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La 58
e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte. Selon l'ordre de renvoi du 30 novembre, nous poursuivons notre étude du projet de loi .
Nous accueillons deux groupes de témoins. Je m'assurerai de préserver les 15 dernières minutes à la fin de notre séance pour étudier la motion de Mme Boivin, qui a déposé l'avis réglementaire. Cependant, si l'audition du premier groupe de témoins se termine plus tôt que prévu, nous nous pencherons sur la motion avant d'entendre le second groupe.
Plusieurs représentants de la Commission canadienne de sûreté nucléaire sont parmi nous. M. Jamieson nous présentera ses collègues et fera une brève déclaration.
Nous accueillons également Mme Dagenais, directrice générale, Transport des marchandises dangereuses, au ministère des Transports. Elle fera une très brève déclaration préliminaire.
Monsieur Jamieson, c'est à vous la parole.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui pour examiner les liens entre certains aspects du projet de loi , , et le mandat de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
Je suis accompagné de M. Raoul Awad, directeur général, Direction de la sécurité et des garanties, ainsi que de M. Jason K. Cameron, directeur général, Direction de la planification stratégique, Affaires réglementaires.
[Français]
La CCSN est l'unique organisme de réglementation nucléaire au Canada. À ce titre, elle est responsable du maintien, de la santé, de la sûreté et de la sécurité des Canadiens ainsi que de la protection de l'environnement en lien avec notre industrie nucléaire.
Elle est également chargée du respect des obligations internationales du Canada à l'égard de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Nous nous acquittons de notre mandat aux termes de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et de ses règlements.
[Traduction]
La CCSN et l'organisme qu'elle a remplacé ont réglementé les activités nucléaires depuis plus de 65 ans. Ces activités couvrent l'ensemble du cycle nucléaire, de l'extraction minière et de la concentration de l'uranium jusqu'à la fabrication du combustible nucléaire, aux installations nucléaires comme les centrales nucléaires et à la gestion des déchets nucléaires. La CCSN réglemente également les substances nucléaires ainsi que les applications dans les domaines commercial, médical, universitaire et de la recherche.
Dans ma brève déclaration, je mettrai l'accent sur la façon dont la CCSN garantit la sécurité des substances et des installations nucléaires.
Pour prévenir le terrorisme nucléaire, on dispose de plusieurs moyens. Il y a tout d'abord les conventions et les traités internationaux. Au Canada, la CCSN surveille la protection matérielle, l'évaluation de la menace et l'application des mesures de sécurité. Le projet de loi ajoute de nouvelles infractions au Code criminel en matière de terrorisme nucléaire, mais le mandat de la CCSN consiste essentiellement à prendre des mesures préventives pour que les menaces de terrorisme nucléaire soient détectées et écartées le plus tôt possible.
La CCSN a participé à l'élaboration des modifications à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires. Le Règlement sur la sécurité nucléaire a été mis à jour en 2006 pour tenir compte de ces modifications. Il établit les normes et les règles de sécurité que doivent respecter les titulaires d'un permis. En matière de protection matérielle, les exigences sont déterminées en fonction d'une méthode graduelle qui correspond au niveau de risque et aux conséquences.
Je vous donne un exemple. Les exigences relatives aux matières nucléaires de catégorie 1 ou 2 et aux installations où elles sont entreposées portent tant sur le contrôle de l'accès à ces installations que sur l'intervention d'une force armée en cas d'intrusion, de vol ou de sabotage. Les employés et les superviseurs doivent respecter les exigences en matière de sensibilisation aux protocoles de sécurité. Les personnes ayant accès aux matières nucléaires doivent faire l'objet de rigoureuses vérifications des antécédents.
Les titulaires de permis doivent élaborer des plans d'urgence et les mettre à jour. Ils doivent également tenir régulièrement des exercices en situations d'urgence. L'industrie nucléaire nord-américaine organise annuellement une compétition où les agents de sécurité nucléaire font montre de leurs compétences physiques et tactiques. Nos représentants canadiens remportent souvent cette compétition.
Le transport des matières nucléaires de catégories 1, 2 et 3 est assujetti au Règlement sur l'emballage et le transport des substances nucléaires. Il nécessite la délivrance d'un permis par la CCSN. Pour obtenir un tel permis, il faut présenter un plan de sécurité qui contient des renseignements détaillés, notamment sur l'évaluation de la menace, les mesures de sécurité proposées, le trajet et les mesures prises le long de celui-ci. Le tout doit être conforme au Règlement sur la sécurité nucléaire. Un tel plan doit être élaboré pour chaque livraison, y compris lorsque l'une transite par le Canada. Le Règlement sur le transport des matières dangereuses s'applique alors également.
Par conséquent, si le projet de loi est promulgué et si le Canada ratifie la CPPMN ainsi que la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, il faudra prendre des mesures supplémentaires pour mettre en oeuvre la protection matérielle dans les installations nucléaires du Canada, ce que nous faisions depuis de nombreuses années en fait.
De la même façon, la politique canadienne en matière d'importation, d'exportation, de contrôle et de protection des matières nucléaires est à la fois transparente et exhaustive. À ce chapitre, la CCSN est souvent consultée par les organismes de réglementation des autres pays, qui cherchent à reprendre les divers aspects de notre modèle.
La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires contient des dispositions sur les infractions et les pénalités. Je vous signale qu'une personne a été poursuivie et condamnée en 2010 pour avoir essayé de livrer de l'équipement nucléaire à double usage à l'Iran, qui aurait pu l'utiliser pour enrichir l'uranium. Les dispositions du projet de loi ajouteraient des infractions plus graves à la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires en matière de terrorisme nucléaire.
En terminant, la CCSN est à l'avant-garde en ce qui concerne la sécurité de nos substances nucléaires et le contrôle de leur transport au pays et à l'étranger. Le cadre réglementaire canadien est donc en mesure d'intégrer les dispositions du projet de loi .
Je vous remercie de m'avoir invité. J'attends avec impatience vos questions.
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Je répondrai à vos questions dans l'ordre où vous les avez posées, puis je céderai la parole à M. Awad qui abordera plus en détails certains aspects des plans de sécurité lors des livraisons.
