:
Bien sûr. Je serai avec vous pendant environ 60 minutes, monsieur le président, si cela vous convient.
Le président: C'est très bien.
L'hon. Rob Nicholson: Je suis heureux de comparaître devant le comité aujourd'hui pour parler du projet de loi . Comme vous le savez, le gouvernement a toujours fait des victimes d'un acte criminel une priorité, et ce projet de loi représente notre dernière proposition législative visant à assurer que les délinquants seront tenus responsables à l'égard des victimes auxquelles ils ont causé un préjudice.
L'appui soutenu reçu des députés au moment de la deuxième lecture m'a beaucoup encouragé. Je pense que nous convenons tous que les victimes d'actes criminels méritent tout notre soutien, et j'espère que nous pourrons tous continuer à travailler ensemble afin que le projet de loi soit adopté rapidement.
Dans ce projet de loi, on propose trois changements des dispositions sur la suramende compensatoire du Code criminel. Le premier changement vise à assurer que la suramende compensatoire sera infligée dans tous les cas, sans exception, et supprime toute possibilité d'exonération. Ensuite, les délinquants qui ne sont pas en mesure de payer la suramende compensatoire pourront, pour s'acquitter de leur dette, participer aux programmes provinciaux et territoriaux de solutions de rechange à l'amende. Enfin, en vertu de cette loi, le montant de la suramende compensatoire infligée à un délinquant serait doublé. Les trois modifications proposées visent le même but: susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants et les rendre responsables à l'égard de leurs victimes, dont ils ont bouleversé la vie.
Les changements législatifs que nous proposons permettraient de régler un certain nombre de problèmes d'application de la suramende compensatoire qui ont fait l'objet de différentes études et consultations au cours des quelques dernières années. Premièrement, et cet aspect est probablement le plus important, les changements proposés permettraient de s'assurer que la suramende compensatoire est infligée à tous les délinquants sans exception. La première disposition, en 1988, portait qu'il appartenait au juge d'infliger la surcharge compensatoire. La disposition a été modifiée en 2000 de façon que l'amende soit automatiquement infligée. Le tribunal pouvait ensuite annuler la suramende si le délinquant prouvait que son imposition causerait un préjudice injustifié, à lui ou aux membres de sa famille. Malgré cet amendement, la suramende n'est pas imposée dans tous les cas.
Une recherche menée par le ministère de la Justice du Nouveau-Brunswick, dont les résultats ont été publiés en 2006, montre que, sur une période de cinq ans, la suramende avait été annulée dans les deux tiers des cas. Il convient de signaler que l'amende a été annulée dans 84 p. 100 des cas d'infractions punissables par déclaration sommaire de culpabilité et dans 91 p. 100 des cas d'infractions punissables par mise en accusation, lorsque le délinquant est condamné à une peine d'emprisonnement. Par contre, la suramende a été annulée dans 25 p. 100 des cas lorsque le délinquant a été condamné à payer une amende.
Les recherches portent à croire que, si le taux d'exonération des délinquants condamnés à une peine de placement sous garde est si élevé, c'est en raison de la politique d'exemption généralisée appliquée aux délinquants condamnés à une peine d'emprisonnement plutôt qu'aux preuves du préjudice que subiraient le délinquant ou les membres de sa famille. En outre, au Nouveau-Brunswick, lorsque la suramende est annulée, dans 99 p. 100 des cas, les motifs de l'exemption ne sont pas fournis aux tribunaux, et on ne connaît aucun document montrant que le délinquant a prouvé que le paiement de la suramende compensatoire lui causerait un préjudice injustifié, à lui ou aux membres de sa famille.
Cette recherche est particulièrement troublante, car elle montre que les dispositions actuelles ne fonctionnent pas comme prévu. L'annulation de la suramende est fondée non pas sur les preuves d'un préjudice, mais sur des hypothèses concernant la capacité de payer du délinquant, et nous estimons que cela est inacceptable. C'est inacceptable pour les délinquants, et cela est certainement inacceptable pour leurs victimes. La suramende compensatoire fait partie de la peine imposée au délinquant.
