NRGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES AND GOVERNMENT OPERATIONS
COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 18 novembre 1997
[Traduction]
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)): La séance est ouverte.
Je souhaite la bienvenue à mes collègues ainsi qu'aux témoins devant le Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales, qui poursuit son étude du changement climatique.
Nous avons demandé à trois organisations, l'Association canadienne des producteurs pétroliers, l'Association canadienne des constructeurs de véhicules et l'Association canadienne des pâtes et papiers, de se joindre à nous.
• 1105
Comme nous l'avons fait pour les témoins qui vous ont précédé,
nous allons essayer d'entendre dans les plus brefs délais une gamme
de témoins aussi représentative que possible. Nous avons demandé à
chacune des organisations de faire un rapide exposé. Essayez de
vous en tenir chacune à cinq ou six minutes pour que les députés
aient suffisamment de temps pour poser des questions.
On peut prévoir que nous reviendrons sur cette question l'année prochaine et, par conséquent, nous n'allons pas essayer de tout faire aujourd'hui. Essayons d'aborder les questions qui présentent un intérêt particulier pour vos organisations ainsi que pour la conférence de Kyoto, qui doit se tenir très bientôt.
Sans plus attendre, nous allons commencer par l'Association canadienne des producteurs pétroliers, représentée par son président, David Manning.
Bienvenue, monsieur Manning.
M. David Manning (président, Association canadienne des producteurs pétroliers): Merci. Excusez-moi de ce léger retard. Nous avons comparu devant «l'autre instance», puisque c'est ainsi que l'on a qualifié le Sénat lorsque nous avons quitté sa séance. Nous avions deux rendez-vous consécutifs aujourd'hui. Nous sommes venus ici aussi vite que nous l'avons pu.
J'ai fait venir avec moi Chris Pierce, le vice-président de la planification stratégique de l'ACPP. Il me rejoindra dans un moment pour vous communiquer son dossier. Il va vous remettre la documentation que nous venons d'élaborer. Elle a été réunie cette semaine.
C'est un mini-dossier rassemblé par l'ACPP qui réunit les copies des publicités que nous avons fait paraître dans les journaux du Canada. On y trouve aussi un très bref résumé de quelques faits pertinents sur cette question, faits que nous tenons à vous présenter et à vous commenter, sans oublier bien sûr, monsieur le président, le thème de notre campagne d'information publique qui a été le suivant: «de meilleures règles mondiales et une intervention locale résolue».
Merci d'avoir pris le temps d'entendre trois intervenants dont le rôle nous paraît important en la matière.
L'ACPP a pour rôle de représenter les producteurs de pétrole et de gaz au Canada, ceux qui explorent, qui forent des puits en vue de produire, et qui ensuite expédient surtout du pétrole et du gaz naturel, y compris des produits liquides et des hydrocarbures dérivés.
Nous représentons probablement entre 95 et 96 p. 100 de la production canadienne. Le reste est assuré par de très petits producteurs. Nos membres produisent actuellement dans six provinces canadiennes étant donné que le gisement d'Hibernia à Terre-Neuve est entré en production hier.
Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse représentent la majeure partie du potentiel de croissance à l'avenir de l'industrie et, bien entendu, le gaz naturel en Nouvelle-Écosse offre d'immenses perspectives puisqu'il sera commercialisé avant tout le long de côte Est, y compris aux États-Unis, où il subsiste, vous vous en souvenez, un problème de SO2 ou de pluies acides, selon Environnement Canada. Ce gaz naturel pourra réduire les émissions de CO2 grâce à l'installation de nouvelles usines à haut rendement énergétique et permettra par ailleurs de remplacer certaines centrales qui dégagent trop de SO2.
Toutefois, l'enjeu véritable aujourd'hui est celui de la conférence de Kyoto. J'imagine que nous aurons la possibilité, monsieur le président, et j'espère que nous l'aurons, de revenir au cours de la nouvelle année lorsque les choses sérieuses vont commencer. À plus court terme, toutefois, il s'agit d'arrêter la position du Canada lors de la réunion internationale qui aura lieu en décembre à Kyoto, au Japon.
Je tiens à féliciter le gouvernement du Canada et les gouvernements des provinces pour leur action lors de la rencontre de Regina, mercredi dernier. En ma qualité d'ancien sous-ministre de l'Énergie de l'Alberta, j'ai participé à au moins six reprises dans cette pièce à des rencontres ministérielles conjointes. J'ai assisté et participé à des débats faisant état d'une véritable absence de consensus et qui, à ma connaissance, ne se sont traduits par un rapprochement que pour la première fois la semaine dernière.
Louise Comeau, du Sierra Club, me dit que l'on a organisé 140 réunions de ce type sans arriver à un consensus. Je ne suis pas d'accord avec ses chiffres, mais je peux dire qu'un véritable progrès a été réalisé la semaine dernière. On en est arrivé à un consensus entre toutes les provinces, qui seront chargées de toutes les mesures d'application, et le Canada, qui bien entendu aura la responsabilité principale à Kyoto.
Je pense qu'il est très important que le premier ministre se rende compte, étant donné ce qu'il a déclaré au sujet de l'amélioration par rapport à la position des États-Unis, que le Canada est d'ores et déjà en avance par rapport aux États-Unis et qu'il en est arrivé à un consensus qui, à mon avis, ne sera pas possible aux États-Unis. Les débats qui ont cours actuellement aux États-Unis sont bien loin d'en arriver au point où nous sommes parvenus la semaine dernière. Les provinces canadiennes ont déclaré que si vous adoptiez ces mesures, elles vous appuieraient.
• 1110
Bien évidemment, le grand défi qu'il nous faut relever en la
matière est celui de la croissance. Il s'agit bien entendu de la
croissance de la population. Selon les statistiques de l'ONU, la
croissance de la population canadienne a été de plus de 10 p. 100
depuis 1990, soit trois fois plus que le pays de l'OCDE qui arrive
en second.
Deuxièmement, l'année 1990 est une très mauvaise année de référence pour l'économie canadienne. Nous étions dans une large mesure au plus bas. La croissance économique a été significative et régulière depuis 1990. Cette progression, venant s'ajouter à la croissance de la population, a entraîné de nombreuses activités supplémentaires, une bien plus grande production de CO2 au Canada.
Troisièmement, il y a les exportations. Nos exportations de gaz naturel vers les États-Unis ont progressé de plus de 100 p. 100, ce qui est significatif pour notre industrie. Ce gaz naturel est brûlé dans des centrales à haut rendement et se substitue à d'autres combustibles, ce qui réduit par la même occasion les émissions de CO2. Il nous faut mettre au point une nouvelle comptabilité internationale qui nous en donne le crédit. De plus, les exportations qui incorporent de l'énergie, telle que la fabrication des véhicules automobiles, l'agriculture, la pêche— tous ces différents postes—sont nettement à la hausse parce que le Canada a avant tout une économie d'exportation, ce qui nous amène à relever des défis bien particuliers.
Là encore, l'ACPP considère que nous devons en faire davantage chez nous pour maintenir cette crédibilité, nous lancer sur la scène internationale de façon à établir de meilleures règles au plan international qui reconnaissent cette situation particulière du Canada et, bien entendu, la contribution que nous apportons à d'autres pays grâce à l'exportation de technologie comme les centrales nucléaires à la Chine ou l'exportation de combustibles comme le gaz naturel aux États-Unis.
Le président: Je vous remercie de cet exposé concis, monsieur Manning. Nous ne manquerons pas de vous poser tout à l'heure des questions.
Nous allons maintenant passer à l'exposé de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules. Monsieur Nantais, est-ce que vous parlez au nom du groupe?
M. Mark A. Nantais (président, Association canadienne des constructeurs de véhicules): Oui, en effet, monsieur le président.
Le président: Merci, je souhaite la bienvenue à votre groupe.
M. Mark Nantais: Je vous remercie.
Mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.
L'ACCV ne manque pas d'apprécier l'occasion qui lui est donnée de venir devant le comité et de se joindre par la même occasion à nos collègues ici présents, qui représentent d'autres grands secteurs industriels, pour étudier les questions entourant la conférence de Kyoto qui aura lieu en décembre. Personnellement, je viens tout juste d'assister à la séance de Bonn, la huitième séance de l'AGBM, qui s'est révélée extrêmement intéressante.
Permettez-moi de vous présenter rapidement les gens qui m'accompagnent aujourd'hui: Jim Lanigan, directeur, développement des produits, chez Chrysler Canada; Roger Thomas, qui travaille aussi à General Motors; enfin Carol Moreau, qui représente Ford du Canada Limitée.
Les entreprises membres de l'ACCV produisent 2,1 millions de véhicules sur un total de 2,4 millions produits chaque année au Canada. Notre industrie est très axée sur l'exportation. En fait, 80 p. 100 de notre production est exportée vers les autres pays du monde, mais principalement aux États-Unis.
En dépit du fait qu'une grande incertitude demeure sur le plan scientifique quant aux effets de l'activité humaine sur le climat de la planète, l'industrie canadienne de l'automobile n'en reconnaît pas moins qu'il est important de tenir compte des changements climatiques, et c'est pour cette raison que nous sommes ici aujourd'hui. Nous avons exprimé notre engagement à cet égard par notre participation dans plusieurs programmes gouvernementaux. Plus précisément, nous sommes membres fondateurs du programme d'économie d'énergie dans l'industrie canadienne, dans le secteur du transport et le secteur manufacturier, qui depuis 1974 a produit des résultats très significatifs du point de vue des économies d'énergie réalisées dans nos usines. Nous sommes aussi le promoteur du programme des innovateurs énergétiques industriels. Nous sommes aussi partenaire du programme Mesures volontaires et Registre du gouvernement fédéral, le programme Défi-climat, que vous connaissez probablement. Nous participons actuellement à la restructuration de ce programme afin d'étendre la participation et de renforcer les engagements de l'industrie.
Nous sommes aussi signataires d'un protocole d'entente avec Ressources naturelles Canada sur l'efficacité énergétique, entente visant à mieux informer les consommateurs, à favoriser l'échange de données sur l'efficacité énergétique, échange indispensable à l'élaboration des politiques du gouvernement et à une meilleure compréhension de certaines techniques que nous avons l'intention de lancer sur le marché.
Au fil des ans, les constructeurs d'automobile ont fait des progrès importants dans le développement des nouvelles technologies et des pratiques destinées à améliorer le rendement énergétique de l'industrie de l'automobile. La consommation de carburant des véhicules neufs qui prennent la route au pays s'est améliorée de 50 p. 100 depuis 1974. Ces améliorations progressives ont pu être réalisées grâce à l'évolution des améliorations technologiques. Toutefois, la consommation en carburant du parc de 14 ou 15 millions de véhicules qui prennent la route s'est en fait améliorée de 8 p. 100 en moyenne depuis 1990. Malgré cela, les émissions de CO2 provenant des automobiles n'ont pas diminué en raison de l'augmentation du kilométrage parcouru.
Je dois dire, cependant, que chaque fois qu'ils créent un nouveau modèle, les constructeurs s'efforcent d'en améliorer l'efficacité énergétique. Il est important de souligner cependant que le plus difficile reste à faire.
• 1115
En ce qui touche les installations des constructeurs,
l'efficacité énergétique y est améliorée depuis près de 25 ans et
les efforts se poursuivent encore aujourd'hui. La réduction de la
consommation d'énergie peut être attribuée à plusieurs initiatives
de conservation, notamment les moteurs à haut rendement
énergétique, la modernisation de l'éclairage, l'analyse de la
charge dynamique et les changements dans les procédés de
fabrication, dont par exemple les robots qui consomment moins
d'énergie électrique et l'utilisation de sources d'énergie non
conventionnelle comme les capteurs muraux, là où c'est faisable.
Nous avons déjà pris des mesures, en partenariat avec Ressources naturelles Canada, pour mettre au point une nouvelle étiquette EnerGuide pour les véhicules à moteur. Il est important que les consommateurs comprennent les effets de leur consommation d'énergie. L'étiquette EnerGuide permettra aux consommateurs d'acheter des véhicules dont la consommation énergétique correspond davantage à leurs besoins. Par exemple, elle permettra aux consommateurs d'établir leurs coûts annuels en carburant à partir du taux de consommation de carburant.
Les constructeurs de véhicules participent également à l'élaboration d'un guide de consommation de carburant qui fournit les taux de consommation de carburant de tous les nouveaux modèles de véhicules qui fonctionnent à l'essence conventionnelle et aux carburants de remplacement. Ce guide sera largement distribué à tous les Canadiens, d'un océan à l'autre, les invitant ainsi, c'est notre sentiment, à participer au débat sur les changements climatiques et leur fournissant l'information dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées en matière d'efficacité énergétique.
Nous investissons aussi massivement en R-D dans le domaine de l'environnement, et ce, à notre avis, davantage peut-être que tout autre secteur industriel. Non seulement nous nous efforçons d'apporter des changements évolutifs, c'est-à-dire des améliorations constantes, mais nous visons également, et en priorité, un changement révolutionnaire, c'est-à-dire le remplacement éventuel, à long terme, du moteur à combustion interne.
Par ailleurs, en ce qui touche la position du Canada sur les changements climatiques au pays et dans le monde, il faut reconnaître qu'il s'agit non seulement d'une question environnementale, mais aussi d'une question commerciale. Tout engagement pris en décembre à Kyoto en vertu de la Convention cadre sur le changement climatique doit tenir compte du lien entre ces deux aspects.
Pour que la position du Canada sur les changements climatiques soit viable tant sur le plan économique que sur le plan de l'environnement, elle doit préserver sa capacité unique de produire et d'exporter des produits énergétiques. Comme les installations manufacturières de nos entreprises exportent plus de 90 p. 100 de leurs produits à haute teneur énergétique, le commerce et l'accès aux autres marchés constituent pour nous un élément fondamental—je dis bien fondamental.
Nous sommes tous conscients que les effets des changements climatiques sur l'environnement, s'il y en a, peuvent être ressentis par tous les Canadiens pendant de nombreuses décennies. Il s'agit donc d'effets à long terme avec lesquels nous devons composer intelligemment, d'une part afin de nous en tirer le mieux possible, et d'autre part afin d'éviter toute catastrophe. Il n'en va pas autrement des effets qu'auront sur l'économie nos engagements en ce qui touchent les changements climatiques. À cet égard, nous appuyons la position du gouvernement selon laquelle, au niveau fédéral, provincial et territorial, nous devons en arriver à un juste équilibre dans nos coûts reliés au contrôle des émissions de gaz à effets de serre de façon à préserver notre compétitivité sur le plan international, nos balances commerciales et nos économies régionales.
Nous croyons aussi que pour traiter efficacement de la question des changements climatiques dans le monde, il nous faut adopter une approche qui vise l'équilibre entre les systèmes. Cette approche implique qu'elle soit appliquée de façon égale à tous les pays, qu'ils soient développés ou en voie de développement; dans tous les secteurs, dont notamment les secteurs industriel, commercial, résidentiel et du transport; et à l'intérieur de tous les secteurs.
Prenons par exemple le secteur des transports. Cette approche serait appliquée à tous les modes de transport, c'est-à-dire aux avions, aux bateaux, aux trains, aux voitures et aux camions légers, et à tout autre moyen de transport routier.