Tout d'abord, nous avons effectivement un mécanisme officiel qui nous permet de collaborer régulièrement avec nos partenaires fédéraux, en l'occurence la GRC et le SCRS, pour mettre à jour notre évaluation de la menace.
À quoi sert le projet de loi ? Le Canada a ratifié la modification à la CPPMN ainsi que la CIRATN. Naturellement, pour ce faire nous devons modifier nos lois pour que les actes de terrorisme nucléaires deviennent une infraction en vertu du Code criminel. C'est là le principal motif de la création du projet de loi .
Voyons la question des livraisons d'UHE. De telles livraisons de substances nucléaires, notamment d'isotopes médicaux, ont lieu fréquemment au Canada — des centaines de fois par jour.
J'aborderai maintenant les livraisons d'UHE provenant des États-Unis. Selon plusieurs points de vue, il est pertinent de retourner aux États-Unis les stocks d'uranium hautement enrichis. Bien sûr, tout cela est conforme à la promesse qu'a faite directement notre au président Obama lors du Sommet sur la sécurité nucléaire.
Les stocks d'UHE seront retournés d'une façon sécuritaire. Un plan de sécurité détaillé sera préalablement élaboré. L'UHE sera alors protégé par un emballage liquide. C'est là la seule différence entre les livraisons que nous faisons habituellement. Ces conteneurs utilisés pour le transfert seront certifiés, et des mesures de sécurité seront prises.
En outre, je le répète, nous collaborerons avec nos partenaires de la sécurité afin d'évaluer la menace tout le long du trajet qui sera emprunté pour le transport.
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Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je voudrais remercier nos témoins de comparaître aujourd'hui et de nous faire part de leur expertise pour nous aider à examiner cette mesure législative importante.
Le Sommet sur la sécurité nucléaire regroupe, je crois, 47 pays. Il permet de renforcer la collaboration internationale dans le but de prévenir le terrorisme nucléaire par l'amélioration de la sécurité nucléaire à l'échelle du globe. Lors du premier sommet tenu à Washington, le premier ministre Stephen Harper et 46 de ses homologues ont publié un communiqué conjoint et ont convenu d'un plan de travail qui comportait notamment un engagement à déployer des efforts internationaux pendant quatre ans pour assurer la sûreté des substances nucléaires vulnérables à l'échelle mondiale.
Lors du sommet, on a souligné qu'il était important que tous les pays ratifient et mettent en oeuvre la Convention sur la protection physique des matières nucléaires, laquelle a été modifiée, et la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire. En 2012, le Somment sur la sécurité nucléaire s'est tenu à Séoul. Il a permis au pays de déterminer le degré de coopération nécessaire afin d'améliorer la sûreté nucléaire.
Monsieur le président, j'adresse mes questions à M. Jamieson ou à celui de ses collègues en mesure d'y répondre.
Monsieur Jamieson, lorsque vous avez comparu devant le Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme, en juin, vous avez indiqué que « le cadre de réglementation canadien est déjà prêt à accueillir les dispositions proposées dans le projet de loi . » Selon vous, est-il important que le Canada ratifie ces conventions internationales sur la lutte au terrorisme?
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Vous avez sûrement tous eu le temps de lire la motion, dont voici le texte:
Que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne mène une étude approfondie de l’usage énoncé au paragraphe 4.1(1) de la Loi sur le ministère de la Justice depuis son adoption.
4.1 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le ministre examine, conformément aux règlements pris par le gouverneur en conseil, les règlements transmis au greffier du Conseil privé pour enregistrement, en application de la Loi sur les textes réglementaires ainsi que les projets ou propositions de loi soumis ou présentés à la Chambre des communes par un ministre fédéral, en vue de vérifier si l’une de leurs dispositions est incompatible avec les fins et dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés, et fait rapport de toute incompatibilité à la Chambre des communes dans les meilleurs délais possible; et
qu’il fasse rapport de ses constatations et recommandations à la Chambre.
Je ne vous cacherai pas ce qui a entraîné le dépôt de cette motion et ce qui m'a rendue extrêmement inquiète, peu importe que ce soit à tort ou à raison. Je ne pose pas de jugement de valeur sur le recours qui a été entrepris, et loin de moi l'intention de faire un procès de quelque nature que ce soit. Toutefois, lorsqu'un employé du gouvernement affirme qu'on lui demande de faire quelque chose d'illégal et que le test du paragraphe 4.1(1) de la Loi sur le ministère de la Justice ne serait pas appliqué, j'ai moins confiance dans le système.
Nous sommes dans un régime où la primauté du droit doit être à l'avant-scène. Je tenais pour acquis que, pour l'étude des projets de loi provenant du gouvernement ou du Sénat, les avis nécessaires avaient été recherchés et que la certification avait été effectuée. J'estimais raisonnablement que c'était le cas, que je sois favorable ou non au contenu politique.
À la suite des questions que j'ai posées au ministre et aux réponses que j'ai reçues, j'ai l'impression qu'on nous dit que c'est du domaine privé, confidentiel, ou du style que les avocats autour de cette table sont habitués de voir. Bref, on nous parle du secret professionnel entre l'avocat et son client. Le problème est que les clients, c'est le peuple canadien. Il ne s'agit ni de moi, ni de vous, ni du ministre, ni des employés du ministère, mais il s'agit bel et bien des Canadiens et des Canadiennes.
Dans ce contexte, sans faire de chasse aux sorcières, nous devrions étudier la motion lorsque nous aurons du temps. Comme vous le voyez, elle n'est pas conçue de façon à imposer un nouvel ordre du jour, car celui-ci contient déjà beaucoup de choses. Nous devrons faire ce travail à un moment donné, de façon rapide et sérieuse, de sorte que nous puissions au moins nous assurer que les tests du paragraphe 4.1(1) sont effectués, que les certificats sont signés en conséquence et qu'il y a un réel effort pour que les projets de loi soient conformes à la Constitution et à la Charte canadienne des droits et libertés. Il me semble que cela va de soi.
