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Il est 15 h 30, alors nous allons ouvrir la séance. Il s'agit de la séance 49 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément à l'ordre de renvoi adopté le mardi 16 octobre 2012, nous étudions le projet de loi .
Nous recevons deux témoins aujourd'hui, soit Kim Pate, directrice exécutive de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, et Sharon Rosenfeldt, de l'organisation Victimes de violence. Je sais que vous avez toutes les deux déjà témoigné devant différents comités, alors je crois que vous savez comment cela fonctionne.
Si vous avez une déclaration liminaire, madame Pate, et que vous désirez commencer, vous êtes la première sur notre liste.
Merci beaucoup d'avoir invité l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry à venir témoigner devant vous. Je suis heureuse d'être ici en compagnie d'une collègue et amie de longue date, Sharon. Nous nous connaissons depuis nos débuts en Alberta.
Je précise également que je représente, comme vous le savez, une organisation qui travaille avec les femmes et les filles marginalisées, victimisées, criminalisées et incarcérées.
Je vais aller droit au but. Deux points nous préoccupent à propos du projet de loi .
Premièrement, nous savons que les femmes représentent la population carcérale qui croît le plus rapidement. La majorité d'entre elles sont incarcérées pour des infractions liées à la pauvreté: elles ont tenté de s'affranchir de la pauvreté. Nous craignons surtout que le projet de loi C-37 ne fasse qu'aggraver le problème, notamment en ce qui a trait aux mères célibataires. La majorité des femmes incarcérées sont des mères célibataires, et la plupart d'entre elles étaient le principal soutien financier de leurs enfants avant leur incarcération, des femmes vivant dans la pauvreté qui tentaient de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants.
L'imposition d'une suramende obligatoire va aussi à l'encontre de la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Wu, en 2003, qui indique clairement qu'il est certainement approprié d'envisager une sanction beaucoup plus sévère lorsqu'une personne décide de ne pas payer l'amende qui lui a été imposée — et, par extension, la suramende compensatoire —, mais qu'une incapacité légitime d'acquitter une amende ne devrait pas justifier une incarcération. Par extension, donc, le même argument pourrait aussi s'appliquer à une suramende compensatoire.
Nous vous encourageons ainsi à revoir ce point et à accorder à l'appareil judiciaire le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour déterminer si la personne a la capacité de payer, plutôt que d'opter pour des condamnations par défaut comme cela s'est déjà vu. Avec l'importante population carcérale féminine, il y a tout lieu de croire que nous allons nous retrouver avec des prisons remplies de débiteurs, là où on envoie des gens qui n'ont pas les moyens de payer les sanctions ou les suramendes compensatoires, plutôt que ceux qui refusent de le faire.
Quand on sait que la majorité des femmes — 91 p. 100 des femmes autochtones, 82 p. 100 des femmes en général — ont été victimes d'agressions physiques ou sexuelles et qu'elles se sont retrouvées derrière les barreaux principalement en raison du manque de ressources, notamment dans les secteurs communautaires des services sociaux et des soins de santé, parler d'une suramende compensatoire pour venir en aide aux victimes semble grandement... Je pense que cela contrevient à l'article 15 et à d'autres dispositions relatives aux droits de la personne.
Il semble par ailleurs moralement incorrect d'incarcérer encore plus de gens, principalement parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer les amendes, et ce, à grands frais pour le gouvernement du Canada. Le directeur parlementaire du budget a estimé qu'il coûtait 343 000 $ par année au gouvernement pour détenir une femme dans un établissement fédéral. Et dans les établissements provinciaux, cela peut aller de 30 000 $ à plus de 200 000 $. Quand on pense aux coûts que cela implique, il semble au mieux contre-productif d'emprisonner quelqu'un pour le non-paiement d'une amende ou d'une suramende compensatoire.
Nous vous demandons instamment et respectueusement de ne pas adopter le projet de loi, ou encore de le modifier de façon à ce que les dispositions concernant le non-paiement...
Nous vous conseillons fortement également de vérifier auprès des provinces et des territoires comment ils dépensent actuellement les sommes découlant des suramendes compensatoires. D'après ce que j'en sais, et c'est aussi ce qu'indique le résumé législatif préparé par la Bibliothèque du Parlement à ce sujet, il n'est pas clair quelles provinces et quels territoires réclament véritablement cet argent. Certains demandent certainement une augmentation des suramendes compensatoires, mais pour ce qui est de la façon dont cet argent est dépensé actuellement, cela demeure totalement nébuleux. Je crois qu'il appartient aux membres du comité de chercher à savoir où vont ces sommes avant de commencer à imposer encore plus d'amendes, une mesure qui coûtera vraisemblablement plus cher aux contribuables, sans forcément venir en aide aux victimes. En fait, ces ressources ne sont pas affectées aux programmes qui vont prévenir la victimisation en premier lieu, et ne serviront pas nécessairement non plus à offrir des services directs par la suite.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup. Merci d'avoir invité notre organisation, Victimes de violence, à témoigner aujourd'hui au sujet du projet de loi , concernant notamment les suramendes compensatoires.
Je vais vous présenter brièvement notre organisation; seulement la moitié, en fait.
Notre mission consiste à promouvoir un système judiciaire mieux équilibré par l'entremise d'interventions législatives et de la sensibilisation du public. L'organisation Victimes de violence a été fondée en 1984 avec le mandat de prêter assistance aux victimes de crimes violents, de faire avancer les droits des victimes d'actes criminels, et d'accroître la sécurité des honnêtes citoyens du Canada en corrigeant les lacunes du système canadien de justice criminelle.