En ce qui touche les émissions de CO2 provenant du transport de personnes, l'équilibre entre les systèmes toucherait les domaines suivants: l'infrastructure, la demande du marché, le kilométrage des véhicules, le prix du carburant, l'efficacité énergétique, les formules de carburant, y compris l'approvisionnement et la qualité des carburants, et les programmes d'inspection et d'entretien. Tous ces éléments devraient être analysés de façon intégrée afin de traiter efficacement de la question des émissions de CO2.
Cela dit, l'ACCV déplore vivement que dans de nombreux cercles, les politiques sur les transports visent des objectifs isolés comme l'application de normes d'efficacité énergétique pour les véhicules de service légers et que ces objectifs ne constituent qu'une des rares mesures concrètes à prendre pour limiter les émissions de CO2. Nous croyons que ce n'est pas là le résultat d'une bonne politique de développement mais plutôt le résultat de la recherche de solutions simples à un problème très complexe.
Les normes d'efficacité énergétique n'ont pas donné les résultats escomptés car elles sont en soi imparfaites. Nous croyons que les meilleures solutions proviendront d'un équilibre entre les systèmes qui touche tous les éléments du secteur du transport routier qui sont hautement synergiques. Ne compter que sur des normes d'efficacité énergétique pour réduire les émissions reliées au transport ne permettrait pas de capitaliser sur cette énergie créée par des stratégies plus efficaces portant notamment sur l'infrastructure et la gestion des transports, le prix des carburants, le kilométrage parcouru et les programmes d'inspection et d'entretien.
Laissez-moi commenter, monsieur le président, une ou deux de ces stratégies.
• 1120
Tout d'abord, le kilométrage parcouru par les véhicules
constitue un problème particulièrement important. Entre 1970 et
1995, la distance parcourue par les voitures a augmenté de 125 p.
100, et cette distance devrait continuer d'augmenter jusqu'en l'an
2015.
La croissance de la population en est en effet une des raisons. Ce qui est encore plus important, peut-être, c'est que les gens aiment bien leur liberté de mouvement, et le kilométrage parcouru par les véhicules est donc à la hausse, ce qui est attribuable en bonne partie au style de vie des Canadiens, à l'étendue du pays, et au côté pratique et au faible coût du transport en commun.
Afin de mettre un frein à cette augmentation dans le kilométrage parcouru, nous croyons que l'ensemble des Canadiens doivent être davantage sensibilisés à la question des changements climatiques. Ils doivent comprendre les conséquences qu'auront les changements climatiques, notamment sur la croissance économique, sur les emplois et sur leur niveau de vie. Or, la sensibilisation des consommateurs ne doit pas porter uniquement sur la menace potentielle mais aussi sur la part de responsabilité de chacun et sur la sagesse dans l'utilisation de l'énergie et le style de vie.
Les programmes d'inspection et d'entretien obligatoires constituent l'un des outils les plus efficaces dont dispose le Canada pour réduire les émissions de CO2. Des études ont montré que lorsque des véhicules étaient soumis à un programme efficace d'inspection et d'entretien, les émissions de gaz à effet de serre pourraient être réduites de 9 à 14 p. 100.
En Colombie-Britannique, le programme d'inspection et d'entretien AirCare a déjà connu du succès. À l'exemple de la Colombie-Britannique, l'Ontario doit mettre en oeuvre son programme Drive Clean en 1998. Ce genre d'initiative peut être favorisée par la disponibilité sur le marché des carburants appropriés, ce qui assurera que la technologie sophistiquée incluse dans des véhicules achetés par les consommateurs donnera les meilleurs résultats possibles et réduira les émissions comme c'est leur rôle de le faire.
Laissez-moi faire maintenant quelques recommandations précises concernant Kyoto. L'industrie canadienne de l'automobile continuera de travailler sur les changements climatiques en collaboration avec le gouvernement afin de permettre au Canada de respecter ses engagements internationaux. Nous, les constructeurs de voitures, sommes prêts à faire notre part en mettant au point de nouvelles technologies et en améliorant le rendement énergétique dans nos usines. Cependant, une stratégie qui soit efficace doit être fondée sur l'équilibre entre les systèmes dont nous avons parlé et doit inclure toute une gamme de politiques.
La clé du succès à Kyoto consiste à s'assurer que la politique canadienne sur les changements climatiques reconnaît ses effets contextuels et cherche un équilibre qui favorisera les intérêts économiques du Canada à long terme.
En ce qui touche la politique internationale, nous croyons que tout engagement que prendra le Canada doit inclure les pays développés autant que les pays en voie de développement, accélérer la recherche sur les technologies avancées, mettre en oeuvre des programmes favorisant les transferts technologiques et, dans notre secteur, reconnaître qu'une approche harmonisée produit/construction doit inclure l'ensemble de l'Amérique du Nord. Il faut aussi tenir compte des besoins des pays producteurs d'énergie, avec un impact économique uniforme sur tous les pays, tenir compte du contexte de chaque pays et surtout conserver suffisamment de souplesse pour choisir la meilleure approche compte tenu de l'évolution des connaissances sur le climat de la planète.
À Kyoto, le Canada doit éviter de souscrire à tout protocole qui imposerait des mesures et des politiques obligatoires et coordonnées qui seraient trop interventionnistes et restreindraient la marge de manoeuvre et l'innovation de l'industrie et du gouvernement dans la mise en oeuvre de leurs propres initiatives. Autrement dit, les politiques et les mesures qui conviennent à d'autres pays ne conviennent pas nécessairement au contexte canadien et désavantageront probablement le Canada par rapport à ses principaux partenaires commerciaux.
Ceci met fin à mon exposé, monsieur le président. Merci.
Le président: Merci, monsieur Nantais.
Nous allons maintenant entendre le représentant de l'Association des pâtes et papiers, Claude Roy.
M. Claude Roy (directeur principal, Programmes Environnement, Santé et Sécurité; Association canadienne des pâtes et papiers): Merci, monsieur le président.
Je suis venu en compagnie de Lucie Desforges, directrice, environnement et énergie, de l'association, et de Doug Bradley, directeur, planification corporative de l'une des entreprises membres de notre association, E.B. Eddy. Doug fait partie de l'un de nos comités forestiers au sein du groupe d'étude sur les changements climatiques dans le monde et, si vous avez des questions à poser ou des commentaires à faire au sujet du secteur forestier, Doug sera là pour vous répondre.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion ce matin de présenter le point de vue de l'ACPP sur la question du changement climatique. En cette période critique et privilégiée, à quelques semaines de la réunion de Kyoto, l'ACPP reconnaît l'importance du changement climatique.
Nous sommes un gros consommateur d'énergie et nous nous sommes intéressés de près à la question du changement climatique au cours des dernières années. Il y a bien des années, nous avons créé un groupe d'étude au niveau de notre conseil d'administration, et Doug en fait partie. Nous avons par ailleurs directement participé aux programmes Défi-climat et PEEIC. Pour votre information, je précise que nous nous occupons de ce dossier depuis maintenant de nombreuses années.
• 1125
Je vais dire quelques mots de l'ACPP, l'Association canadienne
des pâtes et papiers.
Cette association a été créée en 1913 pour représenter les fabricants de pâtes et papiers. Nos membres représentent actuellement 85 p. 100 de la production de pâtes et papiers de notre pays ainsi que plus de 70 p. 100 de la production de bois.
Au sein de l'association, nous avons un certain nombre de préoccupations communes: la gestion durable des forêts—nous nous intéressons de près à ce dossier depuis de nombreuses années— l'environnement, les politiques s'appliquant aux ressources naturelles, la technologie, la fiscalité et les pratiques commerciales.
Il faut reconnaître que le secteur forestier est en soi l'un des principaux moteurs de l'économie canadienne. Le secteur forestier représente un million d'emplois directs et indirects. C'est un secteur important. Nous sommes le secteur qui contribue le plus à la balance commerciale du Canada—31 milliards de dollars en 1996—et 80 p. 100 de notre production est exportée. Nous ne pourrons donc survivre en fait que si le régime que nous accorde notre pays répond aux besoins de nos entreprises.
Le problème du changement climatique est un problème international qui exige une collaboration entre tous les gens de tous les pays si l'on veut trouver des solutions. L'ACPP et ses membres sont favorables à la mise en place de mécanismes scientifiques et politiques internationaux pour que l'on puisse trouver ces solutions. Je le répète, le secteur forestier est un intervenant majeur au sein de l'économie canadienne et dans notre balance commerciale, et nous voulons participer aux solutions se rapportant au changement climatique.
Nous vous sommes donc très reconnaissants de nous avoir donné la possibilité ce matin de faire connaître notre point de vue sur la question.
En tant que représentante du secteur forestier, l'ACPP considère que tout engagement pris par le Canada lors de la prochaine conférence de Kyoto en vue de réduire comme prévu nos émissions de gaz dans l'atmosphère doit tenir compte d'un certain nombre de facteurs: les répercussions économiques et sociales de cet engagement sur le Canada, la situation propre de notre pays, la nécessité, pour les populations de tous les pays, de s'impliquer sur cette question, le succès des mesures volontaires de réduction des émissions, et la nécessité d'adopter des objectifs de réduction à long terme et non pas à court terme.
Lucie Desforges va vous présenter d'autres observations sur toutes ces questions et vous indiquer ce qu'il convient de faire, à notre avis, en prévision des prochaines négociations de Kyoto.
Mme Lucie Desforges (directrice, Planification intégrée, Association canadienne des pâtes et papiers): Comme vient de vous le dire M. Roy, l'Association canadienne des pâtes et papiers prend très au sérieux la question du changement climatique dans le monde. Nous estimons que des mesures doivent être prises pour éviter les dégâts causés à l'environnement, y compris aux forêts canadiennes.
Une chose cependant doit être claire: la question du changement climatique n'est pas seulement un problème de l'industrie. Au Canada, le secteur industriel est responsable de 20 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre, le même pourcentage que les automobiles et les foyers. Par conséquent, toute mesure visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre doit impliquer l'ensemble des secteurs de la société si l'on veut que le Canada ait quelque chance de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. On ne peut faire reposer uniquement ce fardeau sur les épaules de l'industrie.
L'ACPP a apporté une contribution significative à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les émissions attribuables au secteur des pâtes et papiers proviennent de la combustion de la biomasse ou des combustibles fossiles. Plus de la moitié des sources d'énergie de l'industrie proviennent de la biomasse ou des déchets du bois qui, sinon, seraient enterrés ou incinérés sans aucune récupération d'énergie. Toutefois, les émissions de CO2 qui provienne de la biomasse ne contribuent pas à l'augmentation nette globale des émissions de CO2. C'est ce qu'a conclu un groupe d'étude internationale sur le changement climatique. Par conséquent, les combustibles tirés de la biomasse sont une partie importante de la solution devant permettre à notre industrie de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, les combustibles tirés de la biomasse étant un sous-produit renouvelable de l'exploitation durable de nos forêts.
L'industrie des pâtes et papiers est aussi l'un des chefs de file du programme Défi-climat, soit le programme Mesures volontaires et Registre, ainsi que du programme d'économie d'énergie dans l'industrie canadienne, le programme PEEIC. Les réalisations volontaires de notre secteur parlent d'elles-mêmes. Entre 1990 et 1995, notre secteur a réduit ses émissions de CO2 de 20 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990 alors même que la production a augmenté de 22 p. 100. Au cours de cette même période, le rendement énergétique a augmenté de 7 p. 100. Nous avons par ailleurs réduit notre utilisation de combustibles fossiles de 12 p. 100, en favorisant l'utilisation de la biomasse. Entre 1972 et 1995, l'utilisation de combustibles fossiles a diminué de 77 p. 100.
• 1130
Ces réductions des émissions de gaz ont été obtenues grâce à
une amélioration des rendements énergétiques, en substituant la
biomasse aux combustibles fossiles et en utilisant des
hydrocarbures plus légers tels que le gaz naturel.
Notre industrie a réalisé tout cela de manière volontaire. Elle a dépassé l'objectif de stabilisation aux niveaux de 1990 que s'était fixé le Canada.
La forêt offre aussi directement des possibilités de ralentissement des changements climatiques. L'industrie forestière peut rehausser la capacité de stockage du carbone par les forêts en pratiquant une gestion forestière durable, en s'assurant de la régénération rapide des forêts, en protégeant les forêts contre les incendies, les insectes et les maladies, en utilisant efficacement la ressource ligneuse, (augmentation des rendements ou fibres recyclées), en fabriquant des produits ayant une plus longue durée et continuant à emmagasiner le carbone, et en pratiquant l'utilisation prolongée des produits du bois par le biais de la réutilisation, de la récupération et du recyclage.
De plus, selon les différentes affectations éventuelles des terres, il y a aussi la possibilité d'augmenter le carbone stocké par les forêts en étendant la superficie des secteurs forestiers grâce à la forêt urbaine, à l'exploitation des plantations ainsi qu'au reboisement des terres agricoles marginales ou abandonnées.
L'industrie des pâtes et papiers contribue de manière significative à réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada. Il faut que l'on tienne compte de ces réalisations volontaires lorsqu'on adoptera les nouveaux schémas de réduction. Les réalisations de l'industrie prouvent que les démarches volontaires ont leur place au Canada et peuvent donner des résultats.
L'ACPP souhaite faire les recommandations suivantes au comité permanent avant que le Canada n'entame les négociations de Kyoto.
Les engagements du Canada en faveur d'un nouvel objectif s'appliquant aux changements climatiques doivent tenir compte des répercussions économiques et sociales qui en résulteront pour notre pays. La démarche adoptée par plusieurs pays industriels...
Le président: Lucie, étant donné que le temps passe, pourriez- vous résumer simplement les grandes lignes de ces recommandations?
Mme Lucie Desforges: Très bien. Il y a un point que je tiens encore à développer, mais c'est ce que je vais faire.
Le président: Je tiens simplement à m'assurer que nous aurons suffisamment de temps pour les questions, c'est tout.
Mme Lucie Desforges: Bien sûr, aucun problème.
Je disais qu'il nous fallait tenir compte des répercussions économiques et sociales. Les politiques et les mesures acceptées au plan international doivent tenir compte de la situation propre au Canada, ainsi que nos collègues l'ont déjà indiqué.
Il y a un point sur lequel je voudrais insister, c'est sur le fait que toutes les nations, développées ou en développement, doivent absolument participer à la solution. À titre d'exemple, dans le secteur des pâtes et papiers, des pays comme le Chili, le Brésil ou l'Indonésie ont des coûts de production qui peuvent être inférieurs de 10 à 20 p. 100 à ceux des industries canadiennes.
Si ces pays ne sont pas membres d'un accord international ou ne prennent pas part aux efforts de réduction des changements climatiques ou des émissions de gaz à effet de serre, notre industrie canadienne, qui est l'un des plus gros exportateurs, sera placée dans une situation très désavantagée.
Par ailleurs, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, la démarche volontaire est la clé du succès au Canada. De même, il faut fixer des échéanciers. Nous devons avoir des échéanciers à long terme pour réagir et nous adapter à l'évolution des changements climatiques.
Enfin, nous nous engageons à améliorer les connaissances scientifiques portant sur la mesure du carbone stocké au Canada. Nous voulons nous assurer que le Canada préconise une méthode de calcul net tenant compte du carbone emmagasiné dans nos forêts. C'est une formule que doit appuyer le Canada.
Je conclus sur ces mots. Merci, monsieur le président.
Le président: Je remercie le tandem constitué par M. Roy et Mme Desforges.
Vous avez tous fait d'excellents exposés même si, en moyenne, vous avez quelque peu dépassé le temps imparti. Nous allons faire maintenant de notre mieux, mais vous avez tous été excellents.
