:
Je suis le professeur Doob, du Centre de criminologie de l'Université de Toronto.
Pour mon exposé d'aujourd'hui, j'ai examiné la possibilité de simplement énoncer les nombreuses occasions où des preuves empiriques n'ont semble-t-il pas été prises en compte dans l'élaboration de ce projet de loi. Toutefois, je dirais principalement que le processus choisi par le gouvernement pour examiner le projet de loi ne donne pas au Parlement la possibilité de considérer en bonne et due forme les façons d'améliorer le projet de loi.
Laissez-moi vous donner deux exemples. Le premier est le report sans changement de la Loi sur les peines sanctionnant le crime organisé en matière de drogues de la dernière législature.
Pour bien comprendre le paragraphe 41(1) de ce projet de loi, il faut d'abord avoir une définition du trafic de drogues. Le trafic implique davantage que la simple vente. Le trafic de drogues comprend la vente, l'administration, la distribution de drogues, ou le fait d'offrir l'un de ces services. Pour être clair, partager ou même offrir de partager de la marijuana avec un ami constitue du trafic. C'est ce que la loi actuelle stipule.
Pour empêcher les criminels organisés de louer des maisons et de mettre sur pied des installations de culture de la marijuana, le imposerait une peine minimale de neuf mois à une étudiante qui habite un appartement loué et qui cultive un seul plant de marijuana pour partager la marijuana avec son ami. Si la personne était propriétaire de l'appartement, elle n'aurait pas à purger une peine minimale obligatoire d'emprisonnement tant et aussi longtemps qu'elle ne cultiverait pas plus de cinq plants. Si elle était propriétaire de son logement et cultivait de 6 à 200 plants, elle n'aurait à purger qu'une peine minimale obligatoire de six mois.
Certains pourraient faire valoir qu'un procureur qui se respecte n'entreprendrait pas un procès qui puisse mener à une condamnation pour culture d'un plant de marijuana qui entraînerait automatiquement une peine minimale d'emprisonnement de neuf mois. Cet argument est trompeur. Si vous adoptiez ce projet de loi sans changement, vous, le Parlement du Canada, diriez que la culture d'un ou deux plants de marijuana dans un appartement loué pour partager avec des amis est un acte suffisamment grave pour mériter automatiquement une peine d'emprisonnement minimale obligatoire de neuf mois.
J'ai de la difficulté à croire que, dans un système de détermination des peines fondées sur le caractère de la proportionnalité, le Parlement veuille réellement faire passer ce message.
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances stipule que l'objectif de toute peine dans la loi est « de contribuer au respect de la loi et au maintien d'une société juste, paisible et sûre tout en favorisant la réinsertion sociale des délinquants et, dans les cas indiqués, leur traitement et en reconnaissant les torts causés aux victimes ou à la collectivité ». Quiconque examine soigneusement nombre des dispositions de peine minimale obligatoire du aurait de la difficulté à défendre leur caractère raisonnable. Une loi résolument rendue incohérente ne mérite pas de respect.
Le second exemple provient d'une partie différente du projet de loi — les changements proposés à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Je me dois de signaler qu'à mon avis, certaines des dispositions de ce projet de loi pourraient constituer des améliorations — mais ont tout de même besoin d'être travaillées.
Toutefois, le paragraphe 75(1) proposé du projet de loi mériterait de faire l'objet d'attention et de débat. Il permettrait à un juge d'ordonner la publication du nom d'un adolescent reconnu coupable de toute infraction avec violence. Je ne vois pas le but ou la nécessité de cette proposition, en partie parce que la publication du nom d'un adolescent est susceptible d'augmenter le risque de récidive à l'avenir.
La disposition s'applique aux infractions avec violence, et le projet de loi élargit la signification de « violence » bien au-delà de ce qu'elle est actuellement, et bien au-delà de ce qu'elle est normalement.
Si — vu le manque de preuve appuyant la nécessité de ce changement et vu a preuve que la mesure fera augmenter la criminalité — vous voulez toujours aborder la question de la publication de noms de jeunes qui ont commis des infractions mineures, la façon de décider quand avoir recours à cette mesure devrait explicitement renvoyer aux dispositions permettant un partage plus limité de l'information liée à l'identité d'un délinquant avec certaines personnes qui existent actuellement dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Le procureur général devrait certainement démontrer que l'occasion existante de procéder à la divulgation ciblée ne serait pas suffisante.
Mais il y a un argument important à soulever. Le paragraphe 75(4) proposé indique qu'aux fins d'un appel, la disposition permettant la publication de l'identité d'un jeune fait partie de la peine.
