NRGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES AND GOVERNMENT OPERATIONS
COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 4 novembre 1997
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)): La séance est ouverte.
Bienvenue, chers collègues, à une autre réunion stimulante du Comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales.
L'ordre du jour aujourd'hui: notre première réunion sur le changement climatique mondial.
M. Jerry Pickard (Kent—Essex, Lib.): Je suis vraiment déçu que cette réunion commence en retard. Je pensais que vous étiez un grand président, que vous ne commenciez jamais en retard.
Le président: Je sais, j'allais dire que nous allions prendre des mesures pour que cela ne se reproduise plus. Le président du comité précédent s'est confondu en excuses et m'a promis que cela ne se reproduirait pas. Je pense que la meilleure chose à faire est de... Le comité de la bibliothèque a comparu devant nous.
M. Jerry Pickard: Cela peut se révéler autre.
M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Réf.): Monsieur le président, avant de commencer, j'aimerais des explications sur ce qui est arrivé aux recommandations de notre comité mixte.
Le président: Si vous le voulez bien, Darrel, nous pourrions en discuter maintenant, mais j'avais prévu de parler du calendrier des réunions à la fin de cette séance. Pourrions-nous procéder ainsi?
M. Darrel Stinson: Bien sûr.
Le président: Un de nos témoins a un avion à prendre. Cela ne changera pas la réunion d'aujourd'hui, mais j'avais prévu de parler à tous les membres du calendrier des réunions. J'ai dû jongler un peu en raison du calendrier des prochaines réunions.
Donc sans plus tarder, j'aimerais accueillir à notre réunion d'aujourd'hui, MM. Jim Bruce et Jeff Passmore, qui poursuivent tous deux des carrières distinguées.
M. Bruce, après avoir travaillé pour le gouvernement fédéral de 1986 à 1989, est devenu directeur de la Coopération technique et sous-secrétaire général de l'Organisation météorologique mondiale à Genève, où il a contribué à la création du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations Unies. Il est reconnu comme un expert dans son domaine et il est également officier de l'Ordre du Canada.
Est-ce exact monsieur Bruce?
M. Jim Bruce (Membre, Groupe de travail no 3, Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations Unies): Oui.
Le président: M. Passmore, qui est spécialiste des technologies énergétiques, dirige une entreprise appelée Passmore Associates International. Pour le moment, il siège au Conseil consultatif national sur l'énergie, les sciences et la technologie ainsi qu'au Groupe consultatif non gouvernemental sur les négociations internationales sur le changement climatique.
J'ai pensé qu'il serait très à propos que nous commencions aujourd'hui nos audiences avec ces deux messieurs. Si nous voulons obtenir une information pertinente sur la question, d'un point de vue scientifique et technologique, afin de nous préparer à entendre de nouveaux témoins, notamment des fonctionnaires du Ministère, il me semble très raisonnable d'entendre ces deux personnes.
Je vais commencer par M. Bruce.
Nous avons ici un rétroprojecteur, monsieur Bruce, si vous souhaitez l'utiliser.
Chers collègues, si vous le voulez bien, je vais donner à chacun de nos témoins quelques minutes supplémentaires ce matin. Il restera beaucoup de temps pour les questions, mais je pense que vous trouverez que dans les deux cas, ce temps supplémentaire en vaudra vraiment la peine.
Monsieur Bruce, veuillez commencer.
M. Jim Bruce: Merci beaucoup, monsieur le président, de l'occasion qui n'est donnée de vous rencontrer.
On m'a demandé de parler de la science du changement climatique, mais étant donné qu'au cours des quatre dernières années, j'ai présidé le groupe de travail du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat qui traite des sciences socio-économiques associées au changement climatique, je vais aborder cet aspect également dans ma présentation.
Je suis désolé, mais les diapositives du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat sont toutes en anglais, car il a été décidé au niveau international que nos travaux se dérouleraient totalement en anglais. Mais j'ai quelques diapositives du Canada qui sont en français. J'espère donc que vous me permettrez de passer de l'un à l'autre. Merci.
L'effet de serre est un effet scientifique bien connu et bien établi. L'énergie qui provient du soleil et réchauffe la terre est essentiellement transparente et traverse facilement l'atmosphère car l'atmosphère laisse passer l'énergie solaire. Mais l'atmosphère ne laisse pas passer l'énergie qui se dégage de la terre, car il existe ce qu'on appelle des gaz à effet de serre dans l'atmosphère—vapeur d'eau, gaz carbonique, méthane et certains autres—qui sont présents de façon naturelle et qui empêchent une partie de cette énergie de retourner dans l'espace, ce qui est une bonne chose car sinon, la terre serait de 33 degrés plus froide qu'elle ne l'est.
Ainsi, l'effet de serre naturel permet à la terre d'être habitable. Mais à cette couverture qui nous tient relativement au chaud sur la terre, nous ajoutons une autre couverture—un effet de serre créé par l'homme ou un effet de serre amélioré—en augmentant la quantité de gaz carbonique et d'autres gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
Ce graphique montre l'évolution de la concentration du gaz carbonique dans l'atmosphère terrestre de 900 environ jusqu'à notre époque. Vous pouvez voir que la concentration de gaz carbonique dans l'atmosphère était d'environ 280 parties par million pendant ces 1 000 ans environ. Si l'on remonte à ces échantillons glaciaires, on voit que les concentrations de CO2 dans l'atmosphère n'ont jamais dépassé, au cours des 160 000 dernières années, 280 parties par million environ.
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Mais l'ingéniosité humaine étant ce qu'elle est, nous avons
réussi—premièrement par la destruction d'une bonne partie des
forêts du monde et, plus récemment, par la combustion des
combustibles fossiles—a augmenté les concentrations de CO2 dans
l'atmosphère de façon considérable, d'au moins 30 p. 100.
On voit ici à l'intérieur l'augmentation des concentrations de CO2 dans l'atmosphère par rapport à l'utilisation accrue des combustibles fossiles.
Ce n'est pas simplement le CO2 qui a augmenté; ce sont également les autres gaz à effet de serre. Le méthane a plus que doublé en raison de l'activité humaine. Nous avons ajouté certains gaz à l'atmosphère qui n'y étaient pas de façon naturelle et qui sont également des gaz à effet de serre.
Ce graphique montre une sorte d'équilibre des facteurs qui influencent le climat. Certains facteurs réchauffent le climat: on les voit ici sur le côté positif de la ligne zéro, et d'autres le refroidissent: on les voit ici sur le côté négatif. Les facteurs qui réchauffent le climat sont essentiellement les gaz à effet de serre directs: le gaz carbonique, le méthane, l'oxyde d'azote et les hydrocarbures halogénés, qui contribuent également à détruire la couche d'ozone.
L'amincissement de la couche d'ozone a entraîné un léger refroidissement à la surface de la terre. Ce refroidissement dans la partie supérieure de l'atmosphère est caractéristique d'un changement climatique, même si le Globe and Mail ne l'admet pas. Ce refroidissement stratosphérique produit en fait un réchauffement supplémentaire à la surface de la terre.
L'ozone troposphérique, c'est-à-dire ce que l'on trouve dans le smog urbain et les smogs régionaux autour de nos villes, a considérablement augmenté dans le monde et ajoute à l'effet direct des gaz à effet de serre.
L'effet négatif le plus important provient des aérosols, ces petites particules en suspension dans l'atmosphère; les aérosols de sulfate en particulier qui proviennent de la combustion des combustibles fossiles dans nos centrales électriques. Ils ont un effet direct et peut-être indirect sur la formation des nuages. C'est là où l'incertitude est la plus grande, dans le forçage du climat par une modification de l'équilibre du rayonnement à la surface de la terre.
On voit ici sur ce graphique une légère augmentation de l'énergie solaire depuis 100 ans environ.
Vous pouvez voir que le facteur dominant est de loin l'augmentation des gaz à effet de serre.
D'autre part, bon nombre de ces gaz à effet de serre, une fois qu'ils sont dégagés dans l'atmosphère, y restent pendant 150 ans, alors que les aérosols retombent en une semaine environ. Les aérosols qui proviennent du dioxyde de soufre sont à l'origine des pluies acides, c'est pourquoi on en diminue l'utilisation afin de réduire les pluies acides.
Le facteur dominant est donc de loin les gaz à effet de serre qui résident à long terme dans l'atmosphère.
Que risque-t-il de se passer si nous laissons ce phénomène se poursuivre comme nous l'avons fait depuis une décennie environ?
Voici le résultat d'un modèle de système climatique. Le système climatique est très complexe: il y a un effet en retour des nuages et des surfaces glacées. Il faut un modèle complexe pour comprendre toutes les interactions. Si l'on combine l'augmentation prévue des gaz à effet de serre, sans rien faire pour les réduire, et l'augmentation prévue des aérosols, sans faire grand chose pour les refroidir, pour voir quel effet cela aura sur le climat de l'avenir, voilà le genre de carte que presque tous les modèles—il y a environ une dizaine de groupes de modèle dans le mode—produiront.
En voici un du Canada, le modèle climatique canadien, qui provient de Environnement Canada et de l'Université de Victoria. Il montre qu'un doublement du CO2 dans l'atmosphère, c'est-à-dire ce qui se produirait entre 1910 et 2040, entraînerait une hausse de 3 à 5 degrés environ de la température sur la plus grande partie du Canada. Mais remarquez cette petite zone bleue, une région de refroidissement, dans le nord-est du Labrador. Étant donné que le changement climatique modifie la circulation océanique, on obtient un changement qui donne en fait un refroidissement de la côte nord-est du Labrador. Certains pensent que cela peut avoir été en partie la raison pour laquelle les stocks de morue ne se sont pas régénérés dans cette région après leur épuisement par la surpêche.
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Essayez de vous rappeler le modèle de réchauffement sur le
continent et ce refroidissement marginal ici, et voyons ce qui
s'est vraiment passé au cours des trente dernières années. Voyons-nous
quelque chose de semblable dans l'évolution réelle des
températures? Voilà ce que l'on constate. Sur une carte
hémisphérique centrée sur le Canada, on peut voir que la
température s'est élevée considérablement dans le nord des Prairies
et les Territoires du Nord-Ouest, mais également le long de la
frontière, d'environ 0,5 degré par décennie. Cela fait 1,5 degré au
cours de cette période, ce qui est beaucoup. Mais vous remarquerez
également ce refroidissement au nord-est du Labrador, dont les
modèles disent qu'il aurait dû se produire en raison du forçage des
gaz à effet de serre. Les tendances ne sont pas identiques mais
très semblables.
Si l'on trace une courbe de la température moyenne du globe—on prend toutes les observations sur toute la planète, océaniques et terrestres—on obtient, de 1900 à 1996 environ, une courbe comme cette courbe noire. Il s'agit de l'évolution réelle observée des températures sur toute la terre, pondérées sur l'année.
