recettes. Ils présentent toujours cet argument lors des négociations, mais je crois qu'ils conviendront avec vous que c'est un investissement des contribuables canadiens et qu'ils doivent en tirer un rendement.
M. David Chatters: Si ça existe, qu'est-ce qui empêche d'avoir accès à la banque de données ou aux connaissances du gouvernement dont vous avez parlées dans votre exposé? Quel est le problème?
M. Ed Kennedy: D'accord. Il faut faire la distinction entre le logiciel et les données. Le logiciel est licencié et il est utilisé pour faire des affaires. Quant aux données elles-mêmes, il y a la question de leur coût. À nos yeux, c'est une question de rentabilité. Je pense qu'il y a aussi un problème de volume. Le véritable obstacle maintenant, c'est les restrictions techniques et bureaucratiques de l'accès aux données.
Le problème est dû en partie au fait qu'aucune norme n'a été établie pour permettre aux entreprises privées, et d'ailleurs aux organismes gouvernementaux, d'échanger des données, d'extraire facilement des données de différentes sources pour les rassembler et s'en servir dans une application particulière.
Donc, l'initiative dont j'ai parlé consiste entre autres à élaborer des normes pour s'assurer que les données sont compatibles et peuvent être utilisées. Voilà pour le problème d'accès.
Il y a une variété de méthodes utilisées par le secteur privé pour avoir accès aux données du gouvernement. Ça dépend des liens contractuels qui régissent la fourniture des données au secteur public et leur utilisation. À mon avis, cet aspect n'a pas évolué aussi rapidement que la politique et la pratique sur la licenciation des logiciels. Mais c'est un autre volet de cette initiative qui devra harmoniser les contrats de base des différents organismes. Ainsi, qu'une entreprise fasse affaire avec Statistique Canada, Ressources naturelles Canada ou Environnement Canada, elle sera toujours sujette aux mêmes conditions et pourra traiter toutes les données de la même façon. Ce sera plus facile et plus pratique d'avoir accès aux données et de s'en servir.
M. David Chatters: Ça comprend donc la question du droit d'auteur et...
M. Ed Kennedy: Certainement. Le secteur privé privilégie le modèle américain qui est unique au monde. Selon ce modèle, les données du secteur public sont accessibles à toute entreprise privée sans la moindre restriction. Ça donne d'ailleurs un avantage à nos concurrents américains sur le marché.
Mais nous avons reconnu que le droit d'auteur était la norme au Canada. Donc, ce qui reste à régler maintenant, c'est le prix de l'utilisation des données. Si l'on arrive à régler les autres problèmes d'accès, je pense que le volume d'utilisation va grimper en flèche et le coût des données à l'octet va chuter.
Le président: Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur McNutt?
M. Robert McNutt: Oui. Je comprends que vous soyez préoccupés par l'importance de l'investissement des contribuables canadiens dans l'obtention des données. Mais notre secteur privé est un système trop compliqué pour qu'il soit facile de calculer le rendement à long terme des contribuables. À mon avis, si les données sont mises à la disposition des entreprises pour qu'elles en profitent en fassent ce qu'elles veulent, notre société bénéficiera à long terme des retombées. Malheureusement, n'étant pas économiste, je ne peux pas le démontrer.
Il faut aussi se rappeler que, comme Canadiens, on a accès aux bases de données des autres pays et on peut les incorporer dans nos études. Je suis un partisan du modèle américain, dont il vient de parler, parce que si l'on pouvait amener des économistes à s'atteler à cette tâche, c'est-à-dire en évaluer les vrais avantages pour nous, je pense que les contribuables seraient satisfaits.
M. David Chatters: Ce serait effectivement intéressant.
M. Denis St-Onge: Oui, j'ai quelque chose à ajouter. Dans le secteur des sciences de la terre, les retombées ne sont pas organisées comme en géomatique. Elles ont tendance à être immédiates plutôt qu'ultérieures. Lithoprobe est un bon exemple de consortium formé par le gouvernement fédéral, des entreprises privées et des organismes subventionnaires comme le CRSNG pour mettre en commun les informations, dans lequel chacun verse une contribution dès le départ.
C'est vrai aussi en géophysique aéroportée. Ça marche comme ça depuis de nombreuses années et les entreprises l'ont remarquablement bien accepté. Par exemple, il y a quelques années, des entreprises canadiennes de géophysique, des entreprises privées, des compagnies d'exploration pétrolière ont remis à la Commission géologique du Canada toutes les données géophysiques qu'elles avaient accumulées pendant des décennies dans l'Arctique, afin que tout le monde—les professeurs, le secteur privé, tout le monde—puisse y avoir accès. C'est le modèle qu'on a tendance à suivre dans le secteur des sciences de la terre plutôt que les droits d'auteur et tout le reste.
M. David Chatters: Merci.
Le président: Carmen, suivi de Pierre.
M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): J'ai plusieurs questions à poser, mais je vais m'en tenir au temps qui m'est alloué, monsieur le président.
Monsieur Kennedy et monsieur McNutt, je vous remercie pour vos exposés. Vous représentez deux groupes qui sont très engagés dans le secteur géoscientifique.
Monsieur Kennedy, savez-vous s'il y a des débutants parmi les géoscientifiques, les techniciens géoscientifiques ou les géotechniciens, je ne sais pas comment vous les appelez. Est-ce qu'il y a assez de débutants? Êtes-vous au courant?
M. Ed Kennedy: La réponse à votre question n'est pas simple. De façon générale, à l'échelle du pays, je dirais qu'il n'y a pas encore de problèmes d'offre, mais dans certaines régions en particulier—et je suppose que jusqu'à tout récemment, étant donné la chute des cours du pétrole, Calgary et Edmonton étaient deux de ces régions—il y avait une grave pénurie, non seulement au niveau des débutants, mais aussi à d'autres niveaux dans l'industrie.
• 1155
En général, je pense qu'on a un bassin suffisant dans
l'industrie. Le problème qu'on commence à avoir, ce n'est pas tant
au niveau des débutants ou des techniciens, mais certainement au
niveau universitaire, parce que nombre de nos sujets les plus
brillants et les meilleurs s'établissent chez nos voisins du sud.