Il s'agit d'une blague cruelle et malhonnête de la part du gouvernement. Le nom est publié avant que l'appel puisse être interjeté. L'expérience des huit dernières années démontre que le gouvernement est soit naïf, soit malhonnête en laissant entendre, comme il le fait ici, qu'on puisse en interjeter appel.
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents permet la publication de noms de jeunes à qui on a imposé des peines pour adultes. L'imposition d'une peine pour adulte peut faire l'objet d'un appel, mais les noms des jeunes à qui on a imposé des peines pour adultes sont normalement publiés immédiatement après que la peine a été imposée et avant que tout appel puisse être interjeté. Autrement dit, la protection d'un jeune qui interjette appel est déjà éliminée.
Le remède est simple. Si vous incluez cette disposition, l'article doit être modifié de façon à ce que la publication ne puisse pas être faite avant que tous les appels aient été entendus ou que la période pour interjeter appel soit terminée.
Le projet de loi porte sur de nombreuses questions importantes. Pourquoi se précipiter? Je vous exhorte de repenser à votre façon de procéder et de permettre un examen sérieux de chacun des enjeux traités dans le .
Je vous remercie.
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Sue O'Sullivan, ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels.
[Français]
Bonjour monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet de cet important projet de loi.
Le projet de loi C-10 est un texte volumineux qui contient un grand nombre d'aspects et d'enjeux qui doivent être discutés.
[Traduction]
Compte tenu du temps limité dont nous disposons aujourd'hui et du rôle joué par mon bureau en donnant une voix aux victimes d'actes criminels, j'aimerais aborder certaines questions relatives à la partie 3 du , plus précisément aux modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui s'appliquent aux victimes d'actes criminels. Je m'attarderai uniquement aux aspects du projet de loi qui ont des incidences directes sur le traitement des victimes d'actes criminels au sein du système de justice pénale canadien.
J'aimerais d'abord féliciter le gouvernement qui va de l'avant avec les modifications proposées au nom des victimes d'actes criminels dans le but d'améliorer la LSCMLC. Nous avons parlé à un certain nombre de victimes et d'avocats qui défendent les droits des victimes et qui se battent pour ces modifications depuis des années et qui sont extrêmement heureux de voir leurs efforts porter fruit. Les modifications proposées à la LSCMLC constituent incontestablement un pas en avant, et je suis encouragée par le dynamisme avec lequel de véritables changements sont apportés pour les victimes d'actes criminels au Canada. Cela étant dit, il reste beaucoup de travail à faire et de changements à apporter afin que d'autres préoccupations des victimes soient réellement prises en compte. Le bureau milite, au nom des victimes, pour bon nombre de ces changements et pour d'autres également, depuis son ouverture en 2007. En fait, les modifications proposées ont fait l'objet du deuxième rapport spécial du bureau, intitulé Pour un plus grand respect des victimes dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, que j'ai remis à tous les membres du comité à titre de référence. J'encourage vivement tous les membres à examiner le rapport avec soin et je serais heureuse de répondre à toutes les questions.
À mon avis, il y a principalement trois modifications qui concernent directement le traitement des victimes d'actes criminels: l'octroi aux victimes du droit de présenter une déclaration lors des audiences de libération conditionnelle; l'abolition du droit d'un délinquant d'annuler une audience de libération conditionnelle dans les 14 jours précédant la date de cette audience; et la possibilité de communiquer plus de renseignements aux victimes.
Il est extrêmement important de consacrer le droit des victimes de présenter une déclaration lors des audiences de libération conditionnelle. Il existe clairement un déséquilibre injuste entre les droits des délinquants et les droits des victimes dans le système actuel. Conférer aux victimes davantage de droits dans la loi contribuera à changer les choses. Or, bien qu'il s'agisse d'un changement fondamental que les victimes attendent depuis longtemps, il manque un élément très important. Les victimes n'ont pas toujours le droit d'assister aux audiences. Si les victimes ne peuvent assister aux audiences, le droit de présenter une déclaration en personne devient théorique. Nous croyons que les victimes devraient, à moins de menaces ou de préoccupations concernant la sécurité, avoir le droit d'assister aux audiences des libérations conditionnelles, et que ce droit doit être consacré dans la loi et ne pas être énoncé simplement dans une politique.
En ce qui concerne la deuxième modification, il peut être très difficile sur le plan émotif pour les victimes de se préparer en vue d'assister à une audience de libération conditionnelle, sans parler du temps de déplacement, de la logistique, etc. La capacité d'un délinquant d'annuler une audience, même dans les heures précédant celle-ci, traduit un manque de considération pour la victime qui est tout simplement inacceptable. Si un délai de 14 jours est prévu, les victimes savent que le délinquant ne peut pas annuler l'audience à la dernière minute. De plus, une telle mesure contribue à favoriser une certaine considération pour les besoins des victimes. Cette modification a été recommandée par notre bureau dans son rapport et nous l'appuyons totalement.