Nous allons commencer par les questions du Parti réformiste. Darrel.
M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Réf.): Je tiens à dire tout d'abord, monsieur le président, qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps et que j'aimerais beaucoup que nous fassions revenir ces témoins dès que nous le pourrons.
Le président: Tout à fait d'accord.
M. Darrel Stinson: Est-ce que M. Manning pourrait nous dire, au cas où les membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole signeraient le traité de Kyoto sans que le Canada le fasse, quelles en seraient les incidences, à votre avis, sur notre compétitivité sur la scène mondiale en tant que pays producteur et exportateur de pétrole, ou même sur la capacité de l'Alberta à approvisionner notre propre côte Est face aux importations moins chères en provenance de l'étranger?
M. David Manning: C'est une question tout à fait cruciale. Comme vous le savez certainement, le Venezuela est le plus gros vendeur au détail de pétrole et de gaz aux États-Unis, plus gros que n'importe lequel de nos membres. Comme vous le savez, la tendance est nettement à l'exportation au sein de ce groupe. Quelque 80 p. 100 de sa production est exportée; 52 p. 100 de notre pétrole est exporté ainsi que 50 p. 100 de notre gaz naturel. Si la technique de liquéfaction du gaz naturel était moins onéreuse, la tendance à l'exportation au Canada serait encore plus grande. Nous sommes en fait des exportateurs.
Nous avons aussi le sentiment de respecter les normes environnementales plus strictes du monde. Je vais vous donner un autre exemple, si vous me le permettez.
Les chiffres correspondant à la Norvège sont très fortement à la hausse. Sa consommation intérieure n'a pas du tout augmenté. Elle fournit une grosse quantité de gaz naturel à l'Allemagne. Environ 50 p. 100 de la réduction des émissions de CO2 de l'Allemagne—et bien évidemment, ce sont les Allemands qui font pression sur tout le monde à l'heure actuelle—est attribuée au remplacement du charbon par le gaz naturel.
Si la Norvège respecte ses engagements afin de stabiliser puis de réduire considérablement sa propre production, ce qui pourrait bien entendu se produire au Canada, l'Allemagne pourra alors s'adresser à la Russie pour s'approvisionner en gaz naturel, la longueur du transport étant alors de trois à quatre fois supérieure. Les émissions de CO2 par unité de production du gaz de Russie sont cinq fois celles de la Norvège. En Grande-Bretagne, c'est le triple de celles de la Norvège.
Là encore, le gisement Hibernia, au large de Terre-Neuve, sera une source très efficace d'approvisionnement pour le monde entier, parce que l'on atteindra une production de 180 000 barils par jour à partir d'une seule installation, ce qui est un progrès considérable par rapport à tous les gisements que vous venez de mentionner.
C'est donc tout à fait fondamental. Il y a non seulement les considérations économiques, et vous allez décourager une industrie importante pour le Canada, mais ce ne sera pas non plus un gain pour l'environnement.
M. Darrel Stinson: J'adresse cette question à l'un ou à l'autre des représentants des différentes industries.
Nous savons depuis 1990 ou 1992 que la chose s'en venait. J'aimerais que l'un ou l'autre des représentants de l'industrie nous dise quelle aide ils ont reçue du gouvernement depuis que nous faisons face à ce problème. Quels sont les engagements véritables pris par le gouvernement envers votre industrie sur le plan des contacts, des relations ou du financement de la R-D?
M. Mark Nantais: Pour ce qui est de l'aide du gouvernement, vous savez probablement que des discussions ont eu lieu entre le gouvernement, les provinces et l'industrie à partir de la date que vous avez mentionnée, soit depuis 1992; et peut-être même avant, dirais-je même. Je vous répondrais donc que oui, nous avons bénéficié d'une bonne collaboration. Je pense que nous avons bien compris les enjeux depuis que l'affaire a été lancée.
Ce qu'il nous manque, à mon avis, c'est une bonne compréhension de la complexité des enjeux: quelles vont être les incidences ici sur les perspectives économiques du Canada. C'est ce qui nous a manqué jusqu'à présent. Il va être très difficile d'aller à Kyoto sans avoir une bonne compréhension de l'ensemble des répercussions économiques et des perspectives à long terme du Canada si nous ne nous intéressons pas davantage à cette question.
Sur la question de la R-D, même si je ne peux parler que pour l'industrie de l'automobile, n'oublions pas qu'au Canada nous avons l'une des meilleures structures fiscales pour la R-D dans le monde. Nous jouissons d'une très grande compétence au Canada. Les entreprises et les institutions qui sont en mesure de travailler au Canada vont en fait bénéficier de cette structure.
Dans l'industrie de l'automobile, nous avons fait il y a des années un compromis en vertu duquel nous avons centralisé notre travail de R-D, notre conception technique. J'ajouterai que nous examinons actuellement les moyens de décentraliser jusqu'à un certain point, afin de rapatrier éventuellement une partie de cette R-D au Canada, si nous considérons que la compétence se trouve au Canada.
L'un des meilleurs exemples, qui porte sur une entreprise qui est probablement à la pointe des nouvelles techniques, est celui de Ballard Power Systems. Chacun des trois grands constructeurs a des intérêts dans Ballard, et c'est aussi le cas de certaines entreprises importatrices.
• 1140
Le Canada offre donc des perspectives dont nous pouvons tirer
parti et je pense que le gouvernement est tout à fait disposé à
nous aider de ce point de vue.
Le président: Merci, monsieur Nantais.
Quelqu'un d'autre veut-il intervenir? Monsieur Manning.
M. David Manning: En quelques mots, je pense qu'il faut dire que le ministre des Ressources naturelles qui, tout au long de cette période, s'est fait le champion du programme Défi-climat, a fortement encouragé ce programme. Je dois dire, cependant, que le dialogue entre les différentes instances gouvernementales n'a pas toujours été constructif. Nous avons toutefois enregistré dernièrement de véritables progrès.
Les représentants de notre industrie se sont effectivement réunis à deux reprises au niveau ministériel avec les responsables du ministère des Ressources naturelles et du ministère de l'Environnement; il y a eu d'autres réunions et nous devons reconnaître que le dialogue avec le gouvernement fédéral est de plus en plus constructif à mesure que nous avançons.
En toute justice, il faut reconnaître à mon avis, conformément à ce qu'a indiqué mon collègue, que l'on prend de plus en plus conscience de la complexité des enjeux, mais ça n'a pas toujours été le cas au cours des cinq dernières années.
Mme Lucie Desforges: Nous avons nous aussi reçu beaucoup d'aide de la part du ministère des Ressources naturelles dans le domaine du rendement énergétique ainsi que de la part du Service canadien des forêts dans le domaine scientifique. Je ne puis toutefois que confirmer ce que dit M. Nantais: il y a une lacune dans le domaine des répercussions économiques, et nous avons besoin d'un appui et d'une meilleure compréhension mutuelle au sujet des retombées dans notre secteur.
Le président: Monsieur Jackson.
M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): J'ai deux questions à poser.
La première s'adresse probablement à M. Manning. Il a déclaré que l'on allait remplacer les moteurs à combustion interne. J'aimerais savoir quelles sont les options de rechange.
En second lieu, on parle de plus en plus d'adaptation volontaire et de choses de ce genre. Lorsque Henry Ford a dû remplacer... C'était un problème de moteur, il y a eu les moteurs à quatre cylindres, puis les moteurs à six cylindres qui étaient plus longs et les huit cylindres qui étaient encore plus long. Rappelez-vous ces vieilles voitures. Elles devenaient de plus en plus longues. Il a menacé de renvoyer son chef mécanicien s'il ne réussissait pas à concevoir un meilleur moteur, et très vite on lui a présenté le V8.
Dans le même ordre d'idées, je parlais dernièrement à un ami dont le fils se servait constamment du sèche-cheveux, faisait couler la douche très longtemps et se servait énormément de l'automobile. Il gaspillait véritablement des quantités d'énergie. Lorsqu'il a finalement trouvé un travail, il a demandé à sa mère ce qu'il pouvait faire pour l'aider et elle lui a répondu de payer les notes de l'électricité. À partir de ce moment-là, il s'est préoccupé des dépenses d'énergie. Il a fait mettre davantage d'isolation, il s'est mis à éteindre les lumières, etc.
Je sais qu'il nous faut agir sur le plan personnel, mais quelles sont les mesures que peuvent prendre vos entreprises pour faire leur part dans ce domaine, qu'il s'agisse d'augmenter le kilométrage parcouru par gallon d'essence ou de toute autre chose? Quelles sont les différentes initiatives prises dans chacun des secteurs? Je sais qu'elles doivent figurer quelque part, mais pourriez-vous nous les faire connaître ou éventuellement les déposer plus tard à notre intention?
Le président: Des volontaires? Monsieur Nantais.
M. Mark Nantais: Notre industrie, je l'ai indiqué, s'efforce depuis longtemps d'informer tout d'abord ses clients au sujet du véhicule qu'ils achètent, mais aussi de la façon dont ce véhicule fonctionne et dont il convient de l'entretenir.
Nous avons récemment pris une initiative conjointe et volontaire avec le CNRC afin de mettre au point l'étiquetage EnerGuide. L'étiquette EnerGuide remplace l'ancienne étiquette qui figurait sur les véhicules dans les salles d'exposition. Cette étiquette, tout en indiquant au client la consommation de carburant, permet désormais de faire rapidement le calcul en termes d'économies réalisées. Autrement dit, quelles vont être les économies réalisées sur le coût du carburant selon qu'il utilise le véhicule A ou le véhicule B.
On en vient donc exactement au point que vous soulevez, en l'occurrence que si un enfant dans une famille doit payer la note d'électricité lorsqu'il allume la lumière, il comprendra mieux les enjeux et sera davantage porté à éteindre et à économiser l'énergie. C'est ce qui est à la base de la conception de l'étiquette EnerGuide. C'est une conception très semblable à celle des étiquettes EnerGuide qui sont apposées sur vos laveuses, vos sécheuses et vos réfrigérateurs. Il faut tenir compte des mentalités des gens, de la façon dont ils consomment l'énergie dans le cours de leurs activités normales et dans leur mode de vie quotidien.
C'est donc l'une des choses que nous faisons.
Nous complétons aussi cette action en améliorant le guide des économies de carburant, qui est une liste complète de tous les nouveaux modèles de véhicules, qu'ils fonctionnent à l'essence classique ou avec les carburants de rechange qui apparaissent aujourd'hui sur le marché. Nous aimerions que la demande de véhicules fonctionnant avec des carburants de rechange soit plus forte, mais ce n'est pas le cas pour l'instant.
• 1145
Il s'agit donc ici d'aider le consommateur à bien mieux
comprendre les conséquences de ses actions dans sa vie de tous les
jours.
Le président: Merci. Monsieur Manning.
M. David Manning: Étant donné le manque de temps, je ne vous donnerai qu'un seul exemple de ce qu'a fait l'Association canadienne des producteurs pétroliers.
J'aimerais qu'il soit consigné, M. Jackson, que ce n'est pas l'association des producteurs de pétrole qui préconise l'abandon du moteur à combustion interne. Je préférerais que l'on retire cette mention du procès-verbal pour pouvoir rentrer chez moi en toute tranquillité.
Des voix: Oh, oh.
M. David Manning: L'exemple précis est celui du défi posé par le chauffage. L'association des producteurs de pétrole patronne depuis des années, et c'est toujours le cas aujourd'hui, un programme organisé dans les écoles canadiennes qui permet aux enfants de rapporter chez eux des trousses d'information. Trois mille cinq cents écoles y participent au Canada. Nous avons augmenté les crédits consacrés à ce programme pour en étendre la portée.
C'est un programme organisé dans les écoles élémentaires du Canada qui amène les enfants à faire chez eux une vérification d'énergie. Ils vérifient les économies d'énergie réalisées dans leur maison, ainsi que les fuites d'air. Ils contrôlent les étiquettes EnerGuide apposées sur leurs appareils ménagers. On leur apprend ainsi à économiser l'énergie chez eux. C'est un programme financé par notre association.
Nous avons l'intention d'étendre davantage ce programme mais, dès à présent, les écoles peuvent l'appliquer volontairement dans tout le pays. Nous fournissons la documentation et nous finançons le programme.
C'est juste un exemple.
Le président: Je vous remercie.
Mme Lucie Desforges: Monsieur le président, l'industrie des pâtes et papiers appuie fortement les activités visant à promouvoir le recyclage et à réutiliser les produits forestiers, puisqu'ils conservent leur carbone sur une plus longue durée. Nous participons au programme des boîtes bleues. Nous publions un guide de recyclage.
Entre 1990 et 1996, la consommation de papier recyclé a plus que doublé. Elle est 2,4 fois plus élevée. C'est l'une des façons pour nous d'influer sur le comportement des particuliers.
Le président: Merci, madame Desforges.
Monsieur Chatters.
En passant, j'apprécie la concision des questions posées par les députés.
M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Merci.
J'ai une question en deux parties. La première s'adresse à tous les témoins. Pensez-vous, en supposant que le gouvernement se rende à Kyoto afin de prendre un engagement proche de celui qui a été pris à Regina—en l'occurrence, réduire les émissions de gaz à effet de serre aux niveaux de 1990 en l'an 2010—que cet objectif soit réalisable tout en maintenant le rythme actuel de croissance démographique et économique?
Deuxièmement, si vous pensez que c'est réalisable, et si nous prenons cet engagement, quel doit être selon vous la réglementation adoptée et les mesures impératives qui devront être prises pour garantir la réussite du programme? Qui va s'assurer que les pays en développement vont bien s'y conformer? Qui va imposer des pénalités ou toute autre mesure à ceux qui échouent ou qui ne respectent pas leur engagement?
Si quelqu'un pouvait me répondre sur ces points, je crois que ce serait un bon commencement.
Le président: Qui veut commencer? Monsieur Manning.
M. David Manning: Je vais commencer et je suis sûr que mes collègues vont me suivre.
C'est une excellente observation, M. Chatters. La tâche est difficile. Je pense qu'il est ressorti très clairement de la réunion de Regina que le consensus avait été imposé avec difficulté. Je ne pense pas que les provinces appuient une position qui aille au-delà de ce consensus. Je ne pense pas que l'on soit tombé dans la facilité ce jour-là.
De la même manière, il m'apparaît que cet objectif ne sera absolument pas facile à atteindre pour le Canada. Il va falloir retrousser nos manches. Il faudra absolument que l'on tienne compte du fait que le Canada est un pays exportateur. Il sera absolument indispensable qu'on nous accorde le crédit de l'exportation de nos techniques en matière d'environnement.
Le Canada a déjà livré deux usines nucléaires—sur papier du moins—à la Chine. On n'a pas discuté à l'époque des retombées en matière d'émissions de carbone. Il faut que l'on en discute. C'est un élément important qui détermine le respect de nos engagements.
Je répète que nos exportations ont tellement augmenté qu'elles correspondent désormais à 14 p. 100 de la consommation de gaz aux États-Unis. Il en est résulté, comme vous le savez, une grosse amélioration des rendements, avec la cogénération et des formules de ce type. Les sources d'énergie offrant un moins bon rendement ont été déplacées.
Les États-Unis, qui s'opposaient jusqu'alors à l'augmentation des importations en provenance du Canada, y sont désormais favorables, parce que c'est devenu une composante essentielle de leur consommation énergétique. Ils nous demandent maintenant de leur dire exactement quelle est notre capacité de production à long terme. Il faut bien reconnaître que la production de pétrole et de gaz baisse dans de nombreuses régions des États-Unis, vous ne l'ignorez pas.
