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Merci beaucoup, monsieur le président, chers collègues, de me donner l'occasion de vous présenter le projet de loi , mon projet de loi d'initiative parlementaire qui vise à clarifier dans le Code criminel l'infraction de cyberintimidation.
Je tiens d'abord à remercier tous les députés de tous les partis politiques qui ont appuyé mon projet de loi, ainsi que les membres de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants et l'Association canadienne des commissions de police, de même que l'organisme Jer's Vision et d'autres groupes.
Je tiens d'emblée à dissiper toute ambiguïté. Ce projet de loi n'ajoute aucun nouvel article au Code criminel. Il vise à préciser les articles du Code criminel pour inclure la communication au moyen d'un ordinateur dans les catégories du harcèlement criminel, des faux messages et du libelle diffamatoire. Actuellement, ces trois articles du Code criminel visent tous les types de communication: journaux, lettres, télégrammes, câblodiffusion et télévision, téléphones, radio. Tous ces moyens de communication sont visés par ces trois catégories du Code criminel. Le seul qui ne l'est pas — et c'est parce qu'il s'agit d'un nouveau segment et que le Code criminel ne s'est jamais mis à jour à ce chapitre —, c'est l'utilisation d'un ordinateur comme moyen de communication.
Toutes ces choses sont déjà là. Je demande simplement que nous ajoutions l'utilisation d'un ordinateur, car en théorie, la seule chose qui est véritablement à l'abri, parmi tous les moyens de communication, c'est un ordinateur. Tous les autres moyens de communication sont déjà là.
Je voulais simplement que vous sachiez qu'il y a eu quelques idées fausses qui ont circulé durant les discussions au sujet du projet de loi, et je veux tout de suite rectifier les faits. D'abord et avant tout, on m'a dit que la raison pour laquelle ce projet de loi ne devrait pas être mis à l'étude, c'est que le Sénat se penchait sur la question de la cyberintimidation et que, par conséquent, nous devrions attendre. Nous avons vu le rapport du Sénat, maintenant, et il ne clarifie rien du tout. Il ne parle que d'un groupe de travail, mais il mentionne tout de même certains éléments que j'essaie de proposer dans mon projet de loi. Je vais vous en parler dans une minute.
La deuxième idée fausse, c'est que ce projet de loi tente de criminaliser les enfants.
La troisième idée fausse — qui n'est pas une idée fausse, mais un commentaire —, c'est qu'il devrait y avoir d'autres catégories dans le Code criminel que celles qui sont déjà mentionnées, soit le harcèlement criminel, les faux messages et le libelle diffamatoire. En fait, c'est le gouvernement, lorsqu'il a fait son discours lors de la première lecture, qui a indiqué que nous devrions ajouter d'autres éléments qui n'incluent pas les ordinateurs actuellement.
Enfin, je veux appuyer toute personne qui a déjà dit que ce qu'il nous faut, en réalité, c'est une stratégie contre l'intimidation qui est globale, qui mobilise les administrations fédérale, provinciale et municipale, le secteur privé, les ONG, etc., et qui porte sur des questions comme la prévention, la clarification des dispositions du Code criminel et l'aide aux victimes d'intimidation, entre autres.
Je considère la cyberintimidation comme un problème de santé publique, car elle fait du tort aux gens. Elle cause une augmentation importante de la morbidité. Les gens victimes de cyberintimidation qui souffrent de dépression sont très enclins à se suicider. Cette stratégie devra donc être élargie tôt ou tard, mais cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas présenter le projet de loi pendant que nous attendons qu'une stratégie consciencieuse soit mise en place, ce qui prendra peut-être des années.
Je voudrais vous parler du rapport du Sénat. Dans son rapport, le Sénat a mentionné qu'il est nécessaire d'étudier la question de façon plus approfondie — ce qui veut dire, comme nous le savons très bien, que cela prendra encore deux ou trois ans — et qu'il nous faut définir ce que nous entendons par cyberintimidation. Je croyais que le Sénat définirait la cyberintimidation, mais il ne l'a pas fait.
Ensuite, dans son rapport, le Sénat a attiré l'attention sur les déclarations des témoins selon lesquelles les dispositions du Code criminel relatives au harcèlement, soit ce dont je parle, n'incluent effectivement pas les moyens électroniques de communication, et c'est ce que je voudrais qu'elles fassent.
Le rapport du Sénat a recommandé que les initiatives de justice réparatrice soient une composante clé de toute stratégie coordonnée. Je partage ce point de vue en ce qui concerne l'élaboration d'une stratégie coordonnée dans l'avenir. Mais nous devons nous demander, pendant que nous attendons de faire ce qu'il faut, combien de gens seront harcelés. Combien de gens verront leur maladie mentale s'aggraver, et combien pourraient mourir? Je n'exagère pas du tout. Nous savons que des personnes se sont enlevé la vie après avoir été victimes de cyberintimidation. Je pense que nous devrions vraiment en tenir compte afin de nous pencher promptement sur cette question.
J'ai entendu un certain nombre de personnes dire que ce projet de loi va criminaliser les enfants, et que les enfants doivent être traités comme des enfants. Nous connaissons tous l'adage voulant que les bâtons et les pierres peuvent nous briser les os, mais que les mots ne peuvent jamais nous faire du mal; or, nous savons tous que les mots font bel et bien mal. Nous savons ce qu'est l'intimidation dans les écoles: on pousse et on bouscule, on lance des injures, etc.