Bien entendu, le problème ne touche pas uniquement notre secteur,
mais l'ensemble de la haute technologie. Il y a bien des
explications, mais depuis deux ou trois ans au moins, il y a quatre
universités surtout qui décernent des diplômes dans notre
discipline et tous les diplômés sont courtisés par les États-Unis.
Ce sont des institutions de calibre mondial qui forment
d'excellents spécialistes. L'industrie américaine le sait et elle
recrute activement au Canada. On a donc été témoin du départ de nos
plus grands cerveaux, surtout vers les États-Unis.
M. Carmen Provenzano: Donc, je suppose que ça veut dire que nous sommes les meilleurs dans le domaine de la formation géoscientifique et géotechnique.
M. Ed Kennedy: C'est vrai.
M. Carmen Provenzano: J'ai une question corollaire à laquelle vous voudrez peut-être répondre.
Nous avons entendu un certain nombre d'exposés sur la géomatique et les géosciences, qui ont tous été vraiment intéressants. En tant que membre du comité, je n'étais absolument pas au courant de l'étendue du secteur, mais maintenant que je le sais, je constate que cette science s'est développée au point où elle se fragmente en plusieurs spécialités.
M. Ed Kennedy: Effectivement.
M. Carmen Provenzano: Alors, ma question c'est: est-ce que les cours qui sont donnés ici sur les spécialités à l'intérieur de cette discipline sont bons? Si nos jeunes veulent faire des études dans cette discipline scientifique, et en particulier dans ses spécialités, est-ce qu'ils peuvent le faire aujourd'hui ou est-ce qu'il faut apporter des modifications quelconques aux études postsecondaires?
M. Robert McNutt: Vous venez de poser à un professeur d'université une question qui lui tient beaucoup à coeur et mon collègue a lui aussi été professeur à l'université.
Il y a environ un an, le Conseil Géoscientifique Canadien a rédigé un mémoire pour une conférence des ministres des Mines afin de leur faire part de notre inquiétude devant les compressions imposées aux départements de sciences de la terre dans les universités canadiennes, à la suite des réductions budgétaires dont toutes les universités au pays ont été victimes.
À la même époque, nous avons aussi publié un autre document intitulé Future Challenges and Trends in the Geosciences in Canada, dans lequel on indique la nécessité d'étendre la formation, d'élargir sa base. Le dilemme en ce moment, c'est qu'il faut d'une part améliorer la formation alors que, d'autre part, il y a des compressions et pas assez de nouveaux professeurs engagés pour former les étudiants.
Les inscriptions aux programmes de géologie et de sciences de la terre ont diminué. Elles ont plafonné, mais elles recommencent maintenant à augmenter parce que le marché du travail est plus favorable, surtout pour les géoscientifiques qui ont une solide formation en mathématiques et en informatique. C'est pour eux que la demande augmente. Ceux qui ont cette formation sont recrutés sans tarder par les Américains.
Les dernières années ont été ardues. Nous demeurons inquiets et c'est pourquoi nous avons rédigé un mémoire. Si vous en voulez une copie, je vous en donnerai une avec plaisir.
Le président: J'en voudrais une.
M. Carmen Provenzano: Je pense que ce renseignement est tout à fait pertinent pour l'étude de notre comité, monsieur McNutt, et je trouve personnellement que nous devrions nous concentrer sur ces questions et essayer de proposer des solutions.
M. Robert McNutt: Je vous enverrai une copie du mémoire plus tard parce qu'il faudra faire une mise à jour. Il date de l'an dernier et je crois pouvoir y ajouter des informations.
M. Carmen Provenzano: Les deux documents? Vous en avez mentionné deux.
M. Robert McNutt: Oui, certainement. L'autre est une publication de Géoscience Canada et il traite de ces questions en profondeur.
M. Carmen Provenzano: J'ai une autre question. Est-ce qu'il me reste encore du temps?
Le président: Oui.
M. Carmen Provenzano: C'est une question connexe. C'est au sujet du niveau de financement de la R-D. Pouvez-vous en parler? Quel était le niveau de financement avant et quel est-il maintenant? Était-il suffisant? Est-il suffisant aujourd'hui? Qu'est-ce qu'il faudrait recommander?
M. Robert McNutt: Non, pas du tout.
M. Carmen Provenzano: Eh bien, parlez-nous-en. D'après moi, notre comité devrait présenter tous ces renseignements.
M. Robert McNutt: La R-D dans les universités est presque entièrement financée par le CRSNG, un organisme subventionnaire fédéral. Les subventions du CRSNG ont été réduites depuis quelques années. On vient tout juste d'augmenter le budget de cette année pour le porter à son niveau de 1994.
• 1200
La capacité de subventionner adéquatement nos jeunes
scientifiques... Je me préoccupe surtout des jeunes scientifiques,
parce que les plus âgés peuvent trouver des fonds ailleurs, dans
l'entreprise privée, etc. C'est l'avenir des jeunes qui doivent
compter sur les subventions du CRSNG.
Il faut se comparer aux autres pays du G-7. Je parle de la recherche en général, y compris dans les sciences de la terre. La comparaison ne nous est pas très favorable dans ce secteur. La disparité entre nos voisins du sud et nous s'accentue régulièrement quand on compare les sommes accordées par le gouvernement américain à la NSF et celles accordées au CRSNG et au CNRC.
Je l'ai dit tout à l'heure, le dernier budget vient de franchir une étape critique en retrouvant son niveau d'il y a quelques années. Je vous encourage à continuer. C'est ma préoccupation à moi.
M. Ed Kennedy: J'ai deux ou trois statistiques sur notre secteur. Nous avons effectué une étude sectorielle à la fin de 1996. L'investissement moyen en R-D dans notre secteur équivalait à environ 8 p. 100 des revenus. C'est sensiblement plus que la moyenne nationale qui se situe autour de trois ou quatre pour cent.
Je suis convaincu que le développement de la technologie est la clé de notre survie dans une économie mondialisée. Quant aux subventions de l'État, je suis d'accord avec le professeur McNutt pour dire que le revirement au sujet du programme du CRSNG est encourageant.