Enfin, en ce qui concerne le dernier point, il est temps que nous reconnaissions que les victimes ne sont pas des spectateurs du système de justice pénale. Elles méritent d'être informées et d'être en mesure de prendre des mesures concernant leur propre sécurité. Les victimes veulent obtenir davantage de renseignements au sujet du délinquant qui s'en est pris à elles afin de comprendre les démarches qu'il entreprend pour se réadapter ou, à l'inverse, le risque qu'il peut encore représenter. Les renseignements additionnels prévus par le projet de loi correspondent en très grande partie à ce que les victimes ont dit à notre bureau vouloir obtenir. Toutefois, la modification prévoit seulement que ces renseignements sont communiqués à la victime si le SCC ou la CNLC le juge opportun. Nous estimons que les victimes devraient avoir droit à ces renseignements, point final. Dans un système où les victimes n'ont aucun recours si ces renseignements leur sont refusés, elles devraient avoir le droit de les obtenir dans tous les cas et non seulement si le SCC ou la CNLC le juge opportun. J'ajouterais un autre élément à cette liste: les victimes devraient également avoir le droit d'obtenir sur demande une photo du délinquant prise au moment de sa libération.
Bien que je sois heureuse de voir que ces modifications sont apportées, il y a beaucoup plus de travail à faire. Les victimes ont besoin de plus de renseignements, elles ont besoin de participer véritablement au processus de justice pénale et elles ont besoin de mécanismes d'aide concrets suite au tort qu'elles ont subi. D'autres modifications pratiques à la LSCMLC pourraient avoir une incidence directe et importante sur les victimes. J'encourage les membres du comité à envisager la possibilité de les inclure dans le . Ces modifications sont mentionnées dans notre trousse d'information, avec les dispositions de la LSCMLC qu'elles concernent. Les modifications que nous proposons visent notamment: à faire en sorte que la victime ait le droit de se trouver en présence du délinquant qui s'en est pris à elle, en lui conférant le droit présomptif d'assister aux audiences de libération conditionnelle, sauf s'il y a des raisons de croire que sa présence troublera le déroulement de ces audiences ou menacera la sécurité de l'établissement ou de personnes; à aviser la victime au préalable de tous les transfèrements du délinquant, dans la mesure du possible, pas uniquement de ceux entre un établissement à sécurité maximale et un établissement à sécurité minimale; à conférer à la victime le droit de recevoir des renseignements à jour sur les progrès du délinquant qui s'en est pris à elle et sur les programmes qu'il suit et à faire en sorte qu'elle reçoive ces renseignements longtemps avant d'avoir à rédiger une déclaration en vue de l'audience de libération conditionnelle; et à donner à la victime le choix entre assister à l'audience de libération conditionnelle en personne, par vidéoconférence ou par téléconférence ou écouter ultérieurement les enregistrements de l'audience.
Je vous remercie.
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Mesdames et messieurs, bonjour. Je m'appelle Sharon Rosenfeldt et je suis présidente de Victimes de violence, un organisme inscrit au registre national et qui existe depuis 1984, soit depuis 27 ans.
J'ai raccourci un peu mon exposé car je n'ai que cinq minutes. Je vais donc commencer.
Bien que je ne puisse parler au nom de toutes les victimes du crime, je peux parler en mon propre nom, au nom de notre organisme et des victimes que nous représentons. Je peux vous parler de l'appui solide qui existe partout au Canada pour le programme de lutte contre le crime du gouvernement et pour la loi exhaustive sur la lutte contre la criminalité qui a été annoncée récemment, à savoir la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, particulièrement en ce qui concerne les crimes graves et violents.
Ceux qui s'opposent à cette loi ont déclaré que cette nouvelle mesure législative n'était pas vraiment nécessaire puisque le taux de criminalité est à la baisse. Pourquoi devrions-nous sévir contre le crime alors que le taux de criminalité n'a jamais été aussi peu élevé depuis 1973?
S'il est vrai qu'en général le taux de criminalité est à la baisse, le niveau de gravité des crimes ne diminue cependant pas de la même façon, selon les statistiques recueillies par les services policiers sur le crime depuis 2007. Cela signifie que même si le taux de criminalité global est en baisse constante, le taux de criminalité pour les crimes graves et violents ne suit pas cette tendance dans la même mesure. C'est exactement pour cette raison que la Loi sur la sécurité des rues et des communautés est une mesure législative qui est nécessaire puisqu'elle vise les crimes graves ou de nature violente.
