NRGO Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES AND GOVERNMENT OPERATIONS
COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 11 juin 1998
[Traduction]
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)): La séance du 11 juin du Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales est ouverte.
Je souhaiterai la bienvenue à M. Erik Haites dans quelques minutes et je saluerai certainement sa présence ici parmi nous. Nous prendrons tout d'abord cinq minutes pour parler de questions intéressant le comité. Gilles voulait dire quelque chose. C'est sur son initiative que nous avons invité le ministre Massé à comparaître devant le comité, lequel a accepté d'assister à notre séance de la semaine prochaine, s'il y en a une.
M. Gilles Bernier (Tobique—Mactaquac, PC): Merci, monsieur le président. Le président du Conseil du Trésor devait nous rencontrer la semaine prochaine, mais il semble que vraisemblablement aucun d'entre nous ne sera ici.
Cela étant, à la rentrée d'automne, nous pourrions peut-être réinviter le président du Conseil du Trésor. Je sais qu'il est difficile pour un ministre de fixer une date précise, mais nous pourrions peut-être lui en proposer quelques-unes.
Le président: Je vais demander au greffier de communiquer avec le cabinet du ministre, à supposer que nous ne soyons pas ici la semaine prochaine et qu'il faille annuler cette séance. Je vais demander au greffier d'essayer de fixer quelques dates le plus tôt possible, peut-être en août. Si nous disposions de quelques dates à notre retour vers la fin de septembre pour entendre M. Massé, je suis certain que cela lui serait acceptable. C'est d'accord, Gilles?
M. Gilles Bernier: Merci beaucoup.
Le président: Nous traiterons des autres questions intéressant le comité après l'audition de nos témoins.
Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à Robert Hornung, du Pembina Institute for Appropriate Development. Il est directeur des changements climatiques. M. Erik Haites est un consultant du secteur privé. Il travaille avec Margaree Consultants Inc. C'est un spécialiste des changements climatiques et, je crois, également peut-être de l'échange de droits d'émissions.
Nous sommes heureux de vous accueillir tous deux aujourd'hui dans le cadre de notre étude des changements climatiques du point de vue des ressources naturelles. Nous allons commencer avec M. Haites. Je vous demanderais de vous limiter à 10 minutes de sorte que nous ayons beaucoup de temps pour les questions des députés. Monsieur Haites, vous pouvez commencer.
M. Erik Haites (consultant, Margaree Consultants Inc.): Merci, monsieur le président.
Je crois que le greffier a distribué aux membres du comité un exemplaire d'un document de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie concernant l'échange de droits d'émission. Il s'intitule «Document d'information sur l'échange de droits d'émission des gaz à effet de serre». C'est moi qui ai rédigé ce document et je me propose essentiellement d'en parler pour le moment.
L'échange de droits d'émission est un mécanisme qui réduit le coût du respect de la réglementation en matière environnementale. Je tiens à souligner que c'est un mécanisme qui vise à réduire les coûts, et non pas à changer l'objectif environnemental. Le rendement environnemental est établi tout à fait séparément. Comme pour toute autre réglementation en matière d'environnement, s'il y a non-respect, il n'y a pas réalisation de l'objectif; s'il y a respect, alors on devrait en principe réaliser l'objectif.
L'échange ne modifie pas l'objectif, mais il réduit le coût de réalisation de l'objectif fixé, quel qu'il soit. Ce qu'il en coûte pour respecter toute réglementation environnementale varie habituellement selon les sources touchées par cette réglementation. L'échange permet simplement aux sources qui réussissent à contrôler leurs émissions à faible coût d'en faire plus aux termes de la réglementation et de vendre les crédits ou quotas excédentaires aux sources qui se heurtent à des modes de contrôle coûteux.
On suppose que le prix des permis ou des quotas est inférieur au coût de contrôle pour les compagnies très polluantes. Elles épargnent de l'argent en achetant plutôt qu'en mettant en oeuvre des mesures qui leur sont propres. Les sources qui peuvent le faire à moindre coût gagnent de l'argent en procédant à de plus grandes réductions.
La participation à l'échange est tout à fait facultative. Comme pour tout échange commercial, les deux parties doivent s'entendre sur l'objectif et être convaincues de bénéficier des résultats.
C'est là-dessus que repose essentiellement du point de vue environnemental et économique l'échange de droits d'émission.
Malheureusement, dans ce domaine, la terminologie continue encore d'évoluer. Dans ce document, j'ai établi une distinction entre deux grandes catégories d'échange de droits d'émission qui comportent chacune deux sous-catégories.
Les deux grandes catégories sont les systèmes d'échange et de plafonnement ou l'échange de quotas. Il s'agit du même mécanisme. Le deuxième grand mécanisme est l'échange de crédits.
Dans un système d'échange et de plafonnement, l'organisme chargé de la réglementation environnementale fixe un plafond pour l'ensemble des émissions d'un polluant donné par une série de sources qui sont visées par cette réglementation. Celles-ci sont tenues de participer au programme d'échange. Le plafond qui représente le total des émissions est réparti entre les participants au programme. Ils doivent rendre compte de leurs émissions réelles et détenir des quotas équivalant à ces émissions.
Si celles-ci sont supérieures aux quotas qui leur ont été accordés, ils doivent en acheter de certains des autres participants au programme. Si leurs émissions réelles sont inférieures aux quotas qui leur ont été attribués, ils disposent donc d'excédents qu'ils peuvent vendre à d'autres. Le plafond ne change pas. Il s'agit uniquement d'une redistribution qui s'effectue par le biais de l'échange.
Dans un système d'échange et de plafonnement, il est utile de distinguer entre l'échange de droits d'émission, par lequel on mesure les émissions réelles dans l'atmosphère, et l'échange de quotas de substances, par lequel on contrôle une substance éventuellement émise dans l'atmosphère. Il est plus facile de contrôler la substance que de mesurer les émissions réelles.
• 1115
Soit dit en passant, il n'existe au Canada aucun programme
d'échange de droits d'émission, mais il y en a un certain nombre
aux États-Unis. Les exemples auxquels je me reporterai sont tous
américains.
Il existe aux États-Unis un programme d'échange de droits d'émission du SO2 pour les services publics d'électricité et un programme d'échange Reclaim pour le contrôle des émissions de NOx et de SOx dans le South Coast Air Quality Management District.
Les programmes d'échange de quotas de substances mis en oeuvre aux États-Unis concernaient le contenu en plomb de l'essence au plomb pour contribuer à l'élimination graduelle du plomb dans l'essence et des CFC.
Le programme d'échange de crédits fonctionne selon un principe légèrement différent. On mesure les émissions réelles d'une source donnée et l'on établit dans des documents qu'on a pris des mesures pour réduire ces émissions à un niveau inférieur à ce qu'elles auraient autrement été ou à un niveau inférieur à ce qu'elles auraient été autorisées à être. On dispose habituellement d'un niveau de base de ces émissions. Les réductions permettent d'obtenir des crédits qui peuvent ensuite être vendus à d'autres sources qui doivent respecter les exigences de la réglementation.
Chaque mesure prise pour créer des crédits est dans un certain sens unique. Donc, créer des crédits est habituellement plus coûteux et moins rapide qu'un programme d'échange et de plafonnement.
Aux États-Unis, il y a eu des programmes d'échange de crédits pour la réduction des émissions surtout au niveau municipal dans le cas d'infraction aux polluants locaux étant donné que de nouvelles sources entrent dans les catégories de non-respect. Il y a eu des projets pilotes aux États-Unis comme au Canada.
Permettez-moi maintenant de parler des gaz à effet de serre et du Protocole de Kyoto. Celui-ci comprend trois mécanismes pour l'échange de droits d'émission à l'échelle internationale.
Un de ces mécanismes est tout simplement appelé échange de droits d'émission. Je le mettrais dans la catégorie du système d'échange et de plafonnement. Les pays de l'annexe B du protocole qui ont accepté des engagements pour la période comprise entre 2008 et 2012 disposent d'une quantité allouée et des portions de cette quantité allouée peuvent être échangées entre les pays de l'annexe B. L'attribution ou la distribution des droits d'émission est déterminée selon les engagements pris aux termes du protocole et ces engagements peuvent être échangés.
Le mécanisme suivant est la mise en oeuvre conjointe entre les pays de l'annexe B. Il s'agit d'un programme d'échange de crédits. Les parties ou les entités de deux ou plusieurs parties à l'annexe B peuvent prendre des mesures pour réduire les émissions dans l'un des pays de l'annexe B puis transférer ces réductions d'émissions à l'un des pays investisseurs.
Le troisième mécanisme est celui du développement propre. Encore une fois, c'est une forme d'échange de crédits. Des mesures peuvent être mises en oeuvre dans les pays en développement et les réductions peuvent être utilisées par les pays de l'annexe B pour compenser les émissions dans les pays de l'annexe B comme le Canada. Le Canada financerait les réductions d'émissions dans les pays en développement et utiliserait les crédits obtenus par ces réductions pour permettre des émissions plus élevées au Canada.
Les détails des règles de ces trois mécanismes doivent être mis au point. Nous ne savons pas précisément comment ils fonctionneront. En principe, le fait que l'échange de droits d'émission pour les gaz à effet de serre soit autorisé à l'échelle internationale devrait permettre des économies de coûts plutôt important pour respecter les engagements pris aux termes du Protocole de Kyoto.
Je crois que je vais en rester là. Il y a certaines activités en cours aux États-Unis et au Canada à cet égard. Si les députés ont des questions, je serai heureux d'y répondre.
Le président: Merci, monsieur Haites.
Je crois que la question de l'échange de crédits sera au coeur de tout le processus nous permettant d'obtenir du succès dans les changements climatiques. Il est certain qu'on en évalue les avantages et les inconvénients. Nous vous remercions de ces commentaires d'ouverture.
• 1120
Monsieur Hornung, nous vous remercions d'être venu nous
rencontrer. Nous vous saurions gré de limiter vos remarques
d'ouverture à 10 minutes. Nous passerons ensuite aux questions.
M. Robert Hornung (directeur, Changements climatiques, Pembina Institute for Appropriate Development): Monsieur le président, je vous suis très reconnaissant de m'avoir invité et je m'excuse de mon arrivée tardive.
