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NRGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES

COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 30 octobre 1997

• 1103

[Traduction]

Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)): Bonjour, chers collègues.

Dans le cadre de la session d'information de notre comité qui est en cours, nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui M. Yvan Hardy ainsi que ses collègues de Ressources naturelles Canada. M. Hardy va passer environ une heure en notre compagnie afin de nous parler du secteur des forêts et de l'implication fédérale dans les forêts du Canada. Puisque le quorum est réuni, nous allons maintenant entendre les témoins.

Monsieur Hardy, nous vous demanderons de limiter votre intervention à 10 minutes environ et de laisser ensuite le temps aux députés de vous poser des questions. Vous êtes tout à fait libre d'intervenir dans l'une ou l'autre des langues officielles. Nous serions très heureux que vous nous présentiez vos collègues autour de cette table.

[Français]

M. Yvan Hardy (sous-ministre adjoint, Service canadien des forêts, ministère des Ressources naturelles): Monsieur le président, merci de vos mots de bienvenue.

Je vais commencer par vous présenter mes collègues. Je suis accompagné de M. Doug Ketcheson, directeur général de l'industrie, de l'économie et des programmes; M. Gordon Miller, directeur général des sciences; et M. Jacques Carette, directeur général des politiques, de la planification et des affaires internationales.

Nous vous avons fait parvenir un peu de documentation sur les activités du Service canadien des forêts. Je limiterai donc mes remarques à l'essentiel pour le moment, à la demande du président. Par la suite, il nous fera plaisir de répondre à vos questions.

• 1105

Vous avez en mains un document sur le ministère. Je vais d'abord vous parler du rôle fédéral en forêt, du rôle du Service canadien des forêts par rapport aux provinces pour bien situer notre champ d'activités.

La chose la plus évidente est, bien entendu, le côté international des choses, la promotion internationale des positions canadiennes en matière de forêts ainsi que le commerce et les investissements.

Un deuxième aspect très important de notre mandat, pour lequel on investit énormément d'énergie, est la recherche et le développement. C'est tout l'aspect de la science et de la technologie en forêt au Canada. Le Service canadien des forêts du gouvernement fédéral est très certainement l'acteur principal ici.

En ce qui a trait aux communautés aborigènes, le Service canadien des forêts compte plusieurs programmes, notamment celui des forêts modèles et les programmes des Premières Nations qui, directement ou indirectement, aident les communautés aborigènes à développer des habiletés nécessaires.

Conjointement avec nos collègues des Forces armées et du ministère des Transports, nous nous occupons de l'aménagement des terres fédérales, là où il y a des terres fédérales, lorsqu'ils ont besoin d'avis professionnels dans ce domaine.

Nous jouons également un rôle très important en accumulant des données ayant trait aux forêts du Canada. Comme l'aménagement des forêts est de juridiction provinciale, beaucoup de ces données sont éparpillées. Donc, le Service canadien des forêts s'occupe de les colliger afin qu'on ait une vue d'ensemble globale de nos forêts.

Évidemment, nous assurons la protection de l'environnement par la pratique du développement durable et par le développement de techniques et d'approches qui sont plus favorables à l'environnement.

Maintenant, je vais vous présenter très rapidement l'industrie forestière canadienne. Je sais que plusieurs d'entre vous la connaissent déjà, mais je ferai un bref rappel.

Il s'agit d'une industrie de près de 60 milliards de dollars par année. Le dernier chiffre exact est de 58,7 milliards de dollars. C'est énorme. Le Canada est le plus grand exportateur de produits forestiers au monde, avec 38 milliards de dollars. Les produits forestiers sont aussi le plus grand contributeur dans la balance des paiements du Canada, soit 32 milliards de dollars, 842 000 emplois directs et indirects, sans parler de près de 300 communautés qui dépendent des forêts.

En ce qui a trait à tout l'aspect plus environnemental, on compte 140 000 espèces de plantes et d'animaux qui vivent dans les forêts du Canada. De plus en plus, et c'est très important, c'est un milieu réceptif pour d'autres industries, telles que l'écotourisme, la chasse, la pêche, etc. On estime qu'il y a là quelque 26 milliards de dollars par année qui s'ajoutent à l'activité forestière principale.

[Traduction]

Quant aux grandes questions qui touchent les forêts dans notre pays à l'heure actuelle, là encore elles sont très vastes lorsqu'on les considère avec un certain recul.

Premièrement, il y a la mise en place d'une gestion durable des forêts. Le Canada s'est engagé à gérer ses forêts de manière durable et un certain nombre d'initiatives ont été prises pour que l'industrie et le secteur forestier se dirigent dans cette voie.

Deuxièmement, nous avons besoin d'une administration globale pour illustrer le rôle global que jouent les forêts à l'échelle du pays. Les forêts canadiennes représentent 10 p. 100 des forêts dans le monde et tout ce qui s'y rapporte exerce une influence au-delà de nos propres frontières. Nous sommes sans aucun doute le point de mire et nous avons un rôle à jouer ici.

Troisièmement, il nous faut préserver et étendre nos marchés. C'est un objectif à plusieurs volets. Il y a le volet des marchés traditionnels et celui de la concurrence. Les nouvelles technologies ont permis à de nouveaux pays de nous concurrencer en fabriquant des produits forestiers à partir d'essences d'arbre qui ne se prêtaient pas auparavant à la fabrication du papier, mais qui en offrent la possibilité aujourd'hui grâce aux nouvelles technologies. Il y a aussi toute la question du mouvement des consommateurs écologistes, celle des barrières non tarifaires, etc.

• 1110

Pour ce qui est des méthodes d'exploitation forestière, comme vous le savez, étant donné que le Canada est une superpuissance dans le domaine forestier, il est le point de mire pour de nombreuses personnes appartenant à différents pays, pour différents groupements, etc. Nos pratiques forestières sont surveillées de plus près que celles de tout autre pays au monde. Qu'elles soient bonnes ou non, nous sommes placés sous le microscope.

La vie et la stabilité économiques et sociale de 340 localités—j'ai parlé de 350 tout à l'heure, mais le nombre exact est de 340—dépendent exclusivement d'une seule industrie, l'industrie forestière.

Que fait le Service canadien des forêts dans tout cela? On peut dire sans se tromper que nous nous dotons des capacités de mettre en oeuvre une gestion durable des forêts. Toutes nos activités, qu'il s'agisse des négociations internationales menées à la FAO ou à l'ONU, ou d'un projet de recherche mis en oeuvre à Québec ou à Fredericton, toutes, quelles qu'elles soient, n'ont qu'un seul objectif: doter le Canada de la capacité de mettre en oeuvre un développement durable.

Pour ce qui est de mesurer les progrès réalisés, l'une des difficultés vient du fait que lorsqu'on parle de développement durable, chacun a sa propre définition, et il a donc fallu définir les critères et les indicateurs. Comment mesurer si l'on fait des progrès ou si l'on perd du terrain?

Pour contrôler et mettre en oeuvre une gestion durable des forêts, nous disposons d'un programme merveilleux, à mon avis—et vous n'avez pas nécessairement à le partager. Le Programme des forêts modèles, qui a été conçu à cet effet, permet de procéder à des expériences novatrices en matière de développement durable d'un point de vue technique, social et économique.

Pour en arriver à un consensus national, le ministère et son ministre, agissant entre autres par l'intermédiaire du Conseil canadien des ministres des Forêts, jouent un rôle clé pour élaborer des positions canadiennes sur des questions diverses, qu'il s'agisse de la nécessité d'adopter une convention mondiale des forêts ou de faire l'inventaire des forêts au Canada. N'oubliez pas qu'il y a 12 juridictions différentes au pays qui font chacune leurs propres mesures, entre autres, et nous rapprochons donc les différentes solutions pour promouvoir un consensus national. À l'heure actuelle, nous nous efforçons, avec nos collègues provinciaux, les représentants de l'industrie et les ONG, de refondre la Stratégie nationale sur les forêts, qui sert de guide au pays concernant la voie à suivre.

Nous avons consacré beaucoup d'énergies dernièrement à l'adoption d'une position canadienne face aux questions qui s'appliquent aux forêts dans le monde, et nous continuerons à le faire pendant les deux années à venir. Là encore, ce sont les conséquences du Sommet de Rio, de la Convention sur la biodiversité, etc. Aujourd'hui, nous cherchons à faire comprendre la nécessité de l'adoption d'une convention mondiale sur les forêts qui tienne compte des forêts d'un point de vue global.

Je ne m'étendrai pas sur les responsabilités dont doit s'acquitter le gouvernement fédéral mais, sur ce plan, je conseille par exemple nos collègues des autres ministères.

Monsieur le président, je m'en tiendrai là, si vous jugez que c'est suffisant pour lancer la discussion. En compagnie de mes collègues, je suis tout disposé à essayer de répondre à vos questions et à vos interrogations.

Le président: Merci, monsieur Hardy. Nous allons passer aux questions en commençant par M. Canuel.

[Français]

M. René Canuel (Matapédia—Matane, BQ): Il me fait plaisir de revoir M. Hardy, car je sais que, depuis des années, il travaille très très fort en foresterie. Cependant, je me demande si le ministère des Ressources naturelles ne perd pas un peu de son importance chaque année. A-t-il encore sa raison d'être? Quant à moi, je dirais oui. Mais quand on coupe les vivres à un ministère et qu'on le fusionne avec un autre, c'est pour moi très inquiétant. C'est une première observation.

• 1115

J'aurais quelques questions à poser à M. Hardy. Le fonds transitoire a donné, dans le Bas-Saint-Laurent, 5,7 millions de dollars. En Gaspésie, cela a pris un peu plus de temps—vous connaissez les problèmes—, mais on l'a finalement eu et j'en suis très fier. Pour les gens de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent, le Plan de l'Est étant disparu, c'était une compensation très, très valable.

Les gens de chez nous s'inquiètent. D'autre part, on sait très bien, monsieur Hardy, que la foresterie devrait être de compétence provinciale. C'est ce qu'on réclame à grands cris au Québec. Je pense que les gens les mieux placés pour faire du bon travail sont les gens de terrain.

Cependant, ce qui est embêtant pour toutes les provinces et particulièrement pour le Québec, c'est cette question d'argent. Comme vous l'avez très bien dit plus tôt, c'est une industrie de 58,7 milliards de dollars. Il y a là des taxes que les gens paient et des impôts également. Ce que je demande, ce n'est que le juste retour.

Vous allez me dire que vous êtes fonctionnaire et que ce n'est pas à vous de décider de cela. Cependant, comme haut fonctionnaire, comme sous-ministre adjoint, vous avez une perspective de la forêt canadienne; vous êtes un des spécialistes de cette forêt canadienne. Je me demande s'il y aura moyen, dans deux ans, de continuer ce plan transitoire. C'est un plan de trois ans, et il y a déjà deux ans de passés. D'après vous, si on veut faire de l'aménagement, faut-il réellement investir ces sommes-là?

Si le gouvernement ne voulait pas investir ces sommes, croyez-vous, en tant que spécialiste, que nos forêts, dont nous sommes très fiers, en souffriraient? Bien qu'on ait fait d'énormes progrès depuis une dizaine d'années et peut-être même une vingtaine d'années, cela va-t-il ralentir l'aménagement de nos forêts? Je sais qu'en recherche et développement, on peut en faire encore davantage et j'apprécierais de connaître votre point de vue de spécialiste. Si on fait des compressions budgétaires, au Québec ou ici, parce qu'on dépend encore d'Ottawa, met-on en danger une partie de nos forêts et peut-être même toutes nos forêts?