Nous attendons énormément du programme des RCE auquel nous participons en ce moment. La concurrence est féroce pour le financement. Si nous réussissons, ce sera un bon stimulant non seulement pour l'enseignement dans notre secteur mais aussi pour l'entreprise privée, parce que les capitaux privés sont mis en commun pour donner un effet de levier à ces subventions.
Oui, certainement. Il faut absolument faire bien plus.
Le président: Allez-y.
M. Denis St-Onge: Ce que j'ai dit tout à l'heure au sujet du plateau continental polaire doit être placé dans le contexte du financement de la recherche, parce que c'est le principal enjeu pour tout le Nord canadien.
Le président: Voici ma dernière question.
Le Conseil Géoscientifique Canadien est certainement actif dans le domaine de l'éducation. Est-ce qu'il est engagé au point que si une université, un collège communautaire ou une autre institution d'enseignement postsecondaire voulait offrir des cours en géomatique ou en technologie géoscientifique, il pourrait demander au Conseil Géoscientifique Canadien ou à votre association, monsieur Kennedy, de l'aide pour concevoir le cours et en établir le contenu? Est-ce que ce genre d'aide est disponible, et si elle ne vient pas de vous, savez-vous où on peut la trouver?
M. Robert McNutt: C'est difficile à dire. C'est une question assez compliquée.
Nous avons demandé à un de nos collègues de nous aider à rédiger un énoncé de principe sur la question de l'agrément professionnel par rapport à la nécessité d'établir les programmes d'études universitaires. Il y a parfois incompatibilité entre les deux.
Pour répondre à votre question en particulier, si un collège ou une université s'adressait à nous pour obtenir de l'aide, on la leur refuserait. Ça ne fait pas partie de notre mission.
Mais l'une des organisations affiliées au Conseil est un groupe de tous les directeurs de département des sciences de la terre au Canada. Ce sont des gens qui sont aux prises avec ces affaires quotidiennement. Dans un des documents que je vais vous remettre, ils parlent des besoins futurs en éducation.
Nous essayons d'en faire la promotion et d'aider, mais nous ne sommes pas un organisme d'agrément ou d'approbation. Nous essaierions néanmoins de les aider, mais il faudrait que ça vienne des universités elles-mêmes.
M. Carmen Provenzano: Est-ce que votre association est un peu plus active?
M. Ed Kennedy: Oui. En 1993, il y a eu de longues consultations du secteur privé, du secteur public et du secteur de l'enseignement au sujet de la géomatique. On a fait beaucoup de recherches pour évaluer les compétences qui seront nécessaires dans l'avenir et on a étudié les questions d'offre et de demande. Nous avions alors publié un rapport. J'ai moi-même participé activement à l'étude.
Nous nous occupons d'abord des entreprises et du développement d'entreprises. Pour nous, ce n'était donc pas notre principal sujet d'intérêt.
Nous avons une organisation soeur qui s'appelle le Canadian Institute of Geomatics et qui ressemble plutôt au Conseil Géoscientifique Canadien. C'est une société savante dont les membres sont des personnes physiques par opposition à notre association qui regroupe des personnes morales. D'ailleurs, on vient de signer une entente avec Développement des ressources humaines Canada, le CIG et notre organisation, en vue de faire une analyse sectorielle intégrale des questions de ressources humaines en géomatique.
• 1205
On a un autre projet qui vise à actualiser la documentation
utilisée jusque dans les écoles primaires au sujet de notre
domaine. On va indiquer les débouchés dans notre secteur et
encourager les élèves à suivre les cours de sciences et de maths
requis. C'est un problème pour notre secteur aussi.
Évidemment, il faut comme préalable une solide base en sciences et en maths et on croit qu'il faut faire la promotion de notre secteur et des débouchés dès l'école primaire. On a un projet en marche pour concevoir une gamme de nouveaux documents imprimés, Internet et vidéo pour aider à encourager les étudiants à s'orienter vers les universités et les collèges.
M. Robert McNutt: Je voudrais apporter une précision à l'impression que M. Kennedy a donnée du CGC. Le Conseil regroupe des organisations scientifiques et universitaires, mais aussi des organisations industrielles et gouvernementales. Donc, les trois secteurs se retrouvent autour de la table chaque fois qu'on discute de ces questions et que le sujet de l'éducation revient sur le tapis.
L'une de ces organisations s'appelle CGEN. Elle s'occupe pas mal des mêmes affaires dont M. Kennedy a parlé. Elle renseigne les profanes et les jeunes étudiants d'université sur les sciences de la terre. Elle a produit des CD-ROMs et des brochures qu'elle a fait parvenir aux écoles secondaires, etc.
Le projet a eu énormément de succès. On ressent son effet. C'est un des domaines d'action.
Le président: Merci.
Ça va, monsieur Provenzano?
M. Carmen Provenzano: C'est parfait.
M. Robert McNutt: Nous allons vous envoyer un CD-ROM pour que vous puissiez le regarder.
Le président: Excellentes questions. Les gens de l'Algoma University College et du Sault College seront fiers de vous.
M. Carmen Provenzano: Je suis démasqué.
Le président: Nous nous intéressons tous à l'éducation. En passant, monsieur McNutt, je suis un ingénieur diplômé de l'Université de Toronto.
Pierre espère qu'il y a des diamants dans sa circonscription au bord du Saint-Laurent.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Vous savez qu'il faut se méfier des diamants du Canada. Vous vous rappelez le vieux dicton?
M. Denis St-Onge: Oui. Je pense que c'était du mica à l'époque.
M. Pierre de Savoye: Voilà. Il est toujours intéressant de parler de géomatique, de géoscience, parce que c'est une science et une technologie qui sont à la fine pointe de la compréhension que nous pouvons avoir de la planète sur laquelle on vit.
J'ai quelques questions, d'abord pour vous, monsieur Kennedy.
Vous mentionniez plus tôt qu'il y avait environ 1 500 petites et moyennes entreprises en affaires au Canada, qui ont un chiffre d'affaires d'environ 1,8 milliard de dollars. Pourriez-vous nous dire comment elles sont réparties d'un océan à l'autre? Je crois que les opérations pétrolières et les opérations de forage minier se trouvent principalement à Toronto et à Calgary. En ce qui concerne la foresterie, l'agriculture, les pêches et peut-être autre chose, comment se répartissent ces activités dans l'ensemble du Canada?