La différence entre ce genre d'intimidation et la cyberintimidation — et c'est ce que m'ont dit de nombreuses personnes ayant été victimes de cyberintimidation —, c'est que lorsqu'on subit de l'intimidation quelque part, on peut toujours s'en aller. On peut rentrer à la maison. On peut y échapper. On peut être soutenu par ses amis, sa famille et d'autres personnes. Mais c'est différent pour la cyberintimidation; elle est dans votre maison, dans votre ordinateur; elle est partout où vous allez. Vous ne pouvez y échapper.
Nous disons aussi à propos de l'intimidation que la meilleure façon de se venger, c'est de grandir et de bien réussir; cela prouve aux gens qui vous intimidaient que leur comportement était ridicule. Mais c'est différent pour la cyberintimidation. Elle ne cesse jamais. Ce qu'on a dit de vous quand vous aviez 10, 16, 20 ou 30 ans reste dans le cyberespace pour toujours. Quand vous aurez 90 ans, les gens pourront encore le trouver dans Google. Et même après votre décès, ce sera encore là.
Si c'est un faux message et si c'est du harcèlement criminel, alors votre réputation s'en trouve entachée, à tel point que cela peut nuire à votre capacité de poursuivre votre carrière et de réussir dans ce que vous faites, déshonorer votre famille et créer le genre de préjudice que vous ne pouvez plus fuir, comme vous le faisiez quand quelqu'un disait des choses méchantes à votre sujet.
La raison pour laquelle nous avons des articles dans le Code criminel qui traitent de harcèlement criminel, de faux messages et de libelle diffamatoire, c'est que nous savons que ces choses sont préjudiciables. Ce que je veux dire, c'est que ce ne sont pas uniquement les enfants qui sont victimes de cyberintimidation, mais aussi les adultes.
Quand l'intimidation franchit la limite entre des choses méchantes dites à votre sujet et des actes criminels, comme le harcèlement criminel, les faux messages et le libelle diffamatoire, alors cela devient un problème de nature criminelle, et la justice le traite comme tel. Si on se sert d'un téléphone, d'une télévision ou d'un télégramme, si on écrit une lettre à un journal ou on envoie une copie du journal à quelqu'un par la poste, les tribunaux et la police peuvent retracer la personne qui l'a envoyé et où elle l'a fait. Ils peuvent obliger les compagnies de téléphone, les stations et les journaux à dévoiler le nom de l'expéditeur.
Ce n'est pas possible avec un ordinateur. L’ordinateur, de nos jours, même si c’est une bonne chose et que nous nous réjouissons tous de l'existence de ce média numérique et de la façon dont il a changé le monde… le fait est qu’il est anonyme. C’est l’anonymat qui a permis aux gens de franchir la limite entre les gros mots et l’activité criminelle. C’est là où nous voulons intervenir: lorsqu’on franchit cette limite. À l’heure actuelle, on ne peut savoir qui le fait et qui envoie le message, mais on le pourrait si un autre moyen de communication était utilisé.
Je voudrais parler d’une situation où cela s'est produit entre adultes. Il suffit de regarder ce qui s’est passé ici, à Ottawa. Une femme, Mme Katz — et il s’agit ici d’information ouverte, et non privée — a été victime de cyberintimidation parce qu’elle a publié sur Twitter une mauvaise critique d’un restaurant. La propriétaire du restaurant s’est mise à se faire passer pour Mme Katz; elle a donc commis une fraude liée à l'identité. Elle a envoyé des courriels au patron de cette femme et lui a créé un profil de rencontre en ligne. Évidemment, elle l’a poursuivie en justice parce qu’elle le pouvait, puisqu'elle connaissait l’identité de l’auteure. C’était évident, il n’y avait pas d'anonymat. Il s’agissait de la propriétaire du restaurant, qui a été reconnue coupable sous deux chefs d’accusation de libelle diffamatoire et a été condamnée à une peine de deux ans de prison.
La juge Lahaie a alors déclaré que les « attaques anonymes contre Elayna Katz » de Mme Simoes, celle qui avait fait de l’intimidation, « étaient vindicatives, malveillantes et très personnelles » et qu’elles « s’apparentaient à la cyberintimidation ». La juge a dit: « Une cyberintimidation de cette nature peut avoir des conséquences plus tragiques pour les gens que ce que nous avons vu ici. » La juge Lahaie a ensuite ajouté: « Contrairement aux graffitis », la cyberintimidation « ne peut jamais être totalement effacée ». Beaucoup de gens de tous âges me l’ont dit. Les jeunes ont indiqué qu’ils ne peuvent pas y échapper, et que cela les suit toute leur vie.
Nous savons qu’une personne peut faire de la cyberintimidation au travail. Vous et une autre personne avez une occasion d’être promus et vous vous faites concurrence; soudainement, votre patron reçoit des messages anonymes, et quelqu’un dit des choses à votre sujet qui ne sont pas nécessairement vraies.
Cela n’arrive pas qu’en milieu de travail; cela arrive également à la Chambre des communes. Nous avons vu cela ici, à la Chambre des communes, quand quelqu’un décide qu’il peut diffamer ou répandre de faux messages causant un préjudice.
C’est ce que nous avons vu dans le cas d’Amanda Todd, en Colombie-Britannique. Il ne s'agissait pas simplement d’intimidation, mais de harcèlement criminel. Cela a eu un impact profond sur sa vie, et elle s’est suicidée.
Rebecca Marino, de la Colombie-Britannique, était une joueuse de tennis très prometteuse. Elle a souffert de dépression et a été victime de cyberintimidation. Des gens ont dit qu’elle devrait être tuée. Ils disaient des choses négatives à son sujet. Cela a aggravé sa dépression, et elle a maintenant abandonné. Elle n’a plus utilisé ni les médias sociaux ni son ordinateur. Elle a cessé de jouer au tennis. Et elle était brevetée; elle était une tête de série à l’échelle mondiale.