M. Yvan Hardy: C'est une question longue et complexe. Je vais faire de mon mieux pour y répondre.

Premièrement, permettez-moi de dire que je ne suis pas tellement du même avis que M. Canuel. En effet, je crois qu'il est nécessaire qu'il y ait une capacité forestière au niveau fédéral. Je pense que cela a été prouvé à plusieurs reprises, dans plusieurs circonstances différentes.

Revenons à la question principale, c'est-à-dire la revue des programmes et ce qui en a découlé. Bien sûr, lorsque deux ou trois choses consécutives surviennent, comme la fusion de deux ministères et les importantes compressions budgétaires, cela cause des traumatismes dans le système. Cependant, je suis quand même très fier de dire que cela a été également une période très créative et très enrichissante, car nous avons refocalisé l'attention et les énergies du Service canadien des forêts.

• 1120

Maintenant, nous avons probablement passé la période difficile. Nous sommes maintenant en période de construction. Nous allons redéfinir nos relations avec nos clients, entre autres chacune des dix provinces. Nous allons voir quelles sont leurs attentes et quelles sont les attentes de l'industrie. Nous allons voir comment mettre l'accent sur le partenariat et comment travailler en coopération avec l'industrie, les universités, etc.

Pour ce qui est de la troisième partie de la question, c'est-à-dire mon opinion professionnelle en ce qui a trait à l'aide gouvernementale de nature fédérale, provinciale ou municipale pour l'aménagement de la forêt privée au Canada, je pense que la question que M. Canuel pose n'est pas essentiellement unique au Québec. On fait face à la même situation dans les provinces de l'Atlantique en particulier, où il y a énormément de forêts privées, et en Ontario également, mais un peu moins dans l'Ouest.

On est également en train de passer à travers une autre transition sur un plan économique. Historiquement, les droits de coupe au Canada étaient relativement peu élevés, ce qui gardait le prix de la matière ligneuse relativement bas. Beaucoup de progrès a été fait à ce sujet à cause de différents éléments, entre autres la guerre du bois d'oeuvre avec les États-Unis. Le prix du bois a augmenté considérablement au cours des dernières années. Il a probablement atteint un certain équilibre, et le propriétaire d'un boisé privé, comme le propriétaire d'une ferme où on cultive le blé, devrait être capable de faire la part des choses entre son investissement et le retour de cet investissement. Je pense qu'on ne verra plus le gouvernement investir directement dans les forêts privées en traitant directement avec les propriétaires de ces forêts.

Entre-temps, il y a toute la question des connaissances, du développement de connaissances, de techniques, de méthodologies. On est très engagés, soit directement, soit par le biais d'organisations comme FERIC, dans le développement et la recherche en génie forestier au Canada pour faire des travaux, adapter la machinerie dans les forêts privées, etc.

M. René Canuel: Pour ce qui est du fonds transitoire, peut-on compter qu'on l'aura pour une quinzaine d'années encore?

M. Yvan Hardy: J'aimerais vous dire oui, mais vous savez très bien, monsieur Canuel, que c'est une question à laquelle je ne peux répondre. Le Service canadien des forêts, comme tous les ministères, a dû procéder à une revue des programmes qui doit durer trois ans. Nous sommes actuellement dans la dernière année de cette revue et au-delà...

[Traduction]

Le président: Nous y reviendrons.

[Français]

M. René Canuel: Vous avez fait allusion au bois d'oeuvre et à l'entente avec les États-Unis. Je sais que certains industriels ont été un peu pénalisés, surtout des nouveaux, mais je sais également qu'il y a eu un ajustement dans l'industrie. Il semble que l'industrie doive encore demander l'autorisation car ce n'est pas assuré pour la prochaine année. Qu'en est-il de la prochaine année pour les industriels?

M. Yvan Hardy: Je vais demander à M. Ketcheson de répondre à votre question. Il a participé à toute l'évolution du dossier.

[Traduction]

M. Doug Ketcheson (directeur général de l'Industrie, de l'Économie et des Programmes, Secteur du service canadien des forêts, ministère des Ressources naturelles): Pour abréger, monsieur Canuel, je vous répondrai que la méthode d'affectation des contingents aux entreprises a été longuement discutée et qu'elle a été acceptée par les intervenants de l'industrie partout au Canada. Il y a eu certains réajustements des contingents affectés dans des circonstances particulièrement difficiles dans le cas de certaines entreprises qui n'avaient pas procédé à des exportations pendant la période de référence. Certains réajustements ont été effectués pour en tenir compte. Certains réajustements ont été faits dans le cas des entreprises qui étaient en train de construire de nouvelles installations et qui avaient besoin que l'on se penche sur leur cas. Un bon nombre de ces entreprises étaient situées au Québec.

• 1125

La méthode a été établie en vertu d'une entente. Pour modifier la méthode d'affectation entre les différentes entreprises, il vous faudrait retourner voir toutes les parties pour qu'elles acceptent de modifier ces affectations.

Deuxièmement, il faut bien reconnaître qu'il n'y a absolument aucune région du pays dans laquelle tout le monde a été satisfait de son contingent et il n'y a pas d'autres mesures objectives de la répartition des différents contingents que celle que nous donne l'entente à laquelle sont parvenues toutes les parties.

[Français]

Le président: Pour l'an prochain?

[Traduction]

M. Doug Ketcheson: L'affectation est...

Le président: Monsieur Ketcheson, vous pourriez peut-être conclure rapidement et nous passerons ensuite à M. Cullen.

M. Doug Ketcheson: Si je comprends bien, les règles d'affectation de l'année qui vient seront fondées sur les règles de l'année passée à l'exception du fait qu'il y aura de nouveaux contingents pour les nouveaux arrivants. Cette caractéristique particulière des affectations était limitée dans le temps, ainsi que l'ont convenu toutes les parties dès le départ.

Le président: Monsieur Canuel, nous y reviendrons s'il nous reste du temps à la fin.

Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je souhaite la bienvenue à mes anciens collègues au sein de ce qui était alors Forêts Canada. Pour les besoins de notre procès- verbal, je révélerai simplement en quoi consiste mon conflit d'intérêts. J'ai participé à un échange de cadres avec Forêts Canada il y a environ un an et demi, et je peux vous dire que le groupe qui y travaille est un groupe de professionnels très dévoués qui ne ménagent pas leur peine pour le plus grand bien du Canada.

Le président: Je suis sûr que l'année a été bonne pour ce groupe lorsque vous en faisiez partie.

M. Roy Cullen: Elle a été bonne, pleine de défis et intéressante. Cela illustre en quelque sorte ce que vient de dire M. Canuel. À l'époque, il s'agissait de Forêts Canada, un ministère distinct. Compte tenu des changements qui sont intervenus, le gouvernement fédéral a reconnu que le secteur des forêts relevait en grande partie des compétences provinciales, de sorte que Forêts Canada ou que le Service canadien des forêts, en dépit de l'importance énorme que revêt l'industrie des produits forestiers pour l'économie et la vie des collectivités canadiennes, fait désormais partie du ministère des Ressources naturelles. C'est une décision du gouvernement, une décision politique.

Je ne suis pas sûr, cependant, qu'au train où vont les choses, nous puissions avoir un service forestier en tant que ministère distinct, ce qui serait peut-être nécessaire. Je ne vois pas cela se produire. Je crois qu'il nous faut étudier d'autres moyens de mettre davantage en lumière, en quelque sorte, le Service canadien des forêts, et sa contribution à l'industrie forestière. Je ne sais pas exactement quelle doit être la solution ou le modèle retenu.

Nous pourrions passer des heures à parler des contingents forestiers. Je ferai simplement une observation au sujet du Québec. J'ai l'impression que la solution est là. Pour vouloir faire plaisir à chacun, on déplaît à tout le monde, mais quoi qu'il en soit...

J'aimerais aborder d'autres questions. Tout d'abord, il y a toute la question du réchauffement de la terre, qui est devenue tout à fait d'actualité. On a parlé de la contribution des forêts. Je pense que l'on a utilisé l'expression de «puits de carbone». Il y a aussi les questions qui ont trait au déboisement et à la mesure dans laquelle cela contribue au réchauffement de la terre.

Monsieur Hardy, vous ou vos fonctionnaires, pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet? Quel est le rôle que jouent les forêts du point de vue du réchauffement de la terre? Qu'allez-vous faire pour promouvoir leur rôle, si elles en ont un? Quelles sont les répercussions du déboisement sur le réchauffement de la terre et y a-t-il quelque chose que notre pays peut faire pour apporter certaines solutions?

M. Yvan Hardy: Voilà encore une excellente question.

Tout d'abord, examinons ce que nous dit la science actuelle pour juger de la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui le Canada. Lorsque je parle de la science actuelle, je veux faire comprendre que nous apprenons à mesure que nous travaillons. L'un de nos réseaux de recherche s'intéresse aux changements climatiques et à ses effets sur les forêts et, inversement, sur les conséquences que peut même avoir certaines forêts sur le réchauffement de la terre. On en conclut à l'heure actuelle que, pour l'instant, les forêts du Canada ont un rôle plus ou moins neutre pour ce qui est de piéger le carbone. Nous sommes d'ailleurs considérés aujourd'hui comme une légère source de production étant donné les très nombreux feux de forêt qui ont été enregistrés au cours des 10 dernières années. Mais surtout, cela est dû aux très graves épidémies d'insectes qui ont ravagé nos forêts à la fin des années 70 jusqu'au milieu des années 80, la tordeuse des bourgeons de l'épinette dans l'est du Canada et le dendroctone du pin dans l'Ouest.

• 1130

Les forêts sont en train de récupérer à l'heure actuelle et nous sommes sur le point de pouvoir véritablement piéger le carbone, si l'on en croit les méthodes actuelles, que l'on améliore constamment.

Pour ce qui est du déboisement, il est important de préciser tout d'abord que l'on ne peut pas parler aujourd'hui de déboisement au Canada. La superficie des terres forestières est la même d'année en année. S'il y a une quelconque évolution, c'est une légère augmentation en raison du reboisement des terres agricoles dont la productivité est marginale.

En gros, il y a un cycle de coupe, de repousse, de feux de forêt, de régénération naturelle, etc. Toutefois, à l'échelle mondiale, le déboisement est bien entendu un gros problème.

La FAO a publié au printemps dernier son rapport sur l'état des forêts dans le monde, qui paraît tous les cinq ans, je crois. Là encore, il y a quelques notes optimistes, qui viennent du fait que le rythme des déboisements ralentit et que l'Amérique ne perd plus ses forêts. Les pays en développement récupèrent en fait un peu de leurs forêts, mais les pays développés continuent à les perdre à un rythme assez affolant. Bien évidemment, si l'on n'a pas assez d'arbres pour fixer le carbone, un autre problème se pose ici.

M. Roy Cullen: Merci.

Pour changer un instant de sujet, vous avez mentionné, monsieur Hardy, les barrières non tarifaires qui font obstacle au commerce de produits forestiers. Pourriez-vous nous préciser éventuellement les principales d'entre elles? Certaines d'entre elles, j'imagine, sont là depuis déjà longtemps. Quels sont les progrès qui ont été réalisés sur ce front?

M. Yvan Hardy: Là encore, nous allons travailler en équipe et je vais vous dire quelques mots, après quoi M. Ketcheson me reprendra.

Le nématode du pin est sans aucun doute la quintessence de la barrière non tarifaire.

Doug, pourriez-vous nous résumer rapidement où nous en sommes sur ce point?