Il ne faut pas perdre de vue l'objectif sous-jacent de la suramende compensatoire, qui est de responsabiliser les délinquants à l'égard de leurs victimes. Cela est tout à fait approprié et conforme aux principes de détermination de la peine énoncés dans le Code criminel, qui mentionnent spécifiquement le fait de susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants et d'assurer la réparation des torts causés aux victimes.
C'est pour cette raison que le projet de loi propose de supprimer toute possibilité d'exonération, de manière à garantir que la suramende compensatoire sera automatiquement infligée, comme c'était prévu. Les délinquants qui sont réellement incapables de payer cette amende compensatoire pourraient recourir au mode facultatif de paiement d'une amende, proposé dans les provinces et territoires, pour payer leur dette. Il s'agit du second changement proposé dans le projet de loi C-37.
Les programmes de solutions de rechange à l'amende permettront aux contrevenants de s'acquitter de la suramende compensatoire en acquérant des crédits au titre de travaux réalisés dans le cadre de programmes administrés par les provinces et les territoires. Cela est conforme à la philosophie de la suramende compensatoire, laquelle vise à faire en sorte que les contrevenants assument leurs responsabilités envers les victimes d'actes criminels.
À l'heure actuelle, les délinquants incapables d'acquitter la suramende ne sont pas obligés de prendre des mesures supplémentaires pour montrer qu'ils acceptent la responsabilité de leurs actes. En leur permettant de payer la suramende compensatoire en participant à un programme de solutions de rechange à l'amende, on s'assurerait que tous les délinquants sont tenus responsables de leurs actes. Ces travaux obligent les délinquants à redonner à la collectivité et leur rappellent leurs responsabilités à l'égard des victimes et de la société en général.
Le troisième changement que nous proposons dans le projet de loi consiste à doubler le montant de la suramende compensatoire. C'est un élément essentiel des changements que nous proposons. Le montant de la suramende passerait à 30 p. 100 de l'amende infligée par le tribunal et, dans le cas où aucune amende n'est infligée, serait de 100 $ pour les infractions punissables par déclaration sommaire de culpabilité et de 200 $ pour les infractions punissables par mise en accusation.
Ce serait la première augmentation du montant de la suramende compensatoire depuis l'an 2000, date de la dernière modification de la disposition. Si l'on veut s'assurer que les délinquants prennent conscience de leurs responsabilités à l'égard des victimes auxquelles ils ont causé un préjudice, il faut que le montant de la suramende compensatoire soit significatif. N'oublions pas que l'objectif premier de la suramende est de s'assurer que les délinquants sont condamnés à des peines les amenant à assumer la responsabilité de leurs actes.
Comme l'amende compensatoire sert à financer les services offerts aux victimes, le fait de la payer permet au délinquant de réparer les torts causés aux victimes et à la société en général. Quelques questions ont été soulevées sur la façon dont la suramende compensatoire est utilisée et la façon dont nous pouvons nous assurer que les montants recueillis bénéficient réellement aux victimes. C'est clair: le paragraphe 737(7) du Code criminel prévoit que les suramendes compensatoires sont affectées à l'aide aux victimes d'actes criminels de la façon exigée par la province ou le territoire où cette amende est infligée. Les provinces et territoires ont tous mis sur pied un service d'aide aux victimes d'actes criminels et créé un fonds consacré à ces services, conformément aux lois provinciales et territoriales sur les victimes.
L'argent récolté grâce à l'imposition de la suramende compensatoire est versé dans le fonds d'aide aux victimes de la province ou du territoire où l'amende a été infligée. C'est le gouvernement provincial ou territorial qui décide de quelle façon l'argent sera utilisé pour financer ses services aux victimes d'actes criminels, mais le montant des recettes provenant des suramendes compensatoires est toujours inférieur aux prévisions.