Je suis ici aujourd'hui pour exprimer notre appui au projet de loi . Nous pensons que doubler et rendre obligatoires les suramendes compensatoires est primordial à la prestation de services aux victimes à l'échelle du Canada. Il y a 25 ans, les droits des victimes d'actes criminels n'étaient pas vraiment reconnus par le système judiciaire, ni par le grand public. C'est le mouvement d'un groupe de militants déterminés, composé de victimes d'actes criminels et de professionnels gravitant dans cette sphère, qui a commencé à promouvoir sa vision d'un système qui reconnaîtrait et protégerait non seulement les droits des accusés, mais aussi ceux des victimes.
Nous avons parcouru beaucoup de chemin depuis, mais cela ne s'est pas fait sans heurt. Alors qu'il est évident qu'il y a une demande accrue de services aux victimes au Canada, les sommes recueillies à titre de suramendes compensatoires n'ont cessé de diminuer au cours des dernières années. Le gouvernement reconnaît aujourd'hui le problème, et les amendements proposés dans le projet de loi visent à rétablir les fonds.
Nous pensons que la demande de services aux victimes a grimpé parce qu'on comprend beaucoup mieux aujourd'hui qu'il y a 25 ans les droits des victimes d'actes criminels et les services qui leur sont offerts; et grâce au réseau de défense des victimes d'actes criminels, aux fournisseurs de services et aux professionnels qui aident les victimes à retrouver une vie normale, les victimes d'actes criminels sont maintenant beaucoup plus au courant des services et cherchent à en bénéficier. Malheureusement, les crimes violents font partie de la réalité, et il faut continuer à sensibiliser la population à la dynamique des actes criminels. Il faut insister sur le fait qu'un acte criminel n'est pas seulement une violation du Code criminel, mais aussi un geste qui porte atteinte aux victimes, qu'on parle de pertes financières, de souffrances émotionnelles, de blessures physiques ou de dommages psychologiques.
J'aimerais attirer l'attention du comité sur un aspect qui reçoit peu de considération lorsqu'il est question des dommages subis par les victimes d'actes criminels. Les crimes violents et graves ne coûtent pas seulement de l'argent aux contribuables, ils sont aussi responsables de la perte de vies humaines, de la division des familles, de la dégradation de l'ordre public et de l'érosion de la confiance dans le système de justice pénale.
En 2008, le ministère de la Justice a publié un rapport qui évaluait les coûts rattachés aux actes criminels. Le rapport estimait à environ 31,4 milliards de dollars les coûts tangibles — incluant les coûts liés aux services de police, aux tribunaux, aux centres correctionnels, aux soins de santé, au dédommagement des victimes, etc. —, et à un montant faramineux de 68,2 milliards de dollars, soit le double, les coûts intangibles liés à la douleur et aux souffrances, à la perte de vies, etc.
Nous demandons donc au comité de tenir compte des coûts que les actes criminels infligent aux victimes, particulièrement à trois égards: premièrement, quand il établira des comparaisons pour déterminer si les condamnés ont la capacité de payer les suramendes compensatoires ou non; deuxièmement, quand il décidera si les nouveaux amendements au projet de loi devraient être obligatoires ou non; et troisièmement, quand il examinera pourquoi certains craignent que les nouveaux amendements ne nuisent au pouvoir discrétionnaire du juge.
De plus, nous recommandons au comité de reconnaître que la suramende compensatoire est une importante source de financement pour les services aux victimes dans l'ensemble du Canada. La suramende est unique en ce sens qu'elle est tirée uniquement de sanctions imposées aux condamnés, ce qui en fait une source d'aide publique autosuffisante qui ne dépend pas de l'argent des contribuables. Nous croyons que ceux qui font des victimes devraient contribuer à alléger leurs souffrances et à rebâtir leur vie en payant une suramende compensatoire.
Cela dit, nous voulons aborder quelques-uns des défis que nous entrevoyons. La loi sur la suramende compensatoire est en vigueur depuis 24 ans, et nous constatons qu'il y a énormément de disparité entre les provinces en ce qui a trait à l'utilisation des sommes recueillies à ce titre. À notre humble avis, c'est un processus qui manque cruellement de transparence. À ce jour, et à ce qu'on sache, aucune étude adéquate n'a été effectuée concernant l'utilisation de ces fonds dans l'ensemble des provinces, sauf pour quatre d'entre elles, soit le Nouveau-Brunswick, la Colombie-Britannique, l'Ontario et la Saskatchewan.
Nous conseillons donc au gouvernement fédéral d'examiner les pratiques provinciales, peut-être par l'entremise du Bureau de l'ombudsman fédéral. Une telle étude pourrait mener à une exigence législative semblable à celle applicable au Fonds de la justice pour les victimes d'actes criminels, financé par les sommes recueillies au titre de la suramende compensatoire en Ontario et dont les ressources doivent obligatoirement être affectées à l'aide aux victimes. On pourrait également exiger le dépôt d'un rapport annuel sur l'utilisation de ces fonds.
Nous sommes conscients qu'une telle proposition pourrait sembler controversée, voire irréalisable, étant donné que la surcharge compensatoire est régie par une loi fédérale et que les provinces ont la discrétion d'offrir les services aux victimes de la manière qu'elles jugent appropriée.
