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Merci, monsieur le président.
Au moment de poursuivre l'examen des amendements proposés relativement au projet de loi, je tiens à souligner brièvement, au préalable, que je demeure favorable au projet de loi. Si je présente des amendements, c'est uniquement dans le but de peaufiner le texte législatif de façon à accroître la protection des victimes d'actes criminels et la responsabilité de leurs auteurs.
À ce moment-ci, je propose que le projet de loi C-10, à l'article 8, soit modifié par substitution, aux lignes 20 à 36, page 7, de ce qui suit:
l'article 6.1, le ministre des Finances et le ministre des Affaires étrangères aident, dans les limites de leurs pouvoirs et dans la mesure du possible, le créancier bénéficiaire du jugement ou le tribunal ayant rendu le jugement à identifier et à localiser les biens de cet État ou ceux d'un organisme ou d'une personne morale de droit public de cet État.
(1.1) Au présent article, « personne morale de droit public » s'entend, à l'égard d'un État étranger, d'une personne morale qui remplit les conditions suivantes:
a) elle est distincte de cet État;
b) cet État en détient, directement ou indirectement, le contrôle ou la majorité des titres de participation.
Monsieur le président, la justification de cet amendement tient à ce que les États qui ont été condamnés par un tribunal par suite d'une action en justice intentée contre eux ne devraient pas pouvoir protéger leurs actifs en utilisant des personnes morales de droit public ou des intermédiaires qu'ils dirigent ou contrôlent.
Là encore, l'amendement vise à accroître l'efficacité de la disposition législative proposée; l'article 12.1 de la Loi sur l'immunité des États devrait faire expressément référence aux entités juridiques formellement distinctes de l'État, mais dont l'État tire des avantages ou détient directement ou indirectement le contrôle ou la majorité des titres de participation. L'amendement vise essentiellement à faciliter l'exécution des jugements à ce chapitre à la suite d'une poursuite couronnée de succès.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier mes collègues du comité d'avoir accepté d'étudier ces articles en bloc. De toute évidence, cela nous permettra de gagner un peu de temps, car d'après ce que nous avons convenu, durant la réunion de jeudi, chaque parti se verra accorder 10 minutes par article, et, à ce moment-ci, nous allons examiner 25 articles en bloc — ainsi, nous serons manifestement plus efficients. Il est possible que je parle pendant plus de 10 minutes, mais mon intervention ne sera pas indûment longue.
Je voulais parler de cette section précise pour un certain nombre de raisons. Cela est extrêmement important, car nous sommes en présence d'un certain nombre d'articles ayant pour effet d'accroître les peines pour des infractions d'ordre sexuel à l'égard d'enfants — il s'agit là d'un acte, d'un crime abominable, et j'estime qu'une vaste majorité des membres de notre société a en horreur ce type particulier d'acte criminel.
En outre, je tiens à parler de ces articles pour souligner, à l'intention de ceux qui ne le savent peut-être pas, que le parti que je représente a proposé à deux occasions au moins que cette partie précise du projet de loi soit traitée distinctement et rapidement. Cela a été fait il y a quelque temps, plus récemment par moi dans le cadre d'une motion déposée à la Chambre des communes le 26 octobre. Cette motion visait à ce que cette partie soit extraite du projet de loi C-10 et fasse l'objet d'un traitement accéléré, de manière à ce que nous puissions nous assurer qu'elle est adoptée rapidement et qu'elle n'est pas mêlée aux débats concernant d'autres aspects du projet de loi, des aspects litigieux et à l'égard desquels nous avons entendu beaucoup de témoignages. Ainsi, il est très important que l'on sache que le parti que je représente avait fait cela.
Malheureusement, des gens occupant d'importants postes d'autorité, par exemple le ministre de la Justice, se sont laissés porter par la rhétorique entourant tout cela et ont formulé certains commentaires assez atroces, laissant entendre que les membres de l'opposition — on a même parfois mentionné leur nom — appuyaient les agresseurs d'enfants, les violeurs d'enfants et les auteurs d'agression d'ordre sexuel. De tels commentaires sont extrêmement choquants, et indignes de ceux qui les ont formulés.
Si je dis cela, c'est parce que je possède une vaste expérience en ce qui concerne les effets des agressions sexuelles à l'égard des enfants. J'ai énormément d'expérience en la matière. Durant la majeure partie des années 1990 — de 1989 à 1997 environ —, à titre d'avocat, je me suis fait le défenseur des enfants ayant été victimes d'agression sexuelle à l'orphelinat Mount Cashel, j'ai travaillé pour eux et je les ai soutenus.
Pendant un grand nombre d'années, j'ai constaté par moi-même les conséquences des agressions sexuelles que ces personnes ont subies, alors qu'elles étaient des enfants, aux mains de personnes qui étaient en situation de confiance par rapport à elles. J'ai observé les répercussions du trouble de stress post-traumatique. J'en sais beaucoup plus à propos de ce trouble et de ses conséquences que quiconque voudrait en savoir. J'ai observé l'impact que cela a eu sur leur vie, la façon dont cela a changé leur vie, et la manière dont leur propre avenir a été compromis par les conséquences des agressions sexuelles qu'elles ont subies lorsqu'elles étaient enfants et par le fait que, dans la plupart des cas, le trouble de stress post-traumatique qui en a résulté n'a pas été traité.
J'ai vu que des personnes avaient décidé de se traiter elles-mêmes en consommant de la drogue et de l'alcool. J'ai observé l'incapacité de bon nombre de ces personnes de nouer des relations dignes de ce nom. J'ai eu la tâche de tenter de prouver que la situation de ces personnes était liée aux effets des agressions sexuelles qu'elles avaient subies durant leur enfance, et ce, à une époque où l'on ne reconnaissait pas véritablement les conséquences de ces agressions. L'obtention d'un recours civil pour ces personnes par le truchement d'actions en justice intentées contre l'organisation qui exploitait l'orphelinat et contre le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a été une tâche fastidieuse et de longue haleine, que le fait de composer, tout au long du processus, avec les conséquences subies par les victimes, n'a fait, bien entendu, que rendre plus difficile.
Ainsi, je suis extrêmement sensible à tout ce qui concerne le trouble de stress post-traumatique et les agressions d'ordre sexuel à l'égard d'enfants, et je trouve qu'il est répréhensible et odieux que l'on laisse entendre que le parti que je représente défend la cause, d'une façon ou d'un autre, des délinquants sexuels au moment d'étudier le projet de loi. Je ne trouve pas les mots qui conviennent pour exprimer à quel point je trouve odieux que l'on puisse affirmer que nous nous employons, à la Chambre et au sein du comité, à tenter de trouver des façons d'empêcher que des mesures adéquates — énoncées à la partie 2 du projet de loi — soient prises à l'égard des délinquants sexuels, plus particulièrement les personnes commettant des agressions sexuelles à l'égard d'enfants.
Dans une certaine mesure, les dispositions du projet de loi concernant les peines minimales obligatoires posent un problème, car dans la plupart des cas, ces peines existent déjà. Pour ce qui est de la plupart des parties de la loi, nous n'instaurons pas de nouvelles peines minimales obligatoires — nous les accroissons pour ce qui est des contacts sexuels, de l'incitation à des contacts sexuels et de l'exploitation sexuelle; de plus, les ordonnances d'interdiction ont été modifiées. Le projet de loi comporte quelques modifications importantes, à savoir l'instauration de nouvelles infractions, lesquelles sont uniques en leur genre dans la mesure où elles jouent un rôle préventif. Le fait de rendre accessible à un enfant du matériel sexuellement explicite constitue un exemple de nouvelle infraction.
Cette infraction appartient à la catégorie de la manipulation psychologique; de fait, les auteurs d'agression sexuelle et les prédateurs sexuels se livrent parfois à des activités visant à leurrer et à conditionner un enfant en vue de l'agresser sexuellement par la suite. Entre autres, ils rendent accessible de la pornographie, mènent des activités de leurre par Internet — ce qui constitue à présent une infraction spécifique — et acceptent de rencontrer des enfants en vue de commettre une agression sexuelle à leur endroit ou prennent des dispositions à cette fin. Ces actes constituent à présent des infractions en soi, et elles jouent un rôle préventif puisqu'elles ont été conçues pour que l'on puisse mettre la main sur la personne qui commet ces actes et déposer des accusations pénales contre elle avant qu'elle ne commette une agression sexuelle proprement dite, et cela est important. Il est extrêmement important de punir les délinquants — de toute évidence, il s'agit là de l'un des objectifs du droit pénal; toutefois, il est encore plus important d'éviter qu'une agression sexuelle proprement dite soit commise. Si je dis cela avec une telle conviction, c'est que je connais très bien les répercussions que pourrait avoir une telle agression sexuelle.