On parle certes beaucoup ces jours-ci d'échange de droits d'émission. En fait, il s'est formé une sorte de mouvement d'enthousiasme qui va de l'avant et qui affirme que l'échange de droits d'émission est la façon de traiter de la question des changements climatiques. Je suis ici pour vous mettre en garde.
Je crois que s'il est conçu de façon appropriée, l'échange de droits d'émission peut constituer un outil très utile susceptible d'aider le Canada et d'autres pays à respecter les engagements qu'ils ont pris au titre de la réduction d'émissions à moindre coût. Dans le cas contraire, ce système pourrait servir d'échappatoire qui ira à l'encontre des objectifs environnementaux que nous essayons de poursuivre. Mais tout dépend des détails et nous n'en avons pas beaucoup sur la façon dont tout cela va fonctionner.
Pour mettre les choses dans leur contexte, je dirai qu'il n'existe actuellement aucun système d'échange de droits d'émission pour les gaz à effet de serre quelque part dans le monde. Comme M. Haites l'a indiqué, le Protocole de Kyoto ouvre la voie à une gamme d'éventuels mécanismes d'échange de droits d'émission dont les détails doivent encore être précisés.
Au Canada, quelques programmes sont en cours relativement à l'échange de crédits, du genre dont M. Haites a parlé, en Colombie-Britannique et en Ontario. Il n'y a actuellement au Canada aucun programme pilote ou quoi que ce soit qui concerne l'échange de quotas.
Je vais me concentrer un peu sur le Protocole de Kyoto et donner quelques exemples de la façon dont l'échange de droits d'émission, s'il est mal conçu, pourrait causer du tort. Cela ne se veut pas une prédiction de ce qui arrivera aux termes du Protocole de Kyoto, mais plutôt de ce qui pourrait arriver et dont nous devons être conscients.
Comme l'a fait remarquer M. Haites, le Protocole de Kyoto contient des dispositions pour l'échange de quotas. Essentiellement, chaque pays de l'annexe B recevra des quotas lui permettant d'émettre un certain montant de gaz à effet de serre. En l'an 2010, le Canada recevra des quotas lui permettant d'émettre des gaz à effet de serre 6 p. 100 inférieurs aux niveaux de 1990. Tous les pays participants recevront de tels quotas.
Une des raisons pour lesquelles certains s'inquiètent, c'est que certains de ces quotas et certains des objectifs fixés ne sont pas très ambitieux. L'objectif fixé pour le Canada cependant l'est certainement.
Regardons la situation dans d'autres pays. Prenons l'exemple de la Russie. Aux termes du Protocole de Kyoto, la Russie doit stabiliser ses émissions de gaz à effet de serre aux niveaux de 1990 d'ici l'an 2010. Dans les huit années qui se sont écoulées depuis 1990, les émissions de gaz à effet de serre de la Russie ont diminué d'environ 30 p. 100. Même aux termes des scénarios et des projections les plus optimistes, on ne s'attend pas que les émissions de la Russie reviennent vraiment aux niveaux de 1990 d'ici l'an 2010, mais elle est autorisée à en émettre autant. Elle disposera donc de quotas qu'elle pourra vendre.
Supposons que les émissions de la Russie réaugmentent de 90 p. 100, ce qui lui restera 10 p. 100 de quotas qu'elle pourra vendre. Le Canada pourrait en acheter un. Cela donnera au Canada l'occasion d'accroître ses émissions, de dépasser son objectif, mais nous n'aurons en fait constaté à aucune réelle réduction d'émissions en Russie. Il se trouvera seulement que la Russie avait des quotas excédentaires à cause de la façon dont ils ont été attribués au départ. C'est une perte pour l'environnement. Cela signifie que certains pays accroîtront leurs émissions sans qu'il y ait diminution correspondante des émissions. C'est ce qu'on qualifie de «échange d'air chaud» et c'est une préoccupation.
L'autre type d'échange dont Erik a parlé aux termes du Protocole de Kyoto est l'échange de crédits. Il en est question dans la mise en oeuvre conjointe du mécanisme de développement propre. Il se pose également des questions à cet égard.
Si le Canada investit dans une réduction d'émissions dans un pays en développement, ce qui est une bonne chose avec laquelle je serais certainement d'accord, et que le pays en développement, comme c'est maintenant le cas selon le Protocole de Kyoto, n'a aucun engagement exécutoire, cela signifie que le Canada achète sa réduction d'émissions. Il est autorisé à accroître ses émissions, mais on n'a en fait aucune garantie que les émissions baisseront dans l'ensemble parce que les émissions dans le pays en développement pourraient se déplacer ailleurs.
On a également une situation où le Canada investit dans un pays en développement, dans une réduction d'émissions, qui se serait produite de toute façon même si le Canada n'avait pas fait cet investissement. Dans ce cas-là, le Canada est autorisé à accroître ses émissions, mais dans les faits, rien n'a changé. La réduction des émissions se serait produite de toute façon, de sorte que c'est une autre perte pour l'environnement.
C'est ce qu'on appelle la question de l'additionnalité, à savoir faire en sorte que les réductions d'émissions achetées sont supérieures à ce qui se serait produit de toute façon.
• 1125
Quand on regarde l'avenir et que nous voyons ces projections
alarmantes, nous savons que les émissions de gaz à effet de serre
du Canada vont être de 19 p. 100 supérieures aux niveaux de 1990
d'ici l'an 2010, mais cela ne signifie pas que nous ne faisons rien
dans ce pays pour réduire ces émissions. On fera beaucoup de choses
pour les réduire.
Nous voulons nous assurer que ce que nous essayons d'encourager par le biais de systèmes comme l'échange de droits d'émission corresponde dans les faits à quelque chose que nous faisons de plus pour infléchir cette courbe. Cela signifie que ces réductions d'émissions devront être additionnelles.
À cet égard, j'aimerais prendre un moment pour soulever un point évoqué hier à la Chambre au sujet de la position du Canada et la question de savoir dans quelle mesure ces mécanismes de flexibilité contenus dans le Protocole de Kyoto devraient être utilisés.
Au cours des derniers mois, la ministre de l'Environnement, Mme Stewart, a fait un certain nombre de déclarations publiques indiquant que le Canada parviendra à réduire ses émissions en grande partie ici au pays.
Dans le cadre des négociations internationales qui se poursuivent actuellement à Bonn, un document a été présenté. Le Canada est l'un des partisans favorables à sa mise en oeuvre. Ce document propose de n'imposer en fait aucune limite au recours à ces mécanismes de flexibilité. Essentiellement, les pays n'ont pas à effectuer la majorité de leurs réductions d'émissions au pays même. Ils pourraient en fait y arriver en achetant soit des quotas ou des crédits à l'extérieur du Canada. Je dirais qu'une telle position est à courte vue pour un certain nombre de raisons.
Tout d'abord, tout le monde convient que l'une des grandes lacunes du Protocole de Kyoto est qu'on ne dispose d'aucun engagement exécutoire pour les pays en développement. Il est peu probable que ces derniers adhèrent au protocole à moins qu'ils aient une preuve que les pays industrialisés ont pris des mesures plus percutantes chez eux pour réduire leurs émissions. Si nous envoyons comme signal que nous sommes prêts à autoriser les pays industrialisés à réaliser la plupart de leurs réductions d'émissions dans les pays étrangers pour faire face à leurs engagements, je dirais que ce n'est pas un très bon signal à envoyer aux pays en développement.
Si, au bout du compte, le Canada tient toujours à la position que le ministre de l'Environnement a définie quant au respect par le Canada de la majorité de ses obligations en matière de réduction d'émissions au pays, je dirais que nous ferions mieux de veiller à ce que toutes les nations industrialisées aient à respecter des obligations semblables et à ce qu'il soit interdit aux autres pays de pouvoir compter sur d'autres réductions provenant de l'extérieur du pays.
Je dirais enfin qu'il ne faut pas oublier que Kyoto n'est que la première étape vers la protection du climat. Il va sans doute y avoir à l'avenir d'autres engagements plus importants visant la réduction des émissions. Il en résulte que le Canada doit commencer dès maintenant à se préparer aux changements à long terme qui devront avoir lieu pour que notre économie devienne moins axée sur les combustibles fossiles et plus orientée vers l'économie d'énergie.
J'aimerais vous parler un peu de l'échange de droits d'émission au pays.
Les programmes d'échange de crédits comme ceux que M. Haites a décrits peuvent contribuer à la réduction des émissions totales de gaz à effet de serre, à la condition d'être suffisamment bien articulés. Cette contribution serait sans doute de faible portée mais elle ne serait pas insignifiante et nous devrions encourager les efforts en ce sens.
Il y a des questions que nous devrons régler si nous voulons établir un système d'échange de crédits. Ce sont en fait des questions que l'on travaille déjà à régler par le biais des programmes pilotes que j'ai décrits tout à l'heure.
L'une de ces questions est le fait qu'il y a des frais de transaction élevés pour les entreprises participant à un régime d'échange de crédits. Essentiellement, il faut surveiller de près chaque projet et chaque crédit de réduction d'émission afin de les vérifier et de les faire approuver. Voilà qui coûte cher pour une entreprise. N'empêche que les coûts peuvent quand même être moins élevés que certaines autres options, d'où l'intérêt que ces régimes peuvent présenter, mais ce n'est certainement pas une méthode bon marché.
D'autres questions concernent la mesure et la vérification des réductions d'émission. Il nous est beaucoup plus facile de mesurer les réductions d'émission découlant d'un projet d'économie d'énergie que les réductions d'émission découlant de nouvelles méthodes de travail du sol qui peuvent permettre de séquestrer davantage de carbone dans le sol. De telles réductions ne sont pas impossibles à mesurer, mais il est plus difficile de le faire et cette mesure présente des problèmes.
Le troisième point que je veux soulever se rapporte à ce que j'ai dit tout à l'heure à propos de l'additionnalité. Même si le Canada a ratifié le Protocole de Kyoto et qu'un plafond est établi pour que nous puissions respecter cet engagement de 6 p. 100, si nous permettons l'échange de crédits et qu'une entreprise fait un investissement au Canada pour réduire les émissions, investissement qui aurait eu lieu de toute façon, cela revient essentiellement à permettre à l'entreprise d'augmenter ses émissions.
Il n'y a pas vraiment d'avantage net pour nous parce que cette réduction d'émission se serait produite de toute façon, d'après ce que nous pouvions prévoir. Il nous faut parvenir à encore d'autres réductions d'émission. Il faudra maintenant déplacer ce fardeau vers d'autres entreprises, autres que celle qui a fait l'investissement. Il y a des questions d'équité et aussi en un sens des questions de répartition qui font que ce problème d'additionnalité revêt une importance certaine.