En terminant, j'aimerais remercier le gouvernement d'avoir proposé les amendements à la surcharge compensatoire dans le projet de loi C-37, que nous appuyons. Au nom de Victimes de violence, je remercie également le comité de nous avoir permis d'exprimer notre soutien ainsi que nos préoccupations.
Merci.
Il n'était pas possible pour le condamné de recourir aux programmes provinciaux ou territoriaux pour faire des travaux communautaires ou offrir un autre type de compensation afin d'éviter l'incarcération.
Le projet de loi, selon la formulation du gouvernement, prévoit que c'est à la discrétion du juge, parce qu'il a été prouvé que dans 80 p. 100 des cas, cela n'était pas appliqué, mais sans explication, raisonnement ni justification de la part des tribunaux. Maintenant, il est possible de recourir à ce programme pour ce qui est de la suramende. Est-ce que cela pourrait éliminer certaines réserves à l'égard du projet de loi, selon vous?
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Merci d'être toutes les deux ici, mesdames Rosenfeldt et Pate.
Madame Rosenfeldt, quand vous avez comparu devant nous, sur le projet de loi C-10, Loi sur la sécurité des rues et des communautés, vous avez dit ceci:
Bien que je ne puisse parler au nom de toutes les victimes du crime, je peux parler en mon propre nom, au nom de notre organisme et des victimes que nous représentons. Je peux vous parler de l'appui solide qui existe partout au Canada pour le programme de lutte contre le crime du gouvernement...
Comme vous savez, le projet de loi C-37, que nous étudions, porte la suramende compensatoire à 30 p. 100 de toute amende imposée, 100 $ sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, 200 $ pour infraction punissable par mise en accusation. Le produit de la majoration des suramendes compensatoires rendues obligatoires ira aux provinces pour financer, sur le terrain, les services d'aide aux victimes.
Est-ce que je dois comprendre de vos remarques que vous seriez d'accord pour dire, avec moi, que ces mesures relativement modestes mais importantes pour responsabiliser les criminels envers leurs victimes expliquent en partie votre appui au projet de loi C-37?
Dès le début, dès l'entrée en vigueur du projet de loi en question, en 1988, il combinait deux grandes mesures. C'était dans le projet de loi C-89. Il y avait d'abord la suramende compensatoire, puis les déclarations sur les répercussions sur la victime. À l'époque et depuis, ces mesures étaient considérées comme très... Les juges n'aimaient pas vraiment qu'on leur dise qu'ils devaient imposer la suramende ou qu'ils devaient autoriser les déclarations. En fait, ils ne se sont tout simplement pas servis des déclarations tant que le Code criminel ne l'a pas exigé.
C'est maintenant corrigé. Cela s'est bien passé et c'est maintenant bien reconnu, et il en sera de même, d'après moi, pour le caractère obligatoire des suramendes compensatoires. Je crois que cela doit figurer dans la loi et qu'il faut s'y conformer sans exception. C'est la seule manière de vraiment fournir des services aux victimes.
Je me rappelle maintenant ce que je voulais dire. Nous croyons vraiment que le contribuable ne devrait pas se voir imposer la charge de fournir des services aux victimes quand le contrevenant a effectivement commis ces crimes. Nous sommes plus à l'aise avec le fait que l'argent provient de l'imposition d'une suramende, d'une suramende imposée aux criminels ou les deux. Si faible que soit le montant, c'est néanmoins vraiment apprécié.
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Un partie de l'écart dépend de la prise en considération ou non des frais d'immobilisation ainsi que des frais de fonctionnement par les provinces, les territoires... et, pour l'administration pénitencière fédérale, par le directeur parlementaire du budget, ce que la plupart des services correctionnels ne font pas quand ils catégorisent les coûts.
À ce que je sache, les frais les moins élevés sont en Alberta et c'était à une époque où il y avait des plaintes en matière de droits de la personne concernant la piètre qualité de l'alimentation et ce genre de choses, dans les établissements, il y a quelques années. À ce que je sache, c'est là que les coûts étaient les plus faibles.
Cela dépend donc, en partie, de ce qu'on offre aux prisonniers et de leur nombre... La concentration de beaucoup de prisonniers dans un très gros complexe où les effectifs du personnel sont minimaux et où la sécurité est principalement statique peut diminuer les frais et l'humanité des conditions d'incarcération, etc. — ce qui explique certains dérapages survenus aux États-Unis. Les provinces sont probablement mieux en mesure de calculer leurs coûts.
Les estimations du directeur parlementaire du budget se fondaient sur les propres estimations de Corrections Canada — et sur la prise en considération des coûts de fonctionnement et des immobilisations, autant que je puisse en juger — quand ses enquêteurs sont arrivés à ce chiffre après, en fait, examen des coûts entraînés par le projet de loi C-26, à l'époque.
En ce qui concerne les répercussions, je suis absolument pour qu'on appuie la volonté de Sharon et de Victimes de violence d'avoir des services d'aide aux victimes. Je ne crois pas que le projet de loi permettra d'obtenir ce résultat, en grande partie parce que la plupart des contrevenants n'ont ni argent ni ressources. Sauf votre respect, cette pauvreté explique que de 80 à 90 p. 100 des suramendes ne soient pas imposées. Les nantis n'ont pas tendance à aboutir dans le système, en prison.