Il y a deux autres lignes ici. La première est la ligne de variabilité naturelle du climat, tant sur le plan historique d'après les observations, que projetée, en utilisant les modèles sans forçage, sans la modification des gaz à effet de serre ou des aérosols. On obtiendrait ces sommets et ces creux de variation naturelle dans le système climatique, mais ils prendraient cette direction. Si l'on incorpore les gaz à effet de serre et les aérosols dans le modèle, on obtient une courbe qui ressemble à cette ligne rouge. Vous pouvez voir, en particulier depuis plusieurs décennies, qu'elle est étroitement parallèle à la courbe observée. Si l'on ne fait rien, ce modèle suggère que la terre sera de 4,5 degrés plus chaude, en moyenne, qu'en 1900. Certains modèles donnent des valeurs légèrement inférieures.
Cela peut ne pas sembler beaucoup pour des non-climatologues, mais la différence entre la dernière ère glaciaire et notre époque est d'environ 6 degrés. Vous pouvez voir qu'il s'agit d'un énorme changement du climat planétaire.
J'aimerais mentionner un autre point au sujet de ce graphique. Ce que vous voyez ici c'est que les températures projetées et observées commencent en fait à s'écarter de la variabilité naturelle du climat. Vous pouvez voir que nous commençons à avoir des températures moyennes terrestres supérieures aux variations naturelles.
Du fait de la correspondance de plus en plus étroite entre les tendances régionales du changement climatique et les tendances régionales projetées en tenant compte des gaz à effet de serre, et du fait que cette courbe des températures en hausse pour la moyenne des températures mondiales s'élève au-dessus des variations naturelles du climat, les experts du Groupe intergouvernemental sur le changement climatique—2 000 scientifiques du monde entier—ont convenu que l'ensemble des indices—et c'est une déclaration scientifique très prudente—suggèrent désormais une influence humaine discernable sur le climat planétaire. Autrement dit, ils nous disent que nous pouvons voir dès maintenant un écart par rapport à la variabilité naturelle.
Le réchauffement de la terre entraîne une élévation du niveau de la mer. L'élévation du niveau de la mer s'est située entre 10 et 25 centimètres en moyenne dans le monde au cours du dernier siècle. La projection pour le prochain siècle, si l'on ne fait rien, serait une élévation de 0,5 mètre. La première ligne suppose que l'on maintient les aérosols au niveau actuel afin de maîtriser les pluies acides. La ligne noire correspond à un accroissement des aérosols dans l'atmosphère. Cela atténue quelque peu le réchauffement de même que l'élévation du niveau de la mer. Mais la projection médiane prévoit un demi-mètre d'élévation environ d'ici 2100.
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Cela peut ne pas sembler beaucoup non plus, mais si l'on
applique une élévation du niveau de la mer de 20 centimètres à une
région qui est à moins d'un mètre au-dessus du niveau de la mer—et
cela comprend 80 p. 100 des Maldives et une bonne partie du delta
du Nil ainsi que bien d'autres deltas et petites îles dans le
monde—les inondations, au lieu de se produire tous les dix ans
dans ces pays, surviendront deux fois par an. Il s'agit donc d'un
phénomène très important pour les petits États insulaires en
développement, qui en fait luttent pour leur survie sur cette
question du changement climatique.
Je ne pense pas que le changement climatique se manifestera essentiellement par une augmentation progressive de la température. Nous estimons plutôt qu'il y aura une modification des événements extrêmes. Le réchauffement entraîne une accélération des cycles hydrologiques, des cycles de l'eau. Cela veut dire une augmentation des précipitations et donc davantage d'inondations.
Ce graphique, tiré d'un modèle australien, en est une illustration. Ce modèle montre qu'à la suite d'un doublement du CO2, les pluies tomberont moins en petite quantité et beaucoup plus en grande quantité, plus de 25 millimètres ou un pouce.
L'a-t-on déjà observé? Oui. En Amérique du Nord, nous constatons une augmentation de 20 p. 100 des fortes pluies de plus de 2 pouces par jour, soit 50 millimètres, sur l'ensemble des États-Unis et le sud du Canada. Nous avons vu un changement dans la fréquence des événements extrêmes qui, bien entendu, ont un effet sur les inondations, en particulier dans les petits bassins hydrographiques.
Steve Lambert, de l'Université de Victoria, a produit un graphique sur la fréquence des tempêtes d'hiver intenses. Nous observons une augmentation très nette de la fréquence des très fortes tempêtes d'hiver dans l'hémisphère nord depuis environ 1970. Nous allons donc voir un changement climatique qui se manifeste surtout par une fréquence accrue des phénomènes extrêmes.
Le phénomène du El Nino est de plus en plus intense. Les El Nino chauds deviennent de plus en plus chauds et les El Nino froids deviennent de plus en plus froids. Le dernier El Nino chaud très intense, avant celui que nous connaissons en ce moment, a causé des dommages de 13 milliards de dollars dans le monde entier, à la suite de sécheresses, d'inondations et de tempêtes.
J'aimerais maintenant parler de science économique, si vous êtes prêts à admettre qu'il s'agisse d'une science. Voilà une perspective de ce qu'il en coûterait de réduire les émissions de gaz à effet de serre, d'essayer de faire face au problème du changement climatique. Voici un schéma qui nous montre que si l'on trace la ligne des estimations de coût par rapport à une plus grande réduction des émissions le long de cette courbe, on obtient progressivement une augmentation des coûts à mesure que les émissions sont réduites.
Il y a là deux grandes idées représentées ici. La première, dont on entend le plus parler, en particulier de la part de l'industrie du pétrole et du charbon, montre les résultats des modèles qui vous donnent une courbe comme la courbe A, où le coût économique total, en général en imposant une taxe sur le carbone, augmente assez rapidement à mesure que les émissions sont réduites. Mais ces modèles supposent tout d'abord qu'il n'y a pas d'imperfection du marché—c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'obstacles à surmonter pour adopter de nouvelles technologies d'efficacité énergétique ou des énergies de remplacement.
Je pense que Jeff parlera de certains des obstacles à l'adoption de quelques-unes de ces mesures.
Il y a donc ici des barrières, mais cela ne suppose pas d'imperfection du marché. Cela suppose également que l'on se contente de percevoir cette taxe et que l'on ne l'utilise pas spécialement pour réduire des taxes génératrices de plus grandes distorsions.
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Mais si l'on adopte un point de vue différent, à savoir que
les mesures visant l'efficacité énergétique peuvent réduire les
coûts de combustible et que, dans bien des cas, ces mesures seront
récupérées en un à trois ans—j'ai entendu parler aujourd'hui d'une
mesure qui serait récupérée en six mois—une période plutôt courte—et que
tout ce que l'on percevra en imposant des permis ou des
taxes pour limiter les émissions de CO2, nous le réinvestirons pour
réduire des taxes créant davantage de distorsions comme les charges
sociales, on aboutit alors à des avantages économiques nets pour le
pays. On peut aller assez loin sur cette ligne de réduction des
émissions, selon cette deuxième courbe, sans qu'il en coûte
beaucoup ou même avec des bénéfices nets pour l'économie nationale.
De plus, aucun de ces concepts ne tient compte des avantages environnementaux secondaires. Dans certains cas, on pourrait même penser que ce sont des avantages primaires. Si l'on diminue la combustion des combustibles fossiles, on réduit non seulement le gaz carbonique mais également tous les autres polluants importants: les particules de sulfate, qui constituent un grave problème pour la santé; le dioxyde de soufre, qui cause les pluies acides; l'oxyde d'azote et les hydrocarbures, qui causent le smog urbain; le plomb, qui heureusement a quelque peu diminué depuis 1989, et finalement le mercure toxique. On élimine une bonne partie de ces contaminants lorsque l'on diminue l'utilisation des combustibles fossiles, ce qui représente des avantages secondaires importants dont il faut tenir compte.
L'adoption de nouvelles technologies énergétiques peut être également créatrice d'emplois.
En Allemagne, où on a analysé le potentiel de l'efficacité énergétique, on va de l'avant avec un programme d'efficacité énergétique très dynamique. Les Allemands ont découvert que le potentiel technique des mesures d'efficacité énergétique représente environ 45 p. 100 de l'énergie primaire. Le potentiel de rentabilité est d'environ 30 p. 100, ce n'est donc pas un avantage total... les 15 p. 100 restant seraient un coût net pour l'économie, mais il y aurait les effets sur l'emploi. Ils estiment que l'adoption de mesures d'efficacité énergétiques à 45 p. 100 donnerait lieu à la création de 500 000 emplois nets.
Il y a bien des raisons de penser que nous pouvons faire beaucoup à un coût très limité ou sans qu'il en coûte à l'économie en général. Il y aura des coûts sectoriels, bien entendu, en particulier dans l'industrie du charbon et du pétrole, mais il y aura des avantages dans d'autres secteurs.
Deux mille huit cents économistes, y compris un groupe de lauréats du prix Nobel des États-Unis et du Canada, ont fait cette déclaration:
-
En tant qu'économistes, nous croyons que le changement climatique
mondial est associé à des risques importants sur le plan
environnemental, économique, social et géopolitique et que des
mesures préventives sont donc justifiées.
-
Les études économiques ont démontré qu'il est possible d'adopter
toute sorte de politiques pour réduire les émissions de gaz à effet
de serre et que l'ensemble des avantages l'emportent sur le total
des coûts.
J'aimerais conclure par une remarque de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, qui m'a semblé particulièrement sage et raisonnable. Récemment on a pu voir dans un journal cette annonce sur une pleine page de l'Association, qui disait:
-
Ensemble, nous pouvons maîtriser les émissions et contribuer à
nettoyer l'atmosphère. Sans ralentir l'économie. Pour cela, il faut
de l'imagination et de la détermination. Au Canada, nous n'en
manquons pas.
Le président: Merci monsieur Bruce. Voilà qui était très bien.
Nous allons laisser la parole à M. Jeff Passmore. Jeff s'occupe davantage de l'efficacité énergétique. C'est pourquoi j'ai pensé que ce serait un bon équilibre entre la science et l'efficacité énergétique, ce qui nous permettrait ensuite de poser de bonnes questions.
Jeff, vous avez la parole.
M. Jeff Passmore (président, Passmore Associates International): Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de cette occasion qui m'est donnée de comparaître devant vous.
M'accompagne ce matin Sharilyn Cyr, que je décrirais comme appartenant à l'espèce des apprentis en matière d'énergies renouvelables, une espèce encore beaucoup trop rare au Canada. Elle est ici pour apprendre ce qu'est une audience de comité, tout comme un certain nombre de vos membres, à ce que j'ai cru comprendre, qui participent à l'une de leurs premières audiences.
Vous devriez tous avoir des exemplaires d'une brochure dont la couverture porte la mention «Renewable Energy».
• 1140
En fait, monsieur le président, je suis spécialisé dans les
énergies renouvelables plutôt que dans l'efficacité énergétique,
bien que je sois très heureux de parler de l'efficacité
énergétique.