• 1130
J'aimerais dire quelques mots également au sujet de l'échange
de quotas. En général, l'échange de quotas recueille beaucoup plus
d'appui dans les milieux intéressés à l'environnement que l'échange
de crédits. La raison à cela est simplement le fait, comme
M. Haites l'a indiqué, que l'échange de quotas se fait en
établissant un plafond pour les émissions. On établit l'objectif
sur le plan environnemental. On établit un plafond. L'échange vous
permet d'y parvenir d'une manière plus rentable. De ce point de
vue-là, il s'agit donc d'une bonne chose. Il y a cependant deux ou
trois facteurs qui font que la mise en oeuvre d'un tel système peut
être très difficile.
Supposons que nous établissons un plafond et un système d'échange qui ne s'appliquent qu'à certaines sources d'émission au Canada. Par exemple, on peut difficilement imaginer que les propriétaires de maison se mettront à participer à un système d'échange de droits d'émission; donc disons qu'il est limité aux importantes sources industrielles telles que les services d'électricité ou les grandes entreprises consommatrices d'énergie.
Comment déterminer le plafond qui convient pour ces sources d'émission en tenant compte des efforts que font tous les autres pour réduire les émissions? C'est une décision difficile. À partir de quels critères peut-on attribuer de tels quotas ou établir un tel plafond?
Disons que nous prenons une décision quant au plafond global que ces entreprises devront respecter. Comment procédons-nous pour attribuer les quotas en fonction de ce plafond? Quelle quantité est fixée pour chaque entreprise? Comment cette quantité peut-elle être modifiée au gré des circonstances. Que faire dans le cas d'une nouvelle entreprise qui se lance dans le secteur? Comment procédons-nous pour lui attribuer des quotas?
Voilà des questions très détaillées et pointilleuses. Quel aria que de voir y répondre. Il faut toutefois y répondre car la crédibilité et l'efficacité du système en dépendent.
Il n'y a pas de réponse unique à ces questions. Tous n'ont pas la même conception de ce qui est juste et équitable. De fait, au bout du compte, les décisions concernant le plafond et le système d'échange et de quotas vont être des décisions politiques. On peut certainement dire à propos du dossier du changement climatique au Canada que c'est un domaine où l'on a eu beaucoup de difficulté au cours des dernières années à parvenir à un consensus politique quelconque sur la façon de procéder.
J'ai une dernière chose à dire qui se rapporte indirectement à l'échange de droits d'émission. On en a entendu beaucoup parler dernièrement et cela s'appelle le crédit pour les mesures immédiates. À la dernière réunion mixte des ministres, les ministres fédéral et provinciaux de l'Énergie et de l'Environnement ont fait savoir qu'ils allaient mettre en place au Canada un système permettant de bénéficier de crédits pour les mesures prises dès le printemps de 1999.
Établir un crédit pour les mesures immédiates est une bonne idée. J'aimerais bien savoir cependant ce que l'on entend par là. C'est l'une des expressions les plus à la mode dans le débat sur le changement climatique et aussi l'une des moins bien comprises et des moins bien définies.
Il y a deux ou trois façons de l'aborder. Si nous y voyons un moyen de ne pas pénaliser plus tard les entreprises qui agissent dès maintenant pour réduire les émissions, au cas où un régime d'échange de droits d'émission est établi, je pense que tous s'entendraient pour dire qu'il s'agit là d'une bonne mesure. Oui, nous devons veiller à ce que les entreprises ne soient pas pénalisées.
Si d'autre part l'on maintient que les entreprises devraient recevoir une sorte de crédit dans le cadre d'un futur régime d'échange de droits d'émission lorsqu'elles décident d'agir immédiatement, une telle façon de procéder est aussi quelque chose que nous devrions sans doute examiner et envisager. Je n'ai pas vu beaucoup de plans pratiques ou concrets qui ont été proposés pour expliquer comment nous y procéderions concrètement, mais c'est quelque chose que nous devrions examiner.
À mes yeux, tout le débat du crédit pour les mesures immédiates est symptomatique de tout le débat qui entoure le changement climatique au Canada. Nous avons ici un exemple de toute l'énergie et de tout le temps que nous pouvons consacrer à essayer de définir un incitatif pour que les entreprises réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre, incitatif qui en fait ne sera mis en oeuvre que si nous décidons d'adopter plus tard un régime quelconque d'échange de droits d'émission.
Ce sont des mesures qu'il vaut la peine d'examiner, mais j'aimerais bien que nous consacrions davantage de temps dans notre pays à réfléchir concrètement aux incitatifs que nous pourrions mettre à la disposition des entreprises dès aujourd'hui, de vrais incitatifs, pour les encourager à réduire tout de suite les émissions de gaz à effet de serre. Je dirais qu'il faudra s'occuper davantage de cette question au cours des mois à venir.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Hornung. Nous apprécions ces deux exposés. Nous voyons bien que c'est un sujet complexe.
J'invite Dave Chatters à poser les premières questions. La parole sera ensuite à Roy.
M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Monsieur le président, plus nous nous penchons sur ce dossier, plus il devient évident qu'il y a plus de questions qui sont soulevées qu'il n'y a de réponses qui sont proposées. Les témoins experts que nous avons invités ont posé eux-mêmes la plupart des questions que j'avais moi-même. Nous les convoquons ici pour qu'ils nous donnent des réponses aux questions, donc il faut dire que nous n'avançons pas beaucoup.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Les borgnes sont rois au royaume des aveugles.
M. David Chatters: Vous avez raison.
Je partage les mêmes inquiétudes que M. Hornung au sujet de tout ce système. Moi-même et tous mes concitoyens nous nous demandons vraiment comment ce système va fonctionner, combien il va coûter et qui en fera les frais.
Toute cette idée de crédits d'émission et d'échange de droits d'émission va exiger selon moi une énorme bureaucratie pour que l'on puisse recenser les sources de gaz à effet de serre et ensuite surveiller les réductions et les crédits qui sont échangés. Procéder ainsi à l'échelle mondiale représente un défi de taille.
L'autre aspect, et je l'ai déjà mentionné ici au comité, concerne les pans entiers d'activité économique qui pourraient quitter le Canada au profit d'autres pays, le résultat net étant simplement le maintien du statu quo ici au Canada. Il est question de permettre aux entreprises du pays d'augmenter leurs émissions de gaz à effet de serre par l'achat de crédits. Selon moi, il sera nécessaire de procéder à ce transfert massif de richesse et d'activité économique simplement pour permettre à l'industrie du pays de maintenir le statu quo et de ne pas augmenter ses émissions. C'est une situation vraiment inquiétante.
Nous avons vu ce qui s'est produit dans le secteur minier lorsque les entreprises minières ont décidé, pour diverses raisons, de quitter le Canada et de s'établir dans d'autres parties du monde. La même chose peut certainement se produire dans ce cas-ci. Voilà donc une autre chose inquiétante.
Toute la question de l'échange de droits d'émission a été mise sur le tapis et on a voulu savoir quels allaient en être les coûts et qui allait se charger de surveiller tout cela. On n'y aborde sans doute qu'un tiers du problème, les autres deux tiers étant le transport et l'activité humaine, le chauffage des habitations et la croissance démographique dans le monde. Ce sont toutes des choses qui ne semblent pas avoir leur place dans cette idée.
Comment allons-nous faire pour tenir compte des autres problèmes et pour entreprendre les changements nécessaires pour effectuer les réductions, lorsqu'il n'est même pas question d'avoir une stratégie en place avant la fin de 1999, sans parler des résultats concrets qu'il faut avoir obtenus avant 2008? Les délais sont vraiment serrés pour établir le type d'organisation dont nous parlons ici et pour procéder à tous ces échanges et à ces transferts d'activité économique et de richesse. Toute la situation fait multiplier les questions plutôt que d'apporter des réponses.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de tout ce scénario. C'est vraiment quelque chose de renversant.
M. Erik Haites: Je vais répondre aux trois points que vous avez soulevés.
Premièrement, vous avez parlé de l'énorme bureaucratie qui sera nécessaire. Selon l'expérience des organismes de réglementation aux États-Unis qui ont mis en oeuvre des programmes d'échange de droits d'émission, le personnel et les ressources financières nécessaires pour administrer ces programmes sont beaucoup moins importants que le personnel et les ressources qu'il faut pour administrer d'autres types de réglementations environnementales.
M. David Chatters: On ne parle là que des mesures à l'intérieur du pays.
M. Erik Haites: En effet.
M. David Chatters: Il est question ici d'un programme mondial.
M. Erik Haites: J'en conviens. Je pense que certaines des propositions à l'échelle mondiale exigent essentiellement très peu de personnel supplémentaire qui s'ajouterait à celui qu'il faut pour faire respecter le protocole même. Une façon d'y parvenir consisterait à simplement demander des droits pour les échanges, qui permettraient de couvrir les coûts additionnels, par exemple les coûts du registre permettant de savoir qui sont les propriétaires des avoirs. On pourrait s'attendre à ce que tout le système s'autofinance au moyen de droits.
M. David Chatters: Qui s'en occuperait?
M. Erik Haites: On procéderait par appel d'offres. Ce qu'il faut, c'est un registre. Il y a des douzaines de marchés boursiers dans le monde où des registres d'actionnaires sont tenus. L'agence américaine de protection de l'environnement a un système où sont enregistrés quelques milliers de participants et qui permet de suivre leurs programmes visant le dioxyde de soufre. Ils pourraient être prêts à présenter une soumission.
M. David Chatters: Selon vous, c'est une activité qui se déroulerait dans le secteur privé par opposition à une organisation à laquelle cotiserait le Canada.
M. Erik Haites: Je dirais que tout cela relèvera à un moment donné d'un secrétariat du changement climatique ou d'une organisation internationale quelconque qui en définira les orientations. Je ne vois pas pourquoi le système ne pourrait pas être confié en sous-traitance à une institution qui s'occupe déjà d'un registre d'échange d'actions ou de droits d'émission ou d'autres activités de cette nature.