Il s'agit là d'importants progrès, et je tiens à mentionner clairement, aux fins du compte rendu, que nous sommes favorables à cet aspect du projet de loi C-10, à savoir le fait qu'il peut contribuer à empêcher que des mineurs soient victimes de prédateurs sexuels adultes, ce qui arrive malheureusement beaucoup trop fréquemment.
Le projet de loi contient de nombreuses dispositions, mais celles concernant le leurre par Internet revêtent une importance particulière. De temps à autre, on entend parler d'affaires où un policier se fait passer pour un mineur sur un site Web ou un site de clavardage, puis met ultérieurement au point une sorte d'opération de nature très élaborée visant à prendre au piège une personne et obtenir des éléments de preuve montrant qu'elle a l'intention de commettre une infraction de ce genre. Ce type d'opération policière mobilise énormément de ressources, et n'est pas nécessairement aussi efficace que le seront les dispositions relatives aux nouvelles infractions, lesquelles nous donneront la possibilité de prévenir la perpétration d'une infraction en nous permettant d'intervenir beaucoup plus tôt dans le processus et d'ériger en infraction quelques-unes des activités qui laissent prévoir la perpétration d'une agression sexuelle.
Monsieur le président, je tenais, aux fins du compte rendu, à mentionner que le projet de loi constitue un important progrès en matière de droit pénal, et à dire très clairement que nous sommes favorables à ces amendements. Le projet de loi comprend un accroissement des peines minimales obligatoires. De façon générale, nous avons d'importantes réserves en ce qui concerne ces peines, mais nous constatons que l'aversion à l'égard de ces infractions particulières fait l'objet d'un consensus social, non seulement parce que ces infractions portent atteinte à l'innocence de nos enfants, mais également parce qu'elles ont des répercussions extrêmement graves — et, dans bien des cas, irréversibles sur les victimes.
Dans les années 1990, lorsque j'étais avocat, j'ai consacré énormément de temps à m'occuper de ces personnes et à tenter de les aider; au bout du compte, j'ai réussi à obtenir un important recours en leur nom. Il faut également souligner que, dans le cadre de cette procédure, et pour obtenir, au bout du compte, un règlement raisonnable, ces personnes ont dû subir ces exercices traumatisants que constituent les procès et les autres activités des tribunaux. Cette victoire a eu des effets considérables sur la vie des victimes — elle leur a permis de terminer dûment leurs études ou de nouer facilement des relations, et les conséquences sur leur propre avenir ont été merveilleuses. On ne peut pas subir une telle agression puis simplement passer à autre chose — pour s'en remettre, les victimes doivent déployer d'énormes efforts, investir beaucoup de temps, participer à de nombreuses séances de counselling et obtenir beaucoup de soutien, sans compter les nombreuses autres choses qu'elles doivent surmonter.
Je veux assurer aux membres d'en face que nous appuierons entièrement ces dispositions du projet de loi. Il se peut que les peines minimales obligatoires entraînent des anomalies — bien que je ne sache pas à quoi elles pourraient ressembler —, mais les dispositions qui les concernent feront l'objet d'un examen. Nous en avons proposé un plus tôt. Une autre disposition du projet de loi, que nous examinerons plus tard, réclame un examen des effets des dispositions sur les peines minimales obligatoires. Nous aurons l'occasion de corriger toute anomalie qui pourrait voir le jour. J'estime qu'il est important, aux fins du compte rendu, de souligner que nous soutenons ces dispositions, et d'indiquer clairement que, à deux occasions au moins, nous avons cherché à accélérer l'étude de ces dispositions — et nous avons présenté des propositions à cet égard — de manière à ce qu'elles puissent entrer rapidement en vigueur. Nous ne savons pas combien de temps il faudra pour que le reste du projet de loi soit étudié par le Parlement, ensuite par le Sénat, puis de nouveau par le Parlement. Nous voulions extraire ces dispositions et faire en sorte qu'elles soient adoptées le plus rapidement possible. Hélas, elles sont toujours liées au reste du projet de loi. Comme l'indique la motion que j'ai déposée ce matin, nous voulons également qu'elles soient rapidement adoptées par le comité.
Cela met fin à mes observations, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Je propose que l'article 34 soit modifié par substitution, à la ligne 8, page 19, de ce qui suit:
moins de deux ans et si des circonstances exceptionnelles justifient que la peine soit purgée dans la collectivité ou si les conditions suivantes
Pris hors contexte, cet amendement peut sembler ne rimer à rien. Je vais donc tenter d'expliquer très brièvement sa raison d'être, si vous le permettez.
La démarche consiste ici à permettre au juge qui impose la peine d'envisager l'imposition d'une peine d'emprisonnement avec sursis, indépendamment des restrictions liées aux circonstances exceptionnelles. Cela se justifie de la manière suivante: en retirant au juge la possibilité d'imposer une peine avec sursis à de nombreux types de délinquants, on prévoit qu'il pourrait se diriger vers ce que l'on pourrait appeler la peine la moins sévère, dans la mesure du possible. Cela dit, si une peine avec sursis ne peut plus être imposée, le juge pourrait envisager une condamnation avec sursis suivie d'une période de probation, si l'incarcération n'est pas appropriée. Toutefois, dans de nombreux cas, ni une condamnation avec sursis ni un régime d'incarcération n'est approprié.
En résumé, les juges, les avocats de la défense et les avocats de la Couronne pourraient très bien se retrouver dans des situations où un résultat plus raisonnable et plus juste n'est tout simplement pas atteint. Cela dit, à la lumière de ce que l'on pourrait désigner sous l'appellation de dérive législative et de l'érosion des peines avec sursis, tout d'abord dans le projet de loi C-9, et maintenant dans le projet de loi que nous étudions, je propose — il s'agit d'une recommandation qui a été également formulée par l'Association du Barreau canadien, et, en fait, elle est fondée sur cette dernière — que l'on envisage l'ajout de dispositions faisant office de soupape de sûreté, car dans les faits, le projet de loi C-10... Il s'agit d'une étude de cas spécifique qui restreint et limite le pouvoir judiciaire discrétionnaire en matière de détermination de la peine. Toutefois, ce pouvoir discrétionnaire a constitué un élément fondamental de notre système de justice pénale.
L'expérience menée aux États-Unis en ce qui concerne des lignes directrices sur les peines obligatoires s'est soldée par un spectaculaire transfert des pouvoirs de la magistrature au service des poursuites, et, par conséquent, on réexamine tout cela et on s'éloigne de ce modèle, comme l'indique plus particulièrement le rapport de la U.S. Sentencing Commission, paru il y a tout juste une semaine.
En résumé, monsieur le président, au Canada, des peines avec sursis donneraient aux juges la capacité de façonner des peines en se fondant sur leur expérience et sur celle d'autres juges dans le cas de délinquants particuliers déclarés coupables d'infractions spécifiques. Toute autre restriction de ce pouvoir judiciaire discrétionnaire aura malheureusement pour effet de porter atteinte de manière trop profonde au rôle important que joue l'examen mené par le juge en ce qui a trait à la spécificité de l'infraction et à celle du délinquant l'ayant commise, et minera la capacité du juge d'exercer son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée, en tenant compte de toutes les circonstances.
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Merci, monsieur le président.
Je vais partager le temps qui m'est alloué avec Mme Boivin.
Avec cet amendement, nous voulons souligner que l'approche adoptée par la loi est trop large. Notre disposition viendrait régler ce problème puisqu'elle inclurait la phrase suivante avant toutes les dispositions qui concernent l'octroi d'un sursis:
moins de deux ans et si des circonstances exceptionnelles se rapportant à l'infraction ou au délinquant justifient que la peine soit purgée dans la collectivité ou si les conditions suivantes
Cette phrase serait ajoutée ici, juste avant la série de conditions.
Cet amendement se justifie en raison de la proposition du gouvernement de créer toute une série de circonstances dans lesquelles l'octroi d'un sursis est impossible. Cette proposition a été critiquée par un certain nombre d'organismes, y compris l'Association du Barreau canadien, dont nous partageons le point de vue. Il y a là toute une liste d'infractions qui, par exemple, n'entraîneraient à peu près jamais l'octroi d'un sursis. L'octroi d'un sursis n'est pas utilisé dans les cas d'infractions graves avec violence et d'infractions graves contre les biens. C'est essentiellement un outil dont les tribunaux se servent pour favoriser la réadaptation d'un délinquant en lui permettant, peut-être, de purger sa peine dans la collectivité, ce à quoi ils ajoutent une longue période de probation qui vise aussi la réadaptation du délinquant.