Vous hochez la tête. Si vous possédez d'autres renseignements, je serai heureuse de les entendre. Je visite les prisons d'hommes, jeunes et adultes, et, depuis 20 ans, celles de femmes. On peut y trouver des individus qui ont des ressources — et je ne m'oppose certainement pas à ce qu'ils paient —, mais la majorité des personnes que je connais, notamment les femmes autochtones ou celles qui souffrent de problèmes de santé mentale ou, encore, les mères célibataires, elles n'ont certainement pas ce genre de ressources, et ce sont elles qui aboutiront en prison, à un coût beaucoup plus élevé, je dirais, pour le contribuable, que si nous avions d'autres options en matière de peine ou, surtout, des services d'aide aux victimes, des services universels, pour éviter la victimisation.
Notre travail auprès de nos soeurs autochtones, sur les femmes autochtones portées disparues et assassinées, pointe exactement dans cette direction. Quand on manque de ressources — affirmation qui aurait fait partie des observations citées hors contexte, à une autre époque — nous pensons, et c'est en partie la raison pour laquelle nos sociétés Elizabeth Fry travaillent aussi avec les femmes marginalisées, qu'il faut essayer de travailler avec les individus avant qu'ils ne deviennent des victimes et des criminels. Nous avons des maisons de refuge, des centres pour les femmes, des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle, des refuges et des lits pour les sans-abri — tout cela pour prévenir la victimisation.
L'argent de l'État sert à cela, nécessairement pour mettre sur pied ces initiatives et nous préférerions disposer des ressources...
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Le fait que, actuellement dans les provinces, on offre à certaines gens la possibilité de travailler pour rembourser les amendes... C'est en grande partie pour neutraliser l'inégalité qui existerait en raison de l'article 15 si on n'assurait pas un accès égal à ces programmes, ce que nous n'avons pas eu et que la Cour suprême du Canada a déjà jugé discriminatoire; cela a entraîné l'annulation de la peine de prison imposée, dans l'affaire Wu, à quelqu'un qui était dans l'incapacité de payer une amende.
Pour nous, les inquiétudes que soulève l'article 15 touchent l'inégalité de son application, qui aboutirait à faire jeter en prison un nombre exagéré de femmes, d'Autochtones et de personnes handicapées — particulièrement par des problèmes de santé mentale — en raison, principalement, de ce genre de disposition.
Je pense qu'un article de la Déclaration canadienne des droits oblige le ministre de la Justice à examiner, conformément aux règlements, chaque règlement et déterminer s'il n'est pas contraire, dans son esprit ou dans sa forme, aux protections accordées par la Déclaration des droits. C'est une autre raison pour laquelle cet article sera probablement contesté.
Il y a ensuite les coûts — je suis désolée de le dire, mais nous l'avons encore constaté — le ministère de la Justice est une réserve inépuisable d'argent pour combattre ce genre de dispositions. Le gouvernement devrait défendre la Charte des droits et libertés pour tous, ceux qui sont susceptibles d'être des victimes ou qui l'ont été ainsi que ceux qui aboutiront dans le système, en tant que victimes.
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Je pense que mon professeur de logique aurait goûté cette conclusion précédée de ce glissement sur quelques-unes de vos suppositions.
Je veux être claire: bien sûr, la responsabilisation, lorsque cela est nécessaire, est importante et, parfois, elle peut être pécuniaire. Il n'y a aucun doute que plus le crime est grave et violent, plus il est difficile d'indemniser la victime et, bien sûr, quand il y a perte de vie — comme dans nos deux familles — l'argent ne saurait rien réparer; on ne peut pas le faire avec n'importe quoi. Mais, comme position de principe, on peut d'abord s'efforcer de prévenir le plus possible la victimisation, puis, quand il y a victimisation, prévoir une indemnisation.
Je ne saute pas à la conclusion suivante qui serait de dire qu'une suramende compensatoire serait la solution. Dans certains cas, d'excellents services d'aide aux victimes peuvent être fournis; dans d'autres, non. Je vous conseillerais d'examiner — et je pense que nous tomberons d'accord — comment le produit des suramendes compensatoires est dépensé actuellement par les provinces et les territoires.
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L'une des difficultés qui se posent — et que je trouve douloureusement évidente dans le processus auquel je prends part et dans le cadre de ma présence hier à Toronto pour l'enquête relative à Ashley Smith —, c'est que la dichotomie erronée voulant qu'on ne peut être que victime ou agresseur est on ne peut plus fausse. Quand les prisons débordent de personnes qui ont survécu aux sévices subis dans les pensionnats, à la violence en générale ou aux problèmes de santé mentale, et quand on assiste à la dégénérescence des programmes sociaux et des soins de santé, il s'installe un climat de victimisation accrue où bien des citoyens sont abandonnés par l'État. Je considère qu'il est essentiel de commencer à prévenir la victimisation en fournissant du soutien.
La campagne menée par nos soeurs autochtones au sujet des femmes disparues et assassinées l'illustre parfaitement. Un grand nombre de ces femmes étaient aussi des criminelles, ce qui ne veut pas dire qu'elles méritaient d'être enlevées et tuées — personne n'irait affirmer une chose pareille. La question est aussi intimement liée au problème que notre amie Cindy Blackstock met en lumière au nom des enfants autochtones dont l'éducation est déficiente et aux défis que soulève l'Association des femmes autochtones du Canada concernant un certain nombre de jeunes et de femmes privés d'une alimentation et de soins de santé adéquats sur les réserves.
Je crois que nous devons intervenir bien plus tôt. Mais pour répondre à votre question, une fois dans le système, la meilleure façon de faire preuve de responsabilité consiste à être soi-même responsable et à prêcher par l'exemple.