M. David Chatters: Qui lancerait l'appel d'offres?
M. Erik Haites: Je suppose que ce serait le secrétariat du changement climatique.
M. David Chatters: Je dirais que c'est logique, oui.
Il a été question des Nations Unies et de la responsabilité qui pourrait lui revenir dans ce dossier. Voilà qui a de quoi nous effrayer vu l'efficacité de cette organisation.
M. Erik Haites: Vous avez raison. Je dirais que les entreprises préféreraient que cela se fasse dans le secteur privé et verraient certainement d'un bon oeil le recouvrement intégral des coûts.
Le deuxième point que vous avez soulevé est le coût de l'échange des droits d'émission et la possibilité que les entreprises soient poussées à quitter le Canada. Voici ce que j'en pense.
Si nous imposons des obligations aux sources au Canada afin de limiter les émissions, il en résulte des coûts pour ces entreprises d'une façon ou d'une autre. Elles peuvent soit réduire les émissions dans leurs propres installations et demeurer au Canada ou elles peuvent acheter des crédits. Il faut supposer qu'elles opteront pour la méthode qui coûte le moins cher.
Il est possible que l'échange de droits d'émission coûtera moins cher, car autrement elles ne s'y intéresseront pas. Dans la mesure où elles vont recourir à l'échange, je dirais qu'il faut voir là une preuve qu'elles sont toujours concurrentielles, d'où la probabilité qu'elles vont demeurer au Canada.
M. David Chatters: Vous nous dites donc qu'elles sont placées devant l'alternative suivante: mener leurs activités économiques dans d'autres pays parce qu'il leur en coûte moins cher de le faire là-bas ou acheter des crédits dans d'autres pays où l'on peut se permettre de s'en défaire. Vous avez parlé de la Russie. D'une manière ou d'une autre, il est question ici d'un déplacement de l'activité économique ou d'un déplacement de la richesse économique.
M. Erik Haites: Non. Je dirais que le choix est triple: elles peuvent rester au Canada et mettre en oeuvre des mesures visant leurs propres activités; elles peuvent rester au Canada et recourir à l'échange de droits d'émission parce que cela coûte moins cher que de mettre en oeuvre des mesures; elles peuvent aller s'installer ailleurs.
Je maintiens qu'elles opteraient pour l'échange de droits d'émission parce que cela coûte moins cher que d'adopter des mesures au pays. C'est ainsi qu'à cause de l'échange de droits d'émission, elles seraient moins portées à aller s'installer ailleurs, vu que cela coûte cher. Un tel régime n'élimine certainement pas cette possibilité, mais je crois qu'il réduit les incitatifs financiers pour l'adopter.
Je reviens à ce que disait M. Hornung dans ses remarques liminaires, selon lesquelles nous devrions adopter une perspective à plus long terme dans ce dossier et nous dire que la meilleure solution à long terme ne consiste peut-être pas à permettre à quiconque au Canada d'acheter des crédits correspondant à 100 p. 100 de la réduction.
M. David Chatters: Une telle chose est-elle possible? Ne dit-on pas dans le Protocole de Kyoto que la plus grande partie des réductions doivent avoir lieu à l'intérieur du pays même?
M. Erik Haites: Selon le protocole, l'échange d'actions dans le cadre du régime d'échange de droits d'émission, la mise en oeuvre conjointe ou le mécanisme de développement propre doivent être des mesures complémentaires. Il y a un débat intensif qui se poursuit toujours quant à savoir ce que l'on entend par là. Certains pays disent qu'il ne faut pas y voir autre chose que des mesures complémentaires.
Le troisième point que vous avez soulevé concerne les mesures à prendre pour que soient comprises dans un programme d'échange les émissions provenant de sources autres que les grands secteurs industriels. D'un point de vue conceptuel, il y a une façon relativement simple d'y procéder.
Je vais m'en tenir aux émissions de gaz carbonique liées à la consommation d'énergie parce que celles-ci représentent 80 p. 100 de l'ensemble de nos émissions, mais la situation est la même dans le cas des autres secteurs. Nous aurions un programme d'échange visant la teneur en carbone des combustibles fossiles au point de production et d'importation. La production de pétrole brut, la production de charbon, les importations de pétrole brut et les importations de produits pétroliers comporteraient des limites sur la teneur totale en carbone. C'est ainsi que seraient visés tous les combustibles fossiles utilisés au Canada, qu'ils finissent par servir à la fabrication d'essence à la production d'électricité, au chauffage des habitations ou à quoi que ce soit. De cette façon, toutes ces sources sont visées.
M. David Chatters: Une taxe sur le carbone.
M. Erik Haites: En effet. Ce n'est pas une taxe sur le carbone si leur distribution est gratuite; c'est une taxe sur le carbone si ces sources font l'objet d'une option.
M. David Chatters: Oui, nous le savons.
Merci, monsieur le président.
Le président: Nous pouvons toujours revenir à vous, si vous le voulez. Roy Cullen. Oh, excusez-moi, monsieur Hornung. J'aurais dû vous offrir ce temps de parole.
M. Robert Hornung: Non, ça va. M. Haites a très bien répondu aux questions.
Le seul point dont je veux parler, c'est la question du transfert de richesse. Si le Canada achète beaucoup de ses quotas de réduction des émissions ailleurs et que beaucoup d'argent quitte le pays, par exemple, cela posera sûrement un problème. Mais j'ajouterais qu'il est possible que cela crée aussi des retombées pour notre pays.
Par exemple, si le Canada pouvait investir dans l'ex-Union soviétique grâce à son savoir-faire dans le domaine du pétrole et du gaz pour réduire les émissions de méthane des pipelines qui fuient... eh bien, il y a énormément de ces pipelines. Si seulement nous prouvons une fois que nous pouvons bien le faire, alors peut-être que quelqu'un d'autre nous demandera aussi de le faire pour son pipeline. Ce secteur offre donc beaucoup de débouchés.
M. David Chatters: Bien franchement, je ne crois pas que ce soit réaliste. Notre industrie pétrolière et gazière a tenté de faire cela dans l'ex-Union soviétique. Elle y a renoncé après avoir subi de grosses pertes financières. Il faudra que les choses évoluent avant que cela devienne possible.
M. Robert Hornung: Cela se rattache au deuxième point que j'allais soulever. Quand nous parlons d'augmentation des coûts et du fait d'encourager les entreprises à investir à l'étranger, nous devons toujours tenir compte des coûts dont nous parlons. Les coûts de l'énergie sont importants pour bien des entreprises, mais beaucoup d'autres problèmes vont se poser quand il s'agira par exemple d'établir une entreprise au Kazakhstan ou ailleurs.
M. David Chatters: Qui va vous payer.
M. Robert Hornung: En effet. Il y a aussi beaucoup d'obstacles dans ce domaine. Je vais m'arrêter ici.
Le président: Merci. Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen: Merci, monsieur Haites, monsieur Hornung. De temps à autre, l'une de nos tâches de politicien, c'est de rendre simple ce qui est complexe. Parfois, c'est toute une tâche.
Le président: C'est plus facile quand c'est simple au départ.
M. Roy Cullen: Cette question n'est manifestement pas simple. J'aimerais tout d'abord présenter un exemple. Parfois les exemples peuvent nous aider à différencier les diverses méthodes.
Mais avant cela, monsieur Hornung, vous avez parlé d'encouragements immédiats. C'est quelque chose que j'appuie. Il y a deux façons de le faire. Vous avez parlé de la nécessité de donner des encouragements et des crédits le plus tôt possible. Je crois que notre comité va devoir aussi à un moment donné examiner d'autres instruments économiques, en plus des permis négociables, des encouragements fiscaux, etc. Il y a une raison pour laquelle j'appuie cela.
Vous pourriez peut-être nous parler de l'échange international de crédits. Vous avez parlé des investissements faits à l'étranger et de la possibilité d'utiliser les crédits de cette façon. Des entreprises pensent, m'ont-elles dit, que des crédits vont faire partie de leurs produits ou services.
Par exemple, l'industrie du ciment croit que son produit, si l'on tient compte de son cycle de vie, est moins dangereux pour l'environnement que d'autres produits. Je sais que des gens de l'industrie de transformation du bois seraient prêts à débattre de cette question du cycle de vie. Mais ces gens-là m'ont dit qu'ils s'attendent à recevoir beaucoup de crédits pour le ciment qu'ils exportent. Cela m'a surpris.
C'est pourquoi le plus tôt nous réglerons cette question, le mieux ce sera, parce que je crois que certaines personnes ont des attentes qui sont peut-être irréalistes. Et il y a peut-être des gens qui se retiennent. Pourriez-vous nous en parler brièvement? Va-t-il y avoir un système pour les crédits inclus dans les produits? Nous avons entendu dire par exemple que nous avons déjà un plan pour l'hydroélectricité, mais il devrait y avoir moyen d'obtenir des crédits pour cela. Pouvez-vous nous donner des explications?
M. Robert Hornung: Je vais essayer de le faire en me servant d'un exemple, pour rendre simple ce qui est complexe.
• 1150
Le Canada exporte beaucoup de gaz naturel aux États-Unis. Nul
doute qu'une partie de ce gaz naturel réduit les émissions
américaines de gaz à effet de serre parce qu'il remplace par
exemple les centrales électriques alimentées au charbon. Bien
entendu, d'aucuns ont prétendu—et de fait le gouvernement canadien
a fait la même chose à différentes occasions—que nous devrions
recevoir des crédits pour ces réductions d'émissions.
Ce débat a eu lieu une fois au sein de la communauté internationale. Il ne s'agissait pas de cet exemple-là; il s'agissait des exportations d'hydroélectricité en Scandinavie, qui ont cessé. Cela ne signifie pas que cela peut se produire de nouveau, mais ils sont passés par là une fois.
Le problème tient en partie au fait que cela accroît beaucoup la complexité du contrôle et de la vérification de ce qui se passe. Il est très facile pour nous de dire que le gaz que nous expédions là-bas réduit les émissions, mais tout ce que nous faisons, c'est de le mettre dans le pipeline. Où aboutit-il et à quoi sert-il? Je suis sûr que dans certains cas cela fait une grosse différence. Et je suis sûr que dans d'autres cas, c'est peut-être le contraire.