On ne peut utiliser l'approche qui est mentionnée ici — toute peine maximale d'emprisonnement de 14 ans ou plus — parce qu'elle est trop générale. Il y a bien des infractions passibles d'une peine maximale de 14 ans ou plus qui ne se voient pratiquement jamais imposer ce type particulier de peine. Cela va vraiment à l'encontre des principes normaux de la peine, pour le caractère proportionnel, conçu pour refléter l'équilibre essentiel quand vient le temps de choisir une peine juste. Selon l'Association du Barreau canadien, pour que l'équilibre fasse partie de l'administration d'un système de justice, il faut que le grand public croie que la peine vise à protéger, et la logique et l'équité exigent une peine proportionnelle sur le plan personnel.
C'est pour cela que nous payons les juges. Ils sont payés très cher. Nous déployons beaucoup d'efforts pour choisir des personnes expérimentées et compétentes. Si vous discutez avec des juges un peu partout au pays, ils vous diront que l'une de leurs tâches les plus importantes est la détermination de la peine. C'est pour cela que nous les payons. S'ils font des erreurs, il y a un processus d'appel. C'est pour cela que nous payons les juges de la Cour suprême et des cours d'appel — au cas où un juge d'une cour provinciale ferait une erreur.
Notre système réagit en fonction de la personne et de chacune des infractions. C'est en fait, dans bien des cas, inutile puisque les peines avec sursis ne s'appliqueraient que très rarement, voire jamais. À notre avis, nous devons nous assurer qu'il y a de la place pour les circonstances exceptionnelles. C'est au juge que nous avons demandé, en tant que société, de jouer ce rôle et de déterminer dans quels cas il y a des circonstances exceptionnelles.
On conserve la liste, qui rappelle les conditions consignées par le gouvernement comme étant les conditions dans lesquelles l'octroi d'un sursis n'est pas possible. Les conditions demeureraient pertinentes si l'amendement selon lequel des circonstances exceptionnelles se rapportant à l'infraction ou au délinquant pourraient justifier que la peine soit purgée dans la collectivité était adopté. Ces circonstances pourraient être liées à une responsabilité mentale ou intellectuelle diminuée. Elles pourraient être liées au fait que l'infraction en tant que telle serait de nature technique, ou au fait qu'une personne a participé en droit à l'infraction, mais n'y a guère participé en fait.
De fait, il y a des circonstances précises que nous ne pouvons pas prédire ici, mais qui pourraient justifier la volonté d'accorder un sursis dans des circonstances particulières. Nous estimons que la possibilité, pour le juge, d'exercer ce pouvoir discrétionnaire constituerait une amélioration du projet de loi.
Je cède maintenant la parole à ma collègue Mme Boivin pour le reste du temps qui nous est alloué pour cette disposition.
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Merci, monsieur le président.
J'ai beaucoup réfléchi à cette question en particulier et à la peine minimale obligatoire, et j'allais simplement dire que la loi que nous avons proposée permet une peine inférieure à la peine minimale obligatoire, par exemple si l'accusé participe à un programme de traitement de la toxicomanie. D'abord et avant tout, c'est une possibilité qui a été prévue, et, si un accusé a un problème de toxicomanie — une bien mauvaise habitude, évidemment — le tribunal peut lui imposer une peine inférieure à la peine minimale.
En outre, la plupart des Canadiens sont bouleversés quand ils apprennent qu'une personne qui a commis un crime grave purge sa peine dans la collectivité, comme le cas que je viens tout juste de mentionner concernant une personne qui a commis l'inceste et a agressé sexuellement ses filles de l'âge de 9 à 14 ans. Il s'est fait prendre seulement 20 ans plus tard, quand il a fait des attouchements à une autre enfant qui était la petite-fille de ses amis.
Quand la peine a été prononcée, j'ai d'abord eu honte, mais je pense que toutes les personnes qui étaient présentes au tribunal et toutes les personnes touchées par cette affaire étaient surtout atterrées. Elles étaient bouleversées et très étonnées d'apprendre qu'une personne qui peut commettre ce type d'infractions peut purger sa peine dans la collectivité.
Je pense que c'est l'une des questions réglées par cet article, et je pense que nous avons clairement besoin d'une uniformisation des peines à l'échelle du pays pour envoyer un message clair à ces gens. Même si je suis en partie d'accord avec ce qu'ont dit M. Harris et Mme Boivin concernant la responsabilité accordée aux juges, je pense que, à titre de législateurs, nous avons clairement l'obligation de protéger les Canadiens d'abord et avant tout et de garantir l'uniformité dans l'ensemble pour que les accusés sachent que, s'ils commettent un crime en particulier, ils purgeront toute une peine.
C'est pourquoi je n'appuierais pas le NPD en ce qui concerne cette série précise d'amendements.
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Merci, monsieur le président.
Nous appuyons l'article 44. Je pense qu'aucun amendement n'est proposé, ni par nous ni par qui que ce soit.
C'est un article important pour nous puisque, si vous l'examinez, vous verrez qu'il contient toute une série de substances qui figurent à l'annexe I de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et que cela fait en sorte qu'un certain nombre d'éléments qui figuraient à l'annexe III figurent maintenant à l'annexe I, soit celle qui contient les drogues faisant l'objet des accusations les plus graves en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, tandis que l'annexe III contient les drogues associées aux infractions les moins graves.
Nous appuyons cet article, notamment parce qu'il inclut dans l'annexe I certaines drogues dont les amphétamines et les drogues du viol qui sont toutes consommées de façon particulièrement néfaste dans la société. Les amphétamines sont des drogues qui sont consommées de façon particulièrement abusive. Il s'agit essentiellement de médicaments d'ordonnance qui se fraient un chemin jusqu'à la rue et qui sont très difficiles à éliminer. Elles créent une forte dépendance. Elles entraînent d'autres types d'infractions, et elles devraient être traitées de la même façon que bon nombre d'autres drogues qui exigent un plus grand contrôle, et c'est pourquoi elles devraient figurer dans cette annexe.
Les drogues du viol ne devraient pas être traitées à la légère. Elles sont utilisées, comme nous le savons tous, presque exclusivement dans des circonstances qui supposent l'exploitation de jeunes femmes, je dirais, et elles doivent être prises au sérieux — certainement plus au sérieux que certaines autres drogues.
Auparavant, les amphétamines et les drogues du viol étaient traitées de façon moins sérieuse que le cannabis — la marijuana —, et nous ne pensons pas que ce soit approprié.
Je n'ai pas grand-chose à ajouter, mais ma collègue Mme Boivin... Est-ce que vous nous quittez?
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Merci, monsieur le président.
L'amendement NDP-23 touche l'alinéa c). Il ressemble à l'amendement de M. Cotler, mais est plus détaillé. Il se lit ainsi:
il prend les mesures nécessaires à la protection du public, des agents et des délinquants qui sont les moins restrictives possible;
L'audition des témoins a suscité bien des discussions au sein du comité. M. Michael Jackson, un auteur, penseur et intervenant chevronné des questions liées au droit et aux services correctionnels, nous a présenté un exposé très détaillé qui s'appuyait sur les travaux de la Cour suprême du Canada et faisait des liens avec les mesures de protection exposées dans la Charte canadienne des droits et libertés et la notion selon laquelle, au sein des services correctionnels, une fois qu'une personne est incarcérée, elle subit une peine. La peine en est une d'incarcération.
La notion de « mesures nécessaires à la protection du public, des agents et des délinquants qui sont les moins restrictives possible » a été reconnue par les tribunaux comme critère applicable. Par exemple, nous avons aussi entendu, à titre de témoins devant le comité, M. Howard Sapers, l'ombudsman du Service correctionnel. Il a soutenu la notion et l'utilisation du terme « mesures les moins restrictives possible » comme façon de déterminer s'il y a eu ou non usage d'une force excessive envers une personne qui est en prison.
Maintenant, je ne pense pas que notre société soit si régressive que l'on puisse dire que, quand une personne est incarcérée, elle perd toute protection et tous ses droits. Les droits des personnes incarcérées doivent toujours être conformes à la législation et au principe du droit. Le critère — la mesure — qui a été appliqué par le passé et qui est reconnu par les tribunaux est celui de la notion de « mesures les moins restrictives possible ».
En d'autres termes, vous ne pouvez pas en faire trop quand vient le temps de restreindre un détenu dans un pénitencier ou un détenu du Service correctionnel. Vous devez intervenir de façon mesurée et équilibrée de sorte que vous faites ce qui doit être fait, mais rien de plus. Je me souviens très bien de l'intervention de M. Jackson, qui disait, si vous ajoutez ces quelques mots, « mesures les moins restrictives possible », vous rendrez service aux intérêts des droits de tous les détenus des pénitenciers.