M. Doug Ketcheson: Comme vous le savez, Roy, le nématode du pin est depuis assez longtemps une source de difficultés entre le Canada et l'Europe. Les Européens ont peur de voir arriver sur leur sol le nématode qui, en théorie, risquerait de causer certaines maladies à leurs forêts.

La position canadienne est la suivante. Nous avons des nématodes depuis des années et nous n'avons pas de maladies. De votre côté, vous importez notre bois depuis des centaines d'années et vous n'avez pas non plus ces maladies. L'argument se perd cependant sous un monceau de règles et de règlements phytosanitaires. Le Canada part du principe qu'il s'agit là d'une énorme barrière non tarifaire qui fait obstacle aux exportations vers l'Europe du bois vert canadien.

Voilà 10 ans que le gouvernement canadien, les provinces et les membres de l'industrie s'efforcent de trouver le moyen d'accéder au marché des pays européens et d'apaiser leurs craintes pour ce qui est de la sécurité et de la protection des forêts. Au point où les choses en sont, nous sommes à peu près tous d'accord pour dire que tous ces efforts sont vains. Les Européens ne veulent rien savoir. Nous en sommes maintenant à nous demander si nos arguments sont suffisamment solides pour faire valoir notre cause devant l'OMC.

Il y a d'autres enjeux mineurs, mais j'imagine que la grosse préoccupation en ce qui a trait aux barrières non tarifaires se rapporte aux nouvelles règles commerciales qui dictent la relation entre le commerce et l'environnement et à la définition de règles du jeu qualifiées d'égales pour tous lorsqu'il s'agit de décider quelles sont les pratiques forestières acceptables et autres choses de ce genre.

• 1135

Nous prenons part de plus en plus à un véritable dialogue engagé à l'échelle internationale sur les forêts, et mon collègue pourra en parler mieux que moi. On s'intéresse beaucoup, cependant, aux nouvelles règles commerciales. L'OMC s'est penché sur la question et nous nous y intéressons de près.

Le président: Monsieur Godin, vous avez la parole.

[Français]

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Premièrement, je suis vraiment heureux de vous rencontrer. Comme vous le savez, je viens du Nouveau-Brunswick, et plus précisément de Bathurst. La péninsule est vraiment une région forestière. J'aurais une foule questions, mais j'aimerais d'abord avoir des éclaircissements parce que je n'ai pas bien saisi certains points. Il est à souhaiter qu'après avoir siégé à ce comité pendant quatre ou cinq ans, j'en saurai davantage sur les juridictions fédérale et provinciale.

Vous qui êtes en charge des ressources naturelles et de la forêt, avez-vous un pouvoir sur la gestion de la forêt dans les provinces? J'aimerais poser de courtes questions rapidement pour commencer à me renseigner.

M. Yvan Hardy: Voulez-vous que je réponde au fur et à mesure?

M. Yvon Godin: Oui, je vous en prie.

M. Yvan Hardy: La réponse est non: nous n'avons aucun pouvoir sur la gestion des forêts en province. Le seul pouvoir qu'on peut avoir, c'est lorsque le gouvernement fédéral est propriétaire d'une terre, comme c'est le cas pour Gagetown qui appartient au ministère de la Défense nationale. C'est une terre fédérale et donc le gouvernement fédéral a un pouvoir, mais son pouvoir se limite à cela.

M. Yvon Godin: D'accord. Deuxième question: êtes-vous en charge du camp militaire de Tracadie?

M. Yvan Hardy: C'est le propriétaire, la Défense nationale, qui a la charge du camp militaire et de tous les aspects qui s'y rattachent. Pour tous les camps militaires d'importance au pays, soit Tracadie, Gagetown, Valcartier au Québec, Petawawa ici en Ontario et dans l'Ouest, nous avons un protocole d'entente avec le ministère de la Défense nationale selon lequel nous lui fournissons l'expertise nécessaire pour aménager ses forêts. Mais il demeure le propriétaire et le maître.

M. Yvon Godin: Je ne voudrais pas vous prendre par surprise, mais j'ai cru comprendre qu'en avril 1997, l'ex-ministre de la Défense avait transféré le camp militaire de Tracadie à la province. Je ne sais pas si vous êtes au courant de cela. Mais maintenant, on est en train de faire la coupe de bois dans ce camp. J'aimerais seulement savoir qui est responsable de la coupe de bois, parce ça vient se mêler à l'histoire des droits de coupe dont vous avez parlé tout à l'heure, disant que c'était vraiment raisonnable. Est-ce que c'est le fédéral qui est raisonnable, qui fixe un prix? Je suis en désaccord avec vous lorsque vous parlez des droits de coupe.

Par exemple, au Nouveau-Brunswick, ces droits ne sont pas fixes; les gens de chez nous me disent qu'ils demandent des offres. Ainsi, les entrepreneurs arrivent et font des offres pour la coupe. Cela peut aller jusqu'à 57 $ la corde. À 57 $ la corde plus les coûts pour l'équipement, à la fin, certains employés travaillent pour rien du tout. Je vous dis que le gouvernement contribue à ce que l'employé travaille juste pour le timbre, puisqu'il ne permet pas à l'industrie de faire de l'argent. Je ne parle pas des grandes compagnies, telles Stone ou Repap, mais des petits entrepreneurs qui vont dans le bois et qui sont vraiment pris à la gorge par ces droits de coupe. C'est pourquoi je suis en désaccord avec vous lorsque vous dites que nous avons peut-être le droit de coupe le plus bas de tous les pays. Je suis en désaccord, à moins que vous ne me disiez que c'est seulement sur les terres appartenant au fédéral et que toutes les provinces n'ont rien à dire à ce sujet.

M. Yvan Hardy: Je pense qu'on ne parle pas tout à fait de la même chose.

M. Yvon Godin: C'est pourquoi que je veux que vous m'éclairiez.

M. Yvan Hardy: Je devrai faire de petites recherches au sujet de Tracadie. D'après ce que vous me dites, c'est un transfert du fédéral à la province. Alors, c'est la province qui devient maître d'oeuvre, s'il y a eu effectivement transfert. Je vais le vérifier et on pourra vous donner l'information précise à ce sujet.

Pour ce qui est du droit de coupe, c'est en forêt publique au Canada. Chaque province détermine un coût, lequel peut être variable et pas nécessairement le même. C'est ce qu'un entrepreneur ou une compagnie doit donner à la province pour pouvoir couper du bois et en devenir propriétaire. Ça, c'est un coût de base.

• 1140

Lorsque ce coût de base est très bas, le coût final du bois est également très bas. Si vous payez 1 $ le mètre cube, le coût du bois, à l'usine, sera de 1 $ plus les coûts d'opération, de coupe, de transport, etc. Si le coût est plus élevé, le coût de la compagnie sera plus élevé.

C'est donc ce coût qui détermine ce qu'une compagnie sera prête à payer en forêt privée. Si la compagnie peut avoir le bois d'une forêt publique pour 50 $ le mètre cube, elle ne paiera pas plus de 50 $ le mètre cube en forêt privée. C'est en ce sens-là que je dis que les droits de coupe, qui ont augmenté de façon sensible au cours des dernières années, ont eu tendance à faire augmenter le coût du bois en forêt privée.

Est-ce que c'est encore assez élevé? C'est une autre question.

M. Yvon Godin: Mais n'y-a-t-il pas un prix standard?

M. Yvan Hardy: Non, absolument pas.

M. Yvon Godin: D'accord.

M. Yvan Hardy: Chaque province a son programme de droits de coupe.

M. Yvon Godin: Autre question: les fonds transitoires sont-ils donnés aussi à des groupes? Par exemple, chez nous, au Nouveau-Brunswick, on a ce qu'on appelle l'expérience rurale. On prend des gens qui n'ont pas d'expérience et on leur en donne dans le cadre de l'expérience rurale. Est-ce que le fédéral ou votre ministère a quelque chose à dire sur les fonds transitoires qui vont aux provinces? Par exemple, au Nouveau-Brunswick où il y a l'expérience rurale, est-ce que le ministère a son mot à dire sur la façon dont l'argent est dépensé?

M. Yvan Hardy: Voilà une autre belle question.

Premièrement, notre ministère des Ressources naturelles n'a pas d'autorité directe sur le fonds transitoire. Le fonds transitoire est un fonds administré par le ministère du Développement des ressources humaines. Alors, notre ministère n'a pas d'autorité directe, mais il a une autorité indirecte, parce que lorsqu'il y a des projets de nature forestière qui sont présentés, on joue notre rôle de conseiller auprès des autres ministères fédéraux: évaluer, donner un avis positif, négatif ou autre.

À présent, c'est un peu la province ou les différents groupes qui déterminent comment ils aimeraient voir ces fonds-là arriver. Dans le cas du Nouveau-Brunswick, le gouvernement a dit très clairement et très tôt qu'il aimerait que cet argent soit utilisé du côté de la forêt. Il y a eu une entente entre le ministère des Ressources naturelles du Nouveau-Brunswick et le ministère des Ressources humaines du Canada pour le fonds transitoire. La même chose s'est faite au Québec—M. Canuel en parlait tantôt—pour la forêt privée.

Dans d'autres provinces, ils ont choisi, selon qu'ils se qualifiaient ou qu'ils ne se qualifiaient pas, de mettre l'accent sur d'autres secteurs. Chaque fois qu'il s'est agi de la forêt, notre ministère s'est impliqué en tant qu'expert-conseil.

M. Yvon Godin: J'ai une dernière petite question.

Le président: Très petite.

M. Yvon Godin: Petite mais importante.

Il y a plusieurs années, je suis allé à une session d'information. C'était un professeur de l'Université de Moncton dont je ne me rappelle pas le nom.

M. Yvan Hardy: Louis Lapierre.

M. Yvon Godin: Oui, il s'appelait Lapierre. Vous le connaissez bien?

M. Yvan Hardy: Très bien.

M. Yvon Godin: Ce qu'il disait m'avait beaucoup intéressé. Il disait que certains pays qui faisaient de la reforestation faisaient une évaluation de leurs différents bois, bois franc, bois mou, trembles, bouleaux etc., avant de donner la coupe à une compagnie. J'ai trouvé cela très intéressant.

Est-ce que vous réfléchissez à ce problème? Il faudrait se rendre compte qu'à mesure qu'on coupe la forêt sans reboiser, on se retrouve au Canada avec des sapins seulement. Il n'y aura plus ni chevreuils, ni orignaux, ni aucune bête car ces bêtes ne mangent pas le sapin. J'ai vraiment aimé ce que le professeur Lapierre a dit de ces pays qui se penchaient sur ce problème.

Est-ce que vous vous êtes penchés sur cette question-là, ou est-ce que ce n'est jamais arrivé sur votre bureau?

M. Yvan Hardy: Je voudrais dire que M. Lapierre est un peu une extension du Service canadien des forêts. Il est le président du conseil d'administration de la forêt modèle de Fundy, qui est une initiative fédérale.

• 1145

Il y a 10 forêts modèles au Canada qui sont dans 10 situations socioculturelles et écosystèmes différents, de la côte ouest jusqu'à Terre-Neuve, que ce soit des forêts privées ou des forêts publiques.

Le but de la forêt modèle, c'est de prendre ces principes dont vous parlez et de les mettre en application, de les modifier ou de les adapter aux situations. M. Lapierre se trouve en plein centre de ce développement, non seulement de par son poste à l'Université de Moncton, mais aussi comme président du conseil d'administration de cette forêt-là. Je dois dire que c'est un homme qui a énormément de dynamisme et qu'on apprécie énormément son effort.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Godin.

[Français]

Monsieur Serré.