On atteint un autre niveau de complexité quand il s'agit du cycle de vie dont vous avez parlé. Si vous avez ici à Ottawa un véhicule alimenté au gaz naturel et un autre fonctionnant à l'essence, vous pouvez probablement dire que le véhicule alimenté au gaz naturel va produire moins d'émissions de dioxyde de carbone. Il reste à voir toutefois si le gaz naturel qui alimente un véhicule aux États-Unis, où le gaz naturel provient d'une usine de gaz sulfureux située dans le Nord-Est de la Colombie-Britannique et doit être transporté par pipeline jusqu'aux États-Unis, où il faut tenir compte aussi de ces soi-disant émissions liées au cycle de vie, il reste à voir, dis-je, si le gaz naturel est supérieur alors au pétrole et à l'essence. À vrai dire, les analyses sont insuffisantes à ce sujet.
On atteint un autre niveau de complexité quand on parle du ciment, ou des produits énergivores. Nous produisons beaucoup de produits énergivores au Canada. D'aucuns se demandent si nous ne devrions pas obtenir des crédits pour cela. Nous importons aussi beaucoup de produits énergivores. Je n'ai pas entendu beaucoup de gens dire que nous devrions en assumer la responsabilité. Encore une fois, nous n'avons pas de données. C'est tout un ordre de grandeur, et il est plus difficile d'établir un système pour cela.
Pour ce qui est de rendre simple ce qui est complexe, si nous commençons à prendre ces mesures et à nous orienter dans ce sens, je crois que nous allons aboutir très rapidement à un système qui va devenir tout à fait inutilisable.
M. Erik Haites: Permettez-moi d'intervenir brièvement.
Je crois que les règles servant à déterminer vos émissions nationales sont reconnues par la Convention cadre sur le changement climatique. Elles sont le reflet de l'inventaire des émissions qui a été dressé par le groupe intergouvernemental sur le changement climatique, qui a examiné cette question de la teneur en carbone et a essentiellement décidé que c'est impossible.
Quelques pays ont fait faire des études par des universitaires. Ces études disent en gros que, compte tenu de tous les échanges, les pays analysés ne font pas habituellement de gains nets importants ou de pertes nettes importantes à cause des émissions incluses dans les produits. Comme Robert l'a dit, nous nous attribuons le mérite des émissions de gaz naturel; allons-nous aussi nous attribuer le mérite des émissions en amont causées par le pétrole extrait de sables bitumineux que nous exportons? Il y a beaucoup de discussions. Certains secteurs peuvent prendre les devants, mais je crois que c'est irréaliste sur le plan international.
M. Roy Cullen: Très bien. Nous reviendrons peut-être sur cette question plus tard. Monsieur Haites, je voulais vous donner l'occasion de parler des préoccupations de M. Hornung concernant l'accroissement des échanges, les dispositions dérogatoires, l'additionnalité et les mesures immédiates. Avant cela, pourriez-vous prendre un stylo et écrire quelques chiffres pour moi? En avons-nous le temps, monsieur le président? Parce que cela pourrait aider le comité à comprendre un peu mieux ce concept.
Comme j'ai travaillé dans l'industrie forestière, je connais davantage les effluents, mais disons que sur le territoire un nous avons deux usines, l'usine A et l'usine B. D'après ce type de scénario mettant en cause un plafond et un échange, le quota est de 1 000 unités de gaz à effet de serre, où que ce soit. L'usine A reçoit un quota de 500 et l'usine B un quota de 500. L'usine A est actuellement à 300 et l'usine B à 1 200. Disons que la situation est la même dans le territoire deux, que nous pourrions appeler Alberta ou Ontario. C'est vraiment une approximation pour la communauté internationale ou différents pays, parce que les problèmes peuvent être semblables, bien que je ne sois pas sûr qu'il y ait un échange international par opposition à un échange national.
• 1155
Disons que nous avons le même scénario avec un quota de 1 000
unités, les deux usines étant à 500, et l'une à 300 et l'autre à
1 200. L'usine qui est à 1 200 dit qu'il lui est difficile de
descendre à 500, mais qu'elle peut acheter 200 unités à l'usine A,
puis faire le reste du travail. Elle doit s'informer du prix de
cette décision et si elle en vaut la peine.
Vous faites la différence entre—et je ne sais pas si j'utilise la bonne terminologie—l'échange de quotas, l'échange de quotas de substances et l'échange de crédits. Je crois que vous avez parlé de l'échange de crédits davantage dans un contexte international, mais peut-être pas. Pourriez-vous me dire comment ces différents concepts pourraient s'appliquer, étant donné ce genre de scénario?
M. Erik Haites: L'exemple que vous avez donné est vraiment celui d'un plafond et d'un échange, ou d'un système d'échange de quotas, parce que vous avez dans les deux pays un plafond de 1 000 unités pour les ressources. Ce plafond est attribué totalement.
Pour voir la différence concernant un système d'échange de crédits, passons au territoire deux. Nous éliminons le quota initial de 1 000 unités, et nous disons que le territoire deux est un pays en développement qui n'a pris aucun engagement dans le cadre du Protocole de Kyoto. Nous avons deux sources, l'une qui produit des émissions de 300 unités et l'autre des émissions de 1 200 unités, pour un total de 1 500.
Le territoire un est le Canada, un pays de l'annexe B. Nous avons alors ici un système de plafond et d'échange. L'entreprise B achète 200 unités à l'entreprise A, qui a un excédent. Elle doit toujours se rendre à 500. Elle devra alors s'adresser au pays en développement et envisager des projets avec ces deux entreprises.
Comme l'entreprise B dans le pays en développement produit plus d'émissions, elle est la plus susceptible de pouvoir réduire de 500 unités ses émissions. Elle dit: «Nous allons lancer chez vous un projet pour réduire vos émissions à 700 unités. Après avoir prouvé que cette réduction a été réalisée, nous allons attribuer ces 500 tonnes au Canada.» Ses émissions se situeront toujours à 1 200 unités. Elle aura reçu 500 unités du Canada. Elle en a acheté 200 à l'entreprise A au Canada et elle a obtenu 700 tonnes grâce à des crédits attribués à l'échelle internationale.
M. Roy Cullen: Cette entreprise ne subit aucune pression véritable pour réduire ce projet sur le plan international. On ne lui a pas attribué de limite; par conséquent, quelle est l'analyse de rentabilisation dans son cas? Est-ce la hausse de la productivité?
M. Erik Haites: L'analyse de rentabilisation, c'est que l'entreprise B du Canada la paierait pour obtenir ces 500 tonnes. Elle paierait pour adopter des mesures d'efficacité ou toute autre mesure nécessaire pour atteindre la réduction de 500 unités.
M. Roy Cullen: Je vois. L'entreprise B reçoit en quelque sorte un coup de pouce pour ce qui est de l'investissement.
M. Erik Haites: C'est juste. L'intention, c'est que dans les pays en développement les participants à ces projets aient accès à une meilleure technologie et à d'autres avantages environnementaux. Par exemple, le fait de réduire les émissions de CO2 de l'entreprise B dans le pays en développement réduit probablement aussi les émissions de soufre et les émissions d'oxyde, et ils peuvent être assujettis à des règlements à ce sujet. Ils obtiendraient aussi d'autres avantages.
M. Roy Cullen: Chaque transaction serait légèrement différente. Il pourrait y avoir quelque chose pour eux dans chacune, une certaine amélioration de la productivité. Il pourrait y avoir une forme d'aide internationale, des contributions, etc.
M. Erik Haites: En effet.
M. Roy Cullen: Je vais m'arrêter ici, monsieur le président, parce que je sais que d'autres députés ont des questions à poser. Je crois que vous avez parlé d'«échange de quotas de substances». Qu'est-ce que cela vient faire ici?
M. Erik Haites: Encore une fois, prenons le Canada dans ce cas-ci et le territoire un, les entreprises A et B. Par exemple, il est trop difficile de bien mesurer les émissions de SFG à la bouche des cheminées des usines de magnésium. Il s'agit d'une source multiple. Les émissions s'échappent par les portes et les fenêtres chaque fois que quelqu'un les ouvre; par conséquent, vous ne pouvez pas vraiment les mesurer.
• 1200
Il est beaucoup plus facile de mesurer la quantité totale
qu'ils achètent. Ils doivent l'acheter; ils ne la fabriquent pas.
Vous attribuez des permis qui vous permettent d'acheter telle ou
telle fraction de la quantité, puis vous l'appliquez aux registres
d'achat.
M. Roy Cullen: Vous l'utilisez à la tête.
M. Erik Haites: Vous présumez que toute l'émission va se faire à un point quelconque. Il va y avoir une fuite. Parce qu'elles doivent avoir des permis pour l'acheter et que ces permis valent quelque chose, les entreprises ont une raison de minimiser les fuites, parce que cela réduit leur coût.
M. Roy Cullen: Je vois.
Le président: Merci, Roy. Nous passons maintenant à Pierre de Savoye.
[Français]
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Vous avez parlé de l'émission de gaz à effet de serre, particulièrement le CO2. Pour contrôler les gaz à effet de serre, on peut faire autre chose que seulement contrôler l'émission: on peut aussi contrôler l'absorption, les sinks. À moins que je ne me trompe, il serait possible pour des entreprises de négocier des droits d'émissions non seulement en réduisant leurs émissions, mais aussi en plantant des arbres. Est-ce que vous pourriez nous dire quelques mots à ce sujet, monsieur Haites? M. Hornung pourra poursuivre, j'en suis convaincu.
[Traduction]
M. Erik Haites: Vous avez raison. On peut vraiment réduire ou absorber les émissions.
Le Protocole de Kyoto prévoit en principe l'amélioration des puits, mais, encore une fois, comme dans le cas de l'échange de droits d'émission, les règles n'ont pas encore été fixées. Je crois que les règles en matière de puits vont être encore plus compliquées que les règles visant l'échange de droits d'émission.
Supposons qu'un accord a été conclu à ce sujet. Alors, le carbone absorbé dans les puits est très susceptible de créer des crédits qui pourraient ensuite être achetés et utilisés et vendus dans le cadre d'un programme d'échange de droits d'émission. Je crois que les puits peuvent être facilement intégrés à un programme d'échange sous forme de crédits pour le carbone absorbé, crédits qui peuvent être ensuite achetés par les sources qui participent au programme d'échange, quelle qu'en soit la forme.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Prenons l'exemple d'une entreprise qui dirait: «J'ai un droit d'émissions qui a été limité à tant de milliers ou de millions de tonnes. J'émets actuellement davantage, et je vais donc planter au Canada une forêt pour absorber cet excédent de carbone. Voilà, je suis quitte.» Est-ce un scénario possible?