Nous avons malheureusement vu des cas vraiment très tristes. Je pense spontanément à celui d'Ashley Smith, qui a été incarcérée pour la première fois à un très jeune âge, à 14 ans. Je pense qu'elle a au départ été arrêtée parce qu'elle avait lancé des pommettes à un employé des postes, qu'elle avait été accusée et qu'elle avait fini par être incarcérée en vertu de la loi sur la détention des jeunes, et qu'elle n'est jamais sortie de là. Elle a fini par mourir dans un pénitencier à 19 ans, après être passée par toute une série d'impositions de peine et de réincarcération pour des infractions commises à l'intérieur du pénitencier.
Elle avait de graves problèmes de santé mentale qui, de toute évidence, n'ont pas été traités au sein du système, ou n'ont pas pu l'être, et elle a fait l'objet d'importantes mesures de contraintes tout au long de son incarcération. Ses interactions avec le système ont été très négatives. Quand vous voyez une personne comme cela, qui n'a à peu près aucun espoir, vous vous dites que, dans certains cas, son seul espoir, c'est d'être protégée par la loi.
Le recours aux mesures nécessaires à la protection du public, des agents et des délinquants qui sont les moins restrictives possible permet de répondre à tous les besoins. Les dispositions et les principes énoncés dans cet amendement au sujet de la protection du public sont très importants.
Les services correctionnels et les agents ont un rôle très difficile à jouer, et ils se retrouvent aussi en situation de risque. Nous comprenons leur rôle et le travail qu'ils font, et nous les en remercions. Nous leur avons aussi demandé de venir témoigner devant nous. Il faut les protéger le plus possible. Il y a aussi la protection des délinquants, puisqu'ils peuvent être victimes les uns des autres. Quand une personne se retrouve dans un établissement correctionnel, ce n'est pas parce qu'elle est un enfant de choeur. Certaines d'entre elles sont très dangereuses. Les délinquants doivent donc aussi être protégés les uns des autres.
Il y a là une formulation qui figurait déjà dans la loi, mais qui a été supprimée pour être remplacée par une autre formulation. Nous estimons qu'il est important de conserver cette formulation. Elle peut servir de critère pour évaluer la mesure dans laquelle notre service carcéral fait un travail adéquat. Je sais que l'ombudsman du Service correctionnel, M. Howard Sapers, qui a comparu devant notre comité et devant d'autres comités, notamment devant le comité de la sécurité publique à un certain nombre d'occasions, a aussi déclaré que la formulation de cette expression est très importante. Elle fixe une norme mesurable et objective. Elle a fait l'objet d'interprétations par le tribunal et peut être interprétée adéquatement; c'est une mesure objective du travail du service carcéral concernant le respect des droits de tout le monde. Le seul droit que perdent les prisonniers dans un pénitencier — les détenus, c'est le droit à la liberté. Ils doivent respecter les règles, mais ils ne doivent pas être traités de façon plus stricte que ce qui est nécessaire à la protection du public, des agents et des délinquants.
Je pense donc qu'il est important d'intégrer cette formulation à notre projet de loi. Cet amendement semble le permettre.
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Merci, monsieur le président.
Encore une fois, il s'agit d'un point de mésentente important, je crois, entre notre parti et le gouvernement. Nous appuyons l'amendement proposé par M. Cotler, et nous le faisons pour une raison importante.
Comme M. Cotler l'a souligné plus tôt relativement à un autre article, il y a des principes constitutionnels qui entrent en jeu. M. Jackson, qui est professeur de droit depuis de nombreuses années et qui étudie cette question depuis 30 ans, connaît très bien l'historique constitutionnel de l'expression. De plus, il n'est pas seulement question de manier les mots ou de choisir un mot plutôt qu'un autre. Dans le contexte juridique, la signification précise des mots est importante, particulièrement lorsqu'ils ont fait l'objet d'une réflexion et d'une évaluation judiciaires au fil des ans. Les mots « moins restrictives » et « nécessaires » reflètent deux approches complètement différentes.
L'expression « moins restrictives » permet une comparaison avec autre chose; « nécessaires » est un mot très subjectif. Nous n'avons pas tous la même notion de ce qui est nécessaire, tandis que l'expression « moins restrictives » permet une analyse et une application réelles parce que l'on peut examiner la solution de rechange lorsqu'il s'agit de déterminer si les mesures les moins restrictives ont été prises.
Pour de nombreuses personnes, cela peut sembler une simple juxtaposition de mots, mais la réalité, c'est que les tribunaux rendent, en fait, leurs décisions en se fondant sur le libellé utilisé. Par exemple, si un prisonnier ou un délinquant incarcéré dans un établissement a un droit d'appel... Lorsqu'une personne est incarcérée — nous venons tout juste de parler des droits — elle doit avoir le droit de garantir que les conditions de son incarcération ou de sa séquestration sont conformes à la loi. Si on vous place dans un lieu tout simplement parce que cela fait l'affaire de quelqu'un, et s'il suffit de dire que des mesures sont nécessaires et que personne ne peut en juger, compte tenu des circonstances dans les établissements, vous n'avez vraiment aucun droit d'appel ni le droit d'essayer de faire modifier une décision.
Si le libellé permet la prise d'une décision et s'il y a eu un certain nombre de précédents, vous aurez véritablement le droit de demander une autre décision ou de contester une décision qui a été rendue.
Il n'y a rien de facile là-dedans. Il n'est pas facile de fournir des services correctionnels. Toutefois, malgré cela, il doit y avoir des règles qui peuvent être réexaminées, au besoin, s'il y a des difficultés perçues à l'égard d'une situation particulière.
Prenons comme exemple le cas tragique d'Ashley Smith, qui a été transférée à de nombreuses reprises. En fait, d'aucuns ont insinué qu'elle a été transférée parce qu'elle posait problème. Elle a dû être transférée à un autre établissement. Certaines personnes qui ont pris la parole en son nom ont affirmé qu'on l'avait transférée afin qu'elle n'ait pas le temps de contester une forme particulière de séquestration.
Il s'agit d'un cas extrêmement tragique, mais c'est un exemple historique de la manière dont une personne qui est incarcérée peut perdre son droit à l'arbitrage de sa situation ou son droit de demander qu'une personne à l'extérieur de l'établissement examine ce qui s'est passé et, en fait, dise aux responsables des services correctionnels ce qu'ils ont fait de mal, le cas échéant.
Lorsque l'on utilise le mot « nécessaires », eh bien, on donne aux responsables de certains établissements l'occasion de dire: « Eh bien, cela est nécessaire parce que nous n'avons pas d'établissement approprié dans la province. »
Si l'on utilise l'expression moins restrictives », les services correctionnels seront peut-être — peut-être — tenus de fournir le milieu le moins restrictif possible en vue de respecter les droits d'un délinquant. L'établissement du milieu le moins restrictif possible peut également être nécessaire pour garantir que des gens comme Ashley Smith, qui ont des problèmes de santé mentale, ne soient pas soumis à des conditions qui pourraient exacerber et aggraver leur état mental jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus fonctionner dans le système et jusqu'à ce que leur vie, comme le montre le cas d'Ashley Smith, est mise en danger.
Ces questions sont fondamentales. Il ne s'agit pas simplement d'un choix de mots. Il s'agit de questions fondamentales, et, lorsque des juristes aussi distingués que M. Jackson comparaissent devant nous et disent... Je me rappelle de la frustration qu'il y avait dans sa voix, il nous suppliait de l'écouter. Il a dit qu'il s'agissait d'un principe important. Il a affirmé que, si ces trois mots sont là, c'est au moins cela, et la protection constitutionnelle de ces personnes sera explicitée.
Nous ne devons pas prendre aujourd'hui des mesures qui obligeront nos successeurs ou le prochain gouvernement à réparer, dès que l'occasion se présentera, tous les problèmes qui auront été créés ou à rétablir tous les droits qui auront été restreints et limités ou dont on a fait abstraction. Ce sont des aspects fondamentaux de notre système juridique. La Charte des droits n'a un sens que lorsqu'elle est interprétée et respectée, et lorsque son esprit est contenu dans nos autres textes de loi. Selon notre témoin expert, M. Jackson, et selon Howard Sapers, qui est l'ombudsman du Service correctionnel, il s'agit d'une expression qui a un sens, qui peut être appliquée et qui constitue une norme permettant d'évaluer, d'approuver ou, dans certains cas, de critiquer le comportement et les activités d'un service correctionnel dans le but de l'améliorer.
Je voulais insister sur ce point. Il s'agit d'un principe constitutionnel important qui est conforme à la Charte des droits et libertés et d'une expression qui, à notre avis, doit demeurer dans la loi.