M. Benoît Serré (Timiskaming—Cochrane, Lib.): Docteur Hardy, bienvenue au Comité des ressources naturelles. Cela fait déjà trois ou quatre fois que j'ai l'honneur de vous entendre et, comme toujours, vous nous avez fait une présentation très intéressante.

Lors de votre dernier témoignage, on avait discuté du fait que le Canada, depuis déjà quelques années, était en train de négocier avec la communauté internationale une sorte de code d'éthique ou de pratique forestière pour un développement durable. Est-ce que vous pourriez nous mettre à jour? Est-ce qu'il y a eu des progrès depuis un an ou deux? Où en est-on dans ces négociations-là?

M. Yvan Hardy: Je vais commencer par vous donner une réponse plus générale et M. Carette, qui s'occupe du dossier international, pourra donner quelques compléments d'information.

La réponse rapide, c'est oui, il y a des progrès. La réponse plus détaillée, c'est que cette chose est excessivement complexe. Comme vous le savez, le tout vient de la Commission des Nations unies sur le développement durable qui, il y a deux ans et demi maintenant, avait créé un panel qui s'appelait Intergovernmental Panel on Forestry ou IPF. Ce panel-là a travaillé pendant les deux dernières années et a fait un rapport, au printemps dernier, à l'Assemblée générale des Nations unies à laquelle M. Chrétien a assisté, juste après le Sommet de Denver, avec de nombreuses recommandations. Une des recommandations était d'aller plus loin en termes de convention.

La petite histoire maintenant, c'est qu'il y a des pays comme le Canada qui poussent énormément pour avoir une convention pour un certain nombre de raisons. L'une de ces raisons est un peu égoïste: c'est qu'on est un pays dont l'économie dépend énormément des forêts et qu'on aimerait bien s'entendre sur les règles globales qui régissent l'aménagement des forêts. Donc, nous voulons d'abord que des règles soient bien définies pour que personne ne puisse venir nous dire qu'on ne peut pas faire ceci ou cela.

D'autre part, il y a une autre question globale qui est celle de la déforestation. Si nous protégeons notre forêt et qu'à l'autre bout du monde on déboise, il faudra essayer de faire comprendre à tout le monde qu'il faut être tous solidaires pour garder un certain équilibre.

Ce sont les prémisses de base, et vous pouvez imaginer qu'il y a énormément de positions différentes sur le sujet. Pour résumer, je dirais que le Canada et la Communauté européenne sont d'un côté, que les États-Unis sont de l'autre côté et qu'il y a énormément de pays en voie de développement qui sont entre les deux et qui demandent juste à être convaincus.

Ensuite, il y a une nouvelle commission qui a été créée, et qui s'appelle Intergovernemental Forum on Forestry, IFF au lieu d'IPF. Cette fois-ci, il y a une différence majeure: ils doivent faire une recommandation spécifique aux Nations unies à savoir si on doit s'engager dans une convention.

Maintenant, je vais laisser M. Carette faire quelques commentaires supplémentaires sur notre approche et notre position actuelle.

M. Jacques Carette (directeur général, Direction générale des politiques, de la planification et des affaires internationales): Merci, Yvan. Il ne me reste plus grand-chose à dire, étant donné que tu as donné un bon sommaire de la situation.

Comme Yvan l'a indiqué, on a beaucoup d'alliés dans le processus. De plus, on suit également plusieurs autres approches à part l'élément «convention sur les forêts», qui est malgré tout l'objectif ultime.

• 1150

On travaille aussi en ce moment avec beaucoup de pays sur les critères et indicateurs de développement durable. Au niveau canadien, on est très avancés là-dessus. D'ailleurs, récemment, on a présenté un premier rapport par l'entremise du Conseil canadien des ministres des Forêts sur l'état des critères et indicateurs en développement durable au Canada.

On travaille aussi sur ce sujet avec d'autres pays, grâce à un exercice qu'on appelle le processus de Montréal, parce que la première rencontre a eu lieu à Montréal. Ce processus inclut 12 pays qui comptent 90 p. 100 des forêts tempérées et boréales du monde. On a également des activités conjointes dans le cadre d'un autre processus similaire, qui s'appelle le processus d'Helsinki ou paneuropéen.

Là encore, l'important est d'arriver à une définition du développement durable en foresterie. On espère avoir au minimum des ententes internationales sur cet élément de définition, ce qui permettra d'éviter certaines critiques négatives sur notre façon de gérer nos forêts. Pour notre part, nous sommes convaincus que les pays qui font de la gestion de forêts naturelles n'ont pas grand-chose à apprendre des autres pays.

Par contre, il y a énormément de tension entre les pays qui ont des forêts de plantation. Souvent, on nous présente le modèle européen. Mais il faut savoir que les Européens ont fait table rase de leurs forêts naturelles et qu'ils gèrent maintenant des plantations, tandis que nous avons encore beaucoup de forêts naturelles, avec tous les éléments positifs reliés aux diverses possibilités de récréation, de paysages, etc. Donc, les critères indicateurs sont très positifs pour le Canada, qui est en tête, loin devant les autres.

D'autres éléments de tension restent à résoudre, et c'est toute la question du financement de l'aide internationale. Beaucoup de pays en voie de développement seraient intéressés par une convention sur les forêts pour prendre d'autres obligations mais, par contre, ils sont souvent dans la situation difficile de savoir comment ils vont financer leur développement. Il y a aussi des questions de commerce, et certains pays voient une convention comme une possibilité d'arrêter les boycotts qui ont eu lieu dans le passé, surtout dans le cas des bois tropicaux. Enfin, d'autres pays se fient entièrement à l'Organisation mondiale du commerce.

Alors, il y a certains éléments de tension, mais on a deux ans pour préparer, dans le cadre du forum, un projet qu'on espère être un projet de convention. Je dois dire qu'on travaille très étroitement avec les provinces qui sont en accord avec nous et qu'on essaie d'évoluer vers la convention.

[Traduction]

M. Benoît Serré: Sans quitter le sujet, il y a deux ans, le Canada a fait l'objet de ce que j'ai considéré comme une campagne de désinformation très pernicieuse dans toute l'Europe, notamment en Allemagne avec le Parti des Verts et certains groupes écologistes extrémistes. Il semble que cette campagne se soit quelque peu calmée depuis un an environ.

Est-ce qu'il y a toujours des publicités de ce genre qui paraissent dans les journaux allemands? On a même parlé de boycotter l'industrie forestière de la C.-B. Pouvez-vous nous faire un compte rendu de la situation?

M. Yvan Hardy: Voilà encore une question intéressante. Vous avez très bien décrit la situation telle qu'elle se présentait il y a deux ou trois ans. Le Conseil canadien des ministres des Forêts a mis sur pied un programme dirigé par M. Carette. Nous avons choisi de montrer ce que nous savons faire. Au lieu d'essayer de convaincre les gens que nous travaillons bien en leur faisant des discours ou en leur présentant des documents et des photographies, nous accueillons tous les ans six ou sept groupes de gens influents—des journalistes, des politiciens, des universitaires, etc.—qui font une tournée dans le pays, voient par eux-mêmes et se font leur propre opinion. S'ils souhaitent parler à un responsable de Greenpeace, ils peuvent le faire. S'ils veulent parler à un fonctionnaire du gouvernement provincial, ils en ont la possibilité.

• 1155

Nous leur faisons donc parcourir le pays, et chaque fois que nous leur montrons ce que nous faisons—certains sont suffisamment honnêtes pour prendre le temps de comprendre—les résultats sont toujours très positifs. Il est difficile de comparer les résultats d'une telle initiative à ceux que donneraient moins de publicité ou une campagne moins agressive de l'autre côté de l'océan, mais il n'en reste pas moins que cela a bien calmé les choses depuis un an à peu près.

Le président: Merci, monsieur Serré.

Monsieur Provenzano, puis M. Keddy.

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Vous nous avez bien fait prendre conscience dans votre exposé du rôle de superpuissance que joue le Canada en matière forestière ainsi que de l'importance de l'industrie forestière pour le Canada. Je vous en remercie.

Pour ce qui est du rôle du Service canadien des forêts, je relève que l'on n'a pas donné beaucoup de détails sur le rôle joué par le Canada en matière de R-D. J'aimerais que vous-même, ou qu'un autre membre de votre équipe, fournissiez au comité des précisions quant à ce rôle et, plus particulièrement, quant aux objectifs du Service canadien des forêts en matière de R-D.

M. Yvan Hardy: Je vous remercie d'avoir posé cette question. Je suis par vocation un scientifique et un chercheur, et le problème me tient donc particulièrement à coeur.

Je préciserai tout d'abord qu'environ 70 p. 100 des activités du Service canadien des forêts ont lieu dans les domaines de la recherche, des sciences et de la technologie. Notre rôle sur le plan scientifique... eh bien, disons-le carrément: nous sommes le principal intervenant au Canada en matière de R-D.

Nous avons cinq grands centres de recherche éparpillés dans tout le Canada, dont l'un, que vous connaissez certainement très bien, se trouve à Sault. Il y en a un autre à Fredericton, qui dessert les provinces de l'Atlantique. Je sais aussi qu'il y en a un qui déménage actuellement de St-Jean, Terre-Neuve, pour aller à Cornerbrook, et où une vingtaine de personnes travaillent. Il y en a un autre à Sainte-Foy, au Québec, un quatrième à Moncton, et enfin, un à Victoria, en C.-B.

Globalement, nous avons un budget d'environ 70 millions de dollars faisant travailler quelque 600 employés, dont la grande majorité sont des professionnels, des titulaires de doctorat ou de licence et des membres du personnel de soutien technique. Chacun de ces centres a un mandat national. À la suite d'un réexamen du programme, nous nous sommes réorganisés. Nous avons moins de ressources et nous cherchons donc résolument à maximiser nos efforts. Nous avons donc 10 réseaux et chacun des laboratoires est à la tête de deux de ces réseaux.

Ils ont pour mandat d'être au service du pays. Ils ont organisé leur réseau de manière à ne pas faire le travail tout seuls, mais à collaborer avec le personnel universitaire, les universités, les gouvernements provinciaux lorsqu'ils ont des services de recherche, l'industrie, etc. Dans une très large mesure, il s'agit de partenariats dans lesquels les deux parties sont associées à parts égales. Nous avons des liens très étroits avec les universités.

Ainsi, nous avons probablement dans notre laboratoire quelque 90 boursiers déjà titulaires d'un doctorat ou étudiants de l'université au niveau de la maîtrise et du doctorat. De plus, nous en avons à peu près autant qui sont stagiaires ou qui viennent travailler pendant un certain temps sur des projets précis, qui sont rendus possibles parce que telle ou telle entreprise y investit de l'argent, par exemple. Nous avons donc une organisation de recherche très dynamique.

• 1200

Qui plus est, du point de vue des opérations de recherche, j'ai mentionné l'existence de 10 réseaux. Nous vous en laisserons la description, mais je dirai simplement ici qu'ils servent tous à promouvoir une gestion durable des forêts, que ce soit du point de vue des incendies, des prises de décision, etc.

M. Carmen Provenzano: Ma question portait précisément sur le fait qu'il y avait à l'origine sept centres forestiers au Canada, mais qu'on a ramené ce nombre à cinq. Vous allez certainement me corriger si je me trompe, mais les budgets des cinq centres restants ont subi de grosses compressions. Ils ont moins de crédits d'exploitation. Les scientifiques et les chercheurs ont été rayés des cadres. Ils ont largement souffert de la réduction du nombre d'employés.

Compte tenu de cette situation, est-ce que, premièrement, l'objectif du Service canadien des forêts est de jouer un rôle de chef de file en matière de R-D? Deuxièmement, étant donné ce qu'il est advenu des centres de recherche, sommes-nous en mesure de jouer ce rôle?