[Traduction]
M. Ed Kennedy: L'industrie est assez bien répartie proportionnellement à la population du pays. On comprendra qu'elle se concentre à Toronto et ici, à Ottawa, à cause de l'influence du gouvernement fédéral non seulement comme partenaire mais aussi comme client, je l'ai déjà dit.
Vancouver est une autre zone de concentration. C'est aussi à cause de l'économie là-bas, en particulier des applications aux ressources. Il y a une grande concentration à Calgary, surtout à cause de l'industrie pétrolière et gazière. Sur la côte est et au Québec, il y a des entreprises très solides, progressistes, qui sont actives dans le monde entier et qui sont parmi les premières dans leur secteur.
Je dirais que l'industrie est répartie assez uniformément et qu'il y a des îlots d'expertise dans tout le pays.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Quels sont les principaux champs d'activité, outre les opérations pétrolières et minières?
[Traduction]
M. Ed Kennedy: Outre le domaine des ressources, l'agriculture est un secteur d'application clé de cette technologie. Une technologie appelée culture de précision est l'une des applications vraiment passionnantes de la géomatique à l'agriculture.
Je vous explique comment ça marche. Il y a des satellites qui sont utilisés pour la navigation. Il y a donc de vrais ordinateurs à bord des tracteurs et les moissonneuses-batteuses pour localiser le véhicule et obtenir des données sur l'état des cultures afin d'aider tout d'abord à économiser les engrais, les pesticides et les herbicides et aussi à atténuer les dommages causés à l'environnement par la surapplication d'herbicides et de pesticides. On a intégré la technologie de navigation, la technologie d'imagerie par satellite et la collecte d'informations sur place pour varier l'application de ces agents selon les besoins afin de maximiser la rentabilité de l'agriculture.
• 1210
C'est un exemple d'un champ d'application. Il y a aussi le
développement de l'infrastructure, et donc les transports et les
télécommunications. Dans les télécommunications, par exemple, il y
a déjà l'usage fort répandu des téléphones mobiles et cellulaires,
surtout dans les pays en développement. Vous savez sûrement que les
pays en développement sont en train de dépasser carrément les pays
industrialisés dans le domaine des télécommunications en passant
directement à la technologie du cellulaire, s'évitant ainsi toutes
les dépenses qu'occasionne l'infrastructure pour les fils
téléphoniques.
Entre autres applications, il y a la détermination de l'emplacement optimal des stations émettrices pour le téléphone cellulaire au moyen des paramètres géographiques, des distances, et ainsi de suite.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Et qu'en est-il de la foresterie?
[Traduction]
M. Ed Kennedy: En foresterie? Il y a le contrôle de la récolte depuis l'espace, parce qu'on peut mesurer exactement la superficie de la forêt où les arbres sont abattus. Bon nombre d'organismes gouvernementaux au Canada se servent de cette technologie pour contrôler l'exploitation des forêts par l'entreprise privée. Le secteur privé, lui, se sert de la technologie pour la coupe à blanc de façon, par exemple, à minimiser les dommages visuels causés par la coupe à blanc. Avant même de commencer, on peut obtenir un modèle pour visualiser en trois dimensions l'effet d'une coupe à blanc sur l'apparence d'une forêt, en utilisant en même temps une technologie d'animation.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Vous nous avez parlé de RADARSAT, qui est un très grand succès canadien. Je crois que les données recueillies au moyen de RADARSAT sont disponibles et sont vendues dans le monde entier. Pouvez-vous nous fournir une image du marché mondial? Qui sont nos clients? Pour quelles applications les achète-t-on? Quels sont les revenus qui en sont tirés?
[Traduction]
M. Ed Kennedy: Je suis désolé, mais je n'ai pas de données sur les revenus qui en sont tirés. Je sais que RADARSAT International a largement dépassé les revenus projetés pour sa première année d'activité l'an dernier. Les applications à l'étranger sont les mêmes qu'au Canada.
L'une des principales applications, l'application de base en fait, de RADARSAT au Canada, c'est le contrôle des glaces pour la navigation dans des eaux envahies par les glaces. Cette application est en train d'être mise au point dans d'autres pays de la région polaire en Europe, en Russie et en Scandinavie.
Par exemple, dans le sud-est asiatique, la technologie est utilisée pour surveiller les incendies de forêt et les problèmes de fumée dans la région. On intègre la technologie au système d'information géographique pour obtenir des prédictions climatiques et éoliennes et tenter de prévoir où la fumée sera problématique, de contrôler les incendies et de mesurer la superficie endommagée.
On a utilisé la même technologie il y a un an et demi à l'occasion d'un déversement d'hydrocarbures au large du Japon. Cette application en particulier a démontré l'avantage de rassembler très rapidement des données. Avec la technologie supérieure des satellites, il faut des jours, des semaines, et parfois des mois avant d'obtenir une image. Mais comme RADARSAT est organisé pour prélever des images sur demande—il est programmable—on peut obtenir une image d'un déversement d'hydrocarbures et la transmettre aux organismes compétents en moins de cinq heures.
C'est une technologie qui réagit très rapidement et qui, de surcroît, traverse les nuages et fonctionne indépendamment du temps qu'il fait.
[Français]
M. Pierre de Savoye: C'est très impressionnant.
Le président: Monsieur St-Onge.
M. Denis St-Onge: Si vous me le permettez, j'aimerais vous donner un autre exemple de l'utilité de RADARSAT. Ce sera très bref. RADARSAT permet finalement d'avoir une image complète de l'Antarctique et de faire le monitoring de l'état des glaciers.
L'hypothèse actuelle, c'est que s'il se produit un réchauffement à l'échelle planétaire, comme tout le monde le prédit, l'écoulement des glaciers dans l'Antarctique augmentera. Il y aura donc une plus grande quantité d'eau qui se répandra dans les océans, dont le niveau va monter. Il n'y avait pas auparavant de méthode qui permettait une surveillance vraiment globale d'une telle éventualité.
• 1215
J'ai vu la semaine dernière
une image absolument extraordinaire de l'Antarctique transmise par
RADARSAT. Il sera donc possible, à compter de
maintenant, de surveiller de très près ce qui touche au
débit des glaciers dans l'océan.