Il n'y a pas eu d'étude sur le sujet depuis longtemps, et je pense que ce serait intéressant. Je parle souvent de l'apparence de justice. La justice est une chose, mais l'apparence de justice en est une autre. Quand tout le système est mis en doute de cette manière, que ce soit à tort ou à raison — je n'aborde pas les faits du dossier —, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne se doit de faire rapport au Parlement pour dire que les tests sont bien faits et que tout peut suivre son cours normal. Il faut toutefois réaffirmer haut et fort l'importance de la primauté du droit au Canada. C'est l'essentiel de la motion qui a été déposée.
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Monsieur le président, je tiens à exprimer ma gratitude envers ma collègue du NPD pour avoir présenté cette motion.
Les membres du comité remarqueront que toute cette question de l'article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice m'intéresse non seulement depuis que j'ai été ministre de la Justice et procureur général — tout ministre doit s'en préoccuper —, mais bien depuis l'époque où j'étais un professeur de droit qui tenait particulièrement au droit constitutionnel et aux préoccupations liées à la Charte.
Lorsque le a comparu devant le comité le 6 novembre dernier, je lui ai donc posé des questions sur les normes ayant servi à vérifier la conformité des projets de loi à l'article 4.1. Voici ce qu'il m'a répondu:
...toute mesure législative doit être conforme à l'ensemble des documents constitutionnels, que ce soit la Charte ou la Déclaration canadienne des droits. Aussi, nous avons la conviction que l'ensemble des lois le sont.
Les députés se souviendront peut-être que j'avais trouvé la réponse insatisfaisante et que j'avais posé d'autres questions au ministre sur les critères d'examen. Il n'a malheureusement pas précisé davantage les normes que son ministère et lui ont appliquées aux dispositions législatives.
À mon avis, il est important que les parlementaires et le public connaissent la portée et la nature de l'examen auquel le ministre et son ministère soumettent les projets de loi avant de les présenter au Parlement, et ce, pour plusieurs raisons.
Je tâcherai d'être bref, monsieur le président.
Tout d'abord, le fait que le gouvernement adopte un cadre législatif pouvant être contesté devant les tribunaux entraîne des conséquences financières graves. Même si la défense de toute mesure législative coûte de l'argent, il ne faut pas favoriser les litiges constitutionnels complexes et interminables qui coûtent cher aux contribuables. Les parlementaires ont un rôle important à jouer dans la surveillance des deniers publics et une grande responsabilité constitutionnelle à cet égard, sans parler de la surveillance de la validité constitutionnelle des lois.
Deuxièmement, il y a aussi de quoi s'inquiéter des pressions actuellement exercées sur les ressources juridiques et judiciaires déjà surchargées à certains moments. Comme je l'ai dit plus tôt, même si le gouvernement devrait aider ceux qui ont des revendications légitimes à faire valoir devant les tribunaux — et je m'en voudrais de ne pas souligner au passage l'abolition déplorable du Programme de contestation judiciaire —, il ne faut pas encourager les poursuites en adoptant tout bonnement des lois dont la constitutionnalité n'a pas bien été vérifiée.
Mon troisième argument concerne l'aphorisme voulant que justice soit faite, mais qu'en plus, elle le soit de façon manifeste. Ce cliché est peut-être trop souvent repris, mais n'en demeure pas moins pertinent. Disons que le gouvernement a une sorte de problème d'absentéisme en ce qui concerne la Charte.
Prenons l'exemple du 30e anniversaire de la Charte, dont je peux témoigner puisque j'ai assisté à de nombreuses activités de commémoration. Le gouvernement, qui aurait dû occuper l'avant-plan des célébrations et fêter les 30 ans de la Charte, brillait malheureusement très souvent par son absence.
Lorsqu'on examine la situation, on se demande si le gouvernement considère que la Charte mérite le respect et la responsabilité impérieuse qui nous incite à y adhérer, s'il trouve qu'elle l'empêche parfois de parvenir à ses fins, ou, pire encore, s'il la considère comme inutile ou sans importance.
Si je le dis, monsieur le président, c'est parce qu'il suffit d'examiner le bilan pour constater qu'une série de mesures législatives ayant donné lieu à des contestations constitutionnelles auraient à mon avis pu être évitées à l'aide de diligence raisonnable et d'un examen minutieux. En plus, plusieurs d'entre elles ont été déclarées inconstitutionnelles dans une série de jugements de la Cour fédérale, des cours supérieures et même de la Cour suprême du Canada, comme dans l'affaire Insite.
Mon dernier argument, dont je parlerai brièvement, porte sur la façon dont un ministère répartit ses ressources à cet égard.
Autrement dit, si l'analyse selon la Charte n'est finalement qu'un processus automatique, qu'une simple formalité, combien de fonctionnaires y participent? Combien en faut-il vraiment? Combien cette procédure coûte-t-elle aux contribuables?
S'il s'agit à l'inverse d'un processus complexe et interminable, comme c'est probablement le cas, il faut se demander s'il y a suffisamment de ressources allouées à cette tâche, qui est liée à toute cette question de surveillance publique, comme je l'ai dit.
Pour revenir au sujet qui nous intéresse, vous pouvez me demander à juste titre si nous procédions ainsi à l'époque où j'étais ministre de la Justice. Examinez le bilan, monsieur le président, et vous constaterez que j'ai toujours considéré, pendant que j'étais ministre et même avant, comme je l'ai dit, que cette responsabilité de surveillance continue relève du ministère de la Justice et constitue une priorité. Avant de déposer un projet de loi, nous devions être convaincus qu'il recevrait ce que j'appelais le sceau d'approbation sur le plan constitutionnel.
Voici ce qu'il faut ensuite se demander: quelle norme doit-on appliquer? Ce qui m'inquiète, c'est que la cour est saisie d'une demande introductive qui fait référence — et je ne me prononcerai pas sur le bien-fondé de la demande ou de quoi que ce soit à cet égard... Dans le cadre de son examen législatif, le ministère se demande si « on peut raisonnablement plaider que la disposition est conforme à la Charge, même si les chances de réussite de tous les arguments combinées sont de 5 % ou moins... ».