M. Yvan Hardy: Je le crois. Évidemment, il ne faut pas me demander, en ma qualité de chef du Service canadien des forêts, de vous dire que nous ne faisons pas un bon travail, parce que j'estime que nous faisons un bon travail. Toutefois, vous avez absolument raison. Lors de l'examen du programme, comme tous les autres ministères, nous avons subi un dur coup sur le plan des ressources disponibles.

Nous avons choisi d'examiner nos ressources globales et la façon dont nous dépensions nos crédits. Vous avez parlé de sept centres. En réalité, nous sommes passés de huit centres à cinq. Cela s'expliquait par la nécessité de réduire nos frais d'infrastructure. Je peux vous dire que l'on m'a beaucoup critiqué, de toutes parts, pour avoir mis fin à l'exploitation de l'IFNP. Il s'agissait d'une installation assez vieille qui nous coûtait beaucoup d'argent en chauffage, en éclairage, en entretien, etc., et nous avons pris avant tout cette décision pour faire des économies au bénéfice des chercheurs et pour réduire au maximum le nombre de mises à pied tout en conservant de l'argent pour notre exploitation.

Nous avons aussi pris la décision de nous retirer du domaine de la recherche opérationnelle. Là encore, nous avons essuyé des critiques, mais c'est un domaine dans lequel nous dépensions des sommes considérables. En fait, la première et la deuxième enquêtes sur les maladies empiétaient presque sur les compétences provinciales. Je peux vous dire que s'il avait fallu faire l'inventaire des forêts, les provinces ne l'auraient jamais toléré. S'agissant d'insectes, étant donné que nous avions les compétences biologiques, nous nous en sommes chargés, mais nous avons abandonné ce terrain pour pouvoir consacrer nos ressources à ce que je qualifierais d'activités de recherche indispensables pour que l'industrie canadienne des forêts reste à la fine pointe des connaissances.

Mais effectivement, nous sommes une organisation de recherche forestière renommée dans le monde entier. Je vous le dis comme je le pense.

Vous voulez peut-être aussi ajouter quelque chose, Gordon.

Le président: Carmen, est-ce que l'on peut en rester là pour le moment?

M. Carmen Provenzano: Tout à fait.

Le président: Je vais donner éventuellement à deux autres députés la possibilité de poser rapidement quelques questions. Nous essaierons d'en finir dans les cinq prochaines minutes.

Monsieur Keddy, suivi de M. Jackson.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Je serai très bref.

Concernant l'intervention de M. Serré au sujet du règlement ISO 9000, il est tout simplement à peu près impossible de le mettre en place pour les forêts. Vous en avez discuté et vous avez déclaré que nous allions dans ce sens, ce qui me paraît très bien. Cela dit, toutefois, c'est une démarche terriblement onéreuse pour une petite entreprise, encore plus pour une grosse entreprise, et il n'y a aucune entente entre les intervenants sur la façon de tout coordonner. Il ne s'agit pas simplement d'intervenir à l'un des stades des opérations, c'est à tous les niveaux, depuis l'exploitation des terres jusqu'aux expéditions en passant par la production. C'est un régime très difficile à appliquer et j'aimerais savoir si vous avez d'autres déclarations à faire à ce sujet.

• 1205

L'autre question poste sur ce qu'a évoqué M. Provenzano au sujet de la capacité de recherche de Forêts Canada. Pour ceux d'entre nous qui travaillent dans ce secteur, il est absolument stupéfiant de voir l'ampleur des capacités auxquelles on a apparemment renoncé. Que pouvons-nous faire, en tant que membres du comité et que parlementaires, pour chercher à inverser cette tendance?

M. Yvan Hardy: Sur le premier point, je demanderai à M. Ketcheson de vous répondre, mais il y a un exercice parallèle qui a été fait au Canada, c'est celui du mécanisme d'homologation de l'ACNOR. Il y a aussi le mécanisme d'homologation des opérations forestières du conseil chargé de l'administration.

Toutes ces discussions n'ont aucun secret pour Doug Ketcheson, et je lui demanderai donc de vous apporter quelques précisions au sujet de la norme ISO 9000.

M. Doug Ketcheson: Il faut dire tout d'abord que l'exercice d'homologation est un exercice du secteur privé et non pas gouvernemental. C'est une initiative de l'industrie et d'autres groupes au Canada dans le but de mettre au point avec leurs clients et d'autres groupements des normes plus strictes de gestion forestière au Canada. Je parlais justement hier avec un collège de l'industrie qui est en contact avec la coalition représentant notre secteur à l'ACNOR, et il m'a dit que bon nombre de grosses entreprises au Canada cherchaient très résolument à se positionner, c'est-à-dire à faire un travail de fond pour mettre sur le marché un produit homologué.

Il y a la question des propriétaires de bois privés et l'on se demande s'ils vont prendre position pour être homologués. Je ne connais pas toutes les réponses, mais je sais qu'il se fait beaucoup de travail au sein de l'industrie. Le programme des forêts modèles se penche sur certaines de ces questions, particulièrement à Fundy.

Nous sommes encore loin d'une homologation au moment où nous nous parlons, mais j'ai l'impression que l'on continue à être tout à fait persuadés au sein de l'industrie canadienne que c'est là une stratégie indispensable, même si elle est onéreuse, si l'on veut trouver des débouchés ou maintenir nos positions sur les marchés mondiaux des produits forestiers.

Le président: Monsieur Keddy, pouvez-vous en rester là pour l'instant?

M. Gerald Keddy: Oui.

Le président: Merci.

Monsieur Jackson, vous pouvez terminer.

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): J'ai une petite question à poser à M. Hardy, monsieur le président.

C'est une question que je me pose toujours, quelle que soit l'organisation, mais surtout au sujet de la collectivité scientifique. Comment restez-vous à la pointe du progrès? J'aimerais savoir quels sont les programmes dont vous disposez pour vous tenir à jour, éventuellement par l'intermédiaire de vos stages, par exemple, pour que les chercheurs ne se sclérosent pas, ne s'isolent pas dans une pièce et continuent à progresser. J'aimerais savoir exactement comment vous procédez pour y parvenir, dans votre service, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

M. Yvan Hardy: Je vais demander à M. Miller de vous donner quelques précisions, mais il y a bien des façons. Nous avons un forum à l'heure actuelle.

Gordon, je vais vous laisser intervenir sur ce point.

M. Gordon Miller (directeur général, Direction générale des sciences, Service canadien des forêts, ministère des Ressources naturelles): En grande partie en raison de la réduction du programme scientifique, nous avons plusieurs initiatives en cours. L'une a commencé en juin, avec le forum national sur les sciences forestières, que nous avons lancé. À partir de là, nous sommes en train d'élaborer un cadre national d'action qui nous aidera à nous adapter aux besoins des clients. C'est aussi un forum devant permettre de constituer des partenariats, car il fait participer les provinces et les territoires, l'industrie, les universités, etc.

Parce que nous avons tous fait l'expérience de compressions similaires, nous avons fait de gros efforts pour encourager la collaboration. Je pense que le cadre national d'action aidera toutes les organisations scientifiques en matière forestière au Canada à se tenir au courant des questions qui les intéressent.

Nous avons aussi entrepris récemment de constituer un groupe de travail scientifique et technique sous l'égide du Conseil canadien des ministres des Forêts. Il nous aide à régler les questions communes et appuie par ailleurs nos efforts de coordination.

M. Ovid Jackson: Monsieur le président, je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps, mais si le témoin veut bien l'accepter, j'aimerais lui donner un petit conseil.

À mon avis, bien des ministères du gouvernement, notamment ceux d'entre vous qui font de l'excellent travail—et je sais que bien souvent c'est le cas—continuent à ne pas s'adresser au grand public et à ne pas aller parler, par exemple, dans les écoles et dans les clubs sociaux. Lorsque vous subissez des compressions et que vous rencontrez des problèmes de ce genre, je pense que dans bien des cas il n'y a pas beaucoup de communication. Il est dommage que ça se passe ainsi.

• 1210

Je connais des gens qui ont l'expérience de la pêche, ou des arbres, de la façon dont on peut les planter pour améliorer les conditions climatiques autour de la maison... ainsi que la façon dont tombe la neige. Il y a là beaucoup de compétences qui se perdent en fait, éventuellement parce que l'on reste dans sa tour d'ivoire.

Je pense donc qu'il vous faudrait aller davantage au devant du public. Vous devriez avoir—j'espère que c'est le cas—un programme vous permettant d'être en relation, non seulement avec les nouvelles générations, mais aussi avec les politiciens et le grand public.

Le président: Est-ce votre conclusion?

M. Ovid Jackson: Oui.

Le président: Je vous remercie, messieurs, de nous avoir consacré votre temps. Cela nous servira certainement de tremplin dans nos discussions futures avec le Service canadien des forêts. Merci.

Nous allons maintenant demander à M. Everell de nous parler des sciences de la terre.

Monsieur Everell, vous êtes le bienvenu. Je vois qu'un certain nombre de vos collègues vous accompagnent. Vous pourriez peut-être nous les présenter et faire ensuite un exposé de 10 minutes environ, après quoi les députés pourront vous poser des questions.

Merci.

M. Marc Denis Everell (sous-ministre adjoint, Secteur des sciences de la terre, Ressources naturelles Canada): Merci beaucoup.

Je me réjouis d'être ici, ce matin, en compagnie de mes collègues Peter Fisher, Marc Corey et Murray Duke. Murray appartient à la Commission géologique du Canada et Mark Corey appartient à Géomatique Canada.

Je vais vous présenter le secteur des sciences de la Terre. Une partie de notre travail est effectué ici, dans la capitale nationale, mais comme nous avons aussi des bureaux régionaux et des laboratoires dans plus de 16 localités un peu partout au Canada, on peut dire que nous sommes présents à l'échelle du pays.

• 1215

Pour décrire l'activité de notre secteur en quelques mots, je dirai qu'il dresse la carte du Canada. C'est en effet ce que nous faisons. Depuis les premières études géologiques, en 1842, les composantes du secteur ont été tantôt contractées, tantôt dilatées, au gré des besoins des gouvernements en place. Ce qu'il reste aujourd'hui du secteur des sciences de la Terre, après l'examen des programmes—qui, soit dit en passant, a occasionné une réduction de quelque 30 p. 100—est le noyau des sciences et de la technologie fondamentales, nécessaire à nos travaux de cartographie, d'exploration et d'étude géologique sur la deuxième plus grande terre émergée du monde, et le long de nos côtes.

[Français]

Afin de gérer judicieusement cette masse continentale, les gouvernements et les Canadiens ont besoin de cartes, d'information et d'expertise pour en connaître la forme, les ressources et le fonctionnement. C'est ce que nous fournissons.

[Traduction]

Qui n'a pas utilisé une carte topographique et une boussole, creusé un trou dans la terre pour se demander quel genre de rocher se trouvait là, consulté un atlas national, pris un vol commercial d'un bout à l'autre du Canada, redouté un tremblement de terre ou demandé qui pouvait bien maintenir nos frontières avec les États- Unis? Eh bien, pour toutes ces activités, on a besoin et on utilise les produits et les services du secteur des sciences de la Terre de RNCan. Comme vous pouvez le constater, notre travail revêt une envergure considérable.

Avant de répondre à vos questions, et je suis sûr que c'est à cela que vous voulez arriver le plus vite possible, je vais vous donner quelques bons exemples du travail que nous accomplissons aujourd'hui. Après mon exposé, vous conserverez, je crois, l'impression que le travail du secteur des sciences de la Terre continue d'être un service public important pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes.