Nous pouvons donc maintenant discuter avec les États-Unis en faisant valoir des arguments que nous n'avions pas il y a cinq ans. Disons-le bien franchement, ils ont besoin de nous maintenant, du moins dans notre industrie, et je dirais qu'il en va évidemment de même dans les autres secteurs qui sont représentés ici.
• 1150
Comment faites-vous le contrôle? Je pense que certains pays
vont peut-être parier que nous ne serons pas en mesure de mettre
sur pied l'infrastructure nécessaire, sur le modèle du GATT, et
qu'une administration internationale du commerce n'est tout
simplement pas possible, que le problème est trop vaste. Ce serait
une façon, bien entendu, de veiller à l'application de cet accord.
Son application serait contrôlée par le biais de certaines
répercussions commerciales dans le cadre d'une nouvelle
administration qui, à mon avis, devrait être conçue sur le modèle
du GATT ou de l'Organisation mondiale du commerce qui existent
actuellement. Ces organismes pourraient très bien servir de modèle.
Est-ce donc possible? Oui, mais seulement si l'on reconnaît la situation unique du Canada que nous avons exposée aujourd'hui et seulement si l'on crédite au Canada à la fois ses initiatives menées au plan international pour fournir des techniques liées à l'environnement et ses exportations incorporant de l'énergie qui continuent à être demandées. Ce n'est que lorsqu'on nous aura pleinement crédités de ces composantes que nous pourrons atteindre ces chiffres. Je ne crois pas toutefois que Kyoto soit un aboutissement; c'est un point de départ et le Canada a la possibilité de montrer la voie.
M. David Chatters: Le Canada devrait-il signer s'il n'obtient pas ces garanties?
M. David Manning: Il reste encore beaucoup à débattre pour savoir s'il y aura une signature à Kyoto. La position non officielle des États-Unis est, j'imagine, de dire qu'indépendamment du fait qu'il y ait ou non une signature, tout se ramènera finalement à un grand nombre de mesures unilatérales, y compris en ce qui a trait à leurs postes budgétaires de R-D, et d'autres choses encore.
Je pense que le Canada doit garder toutes ses munitions jusqu'à la dernière journée de la conférence à Kyoto, mais qu'il nous faut faire quelque chose si l'on veut rester le chef de file face au monde en développement.
Le président: Merci.
Monsieur Bradley, au nom de l'Association des pâtes et papiers.
M. Doug Bradley (directeur, Planification corporative, Association canadienne des pâtes et papiers): Je ne vais pas me prononcer pour savoir si l'on peut atteindre ou non l'objectif fixé en 2010, mais je sais par contre qu'il y a deux moyens d'y parvenir. Le premier est de réduire les émissions de combustibles fossiles. Le deuxième consiste à augmenter la taille de notre puits de carbone.
L'industrie forestière met en oeuvre à l'heure actuelle de nombreux projets impliquant notamment une amélioration du rendement des scieries, une protection des forêts contre les incendies, etc., le tout venant augmenter notre puits de carbone.
Toutefois, il y a des quantités de projets qui n'ont pas encore été mis en route, tels que l'espacement des jeunes plans à grande échelle, la productivité sur le site et l'amélioration génétique des arbres et des plantations, qui tous vont augmenter bien davantage encore notre puits de carbone et compenser par là même nos émissions de combustibles fossiles.
Si nous voulons atteindre notre objectif, je crois qu'il est très important de nous assurer que nous pouvons faire démarrer ces projets. Cela signifie en fait la mise en place d'un marché du carbone, d'un marché en vertu duquel les entreprises de ces deux secteurs industriels, ceux qui brûlent dans l'atmosphère davantage de combustibles fossiles, pourront éventuellement trouver plus rentable de mettre en oeuvre un projet forestier plutôt qu'un projet de réduction des émissions.
Le président: Le défi est intéressant à relever.
M. David Chatters: Excusez-moi, mais je pense que le témoin a changé de sujet. Nous allons à Kyoto pour signer un accord de réduction des émissions de gaz à effet de serre et non pas un accord de récupération des émissions de gaz à effet de serre. C'est un principe intéressant, mais je ne suis pas sûr que ce soit là la question.
Le président: Quelqu'un au nom des constructeurs de véhicules?
Mme Lucie Desforges: Si vous me le permettez, monsieur le président, la conférence de Kyoto a en partie pour mandat de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi en partie de renforcer et de protéger les puits de carbone actuels. Le renforcement des puits de carbone fait aussi partie intégrante du mandat.
Le président: Excellente remarque.
Bien, Dave, nous allons nous arrêter là-dessus.
Est-ce qu'un représentant des constructeurs de véhicules veut répondre à la question de M. Chatters?
M. Mark Nantais: Il est certain que nous appuyons les observations faites par les deux autres groupes. Il faut se souvenir que Kyoto est un point de départ.
Si vous examinez le document publié par Bonn—et je crois que personne ne l'a encore vu, du moins personne dans l'industrie à ma connaissance—il y a bien des questions difficiles qui sont posées et bien des questions non encore résolues. À Kyoto, ce ne sera pas facile. C'est un commencement.
Toutefois, si nous ne nous ménageons pas toutes les possibilités, toutes celles qui ont été décrites ici, nous allons avoir à mon avis des difficultés. Nous devons nous assurer de ne pas nous mettre en position de faiblesse face à nos grands partenaires commerciaux.
Le président: Merci, monsieur Nantais.
Monsieur Cullen, puis M. Asselin.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai une question à poser à l'ACPP et une autre aux constructeurs de véhicules, si j'en ai le temps.
Tout d'abord, je tiens à féliciter l'ACPP des énormes progrès qu'elle a réalisés sur une période relativement courte en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre et ce, en grande partie, j'imagine, grâce à des mesures volontaires.
Je voudrais dire quelques mots de la cogénération. Il n'y a pas si longtemps, les possibilités de cogénération dans l'industrie forestière étaient limitées, en grande partie en raison de la surcapacité de production d'hydroélectricité dans des provinces comme l'Ontario et le Québec, et peut-être même dans d'autres.
• 1155
Où en est l'industrie sur le plan de la cogénération? Y voyez-
vous à l'avenir un remède éventuel contre les émissions de gaz à
effet de serre, surtout compte tenu de la restructuration de
l'industrie hydroélectrique au Canada, l'Ontario servant de modèle?
Mme Lucie Desforges: Les projets de cogénération font partie intégrante de la solution étant donné que l'on assiste à l'heure actuelle à une déréglementation du marché de l'électricité. Il y a dans ce secteur des possibilités qui n'ont pas été exploitées. Malheureusement, je n'ai pas les chiffres. Toutefois, c'est en partie la solution et cela doit nous permettre de recourir davantage à la biomasse plutôt qu'aux combustibles d'origine fossile contenant davantage de carbone. Nous incitons le gouvernement—ici même et dans d'autres instances—à poursuivre sa déréglementation du marché de l'électricité. C'est indispensable si nous voulons poursuivre la mise en oeuvre des projets de cogénération.
Le président: Roy, une brève question supplémentaire.
M. Roy Cullen: J'en viens aux automobiles. Vous avez parlé d'une approche équilibrée et multiple. Pouvons-nous simplement considérer les normes d'émissions? Je ne sais pas suffisamment ce qui se passe en Californie, et j'ai l'intention de me pencher davantage sur la question très bientôt parce que le transport est une cause importante, cela ressort de votre exposé: les voitures particulières et les camionnettes représentent 14,7 p. 100 du total.
Avons-nous un enseignement à tirer de l'expérience californienne? Quelle est-elle et quelles sont les leçons à en tirer pour le Canada?
M. Mark Nantais: Nous allons nous partager sur cette question, parce que Roger a une longue expérience en la matière.
Tout d'abord, il faut être très prudent au sujet de la Californie. Il faut bien comprendre la situation. Par normes, entendez-vous les normes d'émissions à l'échappement des véhicules ou les normes portant sur les économies de carburant? Les progrès réalisés par la Californie l'ont été avant tout sur les normes d'émissions, soit en ce qui a trait à l'échappement des véhicules.
À vous parler bien franchement, lorsqu'on considère les normes draconiennes qu'elle a mises en place, on en arrive à ce que l'on appelle une pénalité sur les économies de carburant. Les économies de carburant subissent en fait les effets pernicieux de ces normes d'émission. Il faut donc séparer les deux. Il y a la norme liée au CO2, qui est la norme corrélative aux économies de carburant. L'autre est la norme d'échappement des véhicules, qui porte sur des produits polluants bien déterminés, le monoxyde de carbone, les hydrocarbures et les oxydes d'azote. Ce sont deux problèmes totalement distincts. La Californie a fait d'énormes progrès au sujet des trois polluants ainsi déterminés, mais pas nécessairement en ce qui a trait au CO2.
M. Roger Thomas (gérant, General Motors du Canada Limitée; Association canadienne des constructeurs de véhicules): L'une des réalisations très significatives de la Californie a été finalement de lier la technologie de construction des automobiles au carburant, ce qui lui a permis de réaliser un bon nombre de progrès en matière de technologie des carburants ces dernières années. Ce faisant, elle a effectivement réduit la teneur de carbone dans les carburants, ce qui réduit la quantité de CO2 sortant des tuyaux d'échappement. Les carburants plus propres offrent donc aussi la possibilité de réduire la quantité de CO2 sortant des véhicules.
M. Mark Nantais: La Californie est assujettie aux mêmes normes d'économie de carburant qui s'appliquent à l'ensemble des États- Unis. Elle ne bénéficie pas d'un traitement spécial. Incidemment, ce sont ces mêmes normes que nous respectons de notre plein gré au Canada dans le cadre des objectifs que nous nous sommes volontairement fixés.
Le président: Merci. Merci, monsieur Cullen.
Gérard, présentez-nous rapidement votre question.
[Français]
M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): J'ai cru comprendre que l'Association canadienne des constructeurs de véhicules et l'Association canadienne des producteurs pétroliers appuyaient la position du Canada relativement à la rencontre qui aura lieu à Kyoto. Vos deux associations savent qu'aujourd'hui, le Comité des ressources naturelles et le Comité de l'environnement étudient la problématique de la réduction des gaz à effet de serre.
Ce matin, nous sommes chanceux d'accueillir vos deux associations en même temps, parce que vous savez comme moi que l'une ne va pas sans l'autre. On ne se procure pas d'essence si on n'a pas de véhicule, et si on a un véhicule, ça prend de l'essence. Ce matin, nous avons les véhicules et l'essence.
J'ai toujours été en faveur du principe du pollueur-payeur. Qu'on applique ce principe à la pompe ou sur le prix de vente du véhicule, c'est toujours le consommateur qui va payer.
Nous sommes dans un monde de consommation moderne; aujourd'hui, tout fonctionne à l'essence. Devant l'entrée de la maison d'un couple qui travaille, il y a bien souvent au moins deux véhicules. Que ce soit ta souffleuse, ta tondeuse à gazon, ton véhicule automobile ou ton tout-terrain, tout fonctionne à l'essence.
• 1200
En augmentant le prix de
l'essence à la pompe ou en prélevant une taxe
environnementale sur les véhicules lors de leur achat,
on accroît vos bénéfices.
C'est un constat qu'on peut faire actuellement: plus on
achète, plus vous faites de l'argent. Pouvez-vous nous
dire ce matin quelles sont,
en pourcentage ou en dollars, les sommes que vous
investissez annuellement en recherche et
en développement pour vous conformer aux normes
environnementales et réduire substantiellement les
gaz à effet de serre d'ici l'an 2010?
Le président: Merci, Gérard.
[Traduction]
Quelqu'un veut-il répondre? Monsieur Manning?
M. David Manning: J'ai bien peur de ne pas pouvoir vous donner le détail des mesures précises prises au sujet du CO2 parce que nos mesures environnementales sont liées au rendement de notre industrie.
Je peux cependant vous donner un certain nombre d'exemples pour ce qui est des sables bitumineux. Les émissions de CO2 pour chaque baril produit vont baisser de 22 p. 100 à la fin du siècle. On a changé les méthodes d'exploitation en abandonnant les gros excavateurs à bennes pour adopter les camions et les pelles. On a modifié la façon de transporter les sables bitumineux en passant des courroies transporteuses au transport hydraulique. La séparation entre le pétrole et le sable commencera dès l'entrée dans le circuit de transport.
On a réduit la température. La température employée par Syncrude et Suncor est désormais d'environ 80 oC. L'élévation de la température est bien entendu l'un des moyens de séparer le pétrole et le sable. Cette température tombera à 32 oC avec l'amélioration des techniques. C'est là un des exemples; il y en a plein comme cela.
Pour ce qui est du total de nos dépenses en matière d'environnement, notre industrie a certainement dépensé largement plus de 500 millions de dollars, mais nous n'avons pas fait la répartition des coûts en ce qui concerne le CO2.
Nous avons équipé nos installations de forage de moteurs à haut rendement. Nous sommes passés à la récupération du méthane dans nos réseaux d'oléoducs.
Je pourrais vous entretenir toute la journée de toutes ces choses, mais il est clair que nous avons regroupé il y a deux ans au sein de notre association le service de l'environnement et le service de l'exploitation. Les deux sont intimement liés. Je dirais qu'aujourd'hui il n'y a pas d'exploitation dans l'industrie de production du pétrole et du gaz qui ne soit liée d'une façon ou d'une autre aux normes s'appliquant à l'environnement et aux économies d'énergie.
Le président: M. Nantais ou Mme Moreau?
Mme Carol A. Moreau (directrice, Relations avec le gouvernement, Ford du Canada Limitée; Association canadienne des constructeurs de véhicules): En fait, pour ce qui nous concerne en particulier, je n'ai pas le pourcentage exact en dollars, mais je peux vous dire que la moitié, 50 p. 100 au moins, des recherches effectuées dans notre laboratoire scientifique portent sur des questions d'environnement.
À l'heure actuelle, nous participons à la recherche sur de nouveaux véhicules, dans le cadre d'un partenariat entre les trois grands constructeurs. Nous avons pleinement investi dans l'élaboration des techniques futures pour ce qui est de la pile à combustible, et les recherches sont nombreuses dans ce secteur. Voilà plus de 30 ans par ailleurs que nous participons à des projets sur les véhicules alimentés par des carburants de rechange. Nous avons actuellement plus de 10 modèles disponibles au Canada, et c'est l'un des secteurs qui devrait à notre avis se développer à l'avenir.
Le président: Monsieur Nantais.
M. Mark Nantais: Monsieur le président, je me permettrais d'ajouter, pour vous donner une idée, par exemple, du coût de l'élaboration des systèmes de contrôle des émissions sur les véhicules devant répondre aux normes d'émissions de 1996, que pour les trois gros constructeurs uniquement, les dépenses se sont élevées à environ 4 milliards de dollars. Le programme sur les véhicules alimentés au gaz naturel auquel se réfère Carol est un programme très ambitieux qui coûte un milliard de dollars.
Le président: Merci, monsieur Nantais.
Les représentants de l'industrie des pâtes et papiers, vous voulez passer votre tour sur cette question?
Gérard, je vous remercie.
Il y aura rapidement une question posée par M. Provenzano et il faut espérer qu'il nous restera du temps pour une question rapide posée par...
M. Carmen Provenzano (Sault Ste-Marie, Lib.): En fait, monsieur le président, on a déjà répondu à une partie de ma question en répondant à celle M. Jackson. Ma question s'adresse à M. Nantais et elle est plus générale.