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Je suis d'accord avec M. Harris sur certaines choses qu'il a dites. Je pense qu'il a raison lorsqu'il dit que les juges interprètent chaque mot, et je pense que les mots sont importants dans ce cas particulier.
J'ai, moi aussi, écouté le témoignage de M. Jackson à deux reprises et, en toute franchise, je n'ai pas été convaincu. En tant que législateurs, nous devons, à un certain moment, décider que c'en est assez. Je pense que la disposition du gouvernement est très bien formulée. Pour tout dire, l'approche la moins restrictive est utilisée — je ne me rappelle pas exactement où, j'essayais de me rafraîchir la mémoire — dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la Loi sur les jeunes contrevenants, les demandes de révision du cautionnement ou, à vrai dire, les condamnations avec sursis. Je sais que la jurisprudence relative à ces mots, à savoir « moins restrictives », est extrêmement abondante. Il y a dix ans que je n'ai pas pratiqué le droit, alors je ne me rappelle pas exactement l'endroit où j'ai vu cela, mais je sais que ces mots sont très utilisés dans d'autres situations.
À vrai dire, je pense qu'il faut des limites plus strictes. Sauf votre respect, je vais donc souligner que je ne suis pas d'accord avec mon collègue, M. Harris. Je pense que le libellé utilisé par le gouvernement est le bon dans les circonstances, et que les mots « moins restrictives ne sont pas appropriés en ces circonstances particulières.
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Les circonstances vont faire en sorte qu'il y aura maintenant deux types d'isolement.
Il y a l'isolement préventif, qui est prévu ici, et qui ne peut aucunement faire l'objet d'un processus d'arbitrage indépendant. Si quelqu'un est placé en isolement — et lorsqu'on parle de l'isolement, on utilise parfois les expressions « trou » ou « isolement cellulaire », et il y a toutes sortes de conditions associées à cela, selon l'établissement, le lieu et les installations — cela veut dire que l'on est isolé des autres détenus et, dans certains cas, de toute autre personne pendant de longues périodes, chaque jour. Dans certains cas, il peut s'agir de 23 heures ou de 23 heures et demie d'isolement, avec une demi-heure d'exercice physique. Les effets d'un tel traitement peuvent être extrêmement graves pour certaines personnes, selon leur personnalité ou leur état mental. Les humains sont des êtres sociaux, si je peux me permettre l'utilisation de ce terme générique, et le bien-être mental d'une personne dépend beaucoup de son interaction avec les autres.
Si l'isolement a lieu parce que quelqu'un a violé une règle ou fait quelque chose qui représente un danger pour les autres détenus, alors, pour des motifs disciplinaires, cette personne peut être placée en isolement pendant une période donnée. Cette période doit être déterminée selon les règles liées à l'infraction, s'il s'agit, en fait, d'une infraction — la gravité de l'infraction, la gravité du comportement en cause, les antécédents du délinquant incarcéré et si cette sanction a déjà été utilisée. Ces facteurs sont tous pris en considération, et il y a un processus décisionnel.
Toutefois, en ce qui concerne l'isolement préventif, les changements proposés — selon la critique que nous avons reçue, par exemple, de l'Association du Barreau canadien — nuiraient, en fait, à la protection garantie par la loi, qui est vraiment conçue de manière à prévenir les abus de pouvoir. Ils peuvent également légitimer — sous le couvert de ce qui semble être un langage bienveillant — un régime plus répressif au sein d'un établissement où le détenu n'a aucun recours, outre la présentation d'une plainte à l'ombudsman, qui joue un rôle tout à fait différent.
Il n'y a aucune personne indépendante, aucune audience indépendante avant qu'un détenu ne soit passé en isolement préventif. Les amendements proposés visaient à établir un examen indépendant, par un commissaire ou un président indépendant, qui garantirait qu'il n'y a aucune solution de rechange raisonnable. C'est un point de décision relatif à l'article 60 du projet de loi, qui prévoit ce qui suit: « le directeur du pénitencier peut » faire cela « s'il est convaincu qu'il n'existe aucune autre solution valable » à l'isolement préventif et s'il croit — pas « s'il tient pour avéré », mais s'il croit — « s'il a des motifs raisonnables de croire » que le détenu a agi d'une certaine manière, et il peut porter un jugement sur diverses activités.
Cette règle permet une grande part de subjectivité et elle permet — cela n'arrivera pas nécessairement — que des abus passent inaperçus. Il n'y a pas de droit d'appel à cet égard, ni d'arbitrage indépendant, et personne de l'extérieur n'a son mot à dire. Un grand nombre d'établissements, y compris certains établissements correctionnels, ont cette sorte de culture, d'attitude ou d'approche organisationnelle qui s'alimente elle-même.
En dedans, nous avons les mêmes problèmes. Nous avons affaire à des détenus problématiques, qui nous confrontent à des difficultés importantes. On peut avoir l'impression qu'elles portent atteinte à la sécurité du pénitencier ou d'une personne. Cela peut comprendre le détenu lui-même. À un certain moment, il faut donc prendre une décision, selon la perspective interne.
Un arbitre indépendant serait quelqu'un qui ne subit pas les pressions quotidiennes de l'établissement, et qui pourrait évaluer la situation d'une manière indépendante et participer à ce qui équivaudrait à un débat — ce n'est pas le bon mot — mais à une approche et dire: « Écoutez. Dans ce cas particulier, il semblerait y avoir une autre solution valable à cet isolement très restrictif et potentiellement dangereux, et on devrait l'essayer avant de placer le détenu en isolement préventif ».
À mon avis, si Ashley Smith avait eu accès à ce type de processus indépendant, d'autres solutions auraient été suggérées et essayées. Un observateur indépendant et objectif attirerait l'attention du monde externe sur ce processus.
Nous ne pouvons pas accepter un système d'isolement préventif qui dépend de l'avis d'une seule personne, à savoir le directeur du pénitencier. Il s'agit d'une atteinte à la liberté très considérable. La Charte des droits et libertés, qui est l'un de nos meilleurs instruments de mesure, garantit la liberté d'association, même au sein d'un établissement correctionnel. Il serait mal de priver quelqu'un de ce droit pour des motifs administratifs en se fondant sur l'avis d'une seule personne qui, par hasard, est le directeur de cet établissement particulier.
Nous ne pouvons pas appuyer cela. Je crois que nous devons nous y opposer, et c'est pourquoi nous avons proposé ces amendements. Je suis désolé d'entendre qu'ils sont irrecevables. Je suis désolé d'entendre que le gouvernement ne propose pas ce mécanisme de protection additionnelle pour les personnes atteintes d'une maladie grave, comme c'était, tragiquement, le cas d'Ashley Smith. Toutefois, dans les établissements correctionnels, il y a de nombreuses autres personnes qui ont des problèmes de santé mentale graves, lesquels ne sont pas gérés de manière appropriée dans ces établissements. De nombreuses personnes ont fait ce commentaire. Il s'agit d'une grande lacune de notre système de justice pénale. Un grand nombre de personnes se retrouvent dans des pénitenciers plutôt que dans des établissements où elles pourraient bénéficier d'un traitement approprié et de la protection dont elles ont besoin.
Il y a des suicides dans les pénitenciers. Cela se passe également lorsque les gens sont placés en isolement, car cela mène à la dépression et à une faible estime de soi. L'isolement a des effets émotifs et psychologiques très graves. En période de détresse et de difficultés émotives, nous avons besoin du soutien d'autres personnes, ce que ne permet pas l'isolement. Toute forme d'isolement, qu'il s'agisse d'une mesure préventive ou disciplinaire, nous prive de ces choses. La protection essentielle d'une personne objective, qui ne fait pas partie de l'établissement, qui a l'expérience nécessaire pour rendre ce genre de jugements, qui peut suggérer des solutions valables et qui, dans certains cas, peut garantir que le directeur de l'établissement correctionnel obtient, du gouvernement, les fonds nécessaires pour les mettre en oeuvre... C'est une chose de dire: « Je place cette personne ici parce qu'il n'y a pas d'autre solution »...
Si un arbitre indépendant disait: « Il existe des mesures raisonnables; votre établissement ne les prend peut-être pas, mais il devrait le faire », le directeur de l'établissement pourrait alors dire au gouvernement ou au solliciteur général: « Écoutez, on me dit que je ne peux pas utiliser l'isolement préventif parce qu'il existe des solutions de rechange raisonnables, mais nous n'avons pas l'argent pour les mettre en œuvre. Donnez-nous plus d'argent. Assurez-vous que cette personne ne soit pas traitée de façon inadéquate en raison d'un manque de fonds. » Voilà l'importance de ce genre de solution de rechange.
Nous ne pouvons donc pas donner notre appui à cet article, car il empêche la tenue du type d'évaluation objective qui, selon nous, est nécessaire.