Dans ces documents, vous trouverez une feuille de présentation ainsi qu'un certain nombre de pièces jointes. Dans le temps qui nous est imparti aujourd'hui, j'aimerais passer en revue autant de ces pièces jointes que possible sans aller trop dans le détail et, peut-être plus tard, pendant la période des questions ou lors d'une audience ultérieure, nous pourrions approfondir un peu la question.
Le président: Je suis désolé pour nos collègues francophones, nous venons de recevoir ce document aujourd'hui, je n'ai donc pas l'impression qu'il existe en français.
M. Jeff Passmore: Non, j'ai simplement...
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Je commence à avoir l'habitude.
Le président: Jeff, veuillez commencer.
M. Jeff Passmore: Mon premier point ici ne porte pas tant sur les coûts que sur les possibilités. J'ai mis «lost» entre crochets car les possibilités qu'offrent les nouvelles technologies énergétiques sont considérables mais, jusqu'à présent, elles ont été largement perdues ou négligées au Canada et continueront de l'être si nous ne les adoptons pas.
Dans les pièces jointes, j'ai inclus certains chiffres, qui dépendent des interlocuteurs et des sources d'information, sur l'énergie éolienne qui représente un potentiel qui se situe entre 6 400 et 10 000 mégawatts au Canada; les petites stations hydroélectriques, les gaz d'enfouissement, l'énergie photovoltaïque. J'attire particulièrement votre attention sur la cogénération de gaz naturel, 10 000 mégawatts en Ontario seulement, et la bioénergie—et là encore, j'attire plus particulièrement votre attention sur l'éthanol de cellulose; 8 p. 100 des terres agricoles actuelles du Canada pourraient remplacer 100 p. 100 de la consommation canadienne d'essence actuelle, ce qui réduirait les émissions de CO2 de 90 p. 100, selon une étude du ministère de l'Environnement des États-Unis. Voilà donc un aperçu de ces possibilités.
La deuxième pièce jointe est ce document, intitulé «Independent Power in Canada». Je voudrais simplement attirer votre attention sur le fait qu'il existe des descriptions des diverses technologies à l'intérieur de la brochure: petites stations hydroélectriques, biomasse et ainsi de suite. En fait, pour ce qui est de l'énergie éolienne, la photo dans le coin droit en haut montre le seul champ d'éoliennes au Canada, qui se trouve en Alberta, à Cowley Ridge, dans le sud-ouest de l'Alberta, près de Pincher Creek. Ce document présente un certain nombre de technologies de même que des renseignements sur leur potentiel.
Pour ce qui est de la pièce jointe no 3, j'aimerais attirer votre attention sur l'article au dos de ce document concernant un rapport du ministère de l'Environnement américain, qui souligne le potentiel de l'éthanol de cellulose pour réduire les émissions de CO2 de 90 p. 100. J'attirerais votre attention sur ce paragraphe en particulier:
-
Pour ce qui est des crédits futurs de gaz à effet de serre dont
disposent les propriétaires de montagne de déchets de bois, «Oui,
je serais d'accord pour dire qu'ils sont assis sur une mine
d'or...».
Le Canada possède un réel avantage biologique en raison des quantités de déchets de bois et de produits du bois que nous possédons.
Je voudrais dire ensuite que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle de chef de file en matière d'environnement. La pièce jointe no 4 est intitulée «Renewable Energy in Canada: Industry Views on Achieving the Opportunity». Je vous demanderais d'ouvrir la dépliant au complet. Vous verrez le petit encadrement sur la question de savoir qui devrait assumer la principale responsabilité de la protection environnementale. Vous pouvez voir que 23 des 36 dirigeants de l'industrie des énergies renouvelables à qui on a posé la question ont répondu que le gouvernement fédéral devrait assumer la responsabilité de l'environnement.
Puisque vous assumez la responsabilité de l'environnement, j'aimerais que vous envisagiez des concepts comme la valeur et le coût. On parle beaucoup de coût aujourd'hui. L'utilisation de l'environnement n'est pas gratuite. Je ne dis pas que nous savons comment évaluer le coût de l'environnement, mais nous avons conclu que la valeur est plus grande que zéro. En fait, il se déroule actuellement un débat très compliqué sur les externalités et le coût des externalités. Cependant, nous savons que l'utilisation de l'environnement n'est pas gratuite.
• 1145
Troisièmement, on demande souvent de quels moyens dispose le
gouvernement fédéral pour favoriser ces occasions jusque là
perdues? J'en ai défini trois ici.
Établir des règles du jeu équitables. La pièce jointe no 5 porte sur cet aspect particulier. Ce que nous voulons dire ici c'est que nous devons en arriver à un traitement fiscal équitable des options énergétiques concurrentes. Il y a un petit diagramme à l'extérieur qui montre un puits de pétrole, un champ d'éoliennes, une station géothermique et une centrale hydroélectrique. La politique fiscale peut rapidement devenir très complexe, mais le principal est que dans les deux derniers budgets, nous avons réussi à établir des règles du jeu plus équitables, bien qu'il reste encore des domaines où le secteur des énergies renouvelables est désavantagé sur le plan fiscal par rapport au secteur du pétrole et du gaz.
La deuxième feuille de la pièce jointe no 5 montre que pour le financement des projets, nous pouvons nous adresser aux sociétés énergétiques, aux compagnies minières et aux entreprises manufacturières et de transformation, mais nous ne pouvons pas nous adresser à ce que nous appelons d'autres investisseurs—normalement les investisseurs passifs dont dispose le secteur du pétrole et du gaz pour les actions accréditives par exemple.
Puis nous montrons deux cycles, le cycle de réinvestissement pour l'industrie du pétrole et le cycle de réinvestissement pour l'industrie des énergies renouvelables. Vous pouvez voir que, compte tenu des ajustements qui ont été effectués dans le budget de 1995, la création de cette nouvelle catégorie de dépenses pour les énergies renouvelables et la conservation, nous pouvons émettre des actions accréditives jusqu'au moment où le projet est effectivement construit. Mais une fois qu'il est temps de construire le projet et d'obtenir le financement, nous ne pouvons plus que nous adresser aux compagnies manufacturières et de transformation, aux compagnies minières et énergétiques, dont beaucoup ne sont pas intéressées par plus d'un projet d'énergie renouvelable. Dans la mesure où il faut vendre le projet, peu d'argent est réinvesti.
La conclusion, c'est en fait que ce n'est pas là la recette pour la création d'un secteur des énergies renouvelables au Canada.
Le second moyen dont dispose le gouvernement fédéral... Je propose que nous devenions un consommateur vert dynamique. La pièce jointe no 6 comporte une annonce de l'ancien ministre de Ressources naturelles Canada, Anne McLellan, disant que le gouvernement fédéral, par le biais de ces deux ministères, Ressources naturelles Canada et Environnement Canada, allait consommer une petite quantité d'électricité verte. C'est donner le bon exemple, mais on pourrait faire encore plus. Ce ne devrait pas être simplement l'électricité mais, par exemple, le transport des carburants.
Derrière cet article d'une page sur le projet d'achat d'électricité verte en Alberta se trouve une copie d'un bulletin intitulé WindSite. Il y a un premier article «Vision Quest to Install Two 600-Kilowatt Turbines». Ces deux turbines de 600 kilowatts fourniront une partie des kilowatts-heures verts au gouvernement fédéral en vertu d'un accord annoncé par l'ancienne ministre, Anne McLellan. Mais il y a beaucoup d'autres possibilités pour tous les ministères, qui vont bien au-delà du secteur électrique.
Finalement, le troisième moyen c'est l'investissement dans la technologie. Il est évident que le gouvernement fédéral dispose de possibilités de recherche et développement et de démonstration. Une partie de la stratégie américaine visant à atteindre ses cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2012 est d'investir dans la technologie. Je crois que le chiffre annoncé par M. Clinton était de l'ordre de 5 milliards de dollars. Nous n'avons que des montants minuscules investis dans la technologie dans notre pays. Par exemple, le budget de Ressources naturelles Canada consacré à l'énergie éolienne est de moins de 600 000 $ par an. On peut donc en arriver à se demander si cela vaut la peine de continuer à ce niveau.
Quatrième point... On parle beaucoup actuellement de la question de savoir qui sera touché par le changement climatique. J'ai intitulé cet article «Alberta - Boom or Bust on Climate Change? Adopt a Diverse Portfolio». Vous remarquerez, comme je l'ai déjà mentionné, le potentiel de 10 000 mégawatts de cogénération de gaz naturel à haute efficacité en Ontario. Qui, à votre avis va en bénéficier? L'Alberta. Le champ d'éoliennes, la photo que je vous ai montrée, était situé dans le sud-ouest de l'Alberta, à Pincher Creek. Un des meilleurs régimes éoliens du Canada se trouve dans le sud-ouest de l'Alberta et le sud-ouest de la Saskatchewan, en raison du chinook qui descend des Montagneuses rocheuses. Il y a donc une réelle possibilité de diversifier les portefeuilles.
Personne ne suggère de fermer les petites et moyennes industries de pétrole et de gaz du pays. Il s'agit d'une transition vers un avenir axé sur les énergies renouvelables, transition que nous devons amorcer dès maintenant si nous ne voulons pas perdre une autre possibilité. Contrairement aux affirmations du CCCE et de Thomas d'Aquin, le ciel n'est pas en train de nous tomber sur la tête, et il ne tombera pas.
• 1150
Cinquièmement, les effets économiques de la réduction des
émissions de gaz à effet de serre n'ont pas encore été complètement
évalués mais ils risquent, au pire, d'être neutres. Je viens
d'entendre Jim Bruce dire que cela pourrait avoir des effets
positifs.
Je crois comprendre que vous allez entendre le Conference Board du Canada au sujet du document de Al Howatson. Vous verrez dans ce document de remarquables résumés des divers rapports qu'ils ont rédigés. J'en mentionnerais un qui vient à l'appui de mon affirmation selon laquelle les effets seront sans doute neutres.
Dans les modèles réalisés par Informetrica sur l'analyse macro-économique ici à Ottawa, les auteurs concluent que la taille générale de l'économie canadienne de même que sa croissance ne seront probablement pas modifiées par les mesures adoptées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, étant donné qu'à l'augmentation des coûts correspondent de nouvelles économies découlant de la réduction de l'utilisation énergétique. Mais ce témoin vous en parlera lui-même.
J'ai oublié de dire ici que le secteur des assurances et le Bureau d'assurance du Canada se préoccupent de plus en plus du nombre de réclamations présentées à la suite de phénomènes climatiques. Ils trouvent également que le coût économique de l'inaction en matière de changement climatique continue d'augmenter.
Pour ce qui est de mon affirmation selon laquelle il serait économiquement désavantageux de ne pas adopter les technologies du XXIe siècle et de temporiser, elle est illustrée dans la pièce jointe no 7. On prend simplement comme exemple l'énergie éolienne et on examine la capacité énergétique éolienne dans le monde jusqu'en 1996. Vous verrez que sur les 6 104 mégawatts d'énergie éolienne produits en 1996, la part du Canada est seulement de 21 mégawatts. Il s'agit essentiellement des 19 mégawatts du champ d'éoliennes de Cowley Ridge dans le sud-ouest de l'Alberta.