Vous venez d'énoncer les éléments que ce gouvernement devrait absolument reprendre, selon vous, dans la politique sur le changement climatique mondial. Je trouve vos propositions fort intéressantes et je dois vous dire que votre exposé reflète exactement le genre d'équilibre que vous voudriez retrouver dans la solution.
Étant donné la complexité et l'ampleur des problèmes auxquels nous sommes confrontés, selon vous, quel élément de cette politique pourrait-on mettre en oeuvre de façon volontaire?
M. Mark Nantais: Voilà une excellente question. Vous avez tout à fait raison. Le programme Défi-climat, qui s'articule autour de mesures volontaires, pourrait nous permettre de parvenir aux réductions recherchées, à condition que certains facteurs externes, autrement dit les pressions que pourraient exercer les pays et d'autres blocs commerciaux, ne provoquent pas un affaiblissement de nos perspectives économiques. Nous devons chercher à mettre en oeuvre des mesures qui ne soient pas punitives. Il nous faut trouver des mesures incitatives.
• 1205
Notre capacité de réduire les émissions de CO2 dépendra, en
grande partie, de vous et de moi, du grand public, de ceux et de
celles qui consomment de l'énergie au quotidien. Comme je le dis
souvent, on pourrait convaincre les gens de réduire les distances
qu'ils parcourent en véhicules personnels de 5 p. 100 seulement; il
ne s'agirait pas d'une mesure importune, la décision étant prise
volontairement, à la suite d'un programme d'information. Je vous
parie que s'ils faisaient un, deux ou peut-être trois déplacements
de moins au Mac's Milk du coin, ils parviendraient à réduire de
5 p. 100 le kilométrage parcouru dans une année. Et comme les
émissions de CO2 découlent directement du carburant consommé, on
obtiendrait une réduction très sensible de ces émissions, du moins
dans le secteur automobile.
Le président: Avant de laisser la parole à M. Pickard, je dois vous dire que le comité se réserve le droit de vous réinviter, l'année prochaine, après Kyoto, pour que nous puissions passer un peu plus de temps sur cette question. Mais aujourd'hui, comme nous sommes pressés par le temps, nous apprécierions que vous soyez concis dans vos réponses.
Monsieur Pickard, pour une brève question.
M. Jerry Pickard (Kent—Essex, Lib.): Je n'ai pas manqué de constater que la position de l'industrie et celle du gouvernement du Canada sont très proches. J'imagine qu'à Kyoto, elles seront très cohérentes.
De toute évidence, vous avez beaucoup dialogué l'un et l'autre. Je reviens juste du Japon où nous avons discuté de la position canadienne, et elle est tout à fait conforme à ce que vous venez de nous dire ce matin, ce que je trouve très étonnant.
Il y a, cependant, un point que j'aimerais préciser, étant donné que, pas plus notre gouvernement que vous-mêmes, ne savons ce qui ressortira de Kyoto. Comme vous le disiez, nous sommes tous des acteurs sur une scène internationale. L'économie et tout le reste se déroulent maintenant sur la scène internationale. Il n'est pas simplement question d'intérêts canadiens étroits. Nous devons être des exportateurs concurrentiels. Nous devons être présents partout.
J'ai été surpris quand vous avez déclaré que le gouvernement canadien ne comprend pas aussi bien qu'il le devrait les enjeux économiques. Les représentants du secteur de l'automobile et ceux de l'industrie des pâtes et papiers ont affirmé la même chose. Dites-moi donc comment le gouvernement canadien pourrait mieux comprendre les enjeux économiques, puisque sa position est celle d'un pays qui va négocier, et qu'elle n'est pas coulée dans le béton? Personne, ici, ne veut de position coulée dans le béton. Vous voulez que nous soyons souples et ouverts, ce qui correspond pour l'instant à la position adoptée par le gouvernement canadien. Comment le gouvernement du Canada devrait-il s'y prendre pour s'attaquer aux conséquences économiques que vous avez mentionnées, étant entendu que nous ne possédons pas toutes les réponses et que nous avons adopté une position de négociation souple, suivant les voeux de l'industrie?
M. Mark Nantais: Je dirais que, dans les débuts, dans nos premiers échanges—et je ne veux pas, ici, critiquer les fonctionnaires qui ont participé aux consultations avec l'industrie—la fonction publique a sans doute consacré beaucoup trop de ressources au règlement de questions d'ordre philosophique. En revanche, nous avons attendu pas mal de temps avant de nous tourner vers la modélisation informatique, les modèles économiques qui sont des instruments nous permettant d'évaluer les conséquences possibles de nos politiques, les répercussions économiques, les répercussions commerciales, de même que les répercussions sur l'environnement, parce qu'il existe aussi des modèles environnementaux.
On retrouve tellement de variances dans les modèles, qu'il ne faut pas perdre de vue les règles de base de la modélisation. En effet, si l'on ne s'appuie pas, au début, sur un inventaire de données relatives aux émissions ou de données économiques, bien constitué et digne de foi, le produit ne peut être que de mauvaise qualité.
Je félicite cependant le gouvernement, même s'il s'y est pris un peu tard, d'avoir travaillé sur de tels modèles, pour essayer d'obtenir les réponses nécessaires; mais très franchement, j'estime que celles-ci ne nous sont pas parvenues assez tôt. Nous y sommes presque, mais il ne nous reste plus beaucoup de temps d'ici Kyoto. En fait, des représentants d'un pays qui a réalisé une modélisation poussée et très rigoureuse, ont déclaré à nos collègues canadiens: Si vous ne faites pas au moins évaluer ces questions d'ordre économique avant de vous rendre à Kyoto, vous ne devriez même pas vous asseoir à la table.
M. Jerry Pickard: Je crois qu'il en est de même pour l'industrie des pâtes et papiers.
Le gouvernement a-t-il reçu tous les renseignements dont votre industrie dispose sur la modélisation, pour pouvoir évaluer toute la nature des conséquences commerciales pour le Canada? Disposons- nous de cette information?
M. Mark Nantais: Nous n'avons pas fourni de modèles. Nous avons, en revanche, contribué à la réalisation d'un modèle, le modèle Charles Rivers Associates. Ce travail a surtout été effectué par les économistes en chef des sociétés-mères de nos compagnies membres, et les fonctionnaires l'ont évalué ensuite. Voilà donc quelle a été notre contribution au travail de modélisation.
Ah, nous avons aussi siégé aux groupes de travail sur les consultations relatives à la modélisation, pour l'ensemble des modèles réalisés. Voilà donc quelles ont été nos contributions à cet égard, monsieur.
M. Jerry Pickard: Mais même s'il est trop tard, vous êtes maintenant persuadé que nous sommes sur la bonne voie?
M. Mark Nantais: Je dirais que oui.
M. Jerry Pickard: Merci.
Et pour les pâtes et papiers?
Mme Lucie Desforges: Nous aussi, pensons être sur la bonne voie. Nous continuons d'analyser les modèles, nous essayons de mettre des chiffres sur les contributions en ce qui concerne les forêts... Et ce que nous pouvons faire pour améliorer les puits, afin de pouvoir mesurer le potentiel économique sur ce plan. Malheureusement, nous n'y sommes pas encore.
M. Jerry Pickard: Monsieur Manning, vous voudriez faire un commentaire.
M. David Manning: L'amélioration que je perçois, monsieur, c'est que maintenant plusieurs ministères collaborent entre eux. Je dirais que la fonction publique canadienne a adopté une approche horizontale qu'on ne trouvait pas avant. Mes collègues seront sûrement d'accord avec moi, on sent qu'Industrie Canada, Finances, Environnement, Ressources naturelles, se sont engagés dans ce processus, et c'est là une approche beaucoup plus horizontale qu'auparavant. C'est sans doute ce qui explique en partie la mise en route tardive que beaucoup de mes collègues ont sentie.
Il est très difficile d'analyser la question sous l'angle économique. L'administration américaine, par exemple, y a renoncé. Au printemps dernier, elle a publié une première ébauche, en attendant une ébauche finale, puis elle a complètement renoncé. Comme vous le disiez, c'est une question particulièrement délicate, au moment où nous allons entreprendre ces discussions.
Le président: Merci, monsieur Pickard.
Merci aussi à nos témoins. De toute évidence, bien des choses vont se produire d'ici la nouvelle année. Espérons que nos témoins pourront revenir dans quelque temps quand tout ce dossier aura évolué.
Eh bien, je vais remercier nos témoins et inviter ceux du Conference Board du Canada et de Global Change Strategies International. Nous allons interrompre la séance pendant une minute, pour vous permettre de vous installer. Merci beaucoup aux témoins que nous venons d'entendre.
Le président: Nous sommes heureux d'accueillir, pour cette deuxième partie de notre étude du changement climatique, par notre Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales, les représentants du Conference Board du Canada, MM. Gilles Rhéaume et Al Howatson, et celui de Global Change Strategies International, M. Doug Russell.
• 1215
Je vous demande de nous faire un bref exposé pour que les
membres du comité aient amplement le temps de vous poser des
questions. Comme ce fut le cas avec les témoins précédents, ces
consultations ne sont qu'un premier tour visant à constituer un
dossier et à accomplir un peu de travail en préparation de Kyoto.
Nous nous réservons le droit de vous réinviter l'année prochaine,
quand nous franchirons une nouvelle étape dans ce dossier.
Bienvenue, messieurs. J'inviterai d'abord les représentants du Conference Board du Canada à nous faire part de leurs commentaires.
[Français]
M. Gilles Rhéaume (vice-président, politiques publiques, entreprises et société, Conference Board du Canada): Merci beaucoup.
Premièrement, nous aimerions vous remercier de nous donner l'occasion de vous présenter un sommaire des résultats de notre étude sur l'impact économique de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Je crois que vous avez tous reçu un sommaire des résultats de cette étude.
Je m'appelle Gilles Rhéaume et je suis vice-président responsable du programme de recherche sur l'environnement au Conference Board du Canada. Je suis accompagné d'Al Howatson, qui est l'attaché de recherche du programme et l'auteur de l'étude en question.
Notre présentation comporte trois volets. Premièrement, j'aimerais vous donner une brève description du Conference Board du Canada afin de situer le rôle de notre organisation. Deuxièmement, nous vous donnerons un aperçu général des implications d'une réduction imposée des émissions de gaz à effet de serre et, finalement, un résumé des résultats de notre étude.
Il est important de noter que cette étude est une revue et une synthèse de la documentation et des analyses d'impact économique sur le Canada. Nous avons donc fait une synthèse de différentes études.
[Traduction]
Je vais commencer par vous dire quelques mots sur le Conference Board du Canada. Il s'agit d'un institut de recherche privé qui aide ses membres à anticiper les mouvements d'une économie mondiale en mutation rapide, et à s'y adapter. Nous y parvenons en acquérant et en diffusant des connaissances en matière de stratégies et de pratiques organisationnelles, ce qui comprend les pratiques de gestion environnementale, les tendances sociales et économiques émergentes et les grands dossiers de politique gouvernementale, comme celui dont nous débattons aujourd'hui.
Pour l'essentiel, les membres du Conference Board sont des entreprises et des gouvernements, soit le gouvernement fédéral ainsi que les gouvernements provinciaux et des administrations locales, et près de 400 sociétés. Nous comptons aussi des associations, des syndicats, des établissements d'enseignement, etc.
Un grand principe guide tout notre travail: indépendance d'action et formulation de concepts qui ne sont pas apparentés à des politiques prescriptives. Nous ne sommes pas un groupe de lobby, contrairement aux associations de l'industrie. Nous essayons, autant que faire se peut, de présenter les choses sous un éclairage neutre.
Je me propose de vous parler un peu des éventuelles répercussions globales de politiques destinées à contrôler les émissions de gaz à effet de serre, en m'inspirant de l'examen documentaire auquel nous nous sommes livrés. Tout d'abord, d'après notre étude, il semble que l'économie canadienne soit une des économies de pays industrialisés ayant été le plus durement touchées, plus encore que celle des États-Unis ou de la CEE. Sur le plan des répercussions économiques, nous sommes tout près de l'Australie.
Plusieurs raisons expliquent cet état de fait. D'abord, nous sommes l'un des rares pays industrialisés à être un exportateur net d'énergie. Ainsi, chaque fois que le secteur de l'énergie est touché, il faut s'attendre à ce que nos exportations dans ce domaine en souffrent.
En outre, nous dépendons beaucoup de nos échanges commerciaux. Les études que nous avons examinées indiquent que nos principaux partenaires commerciaux auraient réduit leurs activités économiques pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Cela étant, nous en avons subi les conséquences sur le plan des échanges commerciaux.
L'autre facteur entrant en jeu tient au fait que nous disposons de ressources énergétiques abondantes qui nous ont permis de soutenir des industries énergivores, comme l'industrie pétrochimique, celle des pâtes et papiers, les aciéries et autres. Elles ne sont pas à proprement parler inefficaces sur le plan énergétique, mais leurs extrants exigent une forte consommation d'énergie. Toute réduction des émissions de gaz à effet de serre pourrait avoir un effet négatif sur ces industries, et les administrateurs des sociétés concernées pourraient décider, par la suite, d'aller investir dans des pays n'apparaissant pas à l'annexe I. Autrement dit, le niveau d'investissement au Canada, dans ce genre d'activité économique, s'en trouverait diminué sans pour autant que les émissions de gaz à effet de serre soient réduites à l'échelle internationale, l'activité économique étant simplement transférée dans d'autres pays. C'est là un aspect dont il convient de tenir compte dans l'analyse des répercussions éventuelles de toute décision future.
Il y a un autre facteur. Le Canada est un grand pays dont les centres urbains sont très distants les uns des autres. La lutte aux émissions de gaz à effet de serre pourrait avoir des répercussions néfastes sur le transport des biens et des passagers. Elle pourrait avoir une incidence négative sur le commerce interprovincial de même que sur notre compétitivité.
• 1220
En outre, et comme vous les savez, le Canada est un des rares
pays à présenter de tels écarts de température d'une saison à
l'autre, puisque nous passons d'hivers sibériens à des étés
torrides. Les Canadiens ont la chance de pouvoir compter sur des
ressources énergétiques abondantes pour répondre à ces énormes
écarts de température. Malheureusement, des mesures comme celles
dont nous discutons pourraient entraîner, pour les Canadiennes et
les Canadiens, une augmentation des dépenses afin de maintenir le
niveau de confort auquel ils sont habitués. Il leur faudrait, pour
le moins, modifier profondément leurs habitudes de consommation.
Nous pourrons continuer d'améliorer notre efficacité énergétique—ce que nous avons déjà fait dans le passé—et les tendances démontrent que, dans l'avenir, nous réaliserons à nouveau des gains d'efficacité énergétique. Mais nous ne devons pas perdre de vue qu'à cause de notre croissance démographique supérieure à celle de la plupart des pays industrialisés, nous allons consommer plus d'énergie.
Donc, dans l'ensemble, la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre n'aura pas des conséquences négatives seulement sur l'Alberta et les secteurs des combustibles fossiles, mais aussi sur les autres industries, comme je le disais, et sur les autres provinces. En fin de compte, c'est la plupart des Canadiens et des Canadiennes qui seront touchés. Il s'agit donc d'un enjeu très important pour le Canada.