Quand nous travaillons avec des jeunes dans le système juvénile, et quand je travaille avec des hommes dans le système pour adultes, nous nous efforçons de déterminer avec eux à qui ils s'en sont pris, ce qu'ils ont fait à ces personnes — au sujet desquelles ils n'ont peut-être jamais été accusés, comme des membres de leur famille ou quelqu'un d'autre — et comment ils ont été eux-mêmes des victimes. Cette démarche ne sert pas à excuser leur comportement, mais à les aider à développer de l'empathie. En effet, nombreux sont ceux qui, rendus là, sont devenus insensibles à leur souffrance et, par voie de conséquence, à celle à qui ils ont fait du tort.
Je travaille maintenant avec ceux qui ont été dans le système, y compris les victimes qui ont fait partie du processus ou qui ont été identifiées comme des victimes ou des agresseurs dans le système. Ceux qui ont tourné la page et qui fonctionnent parfaitement dans la société disent qu'ils comprennent le processus et comment ils ont l'occasion de devenir des membres actifs de la communauté et lui rendre ce qu'elle leur a donné d'une myriade de façons.
Lisa Neve, qui a déjà été déclarée délinquante dangereuse, apporte de l'aide en essayant de faire du mentorat auprès des jeunes. Elle a connu un sort horrible avant de prendre elle-même le chemin du système de justice pour les jeunes et d'y être considérée comme l'un des cas les plus graves. Aujourd'hui, presque tout le monde conviendrait qu'après treize ans en dehors du système, elle aide la communauté et fait tout ce qu'elle peut pour empêcher quiconque de devenir une victime ou un agresseur, comme elle-même l'a été.
Voilà certaines des interventions limitées que j'ai pu observer au cours de mes 30 ans de métier. Je suis toutefois convaincue qu'il est essentiel d'adopter soi-même le comportement souhaité à tous les égards; c'est primordial, pour les enseignants, les éducateurs, le gouvernement et ceux qui travaillent dans le domaine.
Donc, pour minimiser le nombre de victimes, il faut améliorer la qualité du tissu social en investissant en éducation, en santé et en services sociaux. Pour ce qui est de la responsabilisation, ce n'est pas nécessairement un montant de 100 $ ou 200 $ qui va permettre d'y arriver, mais plutôt l'application de mesures réparatrices et une meilleure réhabilitation.
Lors de votre intervention du début, vous avez dit — et je retiens ces paroles — qu'il ne fallait pas retirer au juge son pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de lever la suramende, parce que ça créerait plus de tort que de bien et que ça deviendrait extrêmement punitif dans les cas de pauvreté extrême ou de santé mentale. Justement, vous avez mentionné que 91 % des femmes autochtones et quelque 80 % des femmes incarcérées dans l'ensemble étaient elles-mêmes des victimes et n'avaient pas accès à des services adéquats en matière de santé ou de santé mentale.
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Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier également nos deux témoins de comparaître aujourd'hui.
J'aimerais poser certaines de mes questions à Mme Rosenfeldt. Merci beaucoup de témoigner aujourd'hui. Vous avez, lors d'une comparution précédente, déclaré ce qui suit:
Il est inquiétant que tant de gens aient mis l'accent sur le coût du crime, particulièrement par rapport aux contrevenants et aux prisons, sans tenir compte du coût que le crime impose aux victimes. Le coût des crimes violents et graves ne se mesure pas uniquement en dollars du contribuable, mais aussi en pertes de vies humaines, de la famille, de la primauté du droit, et dans la perte de confiance dans le système de justice pénale.
Je suis on ne peut plus d'accord, particulièrement avec le dernier segment. Il semble que bien des gens, notamment ceux qui s'opposent au projet de loi, ont oublié ou choisi d'ignorer que le coût du crime est lourd pour les victimes. Voilà pourquoi le gouvernement considère que les services aux victimes sont extrêmement importants et doivent assurer le bien-être des honnêtes citoyens canadiens malheureusement victimes de la malfaisance d'autrui.
En augmentant la suramende compensatoire et en la rendant obligatoire dans tous les cas, le présent projet de loi aura pour effet d'accroître les sommes accordées aux provinces afin d'augmenter les services importants offerts aux victimes à l'échelle du pays. Considérez-vous que cette augmentation du financement par l'entremise des services aux victimes sera bien accueillie par les provinces et les organisations concernées?
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Il est certain qu'un manque énorme perdure depuis des années. Depuis que je travaille dans le domaine, les provinces aident les victimes de violence conjugale, principalement des femmes, en accordant du financement aux refuges, et les enfants victimes de violence sexuelle au cours de l'histoire, affaire qui a éclaté au grand jour en 1993, je crois. Elles fournissent également des services aux femmes victimes d'agressions sexuelles, mais pas aux hommes. C'est là, de façon générale, la manière dont les provinces du pays sont intervenues.
La suramende compensatoire est entrée en vigueur il y a 24 ans. Notre organisation et plusieurs autres organismes ont appuyé la mesure, espérant qu'il y ait des fonds pour un nouveau groupe de victimes, notamment les victimes d'homicide.
Le manque est immense. Par exemple, en Ontario, qui bénéficie des services de la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels, souffrent les victimes d'une kyrielle d'autres crimes qu'un homicide, principalement parce qu'elles ont perdu un être cher qui a été assassiné... mais rien ne vient indemniser la souffrance des victimes dans notre cas, et nous avons parfois été confrontés à une situation très difficile.
J'ai fait partie de la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels de l'Ontario, dont j'ai été présidente pendant un temps. Il était difficile d'indemniser les familles pour les dépenses liées à l'inhumation d'un être cher, car quand ce dernier avait peut-être trempé dans le trafic de stupéfiants, la demande était rejetée. La famille était donc...