Monsieur le président, je trouve que cette norme fort peu exigeante ne convient pas au Parlement et au grand public.
Pour terminer, on pourrait me demander si j'ai émis des avis juridiques lorsque j'étais ministre. En fait, j'ai demandé au ministre pourquoi il ne l'avait pas fait, et cette question aurait pu m'être posée à juste titre.
Ma réponse comporte deux volets. D'une part, notre seuil de surveillance était tel que nous avions pour objectif de ne déposer aucun projet de loi qui soulève des doutes sur le plan constitutionnel, et ce, pour toutes les raisons que j'ai mentionnées. Il m'est arrivé de penser que certaines dispositions pourraient poser un problème d'ordre constitutionnel et de devoir appliquer la norme d'évaluation, plus particulièrement dans le cas du projet de loi sur le mariage entre personnes du même sexe. Nous avons alors demandé un avis consultatif à la Cour suprême pour éviter que les diverses instances des différentes provinces engagent de longues procédures judiciaires sur un élément constitutionnel.
Il me semble que nous devons nous attarder à la question et nous demander s'il faudrait peut-être avoir recours davantage aux tribunaux à cet égard. Quelle devrait être la norme d'évaluation, plus particulièrement? Comment veiller à ce que l'article 4 de la Loi sur le ministère de la Justice soit mieux appliqué?
Merci, monsieur le président.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis contre la motion pour des raisons pratiques, mais de principe aussi.
En vertu du paragraphe 4.1(1), le ministre est tenu d'examiner les projets de loi émanant du gouvernement qui sont soumis à la Chambre des communes dans le but de vérifier s'ils sont incompatibles avec les fins et dispositions de la Charte. Dans l'affirmative, le ministre doit en faire rapport à la Chambre. C'est très clair.
Le processus d'examen des projets de loi visant à déterminer s'ils sont susceptibles d'être contestés en vertu de la Charte est en place depuis l'entrée en vigueur du paragraphe 4.1(1) — c'est-à-dire au milieu des années 1980 —, et a bien servi l'ensemble des gouvernements.
En réponse aux remarques de M Cotler entourant la commémoration des 30 ans de la Charte, je dois dire que nous n'avons pas l'habitude de célébrer les lois; nous préférons les souligner. D'ailleurs, le premier ministre a fait des déclarations à ce sujet. En revanche, je doute fort que l'ancien gouvernement libéral ait organisé une grande fête pour les 20 ans de la Charte. Celle-ci fait partie d'une série...
M. Irwin Cotler: Nous en avons organisé une, à vrai dire.
Mme Kerry-Lynne D. Findlay: ... de mesures législatives constitutionnelles, comme l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et la Déclaration canadienne des droits, qui a été adoptée à l'époque du premier ministre Diefenbaker. Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire d'étudier un processus qui donne manifestement de bons résultats et qui assure un examen efficace fondé sur la Charte.
J'ai eu la chance de passer en revue les témoignages du ministre Nicholson et de ses prédécesseurs, les ministres Toews et Cotler, et même du ministre Blais en 1993 lors de leurs apparitions devant les comités de la Chambre et du Sénat, et devant la Chambre. Essentiellement, leurs réponses sur le fonctionnement du processus sont identiques. Dans le cadre du processus d'élaboration des politiques et jusqu'à leur dépôt, on évalue si les propositions risquent d'être contestées en vertu de la Charte et d'autres dispositions légales. Les risques éventuels sont portés à l'attention des hauts fonctionnaires et des ministres, et toutes les mesures sont prises pour les écarter. Une fois que le projet de loi émanant du gouvernement est déposé, le premier conseiller législatif assure au nom du sous-ministre de la Justice — suivant un processus d'attestation — que l'examen qui s'impose a été réalisé. Si le ministre de la Justice détermine qu'un projet de loi donné n'est pas conforme à la Charte au moment de son dépôt, il doit en faire rapport conformément au paragraphe 4.1(1). C'est l'élément déclencheur, autrement dit.
Dans les faits, le processus d'examen assure que les éventuelles inquiétudes soulevées à ce stade ont déjà été envisagées. La procédure que j'ai décrite fonctionne et a été suivie par le gouvernement. Nous sommes d'avis que cette étude est inutile; je demande donc instamment aux membres du comité de rejeter la motion.
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Merci, monsieur le président. Je vous remercie de m'accorder la parole.
J'ai été élu en 2006, alors que le gouvernement est parvenu au pouvoir en parlant surtout de transparence et de reddition de comptes. Ce sont des principes que je respectais, et c'est une des raisons pour lesquelles j'ai posé ma candidature. Je faisais campagne contre les conservateurs, mais j'étais d'accord avec eux sur ce point en particulier.
Ce qui m'inquiète en tant que nouveau membre du Comité de la Justice, c'est le seuil de 5 %. Il est vrai que les ministres ont dit les uns après les autres au Parlement et aux divers comités que la procédure actuelle leur convient.
Mais prenons l'exemple de l'affaire Insite, des difficultés qui ont suivi et du revirement qui s'est opéré. Personne ici ne dit que la loi actuelle est tout à fait inacceptable. Nous demandons plutôt au comité de se pencher sur la situation pour veiller à ce que les objectifs soient atteints. Puisque certains ont exprimé des réserves à ce sujet, je pense qu'il serait utile que le comité prenne le temps d'examiner la question, même s'il ne le fait pas immédiatement. J'encourage donc les membres du comité à y réfléchir.
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C'est une très bonne question.
En fait, je me suis interrogée pour la première fois pendant les Fêtes. Ça ne s'est peut-être pas rendu dans votre coin de pays, mais pour ma part, je viens de la capitale nationale, et quand il en a été question aux nouvelles ici, ça a attiré mon attention, même si je n'étais pas dans la région à ce moment-là. Comme je suis porte-parole en matière de justice, toute situation où l'on met en doute le système judiciaire m'interpelle, peu importe le parti politique dont ça émane.