[Traduction]
M. Robert Hornung: Ma réponse est oui, c'est très faisable en théorie. Mais il faudrait régler un certain nombre de problèmes concernant les méthodes, les mesures et les vérifications. Comme M. Haites l'a souligné, le Protocole de Kyoto n'est pas très clair à ce sujet.
L'absorption va probablement permettre de faire différentes choses. Vous pouvez planter des arbres. D'aucuns vont vouloir qu'on reconnaisse qu'ils ont protégé des arbres. D'autres vont vouloir qu'on reconnaisse qu'ils ont modifié une méthode d'aménagement des forêts pour que les arbres poussent plus vite, etc.
Il n'est pas facile de mesurer et d'accepter tout cela, car rien n'est fixé. En théorie, oui, et en théorie il y a un potentiel énorme qui peut nous aider à régler ce problème, mais je dis qu'il y a encore vraiment beaucoup de travail à faire.
• 1205
Le Canada pourrait prendre sur lui de faire adopter des normes
et des méthodes internationales qui nous permettraient d'intégrer
ces choses dans le système. Je crois qu'il serait actuellement très
difficile de le faire, mais je suis convaincu que cela devrait et
va probablement se faire un jour.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Est-ce qu'une approche de cette nature n'aurait pas pour effet d'inciter certains pays comme le Brésil à éviter de raser les forêts tropicales? Monsieur Hornung.
[Traduction]
M. Robert Hornung: Non. Je dirais, et de fait cela a toujours été notre position, que le Canada devrait faire tout en son pouvoir pour encourager une plus grande séquestration du carbone, que ce soit dans des terres arables, ce qui suscite tout un débat à l'heure actuelle dans l'Ouest du Canada, ou par le biais de pratiques forestières améliorées.
Si le Canada veut qu'on reconnaisse son travail sur ce plan au niveau international, toutefois, il devra parfaire les méthodologies et techniques utilisées pour contrôler et vérifier ce genre de choses pour que les autres pays se sentent à l'aise. Sous réserve de cela, je pense qu'une approche de cette nature pourrait avoir une valeur incitative intéressante.
M. Erik Haites: Je suis d'accord avec tout ce que vous dites. Je suis d'accord avec l'exemple que vous avez cité selon lequel cela permettrait d'encourager le Brésil à cesser de brûler ses forêts, ainsi que d'autres pays. Je pense que vous devez faire très attention, toutefois, de ne pas créer une situation où vous encourageriez les pays à brûler leurs forêts pour ensuite les replanter pour obtenir des crédits.
M. Robert Hornung: Sur ce même sujet, cela peut sembler ridicule, mais certains donnent précisément cette interprétation au Protocole de Kyoto: ils disent que c'est ce que le Protocole de Kyoto encourage les gens à faire pour l'instant. Ils disent qu'il est plus logique de tout couper, afin d'obtenir des crédits pour ce que vous aurez replanté par la suite.
[Français]
M. Pierre de Savoye: J'aimerais continuer dans cette veine pendant quelques instants, monsieur le président, et je poserai ensuite une autre question. Lorsqu'on fixe du carbone dans des végétaux, cette fixation n'est pas permanente; les végétaux perdent leurs feuilles et les feuilles s'oxydent tranquillement et renvoient dans l'atmosphère le CO2. Bref, est-ce que ce n'est pas repousser devant nous le banc de neige plutôt que de le pelleter immédiatement? Est-ce vraiment une solution?
[Traduction]
M. Robert Hornung: L'exemple que vous donnez explique bien pourquoi le contrôle et la vérification est difficile.
On a proposé une méthode pour tenir compte de la séquestration qui est essentiellement d'escompter la valeur du crédit. Par exemple, si vous pensez avoir séquestré 500 tonnes mais que c'est très difficile à mesurer et qu'une certaine incertitude persiste, on vous créditera 400 tonnes plutôt que 500 tonnes. Il y aurait une réduction de 20 p. 100 pour tenir compte de cette incertitude.
Naturellement, l'accord quant au pourcentage de réduction serait précédé de tout débat. Il faut songer à la permanence; que se passe-t-il si vous investissez dans un projet de séquestration du carbone et qu'il y a un feu de forêt? Qui est responsable de ces émissions? Que se passera-t-il? Toutes ces questions doivent être élucidées.
Nous évitons de trop simplifier un sujet complexe ici, mais c'est un domaine complexe.
[Français]
M. Pierre de Savoye: On a parlé du carbone et du pétrole. On a parlé du pétrole qui sert de combustible, mais une bonne partie du pétrole ne sert pas de combustible. On fabrique des polymères en vue de confectionner des vêtements. Comment tient-on compte de l'usage du pétrole à des fins de polymérisation dans les crédits d'émissions, monsieur Haites?
[Traduction]
M. Erik Haites: Oui, l'une des questions épineuses qu'il faudra régler touche les émissions. Qu'on échange des crédits d'émissions ou qu'on utilise une autre forme de réglementation, il faudra tenir compte de l'utilisation des produits du pétrole dans la production des produits pétrochimiques, des engrais, etc.
Je ne suis pas expert en la matière, mais selon ce que j'ai lu la plupart des produits ainsi créés ont une vie utile qui varie entre quelques années et 10 ou 20 ans. Il n'y a qu'un nombre restreint de produits, tel l'asphalte, où la séquestration est de longue durée. De fait, bien qu'on les utilise comme intrants, ces émissions se retrouvent dans l'atmosphère comme ces produits se décomposent dans quelques années ou dix ans plus tard. C'est une période relativement courte si on la compare à leur durée dans l'atmosphère.
• 1210
On pourrait proposer un traitement légèrement différent mais
non une exemption totale pour des motifs environnementaux. Pour des
motifs économiques, le coût des intrants est un élément majeur du
coût du produit final. Si le coût devient trop élevé à cause des
règlements ou d'un programme d'échanges de crédits, nous allons
faire fuir l'industrie vers des pays qui n'imposent pas de limites
en vertu du protocole, simplement parce que les coûts énergétiques
seront trop élevés. Il faut mesurer l'effet économique de cette
relocalisation de l'industrie lorsqu'on tente de mesurer l'impact
environnemental.
M. Robert Hornung: Je n'ai rien à ajouter à cela.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur de Savoye.
[Traduction]
Monsieur Godin, s'il vous plaît.
[Français]
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): J'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue. Je me permets de souligner que je crois avoir fait ma part puisque l'année dernière, j'ai planté 28 arbres sur mon terrain. J'ai donc fait une petite partie de ma part.
Je m'inquiète de ce qui va nous arriver ici au Canada si on peut acheter des crédits d'émissions d'autres pays et qu'on ne fait pas notre part pour éliminer chez nous les gaz à effet de serre. Est-ce que cela ne risque pas de nuire à la santé des Canadiens et des Canadiennes? Si tout le monde le fait dans chaque pays du monde, ça veut dire que c'est aux alentours aussi. Le problème auquel nous devrions faire face, c'est que nous, les Canadiens, serions entourés de pollution alors que les autres pays seraient en train de nettoyer la planète. En réalité, nous serions en quelque sorte dans une chambre à gaz.
[Traduction]
M. Erik Haites: Ces dispositions existent dans le Protocole de Kyoto; elles disent que ces échanges internationaux viendront s'ajouter aux mesures intérieures que prendront les pays. Comme on l'a dit à plusieurs reprises, l'interprétation de ce libellé reste à négocier.
Je ne vois pas pourquoi cela empêcherait un pays de dire, tout comme le Canada, que quelle que soit l'interprétation internationale, nous désirons prendre des mesures supplémentaires chez nous et qu'il y a de bonnes raisons de le faire, qui tiennent aux avantages environnementaux que cela apporte. Les mesures prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dues à la consommation d'énergie réduiront aussi les émissions de NOx, SOx et de VOC et amélioreront le rendement, les effets bénéfiques sur la santé des citoyens. Pour cette raison, nous voulons restreindre l'échange de crédits avec d'autres pays et en faire plus chez nous.
Il en va de même pour la séquestration; le fait de planter un plus grand nombre d'arbres au Canada peut avoir d'autres avantages sur le plan de la santé et de l'économie que nous voulons encourager. Nous pourrions pour des raisons tout à fait fondées décider qu'il est approprié de limiter l'achat de crédits d'autres pays et ainsi avoir à en faire plus au Canada même.
M. Robert Hornung: Nous n'avons, en un sens, qu'une quantité de ressources limitées à consacrer à cette cause. Je m'inquiète que nos efforts et notre recherche d'occasions de limiter les émissions à l'extérieur du Canada ne nous distraient et nous empêchent de tourner notre attention vers ce que nous pourrions faire à l'intérieur de Canada.
Je crois que beaucoup seraient d'accord pour dire qu'il y a des mesures que nous pourrions prendre au Canada qui sont sensées sur le plan économique et qui fourniraient de nombreux avantages environnementaux et aideraient à protéger la stabilité du climat. Les opinions vont diverger énormément quant au nombre de mesures possibles.
Certains vont prétendre qu'on pourrait atteindre les cibles fixées par le Protocole de Kyoto par le biais de mesures intérieures strictement, qui seraient toutes positives sur le plan des coûts et avantages. D'autres prétendront que non, que ces mesures ne constituent qu'une petite partie d'un tout.
• 1215
Selon moi, nous n'arriverons jamais à répondre à cette
question en ayant recours à des modèles économiques et en faisant
des études. Des centaines de modèles ont été utilisés en Amérique
du Nord pour essayer de déterminer le coût de la réduction des
émissions de gaz à effet de serres et les réponses varient
énormément. Il y en a toute une gamme, certains prétendant que ce
sera merveilleux, d'autres disant plus tôt que ce sera un désastre.
La seule façon d'avoir des réponses concrètes est de commencer à faire quelque chose. Peut-être cela veut-il dire que nous devons lancer des projets pilotes. Nous pouvons commencer à une petite échelle pour voir ce que cela donne, mais nous n'aurons de réponses à ces questions que quand ces expériences seront menées à l'échelle du globe.
Nous devrions certainement chercher des moyens d'accroître la flexibilité, des moyens qui nous permettent de procéder de façon économique, crédible et efficace. Nous devons aussi nous pencher sur le potentiel véritable ici au Canada, parce que je pense que nous n'en savons pas encore assez à ce propos.