Nous devons surtout veiller à protéger nos intérêts. Il n'est pas surprenant, par exemple, que les pays de l'Union européenne proposent des objectifs ambitieux, parce que c'est leur intérêt. Nous avons conclu que si les autres pays industrialisés devaient adopter les mêmes objectifs, la CEE dans son ensemble bénéficierait d'un avantage compétitif sur des pays comme les États-Unis, le Canada, l'Australie et le Japon. La promotion de tels objectifs répond donc à leurs intérêts.
Avant que nous ne passions aux conclusions d'études que nous avons effectuées, je tiens à attirer votre attention sur le fait que l'objectif correspondant aux niveaux d'émissions de 1990 complique la tâche du Canada. En 1990, nous étions plongés dans une profonde récession, contrairement aux pays comme les États-Unis, l'Union européenne ou le Japon. Or, en période de récession, le niveau des émissions est moindre que dans des périodes où l'économie se porte mieux. L'année cible est une année de récession, et non pas une année de croissance et de pointe que d'autres nations ont connue. Nous allons donc nous trouver à devoir relever un défi supérieur à celui de ces autres pays.
À partir de nos études, nous en sommes venus à la conclusion que le Canada serait un des pays industrialisés les plus durement touchés par le genre de mesures à imposer pour parvenir à une réduction marquée des émissions de gaz à effet de serre. Nous reconnaissons, cependant, que l'on manque d'analyses économiques portant sur les options s'offrant au Canada. C'est pour cette raison que le Conference Board du Canada, en collaboration avec le Canadian Energy Research Institute, est en train d'étudier la possibilité de mettre sur pied une table ronde qui serait chargée d'analyser, à longue échéance, la question du changement climatique sous l'angle de l'économie. Cette table ronde constituerait donc une structure permanente où l'on examinerait les analyses économiques nécessaires pour soutenir l'application de toute entente signée à Kyoto et mieux préparer le Canada en vue des négociations futures qui devraient intervenir après Kyoto. Nous ne devons pas, une nouvelle fois, devoir parler de sujets aussi importants que celui-ci sans disposer de sérieuses analyses sur lesquelles nous appuyer.
Je vais maintenant laisser la parole à Al qui va vous commenter les études que nous avons examinées.
[Français]
M. Al Howatson (associé de recherche, Conference Board du Canada): Bonjour, mesdames et messieurs.
[Traduction]
Merci beaucoup, mesdames et messieurs, de nous avoir invités ici ce matin. Je vais consacrer les quelques prochaines minutes à vous donner un aperçu du mémoire dont mon collègue Gilles Rhéaume vous a parlé. Vous devriez en avoir des exemplaires, sinon, j'en ai apporté d'autres, en format bilingue, pour vous les remettre.
Dans notre rapport complet—je pense que vous en avez également reçu copie il y a quelques semaines—, nous examinons environ 70 études. Quand nous avons entrepris ce processus, il y a plus d'un an, nous avons retenu les 70 études effectuées jusqu'alors, toutes ne faisant pas état des répercussions pour le Canada, et nous en avons retenu 14 pour les analyser plus en détail, tant sur le plan des résultats qu'elles prévoyaient pour le Canada que pour les méthodes retenues par les chercheurs.
Comme l'indique notre mémoire, ces 14 études sont réparties en trois groupes. Je vous invite à prendre la page 2 du mémoire.
Le premier groupe des cinq études, dont il est question au point 1, en bas de la page 2, et les cinq premières études mentionnées dans le tableau à la fin du mémoire, sont celles qui, quant à moi, serrent au plus près la situation dans laquelle le Canada va se retrouver à Kyoto; il s'agit du scénario voulant que les nations industrialisées s'entendent pour stabiliser leurs émissions aux niveaux de 1990 d'ici à l'an 2010, et les modèles prévoient d'ailleurs une forme d'intervention sur les prix pour limiter l'utilisation croissante des combustibles fossiles.
• 1225
Nous avons mis en évidence les résultats des études qui, selon
nous, présenteront le plus d'intérêt pour les décisionnaires
canadiens au cours des prochains mois; elles sont énumérées sous
forme de points centrés, à la page 3. Permettez-moi de vous les
commenter rapidement.
D'abord, s'il est effectivement question de toute une gamme d'incidences économiques, les cinq études, sans exception, mentionnent la possibilité que le produit économique du Canada soit inférieur de 1,5 à 2,3 p. 100 à ce qu'il serait en 2010 sans l'application de ces mesures.
Qu'est-ce que cela veut dire? Selon les dernières prévisions à long terme du Conference Board, dans une situation de statu quo, l'économie canadienne devrait croître d'environ 28 p. 100 entre 1998 et 2010. Si l'on agit sur les prix pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, on peut s'attendre à ce que l'économie croisse d'environ 36 p. 100 pendant cette période. Cet écart peut ne pas sembler important, mais il est probable que l'économie connaîtra une croissance plus lente, ce qui entraînera une perte de rendement économique annuel pouvant se chiffrer entre 18 et 28 milliards de dollars en 2010; 18 à 28 milliards de dollars, cela correspond grosso modo aux prélèvements de TPS et quand le Conseil économique du Canada, il y a une dizaine d'années, s'est penché sur le potentiel économique du libre-échange, la différence était à peu près du même ordre, soit dans de 2 à 2,5 p. 100.
Le deuxième résultat intéressant c'est que l'incidence sur l'économie ne sera pas la même partout et se fera surtout sentir dans les régions et les secteurs industriels produisant ou utilisant des combustibles fossiles.
Troisièmement—et comme mon collègue y a déjà fait allusion, je ne m'attarderai pas sur ce point—, il est probable que la diminution du PIB sera plus forte au Canada que chez nos principaux partenaires commerciaux.
Ces études analysent fort bien la façon dont les changements survenant dans un secteur économique ou dans un pays pourront avoir une incidence économique dans d'autres secteurs ou d'autres pays, ce qui n'est pas négligeable quand on traite de questions comme le changement climatique.
Le second groupe d'études, et je vous renvoie ici au point 2, en haut de la page 3, se penche sur l'incidence d'éventuelles mesures canadiennes internes sur l'économie; autrement dit, ces études ne s'intéressent pas à l'incidence qu'auraient, sur le Canada, des changements survenant dans d'autres pays. Elles examinent les effets d'une vaste gamme de mesures: prix incitatifs, normes pour appareils électroménagers et bâtiments, changements dans les transports urbains, et ainsi de suite. Elles envisagent donc toutes ces mesures et cherchent à en déterminer l'incidence sur l'ensemble de l'économie.
Ces études prévoient une baisse du PIB canadien généralement inférieure à celles envisagées par les études du premier groupe. D'un autre côté, elles ne tiennent pas compte du contexte international qui, comme je le disais, pourrait jouer un rôle très important dans une situation comme celle concernant le changement climatique.
Enfin, les études du troisième groupe—3e point à la page 3—, se penchent sur l'utilisation de technologies d'efficacité énergétique. Si elles sont parfaites quant à l'examen des avantages que l'adoption de telles technologies peut comporter pour les entreprises, elles n'intègrent cependant pas aussi bien que les études des deux autres groupes les répercussions sur l'économie en général ou les effets des changements survenant dans d'autres pays sur l'économie canadienne.
Certaines de ces études indiquent que le Canada pourrait réduire globalement ses émissions de gaz à effet de serre de 10 à 30 p. 100, moyennant une pénalisation économique faible voire nulle, mais comme je le disais, elles ne tiennent pas compte des interactions économiques mondiales ni des répercussions des changements dans le commerce et les investissements internationaux.
Deux raisons nous ont incités à mettre en relief les études du premier groupe dans notre mémoire. D'abord, elles sont toutes relativement récentes—elles ont été publiées au cours des 18 derniers mois—et elles concernent donc très clairement les défis qui nous attendent. En fait, l'une de ces études, celle de DRI, est en cours d'examen et elle devrait être publiée sous peu, le mois prochain je pense. Elle a été commandée par le gouvernement. Plus important encore, toutes ces études ont été réalisées dans la perspective des négociations du Canada à Kyoto.
Comme mon collègue l'a dit, bien des questions demeurent sans réponse. Nous espérons que la Table ronde chargée d'analyser les incidences économiques du changement climatique, quand elle aura été mise sur pied et qu'elle fonctionnera, se révélera être un instrument valable pour effectuer davantage de recherches et ouvrir le dialogue sur le sujet. Je vous remercie.
Le président: Merci messieurs.
Monsieur Russell.
M. Doug Russell (directeur principal, Global Change Strategies International): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais commencer par vous présenter ma firme. Global Change Strategies International est une firme d'experts-conseils ayant ses bureaux à Ottawa, que j'ai mise sur pied il y a un an environ pour aider les gouvernements, les organismes internationaux et les sociétés proactives, au Canada et à l'étranger, à profiter de certaines occasions et à exploiter les défis que présentent les changements globaux, surtout le changement climatique. Nous avons des associés principaux un peu partout au Canada, de même qu'en Europe, en Amérique du Sud et en Afrique du Sud.
• 1230
Avant de créer Global Change Strategies International, j'ai
passé 21 ans au gouvernement fédéral où j'ai été membre et chef de
l'équipe de la délégation canadienne, à l'échelon de la fonction
publique, dès le début des négociations sur la convention-cadre.
Depuis que j'ai quitté la fonction publique en 1996, je suis de
très près ce qui se passe sur la scène internationale. On pourrait
dire de moi que je suis un observateur de la scène politique, à
l'échelle internationale et à l'échelle nationale, s'intéressant à
tout ce qui se passe.
J'ai intitulé mon intervention «Les défis de l'après-Kyoto», bien que je doive reconnaître, monsieur le président, que vous allez effectivement vous pencher sur ce qui suivra Kyoto. Mon intention est simplement de formuler quelques idées pour expliquer la performance actuelle du Canada et la comparer à celle des autres pays.
J'attire l'attention des membres sur deux documents d'information qu'on vous a remis. Le premier est un excellent aperçu préparé par les gens du programme canadien des changements à l'échelle du globe, de la Société royale du Canada. C'est un document très long, bilingue. Il a été préparé et distribué à plusieurs personnes, à l'échelle du pays.
Nous avons comparu devant 70 à 80 personnes à Calgary, Vancouver, Toronto, Montréal, et demain nous serons à Halifax. Votre comité pourrait trouver utile de savoir ce que cette série de rapports a donné lors de nos rassemblements et discussions, au quatre coins du pays.
Le second document est le sommaire d'un rapport plus long que la Fondation David Suzuki m'a demandé de réaliser à contrat, cet été. J'y fais la comparaison entre la performance canadienne en matière de changement climatique et celle de six autres pays: les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Norvège, l'Australie, et les Pays-Bas.
Je serai heureux de répondre à vos questions sur tous les aspects que vous désirerez aborder. Mais dans les cinq minutes que vous m'accordez, je m'attarderai à formuler quelques observations sur la politique canadienne, surtout sous l'angle des processus, et j'essaierai d'expliquer pourquoi nous nous trouvons dans cette situation. Ce faisant, je rappellerai au comité les engagements qui sont en jeu, ce que Kyoto pourrait donner et je parlerai des quatre grands défis qui attendent le Canada au lendemain du tralala de Kyoto.
Je vous rappelle, parce que vous les savez déjà, que la convention-cadre énonçant les engagements pris divise le monde en trois catégories de pays.
Il y a d'abord les pays de l'OCDE qui devront faire rapport sur les mesures adoptées en vue de ramener, d'ici l'an 2000, les émissions de gaz à effet de serre à leurs niveaux de 1990. Ils n'ont pas à déclarer qu'ils ont déjà atteint cet objectif, ils n'ont qu'à faire rapport à ce sujet.
Les pays de l'ex-Union soviétique et d'Europe centrale, qui sont en pleine transition vers une économie de marché, doivent respecter les mêmes engagements que ceux des pays de l'OCDE, mais ils n'ont pas à faire de versements aux pays en développement.
Puis, il y a les G-77 et la Chine, représentant les pays en développement, qui ne se sont engagés, de façon générale, qu'à inventorier les émissions, à sensibiliser leurs populations et à coopérer avec les autres pays sur le plan scientifique, pour ne citer que quelques exemples.
La tenue du sommet de Kyoto, le 10 décembre prochain, a été décidée en 1995, lors de la conférence des parties de Berlin, quand les participants ont estimé, collectivement, que ces engagements étaient insuffisants.
Plusieurs choses peuvent se passer à Kyoto. Personnellement, après avoir suivi de très près ce dossier pendant des années, je pense qu'on va y signer un accord. Il est rare qu'on ne parvienne pas à un accord sur des questions environnementales. On peut s'attendre à ce que celui-ci comporte des cibles entraînant des obligations juridiques, qui correspondront sans doute une stabilisation moins 5 p. 100 ou à peu près, vers 2010. Les chiffres exacts devraient osciller autour de cela. Mais ce n'est pas ce que les Européens veulent.
Pour parvenir à un accord, il faudra conclure des ententes latérales ou concocter une note pour amener les pays en développement à s'engager à négocier les niveaux qu'ils seraient disposés à respecter dans le cadre du processus de la convention. C'est absolument essentiel, sans quoi ce sont les Américains qui se retireront.
Il y a une petite chance, en fait une très petite chance, que l'accord prévoie des objectifs «doux», autrement dit un ensemble d'objectifs intermédiaires, assortis d'autres négociations, en vue d'examiner les différents engagements pris, ce que cherche à faire l'Australie. Les Australiens demandent ou envisagent de demander un plafonnement de la croissance des émissions entre plus 10 et 20 p. 100, mais ils n'ont pas encore précisé le genre de chiffre qui les intéresse.
Enfin, il est possible que les négociations s'effondrent, surtout à cause de la résistance des pays en développement à tenir d'autres négociations sur la réduction des émissions. Cependant, les négociations ne s'effondreront pas si l'on vise des objectifs de stabilisation de plus ou moins 5 p. 100, par exemple.
• 1235
Je vais maintenant vous entretenir de cinq aspects que je juge
extrêmement importants pour le Canada, à la veille de Kyoto. Je ne
veux pas minimiser le rôle de la conférence de Kyoto relativement
à l'établissement d'objectifs, mais quels que soient les objectifs
retenus, au bout du compte, nous aurons beaucoup de travail à
faire.
D'abord, il convient, d'une façon ou d'une autre, de sensibiliser le public canadien sur cette question, de sorte que l'homme de la rue s'interroge sur ce qu'on fait sur ce plan. La question est donc de savoir comment parvenir à mobiliser la base et, en même temps, comment transformer ce mouvement en un processus politique tenant compte des changements que les Canadiennes et les Canadiens devront apporter à leur mode de vie.
Deuxièmement, il y a toute la question fondamentale de la façon dont le Canada devra envisager ce dossier après Kyoto, ce dont je vais vous parler un peu plus en détail. Tout cela nous ramène à la notion de la répartition juste et équitable du fardeau des objectifs, à l'échelle du pays. Comment allons-nous y parvenir? Eh bien, si vous me le permettez, je me propose de consacrer quelques minutes à cette question, à la fin de la séance.
Troisièmement, il est question d'offrir aux entreprises canadiennes le genre de souplesse dont elles ont besoin pour prendre d'autres mesures. Il y a quelques instants, vous avez entendu les représentants de l'industrie canadienne vous dire que ce qu'ils attendent surtout, c'est une orientation politique claire, laissant un maximum de souplesse aux entreprises dans le choix des méthodes les plus économiques en vue de réduire leurs émissions.