Un employé du ministère de la Justice, qui se nomme Edgar Schmidt, a en effet déposé une réclamation visant le procureur général du Canada, et une procédure a été entamée devant la Cour fédérale. Je ne vous lirai pas toute sa requête, parce qu'à mon avis, ça importe peu. Je ne veux pas déclencher un débat sur qui a raison et qui a tort, mais le fait est qu'il y a présentement un recours contre le procureur général du Canada au motif que l'obligation légale en vertu de l'article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice n'est pas bien appliquée. Les conservateurs ne sont pas à l'origine de cela. Je comprends ce que M. Cotler a soulevé plus tôt, mais selon la requête de l'individu en question, cette situation remonterait à aussi loin que 1993. La position du ministère a toujours été que même une proportion de 5 % de chance de succès était suffisante pour se libérer de l'obligation.
Les gens ne connaissent peut-être pas bien cette obligation. Je l'ai incluse dans la motion parce que ça me semblait important. Nous sommes tous au courant. D'ailleurs, l'opposition reproche souvent au gouvernement de passer par les projets de loi émanant des députés pour éviter d'avoir à faire ce test. J'ai toujours eu cette impression, jusqu'à un certain point, mais maintenant, c'est pire. Dans notre démocratie, il faut que cette primauté soit à la base de notre système, sinon le chaos total et l'anarchie vont s'installer. Or je ne pense pas que qui que ce soit veuille que ça arrive.
Il n'y a pas de problème si on tient pour acquis que le travail est bien fait quand les projets de loi gouvernementaux sont adoptés à la Chambre et qu'on les renvoie aux comités pour que ceux-ci les étudient. Ici, je ne parle pas seulement des projets de loi portant sur la justice, mais bien de tous les projets de loi. Ce test doit obligatoirement être appliqué dans tous les cas.
M. Cotler a souligné, et avec raison, je crois, que le régime était conçu de cette façon pour aider les Canadiens, en définitive. On leur dit qu'un test est fait et que c'est jugé raisonnable et conforme à la Charte de même qu'aux pouvoirs constitutionnels dont on dispose. Par la suite, les choses évoluent normalement et une étude plus approfondie a lieu.
Par contre, ce recours laisse croire que la situation est tout autre. Comme législateur, ça m'inquiète terriblement. Chaque fois que je vais voir le ministre, peu importe le comité, je vais me dire que les gens du ministère ne font peut-être pas leur travail à cet égard. C'est inquiétant parce que ça implique qu'on ne se préoccupe pas de la conformité avec la Charte. Notre préoccupation est de poser aux témoins des questions sur le contenu des projets de loi. Or si une étude en profondeur est réalisée, il va falloir que nous nous demandions si un article que nous voulons amender dans le projet de loi S-9 a été analysé en fonction de sa conformité avec la Charte.
Enfin, selon moi, ce n'était pas une motion dangereuse pour le gouvernement. Je crois que tout le monde a intérêt à s'assurer que les règles sont bien suivies. C'était à cela qu'on faisait allusion.
Cela a été diffusé pendant le temps des Fêtes, soit en décembre ou en janvier. Je me suis dit que je poserais la question au ministre et que, à la suite de sa réponse, je verrais s'il fallait aller plus loin et demander au comité de faire une analyse, rencontrer des représentants du ministère de la Justice, voire s'occuper du dossier de M. Schmidt. Les tribunaux s'occuperont de cela, mais le comité pourrait se pencher sur le processus intellectuel par lequel on passe pour assurer le ministre que tout est conforme au paragraphe 4.1(1) de la Loi sur le ministère de la Justice et que quand
[Traduction]
il confirme qu'une loi est conforme, elle l'est bel et bien. Et si ce n'est pas le cas, il est toujours possible d'indiquer « nonobstant la Charte ». Nous tenons à ce que ce soit fait, et il n'y a rien de mal là-dedans.
Je m'appelle John Davies. Je suis le directeur général des Politiques de la gestion de la sécurité nationale de Sécurité publique Canada. Je suis accompagné aujourd'hui de ma collègue Emmanuelle Deault-Bonin, analyste principale et gestionnaire de ma division, et spécialiste des politiques de lutte contre la prolifération.
[Français]
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler du projet de loi et vous expliquer de quelle façon le projet de loi, s'il est adopté, complétera les initiatives du gouvernement du Canada en matière de lutte contre le terrorisme et contre la prolifération.
[Traduction]
Le terrorisme nucléaire constitue une menace importante pour la sécurité du Canada et de la communauté internationale, et il ne cesse d'évoluer. Le gouvernement prend au sérieux sa responsabilité d'atténuer la menace. Les deux principales responsabilités de notre ministre consistent à exercer un leadership national concernant les questions de sécurité publique et à coordonner les activités des organismes canadiens chargés de l'application de la loi et du renseignement.
En ce qui concerne la lutte contre la prolifération, Sécurité publique Canada travaille de concert avec plus d'une dizaine de ministères et organismes fédéraux afin de cerner les menaces liées à la prolifération, de faire respecter les lois et les règlements canadiens en matière de prolifération, y compris les sanctions imposées aux pays qui ont des aspirations nucléaires connues, et de s'assurer que nos politiques et nos cadres juridiques de lutte contre la prolifération sont toujours pertinents et efficaces.
Vous avez déjà entendu aujourd'hui le témoignage des représentants de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, et les représentants de la Gendarmerie royale du Canada se trouvent avec moi à la table. Ces deux organismes possèdent une expérience variée du domaine pouvant appuyer les initiatives du Canada en matière de lutte contre la prolifération. Parmi les activités qu'ils exercent, notons la collecte de renseignements, le contrôle de l'exportation d'articles à double usage, la sensibilisation du secteur privé et du milieu universitaire aux risques associés à la prolifération et la mise en application des sanctions imposées aux États étrangers.
[Français]
Le projet de loi permettra de renforcer le cadre du Canada relatif à la lutte contre la prolifération en prévoyant dans le Code criminel quatre nouvelles infractions liées au terrorisme nucléaire, notamment la possession ou l'exportation de matériel nucléaire ou radioactif et d'engins.