Dans la trousse d'information qu'on vous a remise, vous trouverez un profil de notre secteur, la façon dont il est organisé et le mandat qui a été confié à ses trois composantes, à savoir Géomatique Canada, la Commission géologique du Canada et l'Étude du plateau continental polaire. Dans cette même trousse se trouvent les grandes lignes de nos programmes et quelques exemples des produits et services que nous offrons.

S'agissant des sciences de la Terre, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont des rôles complémentaires. Notre secteur consulte les provinces et collabore avec elles pour combler les éventuels fossés qui pourraient nous séparer. Je parle aujourd'hui de fossé alors qu'autrefois nous parlions de chevauchements; je crois qu'il est beaucoup plus question aujourd'hui de gérer les fossés risquant de nos séparer, dans nos capacités respectives d'administrateurs de programmes en géoscience et en géomatique.

Je vais passer quelques minutes à vous parler de Géomatique Canada. Cette organisation fournit aux clients canadiens et internationaux les données géographiques les plus précises dont on dispose grâce à ses programmes d'étude de terrain, de cartographie et de télédétection, ainsi qu'à son système d'information géographique. Ces services sont essentiels à la prise de décisions, qu'il s'agisse d'imagerie satellite pour la gestion des ressources naturelles, des systèmes d'observation de la terre pour la surveillance des cultures, des cartes topographiques pour la planification, ou des levés officiels permettant de maintenir nos frontières nationales, de définir les limites des territoires revendiqués par les Autochtones ou de dresser des cartes pour la navigation analytique.

[Français]

Par exemple, les données du satellite canadien RADARSAT, dont nous avons le mandat de recevoir les données à nos stations de Gatineau et de Prince-Albert, servent à une gamme importante d'applications, dont la recherche et le sauvetage.

Vous vous souviendrez peut-être de notre contribution à la recherche de marins perdus dans l'Atlantique sud, il y a à peu près un an. En fait, une image de RADARSAT pour la région d'Ottawa est comprise dans les documents d'information que le secteur vous a remis.

• 1220

Grâce à des images à grande échelle de ce genre, nous avons pu surveiller quotidiennement les inondations survenues au Manitoba le printemps dernier. Nous nous sommes également occupés, dans une certaine mesure, des inondations de la région du Saguenay, au Québec.

[Traduction]

L'industrie de la géomatique est un des secteurs d'activité qui connaît la croissance la plus rapide. Dans le monde, elle représente environ 17 milliards de dollars de chiffre d'affaires.

D'ailleurs, le secteur des sciences de la Terre a contribué à la réussite commerciale de plusieurs entreprises canadiennes spécialisées dans le domaine. En outre, nous accordons énormément de contrats au secteur privé canadien dans le cadre de nos ententes de recherches. En fait, les activités d'affermage de Géomatique Canada ont atteint, cette année, près de 36 millions de dollars. Cela permet de créer un grand nombre d'entreprises du genre pour répondre aux besoins canadiens, mais aussi pour nous préparer à répondre aux besoins internationaux.

Notre secteur apporte également un soutien notable à l'industrie, par l'intermédiaire de nos missions commerciales. En fait, nous estimons être en mesure d'influencer considérablement le niveau des ventes à l'exportation dans ce domaine au cours des cinq prochaines années. Nous nous sommes d'ailleurs fixé pour objectif d'augmenter de 30 p. 100 le chiffre d'affaires à l'exportation, durant cette période, par rapport aux quelque 300 millions de dollars par an actuels.

[Français]

En fait, nous travaillons maintenant avec l'industrie canadienne de la géomatique dans plusieurs pays du monde. Notre organisme aide l'industrie à acquérir des contrats à l'extérieur du pays. Par exemple, on travaille en Russie, en Arabie saoudite, en Amérique latine et nous apportons à l'industrie un soutien qui fait partie de notre mandat et qui permet à l'industrie canadienne de la géomatique d'être au deuxième rang dans le monde.

Je voudrais maintenant dire quelques mots sur la Commission géologique du Canada.

[Traduction]

La Commission géologique du Canada dresse des cartes, établit des données et effectue des études géologiques sur tout le territoire canadien et au large de nos côtes. Vous trouverez d'ailleurs une excellente carte géologique du Canada dans la trousse qui vous a été remise. Elle est toute nouvelle. C'est la troisième carte du type depuis 1842. Elle constitue une synthèse de l'état des connaissances géologiques que nous possédons sur notre masse continentale. Cette carte, qui peut sembler ésotérique à certains, a fait la page couverture de plusieurs magazines spécialisés au Canada et ailleurs dans le monde, car elle est une importante contribution au domaine.

Des informations comme celles que représente cette carte géologique du Canada sont des éléments essentiels pour attirer des investissements dans le domaine de l'exploration au Canada. Vous savez peut-être que, tous les ans depuis quelques années, nous avons bénéficié d'investissements de 800 millions de dollars dans l'exploration. Le bon travail de la CGC dans le domaine de la géologie, fait sans doute beaucoup pour attirer ce genre d'investissements.

[Français]

Je voudrais maintenant vous donner un exemple qui concerne un de nos programmes de cartographie et de recherche thématique au Nouveau-Brunswick. En fait, c'est un programme qu'on appelle EXTECH II. C'est un projet qui a été entrepris conjointement avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick, l'industrie et les universités. C'est un programme qui a commencé à peu près en 1994 et qui va se terminer officiellement en 1999, qui comporte des investissements d'à peu près 8 millions de dollars et auquel la Commission géologique fournit à peu près la moitié des ressources.

Ce programme-là n'est pas complètement terminé mais il porte déjà des fruits intéressants. En fait, il a attiré des investissements, au niveau de l'exploration minière dans la région, de plus de 4 millions de dollars la première année après la divulgation de l'information. Ce programme a aussi mené à la découverte d'un gisement qui s'appelle Camelback et qui n'est pas loin d'être en opération. Ce gisement n'est pas encore une mine aujourd'hui, mais il a certainement du potentiel pour être exploité.

Les travaux de la Commission géologique avec ses partenaires ont permis également d'identifier beaucoup d'autres cibles qui sûrement porteront fruits dans un avenir pas si lointain.

• 1225

Vous avez dans vos documents une carte où figurent certaines données concernant le projet EXTECH II. J'invite les députés de la région à consulter cette carte. Si vous êtes intéressés à avoir d'autres renseignements, nous nous ferons un plaisir de vous en parler. Peut-être que M. Murray Duke pourra élaborer là-dessus plus tard si on en a le temps.

Je pourrais mentionner beaucoup d'autres exemples de ce genre au niveau des travaux de la Commission géologique et j'insiste sur le fait que cela a permis de nombreux investissements additionnels en exploration dont la conséquence est la possibilité de développements miniers.

[Traduction]

Je vais maintenant vous dire quelques mots sur les activités que nous conduisons relativement aux changements climatiques. Je sais que c'est une question d'actualité pour les parlementaires.

Nous ne sommes pas forcément les plus gros joueurs dans ce domaine, mais je pense que nous apportons beaucoup sur le plan de la compréhension des climats passés, ce qui nous permet peut-être d'ailleurs d'appréhender les lendemains du changement climatique qui s'annonce à cause de l'action accrue des gaz à effet de serre.

Vous trouverez, dans votre trousse, un document présentant brièvement le travail que nous avons effectué dans le Triangle de Palliser. Nous avons essayé de déterminer quel pourrait être l'effet d'une augmentation de température pour cette partie de la Saskatchewan et de l'Alberta. Un tel changement donnerait inévitablement lieu à une sécheresse. En fait, la région a déjà subi des sécheresses de ce genre dans le passé. Donc, en un sens, ces travaux nous permettent de mieux comprendre les effets potentiels du changement climatique. Nous avons fait cela pour les régions de la Saskatchewan et du Manitoba et nous avons essayé, également, d'envisager les répercussions d'un changement climatique dans d'autres parties du pays, surtout dans le bassin du Mackenzie, dans la partie nord de l'Alberta et dans des régions voisines.

J'ai quelques mots à vous dire sur ce que nous faisons du côté de nos activités maritimes. Nous sommes, bien sûr, présents au large des côtes canadiennes, surtout dans l'Atlantique. Une partie du travail de la CGC a donné lieu à d'autres explorations dans la région ouest de Terre-Neuve. Si je ne m'abuse, nos nouveaux travaux d'interprétation ont donné lieu à quelque 60 millions de dollars de nouvelles activités d'exploration. Nous sommes aussi en train de mener quelques activités dans la région de Gaspé.

Je tiens à attirer votre attention sur un autre élément, également contenu dans votre trousse. Il s'agit d'un petit exposé sur la base de données des réserves de pétrole et de gaz au large. Nous avons en archive un inventaire considérable de travaux effectués dans le passé, inventaire qui est très utile pour les nombreuses entreprises en quête de nouvelles ressources au large de nos côtes atlantiques; en fait, certains sont même prêts à verser pas mal d'argent pour obtenir ce genre de renseignements.

Le secteur conduit aussi des activités dans les régions rurales et dans le Nord. Je vous ai dit que le troisième élément de notre organisation est l'Étude du plateau continental polaire. Eh bien, vous savez sans doute que cette organisation comporte deux bases, l'une à Tuktoyaktuk et l'autre à Resolute Bay. L'EPCP assure la logistique et le transport aérien, ainsi que tout l'appui dont les chercheurs gouvernementaux et universitaires peuvent avoir besoin pour travailler dans l'Arctique. Cette organisation existe depuis 40 ans maintenant. Elle est la démonstration éclatante de la souveraineté du Canada dans l'Arctique.

S'agissant de l'Arctique, je dois préciser une chose à propos du potentiel que présente le Nord canadien sur le plan de l'exploitation minière.

[Français]

En fait, en tant que géoscientifiques, nous pensons, tout comme les gens qui font un peu d'économie associée à cela, qu'il y a vraiment beaucoup de possibilités de nouvelles découvertes intéressantes dans le Nord. Nous pensons que ces découvertes auront une influence certaine sur la capacité de la région à devenir de plus en plus autosuffisante. En fait, certains de nos scientifiques rêvent même à des chiffres aussi élevés que 500 milliards de dollars de ressources minérales qui n'ont pas encore été découvertes mais qui seraient dans cette région du pays.

Nous sommes, bien entendu, très actifs dans ce domaine-là mais il est probable que nous aurons à l'être encore davantage dans les prochaines années.

• 1230

Vous avez aussi dans votre documentation quelques renseignements sur ce que nous faisons dans le domaine des Canada Lands. Vous savez peut-être que

[Traduction]

Les terres du Canada représentent environ la moitié de notre territoire, ce qui donne lieu à énormément d'activités pour notre secteur, parce que nous avons une certaine responsabilité en matière d'études géologiques. Vous constaterez, d'après la photo se trouvant dans votre trousse, que la superficie de terres émergées est assez impressionnante et qu'elle nécessite évidemment une certaine attention de notre part.

Le président: C'est de celle-là dont vous parlez?

M. Marc Denis Everell: Non, je veux parler de la nouvelle carte géologique du Canada. Peut-être que quelqu'un pourrait vous montrer les photos au fur et à mesure que j'en parle.

M. Ovid Jackson: Dites-nous où ça se trouve le document.

M. Marc Denis Everell: Je ne veux pas... Ça devrait se trouver là, mais si ça n'y est pas, je veillerai à ce qu'on vous remette une copie.

J'aurai aimé qu'on vous donne des photos en couleur, mais la partie sombre correspond à ce que nous appelons les terres publiques.