Cela explique le Défit-climat. On comprend pourquoi les industries veulent cela. Personnellement, je me risquerai à avancer que cette mobilisation volontaire sera un formidable échec si le gouvernement ne donne pas une idée très claire de ce qu'il attend aux paliers sectoriel, provincial et régional.
Si j'étais propriétaire d'une grande compagnie, je me contenterais d'attendre que les choses se calment. Je ferais bien un peu de bruit sur la question des mesures volontaires, mais je me contenterais essentiellement d'attendre pour voir ce qui se passera. Tant que les gouvernements ne sont pas disposés à débloquer quelques crédits pour faire bouger les choses, le programme Défit-climat ne donnera pas grands résultats.
Il nous faudra également profiter des possibilités qui s'offriront à nous à l'échelle internationale, possibilités associées à une certaine souplesse, notamment en ce qui a trait à l'application en commun de certains objectifs et à aux échanges des droits d'émissions, deux aspects, je le crains, auxquels le Canada n'a pas prêté beaucoup d'attention.
Ressources naturelles Canada a un bureau d'application conjointe qui, au mieux, est boiteux. Nous commençons à peine à nous intéresser aux échanges des droits d'émissions, alors qu'aux États-Unis, 200 fonctionnaires examinent actuellement l'idée d'un plafond national et d'un système d'échange des droits d'émissions pour respecter les futurs objectifs.
Quatrièmement, il y a toute la question des nouveaux marchés pour les produits et le savoir canadien. Le changement climatique s'accompagne d'un ensemble de débouchés intéressants. Nous avons vu ce qui se passe dans d'autres pays. Dans mon document, je parle un peu de l'Allemagne. Les Japonais mettent en service des véhicules consommant peu. Il y a donc des débouchés. Les entreprises canadiennes doivent se demander comment elles devront s'y prendre pour être présentes sur ces nouveaux marchés, et le gouvernement a la responsabilité de veiller à ce qu'elles le fassent.
Dans les quelques minutes qu'il me reste, je vais vous parler très rapidement de ce que j'estime être un enjeu central pour le Canada. Il est central depuis très longtemps, mais nous ne nous y sommes pas intéressés avant Rio et je vais vous expliquer pourquoi.
Comme je le disais la semaine dernière à Regina, nous nous sommes engagés, en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, à revenir vers 2010 au niveau que nous avions en 1990. Pour l'instant, il s'agit là d'un engagement politique, qui n'a aucun prolongement juridiquement exécutoire. Nous n'avons fixé aucun objectif régional, provincial ou sectoriel, si bien que personne n'est tenu responsable de la réalisation de cet objectif. En fin de compte, tout repose sur le gouvernement fédéral, et le secteur privé canadien se demande bien ce qu'on attend de lui.
Dans les années qui ont suivi Rio, et jusqu'à aujourd'hui, les ministres de l'énergie et de l'environnement qui se sont succédé n'ont jamais vraiment parlé de la façon dont nous répartirions le fardeau entre les divers secteurs et les diverses régions de l'économie canadienne, et il y a de bonnes raisons à cela. Il s'agit tout simplement d'un enjeu politique très délicat.
Cependant, après Kyoto, où nous nous retrouverons avec des objectifs ayant force obligatoire, toute la question de la répartition des responsabilités devient essentielle. Si vous ne savez pas comment nous parviendrons à respecter les objectifs fixés et si nous ne sommes pas en mesure de tenir les divers secteurs responsables, vous n'y arriverez jamais.
Le principal problème, c'est que tout ce processus s'est mal enclenché. Certes, il existe un comité fédéral-provincial, entouré de tout un système bureaucratique et de gens qui alimentent le processus, mais ce sont les mauvaises personnes qui sont assises à la table.
La question du changement climatique va beaucoup plus loin que l'énergie et l'environnement. Les ministres qui siègent à ces réunions font un excellent travail pour défendre les intérêts qu'ils représentent, mais ces intérêts se trouvent à un bout du spectre de tous les intérêts entrant en jeu dans cette question. C'est ainsi que, depuis cinq ans, cette situation a donné lieu à une polémique gagnant-perdant, qui limite la créativité et la recherche de solutions novatrices.
• 1240
Nous savons très bien depuis quelque temps, depuis Rio en
fait, comment nous devons nous attaquer au problème du changement
climatique. Toute la question est de savoir comment parvenir à
enclencher des discussions raisonnables sur la façon de rassembler
tous les morceaux du casse-tête.
Si l'on ajoute à cela que seules quelques rares provinces se sont engagées à faire quelque chose, du moins jusqu'à présent, et l'absence de pressions politiques pour régler le problème, et l'on ne peut s'étonner que, dans le dossier du changement climatique, le Canada fait partie des traînards—comme vous le verrez à la lecture de mon document.
Il sera important, tout de suite après Kyoto, d'élaborer un nouveau processus, mobilisant les bonnes personnes et permettant de rassembler les meilleurs cerveaux pour aider les ministres à régler cette question.
Voici comment on pourrait procéder. Je vous ai préparé un petit diagramme pour vous situer. Je vais brièvement vous le commenter.
D'abord, il faut que les ministres s'engagent. Ils auront deux ou trois ans, après Kyoto, pour se demander comment ils s'y prendront. On peut imaginer qu'ils prendront leur décision finale suivant ce genre de modèle.
D'abord, il faudrait instaurer une sorte de tribune de négociation fédérale-provinciale, administrée par un groupe très bien financé. Appelons cela, si vous voulez, un «abri sûr». Les meilleurs, les plus brillants, s'assiéraient autour de la table pour travailler sur les instruments sectoriels et les instruments politiques jusqu'à ce qu'ils correspondent au cadre fédéral- provincial. Ils chercheraient ensuite une façon raisonnable de veiller à ce qu'aucun secteur ni aucune région en particulier ne soit indûment touché par la politique proposée, et que tout le monde soit appelé à partager le fardeau.
Tant que nous ne ferons pas cela, nous aurons de la difficulté à respecter notre objectif en matière de changement climatique et à garder le pas, à l'échelle internationale, sur les marchés concurrentiels qui vont s'ouvrir au lendemain de la signature d'un traité à Kyoto.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Comme les témoins précédents, vous nous avez beaucoup aidé à établir un programme en vue des discussions qui suivront Kyoto. Nous allons commencer par Darrel Stinson.
M. Darrel Stinson: J'ai deux ou trois questions à M. Russell.
Vous avez mentionné la question des échanges des crédits d'émissions. Pouvez-vous nous dire comment cela se passerait entre les provinces et une industrie si, par exemple, un producteur chimique des Maritimes créait une pièce automobile plus légère que celles actuellement utilisées par les manufacturiers en Ontario? Qui serait crédité: l'industrie chimique ou l'industrie automobile, les Maritimes ou l'Ontario? Cela va être extrêmement complexe, ici au Canada, entre les provinces.
En outre, comment le Canada et le monde entier vont-ils surveiller les émissions? Les entreprises qui adopteront leurs propres programmes d'émissions voudront que leurs compétiteurs ne soit pas avantagés en se défilant. N'est-on pas en train d'envisager un véritable cauchemar bureaucratique en matière de rapports, d'inspection, de recoupement fédéral-provincial et d'escalade des coûts? Qui va contrôler les émissions à l'échelle internationale? Qui va appliquer la norme?
M. Doug Russell: Merci. Je commencerai par répondre à votre dernière question, après quoi je passerai à la première.
S'agissant des objectifs ayant force obligatoire, sur les lesquels on s'entendra peut-être à Kyoto, le processus est déjà enclenché. En fait, c'est pour cela qu'on a instauré la convention- cadre en 1992: le pays devant rendre précisément compte de leurs inventaires d'émissions.
Cela fonctionne déjà depuis plusieurs années au Canada et à l'étranger. Ce processus n'exige pas une bureaucratie trop lourde. Un petit secrétariat, installé à Bonn, s'occupe de ce dossier et coordonne le travail. Au Canada, nous avons sans doute une vingtaine de personnes en tout qui participent occasionnellement à ce processus, mais elles ne le font pas à temps plein.
Nous avons déjà mis en place les chiffres de réduction des émissions, agrégés pour le Canada tout entier. Nous avons adopté des méthodes en vue de recueillir ce genre de données. En fait, c'est assez simple.
M. Darrel Stinson: Je ne voudrais sembler trop négatif, mais nous éprouvons déjà des problèmes sur ce plan. Regardez ce qui se passe avec Saddam Hussein et ses menaces de guerre chimique. Nous ne sommes même pas en mesure d'enquêter de façon satisfaisante sur ce qui se passe aujourd'hui, alors comment allons-nous croire que ce pays appliquera le processus dont vous parlez?
M. Doug Russell: Tout ce que je peux vous dire, c'est ce que j'ai constaté dans le cadre de mon travail, quand j'étais à la fonction publique et que je présidais le groupe des pays de l'OCDE chargé d'élaborer les lignes directrices destinées à être appliquées à l'échelle internationale. Nous avons tenu compte de cela, de la façon dont il faudrait s'y prendre pour obtenir des renseignements nécessaires. D'ailleurs, il est relativement facile d'obtenir ce genre de renseignements dans les divers comptes nationaux, parce que ces données sont simplement dérivées de la quantité d'énergie que consomme un pays, surtout dans le cas des bioxydes de carbone.
• 1245
Donc, ce n'est pas un secret. Ce n'est pas quelque chose qu'on
peut cacher, à la Saddam Hussein, et l'on n'a pas besoin d'avoir
recours à des équipes d'enquêteurs pour aller fureter sur place.
C'est quelque chose d'assez ouvert.
Quoi qu'il en soit, pour en revenir à votre question sur les échanges des droits d'émissions, je dirai qu'il n'est pas nécessaire de disposer d'une bureaucratie complexe. Personnellement, j'estime que certains des projets entrepris dans le cadre de l'application conjointe sont administrés par une lourde bureaucratie et prennent énormément de temps.
Cependant, un système d'échange des droits d'émission, reposant sur un système de permis que je vous ai expliqué dans mon exposé, système reposant sur une répartition très claire entre les divers secteurs et les diverses régions d'un pays, comportant un plafond... Eh bien, si vous parvenez à instaurer un tel système— mais, car il y a mais, cela risque de prendre deux ou trois ans avant que les choses fonctionnent—, si vous y parvenez, un tel système donnerait lieu à des marchés efficaces.
C'est déjà ce qui se passe dans le cas du programme d'échange des droits d'émissions de bioxyde de soufre. C'est le cas également pour les CFC. Ces marchés existent et les institutions financières sont plus que disposées à s'y intéresser.
Je suis notamment conseiller politique principal auprès d'un groupe international qui envisage maintenant de mettre sur pied un projet pilote d'échange des droits d'émissions à l'échelle internationale, portant sur un petit nombre de pays, dont le Canada, les États-Unis, les Pays-Bas, la Norvège et le Royaume-Uni. Eh bien, ce groupe veut mettre en oeuvre, d'ici l'an 2000, ce type de répartition des émissions à l'échelle internationale ainsi qu'un projet d'échange des droits d'émission.
Nous sommes convaincus qu'une fois le travail de premier plan terminé, c'est-à-dire d'ici deux ou trois ans, le marché pourra nous dicter ses règles et administrer tout cela de façon très efficace.
Le président: Merci, M. Russell.
Darrel, est-ce que cela vous va?
M. Darrel Stinson: Oui.
Le président: Nous allons entendre M. Carmen Provenzano, puis Yvon Godin.
M. Carmen Provenzano: Monsieur le président, je veux poser une question à M. Rhéaume.
Vous avez dit qu'il y a un problème pour que nous revenions au niveau des émissions de 1990, à cause de la récession sévère que le Canada traverse actuellement. J'estime que votre déclaration est très importante. Selon vous, pourrait-on tenir compte de cette récession pour ajuster les niveaux négociés? Pourriez-vous élaborer une argumentation reposant sur une logique forte afin qu'on en vienne à tenir compte de la récession et qu'on hausse les niveaux?
M. Gilles Rhéaume: La logique est très solide, parce qu'initialement, quand nous avons envisagé cet objectif, nous ne savions pas que nous nous retrouverions en pleine récession en 1990. Quand nous avons pris connaissance des résultats, nous nous sommes rendu compte que nous étions en pleine récession massive.
M. Carmen Provenzano: Je suis d'accord avec vous; c'est là un point très très important.
M. Gilles Rhéaume: Il est déterminant.
Si vous retenez simplement cet aspect, vous allez constater que nos émissions ont atteint un pic en 1989. Aux États-Unis, elles sont arrivées à leur maximum en 1990 et, dans les pays de l'Union européenne, si je me souviens bien, c'était en 1990 ou 1991. Donc, tous ces pays en étaient au maximum de leurs émissions de gaz à effet de serre avant même de connaître le déclin qui a suivi. Pour nous, ce phénomène s'est produit plus tôt. Et l'on devrait sans doute en tenir compte. Nous pourrions donc nous demander quelle part de la réduction des émissions de gaz à effet de serre il faut attribuer à la récession et mettre cela de côté, étant donné que nous étions dans des circonstances extrêmes, en plein déclin économique.
Personnellement, je trouverais tout à fait légitime d'adopter une telle position.
M. Carmen Provenzano: Nous ne voulons certainement pas paraître ridicules...
M. Gilles Rhéaume: Non.
M. Carmen Provenzano: ... et si nous pouvons avancer un argument solide sans paraître ridicules, alors je crois que nous devrions le faire.
M. Gilles Rhéaume: Effectivement. Ce n'est pas difficile. Il suffit de comparer les données recueillies sur les émissions pendant cette période, entre 1989 et 1992, et de les comparer avec celles d'autres pays; on constaterait tout de suite la tendance. Nous avons constaté ce phénomène à cause de la grave récession de 1990-1991. Notre récession a débuté au printemps de 1990. Notre économie a subi un net recul, sans répit, du deuxième trimestre de 1990 au premier trimestre de 1991, ce qu'il convient de reconnaître dans l'établissement des objectifs.
M. Carmen Provenzano: Monsieur le président, pourrais-je demander à M. Russell de nous faire part de ses commentaires à ce sujet, également? Nous devons certainement lui poser la question à lui aussi, compte tenu de son exposé.
Le président: Mais certainement.
M. Douglas Russell: Pour ce qui est des bases de référence, parce que c'est exactement ce dont il est question ici, je ne crois pas que, au bout du compte, la différence soit énorme. Il y a eu plusieurs possibilités à l'occasion des négociations sur la convention-cadre. À un moment donné, en fait, le Canada était même favorable à l'adoption d'une base de référence établie sur une moyenne de trois ans, mais il n'a pas été possible de faire inclure cela lors de la dernière série de négociations ayant précédé la signature à Rio.
D'autres pays aussi ont essayé de faire modifier la base de référence. La Hollande, par exemple, a voulu qu'on la modifie parce que l'hiver avait été anormalement doux cette année-là. Vous pouvez toujours en parler dans vos rapports, si vous le voulez. Reste à savoir comment le Canada sera perçu sur la scène internationale. Je sais que les ministres du gouvernement libéral se sont exprimés à ce sujet, en public, lors des négociations internationales, soutenant que le Canada ne devait pas donner l'impression de vouloir se défiler. C'est à peu près ce qu'avait dit le ministre des Ressources naturelles de l'époque.