M. Pierre de Savoye: C'est vraiment un appareil remarquable que RADARSAT.
M. Denis St-Onge: Cela ne fait aucun doute.
M. Pierre de Savoye: J'adresserai ma dernière question à M. Kennedy. Vous avez parlé de l'accès sans frais aux bases de données américaines pour les usagers américains. J'imagine que les usagers canadiens auraient à débourser des frais. Ce que vous suggérez, c'est que le gouvernement du Canada mette lui aussi à la disposition des usagers du Canada une base de données sans frais. J'imagine qu'à ce moment-là, le Canada imposerait des frais aux utilisateurs étrangers. Est-ce bien là ce que vous nous dites?
[Traduction]
M. Ed Kennedy: Je ne suis pas très optimiste. Je ne pense pas qu'un jour le gouvernement fédéral va nous fournir gratuitement des données, mais si jamais cela se produisait—et on en serait ravi bien entendu étant donné la situation concurrentielle dans laquelle on se trouve—je présume que la même politique s'appliquerait effectivement.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Parfait. Monsieur McNutt et monsieur St-Onge, on a parlé d'hydrates de gaz et de diamants. Vous nous dites qu'on trouve des hydrates de gaz dans les sols gelés ou dans les fonds marins. Cependant, j'aimerais savoir ce que sont les hydrates de gaz exactement. En quoi diffèrent-ils du gaz naturel ou du pétrole?
M. Denis St-Onge: Essentiellement, c'est du gaz qui est gelé. Quand on le regarde, cela ressemble à de la glace ordinaire. Par contre, si vous le faites fondre, au lieu d'obtenir de l'eau, vous obtiendrez surtout du méthane. Ce peut donc être utilisé de façon comparable au gaz naturel. C'est une source énorme d'énergie, en autant qu'on considère le gaz naturel comme une source d'énergie.
M. Pierre de Savoye: Si je vous ai bien compris, vous nous disiez tout à l'heure que les quantités d'hydrates de gaz qui se trouvent emprisonnées dans les sols gelés sont considérables. Maintenant, le sol gèle seulement jusqu'à une certaine profondeur. À une certaine profondeur, il ne gèle plus car la chaleur intérieure de la terre contrebalance l'effet du froid extérieur. Est-ce que cela veut dire que ces gaz se retrouvent dans des couches de sol superficielles? Où se trouvent-ils dans la croûte terrestre?
M. Denis St-Onge: Dans l'Arctique, monsieur de Savoye, les sols sont gelés, à certains endroits, sur plus de 1 000 mètres de profondeur.
M. Pierre de Savoye: Oui, mais par rapport à l'épaisseur de l'écorce terrestre, c'est relativement en surface.
M. Denis St-Onge: Dans 1 000 mètres d'épaisseur, on peut trouver beaucoup d'hydrates de gaz, et c'est effectivement le cas. On les trouve dans les endroits où les sols sont gelés, donc dans le nord du Canada en général, surtout dans les régions où il y a beaucoup de tourbe. On les trouve aussi dans les fonds marins pour la même raison, soit parce que la température est tellement basse que l'hydrate de gaz peut être maintenu à l'état solide ou semi-solide. Cela ressemble parfois à de la gélatine.
Vous mettez le doigt sur le bon problème. Il y en a beaucoup, mais leur distribution dans l'espace n'est pas très bien connue. À ce moment-là, est-ce que c'est commercialement possible de les exploiter? C'est ce qu'on tente de déterminer dans le travail qui se fait actuellement dans le nord du Mackenzie.
M. Pierre de Savoye: Est-ce que vous avez les résultats préliminaires de ces travaux?
M. Denis St-Onge: Non, je ne les ai pas. J'ai vu quelqu'un qui en revenait au moment où je m'apprêtais à m'en venir ici. Je n'ai pas eu le temps de lui parler. S'il y a du nouveau, je vous garantis que je le ferai connaître au comité.
M. Pierre de Savoye: Si je vous comprends bien, il y a là un potentiel extraordinaire.
M. Denis St-Onge: C'est vrai.
M. Pierre de Savoye: Il peut être ou ne pas être là, mais s'il est là, il est considérable.
M. Denis St-Onge: C'est vrai. Maintenant, pour le Canada, c'est un potentiel qui ne correspond pas à un besoin urgent car il y a beaucoup de gaz naturel en réserve dans l'Arctique. Il y a des dizaines de puits qui sont fermés alors qu'ils pourraient en fournir de grandes quantités. C'est simplement une question de transport. Le gaz naturel, dans les décennies à venir, sera certainement pour le Canada une ressource moins chère que les hydrates de gaz. Pour les Japonais, cependant, c'est une autre histoire.
M. Pierre de Savoye: On va terminer en parlant de diamants. M. St. Denis en parlé au départ; moi, c'est en terminant que j'en parle. Est-ce qu'on peut trouver ailleurs des diamants?
M. Denis St-Onge: Il y en a au Québec.
Des voix: Ah, ah!
M. Pierre de Savoye: Je sais. Je l'ai lu dans les journaux. Mais quelle est la distribution des diamants ici, au Canada?
M. Denis St-Onge: C'est très irrégulier. Ça dépend où on trouve ce qui s'appelle des pits. Ces pits résultent d'explosions qui se sont produites dans des temps géologiques relativement récents, qui ont engendré beaucoup de chaleur et de très grandes pressions. Cela s'appelle des kimberlites. Il y en a en Afrique du Sud et ailleurs. Il y en a dans la région du nord du Mackenzie et au nord de Ville-Marie, dans la région du lac Témiscamingue. C'est très dispersé.
• 1220
On en trouve généralement, ce qui
n'est pas étonnant, dans le bouclier précambrien, dans
des roches précambriennes, dans des roches très
anciennes, même si le phénomène est relativement
récent. C'est là qu'est la contradiction. Comme le Canada a une très
vaste étendue de roches précambriennes, qui couvre au
moins les deux tiers du pays—nous sommes assis en ce
moment sur de la roche de l'époque précambrienne—, le
potentiel est évidemment énorme, ce que DeBeers n'a pas
manqué de noter il y a longtemps.