À la page suivante se trouve une photographie d'un champ d'éoliennes en Grande-Bretagne.
La photographie suivante est celle d'un champ d'éoliennes au large du Danemark. Les champs d'éoliennes au large des côtes sont la nouvelle façon de capter le vent en Europe. Cela élimine la variabilité des vents terrestres. Le Danemark n'est pas un grand pays, mais en 12 mois, de juin 1996 à juin 1997, il a vendu 1 683 turbines éoliennes. Le Danemark a créé 8 000 emplois dans le pays et 4 000 emplois à l'extérieur, grâce à l'énergie éolienne uniquement.
Les cibles de réduction des émissions sont réalisables. La pièce jointe no 8 montre simplement une comparaison des émissions de CO2 provenant de l'essence par rapport à l'éthanol de la biomasse. C'est là où l'on obtient la réduction de 90 p. 100. Ces chiffres sont tirés d'un rapport du ministère de l'Environnement américain.
Mon sixième point porte sur le fait que l'avenir est aux énergies renouvelables et que le Canada doit prendre le train en marche. La pièce jointe no 9 sur la Shell International montre projection de la part du marché de l'énergie en remontant à 1860 jusqu'à 2060. On peut voir la biomasse traditionnelle du charbon, du pétrole, du gaz naturel et autre ainsi que les énergies renouvelables, qui viennent les dépasser et qui, en 2030, occuperont une place beaucoup plus importante que le charbon, le pétrole et le gaz. Les énergies renouvelables non identifiées se trouvent sur cette petite ligne blanche.
Le scénario de croissance soutenue, également de la Shell International, est une autre façon d'envisager la question. On voit que même avec 2 p. 100 de croissance annuelle—il comporte également un autre scénario de croissance «durable» par rapport à «soutenu» qui serait plus proche de 1 p. 100 par an—la biomasse, le vent, les technologies solaires, géothermiques et autres, qu'ils appellent Surprise, représenteront plus de la moitié de l'énergie fournie dans le monde d'ici 2060.
• 1155
Finalement, le vent est la source d'énergie qui croît le plus
vite dans le monde et devrait fournir 10 p. 100 de l'électricité de
l'Union européenne d'ici 2030. Au Brésil, un autre exemple,
32 p. 100 des automobiles roulent à 100 p. 100 d'éthanol et les
autres à 22 p. 100 d'éthanol.
Finalement, il serait probablement utile au comité d'inviter des représentants d'un groupe industriel, afin d'entendre non pas des généralistes comme moi, mais des gens qui travaillent dans l'industrie—petites centrales hydroélectriques, cogénération, éthanol et biomasse.
Merci monsieur le président.
Le président: Merci monsieur Passmore.
Nous allons passer aux questions.
Chers collègues, vous pouvez poser des questions à l'un ou l'autre de nos invités.
Monsieur Stinson.
M. Darrel Stinson: J'aimerais commencer par deux ou trois questions adressées à M. Bruce, si vous le permettez.
Monsieur Bruce, quel est selon vous le lien exact entre l'augmentation du gaz carbonique dans l'atmosphère d'une part et le changement climatique mondial de l'autre? De plus, quelles sont les plus grandes incertitudes scientifiques ainsi que les domaines de désaccord les plus importants entre les scientifiques en ce qui concerne le réchauffement planétaire?
M. Jim Bruce: Je vais peut-être commencer par la deuxième question.
Le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat a été créé pour essayer d'en arriver à un consensus au sein du milieu scientifique. Environ 2 000 experts du monde entier y ont participé ainsi que 600 ou 800 économistes et spécialistes des sciences sociales. Ils ont examiné tous les points de vue des quelques scientifiques soi-disant dissidents et ont produit leur rapport de façon à tenir compte de ces opinions lorsqu'elles étaient solidement fondées sur des observations et des théories scientifiques.
Par conséquent, le rapport du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat, que j'ai utilisé pour ma présentation, représente en fait le consensus du milieu scientifique. Il y a encore quelques personnes qui en contestent certains des aspects, mais ils ne sont pas nombreux.
Deuxièmement, quel est le lien entre le gaz carbonique et le climat? Le gaz carbonique ainsi que d'autres gaz à effet de serre piègent une partie de l'énergie qui normalement serait renvoyée dans l'espace; ils maintiennent l'énergie près du sol et réchauffent les couches de surface de l'atmosphère.
La théorie est bien connue depuis 150 ans et a été prouvée. Mais nous avons augmenté le montant naturel de gaz carbonique dans l'atmosphère par nos activités, notamment en coupant les arbres et en brûlant des combustibles fossiles.
Ce lien est extrêmement bien établi scientifiquement. Je ne connais personne qui le contesterait.
Quant aux incertitudes, les deux plus importantes sont celles qui ont trait aux aérosols, dont j'ai essayé de parler auparavant. Les aérosols ont tendance à refléter la lumière du soleil, c'est pourquoi ils ont un léger effet de refroidissement. Mais ils sont de nature régionale car on peut avoir des quantités importantes d'aérosols dans la vallée de l'Ohio et le sud de l'Ontario, mais très peu dans le reste du Canada.
De plus, les aérosols ne durent pas longtemps dans l'atmosphère—environ une semaine—alors que les gaz à effet de serre y demeurent pendant des centaines d'années. Ils ont donc un effet cumulatif. Quant aux aérosols, une fois que vous les avez éliminés pour réduire les pluies acides, ils n'ont plus cet effet légèrement modérateur sur le système climatique.
La question de l'étendue de cet effet modérateur et de l'interaction entre les aérosols et les nuages nécessite une recherche plus approfondie et une plus grande confiance dans les résultats. Nous ne comprenons pas aussi bien que nous le voudrions le rôle des nuages, car certains réchauffent le climat et d'autres le refroidissent. On ne comprend pas encore très bien comment ces nuages interagissent avec le réchauffement climatique.
• 1200
Cependant, je pense que vous devez tenir compte de notre
compréhension actuelle, à partir des modèles du système climatique
qui reproduisent le climat observé. Ils le reproduisent plutôt
bien, c'est pourquoi nous avons confiance dans notre interprétation
de ces incertitudes. On améliorera certainement ces modèles, mais
ils sont valables et ils nous donnent une bonne idée de l'ampleur
des changements auxquels on peut s'attendre si l'on ne prend aucune
mesure au sujet des émissions de gaz à effet de serre.
Le président: Monsieur Stinson, avez-vous une autre question?
M. Darrel Stinson: Oui, une question pour M. Bruce. En ce qui concerne la technologie utilisée aujourd'hui, nous savons qu'elle a beaucoup progressé depuis 20 ans. J'ai entendu certains arguments selon lesquels plus la technologie progresse et nous permet de mesurer plus exactement ce qui se passe dans l'atmosphère, plus nous risquons de trouver des problèmes. La question est donc la suivante: est-ce en raison de notre technologie avancée que nous pouvons voir ces niveaux plus élevés? Si nous avions la même technologie qu'il y a 30 ans, aurions-nous les mêmes chiffres que nous avons aujourd'hui?
M. Jim Bruce: Voulez-vous dire le réchauffement du climat ou les changements du système climatique?
M. Darrel Stinson: Les deux. Avec les progrès technologiques qui nous permettent de mesurer les changements qui se produisent, comment savons-nous que ce ne sont pas nos connaissances plus approfondies, grâce à l'équipement que nous utilisons aujourd'hui par rapport à celui que nous utilisions il y a 20 ou 30 ans pour les mêmes processus, qui sont responsables d'une bonne partie de ce problème?
M. Jim Bruce: Je pense que c'est une très bonne question. Elle est particulièrement importante dans le contexte de phénomènes comme les cyclones tropicaux. Certains ont prétendu que les cyclones tropicaux deviennent plus fréquents. La plupart des études auxquelles je ferais confiance laissent à penser que c'est un phénomène apparent plutôt que réel. Il est probable que les cyclones tropicaux ne deviennent pas plus fréquents mais qu'ils sont mieux détectés par les images satellites.
Cependant, cela n'est pas vrai de tous les autres aspects. Les progrès de la technologie de l'observation ne touchent pas les changements de température, les changements de précipitation, la fréquence accrue des fortes pluies. Je dirais que cela dépend de l'élément du système climatique observé. Pour certains éléments, il est clair que la technologie a évolué et que nos observations sont meilleures, ce qui change notre perception. Mais pour bien d'autres éléments—les éléments dont j'ai parlé tout à l'heure sont ceux pour lesquels nous pouvons constater des changements—ils sont observés avec le même genre de techniques que nous utilisons depuis des centaines d'années. Dans ce cas les changements sont réels.
Le président: Merci monsieur Stinson.
Monsieur Passmore, vouliez-vous dire quelque chose avant que nous passions à M. Asselin?
M. Jeff Passmore: Non, c'est très bien.
[Français]
Monsieur Asselin.
M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): Je voudrais faire un commentaire avant de poser ma question. Ici, au Canada, on a l'impression que plus ça change, plus c'est pareil. Comment? C'est que même lorsqu'on change de gouvernement, même lorsqu'on change de ministres, on a toujours les mêmes ministères. La volonté du gouvernement découle de plusieurs années de réflexions. On fait des analyses, on fait des études, on fouille les bibliothèques. Tout cela est fait par le gouvernement: Étude d'impact sur le bassin du Mackenzie: résumé des résultats; Deuxième rapport national du Canada sur les changements climatiques: mesures prises en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Ici, vous avez le Rapport sur l'état de l'environnement et Comprendre l'atmosphère en évolution. Ici, vous avez Évolution de l'efficacité énergétiques au Canada de 1990 à 1995, Influencer la consommation d'énergie au Canada», etc.
Ce sont tous des produits dont on dispose ici, au gouvernement, et auxquels des fonctionnaires ont travaillé. Ils ont fait suffisamment d'études et d'analyses. Tout ce qu'il faut, c'est passer de l'analyse et de l'étude à l'action.
On étudie depuis assez longtemps. On doit se présenter à Kyoto dans quelques semaines avec un bagage, des serviettes bien remplies, pour démontrer visuellement qu'on a de la documentation pour prouver qu'on a fait des études et des analyses efficaces.
• 1205
Mais on n'a pas de résultats. J'ai ici un
document sur les changements climatiques
de 1975 à 2001, ce qui est imminent. Ce ne sera pas
long avant qu'on y soit! On voit les courbes qui
manquent.
On a aussi de 1900 à l'an 2100: encore une augmentation.
Nous avons tous ces graphiques.