En deuxième lecture de ce projet de loi, j’ai entendu le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice dire qu’il nous faut clarifier plus que ces trois articles. Il a parlé, par exemple, de l’article 264.1, qui porte sur le fait de proférer des menaces; l’article 266, sur les voies de fait; l’article 271, sur le fait d'utiliser un ordinateur pour commettre une agression sexuelle; l’article 346, sur l'extorsion; l’article 403, la fraude à l’identité et le fait de se faire passer pour une autre personne intentionnellement, comme nous l’avons vu pour cette femme; et l’article 423, sur l'intimidation.
Cette question doit dépasser les frontières de la partisanerie, et j’espère que nous pourrons tous travailler ensemble en ce sens.
Monsieur le président, si vous me laissez encore une minute, j’aimerais parler des préoccupations au sujet d’une stratégie globale. Je suis d’accord; il nous faut la considérer comme une initiative secondaire que nous devrions envisager pour être en mesure de traiter de façon globale, avec les autres administrations, les ONG et les entreprises du secteur privé, entre autres, de la question de la cyberintimidation. Ce projet de loi n’a jamais eu pour objectif de traiter de ces choses; nous voulions simplement nous pencher immédiatement sur le problème qui cause beaucoup de torts aux gens, qui leur coûte leur emploi et leur vie.
Je veux simplement dire que l’anonymat de l’Internet est un problème ici, car il permet de protéger l’identité de la personne qui commet ces actes criminels. Cela mène à une malveillance que l’on ne voit pas normalement dans les cas d’intimidation en personne. N’oublions pas que n’importe qui peut faire de l’intimidation, surtout lorsqu’on peut profiter de l’anonymat.
Enfin, ce projet de loi constitue un pas logique et important vers la mise en place de sanctions appropriées à l'égard des personnes qui pratiquent ce genre d'activité criminelle et de cruauté en ligne et qui causent du tort aux gens, afin qu'elles reconnaissent la gravité de leurs gestes lorsqu'elles franchissent la limite.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue à une concitoyenne de la Colombie-Britannique et la remercie d'être ici aujourd'hui.
Madame Fry, l'objectif de votre projet de loi est certainement louable afin d'assurer que des infractions existantes s'appliquent à l'intimidation qui est de nature criminelle lorsqu'elle est communiquée au moyen d'Internet. Je pense toutefois que ses approches soulèvent d'importantes préoccupations en matière de politique criminelle; des préoccupations que je vais énumérer rapidement.
En règle générale, les infractions s'appliquent à des comportements spécifiques, donc même si les moyens utilisés, tel Internet, ne sont pas forcément précisés — par exemple, un meurtre est un meurtre, peu importe l'arme ou le moyen utilisé pour le commettre —, le fait de modifier certaines infractions qui pourraient s'appliquer à l'intimidation, puis d'en abolir d'autres, par exemple, l'article 264.1, proférer des menaces, pourrait être problématique. Par exemple, si l’on inclut une référence sur l’utilisation d’un ordinateur ou d’Internet pour certaines infractions, on pourrait penser que son exclusion est intentionnelle, c’est-à-dire que cette référence ne s’appliquerait pas à d’autres infractions.
En outre, le libellé « d'un ordinateur, d'un ensemble d'ordinateurs connectés ou reliés les uns aux autres, y compris l'Internet, ou de tout moyen de communication semblable » est incompatible avec les dispositions du Code criminel ainsi que l'a dit mon collègue, M. Seeback, un peu plus tôt.
À mon avis, l'utilisation de deux termes liés au même moyen de communication pourrait causer des problèmes ou porter à confusion.
Bref, je pense que les amendements que le projet de loi 273 propose d'apporter aux articles 264 et 298 n'améliorent pas le regard que porte le Code criminel sur l'intimidation qui constitue un comportement criminel. Ces amendements risquent même de limiter la capacité du Code criminel à condamner efficacement un tel comportement.
Comment réagissez-vous à ces préoccupations?
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Merci de m'avoir invitée à présenter mon exposé aujourd'hui.
Je suis une universitaire et une chercheuse à l'Université McGill. J'ai passé environ 10 ans à étudier les questions juridiques et les enjeux relatifs aux politiques portant sur la cyberintimidation. Je suis titulaire d'une bourse pour une période de cinq ans versée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et d'une bourse inaugurale de la citoyenneté numérique attribuée par Facebook.
Bien que le projet de loi ne mentionne pas précisément la cyberintimidation, je suis préoccupée par certaines de ses incohérences que nous avons constatées à l'écoute des questions posées à Mme la députée Hedy Fry.
La cyberintimidation peut comprendre des actes tels que le harcèlement criminel, les menaces d'agression sexuelle, le libelle diffamatoire, l'extorsion, la fraude d'identité, la supposition intentionnelle de personne, l'intimidation, ainsi que le sexto; la plupart de ces actes peuvent actuellement être traités en vertu du Code criminel.
Ce qui me préoccupe aussi, c'est le fait que les téléphones intelligents, les médias numériques ne sont pas mentionnés... Je parcours rapidement mes notes sachant que je n'ai pas beaucoup de temps.
Ce que m'inquiète le plus, c'est le fait que le Code s'applique à tout le monde. Il est fait mention de tout le monde. Je m'inquiète que cet amendement est une réaction, comme Mme Fry l'a dit, à beaucoup de rapports des médias sur la cyberintimidation et les suicides qui en découlent.