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Ce n'est guère un rappel au Règlement.
Je pense avoir dit d'emblée que nous aborderions les articles auxquels nous nous opposons. Si nous étions en faveur de certains articles et que nous avions de bonnes raisons de les appuyer, nous pourrions tout de même les aborder, mais nous serions plus disposés à les regrouper s'ils étaient du même ordre.
Non, ce qui me préoccupe, c'est ce qui découle de l'article 60. Cet article autorise l'isolement préventif sans qu'on doive recourir à un arbitre indépendant, et il en découle l'article 61 du projet de loi — l'article 37 proposé —, selon lequel le détenu en isolement préventif jouit des mêmes droits et conditions que les autres détenus du pénitencier, à moins qu'il y ait — selon le libellé anglais de l'article — des contraintes liées aux installations d'isolement de l'établissement.
Donc, s'il n'y a pas la possibilité de faire de l'exercice, s'il n'y a pas la possibilité — et j'utilise un exemple banal — de regarder la télévision, d'écouter la radio ou de la musique ou de faire tout ce qui pourrait aider une personne à composer avec la solitude, les détenus ne pourront rien faire de tout cela, puisqu'on ne leur offre pas cette possibilité. Il n'y a aucune obligation de fournir des conditions raisonnables, aucune obligation de prendre ce qu'on dit être les mesures le moins restrictives possible, aucune obligation d'avoir recours à un arbitre indépendant qui pourrait proposer des solutions de rechange raisonnables ou laisser entendre que la situation dans un établissement ou dans une unité d'isolement préventif en particulier n'est pas raisonnable et que des solutions de rechange raisonnables existent et devraient être adoptées. Voilà ce qui me pose problème dans cet article.
C'est une chose de mettre en place un système d'isolement préventif — et, comme vous l'avez peut-être constaté, en principe, nous ne nous y opposons pas. Mais vous allez dire que l'isolement préventif d'un détenu est fondé seulement sur la décision et sur l'opinion du directeur du pénitencier, puis qu'il peut y avoir des limites à ce qui est offert aux détenus en raison des contraintes particulières liées aux installations d'isolement. Eh bien, cela reviendrait essentiellement à dire que si une unité est particulièrement inadéquate en raison de la nature de l'établissement ou du surpeuplement des pénitenciers causé par les projets de loi qu'on adopte, parce que l'établissement est plein à craquer, et on a créé une nouvelle unité d'isolement préventif qu'on n'a pas encore dotée des installations nécessaires, mais on est pris avec, car c'est tout ce qu'on a — eh bien, cela serait parfaitement légitime. De fait, c'est cet article particulier qui légitime ce genre de situation.
Monsieur le président, j'estime que c'est inacceptable. On commence par supprimer l'expression « le moins restrictif possible ». On la supprime simplement parce que... Pour des raisons qui m'échappent ou parce que vous préférez le mot « nécessaires ». Maintenant, ce mot s'applique aussi aux contraintes liées à l'unité d'isolement d'un établissement donné. Or, combien de nos établissements ne disposent pas d'installations convenables pour l'isolement préventif? De quelles contraintes est-il question, au juste? Quelques-unes me viennent spontanément à l'esprit, mais je ne suis pas un expert des services correctionnels. Cela dit, comme j'ai visité un certain nombre de pénitenciers canadiens dans le cadre de mes fonctions d'avocat, je sais que la qualité des services correctionnels varie beaucoup d'une prison à une autre et qu'il y a beaucoup de désaccords concernant ce qui constitue un niveau adéquat. Nombre d'établissements sont extrêmement vieux. Nombre d'entre eux ne disposent pas d'installations modernes.
C'est bien beau de dire: « Vous êtes en prison, tant pis pour vous », mais il est question ici d'une prison dans une prison, d'une unité d'isolement préventif assortie de contraintes additionnelles qui sont... Vous l'avez formulé de façon positive: cela s'appelle les « droits des détenus ». Ces détenus ont les mêmes droits et sont soumis aux mêmes conditions, à moins que ce ne soit pas possible. C'est ce qui est écrit dans le libellé anglais de l'article: « limitations specific to the administrative segregation area ». C'est bien beau de dire que les détenus ont des droits s'ils ont droit à tout ce qui est prévu, mais on leur dit ici qu'ils ont doit à tout, sauf ce que ne peut offrir l'unité d'isolement préventif de l'établissement en question.
C'est une formulation qui vise à dénier aux détenus les droits que l'article est justement censé leur conférer. Je pense que c'est inapproprié, et cela découle de la décision d'adopter l'article 60 du projet de loi, qui autorise le directeur d'un pénitencier à ordonner à son gré l'isolement préventif des détenus. Je ne vois pas vraiment de durée maximale ici. On ne limite pas la durée.
D'après mon interprétation, l'isolement préventif peut être permanent. Il y a peut-être un autre article, M. Jean ou une personne de l'autre côté de la salle pourrait peut-être me montrer qu'il y a une limite à l'égard de la durée ou une méthode à suivre pour déterminer à quel moment doit se terminer l'isolement préventif. Mais je ne vois aucune mention d'une durée maximale, outre le passage indiquant que le détenu doit être replacé parmi les autres détenus le plus tôt possible. Eh bien, c'est merveilleux. Qui décide de la durée de l'isolement?
Je sais que je reviens à un autre article, monsieur le président, mais c'est l'article 60 qui établit les conditions. Il indique que les détenus se verront dénier ces droits, aussi longtemps — essentiellement — que le directeur du pénitencier jugera bon de les maintenir en isolement préventif, mais qu'on les sortira de là le plus tôt possible.
Je le répète, des formulations comme « le plus tôt possible » et des mots comme « nécessaires » sont de nature subjective. Ils ne sont pas assujettis au principe constitutionnellement admis selon lequel il faut prendre les mesures le moins restrictives possible. Nous voyons là un problème très important. L'article 61 maintient un tel niveau de restriction, ce qui, j'en ai bien peur, est très, très discriminatoire à l'égard des personnes en pareille situation et qui les expose à des mauvais traitements et à des décisions arbitraires. Cela pourrait engendrer des injustices dans nos pénitenciers.
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Merci, monsieur le président.
L'article 64 consiste en deux parties qui autorisent le Service correctionnel à obliger tout détenu à porter un dispositif de surveillance à distance lorsque « la permission de sortir, le placement extérieur, la libération conditionnelle ou d'office ou l'ordonnance de surveillance de longue durée est assortie de conditions interdisant au délinquant l'accès... à un secteur géographique ou l'obligeant à demeurer dans un secteur géographique ». De plus, une disposition prévoit que le délinquant « doit avoir la possibilité de présenter à la personne désignée par règlement des observations au sujet de la durée requise du port du dispositif ».
Voilà un fait nouveau, il n'y a aucune obligation énoncée, outre celle selon laquelle on peut demander à un délinquant de porter un tel dispositif « lorsque la permission de sortir, le placement extérieur, la libération conditionnelle ou d'office... est assortie de conditions ». Nous savons que la libération d'office a lieu automatiquement et est déterminée par la nature de la peine; donc, tous les délinquants finissent par bénéficier d'une libération d'office. Parfois, ils présentent une demande de libération conditionnelle, et leur demande est approuvée. La Commission de libération conditionnelle peut imposer des conditions, mais l'article proposé autorise le Service correctionnel à le faire. C'est nouveau.
Je me demande si le mot « peut » ne risque pas, compte tenu de la nature de la technologie, de déboucher sur une imposition systématique du port de ce dispositif, sans égard pour la nature de l'infraction, pour la propension du délinquant, pour les circonstances...
La question qui s'impose à l'esprit est la suivante: qu'est-ce qui justifie tout cela? Pourquoi est-ce nécessaire et pourquoi est-ce applicable à toute personne, simplement pour vérifier si elle respecte une condition? C'est une approche quelque peu totalitaire plutôt qu'une approche qui reconnaît que les conditions relatives à la permission de sortir, au placement à l'extérieur et à la libération conditionnelle font partie du processus de réadaptation et qu'elles reposent sur la reconnaissance par le Service du fait qu'il s'agit de privilèges inhérents aux permissions de sortie fondés sur la mise en oeuvre d'un plan de réadaptation — dont il est question dans une disposition antérieure du texte de loi. Comme Mme Findlay l'a signalé plus tôt, il y a des dispositions qui appuient la réadaptation et qui soulignent son importance.
Je crains que cela devienne une autre approche punitive selon laquelle toute personne qui purgera une peine — quelle qu'elle soit — devra porter un dispositif de surveillance à distance jusqu'à la toute fin. L'occasion est donnée à l'intéressé de présenter des observations, alors je suppose que tout le monde pourra dire: « J'ai une observation à présenter: je souhaite ne plus être obligé de porter ce bracelet » ou tout autre type de dispositif de surveillance à distance.