Je pense, et je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi, qu'il faudrait arrêter de se fixer des objectifs, des cibles à atteindre, des échéanciers. Il faudrait beaucoup plus se préoccuper des moyens à prendre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Pourquoi? Parce qu'on se dit préoccupés par la vie présente mais aussi par celle de nos enfants.
Regardons la situation d'aujourd'hui: une diminution de l'agriculture à cause des pluies acides, la disparition d'espèces de poissons dans les eaux du fleuve et du golfe Saint-Laurent, nos érablières affectées par les pluies acides. La question que je pose à nos deux témoins est celle-ci: si vous étiez conseillers du gouvernement, si vous étiez payés et aviez accès à toutes ces études-là, quelles seraient les premières mesures d'urgence à prendre pour changer d'ici l'an 2000 ou même d'ici l'an 2010? Je n'en demande pas tant. Donnons-nous un peu de temps pour voir les effets que ça pourrait avoir sur la planète et principalement au Canada.
Je dis qu'il ne faut pas attendre d'être comme en Corée du Sud, à Séoul, au Mexique, où les gens, le matin, doivent se promener avec un masque sur la bouche. Je pense qu'au Canada, on est relativement bien si on se compare avec les autres. Si je compare notre situation à celle qui prévaut à Séoul et en Corée du Sud, je me trouve très bien. Si je me compare au Mexique, je me trouve aussi très bien. Mais si je me compare à d'autres pays... Souvent on dit que c'est en se comparant qu'on se console, mais ça dépend à qui on se compare. On peut aussi se désoler.
Donc, si vous étiez conseillers du ministre ou du gouvernement, quelles actions prendriez-vous immédiatement pour que les choses changent très rapidement?
[Traduction]
Le président: Monsieur Passmore, voulez-vous commencer. Ensuite ce sera à M. Bruce.
M. Jeff Passmore: Si je devais laisser un message au comité sur ce qu'il convient de faire entre maintenant et l'an 2000 pour apporter les changements les plus importants, je recommanderais la politique fiscale.
Il y a en effet beaucoup d'argent actuellement qui ne demande qu'à être bien investi. Les obstacles au développement technologique ne tiennent pas au fait que la technologie n'a pas fait ses preuves ou que le public canadien ne veut pas de cette technologie ou que nous en sommes au stade de la recherche et du développement et que ces technologies sont pour le XXIe siècle. Les obstacles sont essentiellement institutionnels. L'obstacle institutionnel le plus important, c'est que l'argent n'est pas investi dans un secteur moins attrayant alors qu'il en existe des plus intéressants.
Premièrement, nous parlons de changement climatique. Nous parlons de facteur énergétique. L'énergie est un participant important. La première chose à faire est donc d'établir des règles du jeu équitables. Si l'on veut être vraiment sérieux—et dans certains secteurs, c'est presque de l'hérésie—on ne se contente pas de règles du jeu équitables ou de traiter de la même façon des options énergétiques concurrentes d'un point de vue fiscal, on favorise les options énergétiques que l'on veut encourager. On fait pencher la balance en faveur de... Pour en arriver au développement durable, on fait pencher la balance en faveur de l'efficacité énergétique et des nouvelles technologies énergétiques.
Nous devons en priorité établir des règles du jeu équitables. Si l'on fait pencher la balance, les investissements suivront, car l'argent va là où sont les profits. Nous ne disposons pas des actions accréditives dont bénéficie le secteur du pétrole et du gaz. Ce serait donc la première étape.
M. Jim Bruce: Je regarde le Deuxième rapport national du Canada sur les changements climatiques dont M. Asselin a déjà parlé et je vois que la moitié de nos émissions, ou un peu moins de nos émissions actuellement, proviennent du secteur des transports, des émissions d'utilisation finale, celles qui vont augmenter le plus rapidement parmi tous les secteurs. D'ici 2020, elles constitueront plus de la moitié d'un ensemble plus vaste d'émissions d'utilisation finale de gaz à effet de serre. Par conséquent, il me semble qu'il faut s'attaquer en premier au secteur des transports. Heureusement, cela pourrait se faire assez facilement.
Il existe déjà des technologies qui pourraient réduire de 20 à 50 p. 100 la consommation de carburant des automobiles et des camions légers. Honda et Toyota vont commercialiser l'an prochain des voitures hybrides à petit moteur et accumulateur qui répondront à tous les besoins sur les plans du confort, de la sécurité et de la taille. Malheureusement, les trois grandes compagnies ne sont pas pressées de prendre cette direction. On met au point la pile à combustible Ballard à Vancouver que Mercedes va utiliser. Mercedes va vendre des voitures à pile combustible d'ici 2004.
Même si on ne prend pas des mesures aussi radicales, on peut apporter d'importantes améliorations au rendement énergétique de l'automobile. Actuellement, savez-vous quel pourcentage du carburant vous utilisez pour conduire votre voiture au travail ou ailleurs, pour transporter le conducteur? Environ 1 p. 100. Il y a donc une énorme capacité d'amélioration de l'efficacité du carburant ou d'une réduction accrue de la consommation de carburant dans les automobiles par kilomètre.
Une étude des membres de l'Association canadienne des automobilistes conclut que c'est le genre de mesure qu'ils aimeraient voir prendre par le gouvernement; 96 p. 100 d'entre eux sont en faveur d'un retour aux normes d'efficacité du carburant pour les véhicules si l'on veut réduire la pollution automobile. Par conséquent, Ressources naturelles Canada a l'autorité voulue pour le faire.
Certains ont avancé que nous devrions adopter un système à échelons fixes avec les Américains. Mais nous représentons plus de 10 p. 100 du marché automobile. C'est plus que la Californie ou plus ou moins la même chose. Si nous voulons agir, nous le pouvons. Cela permettrait de stabiliser les émissions dans tout le secteur du transport.
Si l'on revenait à une norme raisonnable d'efficacité du carburant que l'industrie peut déjà respecter, on limiterait les émissions dans le secteur du transport d'ici 2010 à 2020. Cela doit être une des cibles principales.
J'aimerais suggérer également que l'on trouve des moyens d'utiliser davantage le gaz naturel de l'Alberta et de la côte est dans des centrales de cogénération et de génération d'électricité dans tout le pays et que l'on élimine progressivement l'utilisation du charbon et du pétrole. Le gaz naturel ne dégage qu'environ la moitié des émissions de CO2 par unité d'énergie produite, comme le charbon, et environ un tiers de moins que le pétrole. On peut aller beaucoup plus loin en remplaçant le charbon et le pétrole par le gaz naturel, que nous avons en abondance dans l'Ouest et dans l'Est.
Ce sont donc là les deux choses que je recommanderais, M. Asselin, si l'on m'écoutait.
Le président: Êtes-vous satisfait, Gérard?
[Français]
M. Gérard Asselin: Une seule petite question. Ce qui est difficile à comprendre, c'est la stabilité qui semble avoir existé au siècle dernier, de 1800 à 1900. Pourtant, en ce temps-là, les voitures n'étaient pas sans plomb. Les municipalités étaient dotées d'incinérateurs dans lesquels passaient les pneus, l'huile et tout. De plus, l'avènement de l'électricité a dû entraîner une certaine diminution des émanations par rapport aux bouilloires alimentées au charbon. Le bois de chauffage a été remplacé par l'électricité. Beaucoup de changements technologiques auraient dû entraîner une diminution de ces émanations, mais, au contraire, elles augmentent. Je pense que cela augmente peut-être parce que le nombre de véhicules a augmenté. Les automobiles ont remplacé les chevaux; cela a un impact sur la quantité de CO2.
• 1215
Il reste une chose, et c'est qu'on ne pourra pas
éliminer les véhicules, à moins que ceux-ci
deviennent... Je suis prêt à faire mon effort
personnel, mais y aura-t-il un effort collectif de
fait? Devrait-on augmenter le prix de l'essence à 70
cents le litre pour que les gens économisent et
voyagent moins en raison du coût élevé de l'essence?
Cela n'empêchera pas les États-Unis d'envoyer leurs fusées dans l'espace. Pensez à tout le CO2 que cela peut représenter, envoyer une fusée dans l'espace. Cela représente plusieurs petites voitures Honda ici, au Québec. De plus, ces émissions voyagent dans le temps. Je pense que les fumées qu'on trouve dans les pays sous-développés... Il y a des pays sous-développés pour qui tout ce qui compte, c'est de faire de l'argent; ils s'occuperont de l'environnement plus tard.
Je le dis en pensant à la Corée du Sud. C'est l'argent et la compétition qui comptent; on ne se préoccupe pas du tout de l'environnement. Je pense qu'il serait important, lors de la rencontre de Kyoto, de dire que le Canada est capable d'évaluer et de palper ce qui a été fait aux États-Unis et au Canada et dans les pays en voie de développement ou sous-développés. En effet, si ces derniers se mettent à nous polluer à leur tour, rien ne sera changé. Mais on pourra dire alors que l'environnement n'est pas notre affaire, mais celle des autres.
[Traduction]
Le président: M. Bruce, puis M. Passmore.
M. Jim Bruce: L'automobile est un cas intéressant. À la fin des années 70 et au cours des années 80, le Canada et les États-Unis ont imposé des normes d'efficacité du carburant sur le nouveau parc automobile. On a constaté alors une chute importante de la consommation du nombre de litres par kilomètre. Dans le secteur du transport, la consommation de carburant est restée faible jusqu'à environ 1983, après quoi, après la dissipation du choc des prix, nous nous sommes fatigués de cette situation. Le Canada et les États-Unis ont allégé leur règlement sur la réduction de la consommation du carburant pour les nouvelles voitures. Et depuis, tout le merveilleux savoir-faire des ingénieurs automobiles a été consacré à augmenter la puissance de véhicules de plus en plus lourds. Étant donné que les fabricants automobiles font davantage d'argent avec ces véhicules, c'est ceux qu'ils mettent de l'avant.
Par conséquent, si nous imposions à nouveau certaines normes pour réduire la consommation de carburant par kilomètre pour les automobiles et les camions légers, nous reviendrions à cette période du début des années 80, où la consommation de carburant par automobile avait diminué. Tout le savoir-faire ne serait pas consacré à la création de voitures plus lourdes et plus puissantes.
M. Jeff Passmore: Je tiens simplement à ajouter que vous avez tout à fait raison, nous n'allons pas nous débarrasser de l'automobile.
Vous avez demandé si le Canada va prendre des mesures que personne d'autre ne prend. Aux États-Unis, Ford s'est engagé à produire 250 000 véhicules E85—des véhicules à 85 p. 100 d'éthanol—dans les cinq prochaines années. La Taurus est déjà un véhicule E85 et, en 1998, Ford va sortir le camion Ranger E85. Bientôt, la compagnie va sortir sa fourgonnette Windstar également en véhicule E85. Par conséquent, le Canada ne fait rien dans ce domaine alors que les Américains fabriquent 5 milliards de litres d'éthanol par an. Chrysler a indiqué que sa fourgonnette sera un véhicule E85 dans les deux prochaines années. Elle sera fabriquée à St. Louis et la compagnie espère également la fabriquer à Windsor.