[Traduction]
Le Canada est également un partenaire engagé à l'échelle internationale. Par exemple, le a annoncé, lors du Sommet sur la sécurité nucléaire tenu à Séoul en 2012, qu'il s'engageait à verser une aide financière de 365 millions de dollars sur cinq ans dans le cadre du Programme de partenariat mondial. Ce programme a pour objectif d'aider à sécuriser les installations nucléaires afin d'empêcher que les substances ne servent à mener des activités illicites ici ou ailleurs.
De plus, le gouvernement favorise la coopération entre ses partenaires internationaux dans le cadre de ses activités de diplomatie et de défense des intérêts dans le but de mettre en oeuvre et de renforcer les initiatives multilatérales et les instruments juridiques internationaux, comme les deux traités que le Canada pourra ratifier grâce au projet de loi . Ce projet de loi démontre également que le Canada s'engage à participer aux efforts internationaux en matière de lutte contre la prolifération.
Enfin, si le projet de loi est adopté, il nous permettra d'améliorer davantage nos mesures nationales de lutte contre le terrorisme nucléaire, en plus d'attester auprès de nos partenaires internationaux l'importance que le Canada accorde à la mise en place d'un régime solide pour contrer les menaces en matière de la sécurité nationale.
[Français]
Je remercie le comité. Je serai ravi de répondre à vos questions.
:
Oui, monsieur le président.
Bonjour, et merci de nous avoir invités aujourd'hui à situer le projet de loi dans le contexte de l'application de la loi.
Je suis accompagné aujourd'hui du surintendant principal Larry Tremblay, directeur général des Opérations criminelles de la police fédérale.
Un des six principes fondamentaux de la stratégie antiterroriste du Canada veut que les actes terroristes constituent un crime et fassent l'objet de poursuites. Les volets « priver » et « déceler » de la stratégie visent à priver les terroristes des moyens et des occasions de mener leurs activités terroristes. Un des objectifs principaux de cette stratégie est d'empêcher l'acquisition d'armes de destruction massive.
Le projet de loi , renforcerait la capacité des organismes d'exécution de la loi d'atteindre cet important objectif en précisant que les actes liés à la fabrication, à la possession, à l'utilisation, à la cession, à l'exportation, à l'importation, à la modification ou à la destruction de matières nucléaires et radioactives dans l'intention de causer la mort, des lésions corporelles graves ou des dommages considérables à des biens ou à l'environnement sont considérés comme des crimes graves passibles de lourdes peines.
En vertu du projet de loi , certains actes criminels deviennent des actes terroristes, comme c'est le cas si un individu commet une infraction punissable par mise en accusation aux termes de la loi fédérale dans le but d'obtenir des matières radioactives. Le projet loi S-9 attirera l'attention du public sur la gravité des activités terroristes liées au nucléaire et sur les risques que posent les gens, les organismes et les acteurs étatiques qui y participent.
[Français]
Un autre aspect clé du projet de loi, du point de vue des organismes d'exécution de la loi, est que la disposition no 3 rend criminelles ces activités si elles ont lieu à l'extérieur du Canada. Le projet de loi va donc dans le sens de toutes les autres infractions liées au terrorisme mentionnées dans le Code criminel.
Le terrorisme nucléaire est une menace à la sécurité internationale susceptible de causer la mort de nombreuses personnes ainsi que des dommages importants à l'environnement et aux biens.
[Traduction]
D'après les rapports publiés par l'Agence internationale de l'énergie atomique, il est arrivé une vingtaine de fois, au cours des vingt dernières années, que des matières nucléaires pouvant être utilisées dans la fabrication d'armes soient offertes sur le marché noir. Des rapports indiquent en outre que des réseaux d'approvisionnement illégaux font la contrebande de substances très radioactives en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient.
Les techniques d'enquête appliquées dans les dossiers d'actes de terrorisme nucléaire ne sont pas très différentes de celles qui sont utilisées dans les enquêtes complexes sur d'autres types d'actes terroristes. La lutte contre le terrorisme nucléaire nécessite une intervention gouvernementale coordonnée misant sur la diplomatie et la coopération internationale, le contrôle des frontières, la sécurité physique, la sécurité de l'information et l'application de la loi.
Un des principaux objectifs des organismes d'exécution de la loi est d'empêcher que des matières nucléaires ou radiologiques tombent entre les mains de terroristes. Tout complot terroriste doit être déjoué le plus tôt possible.
Les agents d'exécution de la loi, la communauté du renseignement et les agents des services frontaliers collaborent souvent afin de réprimer de tels complots. Ces acteurs jouent un rôle essentiel en repérant le transport illégal de marchandises contrôlées ou en détectant et en surveillant les expéditions illégales. Le renseignement et l'analyse nucléolégale sont également essentiels à la prévention des actes de terrorisme nucléaire.
Les organismes d'exécution de la loi jouent un rôle central dans l'intervention du gouvernement en matière de lutte contre le terrorisme nucléaire; ils doivent donc être dotés des pouvoirs dont ils ont besoin pour remplir efficacement leur mission. Le projet de loi nous aidera lors d'enquêtes sur des activités liées à des matières nucléaires et radioactives.
La GRC a établi de solides partenariats avec la Commission canadienne de sûreté nucléaire ainsi qu'avec les propriétaires et les exploitants de centrales nucléaires au Canada. La clé pour empêcher les terroristes de poser des actes de terrorisme nucléaire est une collaboration efficace de tous les partenaires en matière de sécurité et de renseignement, tant au Canada qu'à l'étranger.
Bien qu'il ne s'agisse pas d'une affaire de terrorisme nucléaire, l'enquête et les poursuites menées dans l'affaire Yadegari montrent comment les organismes gouvernementaux peuvent et doivent collaborer afin d'empêcher la prolifération. Mahmoud Yadegari a été accusé d'avoir tenté d'exporter des transducteurs de pression des États-Unis vers les Émirats arabes unis en passant par le Canada. L'enquête a permis de déterminer que ces appareils essentiels à l'enrichissement de l'uranium étaient en fait destinés à l'Iran.