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames, je vous remercie d'être présentes.
Madame Pate, je dois vous féliciter pour les deux prix que vous avez reçus de la police de Calgary pour votre contribution à la communauté. Je dois avouer que j'étais content d'apprendre cela.
Madame Rosenfeldt, je dois dire qu'il était assez pénible de prendre connaissance de ce qui vous est arrivé, à votre mari et à vous, concernant l'enlèvement et la disparition de Darren, surtout l'abandon et le manque d'empathie dont vous avez souffert. Il était déjà assez difficile de ne pas savoir où il était; vous n'aviez pas à recevoir des réponses de la sorte de la part de la GRC. Je dois avouer que j'ai beaucoup aimé la position que vous nous avez présentée. Je la trouve très équilibrée.
Au-delà de la perception des sommes pour la suramende compensatoire, il est des plus importants de considérer leur utilisation. Lors de nos travaux cette semaine, nous avons appris que, malheureusement, la majorité de ces fonds n'étaient pas utilisés par les provinces et qu'ils tombaient en désuétude.
Pouvez-vous commenter cette information?
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Je dois vous dire que l'augmentation de la suramende est une bonne chose à envisager. Le seul problème, comme je vous l'ai dit, réside dans son utilisation.
Lors de nos travaux, une étude ontarienne datant de 1994 nous a aussi appris que les juges et les procureurs de la Couronne refusaient d'imposer la suramende compensatoire parce qu'ils n'avaient pas l'assurance que cet argent était vraiment alloué aux victimes, mais qu'il était versé au fonds consolidé de la province. C'était quand même un problème important.
L'autre chose est la capacité de payer des gens. Je remercie mon collègue M. Seeback d'avoir souligné le fait que certaines personnes à qui on imposerait la suramende seraient incapables de la payer.
Ne trouvez-vous pas que l'intention du projet de loi de limiter le pouvoir discrétionnaire des juges, ou de l'éliminer, pourrait occasionner beaucoup plus de problèmes qu'il ne pourrait en régler?
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie toutes les deux de comparaître aujourd'hui.
Madame Pate, certains des propos que vous avez tenus précédemment m'intriguent. Ayant eu l'occasion de pratiquer le droit dans le Nord de l'Alberta pendant environ 11 ans, dans les années 1990, je dois dire que je n'ai jamais fait d'aide juridique pendant plus de six mois. Ceux qui faisaient appel à moi avaient les moyens de payer mes services et avaient assez d'argent pour payer pour ce qu'ils avaient fait; pourtant, une suramende compensatoire était très rarement imposée. Je me suis toujours demandé pourquoi, mais je ne comprenais pas à quoi servaient ces fonds.
Si la totalité de l'argent réuni servait à aider les victimes, en leur offrant des services de conseils ou d'autres services nécessaires pour les aider à traverser l'épreuve, appuieriez-vous le projet de loi?
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Nous reprenons nos travaux.
Avant de passer à l'étude article par article, j'aurais besoin que quelqu'un propose l'adoption du budget proposé dont vous avez tous pu prendre connaissance pour l'étude du projet de loi .
M. Robert Goguen (Moncton--Riverview--Dieppe, PCC): J'en fais la proposition.
Le président: Merci, monsieur Goguen.
(La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
Le président: Merci beaucoup.
Nous pouvons maintenant débuter l'étude article par article.
Conformément au paragraphe 75(1) du Règlement, l'article 1 est réservé.
(L'article 2 est adopté.)
(Article 3)
Le président: Je crois, monsieur Cotler, que vous avez un amendement concernant cet article?
Je pense que celui-ci ne va pas aussi directement à l'encontre de la portée du projet de loi. Cet amendement vise à permettre le recouvrement de la suramende et à suspendre l'obligation de payer uniquement lorsque le contrevenant « démontre que le paiement de la suramende compensatoire lui causerait — ou causerait aux personnes à sa charge — un préjudice injustifié » dans une province qui n'offre pas de mode facultatif de paiement ou de programmes semblables.
Pour dire les choses simplement, monsieur le président, le projet de loi veut rendre obligatoire le paiement de la suramende compensatoire, ce que nous appuyons, tout en supprimant la défense du préjudice indu. Cet amendement cadre avec l'intention du gouvernement d'imposer la suramende, mais en suspend le recouvrement lorsqu'il en résulte des préjudices indus. Nous n'essayons pas ici de remplacer la défense du préjudice indu. Il va donc dans le sens des objectifs visés par le gouvernement en reconnaissant la pertinence d'une suramende et les fins connexes de la dénonciation, tout en permettant à un tribunal de tenir compte des préjudices financiers pouvant découler de l'obligation de paiement immédiat d'une amende.
On a dit beaucoup de choses au sujet des modes facultatifs de paiement des amendes, monsieur le président, mais nous savons que toutes les provinces n'offrent pas de programmes semblables. Nous avons notamment parlé de Terre-Neuve-et-Labrador, de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, et des programmes équivalents offerts qui ne conviennent pas nécessairement dans certaines circonstances. Cet amendement vise donc simplement à permettre aux délinquants de formuler une demande en invoquant leur situation de telle sorte que l'on puisse suspendre l'obligation de payer la suramende.