M. Pierre de Savoye: Je termine avec cette question: ces diamants ont-ils une valeur commerciale ou industrielle, ou sont-ils de la même sorte que les beaux diamants qui durent éternellement?
M. Denis St-Onge: Les diamants forever. Il y a les deux. Les tests qui sont faits à la mine qu'on veut exploiter, au nord de Yellowknife, dans une région qui porte un très beau nom, le lac de Gras, démontrent qu'elle contient les deux. Il est évident qu'il faut une grande quantité de diamants industriels pour rendre la chose possible, mais c'est le cas.
M. Pierre de Savoye: Je vous remercie, monsieur St-Onge, monsieur McNutt et monsieur Kennedy.
Monsieur le président, je vais retourner en Chambre, où un autre devoir m'attend.
[Traduction]
Le président: Merci. Je voulais seulement ajouter que nous sommes honorés d'avoir une discussion aussi relevée, un atelier avec d'éminents géoscientifiques canadiens. Tous les parlementaires devraient être ici.
Nous allons passer à Réginald Bélair. Merci, Pierre.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Merci.
M. Réginald Bélair (Timmins—Baie-James, Lib.): Tout d'abord, je dois avouer mon ignorance par rapport à la géomatique et à la géoscience. Et puisque aucune question n'a été posée sur les aspects pratiques de la chose, j'aimerais m'adresser à M. Kennedy.
Tout d'abord, à qui appartient RADARSAT?
[Traduction]
M. Ed Kennedy: À qui appartient RADARSAT? Bonne question. Le satellite appartient à l'Agence spatiale canadienne; il a donc été lancé par l'Agence, mais les entreprises privées qui ont fondé RADARSAT International ont investi—si je ne m'abuse—80 millions de dollars dans le lancement du satellite. Je présume donc que c'est un bien dont la propriété est mixte même si, légalement, il appartient au gouvernement fédéral.
M. Réginald Bélair: Bien entendu, ça m'amène à ma deuxième question. Vous avez dit qu'il y avait quelque 1 500 PME dans le secteur de la géomatique. Comment avoir accès à RADARSAT? Autrement dit, est-ce que RADARSAT facture des frais?
M. Ed Kennedy: Évidemment.
M. Réginald Bélair: On loue ses services, quoi.
M. Ed Kennedy: Les entreprises ont investi 80 millions de dollars qu'elles récupèrent en vendant les données dans le monde entier. Donc, oui, il y a des frais, mais la tarification est assez souple parce qu'il y a de multiples options selon le type de données, leur résolution ou leur qualité et aussi la rapidité avec laquelle on les veut. Je vous ai donné l'exemple d'un délai de cinq heures. Donc, selon les besoins, le tarif va varier.
M. Réginald Bélair: Une fois qu'on a acheté les données, comment les transférer à l'industrie? Est-ce que l'industrie achète les données de vos entreprises?
M. Ed Kennedy: Oui, en plus des entreprises de géomatique, certaines sociétés pétrolières, gazières et minières achètent des données directement de RADARSAT. Dans certains cas, elles achètent une solution, c'est-à-dire un ensemble de données et le logiciel pour régler un problème particulier. Dans ce cas, l'une des entreprises de service à valeur ajoutée en géomatique servirait d'intermédiaire.
M. Réginald Bélair: Une fois les données vendues—et ça fait suite à la première question de Dave—qu'arrive-t-il? À qui appartiennent les données une fois qu'on les a achetées?
M. Ed Kennedy: Lorsque RADARSAT International vend les données à un tiers, il y a un contrat de licence précisant comment les données peuvent être utilisées. Donc, elles sont vendues pour une application en particulier. Si les données sont alors utilisées pour une autre application, il y a des frais supplémentaires, une sorte de redevance, qu'il faut verser à RADARSAT International.
M. Réginald Bélair: Donc, d'après ce que vous dites, le système marche bien.
M. Ed Kennedy: Je le crois. Au départ, les industries plus petites avaient certaines appréhensions au sujet de la façon dont le système marcherait et au sujet des frais aussi, mais ces derniers mois, depuis que la technologie et les applications sont au point, je n'ai entendu parler d'aucune plainte. Je pense que ça marche assez bien.
M. Réginald Bélair: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, Réginald.
Avant de passer à Yvon, pour la gouverne des députés, je précise que c'est un satellite stationnaire et non un satellite orbital.
M. Ed Kennedy: Effectivement.
Le président: Donc, on peut obtenir des données sur presque chaque pouce carré de la terre.
M. Ed Kennedy: Oui, sauf pour des endroits vraiment très limités sur la terre, on peut voir toute la planète et on peut obtenir une nouvelle image d'une région donnée aux trois jours. C'est donc un cycle très court.
Le président: Les utilisations des données sont donc pratiquement illimitées.
M. Ed Kennedy: En effet.
Le président: Yvon Godin, s'il vous plaît.
[Français]
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Premièrement, j'aimerais vous remercier d'être venus nous rencontrer. J'ai l'impression que toutes les questions ont été posées. Je ne m'embarquerai donc pas là-dedans. Je n'aime pas répéter les choses.
[Traduction]
Le président:
[Note de la rédaction: Inaudible]
[Français]
M. Yvon Godin: Non, il y a beaucoup de questions relativement à ce sujet. Une chose est certaine, c'est que cela en éclaire plusieurs parmi nous.
[Traduction]
Le président: Vous n'êtes pas le dernier. Je pense qu'il reste encore Ovid.
M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): J'ai dit que je serais l'un des derniers.
Le président: D'accord.
[Français]
M. Yvon Godin: Vous avez mentionné tout à l'heure que certains de nos gens qui se spécialisent dans ce métier, qui vont à l'université et se perfectionnent s'en vont ensuite aux États-Unis. Vous avez aussi dit que plusieurs facteurs étaient en cause dans ce phénomène. Un de ces facteurs, auquel je pense immédiatement, c'est qu'ils sont mieux payés. C'est la même chose pour nos médecins. Ils allaient à l'université ici, au Canada, puis ils s'en allaient aux États-Unis parce qu'ils y étaient mieux payés.
Mais vous avez mentionné qu'il y avait d'autres facteurs. Pouvez-vous me les indiquer? Si celui de la paye en est un, quels sont les autres?