[Français]
M. Yvon Godin: Vos commentaires au sujet du gaz naturel qu'on a vendu aux États-Unis et qui a vraiment contribué à réduire les émissions de gaz étaient très intéressants. On a parlé du gaz naturel qu'il y a ici au Canada. Lors des séances de ce comité, j'ai à maintes reprises invoqué des arguments à l'appui d'une conduite transportant le gaz naturel de l'île de Sable à Bernier afin que tous les Canadiens puissent s'y approvisionner.
Ne croyez-vous pas qu'on devrait songer à accorder aux consommateurs un crédit semblable à celui qu'avaient accordé les compagnies d'énergie en vue de la transformation des systèmes au combustible ou au gaz en systèmes électriques? Ne devrait-on pas donner à tous les Canadiens la chance de transformer leur système de chauffage en un système au gaz naturel?
[Traduction]
M. Robert Hornung: Il ne fait aucun doute que le gaz naturel a un rôle très important à jouer au moins en tant que combustible de transition pour nous aider à mater ce problème.
Oui, il y a de nombreuses occasions d'accroître l'utilisation du gaz naturel au Canada. Je me souviens d'un éditorial publié, chose étonnante, par le Edmonton Journal, qui disait que ces changements climatiques n'allaient peut-être pas être si terribles, et que nous pourrions peut-être en Alberta songer à cesser d'utiliser la houille pour produire de l'électricité. On pourrait utiliser, plutôt, le gaz naturel. Le gaz naturel viendrait sans doute entièrement de l'Alberta, ce qui serait une bonne chose.
Il y a des occasions comme celle-là. Toutefois, il faut faire attention à certaines choses: par exemple, dans quelle mesure voulez-vous promouvoir l'utilisation du gaz naturel dans les provinces qui utilisent surtout l'hydroélectricité? Si vous le faites, vous allez accroître vos émissions. Il faut faire attention à cela.
Par exemple, dans la proposition du gouvernement Clinton, dont est saisi le Congrès américain, qui traite d'initiatives technologiques diverses qui ont trait au climat, l'une des mesures financières incitatives positives est d'encourager les investissements dans la cogénération du gaz naturel en vue de produire de l'électricité. C'est plus efficient, plus propre et plus logique. Le gouvernement essaye d'encourager cela. Ici au Canada, il y a bon nombre d'obstacles à cela, la structure monopolistique des compagnies électriques provinciales venant en tout premier lieu.
Nous devrions chercher des occasions comme celle-là. Comme vous le dites, nous pouvons chercher à encourager la conversion à d'autres types de combustibles ici au pays, pour réduire l'utilisation de combustibles fossiles et améliorer l'efficacité énergétique, et pour le long terme, encourager l'utilisation d'énergie renouvelable.
M. Erik Haites: Si je peux me permettre d'ajouter un petit commentaire, je dirais qu'en principe je suis d'accord avec tout ce que Robert a dit, mais qu'en pratique, il y aura des situations très difficiles.
Le gaz de l'Ile de Sable en est un exemple. C'est en Nouvelle-Écosse. À l'heure actuelle, en Nouvelle-Écosse, l'électricité est surtout produite à l'aide de charbon extrait des mines de la Nouvelle-Écosse. La production de gaz naturel offrira beaucoup moins d'emplois que n'en offre actuellement la production de charbon. Si vous convertissiez au gaz naturel, vous créeriez beaucoup de chômage au Cap-Breton, un endroit où le chômage est déjà élevé.
La même chose est vraie au Nouveau-Brunswick; le charbon qu'on y brûle provient pour la majeure partie du Nouveau-Brunswick. Si vous convertissez au gaz naturel, vous réduirez les emplois qu'offre l'exploitation minière de la houille dans ces régions. D'autres conséquences devront entrer en ligne de compte avant que vous ne preniez de telles décisions.
M. Yvon Godin: Je veux que nous nous comprenions bien. Ce que j'envisageais c'était de faire les choses progressivement et de bien réfléchir avant d'agir. Plutôt que de brûler du mazout pour chauffer leur domicile, les gens pourraient se convertir au gaz naturel. Puis, au fur et à mesure, on ferme les mines de charbon et on les remplace. Il faut avoir une vision pour l'avenir. C'est ma perspective, du moins.
M. Erik Haites: Il faut avoir une telle vision.
M. Robert Hornung: Permettez-moi d'ajouter un seul commentaire. Dans une certaine mesure, cela a déjà commencé. Par exemple, notre organisation passe beaucoup de temps à examiner les soumissions dans le cadre du programme de défi volontaire.
L'une des soumissions qui me semble très intéressante vient d'un distributeur de gaz naturel de l'Ontario qui s'appelle Consumers Gas. Dans leur soumission ils expliquent qu'ils ont essayé de quantifier non seulement les réductions d'émissions issues de leurs propres opérations, mais aussi les réductions d'émissions qu'ils provoquent en encourageant les gens à se convertir du mazout au gaz naturel, ou en convainquant leurs clients de se débarrasser d'une chaudière à gaz inefficace pour passer à un appareil efficace. Les chiffres qu'ils citent sont fort intéressants et méritent qu'on les examine. Il y a des occasions à saisir.
Le président: Pour conclure, Dave et Roy vont poser quelques brèves questions.
M. David Chatters: Vos commentaires sont fort intéressants. De la perspective du secteur privé, certainement, je ne vois pas d'objections aux choses que vous dites, mais malheureusement, dans notre pays, la politique est un facteur dont il faut tenir compte. Le Premier ministre et d'autres ont déjà pris certains engagements selon lesquels ces mesures n'allaient pas engendrer d'avantages indus pour une région par rapport à d'autres, par exemple. Ça change tout.
J'aimerais que vous commentiez l'aspect financier, les coûts. Selon vous, ce concept d'échanges d'émissions va-t-il être intéressant pour l'acheteur? Nous avons déjà vu des transactions de l'ordre d'un dollar la tonne pour le carbone. Je pense que le premier ministre Tobin a proposé la somme de 100 $ la tonne pour son projet de Churchill Falls. Bien sûr, le gouvernement a déjà engagé des sommes considérables qui seront investies dans ce projet.
Il y a un consortium dans l'ouest du Canada qui cherche à susciter de l'appui, et dont l'objectif est de permettre qu'on continue d'utiliser le charbon et qu'on maintienne les 76 000 emplois au Canada qui dépendent de l'industrie de la houille. Ce consortium veut qu'on continue à utiliser le charbon pour produire de l'électricité et à d'autres fins, sans les émissions de carbone. Il semble qu'ils n'arrivent pas à susciter l'appui nécessaire. C'est un exemple d'une situation où la politique entre en ligne de compte et affecte la façon dont une idée est reçue.
J'aimerais savoir qui, selon vous, fixera le prix par tonne du carbone, ou de l'unité qu'on choisira d'utiliser, et comment tout cela va fonctionner.
M. Erik Haites: Vous soulevez là un point fort intéressant. J'en parlais dans un rapport dès 1989. L'échange des droits d'émission est en réalité un moyen de surmonter ces obstacles.
Dans un régime d'échange de droits d'émission, vous pouvez attribuer les responsabilités d'une certaine façon. On en a vu l'exemple quand deux entreprises avaient chacune droit à 500 unités. Cependant, elles avaient des émissions différentes. Vous pouvez attribuer les droits d'une certaine façon. Le marché se chargera d'en fixer le coût et de décider qui fera la véritable mise en oeuvre. Les entreprises qui peuvent réduire leurs émissions au plus bas coût le font, et cela leur rapporte même un peu d'argent. Celles pour lesquelles les réductions seraient coûteuses peuvent diminuer le coût de leur part équitable du fardeau en achetant des droits de la source.
M. David Chatters: C'est le marché qui fixe le prix.
M. Erik Haites: C'est effectivement le marché qui décide du prix. Si j'étais à la place de M. Tobin, je m'efforcerais moi aussi de faire grimper le prix à 100 $ la tonne.
M. David Chatters: Il semble que les États-Unis vont adopter ce principe et qu'ils mettront probablement en oeuvre le Protocole de Kyoto sans même le ratifier. C'est une possibilité. Ils s'empressent de profiter des aubaines à un dollar la tonne avant qu'elles n'aient toutes disparues. Il semble y avoir une ruée vers les droits d'émission bon marché.
M. Robert Hornung: À simple titre de commentaire, les États-Unis ont incontestablement fait comprendre très clairement que la solution à ce problème, pour eux, est l'échange de droits d'émissions.
Pour ce qui est des prix qui ont cours sur le marché, il est facile actuellement d'acheter des droits d'émission de carbone pour un dollar la tonne parce que les crédits ne représentent en réalité pas grand-chose. Quand ces crédits commenceront à prendre de la valeur et que nous aurons des systèmes en place, je prévois que les coûts vont monter. Je ne m'attends pas qu'ils atteignent 100 $ la tonne. Quant aux investisseurs qui achètent actuellement à un dollar la tonne, cet investissement comporte tout de même un risque. Rien ne leur garantit qu'en bout de ligne, ces droits auront une valeur. Toutefois, s'ils ont vu juste, cela leur rapportera beaucoup.
Le président: Je vous remercie. Roy, à vous le dernier mot.
M. Roy Cullen: J'ai quelques questions à poser. Vous avez mentionné que la seule façon de vérifier l'efficacité du régime d'échange de droits d'émission est d'en mettre un en place et de voir les résultats. Le Canada n'a aucune expérience dans ce domaine. Les États-Unis en ont un peu. Pourriez-vous nous la décrire, nous dire à quel stade on en est, la nature du régime en place, son fonctionnement? Pourriez-vous nous préciser s'il fonctionne bien ou s'il est encore trop tôt pour le dire?
M. Erik Haites: Ils ont mis en place plusieurs programmes différents, dont certains ont donné de forts bons résultats. D'autres se sont soldés par un échec total. La plupart de ces programmes se situent quelque part entre les deux. Comme pour toute autre chose, il y a de bons règlements et il y en a de moins bons.
Il en va de même pour l'échange de droits d'émission. Les programmes mis en place pour l'élimination graduelle du plomb et de l'essence au plomb sont une grande réussite. Le programme relatif aux émissions de SO2 actuellement en cours est lui aussi une réussite.