Le problème est que nous devons considérer deux auditoires. Celui des adultes qui ont suffisamment de maturité pour être tenus responsables de certains de ces crimes. Ils sont suffisamment âgés pour être conscients de leurs actions. Mais, nos recherches indiquent que les jeunes de la génération numérique — les enfants qui grandissent en étant immergés dans les technologies numériques — ne se rendent souvent pas compte de ce qu'ils font.
Les normes et les perceptions du risque ont changé chez les jeunes de la génération numérique. Ces enfants, qui peuvent avoir huit ans, sont sur Facebook, même s'il est illégal d'y être avant d'avoir 13 ans. Les insultes, les plaisanteries et les farces y sont beaucoup plus tolérées. On mesure moins l'effet de nos actes sur les autres. La distinction entre les espaces publics et les espaces privés n'est pas aussi marquée sur Internet. On n'y mesure pas aussi bien les risques juridiques et c'est pour cette raison que je suis en faveur d'une meilleure éducation et alphabétisation juridiques.
Les auteurs de cyberintimidation souffrent autant de cette forme d'intimidation que leurs victimes. Ce qui les placerait en position très délicate si le Code était modifié et qu'ils feraient l'objet de poursuites. Notre réaction pourrait être excessive. Nous risquerions d'emprisonner des enfants qui ne le mériteraient pas.
Beaucoup d'enfants ont des problèmes de santé mentale. Nous savons qu'il est problématique d'envoyer en prison des jeunes atteints de maladie mentale. Nous avons plusieurs fois vu des reportages d'Ashley Smith quand elle était incarcérée et les problèmes qu'elle a rencontrés.
Une étude faite en Autriche a révélé que les jeunes s'adonnent à la cyberintimidation principalement parce qu'ils sont en colère ou qu'ils ont envie de s'amuser. Je pourrais parler de certains cas durant les séries de questions si quelqu'un veut savoir ce que je veux dire exactement.
Au vu de l'évolution des normes sociales, le fait de modifier le Code pourrait entraîner des poursuites qui seraient entamées pour de mauvaises raisons.
L'autre chose, c'est que les adultes... Quand on parle d'auditoires différents, les adultes adoptent le pire des comportements, pourtant à cet égard on pense surtout aux jeunes, et ce, en raison de l'attention que leur portent les médias. Je crains que cet amendement ne soit proposé que pour apaiser la peur du public et lui faire croire que des mesures sont prises.
Nous devons faire beaucoup plus de recherche. Nous devons mesure le degré de connaissance et de compréhension du milieu juridique vis-à-vis le mode d'utilisation d'Internet par la génération numérique.
Notre recherche sur cinq ans avec le CRSH porte sur les hypothèses qui sous-tendent le raisonnement de l'appareil judiciaire quand il est confronté à des cas de cyberintimidation. La cyberintimidation est quelque chose d'extrêmement complexe et qui comporte tellement d'éléments. Nous devons être sûrs que nous nous attaquons aux véritables enjeux.
Il y a la diffamation. Il y a les sextos, et vous êtes nombreux à savoir que les polices du Canada et des États-Unis s'y attaquent en recourant aux lois sur la pornographie juvénile.
Des enfants affichent des choses en ligne sans vraiment penser aux conséquences, et notre recherche indique constamment le même comportement de la part d'enfants qui disent qu'ils ne font que s'amuser et qu'il s'agit seulement d'une concurrence entre amis. Ils oublient la victime. Ils ne pensaient même pas à la personne qu'ils taquinaient. Ils essayaient simplement de se faire entendre dans le brouhaha de l'Internet. Il s'agit d'enfants en mal d'attention.
Je ne dis pas qu'il ne devrait pas y avoir de conséquences. Je suis vraiment en faveur de la discipline pour les jeunes et je pense qu'il est possible de le faire au moyen de l'éducation. Il nous faut des conséquences pertinentes. Je ne crois pas que ce genre d'amendements faits de bric et de broc auront beaucoup d'effet.
Pour ce qui est des répercussions du projet de loi sur les jeunes, ceux de la génération numérique qui ne se rendent pas compte que les risques juridiques peuvent aboutir à des casiers judiciaires s'ils n'arrivent pas à faire la distinction entre les conséquences de leurs blagues et de leurs farces et la responsabilité criminelle grave. Même s'ils doivent faire l'objet de mesures disciplinaires, ils doivent aussi être éduqués sur le plan juridique. Les casiers judiciaires ou les peines d'emprisonnement réduiront leur chance d'être acceptés dans de bons établissements d'enseignement postsecondaire et limiteront leur capacité de trouver des emplois dans un marché où il est déjà difficile d'en trouver, ce qui alourdira le fardeau de l'aide sociale. En fin de compte, une telle situation pourrait accaparer des ressources gouvernementales considérables et réduire chez certains enfants leur chances de réussir.
Une meilleure solution de rechange consisterait à investir dans l'éducation, à aider les jeunes atteints de troubles mentaux, à les sensibiliser davantage et à leur offrir une alphabétisation juridique. L'année dernière, nous avons témoigné au Comité sénatorial permanent des droits de la personne qui étudiait la question de la cyberintimidation au Canada en ce qui concerne les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne aux termes de l'article 19 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Je suis certaine que vous êtes nombreux à connaître ce rapport qui regroupe tout un ensemble de questions soulevées par des experts et des chercheurs de tout le Canada et je pense que le comité devrait considérer les sujets soulevés dans ce rapport.