[Traduction]
M. Robert McNutt: Dans les sciences de la terre à l'université, les étudiants réagissent assez rapidement au marché du travail et le secteur des ressources naturelles a toujours été assez cyclique. Malheureusement, quand les étudiants se rendent compte que le marché de l'emploi est à la hausse, ils commencent à s'inscrire, sauf que le cours dure quatre ans et qu'ils obtiennent parfois leur diplôme pendant la période creuse. C'est assez décourageant avec le temps. Les diplômés changent de domaine parce qu'ils sont incapables d'avoir un emploi à long terme dans le secteur.
Un autre problème, c'est le fait que les sciences de la terre ne sont pas vraiment enseignées au secondaire, si bien que de nombreux étudiants arrivent à l'université sans savoir en quoi ça consiste au juste. C'est pourquoi on fait tant d'efforts en géomatique pour faire connaître dans les écoles secondaires et primaires l'importance des sciences de la terre et des ressources naturelles.
Mais le caractère cyclique du domaine a toujours été un grave problème—comme les perspectives d'emploi à long terme.
Dans les universités aujourd'hui, en sciences, les étudiants sont concentrés dans les sciences de la vie: biologie, psychologie, botanique, zoologie, etc. C'est en partie parce qu'il y a beaucoup d'étudiants qui visent la faculté de médecine, mais certains s'intéressent vraiment à l'environnement. Pour le grand public, environnement est synonyme de monde organique—les plantes et les animaux et nos effets sur eux—alors que, en réalité, pour réussir dans les industries environnementales, il faut plus que les sciences biologiques. Les sciences biologiques, c'est important, mais les mathématiques, la chimie et les sciences de la terre, c'est tout aussi important. Voilà le message qu'on a parfois du mal à faire passer.
Plusieurs de ces facteurs entrent en jeu, mais si les étudiants ont l'impression que les perspectives d'emploi ne seront pas bonnes au bout de leurs quatre années d'étude, ils vont choisir un autre domaine. Or, depuis le milieu des années 80, l'emploi dans le secteur des ressources est en régression plutôt qu'en croissance. Il y a beaucoup d'activité, mais il n'y a pas de croissance des effectifs.
[Français]
M. Denis St-Onge: Monsieur Godin, pour insister davantage sur ce qui vient d'être dit, c'est que les coupures effectuées dans les budgets des universités du Québec...
M. Yvon Godin: Du Canada!
M. Denis St-Onge: Non, non, du Québec, dans ce cas-ci. Elles ont été effectuées au moment où il y avait un creux. En résultat, l'Université de Montréal, la plus grande université francophone au Canada, n'a plus de département de géologie depuis deux ans. On se demandera ensuite pourquoi il n'y a pas suffisamment de géoscientifiques.
M. Yvon Godin: Une autre question que j'aimerais vous poser, puisque c'est intéressant d'être parmi des experts qui peuvent nous éclairer... Peut-être n'êtes-vous pas exactement les experts qu'il faut, mais vous pourrez sans doute m'éclairer là-dessus quand même.
On parle de diamants, de ceci et de cela. En réalité, on parle d'une industrie. Avez-vous travaillé sur quelque chose de ce genre, à l'université par exemple, ou avez-vous des données dans ce domaine? Pour ma part, je connais quelqu'un que je pourrais rencontrer bien facilement, en Nouvelle-Écosse, qui a fait une expertise là-dessus.
Ainsi, dans les mines, par exemple, la seule chose à notre disposition en cas de désastre ou d'incendie, c'est ce qu'on appelle le stench gas. Ils ont développé une technologie par laquelle des ondes peuvent pénétrer dans la terre et aller chercher de l'information en profondeur et non seulement à la surface.
Je n'ai pas toute l'information, mais je pourrais l'avoir, ainsi que toute la documentation. Je veux seulement vous donner un exemple rapide. Je pense que c'est important et que cela entre dans le mandat de notre comité. C'est pourquoi je veux vous demander si vous avez déjà travaillé à quelque chose de semblable. Comme je le disais, c'est vraiment de la haute technologie.
Ainsi, par exemple, une personne qui s'éclaire avec une lampe sous la terre pourrait être avertie, grâce à la pile de sa lampe, lorsqu'il y a un feu qui se déclare. Elle pourrait en être avertie par les gens qui sont restés à la surface et recevoir leurs messages. Dans un désastre comme celui qui s'est produit à la Westray Mine, on pourrait savoir où chaque personne se trouve. Tout cela, c'est grâce à la technologie. Je ne sais pas si quelqu'un de vous pourrait me fournir une explication de cela.
M. Denis St-Onge: Oui, cette technologie existe effectivement. Je ne pense pas qu'aucun de nous en ait une expérience directe.
Tout ce que je peux vous dire, c'est que lorsque je présidais le comité qui attribuait des bourses postdoctorales pour l'industrie, un comité de NSERC, il y avait beaucoup de recherche qui se faisait dans ce domaine-là par l'industrie privée. C'était aussi subventionné par le Conseil national de recherches du Canada. Cela existe effectivement; une partie de l'équipement qui accompagne un mineur comporte un système qui indique sa position et qui peut lui permettre de communiquer avec la surface. C'est vrai.
M. Yvon Godin: Je vais finir en précisant que, selon l'information qui m'est transmise, la technologie existe bien aujourd'hui, mais l'industrie ne veut pas l'acheter.
M. Denis St-Onge: C'est la même chose pour toutes ces hautes technologies. Au début, elles sont tellement chères. Mais, après Westray, je ne suis pas sûr... Enfin, je ne suis pas au courant et je ne peux dire où ils en sont aujourd'hui. Mais je sais que cela existe et que l'industrie l'a subventionné en grande partie en coopération avec NSERC.
M. Yvon Godin: Exactement.
Le président: Merci, Yvon.
[Traduction]
Ovid, vous allez être le dernier.
M. Ovid Jackson: Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai quelques questions à poser, mais je ne suis pas certain qu'elles soient pertinentes.