Mais il ne sert à rien de construire un véhicule E85 si l'on ne peut pas obtenir le carburant à la station-service. Il faut que l'infrastructure existe au Canada, tout comme elle existe déjà aux États-Unis, afin de pouvoir utiliser ce carburant pour les véhicules que l'on appelle polycarburants.
Le président: Merci monsieur Passmore.
Monsieur Jackson.
M. Ovid Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je comprends que nous essayons tous de trouver une solution. Je pense que la solution implique un certain nombre d'aspects. Par exemple, du fait que les voitures brûlent de l'essence, on a essayé d'améliorer le rendement en réduisant la taille des voitures, en les rendant plus aérodynamiques et bien entendu en utilisant la technologie.
Autrefois, quelqu'un a utilisé l'acétone, je pense. Après quoi, il y a eu la question de savoir jusqu'où une voiture pourrait aller. On a dit qu'avec un gallon d'essence, une voiture pourrait faire 460 miles. Le problème est que, dans un moteur à combustion interne, le temps nécessaire entre le moment où le carburant pénètre dans le cylindre et l'allumage est très bref. Plus le moteur va vite, moins de temps il a pour brûler le carburant.
Grâce à la technologie, on a maintenant des détecteurs d'oxygène, des détecteurs de pression absolue de collecteur et autres choses du même genre. On a apporté des améliorations et modifié la norme de sorte qu'en achetant un modèle récent et en se débarrassant du modèle ancien, on réduit les émissions d'échappement.
Bien entendu, on a aussi utilisé le convertisseur catalytique, qui utilise un catalyseur pour simplement modifier les autres substances sans se changer lui-même. Bien sûr, si l'on utilise du plomb, le plomb recouvre les granules et les rend inefficaces. Mais on a utilisé toutes sortes de choses de ce genre, que ce soit pour réduire l'oxygène, en ajouter ou le supprimer ou pour améliorer le processus de combustion.
Je ne sais pas jusqu'où on peut aller, mais on essaie toujours de trouver des solutions. Par exemple, quelqu'un a suggéré l'utilisation de l'éthanol. Je me demande ce qui se passerait si nous commencions à produire du maïs mais qu'à la suite du changement climatique, la production serait réduite une année donnée. Quelqu'un d'autre a parlé des véhicules électriques. Mais pour les véhicules électriques, il me semble qu'il faut produire davantage d'électricité. À ce que je sache, l'électricité produit en fait davantage de dioxyde de soufre. Plus on a de voitures électriques, plus il faudra les brancher dans des bornes électriques et plus on utilisera d'électricité. Je ne sais pas où en est la technologie des batteries et si elles peuvent fonctionner dans les grands froids.
Je sais que les fabricants sortent ces véhicules polycarburants qui peuvent fonctionner en partie au gaz, en partie avec une batterie et en partie à l'essence. Je pense que ce genre d'hybride est une bonne idée, mais je ne pense pas que les voitures électriques soient la panacée. Le vieux moteur à combustion, étant donné son fonctionnement, génère sa propre puissance. Ce n'est pas une bonne façon d'utiliser l'énergie, mais c'est une des meilleures choses que nous ayons. Il n'y a donc pas de solutions faciles.
Vous, messieurs, vous nous parlez d'éthanol et de voiture électrique. Mais les voitures électriques, tout d'abord, ne vont pas avoir une bonne performance, suivant le climat et la topographie, et deuxièmement, elles vont nécessiter la production de plus d'électricité, ce qui va créer de nouveaux problèmes sur le plan de la pollution. Comment répondez-vous à ces questions?
M. Jeff Passmore: Tout d'abord, je conviens avec vous que les voitures électriques posent le problème des sources d'électricité et de ce que l'on utilisera pour produire l'électricité. Je ne suis pas particulièrement en faveur des véhicules électriques, mais, par contre, je voudrais que les choses soient aussi faciles que possible pour le consommateur. Je ne pense pas que nous y arriverons en demandant aux Canadiens ou aux autres de changer complètement leur comportement. Je demande plutôt à la technologie de nous aider.
Vous dites que nous avons le moteur à combustion interne et que nous devons faire avec. Premièrement, je dirais que nous devrions faire en sorte que l'éthanol constitue au moins 10 p. 100 du carburant que nous consommons dans ce moteur à combustion interne.
J'aimerais que le comité comprenne bien ceci. Je ne suis pas en faveur de la production de l'éthanol à partir du maïs. L'éthanol dont j'ai parlé et dont il a été question dans le rapport du ministère de l'Environnement américain, par exemple, est l'éthanol fabriqué à partir de la cellulose. Il n'y a pas suffisamment de maïs pour produire le montant de carburant nécessaire. Le Canada consomme actuellement environ 33 milliards de litres d'essence par an. Il n'est pas question de remplacer cela par du maïs. Cela coûterait trop cher et il n'y en a pas assez. Mais nous pouvons le remplacer par de l'éthanol fabriqué à partir de la cellulose.
Qu'est-ce que la cellulose? Nous pensions que cela devait être des peupliers à croissance rapide, mais il n'est pas nécessaire que cela soit des arbres ou des copeaux de bois. Ce peut être des déchets de bois, de la paille, du foin ou même une multitude d'herbes diverses. Ce peut être même les enveloppes d'avoine qui restent après que Quaker Oats a prélevé l'avoine, ces enveloppes dont la compagnie ne sait plus quoi faire. Tout cela peut être transformé en sucre, fermenté et devenir de l'éthanol.
• 1225
Premièrement, essayons d'avoir cette tranche de 10 p. 100
d'éthanol dans le moteur à combustion interne existant, dans tout
le Canada. Deuxièmement, essayons d'atteindre la cible des
90 p. 100 d'éthanol de cellulose, les véhicules E90.
Pour ce qui est du moteur à combustion interne, il faudra sans doute améliorer les ratios de compression et d'efficacité du carburant, le genre d'amélioration technologique dont Jim parle. Je pense que c'est faisable.
Le président: Jim.
M. Jim Bruce: Je suis tout à fait d'accord pour dire que la voiture électrique a encore du chemin à faire. Je pense que les véhicules hybrides, les voitures à pile combustible et la simple efficacité mécanique peuvent nous permettre de réduire considérablement la consommation de carburant. Je pense que le problème tient au fait que si les fabricants nord-américains n'agissent pas dans ce sens, nous allons être dépassés par le marché mondial. Les fabricants du Japon et de l'Europe prennent déjà cette direction très rapidement. Nous allons nous retrouver sans marché d'exportation et sans les emplois que nous associons à l'industrie automobile, à moins que nous ne visions une réduction de la consommation de carburant dans les véhicules fabriqués en Amérique du Nord.
Le président: Merci.
Nous allons passer à M. Godin, puis Carmen et Darrel.
[Français]
M. Yvon Godin: J'aimerais vous souhaiter la bienvenue ici.
Je suis obligé d'être d'accord avec M. Asselin lorsqu'il dit que les gouvernements changent, mais que certains fonctionnaires ne changent pas et qu'on dirait que rien ne change.
On se rappelle bien qu'en 1992, M. Martin critiquait Jean Charest, disant qu'il ne faisait pas assez pour l'environnement. Maintenant que son parti est au pouvoir, on ne voit pas de changement. Je suis préoccupé parce que le gouvernement canadien assistera à la conférence de Kyoto sans avoir adopté une position claire et nette et sans savoir où il s'en va. Je m'inquiète surtout après avoir entendu les commentaires de M. Bruce au sujet de l'effet de serre et de toutes ses répercussions, dont celles sur la morue du Nord à Terre-Neuve. Si tel est le cas à Terre-Neuve, ça doit être pareil chez nous, parce que dans l'Atlantique, il n'y a pas un filet qui empêche la morue de venir chez nous. On n'a pas la morue du Nord, mais on a d'autres morues qui viennent chez nous.
Quand on parle de création d'emplois, il y a toujours cette bataille entre les ressources naturelles et l'environnement; on dirait qu'ils ne s'entendent plus entre eux. Il est temps qu'on fasse attention à notre environnement en vue de l'avenir, au risque que cela nous coûte demain plus de jobs que celles qu'on essaie de préserver aujourd'hui.
Plus tôt, on parlait de gaz et de toutes ces choses-là. Dans quelle direction allons-nous? Sur la route, on rencontre un train avec trois locomotives, de l'autre côté, 100 wagons, et de l'autre côté, 100 camions diesel qui envoient des gaz dans l'atmosphère.
À mon avis, on pourrait faire d'importantes améliorations si le gouvernement assumait un leadership. C'est ce leadership-là que le gouvernement ne prend pas. Comme je le disais plus tôt, il y a des endroits où l'on peut faire de vrais changements.
Avant de céder la parole à M. Passmore, j'aimerais parler d'une autre chose qui m'intéresse, soit le gaz naturel. En parlant de leadership, on propose d'amener jusqu'à Moncton le gaz naturel qui viendra de l'île du Sable avant de l'amener à Saint-Jean, sans le rattacher à la ligne nationale qui s'en va à Bernier. Je pense qu'on manque encore le bateau. Chez nous, on a encore des usines d'électricité qui brûlent du charbon. Il serait opportun de faire un investissement, non pas seulement en vue de faire des économies, mais aussi pour contrer l'effet de serre. On ne sait ce que sera l'avenir. On risque qu'il soit trop tard. En raison de ce qu'on a fait, la morue ne vient pas et à Terre-Neuve et 40 000 personnes ne travaillent pas. Ça, ce sont des jobs.
• 1230
J'aimerais demander à M. Bruce s'il connaît des façons
de créer des emplois
tout en sauvant notre environnement. Certains experts
affirment qu'en sauvant notre
environnement, on peut même créer plus d'emplois.
[Traduction]
M. Jim Bruce: À ce sujet, les études internationales que nous avons étudiées au Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat ainsi que les études qui ont été réalisées au Canada, montrent que le genre de mesures dont Jeff a parlé, l'adoption de nouvelles énergies renouvelables et l'imposition de toutes les mesures d'efficacité énergétique pour lesquelles la technologie existe, permettraient de créer trois à quatre fois plus d'emplois que ceux qui disparaîtraient dans le secteur du charbon et peut- être du pétrole.
On peut donc dire que ces mesures sont créatrices d'emploi. Mais je pense qu'il ne faut pas oublier que certaines régions de notre pays dépendent beaucoup des mines de charbon et du pétrole. C'est pourquoi, selon moi, toute politique que le gouvernement adoptera devra en tenir compte. Il faut prévoir une période de transition pour tous ceux dont l'existence dépend actuellement du charbon, notamment, et installer dans ces régions les industries qui produiront des énergies renouvelables et des technologies d'efficacité énergétique qui, comme je l'ai dit, à long terme et comme toutes les études le montrent, créeront davantage d'emplois que les emplois que l'on trouve dans le secteur pétrolier et le secteur des mines de charbon.