La création d'un commissaire pour les enfants est l'une des choses qui ont été suggérées. L'autre étant une stratégie nationale. Je sais que la motion a été rejetée l'année dernière parce qu'elle prêtait à controverse. Mais j'estime qu'il nous faut quelque chose, par exemple un groupe de travail composé d'experts en la matière qui étudiera ces questions et déterminera les lois qui devraient être modifiées. Comment allons-nous modifier cette loi? Quel est le rôle de la loi? Voulons-nous vraiment des sanctions du gros bâton? Un universitaire de l'Université Harvard, John Palfrey, a fait le même genre de plaidoyer au Congrès et il l'a fait en 2009 quand ils voulaient modifier leur législation.
Ce sont mes collègues australiens, Kift, Campbell et divers collaborateurs qui ont inventé l'expression « sanctions du gros bâton » parce qu'elles ne fonctionnent pas vraiment dans ce contexte. Compte tenu du fait que les enfants ne comprennent pas... Ils ne voient même pas la différence entre les espaces publics et les espaces privés.
J'ai remis un mémoire de 25 pages, comme le font les universitaires, et je vous exhorte de le lire ou de le parcourir d'ici demain, avant de faire vos commentaires. Je pense vraiment que cette question mérite une plus ample réflexion.
J'ai ici — je peux le faire circuler — mon... presque mon logo. Durant les 10 dernières années de mon étude de la cyberintimidation, voici les mesures prises par des écoles et quelques gouvernements provinciaux pour résoudre ces questions. Je propose des mesures beaucoup plus proactives qui mettent en évidence l'éducation.
Nous parlons de droit substantiel comparativement à un droit positiviste ou un droit plus punitif. Considérons les piliers de notre Constitution, nos lois sur les droits de la personne, et voyons comment nous pouvons aider les jeunes à comprendre pourquoi ils ne devraient pas s'adonner à cela. Le défi est d'inciter les jeunes à comprendre leur motivation, à les mobiliser. Ce sont des experts du numérique. Mobilisons les jeunes pour qu'ils contribuent au processus de modification des lois.
C'est ce que nous faisons.
Pour expliquer brièvement, une partie de la recherche que nous effectuons avec les subventions reçues de Facebook et du CRSH consiste à organiser des enquêtes et des groupes de discussion avec des jeunes de 9 à 17 ans. On leur demande de nous indiquer où se trouve la ligne qui départage la blague et la taquinerie d'une part, et les infractions criminelles d'autre part. Comment font-ils pour savoir s'ils sont en train de dépasser les limites et de commettre un crime? Comment font-ils la distinction entre l'espace public et l'espace privé? Dans la dernière phase, nous demanderons aux jeunes d'élaborer des projets interactifs en ligne. Cela devrait les amener à réfléchir sur leur façon de définir la limite.
Nous avons déjà mené ces activités à titre d'essai, à Vancouver, et la réponse a été formidable. Mon site Web est le www.definetheline.ca, et nous avons eu beaucoup de réponses à ces questions. Nous informons les enseignants et les responsables de l’élaboration des politiques au sujet des différents aspects légaux...
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Je suis la professeure Craig, de l'Université Queen's. Je suis psychologue en clinique spécialisée dans le développement de l'enfant.
Une bonne partie de ce que je vais dire confirmera les déclarations de ma collègue.
Pour commencer, je précise que je m'intéresse surtout aux enfants et aux jeunes, et qu'en termes juridiques, il convient de faire une distinction entre les enfants et les jeunes d'un côté et les adultes de l'autre. L'une des choses les plus importantes que je tiens à vous dire est que les enfants sont en processus de développement. Pensez aux vôtres. Les enfants doivent apprendre à se comporter différemment. Il faut que ces dispositions leur soient enseignées. Ils ont besoin de l'encadrement des adultes, d'un échafaudage. Ils ont besoin d'être éduqués.
Les mesures punitives ne fourniront pas le contexte d'apprentissage qu'il leur faut pour acquérir les stratégies voulues pour se réinventer. Compte tenu de tous les aspects de développement qui ont été soulevés, je crois que nous devons envisager une réponse pour les enfants et les jeunes qui soit différente de celle que nous avons pour les adultes.
Mes recherches portent aussi sur la cyberintimidation, et il y a deux ou trois aspects de ce domaine qui rendent problématique ce projet de loi. Bien que le centre pour le contrôle des maladies ait fait un certain travail à cet égard, nous ne disposons à l'heure actuelle d'aucune définition de la cyberintimidation. J'ai fait partie d'un groupe de travail chargé de la définir. Il n'existe aucune définition qui fasse l'unanimité. Une partie de la définition évoque la notion de « volonté de nuire », chose très difficile à mesurer dans le contexte d'une loi. Les définitions actuelles parlent de volonté de nuire, de déséquilibre des forces et du ciblage répété des victimes. Plus une définition a d'éléments, plus le fardeau de la preuve est mis sur les personnes qui doivent intenter des poursuites pour qu'il y ait un changement.
Nous avons besoin d'une définition universelle. Nous devons préciser chacun des éléments de cette définition, tels que la volonté de nuire et ce qui constitue un préjudice. Et nous devons tracer la ligne au-delà de laquelle l'intimidation et l'humiliation s'inscrivent dans un comportement criminel. Je crois que ces questions sont des zones grises au sujet desquelles nous n'avons pas beaucoup d'informations.
J'aimerais parler un peu du problème afin que vous compreniez ce sur quoi vous devrez légiférer. Jetons un coup d'oeil à l'enquête sur les comportements en matière de santé — je fais partie de l'équipe —, qui porte sur environ 27 000 enfants. Il s'agit d'une enquête pancanadienne financée par l'Agence de la santé publique du Canada, qui cherche à rendre compte de la situation à l'échelle nationale. En 10e année, soit vers l'âge de 15 ans, la proportion de cybervictimes — c'est-à-dire les enfants qui rapportent avoir été victimes de cyberintimidation — est d'environ 18 p. 100 et, de ces derniers, 99 p. 100 sont aussi victimes d'intimidation en personne.