J'ai du mal à comprendre en quoi les universités canadiennes diffèrent des universités américaines. Pourriez-vous me l'expliquer? J'ai en tête certaines des grandes universités de la Nouvelle-Angleterre. Elles ont une façon de se renouveler qui fait croire à une meilleure structure. Évidemment, elles réussissent si bien que les gens riches veulent y envoyer leurs enfants. Ensuite, elles vont recruter les élèves les plus intelligents dans le monde entier et elles leur donnent des bourses pour qu'ils fassent leur R-D. Je me demande si nos propres universités, étant donné leur structure, n'ont pas des modes de recrutement et de financement différents.
Mon autre question porte sur la façon de communiquer toutes ces informations au public. Par exemple, dans ma circonscription de Bruce—Grey, à lÂUniversité Western Ontario, je sais qu'il y a eu des scientifiques ferrés en cartographie. Quand les Américains sont allés dans l'espace, ils utilisaient leurs compétences. Il y a aussi beaucoup de monde qui opte pour les sources d'énergie lumineuse. Je me demande comment relayer les informations à la collectivité. Quel type de synergie faut-il créer pour favoriser ce transfert et le faire durer?
M. Robert McNutt: Eh bien parlons d'abord des universités au Canada et aux États-Unis. Si on compare nos meilleures avec leurs meilleures, je crois qu'elles se valent. C'est évident d'après la qualité du travail que nous faisons.
• 1235
Les États-Unis ont un double système. Il y a d'une part les
universités privées dont les prestigieuses Harvard, Yale, etc., et
d'autre part, d'excellentes universités d'État comme celles du
Michigan, de la Virginie, du Wisconsin et de la Californie, dont
Berkeley. Bien honnêtement, c'est une question de financement,
financement qui provient à la fois de l'étudiant qui paie les frais
de scolarité et du gouvernement qui est prêt à accorder des
subventions.
Pour avoir des universités de calibre international, ça coûte cher parce qu'il faut attirer les meilleurs éléments possible et, vous avez raison, les Américains sont connus pour parcourir la planète et recruter les meilleurs. Ceux qui ont du talent semblent pouvoir immigrer aux États-Unis sans difficulté. C'est pareil au Canada. Nos universités canadiennes font venir beaucoup de monde de l'étranger.
Mais, honnêtement, nos deux pays n'ont pas les mêmes moyens. Les Américains ont vraiment beaucoup plus d'argent et ils ont créé un système universitaire qui, tant par ses excellentes universités d'État que par ses universités privées comme Harvard, fait l'envie du monde entier. Par contre, si vous avez un fils ou une fille qui est allé à Harvard, vous savez que ça coûte très cher, c'est pourquoi l'université a constitué une fondation très riche qui décerne des bourses d'étude et d'entretien aux étudiants qui ont besoin d'aide.
Je suis allé à une de ces universités. J'ai fait mon doctorat au MIT à Cambridge, au Massachusetts, et c'est incroyable de voir les sommes d'argent que cette université reçoit des organismes gouvernementaux américains—pas seulement la NSF, mais les divers départements américains—pour la financer.
C'est vraiment le noeud du problème. Nos meilleurs éléments sont aussi bons que les leurs, mais on est loin d'en avoir assez. C'est ça le problème.
M. Ed Kennedy: Au sujet du transfert d'informations, de technologies et de résultats de recherches, je voudrais faire un bref commentaire. L'idée de base même du programme national des centres d'excellence, c'est précisément de faciliter ces transferts immédiats. Pour le projet d'un RCE en géomatique qu'on est en train de préparer, je pense que dix entreprises privées vont faire partie du réseau et d'ailleurs, le secteur privé est tenu d'investir un minimum—j'oublie quel est le pourcentage—dans les centres d'excellence pour compléter la somme investie par les universités et par le programme fédéral des RCE. On veut établir ces réseaux de façon qu'il y ait coopération directe entre le secteur privé et les universités pour que les résultats de la recherche se traduisent à tout prix par des produits et de la technologie commercialisables.
Je vous remercie.
Le président: Merci, Ovid.
Je vais poser une petite question avant de lever la séance et de vous remercier d'être venus.
Si on nous compare aux États-Unis, est-ce que les États-Unis gèrent leur... Je veux dire au gouvernement fédéral? Vous avez parlé de la NSF. Je présume que c'est la National Science Foundation. Est-ce que c'est un organisme gouvernemental?
M. Robert McNutt: Oui.
Le président: Est-ce que la Fondation tente de coordonner ses...
M. Robert McNutt: C'est le CRSNG au Canada qui lui ressemble le plus.
Le président: Quelle est l'efficacité de la NSF par rapport au CRSNG? Est-ce tout simplement parce qu'on n'a pas atteint encore le niveau de coordination dont on a besoin?
M. Robert McNutt: Je ne peux pas vous répondre, mais je trouve que le CRSNG est une organisation extrêmement efficace au Canada. Proportionnellement au montant des subventions qu'il distribue, ses frais généraux sont minimes. C'est vraiment une organisation bien administrée. M. St-Onge, qui préside un comité de sélection des subventions, peut vous dire que le Conseil compte beaucoup sur le bénévolat et que son personnel peu nombreux s'en tire fort bien. Le système de distribution des subventions du CRSNG est très bon.
Le président: Donc, nos conseils subventionnaires sont sur la bonne voie.
M. Robert McNutt: Il faut plus d'argent... mais les conseils subventionnaires sont bons.
M. Denis St-Onge: Monsieur le président, je vais vous faire parvenir un rapport. La différence fondamentale entre les deux organismes ressort nettement quand on compare leurs courbes des 15 dernières années. Celle de la NSF pour le financement disponible monte comme ça alors que celle du CRSNG a monté comme ça jusqu'en 1986 ou 1988 avant de redescendre. Dans un mémoire que j'ai présenté devant un autre comité sur la Colline, il y a quelques mois, je disais que la courbe canadienne conviendrait à un skieur, mais que les chercheurs, eux, préféraient la courbe de la NSF.
Le président: Sur ces mots, je veux vous remercier, au nom du comité, d'être venus aujourd'hui. Nous sommes honorés d'avoir accueilli des témoins d'un tel calibre. Nous nous réservons le droit de vous inviter à nouveau quand nous comprendrons mieux les connaissances et la technologie dans le domaine des ressources naturelles.
Sur ce, la séance est levée. Encore une fois merci et merci à vous chers collègues.