Monsieur le président, cet amendement suspendrait l'obligation de payer la suramende s'il a été démontré au tribunal que son paiement immédiat pourrait avoir une incidence négative sur la réadaptation du contrevenant, toujours dans les provinces où il n'a pas accès à un mode facultatif de paiement ou à d'autres programmes semblables. Nous connaissons les difficultés que cela peut causer.
En conclusion, je vous dirais encore une fois très brièvement que nous sommes tous d'accord avec les objectifs visés et bien conscients de l'importance de la réadaptation. Comme des tribunaux l'ont établi, l'imposition d'une obligation financière peut dans certains cas faire obstacle à la réadaptation. Dans cette optique, cet amendement ne vise pas l'élimination de l'obligation de payer l'amende; il ne fait qu'en suspendre le recouvrement dans les cas où il est établi que l'imposition immédiate de la suramende compensatoire pourrait entraver les efforts du délinquant pour se réadapter, ce que nous souhaitons tous qu'il réussisse, monsieur le président.
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Merci, monsieur Cotler.
Encore là, le projet de loi modifie le Code criminel en abrogeant, entre autres mesures, les paragraphes 737(5) et 737(6). L'amendement dont nous sommes saisis propose le remplacement des paragraphes 737(5) et 737(6) par un texte similaire à ce que l'on retrouve actuellement dans le Code criminel. Ce remplacement aurait pour effet d'annuler l'abrogation des paragraphes en question.
Comme on peut le lire à la page 766 de l'ouvrage Les procédures et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition:
Un amendement à un projet de loi renvoyé à un comité après la deuxième lecture... est irrecevable s'il en dépasse la portée et le principe.
À mon avis, le rétablissement d'un élément important que l'on veut abroger va à l'encontre du principe du projet de loi et est donc irrecevable.
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Oui, un petit dernier, monsieur le président.
Il s'agit simplement d'ajouter la précision suivante: « Il est entendu que le contrevenant qui ne verse pas la suramende compensatoire... parce qu'il est incapable de la payer n'est pas, de ce fait, passible d'emprisonnement. »
Permettez-moi encore une brève explication, monsieur le président.
Cet amendement vise essentiellement à codifier le principe établi dans l'arrêt La Reine c. Wu auquel d'autres collègues et moi-même avons fait référence précédemment, dans lequel la Cour suprême a statué qu'il est irrationnel d'emprisonner un délinquant qui n'a pas les moyens de payer au motif que cela l'obligera à payer. Cela permettrait de clarifier la loi tout en donnant suite aux inquiétudes exprimées quant au fait que ce projet de loi aurait pour effet de prolonger l'incarcération de certains délinquants parce qu'ils sont incapables de payer ou qu'ils vivent dans une province n'offrant pas de modes facultatifs de paiement ou d'autres programmes semblables leur permettant de s'acquitter de leur dette.
Il s'agit donc essentiellement de codifier le raisonnement de la Cour suprême au moyen d'un amendement qui va dans le sens des objectifs visés par le gouvernement tout en évitant une incarcération déraisonnable ou prolongée qui n'aurait pas sa raison d'être par ailleurs.
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Suivant l'amendement proposé, un contrevenant qui serait incapable de payer la suramende compensatoire ne serait pas, de ce fait, passible d'emprisonnement. Nous comprenons l'intention visée mais, à notre avis, l'amendement proposé va plus loin que l'alinéa 734.7(1)d) du Code criminel qui reflète la décision rendue en 2003 par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt
La Reine c. Wu.
En vertu de cet alinéa, un tribunal ne peut émettre un mandat d'incarcération en cas de défaut de paiement d'une suramende compensatoire que s'il est convaincu que le délinquant a, sans explication raisonnable, refusé de payer la suramende. On éviterait ainsi, par exemple, qu'un contrevenant soit incarcéré parce qu'il est trop pauvre pour payer la suramende. Le libellé de l'amendement proposé pourrait être interprété de telle sorte qu'un contrevenant qui ne paie pas pour quelque raison que ce soit la suramende ne pourrait pas être incarcéré pour répondre de ses actes. Le Code criminel interdit déjà l'incarcération des contrevenants qui ne paient pas la suramende compensatoire parce qu'ils en sont incapables.
Le projet de loi , dans sa forme actuelle, vise à faire en sorte que les contrevenants capables de payer soient absolument tenus de le faire. Ceux qui en sont financièrement incapables auront la possibilité de s'acquitter de leurs obligations envers la victime en participant à un programme misant sur un mode facultatif de paiement. De tels programmes existent dans sept provinces et territoires. D'autres mesures ont été mises en place dans les provinces n'offrant pas de programmes semblables, comme chez moi en Colombie-Britannique, où plusieurs mécanismes permettent le recouvrement d'amendes de la sorte.
Monsieur le président, j'aimerais savoir ce qu'en pensent les fonctionnaires que nous accueillons.
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Monsieur le président, cet amendement vise simplement à apporter une précision.
Il ne minerait en rien le pouvoir discrétionnaire d'un tribunal d'imposer à un contrevenant la peine qu'il mérite, conformément à la loi en cause et aux lignes directrices applicables pour la détermination de la peine. Un contrevenant pourrait donc être incarcéré lorsque les infractions commises le justifient, ce qui n'est pas le cas de toutes celles prévues au Code criminel comme nous le savons tous, bien évidemment.
En conclusion, l'amendement ferait en sorte — et c'est le but visé — que dans les cas où il n'est pas question d'incarcération par ailleurs, une telle peine ne saurait être imposée lorsque le contrevenant n'est tout simplement pas capable de payer la suramende en raison de ses difficultés financières. Je signale à ce titre qu'une seule journée d'incarcération, surtout si elle n'est pas justifiée, peut avoir des conséquences néfastes et mener dans certains cas à la perte d'un emploi, ce qui ne fait que compliquer la situation de la personne en cause.