Bien sûr, les territoires font partie des terres du Canada, tout comme les parcs et les réserves autochtones, de même que les étendues océaniques au large, du moins en partie. Eh bien, notre secteur doit s'occuper de tout cela.

L'autre volet pour lequel nous sommes assez connus, dans le domaine géologique, c'est notre réseau de sismographes. Celui-ci nous permet d'enregistrer les tremblements de terre survenant n'importe où dans le monde, et cette information nous permet, également, de concevoir de nouveaux codes du bâtiment, améliorés, pour le Canada. D'ailleurs, la nouvelle version du code du bâtiment devrait sortir en l'an 2000.

De plus, cette activité du réseau de sismographes nous permet de jouer un rôle qui vous surprendra peut-être. En effet, nous fournissons des informations dans le cadre de l'Accord sur la cessation des expériences atomiques, parce que nous serions évidemment en mesure de constater l'explosion de grosses bombes atomiques. Cela étant, nous pouvons utiliser ces réseaux pour savoir ce qui se passe ailleurs dans le monde et favoriser le respect de l'Accord.

[Français]

Je crois que ce qui fait la notoriété de la Commission géologique du Canada, ce sont les tremblements de terre. Chaque fois qu'il y a un tremblement de terre, il y a des centaines d'appels qui arrivent à nos laboratoires, même au point de causer des problèmes parfois. On est reconnus et on a les scientifiques et l'expertise. Les gens nous demandent souvent ce qui s'est passé et s'il est possible qu'il y en ait d'autres.

Vous avez également, dans votre documentation, une carte intéressante. C'est une carte qui serait même beaucoup plus intéressante en couleurs. On voit, en regardant rapidement la carte, qu'il y a trois zones qui sont particulièrement dangereuses au Canada. Bien entendu, il y a d'abord la zone de la région de la Colombie-Britannique, car il est bien connu que la région de Vancouver et ses alentours sont une zone un peu précaire. La région de Charlevoix au Québec est également bien connue des Québécois. Il y a justement eu un tremblement de terre assez significatif cette semaine dans cette région-là. L'autre endroit où des tremblements de terre sont susceptibles d'avoir lieu, c'est le nord du pays. C'est certainement une région où cela affecte moins de monde, mais ça peut quand même être important pour cette région-là.

[Traduction]

Je ne prendrai pas plus longtemps, monsieur le président, et je me limiterai à ces grandes lignes des activités du secteur des sciences de la Terre.

Comme je le disais plus tôt, j'estime que notre rôle consiste à fournir des connaissances sur les terres émergées du Canada, connaissances qui étayent presque toutes les activités économiques. On en parle occasionnellement comme étant le secret le mieux gardé. Rares sont ceux qui savent que notre secteur fait tout cela pour autant de gens: pour les gouvernements, pour le gouvernement fédéral, pour les communautés autochtones, pour les Canadiens et les Canadiennes en général, mais aussi pour l'industrie que nous aidons à prendre de l'essor dans ce domaine et à vendre à l'étranger.

• 1235

Je vais m'arrêter ici. J'ai l'impression d'avoir pris plus de 10 minutes. J'ai la sale manie de parler plus que je le devrais, mais ce petit exposé fut un plaisir pour moi et les membres de ma petite équipe et moi-même sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Everell.

Vous avez dit que vous étiez l'un des secrets les mieux gardés. Personnellement, je vous apparenterais un peu à un service d'ambulance. On ne se rend pas compte qu'il existe tant qu'on n'y a pas recours. On a tendance à tenir pour acquis toutes les compétences et les connaissances du secteur des sciences de la Terre du gouvernement fédéral.

Nous allons commencer par M. Godin, qui sera suivi de M. Jackson.

[Français]

M. Yvon Godin: J'aimerais d'abord vous souhaiter le bonjour et vous dire que je suis content de vous rencontrer. J'ai eu le mémoire la semaine passée et je l'ai trouvé très intéressant.

Ce qui m'intéresse surtout, c'est que vous dites que vous avez trouvé quelque chose à Bathurst. C'est super! Je voudrais vous donner ma carte tout à l'heure pour que nous reprenions contact pour discuter de cette question qui m'intéresse et sur laquelle je voudrais avoir plus d'information.

M. Marc Denis Everell: Entre-temps, si vous le permettez, mon collègue, Murray Duke, pourra vous donner plus de détails sur ce qui se passe dans la région et la contribution de la Commission, puisque c'est une chose qui vous intéresse.

M. Yvon Godin: D'accord.

[Traduction]

M. Murray Duke (directeur général, Direction des minéraux et de la géologie régionale, Secteur des sciences de la Terre, Ressources naturelles Canada): Comme Marc Denis vient de le dire, nous avons lancé le projet EXTECH en 1994. Celui-ci est doté d'un budget total de 7 ou 8 millions de dollars, dont la moitié provient du gouvernement fédéral, plus précisément de la Commission géologique du Canada. Le reste provient essentiellement de notre organisation soeur au Nouveau-Brunswick, la Direction générale des services géologiques du Nouveau-Brunswick. EXTECH fait aussi l'objet de contributions de la part de l'industrie, de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et de la Société d'aménagement régionale.

Au départ, il était essentiellement question d'améliorer la connaissance de base que nous possédions de la région et, en même temps, de mettre au point certaines technologies d'exploration minière. Jusqu'ici, le projet a donné d'excellents résultats, à en juger d'après l'indicateur retenu, soit l'augmentation des dépenses d'exploration par le secteur privé. J'ai cru comprendre que les avoirs fonciers de l'industrie n'ont jamais été aussi élevés que depuis les premières découvertes, en 1954.

Le projet a donné lieu à plusieurs découvertes scientifiques quant à l'explication d'un gisement de minerais dans la région de Bathurst. La découverte qui a sans doute retenu le plus l'attention est celle dont Marc Denis vient de vous parler, c'est-à-dire la découverte par Noranda du gisement de Camelback, il y a à peu près un an de cela. Cette découverte a été le résultat d'une reconnaissance géophysique aérienne réalisée dans le cadre de ce projet.

Comme le disait Marc Denis, il est beaucoup trop tôt pour dire si le gisement de Camelback a une valeur économique. Noranda a encore beaucoup de travail à faire pour en déterminer la viabilité économique. Mais ce qui compte, par-dessus tout, c'est qu'on vient, là-bas, d'ouvrir tout un nouveau chapitre de l'exploration minière.

Si vous me le permettez, je vais me référer rapidement aux cartes contenues dans votre trousse d'information. Il y en a deux, qui sont très générales, et qui présentent une situation avant et après: il s'agit de l'état de nos connaissances avant le projet EXTECH et de l'état de nos connaissances à présent. Avant EXTECH, avant ces nouvelles données, les géologues ne se seraient pas attendus à trouver un gisement de ce genre dans la région de Camelback. Les résultats de l'exploration indiquent que les possibilités sont très bonnes là-bas.

C'est donc la combinaison entre nos nouvelles connaissances sur le plan géologique et une étude géophysique aérienne qui a permis à Noranda de découvrir ce gisement. Nous ne savons pas encore si Camelback sera exploité mais ce qui est emballant, c'est qu'il existe des dizaines et des dizaines d'anomalies semblables dans la région, qu'il va falloir tester pour le secteur privé. Nous sommes optimistes et nous croyons que tout cela va promouvoir l'exploration.

M. Yvon Godin: Vous avez parlé de «Camelback»... J'ai entendu parlé de ce que Noranda a trouvé. Je pensais que c'était une découverte surprise... mais j'ai bien compris l'explication que vous venez de me donner.

• 1240

Pour en terminer avec ma question, je crains qu'avec la mondialisation de l'économie, le libre-échange et le reste, nos entreprises n'aillent investir davantage dans d'autres pays et commencent à nous oublier.

Je viens moi-même d'une région minière où Brunswick Mine a beaucoup fait pendant plus de 30 ans. Cette entreprise est importante pour les gens de chez moi. C'est bien assez que nous ayons déjà le problème des pêches, ce serait terrible si nous devions perdre notre industrie minière. Il n'y aurait plus alors qu'à nous effacer de la nouvelle carte canadienne. Donc, c'est un secteur important pour nous.

Le gouvernement est-il en train de se retirer un peu du secteur de l'exploration ou, au contraire, s'y engage-t-il plus? C'est important de le savoir, parce que les entreprises se demandent si elles ne vont pas aller ailleurs, en Afrique ou dans d'autres pays, pour y investir leur argent. Je suis inquiet quand je vois le président de Noranda, au Nouveau-Brunswick, se rendre en Afrique presque toutes les deux semaines, en compagnie de ses surintendants et d'autres sherpas. C'est très important pour nous, dans notre région—je ne veux pas uniquement parler de notre région, mais c'est un bon exemple—dans la région de Bathurst, la mine Brunswick sera fermée d'ici 12 à 15 ans, et ce sera un véritable désastre.

M. Marc Denis Everell: Je commencerai par répondre après quoi Murray pourra ajouter quelque chose s'il le désire.

Comme je le disais, les activités d'exploration découlent d'un certain nombre de facteurs. De toute évidence, les données géologiques qu'on propose aux compagnies, les attirent plus ou moins. Au Canada, le corpus de connaissances géologiques que nous possédons et notre niveau d'expérience en géoscience sont assez impressionnants. Nous continuons bien sûr d'investir pour améliorer ces connaissances. C'est une façon d'attirer les compagnies minières du Canada et d'ailleurs afin qu'elles examinent les dépôts, chez nous. Certes, les compagnies canadiennes sont présentes ailleurs, mais comme on dit: c'est la vie.

Je pense que nous avons fait un effort—et très certainement que la CGC, ainsi que d'autres organismes de levé, au Canada, ont fait un réel effort—pour présenter la situation canadienne sous son meilleur jour et pour cerner, à l'intention du secteur privé, les régions susceptibles de présenter un certain potentiel. Nous espérons que ces entreprises examineront ensuite la chose plus sérieusement. Effectivement, il arrive très souvent qu'elles mordent à l'appât et qu'elles examinent la situation de près.

J'allais vous citer un autre exemple. Nous avions quelques-uns de nos géologues très haut dans le Nord, notamment sur l'île de Baffin. Après un seul été, ils sont rentrés et nous ont livré l'interprétation de leur travail; eh bien, tout de suite après, le niveau d'activité d'exploration a atteint des sommets. Et cela se produit tout le temps.

J'estime qu'il est important pour les gouvernements de maintenir un certain niveau d'investissement en géologie et en géoscience et je pense qu'à l'heure actuelle, le gouvernement maintient un effort soutenu à cet égard. Certes, nous avons été touchés par l'examen des programmes, mais nous avons encore beaucoup de ressources au sein de la CGC.

Murray.

M. Murray Duke: Je n'ai rien à ajouter à cela.

Le président: Monsieur Godin, d'accord?

M. Yvon Godin: À titre d'indication, sachez que je suis ancien mineur et c'est pour cela que je m'intéresse à l'exploitation minière.

Le président: Merci, monsieur Godin.

Monsieur Jackson.

M. Ovid Jackson: Monsieur le président, j'aurai deux ou trois questions à adresser à M. Everell.

D'abord, je m'intéresse aux emplois liés à vos opérations. Pourriez-vous nous parler de certains de ces emplois et nous dire quel genre de compétences seront nécessaires à ceux et celles qui pourraient vouloir travailler dans ce domaine? En outre, pouvez- vous nous parler un peu de votre relation avec l'environnement?