M. Yadegari a été accusé de 10 infractions en vertu de diverses lois, notamment la Loi sur les douanes, la Loi sur les Nations Unies, la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et le Code criminel, pour la création de faux documents.
Le projet de loi criminaliserait la prolifération dans des situations où un acte criminel est commis dans l'intention d'obtenir des matières nucléaires ou radioactives, ou d'avoir accès à une installation nucléaire.
[Français]
La collaboration nationale et internationale, l'échange d'information et l'adoption de mesures de sécurité industrielle sont essentiels si l'on veut arriver à empêcher, à déceler et à décourager la contrebande de matières nucléaires et radiologiques.
[Traduction]
Le projet de loi contribuerait aux efforts des organismes d'exécution de la loi en matière de lutte contre le terrorisme en précisant que certaines activités liées aux matières nucléaires et radiologiques sont des crimes graves et en renforçant les pouvoirs des policiers.
Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins de leur présence ici aujourd'hui pour nous aider à mieux comprendre le projet de loi.
Monsieur Davies, voici ce que vous avez dit lors de votre témoignage devant le Comité spécial du Sénat sur l'antiterrorisme le 4 juin 2012:
... le projet de loi S-9 constitue une étape concrète pour renforcer des lois criminelles du Canada portant sur le terrorisme nucléaire. Il permettra aussi au Canada de ratifier et de mettre en oeuvre deux importants traités internationaux, ce qui signifiera notre engagement vers la sécurité nucléaire.
Vous avez dit aujourd'hui que le projet de loi montre que le Canada s'engage à déployer des efforts à l'échelle internationale pour lutter contre la prolifération et témoigne auprès de nos partenaires internationaux de l'importance que le Canada accorde à un régime solide pour contrer les menaces à l'égard de la sécurité mondiale. C'est clair que, pour vous, le projet de loi s'inscrit dans le contexte de notre collaboration avec nos partenaires internationaux.
Selon ce que je comprends, le rôle du ministère de la Sécurité publique du Canada concernant la prolifération et le terrorisme, c'est de coordonner et de soutenir les efforts des ministères fédéraux et de tirer profit des connaissances des spécialistes afin d'examiner la menace de plus près, de connaître les risques pour le Canada, d'élaborer une politique adéquate et de fournir des conseils avisés pour aider à orienter le gouvernement.
Dans ce contexte, pensez-vous que le projet de loi renforce la politique de sécurité et les cadres de fonctionnement existants au pays?
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J'en suis convaincu. Je pense que le projet de loi présente bien des avantages.
Le a dit qu'il fallait préciser l'infraction en matière de contre-prolifération et renforcer la peine dans le Code criminel. Je pense que ces deux mesures liées aux infractions de prolifération envoient un message fort, selon lequel il s'agit d'une question importante pour le gouvernement.
De plus, la responsabilité renversée pour obtenir la libération, les dispositions de mise sur écoute, etc. sont des outils supplémentaires pour les organismes d'application de la loi et les procureurs. Toutes les questions de sécurité nationale demandent d'accroître les outils le plus possible pour offrir une souplesse et d'autres options à ces organismes et aux procureurs.
Il s'agit aussi pour nous d'un important engagement international que nous respectons. Le projet de loi consolide le régime international de contre-prolifération. Il arrive à point nommé pour le Canada et le monde à l'approche du prochain Sommet sur la sécurité nucléaire, qui aura lieu en 2014.
Je dirais que ce projet de loi comporte beaucoup d'avantages.
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Merci, monsieur le président.
Nous sommes très préoccupés concernant l'Iran et toute la question du niveau d'uranium hautement enrichi, qui facilite la capacité utile pour le programme nucléaire.
Ça m'amène à poser une question sur le Canada. Jusqu'à quel point avons-nous un bon sens civique à l'échelle internationale? Une coalition de militants pour le contrôle des armes a critiqué la décision du gouvernement du Canada de permettre à Nordion, une société établie à Ottawa, de signer une entente de 10 ans avec la Russie, en vue d'importer de l'uranium hautement enrichi pour la production d'isotopes médicaux. En outre, nous ne semblons pas faire de progrès pour passer de l'uranium hautement enrichi à l'uranium faiblement enrichi.
J'ai deux questions précises.
Nous avons maintenant deux réacteurs nucléaires de recherche, un à l'Université McMaster d'Hamilton et l'autre à l'École Polytechnique de Montréal. Ces réacteurs fonctionnent à l'uranium hautement enrichi. Où en sommes-nous pour que ces deux réacteurs nucléaires de recherche utilisent plutôt l'uranium faiblement enrichi?
Pouvez-vous expliquer pourquoi le Canada n'a pas choisi de participer aux efforts de la France, de la Belgique, des Pays-Bas et des États-Unis pour transformer les installations de production d'isotopes médicaux et utiliser de l'uranium faiblement enrichi, au lieu de l'uranium hautement enrichi?
Je pense que nous pouvons envisager les menaces de bien des façons. Je répète qu'il y a l'aspiration des groupes terroristes d'obtenir et d'utiliser ces armes. Bien des renseignements et des faits publics indiquent que certains groupes veulent obtenir et utiliser ces armes contre le Canada et ses intérêts.
En outre, il y a la prolifération des armes de destruction massive. Bien sûr, un certain nombre de pays aspirent à obtenir la capacité nucléaire. L'exemple actuel le plus évident, c'est l'Iran, sans oublier la Corée du Nord... et l'instabilité politique au Pakistan. Le potentiel de prolifération et l'accès des groupes terroristes augmentent selon le nombre de pays qui tentent d'obtenir la capacité nucléaire. C'est une autre façon de le voir.
Pour ce qui est de la menace au pays, le Canada est bien sûr une économie avancée. Bien des technologies, des connaissances avancées et de l'expertise dans les composantes ou du matériel à double usage pourraient servir à d'autres fins que les besoins civils. Nous sommes une cible de choix de ce point de vue, mais il faut aussi considérer notre proximité avec les États-Unis, nos relations commerciales, etc.