À mon sens, ce n'est pas l'objectif visé par le projet de loi . Si le comité s'apprête à adopter ce projet de loi éliminant la défense du préjudice indu, et je suppose que c'est ce qui va arriver, nous devrions tout au moins nous assurer que la décision de la Cour suprême en la matière est bien respectée et codifiée. C'est tout ce que je voulais faire valoir.
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Merci, monsieur le président.
Les journées passées à étudier le projet de loi ont été extrêmement intéressantes. Lors de la deuxième lecture, on avait soulevé certaines préoccupations. On a pu constater, à la suite des différents témoignages, que ces préoccupations avaient un certain fondement. Les réponses données par Mme Morency concernant l'application de la décision dans l'affaire R. c. Wu tempèrent peut-être partiellement ces craintes. Quoi qu'il en soit, on constate que la suramende, même si elle est déjà prévue par le Code criminel, n'est pas appliquée dans une assez grande partie des cas — je ne dirais pas qu'il s'agit de 80, 85 ni 75 % des cas —, et ce, sans même qu'on ait consigné les motifs au dossier, selon les faits entendus.
Certains groupes ont aussi émis des préoccupations concernant certaines populations carcérales qui auraient des difficultés à payer ou des problèmes de santé mentale. Nous avons tous entendu parler du cas d'Ashley Smith, qui fait beaucoup jaser présentement. Même le gouvernement est très réceptif au problème. Les réponses que nous avons entendues aujourd'hui pendant la période de questions nous ont permis de le constater. Nous ne nous mettrons donc pas la tête dans le sable: dans beaucoup de cas, des personnes qui sont incarcérées ne devraient probablement pas l'être.
La suramende vise un excellent objectif, que nous appuyons sans réserve, c'est-à-dire augmenter les montants versés aux victimes, comme cela a été demandé je ne sais combien de fois pendant de nombreuses années par le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels. Il n'y a là aucun problème, je pense que tous les gens dans cette salle appuient cette mesure. Toutefois, ce n'est pas la seule façon d'indemniser les victimes. On a entendu M. Waller parler de la possibilité d'aller chercher de plus fortes amendes. Il s'agit d'une des dispositions actuelles du projet de loi . On en a peu discuté parce qu'elle ne faisait pas l'objet d'amendements.
Un peu plus tôt, M. Jean parlait de clients capables de payer leur facture d'avocat de la défense. On en est fort aise. Cela dit, ils sont peut-être capables de payer une plus forte amende. Il serait intéressant de voir combien de fois les tribunaux demandent le versement d'une plus forte suramende. Ce sera peut-être de cette façon qu'on pourra renflouer les coffres des programmes d'aide aux victimes.
Néanmoins, une difficulté demeure. Je parle de ces cas limites qui risquent de tomber dans les craques du système. Par exemple, si on reçoit une peine minimale sous forme d'amende, une suramende sera imposée automatiquement. Il n'y aura donc plus cette possibilité de rendre la bonne décision.
En effet, la décision dans l'affaire R. c. Wu est un élément à considérer. Pour ma part, je suis civiliste de nature. Il faut dire qu'au Québec, on fonctionne avec des codes: on a le Code civil, le Code de procédure civile, le Code criminel, et ainsi de suite. Ce qui est clair et compris par tout le monde, on aime le codifier, plutôt que faire de l'interprétation jurisprudentielle, comme c'est souvent le cas avec la common law. C'est la beauté de notre système bijuridique, au Canada. Néanmoins, j'aime bien parfois reproduire par écrit ce que devrait être la loi du pays, pour qu'il n'y ait plus de questions.
Quand nous avons rédigé notre amendement, nous avons tenté de respecter à 100 % l'objectif du gouvernement de doubler les suramendes, de les rendre obligatoires tout en maintenant le fardeau de la preuve du côté de l'accusé dont les conditions seraient semblables à celles décrites dans le cas R. c. Wu. Ce sont des cas extrêmement spécifiques. Il y a deux conditions: il n'est pas question seulement de l'incapacité de payer qui s'explique par la situation de pauvreté extrême de l'accusé, laquelle on doit prouver, mais aussi de l'impossibilité de se prévaloir du mode facultatif de paiement d'une amende prévu à l'article 736.
Selon moi — et je pense pouvoir dire que c'est aussi l'avis du Nouveau Parti démocratique —, il faudrait réellement rendre ce projet de loi fort au point d'être sans faille. Comme on dit, trop fort casse pas. Ce serait parfait. Ça concilierait pratiquement tous les points de vue logiques que nous avons entendus lors des séances portant sur le projet de loi . C'est l'objectif qui est visé et qui ne devrait pas être vu comme inadmissible. Ce serait vraiment une amélioration importante.
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Le titre subsidiaire est-il adopté?
Des voix: Oui.
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: Oui.
Le président: Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: Oui.
Le président: Le président peut-il faire rapport du projet de loi à la Chambre?
Des voix: Oui.
Le président: Je tiens à remercier les représentantes du ministère ainsi que l'analyste et la conseillère juridiques de leur présence aujourd'hui. Je ferai rapport du projet de loi à la Chambre lundi.
Avant de partir, j'aimerais mentionner que la réunion de mardi aura lieu à 9 heures, sur la rue Queen. Ce sera notre seule réunion.