Nous avons travaillé avec nos collègues des provinces et territoires pour déterminer la meilleure façon de régler ce problème, car nous savons qu'ils comptent sur la suramende compensatoire pour soutenir le financement de services essentiels offerts aux victimes d'actes criminels. Ils sont nombreux à dire n'avoir constaté aucune augmentation du montant recueilli après la dernière modification de la disposition sur la suramende compensatoire, en 2000. Voilà pourquoi, avec ce projet de loi, nous utilisons une approche à deux volets de la réforme. Nous voulons nous assurer que la suramende compensatoire sera imposée dans tous les cas, sans exception, et nous voulons augmenter le montant de l'amende infligée aux délinquants.
Cette approche, élaborée à la suite de diverses recherches et consultations, a reçu l'appui de l'ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels qui, je crois, doit témoigner devant votre comité.
Notre gouvernement prend au sérieux son engagement visant à tenir les délinquants responsables de leurs actes. Les modifications proposées feraient en sorte que tous les délinquants seraient obligés d'assumer leurs responsabilités à l'égard des victimes, que ce soit en payant la suramende compensatoire ou en participant à des travaux compensatoires. En haussant le montant de la suramende, on fera en sorte que les délinquants paient un montant significatif et, en sus, financeraient les services aux victimes d'actes criminels.
Nous devons maintenir notre engagement à l'égard des victimes d'actes criminels, mais nous ne pouvons pas le faire seuls. Répondre aux besoins des victimes d'actes criminels est une responsabilité que nous partageons, évidemment, avec les provinces et les territoires. En 2007, nous avons mis en oeuvre la Stratégie fédérale d'aide aux victimes pour donner aux victimes plus de poids au sein du système de justice pénale. En 2011, nous avons renouvelé la stratégie en lui accordant un financement de 13 millions de dollars par année, et, en 2012, nous lui avons affecté un montant supplémentaire de 7 millions de dollars sur 5 ans. La plus grande part de ce financement est versée directement dans le fonds d'aide aux victimes, qui distribue des subventions et contributions à des organismes provinciaux, territoriaux et non gouvernementaux qui mettent en place ou améliorent les services aux victimes.
Nous poursuivrons le travail entrepris avec nos partenaires des provinces et des territoires pour nous assurer qu'ils disposent des fonds dont ils ont besoin pour offrir les services si nécessaire aux victimes d'actes criminels.
J'espère que nous saurons également collaborer, à l'échelle du gouvernement fédéral, pour faire en sorte que le projet de loi reçoive un appui justifié et permette de tenir les délinquants responsables à l'égard des victimes d'actes criminels.
:
Oui, c'est une bonne question.
Je me souviens de m'être penché sur cette question. Vous avez avec raison souligné que, comme on devait s'y attendre, on observera des écarts considérables entre les programmes élaborés par les provinces, le cas échéant. Comme vous l'avez souligné, dans une de ces provinces, la personne à qui on inflige une amende n'a pas accès au programme de solutions de rechange. Encore une fois, cela nous ramène à la question que Mme Boivin m'a posée au chapitre du pouvoir discrétionnaire des juges. On présume que le juge, lorsqu'il inflige une amende, est au courant du fait qu'il demande à une personne reconnue coupable d'un acte criminel de verser de l'argent et qu'il sait que la suramende, qui représente 30 p. 100 de ce montant, est incluse dans la somme.
Cela dit, au fil des ans, mes homologues provinciaux m'ont rassuré quant au fait que ces programmes fonctionnent bien et qu'ils conviennent aux personnes qui, pour une raison ou pour une autre — parce qu'elles sont pauvres, comme vous l'avez dit —, peuvent affirmer qu'elles redonnent à la société, qu'elles entament le processus de réconciliation, en donnant un coup de main et en faisant un bon travail dans la collectivité. Je le répète, cela fonctionne.