La question est de savoir s'il vaut vraiment la peine que nous nous livrions à cet exercice. J'aimerais cependant que nous étudiions la question pour voir ce que donnent les chiffres. Va-t- on en arriver à 1 p. 100 d'écart? Si tel est le cas, est-ce que ça va vraiment faire une différence de stabiliser nos émissions à 1 ou 2 p. 100 près d'ici l'an 2010? Je pense que l'essentiel est simplement d'infléchir la courbe. Pour l'instant, elle monte comme ça, et nous allons devoir la faire baisser comme ça.
Le président: Est-ce que ça vous va pour l'instant, monsieur Provenzano?
M. Carmen Provenzano: Oui.
Le président: Merci.
M. Godin, puis M. Pickard.
[Français]
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): J'ai seulement quelques commentaires à faire.
On parlait de sensibiliser les gens et on donnait comme exemple l'utilisation d'un séchoir. On parle de sensibiliser les gens au réchauffement de la planète. Cela me rappelle la personne qui prend sa voiture, qui jette un papier par la fenêtre et qui se voit imposer une contravention de 1 000 $. Par contre, son voisin peut polluer à plein et rien ne va se passer. L'effort volontaire, je n'y crois pas. La seule façon de nettoyer le côté de nos rues, c'est de sévir contre les gens qui polluent.
Tout comme d'autres l'ont dit lors d'une autre séance, je suis déçu qu'on dise que Kyoto est un commencement; je croyais que c'était Rio qui était le commencement et qu'ici c'était la continuité. C'est un temps où le gouvernement est invité à faire une prise de conscience et à se demander ce qu'il devra faire si des efforts volontaires ne sont pas consentis pour empêcher le réchauffement de notre planète.
Il faut penser à nos générations futures; on a des responsabilités. Je crois qu'il faut songer à adopter des règlements sévères, mais pas sévères au point de fermer des compagnies, et s'engager à faire des efforts pour protéger notre planète. Si on n'est pas capables de faire cela, ne craignez-vous pas qu'on ne soit pas capables de s'arrêter volontairement de polluer? Ceux qui jetaient des papiers et des canettes n'ont pas arrêté de le faire avant de se faire imposer des contraventions de 1 000 $.
Je vous donnerai l'exemple d'un autre endroit où le gouvernement pourra peut-être agir. Ce matin, je parlais avec des représentants du CN qui me disaient que trois locomotives tirant des wagons pourraient remplacer 250 camions. Imaginez-vous à quel point cela pourrait réduire la pollution et le réchauffement de la planète. C'est incroyable, totalement incroyable. Et les pneus de tous ces camions, comment fait-on pour s'en débarrasser? C'est incroyable.
Ensuite, on vient dire qu'il faut sensibiliser les gens ordinaires et leur conseiller de ne pas utiliser leur séchoir qui dépense trop d'énergie. Je n'en reviens pas. J'ai cru comprendre que vous souhaitiez qu'on mise sur les efforts volontaires.
M. Gilles Rhéaume: Premièrement, on n'a pas présenté l'impact des programmes volontaires à cet égard. Notre étude n'a pas nécessairement examiné cette dimension.
• 1255
Notre étude, surtout au point de vue de l'analyse
macroéconomique, a été faite à partir de mesures qui
influaient sur les prix. Parmi les options que nous
avons examinées et qui peuvent être considérées,
il y avait une taxe ou une charge
environnementale, un régime de permis d'échange au point de
vue des émissions. Ces options influent nécessairement à la fin
sur les prix et se traduisent par
un incitatif à changer de comportement.
Un des défis dont on discute au point de vue du changement climatique,
c'est un changement de comportement. Comment
pouvons-nous effectuer un changement assez important tout
en maintenant notre qualité de vie? Ça, c'est important.
Par exemple, on peut jeter un papier par la fenêtre, et c'est assez facile de prendre une décision de ce côté-là. Ça n'a pas un impact important sur nous, mais on doit dire ce qu'on devrait faire comme membres de la société. On doit dire que ce n'est pas une chose à faire.
Quand on parle de questions énergétiques qui nous touchent tous les jours, puisqu'on se sert de l'énergie tous les jours, cela a un impact beaucoup plus fondamental. C'est pourquoi cette question est plus délicate que d'autres questions environnementales, tout comme vous l'avez mentionné. Par contre, c'est une question beaucoup plus difficile à résoudre.
Depuis quatre ans, nous avons fait des études sur les différents programmes volontaires qui existent dans le monde. Nous avons vu ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Certains programmes volontaires peuvent fonctionner très bien, mais ces programmes ont des objectifs et comportent un régime de communication sur les progrès accomplis ainsi qu'une responsabilisation des différents groupes dans l'atteinte des objectifs. C'est bien défini.
Ce sont ces programmes volontaires qui peuvent amener des résultats sans qu'on ait de réglementation ou d'incitatifs économiques autres que le bienfait du programme volontaire lui-même, c'est-à-dire la prise de décisions qui ont du sens non seulement au niveau environnemental, mais aussi au niveau économique.
Le président: Êtes-vous d'accord, monsieur Godin?
M. Yvon Godin: Je ne suis pas obligé d'être d'accord, mais c'est sa réponse.
[Traduction]
Le président: Monsieur Russell, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Doug Russell: Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais faire quelques remarques à ce sujet. Ce que vient de dire l'honorable député fait clairement ressortir qu'il nous faut attribuer le genre de responsabilités dont je parlais plus tôt, que nous devons établir un objectif clair pour le programme Défit-climat. Je dois cependant préciser que les programmes volontaires sont importants et qu'ils font partie de la solution globale. Ce qui est important, c'est de parvenir à un ensemble de mesures logiques, équilibrées et raisonnables.
Par exemple, on recense actuellement 130 mesures en Allemagne, pour mettre ce genre de programme en oeuvre, dont 45 à 50 sont considérées comme étant des instruments économiques—des allégements fiscaux, des taxes et impôts, et ainsi de suite—, 30 à 35 sont de nature réglementaire, le reste étant des mesures volontaires. Donc, l'Allemagne est en train de faire quelque chose sur ce plan.
Les autres pays qui ont opté pour une approche unique éprouvent des difficultés. J'attire votre attention sur le document que j'ai produit. À la rubrique «Mix of measures», l'un des principaux critères d'évaluation des performances des pays, vous constaterez que ceux qui ont opté pour une approche équilibrée, faisant intervenir un agencement d'instruments d'intervention sur le marché, s'en sortent mieux que ceux qui comptent sur un seul instrument; et cela inclut les pays s'appuyant essentiellement sur les instruments fiscaux, qui ne se sont pas avérés très utiles d'ailleurs sur ce front. Ce qui importe, c'est d'agencer un ensemble de moyens d'intervention.
Le président: M. Pickard.
M. Jerry Pickard: De toute évidence, les études effectuées, les modèles établis et les exposés que nous avons entendus soulèvent sans doute plus de questions qu'ils n'apportent de réponses, ce qui n'est pas différent de ce qui se passe ailleurs. Il est dangereux de n'en savoir que très peu, il faut s'abreuver au ruisseau de la connaissance et ne pas goûter à la source pyrrhonienne—et c'est ce que je vois se passer de plus en plus ici; c'est très important parce que c'est en rassemblant les divers points de vue que nous parviendrons à une solution, bien qu'elle puisse ne pas paraître idéale aux yeux de ceux et de celles qui auront contribué à cet agencement.
• 1300
Il y a quelques minutes, nous avons entendu le point de vue de
l'industrie et vous avez entendu ces gens-là reprocher au
gouvernement du Canada de ne pas avoir étudié les répercussions
économiques. Je serais tenté de conclure de vos remarques, monsieur
Russell, à propos du Canada qui traîne de l'arrière, que vous
voulez parler des répercussions économiques et que cela a quelque
chose à voir avec le fait que nous sommes une confédération. Le
gouvernement fédéral n'agit pas seul; nous sommes un gouvernement
parmi 11 gouvernements. Nous parvenons à maintenir notre
confédération en assurant sa viabilité économique, en agissant sur
les marchés intérieurs et sur la scène internationale, en tant
qu'exportateurs.
Il y a donc toutes sortes de variables qui entrent en jeu dans cette question économique.
J'ai l'impression que le gouvernement du Canada s'est intéressé aux études existantes. Mais je vais vous reposer exactement la même question que celle que j'ai posée tout à l'heure aux représentants de l'industrie. Croyez-vous que le gouvernement du Canada veut vraiment s'intéresser aux répercussions économiques pour notre industrie, pour le monde entier, et mesurer tout ce que nous pourrons mesurer à cet égard?
N'oubliez pas que tout ce envers quoi nous nous engageons devra être, à un moment ou à un autre, réalisable—réalisable du point de vue politique, réalisable du point de vue économique, réalisable du point de vue de la compétitivité.
Il existe donc bien des éléments qui s'imbriquent les uns dans les autres, et vous en avez tenu compte dans vos modèles.
J'aimerais que chacun de vous... Vous nous avez fourni de très intéressants renseignements—et je vous en remercie—, mais j'ai l'impression que vous avez effectué un fantastique travail dont la valeur n'est pas reconnue par les témoins précédents.
M. Al Howatson: Je serai heureux de vous répondre. Merci de vos commentaires.
Il est vrai qu'un certain nombre des études sur lesquelles nous nous sommes appuyés pour produire notre rapport complet avaient été commandées par des ministères ou par des organismes fédéraux relevant de divers organes gouvernementaux. Donc, les hauts fonctionnaires étaient effectivement au courant des études en question.
Dans nos travaux, nous avons rassemblé tout ce qui existait pour analyser les différentes études et voir sur quelles hypothèses elles s'appuyaient. Ce faisant, nous n'avons bien sûr pas perdu de vue le fait que chaque étude avait été entreprise pour une raison donnée et qu'elle était destinée à un client particulier, parce qu'il faut se garder d'être injuste envers les chercheurs, et qu'il ne faut pas les faire allonger sur le lit de fer de Procruste pour leur couper les jambes s'ils sont trop grands ou leur étirer la tête s'ils sont trop petits.
Gardant cela à l'esprit, nous avons cherché à comparer les études dans toute la mesure du possible, en regard de la conférence de Kyoto. Certaines d'entre elles conviennent davantage au long terme ou précisent, par exemple, le genre d'agencement d'instruments qui pourrait être utile. Mais dans notre mémoire, nous avons essayé de résumer ces études, réalisées au cours des deux ou trois dernières années, pour voir quelles conclusions elles tirent relativement à la situation à laquelle le Canada fait face.
Je pense que c'est ce que fait également le gouvernement à l'heure actuelle. De toute évidence, le document de DRI, auquel nous faisons référence dans cette étude, a été réalisé à grands frais et il fait actuellement l'objet de beaucoup de discussions au sein de la fonction publique. Je crois savoir que les résultats préliminaires sont prêts et que le rapport complet devrait être publié sous peu.
Mais je réitérerai ce que mon collègue a dit, à savoir qu'on n'a pas effectué énormément d'analyses économiques au Canada, du moins pas autant qu'un sujet de cet ordre le mériterait.
Le président: Monsieur Pickard, est-ce que ça vous va ou désirez-vous entendre également les réactions de M. Russell?
M. Jerry Pickard: On peut effectivement se demander si ça va, monsieur le président, parce que je crois qu'ils baignent tous inexorablement dans ce dossier.
M. Doug Russell: J'aimerais faire une brève remarque.
La majorité des modèles économiques nous ont permis d'examiner les coûts, et il en a été beaucoup question, mais je ne pense pas qu'ils nous aient vraiment permis de dégager les possibilités s'offrant à nous. Il est très difficile de modéliser cet aspect de la question.
L'autre côté de la médaille, celui qui n'a pas été modélisé, est constitué par les coûts de l'inaction, autrement dit par ce qu'il en coûterait à l'économie sur ce front. Malheureusement, cela ne se prête pas facilement à une modélisation économique classique et je soutiens que nous ne connaissons pas toute la situation. Il n'existe donc pas de modèle susceptible de nous renseigner complètement sur ce front.
Je tiens cependant à signaler au passage, qu'il m'est très agréable, après avoir passé cinq ans du côté du gouvernement, d'essayer de faire avancer les choses, de constater tous les changements en cascade qui se produisent au gouvernement, de voir que le Premier ministre parle maintenant du problème du changement climatique et que nous avons mobilisé divers comités à ce sujet—et je tiens en passant à féliciter votre comité pour son travail. J'espère simplement que nous poursuivrons sur cette lancée— d'ailleurs, je ne doute pas que nous le ferons après avoir entendu ce que le président a dit plus tôt—, après Kyoto, parce qu'il nous faudra obtenir un véritable engagement politique, quand nous lancerons le véritable débat. C'est à ce moment-là qu'on pourra commencer à parler du reste.
• 1305
Personnellement, je pense que tout cela est réalisable, que
c'est quelque chose que nous devons faire pour demeurer
concurrentiels et que, si nous prenons du retard par rapport aux
autres pays, surtout par rapport aux États-Unis—qui bougent
vraiment sur ce plan—, nous devrons pédaler deux fois plus vite
pour rattraper le temps perdu et je ne pense pas que nous voulons
nous retrouver dans cette situation, ni sur le plan politique ni
sur le plan économique.
Le président: Merci, monsieur Russell, et merci à vous, monsieur Pickard.
La dernière question sera posée par M. Jackson.
M. Ovid Jackson: Une petite question rapide. J'essaie de formuler une hypothèse. Quand on assiste à une partie de soccer, de basketball ou de hockey, on suit le pointage, on s'intéresse au nombre de buts marqués par tel ou tel joueur. Bien des gens ne se rendent pas compte que ce n'est pas le joueur qui marque dans une partie de basketball, de hockey ou de soccer qui est le plus important; le plus important, c'est celui qui fait la passe. Si vous faites une passe en avant, vous marquez automatiquement. Ce n'est pas le tir qui compte, c'est la passe, suivie d'un déplacement vers le filet, puis d'un tir. D'une certaine façon, on pourrait dire qu'il faut prendre acte de la contribution du passeur.
Dites-moi donc, comment fonctionne-t-on sur ce plan? A-t-on fini par appréhender la valeur que représentent les permis d'échange des droits d'émissions? Qu'est-ce que tout cela donne?
M. Doug Russell: Pour reprendre votre analogie aux sports, je dirais qu'il faut d'abord être membre d'une équipe, et dans ce cas, on parle de l'Équipe Canada. On peut envisager cela de différents points de vue.
Personnellement, je préfère la vision internationale. Le Canada a la possibilité, comme d'autres intervenants l'ont déclaré plus tôt ce matin, d'amener les pays en développement à se ranger à nos côtés, à condition de commencer par faire le ménage chez nous et de pouvoir recourir à des moyens ingénieux, comme les permis sur les échanges de droits d'émissions et le reste.
J'ajouterai que, pour l'instant, nous n'avons pas encore fait la passe. Je ne pense même pas que nous ayons constitué les formations voulues, et nous avons encore du travail à faire à cet égard. Quoi qu'il en soit, je suis certain que nous pouvons rattraper notre retard sur ces plans et inventorier les créneaux où le Canada peut jouer un rôle de premier plan au sein de l'équipe internationale qu'il faudra absolument constituer si nous voulons réussir. Mais nous devons être prêts à faire certains choix très vite et à entamer ce qui devra être un débat bien informé, solide et valable, ici, dans ce pays.
Le président: Y a-t-il d'autres remarques?
Eh bien, sur ce, je vous remercie, monsieur Jackson, et je remercie également nos témoins. Nous nous réservons le droit de vous réinviter après Kyoto, à un moment donné au printemps.
Je déclare la séance levée et j'adresse toute notre gratitude à nos témoins.