Selon moi, ce qu'il importe de retenir c'est qu'il nous faut une stratégie nationale exhaustive. Cela a déjà été soulevé à la Chambre des communes, et j'estime qu'une telle stratégie sera absolument essentielle à la mise en oeuvre d'une approche intégrée pour faire face au phénomène.
Environ un enfant sur cinq se dit avoir fait l'objet de cyberintimidation, mais il ne s'agit là que de l'un des nombreux types d'intimidation qu'ils doivent subir. Nous devons par conséquent faire face au problème.
De plus, si vous examinez la recherche sur ce qui arrive aux enfants dans les nouveaux médias, vous constaterez qu'environ 43 p. 100 ont affirmé avoir reçu au cours des 30 derniers jours précédents un courriel ou un message texte qui les a troublés, ou avoir été la cible de railleries, ou avoir vu quelque chose les concernant affiché sur un site Web, ou avoir vu mettre en ligne quelque chose qu'ils ne voulaient pas que les autres voient, ou avoir eu peur de se servir de l'ordinateur. Aucun de ces actes n'est défini par eux comme étant de l'intimidation, alors comment pouvons-nous commencer à les définir comme telle quand les enfants eux-mêmes ne sont pas au fait de ce qui entre dans cette définition? C'est là un processus éducatif qui demande une campagne de santé publique dans le cadre d'une stratégie nationale.
Nous avons fait des recherches sur la perception de la nocivité de la cyberintimidation et de l'intimidation électronique. Qu'ont dit les principaux intéressés? Les filles ont été plus enclines que les garçons à dire que cela était nocif. Accessoirement, elles ont démontré une propension plus grande à s'en servir que les garçons. Les enfants affirment aussi que la cyberintimidation est moins dommageable que l'intimidation physique, mais qu'elle l'est autant que l'intimidation verbale.
Bref, l'intimidation est nocive en général, et la cyberintimidation est l'une des formes nocives de l'intimidation, mais ils ne la rapportent pas pour autant aux adultes.
Lorsque vous demandez aux enfants ce qui leur arrive quand ils vont en ligne, la majorité des actes évoqués sont des menaces et la profération d'insultes. Il est très rare — et cela n'arrive que dans les pires cas — qu'ils évoquent des comportements sexuels inappropriés ou la présence de personnes qui se font passer pour d'autres.
Nous savons aussi que les comportements en ligne et hors ligne se recoupent. Ils font tous deux partie des relations en société. Les deux types d'enfants sont actifs sur les deux plans. Avec la cyberintimidation, on retrouve des enfants qui sont aussi plus enclins à se faire agresseur et à devenir victime. Cette dynamique nous place devant un dilemme, car si nous considérons ces enfants par la lorgnette de la criminalité, nous en faisons des victimes une deuxième fois alors qu'ils viennent en fait de trouver une façon qui, bien qu'elle soit maladroite, leur permet d'avoir un certain pouvoir.
Ce que nous savons cependant, c'est que le tort psychologique de la cybervictimisation est supérieur à celui de la cyberintimidation. C'est-à-dire que ses effets sont plus graves et plus intenses, que la dépression et l'anxiété qu'elle suscite sont ressenties avec plus d'acuité.
Nous nous sommes aussi intéressés aux auteurs de la cyberintimidation. Qui sont ceux qui infligent ces traitements aux autres? Nous avons trouvé qu'il était plus vraisemblable que l'intimidation — tous types confondus: insultes, menaces, rumeurs, photos et même allusions à caractère sexuel — soit le fait d'amis. L'intimidation est perpétrée par des personnes connues. Il y a très peu de cas où les auteurs sont des étrangers ou des inconnus. Ces personnes sont les coupables les moins plausibles. Selon moi, cela signifie que la façon d'interagir des jeunes est problématique, et que nous devons leur donner l'aide dont ils ont besoin.
C'était la dernière chose que j'avais à dire sur ce que la recherche nous a appris. Nous avons aussi étudié les rôles que les enfants jouent dans le cyberespace, leur façon de contribuer à la cyberintimidation. Les enfants affirment que le rôle premier qu'ils jouent consiste à aller en ligne et à défendre ceux qui se trouvent dans le même contexte qu'eux. Les filles sont plus enclines à faire cela. Je me dois cependant de souligner qu'environ 20 p. 100 d'entre elles affirment aussi aller en ligne dans l'intention de démontrer une agressivité semblable. Voilà un autre aspect sur lequel il y aurait lieu de faire leur éducation. Comme cela a été dit dans le témoignage précédent, les enfants ne sont pas conscients de leur agressivité, ou ne qualifient pas ce qu'ils font comme étant agressif ou ne perçoivent pas leur comportement comme étant issu d'une intention criminelle s'accompagnant de possibles conséquences.
J'ai trois messages à vous livrer. Le premier est que, si nous choisissons d'intervenir, nous devons avoir une définition légale de l'intimidation et des normes qui pourront être défendues lorsque viendra le temps d'appliquer la loi. Le deuxième message est que nous nous appuyons sur une définition uniforme, que cette dernière devra être connue des enfants, des jeunes et des adultes, et qu'elle pourra s'appliquer uniformément à toutes les facettes du phénomène. La troisième chose qu'il faudra inclure dans la loi est une explication entendue de la limite au-delà de laquelle les comportements deviennent criminels. Quand y a-t-il humiliation et intention criminelle?