M. Jeff Passmore: Voulez-vous que j'ajoute autre chose? J'ai quelques chiffres là-dessus.
Dans ma présentation, j'ai dit qu'au Danemark, il y avait actuellement 8 000 personnes travaillant dans le secteur de l'énergie éolienne. On y a également créé, grâce à l'exportation de la technologie, 4 000 emplois dans d'autres pays. Grâce à l'exportation de la technologie danoise.
Au niveau mondial, l'industrie éolienne représente maintenant 1 milliard de dollars par an. On estime qu'elle a créé environ 20 000 emplois dans le monde. Il s'agit d'environ 50 000 $ par emploi. Pour l'éthanol, on estime que si nous passions à la version E90, on créerait environ 200 000 emplois au cours des 20 prochaines années.
De toute façon, ce sont les chiffres avec lesquels travaille l'industrie.
[Français]
M. Yvon Godin: Monsieur Passmore, vous pourriez peut-être m'expliquer plus en détail la pièce jointe no 7 de votre document. Vous avez mentionné qu'à certains endroits, les vents étaient assez forts pour qu'on puisse utiliser leur énergie. Vous avez nommé des endroits en Alberta où il y a un corridor entre les montagnes.
Est-ce que des études ont été faites à la grandeur du pays relativement aux vents? Par exemple, chez nous, au Nouveau-Brunswick, sur l'Île de Miscou, il vente pas mal fort. Est-ce que des études ont été faites à une grande échelle ou si on n'a étudié qu'un seul endroit?
[Traduction]
M. Jeff Passmore: Il n'y a pas de carte nationale de l'énergie éolienne au Canada, mais on a fait des recherches localisées dans diverses régions—la Saskatchewan, l'Alberta, des parties de l'Ontario et des parties des Maritimes. Le Cap-Breton par exemple est une bonne région. Je sais que ce n'est pas le Nouveau- Brunswick, mais...
M. Yvon Godin: J'y suis allé avec ma perruque et je l'ai perdue.
Des voix: Oh, oh.
M. Jim Passmore: Ce qu'il faut comprendre au sujet du vent, c'est que même avec une carte nationale de l'énergie éolienne, avec les grands contours qui montrent... Cela ne serait pas suffisant pour ce que vous demandez. Le vent est un phénomène très localisé.
N'importe qui peut dire «Il y a beaucoup de vent ici, je devrais installer une machine éolienne». Il peut y avoir beaucoup de vent, mais il faut d'abord installer un anémomètre pour surveiller l'endroit pendant un an. Il faut ensuite prendre les données sur 12 mois et les corréler avec celles de l'aéroport le plus proche, en remontant jusqu'à 20 ans en arrière, afin de savoir si l'année en question était une année moyenne, une bonne année ou une mauvaise année. Il faut ensuite corréler cela aux données de l'aéroport, ce qui vous donne le régime éolien pour cette région ou tout au moins une idée de ce qu'il aurait été depuis 20 ans et si cela justifie d'installer des machines éoliennes au cours des 20 prochaines années.
• 1235
Si vous vous contentez des vastes contours... par exemple, les
grands champs d'éoliennes que l'on trouve maintenant en Californie,
dans le passage Altamont et les divers passages près de San
Francisco et Los Angeles, n'auraient pas pu être installés en se
servant uniquement des contours éoliens normaux. On trouve les
meilleurs endroits en faisant des recherches très localisées.
[Français]
M. Yvon Godin: J'ai une inquiétude face aux mines de charbon. On ne voudrait pas que ceux qui habitent au Cap-Breton vivent dans une misère plus grande; s'il y a une place où il y a de la misère, c'est bien au Cap-Breton. Ce sont des gens qui vivent surtout des mines de charbon.
A-t-on étudié des technologies qui nous permettraient d'utiliser notre charbon tout en éliminant les effets du gaz? Je me rappelle que lorsqu'on a établi l'usine d'électricité à Belledune, on ne voulait pas installer un éliminateur de gaz au bout de la cheminée, ce qu'on a finalement fait, préférant que ce soit de la boucane blanche plutôt que de la noire qui en sorte. A-t-on fait de la recherche dans cette direction, tout comme les Japonais en ont fait avec leurs petites voitures Toyota et toutes ces autres petites voitures? On pourrait peut-être miser sur l'énergie dégagée par le charbon mais en trouvant un moyen d'éliminer les gaz qui s'en dégagent.
[Traduction]
M. Jim Bruce: Il s'est fait beaucoup de bon travail en ce sens au Canada par des entreprises comme TransAlta. Il est plus facile de réduire le dioxyde de soufre produit par la combustion de charbon que de réduire le gaz carbonique des gaz à effet de serre. Il est plus difficile et plus coûteux d'éliminer les gaz provenant de la combustion du charbon.
Mais il y a des moyens d'utiliser le charbon de façon plus efficace que nous ne le faisons actuellement. Bien entendu, ce devrait être une étape initiale dans ce secteur, mais à long terme, je pense qu'il nous faudra abandonner le charbon. Les changements du système climatique nous forceront à le faire.
C'est pourquoi, je pense que nous devons préparer un plan de transition très précis pour les communautés qui dépendent du charbon afin de remplacer éventuellement les mines de charbon par d'autres industries.
M. Yvon Godin: J'espère qu'ils y réussiront mieux que dans les Maritimes avec le poisson.
Le président: Merci monsieur Godin.
Monsieur Provenzano, puis monsieur Stinson.
M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Merci.
Je pense qu'il est important, monsieur Bruce, que les membres du comité se fassent une idée juste de votre présentation. Il est évident que vous êtes partisan de la théorie qui veut qu'au moins une partie du changement climatique soit due aux émissions de gaz à effet de serre. Par contre, je pense que vous admettrez volontiers qu'il existe des désaccords et des controverses au sujet de cette théorie.
Je me demande—et j'espère que c'est une question raisonnable- -si vous pouvez nous dire quels sont les éléments de controverse ou de désaccord les plus prononcés en matière de changement climatique et de gaz à effet de serre.
M. Jim Bruce: Il est certain que la grande majorité des experts acceptent à la fois que le climat a commencé à changer à la suite de l'intervention humaine sur le système climatique et qu'il se produit également des changements climatiques naturels. L'activité humaine est donc un aspect de la question—et j'ai essayé d'expliquer qu'il y a d'autres effets sur le système climatique en dehors de l'activité humaine—mais si nous laissons les gaz à effet de serre augmenter, nous allons constater des changements importants de climat au cours du prochain siècle.
Il existe encore certains scientifiques pour le contester, mais la grande majorité des experts et des gens qui ont publié des textes ayant fait l'objet d'un examen des pairs acceptent ce que je viens de dire.
• 1240
En ce qui concerne les incertitudes les plus importantes, il
y a les deux dont j'ai parlé auparavant—la question du rôle des
aérosols et de leurs effets, en particulier si l'on continue à
émettre des aérosols dans l'atmosphère, et deuxièmement,
l'équilibre entre le réchauffement et le refroidissement associé à
l'accroissement de l'ennuagement, l'accélération du cycle
hydrologique à la suite du réchauffement initial des océans et de
l'atmosphère—ce sont les deux domaines où il nous manque encore
des connaissances, où nous ne sommes pas aussi certains que nous le
voudrions.
M. Carmen Provenzano: Simplement une autre question pour M. Bruce. Corrigez-moi si j'ai tort, mais il me semble qu'une bonne partie des hypothèses de base sont avancées par les partisans de la théorie que vous épousez.
Quel est selon vous le niveau de connaissance dans ce domaine? Par exemple, pourriez-vous dire au comité si ces connaissances sont élémentaires ou très poussées? Quel est le niveau de connaissance actuel qui vous permet d'établir une théorie comme celle que vous présentez au comité? Il est important pour nous de le savoir.
M. Jim Bruce: Je pense que vous obtiendrez des réponses subjectives. C'est une question de jugement.
Je travaille dans le domaine de l'environnement depuis 35 ans, en commençant par la pollution des Grands Lacs par les pluies acides jusqu'au problème de la couche d'ozone. Mon opinion personnelle est que la science fondamentale et la théorie du changement climatique résultant des gaz à effet de serre sont plus solides que les connaissances que nous avions de ces autres questions. Nous ne sommes pas aussi sûrs des détails concernant les effets possibles à l'avenir, mais nous comprenons très bien les phénomènes.
Le rythme probable du changement climatique de même que la façon dont il se manifestera sur la planète comportent encore des incertitudes réelles. Je pense qu'il faut le voir de cette façon. Nous sommes actuellement en train de jouer les apprentis sorciers avec l'atmosphère de la planète terre. Nous n'en voyons actuellement que les effets partiels. Je dirais que les effets peuvent être plus graves que ceux qui ont été prévus tout comme ils peuvent être moins graves.
M. Carmen Provenzano: Compte tenu de ce niveau de connaissance, et compte tenu des observations que vous venez de faire, que se passerait-il, selon vous, si la communauté internationale ne prenait pas de mesures rigoureuses pour limiter les émissions de gaz à effet de serre?
M. Jim Bruce: J'aimerais parler des périodes de décalage dans le système. Lorsque nous émettons des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, certains d'entre eux, en particulier le CO2, prennent beaucoup de temps pour influencer le climat. Ce que nous constatons actuellement, ce sont les effets des émissions des 20 dernières années peut-être, car les océans sont très lents à se réchauffer. Il y a donc un énorme effet thermique. Les océans prennent beaucoup de temps pour se réchauffer—certains pensent qu'il faut entre 20 et 30 ans. Par conséquent, ce que nous émettons dans l'atmosphère actuellement aura des effets dans 20 ou 30 ans.
D'autre part, il faudra beaucoup de temps pour changer suffisamment l'activité humaine et pour que le système énergétique se modifie suffisamment pour réduire les gaz à effet de serre— peut-être une décennie, peut-être deux.
Compte tenu de ces longues périodes de décalage et du fait que nous avons déjà une énorme quantité de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, il me semble qu'il n'est pas trop tôt pour agir et qu'en fait il pourrait être déjà trop tard.
Le président: Merci, monsieur Provenzano.
Monsieur Stinson.
M. Darrel Stinson: Merci. J'aurais deux questions.
Monsieur Passmore, j'ai eu l'occasion d'aller en Californie depuis que je suis très jeune, et j'ai été témoin de la croissance de l'industrie éolienne entre Los Angeles et Palm Desert. Je crois qu'il y a environ 101 pompes. Je pense que le vent est la réponse à une partie de nos problèmes.
Ma question s'adresse à l'un ou l'autre d'entre vous. Nous savons que nous allons nous rendre à cette rencontre de Kyoto sur les gaz à effet de serre et le changement climatique. Chacun semble penser que la pollution commence et s'arrête aux frontières de son propre pays. Nous savons que ce n'est pas vrai. Nous savons également que nous aurons beau faire, tant que les autres pays ne suivront pas, rien ne changera ici, sauf que certaines de nos industries et une partie de notre population pourraient être mises sur la brèche sur le plan de la concurrence, ce qui est une grave source de préoccupation.