De toute évidence, il y a un déshonneur important associé au fait de porter un tel dispositif. Il pourrait être imposé de façon systématique, ce qui serait arbitraire et superflu. Il ne semble pas y avoir de preuve de la nécessité d'une telle obligation. Elle fait fi de l'idée — dont nous avons discuté plus tôt — selon laquelle il faut utiliser les méthodes le moins restrictives possible à l'égard des prisonniers. Ce principe n'est pas du tout pris en compte, ici. L'article autorise simplement le Service à imposer cette obligation à toute personne qui bénéficie d'une permission de sortir, qui fait l'objet d'un placement à l'extérieur ou qui se trouve dans toute autre situation où elle ne doit pas, par exemple, quitter la province. Si une personne participe à un placement à l'extérieur, elle n'est probablement pas autorisée à prendre un autobus pour aller dans la ville voisine.
Cette mesure vise à suivre de près les individus sans qu'on ait à en justifier la nécessité aux fins de la justice. C'est une simple restriction additionnelle imposée pour une raison qui semble arbitraire.
Nous nous opposons à une telle mesure. Peut-être que certains de mes collègues auraient quelque chose à ajouter. C'est une mesure à laquelle nous nous opposons.
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À titre purement informatif et afin que M. Jean prête une oreille attentive à mes commentaires, je veux exprimer mon soutien à l'égard de cet article particulier, car il porte bel et bien sur la réadaptation.
Un des aspects très malheureux de notre système carcéral est la représentation disproportionnée de la population autochtone dans nos prisons. Je pense que le pourcentage de détenus autochtones dans la population carcérale est au moins six ou sept fois plus élevé que le pourcentage d'Autochtones dans la population canadienne. D'ailleurs, ce pourcentage est peut-être même encore plus élevé dans certaines provinces. Leur réadaptation fait l'objet d'une attention particulière dans l'article 84 proposé:
Avec le consentement du détenu qui exprime le souhait d'être libéré au sein d'une collectivité autochtone, le Service donne à celle-ci
a) un préavis suffisant de l'examen en vue de la libération conditionnelle du détenu ou de la date de sa libération d'office, ainsi que
b) la possibilité de soumettre un plan pour la libération du détenu et son intégration au sein de cette collectivité.
Il s'agit d'une amélioration de la loi actuelle qui permet à la collectivité autochtone de contribuer à la réinsertion sociale du délinquant. J'espère — je ne fais qu'espérer, car je ne peux proposer d'amendements qui nécessiteraient une dépense, comme je viens de l'apprendre, du moins en ce qui concerne la proposition de mettre sur pied une instance indépendante —, j'espère que l'on fournira des ressources afin d'aider les collectivités autochtones à jouer un rôle positif dans ce processus d'intégration. Il faut absolument essayer de soutenir les Autochtones qui doivent composer avec les conditions relatives à leur incarcération dans le cadre de leur punition — je ne le nie pas — et, de surcroît, avec le dépaysement socioculturel qui se produit lorsqu'ils se trouvent dans un établissement correctionnel, parfois pour de longues périodes.
J'appuie cet article. Mon parti l'appuie. Nous pensons que des efforts additionnels importants doivent être déployés afin d'aider les Autochtones à réintégrer leur collectivité. À ce chapitre, le simple plan qui est proposé ne suffit peut-être pas. Des ressources considérables seraient peut-être nécessaires à cette fin. J'encouragerais le gouvernement, au moment de songer à l'adoption de l'article 66 du projet de loi, à envisager la création de programmes et l'affectation de ressources qui pourraient être nécessaires pour rendre cette mesure plus efficace.
Si les Autochtones sont en mesure de retourner dans leur collectivité, de la réintégrer et de s'associer avec d'autres membres de cette collectivité au moyen d'un plan élaboré de concert avec la collectivité elle-même — y compris les Aînés et les divers groupes qui la composent — leur réinsertion sera plus réussie.
Voilà mes commentaires, monsieur le président. Peut-être que certains de mes collègues auraient également des choses à dire à cet égard.
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Je suis enchanté de l'apprendre, monsieur Jean. Au moins, le public peut nous entendre. Et j'imagine que c'est un peu comme ce qui se passe dans les unités d'isolement préventif, dont nous venons de parler: si le service n'est pas offert, les gens ne pourront pas l'obtenir. Malheureusement, dans le cas qui nous occupe, bien des gens regardent la télévision. S'ils ne peuvent que nous entendre, ils devront, à défaut de regarder un écran vide, trouver une autre façon de faire. Mais c'est malheureux. Quoi qu'il en soit, nous sommes ici et nous devons poursuivre.
Je suis pour l'article 68. C'est un article très intéressant, et cela surprendra peut-être le public et certains d'entre nous parmi les législateurs d'entendre qu'il est possible que des gens veuillent demeurer en prison après l'échéance de leur peine. Cela peut sembler un peu paradoxal, mais, quand on y pense, il est facile de comprendre leurs motifs. Il existe plusieurs motifs différents.
Je vais lire l'article:
Le directeur peut, à la demande d’une personne mise en liberté conditionnelle ou d’office, ou qui a le droit d’être ainsi mise en liberté, l’héberger temporairement — au plus tard jusqu’à l’expiration légale de sa peine — au pénitencier afin de favoriser sa réadaptation.
Donc, si une personne est en liberté conditionnelle, cela veut habituellement dire qu'elle sort de prison avant l'expiration de sa peine. La libération d'office arrive avant l'expiration réelle de la peine. Cela veut dire que cette personne se retrouve à la rue. Il arrive que des gens n'ont pas une place où aller immédiatement. S'ils n'ont une place que trois semaines plus tard, ils seront peut-être à la rue pendant trois semaines.
Il peut arriver, par exemple, qu'un détenu soit en train de se préparer à un événement important, par exemple un examen grâce auquel il pourra obtenir son diplôme de 11e année sans avoir été à l'école — il peut passer cet examen et étudier pendant qu'il est dans le pénitencier pour obtenir son diplôme. La semaine suivante ou la semaine d'après, il ne veut pas se retrouver à la rue, dans une situation où il n'a pas accès aux ressources ou aux systèmes nécessaires pour terminer ce qu'il a commencé, et il est beaucoup plus souhaitable pour lui de rester en prison une semaine ou dix jours de plus afin de pouvoir passer cet examen et obtenir un diplôme, ce qui l'aidera dans sa réinsertion sociale.
Malgré le côté en apparence paradoxal de cette disposition particulière, c'est en fait quelque chose qui peut réellement aider un détenu pendant le processus de réinsertion sociale. C'est pourquoi nous appuyons cette proposition de tout coeur, et nous nous attendons tout à fait à ce que le directeur de l'établissement tienne compte des motifs, puisque l'article dit: « afin de favoriser sa réadaptation ». C'est le détenu qui demande que cela se passe ainsi.
Je crois que c'est quelque chose de positif.
C'est tout ce que j'avais à dire.
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Si je peux parler de notre amendement, je dirais que nous voulons modifier la disposition d'une façon analogue, comme on l'a déjà dit, à ce que prévoyait l'amendement de M. Cotler, mais le libellé change; nous voulons que les décisions de la Commission des libérations conditionnelles soient « les moins restrictives possible », compte tenu de la protection de la société. Voilà la disposition que nous proposons. Encore une fois, nous reconnaissons le caractère prépondérant de la protection de la société, mais nous croyons qu'il est important que ces mots soient inscrits ici. L'article 71, qui modifie l'alinéa 101
c), propose de remplacer l'expression « les moins restrictives possible » par — et cette expression est aussi utilisée ailleurs — « au-delà de ce qui est nécessaire et proportionnel aux objectifs de la mise en liberté sous condition ».
Les tribunaux n'ont pas eu à se prononcer sur ce nouveau libellé. Notre amendement respecte les conseils juridiques que nous a donnés un expert, le professeur Michael Jackson, en ce qui a trait à l'interprétation de la Constitution et à la protection qu'elle. Nous voulons que les commissions des libérations conditionnelles fassent de la protection de la société leur principale considération, mais ce faisant, elles doivent être limitées par le principe de la protection constitutionnelle, et leurs décisions devront en conséquence être les moins restrictives possible, et, dans le même ordre d'idées, elles ne pourront pas tout simplement ajouter des conditions à la libération conditionnelle parce qu'elles le peuvent ou parce qu'elles croient que ces décisions ne vont pas au-delà de ce qui est « nécessaire et proportionnel », alors qu'elles doivent, en réalité, être « les moins restrictives possible ».