Une chose encore qu'il nous faudra prendre en compte est que la majorité des jeunes — au moins la moitié en tous cas — affirment ne rien dire aux adultes. Ils ne rapportent pas les incidents. Nous ne savons même pas à quel point cette attitude est vraiment répandue. Ils ne rapportent rien par peur de représailles. Si nous en faisons une question légale, cet aspect deviendra encore plus problématique.
Le message sur lequel je veux vous laisser est que les enfants sont des êtres en développement. Ils jouent de nombreux rôles, ils expérimentent. Malheureusement, une partie de notre développement consiste à essayer différents rôles, à épouser diverses identités, à tester une certaine agressivité dans notre comportement. Cela fait partie des expériences que nous tentons. Cela participe à la définition du soi, les enfants y ont recours pour se définir eux-mêmes. Si nous voulons être efficaces dans le traitement que nous accorderons au phénomène de la cyberintimidation ou de l'intimidation dans notre société, il nous faudra commencer avec une approche préventive: une campagne d'éducation publique en matière de santé. Le gouvernement a un rôle à jouer comme coordonnateur de cette stratégie globale, puisqu'il s'agit d'une question de santé publique et que nous avons nombre d'exemples — l'alcool au volant, le tabagisme — où l'efficacité de campagnes de santé publique a été démontrée. Cela pourrait changer la vie de nos enfants et les aider à devenir les êtres épanouis que nous souhaitons qu'ils deviennent.
En ma qualité d'universitaire, j'espère avoir respecté les 10 minutes qui m'étaient accordées.
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Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je vous remercie de me donner l'occasion de commenter ce projet de loi, qui est très important pour notre organisation.
Mon point de vue est un peu différent de celui des deux autres savants témoins.
J'aimerais d'abord, si possible, présenter notre organisation. L'Association canadienne des commissions de police a été créée en 1989 afin que les personnes chargées de la gouvernance des services de police puissent trouver un terrain d’entente sur des questions d’intérêt commun ayant une incidence nationale. L'association est l’organisation nationale des commissions et des conseils des services de police qui assure une surveillance et une gouvernance civiles des services de police municipaux et des Premières Nations dans la majeure partie du Canada.
Les commissions et conseils de police membres sont responsables de plus de 75 p. 100 des services de police municipaux au Canada. Nous gérons les services, nous établissons les priorités au sein des municipalités, nous mettons en oeuvre les politiques et nous représentons l'intérêt public par l'entremise du processus de gouvernance et de surveillance civiles.
Comme vous le savez, les services locaux de police assurent d'importantes fonctions autres que la lutte contre le crime. Nos agents sont présents dans les écoles, ils aident les personnes qui souffrent de troubles mentaux, ils préviennent la victimisation sociale, ils surveillent les voies d'eau internationales, ils contribuent à la sécurité nationale et à la lutte contre le terrorisme, ils participent aux projets policiers intégrés et conjoints, et ainsi de suite. Ils sont souvent les agents de premier recours lorsque d'autres programmes sont réduits ou éliminés en raison des problèmes financiers des municipalités.
Nous devons veiller à ce que les policiers aient les outils nécessaires pour prendre les bonnes décisions en vue de protéger la sécurité publique, et particulièrement la sécurité de nos enfants.
Nous croyons également que les lois qu'ils exécutent doivent refléter nos valeurs et principes communautaires.
Si une loi peut nous aider à changer les comportements délinquants et les attitudes à l'égard de ces comportements, alors nous devons l'appuyer.
En 2009, nos membres ont voté en faveur de la résolution suivante:
ATTENDU QUE les nouvelles technologies facilitent l'accès aux domaines privés;
ATTENDU QUE ces technologies permettent aux personnes de cacher leur identité tout en ciblant d'autres personnes;
ATTENDU QUE la cyberintimidation affecte de plus en plus les jeunes canadiens;
ATTENDU QUE la loi actuelle ne criminalise pas la cyberintimidation;
PAR CONSÉQUENT, il est résolu que l'Association canadienne des commissions de police demande au gouvernement fédéral d'adopter une loi visant à élargir la portée des dispositions du Code criminel en vue de criminaliser les comportements de cyberintimidation et d'accroître la responsabilité des fournisseurs de services de technologie relative à l'utilisation abusive de leurs systèmes. [Traduction]
Comme vous pouvez le constater, la résolution en faveur de la modification du Code criminel et de la responsabilité accrue des fournisseurs de service Internet à l'égard de la cyberintimidation a été pleinement appuyée par les membres de l'ACCP.
Chaque année, les résolutions approuvées sont transmises aux ministres fédéraux et provinciaux concernés en vue d'obtenir leurs commentaires.
J'aimerais vous lire la réponse du ministre de la Sécurité publique de l'époque, l'honorable Peter Van Loan, qui a écrit:
En ce qui a trait à la résolution de l'Association sur la cyberintimidation, j'affirme que nous avons le devoir de protéger nos enfants. L'intimidation, sous quelle que forme que ce soit, est un comportement social inacceptable. Notre gouvernement a pris des mesures pour sensibiliser la population et pour prévenir l'intimidation grâce à l'action du Centre national de prévention du crime et à l'établissement d'un partenariat entre la GRC et la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants visant à transmettre aux jeunes de l'information sur la façon de détecter, d'aborder et d'éliminer la cyberintimidation. Le rôle le plus important du gouvernement consiste à assurer la sécurité et la protection de la population la plus vulnérable du Canada, nos enfants. [Traduction]
Nous félicitons le gouvernement d'avoir pris les devants en vue d'éduquer la population et de prévenir la cyberintimidation, mais nous sommes convaincus qu'il n'est pas allé assez loin. Nous devons mettre à jour nos lois pénales en ce qui a trait aux technologies modernes et aux personnes qui en font une utilisation abusive, étant donné qu'elles ont une incidence sur notre société.