Il semble qu'il y a de plus en plus de stations de surveillance de la terre. Intervenez-vous, par exemple, dans la constitution d'inventaires des zones d'habitat faunique, dans la détection de la présence des animaux et ainsi de suite? Est-ce que cela fait partie de votre mandat?

Ce qui m'intéresse surtout, c'est que les agriculteurs commencent à avoir recours à la technologie pour trouver... il y a la bourse de Chicago qui détermine le prix du porc, et puis il y a les services de prévisions météorologiques et bien sûr, les systèmes GPS. Les gens achètent ces instruments, mais ils ne sont pas précis. Je me demande si vous allez faire quelque chose pour que leurs relevés soient plus précis et qu'ils puissent ainsi obtenir un meilleur résultat quand ils fertilisent leurs champs ou que sais-je encore.

• 1245

M. Marc Denis Everell: Effectivement, vous aviez plusieurs questions, et je commencerai par la première, celle des compétences dont une organisation comme nous a besoin. Je dirai que les compétences sont très variées, parce qu'il s'agit de géoscientifiques et de géologues. En outre, nous devons embaucher des gens aptes à travailler avec l'informatique. L'informatique, même pour les géologues, devient très importante parce que le système d'information géographique que nous utilisons aujourd'hui permet l'essentiel de notre production en géoscience.

Sur le plan géomatique, nous avons bien sûr besoin d'arpenteurs et de cartographes. Mais ce secteur, lui aussi, évolue énormément parce qu'il exige de plus en plus de connaissances en informatique. Certains de nos gens font de la télédétection. Eh bien, ils doivent être capables d'acquérir des données de satellites, d'exploiter le matériel et d'interpréter les données satellites afin de les rendre utiles pour des gens désireux d'obtenir des renseignements sur des récoltes et bien d'autres choses.

Je dirais que l'éventail des compétences dont nous avons besoin dans ce secteur est très large. Nous parlons d'un groupe à présent composé d'environ 1 300 personnes. Bien des scientifiques sont aptes à contribuer de différentes façons à une organisation comme la nôtre. Par ailleurs, nous nous attachons à perfectionner les jeunes pour leur donner les compétences dont nous avons besoin ou dont ont besoin les industries gravitant autour de nous.

Laissez-moi vous donner un exemple. Tous les ans, nous formons plusieurs jeunes diplômés pour des périodes de deux ans environ, si je ne m'abuse, afin de les préparer à travailler dans le domaine de la géomatique. D'ailleurs, nous aimerions pouvoir étendre ce programme. Il s'agit là d'un autre front où nous essayons bien sûr d'acquérir les compétences voulues auprès du marché, mais où nous essayons aussi de perfectionner et de retenir nos employés. Ainsi, le perfectionnement que nous offrons permet à notre personnel d'acquérir des compétences qui nous sont utiles, mais qui sont aussi utiles au marché en général.

En dernier lieu, vous avez parlé du GPS. Eh bien, nous effectuons un travail très important sur ce plan. Comme vous le disiez, certains des GPS qu'on peut trouver aujourd'hui sur le marché ne sont pas des gadgets très précis. C'est sûr! Mais il y en a de plus précis que d'autres et certains de nos scientifiques ont reçu pour mission de rendre leurs mesures plus précises.

Le GPS permet essentiellement de déterminer une position à la surface de la terre ou dans l'espace. Il faut, pour cela, travailler dans les trois axes. Certes, certains équipements qu'on peut se procurer pour quelques centaines de dollars sont loin de donner des indications précises. Mais les systèmes plus coûteux, eux, sont plus précis. Quoi qu'il en soit, nous sommes en train de mettre au point un logiciel qui permettra d'obtenir des données très précises.

Marc Corey n'est peut-être pas un expert du domaine, mais il y a travaillé. Il pourra peut-être mieux vous expliquer cette question du GPS et ce que nous faisons pour en corriger les données.

M. Marc Corey (directeur général, Direction des services cartographiques, Secteur des sciences de la Terre, ministère des Ressources naturelles): S'agissant du GPS, ce système, relié à toute une constellation de satellites militaires américains, est maintenant disponible dans le civil. En fait, les civils l'utilisent aujourd'hui plus que les militaires. Canadian Tire propose des GPS dans son catalogue. On peut acheter un petit récepteur portatif pour 200 $ environ. C'est merveilleux. Ce système a fait son entrée dans l'univers des loisirs et de la randonnée pédestre.

La précision moyenne de ce genre d'unité portative est d'environ 100 mètres, soit à peu près la longueur d'un terrain de football. Donc, l'écart maximum correspond à cette longueur en latitude et en longitude, et il est peut-être de 150 mètres en hauteur.

• 1250

C'est parfait pour bien des applications, comme la randonnée pédestre et des activités du genre, mais quand on veut être plus précis, dans le domaine agricole par exemple, il faut alors des instruments plus fins.

De nos jours, les applications civiles sont en avance. Par exemple, il existe aujourd'hui une technologie disponible sur le marché, qu'on appelle positionnement différentiel. La station émet d'abord depuis une position connue. À partir de là, on peut déterminer l'erreur du système chaque fois qu'on introduit cette correction. On peut facilement parvenir à des précisions d'un mètre.

La technologie que nous avons mise au point à la division des levés géodésiques est encore plus complexe que cela. Il s'agit du système de contrôle actif. Ce système permet de corriger par un facteur de 100, les données de position transmises par les satellites. On peut ainsi ramener un écart de 100 mètres à environ un mètre.

Et ce système va bientôt être distribué commercialement. Ce petit matériel, disponible sur le marché, vous permettra donc d'obtenir une précision inférieure au mètre, en temps réel; autrement dit vous pourrez vous promener avec un récepteur GPS et, grâce au dispositif de correction, vous obtiendrez une excellente précision.

La technologie des systèmes de positionnement global est celle qui connaît la croissance la plus rapide dans le nouveau domaine des technologies de l'information.

M. Ovid Jackson: Et est-ce que cala va vous rapporter de l'argent, à vous?

M. Marc Denis Everell: Oui, je pense que ce sera très certainement un élément de recette. Ce n'est pas là notre moteur, mais nous voulons tout de même récupérer suffisamment d'argent pour compenser les coûts.

Ce que nous voulons en fait, c'est produire un système qui soit utile au Canada, dans différentes applications. Je vais d'ailleurs dire qu'il s'agit d'un système sans reproche, parce qu'il est tout simplement excellent. Il est reconnu comme tel dans le monde entier. En outre, il sera compatible avec celui utilisé aux États-Unis et ailleurs. En fait, je pense que ce que nous voulons surtout, c'est bâtir et entretenir une bonne infrastructure pour le gouvernement, plutôt que de faire de l'argent. De toute évidence, si cela nous permet de réduire les coûts d'entretien de cette infrastructure de l'information, alors tant mieux.

M. Ovid Jackson: J'aurai une dernière question, monsieur le président.

Est-ce que vous allez passer à la navigation céleste? J'avais l'impression que les Américains allaient lancer un satellite, prochainement. Je ne me rappelle pas où il va être placé. Je crois qu'un expert de l'Université Western de Waterloo a aidé les Américains, parce qu'ils avaient des difficultés à cet égard. Est- ce que vous vous occupez de cela aussi?

M. Marc Denis Everell: Non.

Le président: Monsieur Godin, pour une petite question, parce que si le comité me le permet, j'en aurai, moi aussi, une petite à poser.

M. Yvon Godin: En fait j'ai une remarque à faire. Vous parliez du GPS, n'est-ce pas, de cette machine? Eh bien voici ce que je voulais vous dire. N'allez pas dire aux pêcheurs que ce système n'est pas précis, parce qu'avec un équipement comme ça, ils sont capables de trouver une aiguille au fond de la mer.

Un jour, j'ai voulu leur dire que ce n'était pas précis. Eh bien, ils m'ont contredit, me reprochant que je disais des bêtises, parce qu'ils adorent cette machine.

Pour les pêcheurs, c'est super. Quand il y a du brouillard, et qu'ils veulent aller lever leurs casiers à homard, ce petit appareil les aide beaucoup, même si leur bateau fait 45 pieds. Eux, seraient capable de trouver une aiguille au fond de la mer. N'allez pas leur dire le contraire; pour eux c'est une machine excellente.

Le président: Encore une fois, je m'étonne de voir tout ce que fait le secteur des sciences de la Terre de Ressources naturelles Canada.

Notre comité va entreprendre des consultations en préparation de la Conférence de Kyoto sur le changement climatique. Eh bien, l'une des choses que nous voulons faire, c'est justement de recenser toutes les technologies disponibles ou susceptibles d'être disponibles dans un proche avenir, pour aider le public et le secteur privé à réaliser les objectifs qui nous seront fixés et qui seront fixés à d'autres pays.

Monsieur Everell, pensez-vous que la technologie géoscientifique canadienne puisse aider le Canada et d'autres pays dans tout ce dossier du changement climatique? Je pense que vous en avez parlé brièvement un peu plus tôt, mais comme il s'agit d'un sujet dont on entend de plus en plus parler dans les médias, pensez-vous que le Canada puisse être un chef de file dans cette technologie et aider le secteur privé utilisant cette technologie, et rapporter ainsi un peu d'argent et créer des emplois au pays?

M. Marc Denis Everell: Si vous limitez votre question à la géoscience, j'aurai quelques exemples à vous donner. Mais je crois, s'agissant de changement climatique, que notre ministère domine surtout sur les plans de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables. Bien sûr, il s'agit d'une activité du secteur de l'énergie et de la technologie CANMET. D'ailleurs, je crois que ces gens, viendront bientôt témoigner devant le comité.

• 1255

S'il est un domaine dans lequel la CGC peut avoir un apport— et cela tient peut-être encore du rêve—c'est celui de la séquestration du CO2, qui consiste à emprisonner le CO2 dans la terre, plutôt que de le relâcher dans l'atmosphère. Cette application n'est pas pratique pour tous les types d'émissions de CO2, mais vous pouvez imaginer ce qu'elle donnerait là où on libère d'importantes quantités de CO2 en un seul point. Eh bien, pour limiter les émissions des usines, il est possible de «séquestrer» le CO2.

La CGC peut permettre de comprendre—j'ai parlé tout à l'heure des climats du passé—ce qui pourrait se passer en cas de changement climatique de tel ou tel ordre. Il y a l'effet possible et il y a l'aspect impact. Il s'en trouvera bien sûr qui voudront acquérir cette connaissance ou la commercialiser.

Pour ce qui est des autres aspects du changement climatique, nous participons à certains travaux de modélisation et essayons de comprendre comment on peut reproduire les changements climatiques en intervenant sur les différentes composantes du modèle. Nous avons des gens du secteur de la télédétection qui travaillent sur ce dossier. Ils essaient d'appliquer certaines mesures obtenues par télédétection à l'évaluation de paramètres utiles dans un modèle de changement climatique.

Notre action dans le domaine du changement climatique n'est peut-être pas bien connue, mais sachez que nous travaillons en étroite collaboration avec Environnement Canada. Nous travaillons avec tout le reste du gouvernement en véritable partenariat. Dans toute la mesure du possible, nous nous appuyons les uns les autres pour essayer de comprendre tout ce qui est associé au changement climatique et trouver d'éventuelles solutions.

Le président: Monsieur Everell, je vous remercie, vous-même et vos collègues, pour tout le temps que vous nous avez consacré cet après-midi. Votre comparution constituera une solide fondation sur laquelle nous pourrons appuyer nos discussions futures avec vous- même et avec le secteur que vous représentez. Merci beaucoup.

M. Marc Denis Everell: Ce fut un plaisir.

Le président: Le comité se réunit de nouveau mardi prochain.

La séance est levée.