Cela sert le même but: rendre les gens responsables de ce qu'ils ont fait et fournir en même temps un dédommagement. Encore une fois, je crois que la plupart des gens seraient d'accord avec moi pour dire que ces programmes ne devraient pas être tout simplement financés par les Canadiens respectueux de la loi, mais qu'ils devraient l'être par ceux qui ont été reconnus coupables.
Comme vous le dites, il y a des différences importantes à l'échelle du pays. Je serai certainement heureux, lorsque je rencontrerai mes homologues provinciaux et territoriaux, la semaine prochaine, d'en discuter de nouveau avec eux. Je suis curieux de savoir comment tout cela pourra s'adapter à leurs programmes de solutions de rechange à l'amende et, en fait, de savoir s'ils ont prévu apporter des changements.
:
Ce que les gens m'ont dit, ceux qui travaillent avec moi —, c'est que cet aspect manque d'uniformité. Je ne sais pas si quelqu'un serait prêt à dire que ce n'est pas le cas.
Il me semble que, d'abord, les dispositions du Code criminel concernant les pénalités doivent être appliquées de façon uniforme. Je crois que c'est fondamental. En outre, le renforcement de notre soutien aux victimes d'actes criminels et des services aux victimes va de soi et m'interpelle particulièrement, et je suis convaincu que la plupart des gens sont d'accord. C'est une bonne idée de contribuer aux programmes qui viennent en aide aux victimes d'actes criminels dans notre pays.
Il me semble que cela fonctionne sur deux fronts: nous pouvons imposer les peines aux termes du Code criminel de manière uniforme et nous devons le faire, et, en tant que parlementaires, nous devons faire notre possible pour soutenir les victimes d'actes criminels et les services qui leur viennent en aide. Je crois que ces deux aspects vont de pair.
Pourquoi avons-nous fait cela? Vous savez que nous nous efforçons continuellement de soutenir les victimes d'actes criminels au pays. C'était tout indiqué.
Par contre, vous avez entièrement raison, et j'entends dire depuis un certain temps qu'il y a un manque total d'uniformité. Comme je l'ai mentionné à Mme Findlay, le montant des amendes n'a pas été revu depuis 2000. Nous ne pouvons pas attendre 100 ans de plus et nous en tenir à 50 $ pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Il faut examiner la situation régulièrement et vérifier si les montants correspondent aux besoins des services aux victimes du pays afin qu'ils ne soient pas pris avec un montant correspondant au prix des services en 2000. Encore une fois, le montant affecté à l'aide aux victimes doit également tenir compte de cela.
Je n'ai qu'une seule question, mais dans la mesure où vous pourrez m'aider, nous devrons peut-être en assurer le suivi.
Vous avez dit que l'affaire Wu ne s'applique pas, mais d'après ce que j'ai compris, les principes énoncés dans Wu sont assez clairs. Deux dimensions permettent de dire qu'elle ne s'appliquerait pas. Elle ne s'appliquerait pas parce que, en fait, elle n'a pas trait aux suramendes compensatoires et, par conséquent, sur un certain plan technique, elle ne s'applique pas. Toutefois, si on s'en tient aux principes, elle s'appliquerait.
Ce que je retiens de votre réponse, c'est que nous ne prévoyons pas en avoir besoin. Vous avez donné des exemples de la façon dont même les provinces qui ne sont pas dotées de programmes de solutions de rechange à l'amende peuvent atténuer le problème au point où vous ne seriez pas face à une situation exigeant le recours aux principes énoncés dans Wu.
Puis-je obtenir des précisions? Croyez-vous résolument qu'elle ne s'applique pas dans ce sens profond ou qu'elle ne s'applique pas au sens où nous n'envisageons pas d'en avoir besoin bien que les principes demeurent applicables aux suramendes compensatoires?