Alors que nous discutons de tout cela ici, nous savons qu'il y a au moins 132 pays en développement qui ne signeront pas cette convention. Nous savons également que la Chine—qui dans environ 50 ans sera le pays le plus polluant du monde—ne va pas la signer. J'ai beaucoup de difficultés à accepter d'aller aussi loin tant que je n'aurai pas vu ce que les autres pays vont faire.
D'autre part, nous ne semblons pas comprendre—ou peut-être l'avons nous négligé, la taille du Canada. Lorsqu'on parle de la taille des véhicules de transport, nous savons que la plupart de nos biens sont transportés par la route. Nous savons qu'il faut de la puissance et de l'énergie. Les procédés électriques ne seront jamais en mesure de déplacer certaines des charges dont nous parlons.
Nous savons également que le changement du climat est très contrasté entre l'hiver et l'été. Nous avons besoin de chaleur pour survivre.
Je me demande si nous n'essayons pas de faire concurrence avec des petits pays industrialisés qui ne connaissent pas ce problème associé à la taille de notre pays et à nos changements de climat. Nous pourrions dans ce domaine également nous retrouver sur la brèche.
J'aimerais que l'un ou l'autre d'entre vous réponde à ces questions s'il vous plaît.
M. Jeff Passmore: Pour commencer, c'est ici sur ma feuille, mais j'ai oublié de le mentionner lorsque j'ai demandé de ne plus entendre «le Canada est un grand pays froid». Le Canada n'est pas plus vaste géographiquement ni plus froid qu'il ne l'était en 1990 et, ce dont nous parlons, c'est de ramener les émissions au niveau de 1990.
Il est vrai cependant que la population a augmenté...
M. Darrel Stinson: Oui.
M. Jeff Passmore: Mais le grand pays froid... on n'avance pas généralement cet argument sur la base du nombre d'habitants. On dit généralement que c'est un grand pays, que les distances pour les transports sont longues, que nous sommes un pays froid et que nous avons des maisons à chauffer. Mais nous ne sommes pas plus grands ni plus froids qu'en 1990...
M. Darrel Stinson: Oui, mais nous nous étendons vers le nord.
M. Jeff Passmore: Si l'on veut avancer un argument par habitant, c'est très bien. Notre population a augmenté, mais il y a encore d'énormes possibilités d'efficacité individuelle.
En ce qui concerne la perte de l'avantage compétitif, en tant que Canadien, j'aimerais que nous adoptions un rôle de chef de file, comme l'a suggéré M. Godin. Je ne veux pas dire nécessairement que nous devons être des meneurs agressifs, mais il serait bon d'être un peu en avant plutôt que de regarder toujours derrière nous pour voir ce que font les Américains.
Je ne m'inquiète pas trop de perdre notre avantage compétitif en faveur des pays en développement, mais par contre, nous devons nous préoccuper de notre avantage compétitif au sein des pays de l'OCDE.
Les Américains ont décidé que le changement climatique est un phénomène réel et ils vont agir en adoptant des solutions technologiques et en établissant un mécanisme de permis négociables. J'aimerais parler un peu de ce sujet. Je ne sais pas si cela va répondre à la question, mais c'est seulement au Canada que nous continuons à nous demander si le changement climatique est réel. Tous les autres ont décidé que c'est un phénomène réel et cherchent à trouver des solutions alors que nous perdons notre temps à en discuter—en raison de divers intérêts politiques—pour savoir si nous devons agir et si problème est réel. Les Européens ont décidé que c'est un problème réel. Le Canada va perdre son avantage compétitif parce que nous perdons notre temps. Nous ne suivons pas.
• 1250
Que pouvons-nous faire au sujet des émissions qui proviendront
des pays en développement? Premièrement, nous devons établir un
mécanisme national de permis négociables avant de décider d'agir
sur le plan international, car nous échouerions complètement. Nous
ne savons pas exactement comment cela fonctionne, mais l'idée est
d'établir un plafonnement des émissions à x. Lorsque le plafond est
établi, des entreprises ou des provinces ou diverses régions du
pays—et cela pourrait aider certains producteurs de charbon, par
exemple, qui ne peuvent pas s'adapter rapidement... certaines
entreprises ne peuvent pas nécessairement devenir aussi efficaces
et s'adapter aussi rapidement que d'autres. Celles qui le peuvent
réduisent leurs émissions en dessous du niveau requis et négocient
leur permis avec celles qui ne peuvent pas réduire leurs émissions
à court terme en dessous du niveau exigé et sont autorisées à le
dépasser. Mais le plafond général pour le pays doit être respecté.
Mais ce plafond ne sert à rien s'il est fixé trop haut. Il doit être suffisamment réaliste et doit être constamment diminué par degré sur un certain nombre d'années. Une fois que l'on a acquis de l'expérience, on peut alors penser à établir des mécanismes de permis négociables sur le plan international, afin de négocier avec les pays en développement.
Mais à Kyoto, vous avez raison, un certain nombre de pays ne vont pas signer. Nous devons faire preuve de leadership et nous devons faire en sorte que les pays en développement acceptent le processus. C'est un problème qu'ils doivent sérieusement envisager et même s'ils ne signent pas aujourd'hui, ils doivent pouvoir espérer signer plus tard. Jim en sait probablement plus que moi sur ce sujet.
M. Jim Bruce: Historiquement, plus des trois quarts des gaz à effet de serre émis dans l'atmosphère l'ont été par les pays industrialisés. Actuellement, environ deux tiers des gaz à effet de serre sont émis par les pays industrialisés. Les pays en développement rattraperont probablement les pays industrialisés d'ici 2020 ou 2030, mais ils prétendent, à juste titre, que le changement climatique les touche davantage que nous. En fait, toutes les études suggèrent que l'impact économique des changements climatiques sur les pays en développement est au moins deux fois, et dans certains cas, comme les petits États insulaires, trois fois ce qu'il serait pour nous, car ils n'ont pas la capacité de s'adapter. Ce qu'ils nous disent, c'est que nous avons causé le problème, que nous continuons à y contribuer et que nous devrions donc agir en premier, après quoi ils essaieront plus tard de suivre, mais c'est à nous de montrer que nous sommes prêts à agir en premier.
Je pense que les négociations de Kyoto doivent être considérées comme le début d'un long processus. Ce sera la première étape de longues négociations sur la question des gaz à effet de serre et du changement climatique. Si à Kyoto, les pays en développement peuvent au moins accepter qu'ils auront à réduire leurs émissions autant que les pays en développement, je pense que ce sera déjà un résultat. Nous sommes ceux qui peuvent faire une grande différence et nous devons le faire.
Le président: Monsieur Stinson, avez-vous terminé?
M. Darrel Stinson: Oui. Ce serait trop long et trop compliqué pour cette séance.
Je crois comprendre que nous produisons environ 2 p. 100 des gaz à effet de serre ici. Dans ce cas, n'agissons-nous pas à l'envers? La solution que vous proposez en fait est une solution symbolique qui ne va pas régler le problème dans 30 ans d'ici.
M. Jim Bruce: Oui, nous avons 0,5 p. 100 de la population mondiale et nous produisons environ 2 p. 100 des émissions. Les États-Unis produisent environ un quart des émissions. Mais si tous les pays disent la même chose et utilisent cet argument pour ne rien faire, nous ne réduirons pas les gaz à effet de serre. Nous devons tous faire notre part.
En ce qui concerne le fait que le Canada est un pays froid, mes amis du Texas me font remarquer qu'ils utilisent davantage d'énergie pour la climatisation que nous pour le chauffage.
Quant à la question des distances, si vous pensez à nos destinations...
M. Darrel Stinson: J'aimerais répondre.
M. Jim Bruce: ...plus de 90 p. 100 de la circulation s'effectue autour de nos villes, et non de Halifax à Vancouver.
M. Darrel Stinson: Ma réponse à votre ami du Texas est qu'il est plutôt difficile d'utiliser un poêle à bois pour faire marcher un climatiseur. Lorsqu'il aura trouvé la solution, il pourra nous la faire connaître. Nous aimerions bien savoir.
M. Jim Bruce: Vous avez raison.
M. Jeff Passmore: J'aimerais faire une brève observation, car j'ai été déçu par la remarque de M. Stinson sur les solutions symboliques.
Par exemple, j'ai parlé d'une réduction de 90 p. 100 des émissions de CO2 dans les transports en adoptant de l'éthanol à 100 p. 100 de cellulose. Il est évident que ce ne sera pas pour demain, mais nous pouvons établir l'infrastructure. Ce n'est pas symbolique, c'est une solution pour 2020 ou 2030. C'est une solution au transport, parallèlement aux mesures d'efficacité dont a parlé M. Bruce.
Dans le domaine de l'électricité, ne parlons pas de petites centrales hydroélectriques et de la cogénération à haute efficacité, le vent à lui seul peut fournir 10 p. 100 de l'électricité du Canada et réduire les émissions associées à l'électricité produite par le charbon et le pétrole.
Ce n'est donc pas une solution symbolique, et je serais heureux de passer plus de temps à vous en parler.
M. Yvon Godin: J'aimerais donner un exemple, qui est tiré de mon expérience, même si je suis très jeune.
Je n'accepte pas le fait que parce que d'autres agissent de telle ou telle façon, nous ne devons pas faire ce qu'il faut. Cela se passe dans les pêches, et j'en parle d'expérience. Sous prétexte qu'un pêcheur prend trop de poissons, les autres pensent qu'ils doivent faire la même chose et ils font tous de la surpêche.
C'est pourquoi j'ai dit au début que nous devons faire preuve de leadership car notre pays est probablement—et tout le monde le dit—un des plus beaux pays du monde. Je pense que le monde pourrait prendre exemple sur le Canada, car nous recevons beaucoup d'immigrants du monde entier qui, je pense, aiment notre pays. Lorsque le Canada donne l'exemple, cela se reflète dans le monde entier. Je suis donc tout à fait convaincu que nous devons donner l'exemple à ce sujet.
Le président: Bien dit, Yvon. En fait, je n'ai rien à ajouter sinon remercier nos deux témoins.
Vous nous avez aidés à commencer cette série de réunions en nous fournissant une information très utile. Nous ne tiendrons que quelques séances avant la conférence de Kyoto. Mais nous allons certainement y revenir après le Nouvel An.
Au nom de tous, merci. Peut-être reviendrez-vous une autre fois.
M. Jim Bruce: Merci beaucoup de vos questions très intéressantes.
M. Jeff Passmore: Merci beaucoup.
Le président: Chers collègues, veuillez attendre un moment, nous avons à parler de nos futures réunions.
Nous allons peut-être siéger à huis clos pendant un moment, si vous êtes d'accord. Ce ne sera pas long, quelques minutes suffiront sans doute.
[Note de la rédaction: La séance se poursuit à huis clos]