De plus, la menace en matière de contre-prolifération découle simplement de la mondialisation en général. Il y a ceux qui possèdent des armes de destruction massive ou même de l'énergie, comme le nucléaire, etc., qui pourraient servir à des fins malveillantes, mais le commerce et le déplacement des gens sont aussi en hausse. La finance et les connaissances deviennent mondiales. Je pense que les connaissances, la capacité et l'expertise de fabriquer ces armes, constituent le principal enjeu.
J'examinerais sans doute la question sous ces quatre angles pour aider les gens à comprendre la menace.
:
C'est utile, en effet. Merci.
C'est pourquoi j'étais un peu surprise. C'est peut-être parce que nous ne comprenons pas la menace. Mon collègue, M. Marston, vous parlait des grands titres qui peuvent souvent effrayer les gens et qui portent sur le transport de matière très radioactive qui pourrait se retrouver entre de mauvaises mains, etc.
Je comprends que c'est surtout
[Français]
la Commission canadienne de sûreté nucléaire et le transport de matières dangereuses,
[Traduction]
Mais je présume que vous travaillez tous ensemble.
[Français]
Ce n'est pas en vase clos.
[Traduction]
Techniquement, ne doit-on pas vous avertir qu'un certain type de transport pourrait intéresser certains groupes terroristes au Canada ou ailleurs? C'est peut-être parce que nous connaissons mal le matériel qui sera transporté. Mais selon moi, des gens mal intentionnés pourraient utiliser ce matériel, le transformer et s'en servir. Vous devez être mis au courant.
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Merci, monsieur le président.
Ma question porte sur l'application de la loi et s'adresse au commissaire adjoint Malizia.
Monsieur le commissaire adjoint, le gouvernement conservateur a annoncé récemment sa stratégie de contre-terrorisme, dont un des six principes fondamentaux veut que le terrorisme constitue un crime qui fera l'objet de poursuites. Cette stratégie vise à ce que les terroristes n'aient pas accès au matériel et ne puissent pas réaliser leurs activités. Je sais que vous êtes au courant.
Un objectif clé de la stratégie consiste à empêcher ces groupes d'acquérir des armes de destruction massive. Selon vous, le projet de loi renforce-t-il la capacité des organismes d'exécution de la loi d'atteindre cet objectif important, en précisant que les actions liées à la possession, à l'utilisation, au transport, à l'exportation, à l'importation, à la modification ou à l'élimination du matériel nucléaire ou radioactif sont considérées comme des crimes graves qui entraînent des peines sévères?
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Monsieur le président, merci de me donner l'occasion de discuter avec ce groupe de cet important projet de loi.
Merci beaucoup aux témoins de leur expertise et de leur expérience.
Comme le l'a dit dans son témoignage à la dernière séance, le terrorisme nucléaire ou autre est une question qui dépasse les frontières. Nous devons collaborer avec nos partenaires internationaux.
Monsieur le commissaire adjoint Malizia, vous avez dit dans l'exposé que la coopération efficace entre tous les partenaires de la sécurité et du renseignement au pays et à l'étranger est une méthode clé pour empêcher les terroristes d'obtenir la capacité nucléaire.
Par exemple, un cas récent présenté dans les notes d'information montre que la coopération est importante. Je parle de l'arrestation de Mahmoud Yadegari, un Irano-Canadien, en avril 2009.
Une entreprise américaine a indiqué aux agents d'exportation des États-Unis que M. Yadegari tentait d'acheter des transducteurs de pression et de cacher leurs caractéristiques. Ces appareils peuvent servir dans les usines de centrifugeuses gazeuses pour mesurer la pression de l'hexafluorure d'uranium. Cette technologie à double usage est associée aux efforts de l'Iran visant à produire du matériel nucléaire de qualité militaire. L'Immigration and Customs Enforcement des États-Unis a alerté l'ASFC et la GRC sur les efforts de M.Yadegari. Grâce à la collaboration, ce dernier a été traduit en justice et a reçu une peine d'emprisonnement.
Vous avez parlé de certaines mesures que nous prenons à l'échelle internationale pour renforcer la coopération contre ce genre de cas. À votre avis, la GRC a-t-elle mis en place des partenariats étroits avec la Commission canadienne de la sûreté nucléaire et Énergie atomique du Canada limitée, ainsi qu'avec les propriétaires et les exploitants des centrales nucléaires au pays?
L'échange d'information est effectivement crucial. De bons renseignements et un échange en temps réel sont non seulement importants mais critiques pour que nous puissions bien enquêter sur tout type de menace terroriste. Toutes les enquêtes, et pas seulement celles reliées au nucléaire, reposent sur des échanges quotidiens, réguliers. Il s'agit de canaux bien établis, tant avec nos partenaires à l'intérieur du Canada qu'avec nos partenaires à l'international.
En ce qui concerne la panoplie d'enquêtes effectuées, ça se passe très bien, à mon avis. La coopération est excellente. Les systèmes en place nous permettent de nous assurer qu'il y a un bon partage de renseignements et de déterminer avec soin quels renseignements sont partagés, surtout à l'international, avec certains pays. Il est important de mentionner que c'est bien ciblé, bien mandaté, depuis que des changements ont été mis en vigueur dans la foulée de la Commission d'enquête O'Connor.
Selon moi, les relations sont non seulement très bien établies, mais aussi très solides.
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C'est terminé. Merci beaucoup.
Merci aux témoins de leur présence cet après-midi.
Merci au représentant du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile d'être venu.
Merci aux gens de la GRC de leur présence. Mon grand-père était membre du Carrousel de la GRC. Nous sommes très fiers du travail qu'il a accompli. Merci de vos efforts.
Je rappelle simplement aux députés qu'il est préférable de présenter les amendements d'avance. Nous allons étudier le projet de loi article par article durant la deuxième heure de la séance de mercredi. Nous serions très reconnaissants que les amendements au projet de loi soient soumis 24 heures à l'avance.
Je demanderais également aux députés de tous les partis d'informer le greffier sous peu des témoins qu'ils veulent inviter pour nos deux études qui auront lieu après la semaine de relâche et qui porteront sur les projets de loi d'initiative parlementaire et .
Sur ce, la séance est levée.