En tant qu'organisme de surveillance, il nous incombe notamment de veiller à ce que les policiers aient les outils dont ils ont besoin pour bien faire leur travail. Parfois, ces outils se présentent sous forme de lois, sans lesquelles ils ont les mains liées.
C'est dans cette optique que je témoigne devant vous pour appuyer le projet de loi . L'Association canadienne des commissions de police appuie les modifications législatives proposées, étant donné qu'elles reflètent l'influence des technologies modernes sur notre vie.
La cyberintimidation soulève de nombreuses préoccupations en matière d'application de la loi. Ainsi, selon le rapport du groupe d'étude de la Nouvelle-Écosse sur l'intimidation et la cyberintimidation, et je cite:
La cyberintimidation présente un défi particulier pour la collectivité étant donné qu'elle se fait dans une sorte de no man's land. Le monde cybernétique est un espace public qui remet en question nos méthodes de maintien de la paix et de l'ordre traditionnelles. Il est trop vaste pour avoir recours efficacement aux moyens de surveillance traditionnels. [Traduction]
En termes simples, le projet de loi précise que les articles du Code criminel s'appliquent aux communications électroniques. Nous l'appuyons pleinement.
Nous croyons également qu'une législation plus stricte ne constitue pas une stratégie de lutte contre la cyberintimidation en soi, mais plutôt le volet d'une stratégie nationale qui doit être mise en place.
Pour faire suite aux commentaires précédents, j'ai eu l'occasion d'assister la semaine dernière à la présentation finale d'une jeune agente du service de police d'Edmonton. Son projet vise l'élimination de l'intimidation en Alberta. L'agente Cunningham a fait valoir clairement que l'intimidation est un problème social et qu'il était nécessaire de bien comprendre les relations humaines pour le régler. Nous devons favoriser le développement social positif de nos jeunes. Tous les enfants impliqués dans l'intimidation — les auteurs, les victimes et les spectateurs — doivent être pris en compte dans les interventions, et les changements les plus importants se feront sentir au sein du plus grand groupe, les spectateurs. Elle croit que nous devons intervenir à divers niveaux pour effectuer de réels changements dans notre société.
Ainsi, le projet de loi n'est peut-être qu'un outil parmi d'autres. La cyberintimidation peut être un crime très grave impliquant de vraies victimes et pouvant, dans certains cas, avoir des conséquences tragiques.
Notre tâche aujourd'hui — et j'emprunterai les mots de l'ancien ministre de la Sécurité publique — consiste à détecter, à aborder et à éliminer la cyberintimidation. En tant qu'association représentant la surveillance civile de la police municipale au Canada, notre rôle le plus important consiste à assurer la sécurité et la protection de la population la plus vulnérable du Canada, nos enfants. Nous croyons que les modifications au Code criminel proposées dans le projet de loi sont un pas dans la bonne direction.
Merci.
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J'aimerais répondre. C'est une très bonne question parce que, comme je l'ai dit, les jeunes manquent de discernement.
Vous parlez des jeunes enfants, mais pour la génération numérique qui a grandi dans une mare de technologies, cette notion est difficile à comprendre, même pour les universitaires. Par exemple, il y a quelques années, un étudiant de McGill a publié un message sur Twitter dans lequel il disait vouloir prendre un M 15 et tirer sur les conférenciers d'un séminaire auquel il assistait. Lorsqu'il a été interrogé à ce sujet, l'étudiant a dit qu'il ne faisait que s'exprimer. Ces cas sont nombreux.
En Californie, un jeune de 14 ans de la trempe de Justin Bieber, destiné à une brillante carrière en musique, écrivait sur son site Web qu'il avait les yeux brun doré. Ses camarades de classe, et certains élèves qui ne le connaissaient même pas, ont publié des commentaires haineux à son sujet. Ils ont fait valoir devant le tribunal qu'il s'agissait pour eux d'un concours des pires insultes. Ils ont dit ne pas avoir pensé à la victime, et simplement avoir voulu être drôles.
En analysant la société — les comédies de situation, les spectacles d'humour, les émissions de téléréalité — on s'aperçoit que la norme relative à la drôlerie, à la blague, à l'insulte et au préjudice a changé. Dans l'affaire A.B. c. Bragg Communications Inc., la Cour suprême du Canada a conclu qu'il y avait eu préjudice discernable. Mais, comme l'a mentionné Wendy, il faut définir clairement l'intention et le préjudice. Qu'est-ce que l'intention perçue?
J'aimerais présenter un autre exemple, rapidement. En Colombie-Britannique, une adolescente s'est suicidée après avoir reçu l'appel d'anciennes amies, qui la menaçaient de mort. Elle pensait vraiment qu'elle allait être tuée, alors elle s'est elle-même enlevé la vie. Dans cette affaire, la Cour de première instance a déterminé que le préjudice perçu pouvait être considéré à titre de harcèlement criminel; une des jeunes filles en cause a donc été accusée. Mais il s'agit d'une zone grise; les hautes cours n'ont pas encore tranché la question.
Donc oui, les modifications toucheraient les jeunes, puisqu'ils ne réalisent pas vraiment l'ampleur de leurs gestes. Si les directeurs d'école s'en servent pour déclarer les jeunes à la police et leur faire subir le système de justice pénale, alors je crois qu'on rate une occasion de les éduquer, et qu'on les embarque dans un système où ils seront considérés comme des criminels ou de jeunes délinquants, et traités de la sorte. Voilà donc un problème.
Je crois que les policiers sont d'excellents agents de liaison, mais cela ne résout pas le problème des jeunes qui ne savent pas ce qu'ils font.