C'est aux tribunaux de rendre la décision touchant la peine, mais, après qu'une personne est incarcérée, la règle, reconnue par les tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada, veut que l'approche la moins restrictive est conforme au rôle des tribunaux dans la détermination de la peine et au rôle des services correctionnels dans l'administration de cette peine. Cela comprend le rôle des commissions des libérations conditionnelles.
Voilà notre amendement, monsieur le président. Je n'ai rien à ajouter.
:
L'article 92 permet à un agent de la paix d'arrêter sans mandat le délinquant qui a violé ou qu'il trouve en train de violer une condition de sa libération conditionnelle ou d'office ou de sa permission de sortir sans escorte. Encore, une fois, l'article donne à un agent de la paix le type de pouvoirs qu'exerce normalement un juge de paix, en ce qui concerne le fait de déterminer si l'intérêt du public peut être sauvegardé sans arrêter la personne et sans l'identifier, s'il croit que celle-ci omettra de se présenter devant le surveillant de liberté conditionnelle.
Il s'agit d'un cas où un agent de libération conditionnelle peut révoquer la libération conditionnelle ou la permission de sortir d'un délinquant qui a violé une des conditions de cette libération conditionnelle ou de cette permission.
Cela donne à un agent de la paix le pouvoir d'arrêter quelqu'un, de le mettre en état d'arrestation parce qu'il a violé une condition de sa libération conditionnelle, qui peut bien être une condition mineure. Les permissions de sortir et les libérations conditionnelles sont assorties de toutes sortes de conditions, et c'est en réalité à l'agent de libération conditionnelle ou au surveillant qu'il revient de déterminer pourquoi ces conditions sont nécessaires. Il n'existe pas vraiment d'éléments de preuve à l'appui d'une telle mesure. On ne nous a pas donné d'exemples concrets qui témoignent de la nécessité de cet article. On ne nous a donné aucun élément de preuve selon lequel le cadre actuel ne fonctionne pas; dans le cadre actuel, lorsqu'un détenu en libération conditionnelle a violé les conditions de sa libération conditionnelle, que cela pose un problème et qu'il faut en aviser l'agent de libération conditionnelle, il suffit d'aviser l'agent de libération conditionnelle, et il existe déjà des mécanismes pour régler ce problème.
Les agents de la paix ont facilement accès aux agents de libération conditionnelle. Ils savent qui ils sont. Ils sont généralement au courant de la présence de libérés conditionnels dans leur collectivité, et il n'y a pas vraiment de raison de donner ce pouvoir aux agents de la paix.
La libération conditionnelle s'appuie dans une certaine mesure sur la bonne foi de chacun, si vous voulez. Certaines des dispositions relatives à la libération conditionnelle visent la réinsertion sociale du délinquant. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de sévir à toute occasion et, au fond, de faire participer les agents de la paix à ce processus sans que le surveillant de liberté conditionnelle n'intervienne. Cela me semble inutile.
Nous croyons que c'est un ajout inutile et qu'on devrait laisser la surveillance des libérés conditionnels aux agents de libération conditionnelle; en outre, c'est à eux de décider s'il convient de révoquer la libération conditionnelle et d'arrêter une personne.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Le problème, voyez-vous, est dans le Code criminel.
[Traduction]
Voilà où il faut apporter la correction, et nous n'avons pas le pouvoir de corriger le Code criminel.
Si nous décidons d'employer une terminologie différente de celle qui se trouve dans le Code criminel dans notre amendement à la loi, alors nous allons semer la confusion. Si un avocat qui parle français, un avocat francophone, se penche sur le projet de loi, il saura exactement à quel article du Code criminel il renvoie. Si nous changeons cet intitulé de quelque manière, alors, cela ne sera plus le cas. Nous allons même semer la confusion quant à l'article du Code criminel auquel le projet de loi renvoie. L'avocat verra une note marginale, alors qu'il en trouvera une autre dans le Code, ce qui sèmera le doute et la confusion.
Selon moi, la bonne solution consiste à changer le Code criminel, ce que nous ne pourrons pas faire aujourd'hui. Autrement, la loi devrait tout simplement renvoyer à ce qui se trouve dans le Code criminel.
Je pense que nous devrions mettre cet article aux voix.
[Français]
Je crois que nous comprenons tous que cela ne change pas les textes liés aux infractions qui sont clairs, nets et précis. Cependant, il existe un principe en droit selon lequel le législateur ne parle jamais pour ne rien dire. Peut-être que la prudence n'est pas importante dans ce cas-ci, mais sur la base de ce principe, par acquit de conscience, il faudrait demander à nos spécialistes et nos juristes de faire une petite vérification pour savoir comment il se fait que ces deux titres soient si différents. Il y a quand même une nuance intéressante. Si je parle de
[Traduction]
« sexual exploitation of person with disability », c'est un peu la description de l'article.
[Français]
En français, on dit: « personnes en situation d'autorité ». Ce sont deux concepts différents. L'un parle de la victime et l'autre du criminel, d'une certaine façon.
Même si c'est seulement par un pur hasard qu'on l'a découvert, c'est quelque chose à corriger. Si ce n'est pas possible de corriger ça par ce processus-ci, c'est-à-dire par le projet de loi , il faudrait au moins que quelqu'un nous revienne à la fin pour nous dire s'il y a lieu d'apporter des modifications.
Je suis coprésidente du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, où nous passons notre temps à étudier la réglementation afin de trouver des petits mots qui sont différents entre le français et l'anglais et de nous assurer de l'exactitude de ces mots, que ce soit dans les titres ou ailleurs. Même si les titres n'ont pas force de loi, les gens vont souvent les utiliser.
Même si on dit qu'on ne doit pas utiliser les titres, peut-on à tout le moins faire cette modification par acquit de conscience, dans ce contexte-ci? J'accepterais même qu'on nous dise qu'on va s'occuper d'apporter, dans le cadre d'un projet de loi ultérieur, une correction à laquelle tout le monde serait favorable, étant donné que c'est un non-sens. Mon Dieu, il me semble que ça ne devrait pas être aussi compliqué de se donner la prudence d'attendre à demain.
On me demande parfois si je pense pouvoir faire adopter des amendements. Devant des exemples comme celui-là, où on pourrait amender des titres qui contiennent des erreurs tellement évidentes, mais qu'on est incapable de modifier — il s'agit de changements superficiels, me direz-vous —, je constate qu'il y a un problème. C'est peut-être parce qu'il n'y a pas d'ordre de changer absolument rien à rien, mais enfin.
:
En guise de précision, il y a deux ensembles distincts d'annexes qui sont évoquées. L'annexe qui se trouve dans la Loi sur le casier judiciaire sert essentiellement à désigner des infractions d'ordre sexuel. C'est donc une question entièrement différente de l'annexe qui se trouve dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Dans la LSCMLC, l'annexe I est fondamentalement une liste d'infractions sexuelles, et l'annexe II est une liste d'infractions graves en lien avec la drogue. Ce n'est donc vraiment qu'une formulation, une liste ou encore un regroupement de types d'infractions; ces listes sont associées à différents aspects de l'administration des services correctionnels, ce qui fait qu'au moment où des décisions sont rendues, par exemple, dans le cadre d'une procédure d'examen expéditif, qui a tout récemment été abrogée... Toutefois, par exemple, les délinquants déclarés coupables d'infractions désignées à l'annexe I et l'annexe II étaient inadmissibles à ces dispositions législatives
Pour l'essentiel, la liste existe donc afin de regrouper des infractions auxquelles les administrateurs du système correctionnel peuvent se reporter pour déterminer qui est admissible ou pas à certaines dispositions législatives de la Loi . C'est différent de l'annexe qui se trouve dans la Loi sur le casier judiciaire. Dans cette dernière, il s'agit essentiellement d'une liste d'infractions sexuelles. Ainsi, quand une personne reçoit un pardon et qu'elle postule ensuite pour travailler auprès de personnes vulnérables, par exemple pour être entraîneur de base-ball ou de hockey, ce casier judiciaire peut être comparé à l'annexe qui sert à désigner les infractions sexuelles; si une personne postule pour un travail auprès de personnes vulnérables, le système CIPC de la GRC va émettre un signalement; ce dernier sera transmis au ministère de la Sécurité publique, qui en informera le ministre. Le ministre peut divulguer ce casier judiciaire. C'est la fonction de l'annexe de la Loi sur le casier judiciaire. Elle sert à signaler les infractions sexuelles.
En ce qui a trait à la LSCMLC, l'annexe I contient une liste d'infractions sexuelles, et l'annexe II, une liste des infractions graves en lien avec la drogue et ces deux annexes servent à l'administration du système correctionnel et aux décisions rendues par les autorités pertinentes.