M. Roy Cullen: Ces programmes sont-ils d'envergure nationale ou ont-ils été mis en place par les États?
M. Erik Haites: Ils sont d'envergure nationale.
Quant aux échecs, vous avez parlé des effluents que vous connaissez mieux. Il existe certains programmes d'échange dans ce domaine, mais ils comptent essentiellement trop peu de participants. En somme, il n'y a pratiquement pas d'échanges. Un autre programme d'échanges des droits d'émission est prévu pour un rendement des moteurs de camions lourds, mais, à nouveau, il n'y a pas eu d'échanges. Je crois que le marché est trop petit et la procédure, trop lourde.
M. Roy Cullen: S'agit-il essentiellement de programmes de plafonnement et d'échanges des droits d'émission?
M. Erik Haites: Pour la plupart, effectivement.
M. Roy Cullen: Les échanges se font à la bourse, ou le mécanisme est-il plus interne?
M. Erik Haites: Non, aucun de ces marchés n'est si grand qu'il mérite une cotation à la bourse. Tout passe par des courtiers.
Le plus important marché, actuellement, à voir le jour est le programme relatif au SO2. On échange entre 7 et 8 millions de tonnes de SO2 par année sur ce marché. Jusqu'ici, le cours a été d'environ 100 $ la tonne, de sorte que les échanges totaux ont représenté une valeur annuelle de 700 à 800 millions de dollars. Actuellement, le cours est de 150 $ la tonne environ, ce qui représente une valeur totale de plus de un milliard de dollars.
Si vous m'y autorisez, monsieur le président, M. Cullen m'a demandé de commenter très brièvement un autre point.
M. Roy Cullen: En fait, c'était ma dernière question. M. Hornung a soulevé de très importantes questions au sujet des thèmes que nous avons mentionnés, entre autres les autres formes d'échange, la souplesse, l'additionnalité, pour n'en nommer que quelques-unes. Pouvez-vous nous expliquer votre point de vue et nous faire des commentaires à ce sujet?
M. Erik Haites: Les quotas trop élevés en sont une, comme dans l'exemple que vous nous avez donné tout à l'heure. L'entreprise a droit à 500 unités, mais elle n'en émet que 300. Elle est donc 200 unités de trop, d'après cet exemple.
Tout dépend de l'angle sous lequel on examine la question. L'enjeu est le rendement, sur le plan environnemental, d'un programme d'échange de droits d'émission qui est fonction d'un plafond, des 1 000 unités dans l'exemple que vous nous avez fourni et, dans le cas du Protocole de Kyoto, d'une réduction globale de 5,2 p. 100 des émissions dans les pays figurant à l'annexe B. C'est la norme environnementale utilisée. La manière dont sont répartis les droits et les réductions à partir de là est une question d'équité.
À mon avis, les pays figurant à l'annexe B ont décidé qu'il fallait encourager la Russie et l'Ukraine à participer au programme. Ces deux pays ont donc reçu des droits d'émission supérieurs à ce qu'ils émettent réellement. Tant que vous jugerez l'efficacité du protocole en fonction d'une réduction de 5,2 p. 100, il s'agit d'une question de performance, sur le plan environnemental. Le reste est une question d'équité.
M. Roy Cullen: À condition d'atteindre l'objectif.
M. Erik Haites: À condition que chacun atteigne l'objectif, effectivement.
Ceci nous amène à une autre question. Une des préoccupations de M. Hornung au sujet de l'échange de droits d'émission est certes que, dans le cadre d'un pareil programme, il existe habituellement au pays un organisme de réglementation de l'environnement qui est habilité à faire respecter la loi. Sur le plan international, par contre, il est très difficile d'obliger des pays souverains à respecter les règles.
Étant donné que ce que vous échangez maintenant a une valeur ou que vous leur donnez une valeur en rendant les droits d'émission échangeables, vous créez en fait un incitatif financier à ne pas réaliser les réductions visées. Voilà qui oblige à concevoir les règles du régime international d'échanges de manière à éliminer cet incitatif et à encourager plutôt la conformité. Il est possible de le faire selon moi, mais pour l'instant ce n'est pas évident.
La question de l'additionnalité a beaucoup d'importance dans le cadre d'un mécanisme de développement propre ou d'un programme canadien d'échanges de crédits. Il faut faire de l'additionnalité un critère, selon moi. Toutefois, comme chaque mesure est unique, vous finissez par décider de ce qui est additionnel.
M. Roy Cullen: Le principe se rapproche assez de celui qui était à la base des anciens programmes de subvention. Certains prétendraient que les entreprises auraient fait cet investissement de toute façon et qu'on les a simplement subventionnées. C'est le même principe.
M. Erik Haites: C'est exactement le même principe. Un des projets pilotes en cours en Ontario actuellement, le projet PERT, est presque exclusivement consacré à l'ozone troposphérique, mais il porte aussi sur les émissions de CO2.
Entre autres, Ontario Hydro a acheté des crédits d'une entreprise appelée Protect Air qui effectuait l'inspection de véhicules. L'entreprise avait repéré, je crois, 140 vieux véhicules, des tas de ferraille si vous préférez, dont les taux d'émission étaient très élevés. Elle les a retirés de la circulation en supposant que cela réduirait les émissions. Cependant, de combien étaient réduites ces émissions?
Des essais ont révélé que les véhicules émettaient beaucoup de gaz d'échappement, mais en fonction de quelle norme faut-il mesurer la réduction? Faut-il se fier aux véhicules neufs? La plupart des propriétaires de ces véhicules seraient incapables d'en acheter des neufs. Prend-on comme norme un véhicule analogue? Il n'y aura alors pas de réduction, mais en retirant ces véhicules de la route, vous croyez manifestement avoir accompli quelque chose.
Nous avons fini par nous entendre pour dire qu'une norme raisonnable était la moyenne de tous les véhicules roulant sur la route. Toutefois, est-ce une bonne ou une mauvaise norme? En fin de compte, cela revient à une question de jugement, à décider de ce qui est raisonnable. Ce serait la même chose dans chaque projet. Vous ne saurez jamais ce qui serait arrivé, et il vous faut donc décider par vous-même.
L'additionnalité est un critère, mais il faut établir une procédure transparente pour prendre les décisions et pour garantir une application plus ou moins uniforme.
Je n'ai rien de plus à dire au sujet de l'additionnalité. Je crois qu'il faut en débattre et que le Canada voudra peut-être procéder autrement que ce qui est alloué sur le plan international. Cela se justifie dans un sens comme dans l'autre.
Quant au crédit pour une réduction rapide, la situation est encore plus compliquée que ne l'a dit Robert. On peut s'entendre universellement pour dire qu'il ne faudrait pas pénaliser les sources qui mettent en oeuvre dès maintenant des mesures.
L'idée d'offrir des incitatifs se défend. Par contre, cela vous oblige, quand vous concevez vos règlements, en plus d'offrir les incitatifs, à faire en sorte que rien ne leur nuit. On se trouve à les bonifier sans le vouloir, à moins de rendre l'incitatif conditionnel, c'est-à-dire à en prévoir l'abolition si leurs dispositions actuelles sont protégées. Cela peut devenir extrêmement compliqué.
Après l'an 2000, si l'on suppose que l'on va de l'avant avec un mécanisme de développement, la solution consiste simplement à acheter les crédits de pays en voie de développement. Par conséquent, il faudra que les incitatifs offerts au Canada soient au moins aussi intéressants que l'achat de crédits à l'étranger, parce que, là-bas, il est essentiellement garanti qu'on pourra utiliser les crédits.
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La situation en ce qui concerne les crédits pour la prise de
mesures de réduction précoce est très compliquée. Cela changera
avec le temps, à mesure que le cours sur le marché et les crédits
dans un régime de développement propre changeront, soit à compter
de l'an 2000.
M. Robert Hornung: J'aurais un dernier commentaire très bref à faire. À mon avis, les réponses aux dernières questions ont encore une fois fait ressortir que ce sont les détails d'application qui sont embêtants. La question est très complexe.
Quand vous commencez à discuter de la façon d'opérationnaliser l'additionnalité et ce que cela signifie, il n'est pas facile de trancher. Qu'est-ce qu'un crédit pour adoption de mesures précoces? Il n'est pas facile d'y répondre. Ce ne sont pas des questions qu'on peut régler en un tournemain. Si nous établissons un régime comme cela, il faut parler de valeurs réelles. Il est question ici de distribution de la richesse. Il faudrait faire un travail de Romain. Si nous ne le faisons pas, nous pourrions par inadvertance distribuer la richesse et les valeurs d'une façon qui n'était pas prévue au départ et dont les conséquences n'ont pas été évaluées.
M. David Chatters: Nous avons jusqu'en novembre pour régler tout cela!
M. Robert Hornung: Non, je n'irais pas jusqu'à dire cela.
M. Erik Haites: Ils tentent de s'entendre sur les règles internationales avant le mois de novembre. Cela n'affectera probablement pas les règles que nous adopterons au Canada.
M. David Chatters: D'accord.
Le président: Chers collègues, au nom de vous tous, je remercie M. Haites et M. Hornung d'être venus.
Il est déjà assez difficile de comprendre certains principes déjà mis en oeuvre. Nous tentons de comprendre quelque chose qui est en gestation dans l'esprit de ceux qui essaient de concevoir un mode de fonctionnement. Il importe que nous comprenions bien les questions et les enjeux de manière à pouvoir aider notre gouvernement, le gouvernement du Canada, à bien jouer son rôle sur la scène internationale et, bien sûr, au Canada même.
Sur ce, je vous remercie tous les deux. Je ne lève pas la séance tout de suite, mais je vous remercie. Vous pouvez quitter la salle.
Chers collègues, nous serons appelés à voter sous peu. Nous entendrons le timbre sonner bientôt.
Comme il n'y a pas quorum, nous ne pouvons pas poursuivre nos travaux à huis clos. Je tiens à vous dire officiellement que je suis obligé, en vertu du Règlement, de rejeter les deux motions que nous avons reçues. Celle de Ken Epp était pratiquement identique à celle que nous avons rejetée il y a quelque temps. Quant à la motion déposée par M. Gilmour au Sénat, étant donné que la Chambre s'est prononcée au sujet du budget mardi soir, elle est également irrecevable. Je tenais à vous en faire part officiellement.
Je vous souhaite tous de passer un bel été. Je m'attends que la Chambre ajourne ses travaux aujourd'hui ou demain. Chers collègues, bon congé. La séance est levée.