Une autre question qui a été soulevée relativement au contenu du projet de loi à l'étude, c'est que l'imposition de peines minimales obligatoires fera augmenter le nombre de procès car un accusé ne voudra pas plaider coupable d'un crime qui est assorti d'une peine minimale obligatoire. On craint que les provinces n'aient pas les moyens de payer le coût d'un nombre accru de procès et qu'elles ne veuillent pas investir de l'argent dans les services aux victimes si des causes sont rejetées en raison des délais trop importants.
Ces arguments posent certains problèmes. Premièrement, l'arriéré qui s'ensuivrait en raison du nombre plus élevé de procès est nécessaire afin de s'assurer que les contrevenants subissent un procès pour les crimes qu'ils ont commis, non pas des crimes moins graves qui ne reflètent pas réellement les crimes qu'ils auraient perpétrés. Cela contribuerait considérablement à accroître la satisfaction des victimes au sein du système de justice pénale.
Deuxièmement, par exemple, il y aura une augmentation du total des 16 infractions liées à l'exploitation des enfants pour lesquelles des peines minimales obligatoires seraient imposées. La possibilité pour un contrevenant de plaider coupable d'une infraction qui n'est pas nécessairement assortie d'une peine minimale obligatoire serait en fait considérablement réduite.
Je n'arrive pas à comprendre comment quelqu'un peut argumenter contre l'introduction de peines minimales obligatoires dans le cas de crimes sexuels commis contre des enfants. Il suffit de songer au cas d'un homme qui a été trouvé coupable d'avoir sodomisé et molesté sa belle-fille pendant plus de deux ans et qui ne s'est vu imposer qu'une peine de 23 mois parce que le juge a dit qu'il avait épargné sa virginité. Peut-on alors parler de justice?
En théorie, le nombre total d'infractions pour lequel ces nouvelles pénalités s'appliqueraient n'est pas considérable, elles ne s'appliqueraient qu'à des infractions graves ou violentes liées à des crimes contre les enfants, le crime organisé, des actes violents commis par des jeunes — des crimes qui ne représentent qu'un tout petit pourcentage de tous les crimes qui sont commis. Par exemple, un crime sur cinq qui est signalé par la police est considéré comme étant un crime violent, et trois cas de victimisation sur dix qui ont été déclarés dans l'Enquête sociale générale de 2009 étaient de nature violente. Ces crimes ne représentent qu'un petit pourcentage des crimes; cependant, ce sont là les infractions les plus graves et les plus sérieuses et en tant que telles, devraient être assorties d'une peine idoine.
Je comprends qu'avec ce projet de loi il y aura davantage de gens qui seront emprisonnés pour des périodes plus longues, et que par conséquent il faudra dépenser de l'argent pour agrandir les prisons — de l'argent qui aurait pu être mieux dépensé ailleurs, selon ce qu'ont fait valoir certaines personnes. Cependant, il s'agit là d'un coût nécessaire si nous voulons protéger la société et détenir les contrevenants violents, les récidivistes qui ont commis des crimes graves.
Il est inquiétant que tant de gens aient mis l'accent sur le coût du crime, particulièrement par rapport aux contrevenants et aux prisons, sans tenir compte du coût que le crime impose aux victimes. Le coût des crimes violents et graves ne se mesure pas uniquement en dollars du contribuable mais aussi en pertes de vies humaines, de la famille, de la primauté du droit, et dans la perte de confiance dans le système de justice pénale.
En 2008, le ministère de la Justice a publié un rapport dans lequel il estimait le coût tangible du crime, notamment des services de police, des tribunaux, des services correctionnels et des soins de santé, à environ 31,4 milliards de dollars tandis que les coûts intangibles — les coûts liés à la douleur et à la souffrance et à la perte de vie — étaient deux fois plus élevés, soit à 68,2 milliards de dollars.
Ce que dit l'opposition au sujet du coût du projet de loi du gouvernement sur le crime me tracasse beaucoup. En tant que mère d'un enfant qui a été assassiné, c'est une question qui m'a directement touchée. Si le système de justice pénale avait fonctionné de la façon dont le gouvernement fédéral veut maintenant qu'il fonctionne, de la façon dont il devait fonctionner il y a 30 ans, mon fils Daryn ne serait pas mort.
Je crois que nous devons nous faire entendre plus fort, avoir un système de justice responsable au Canada et ne pas nous préoccuper des coûts. Comment donner un prix à notre douleur, en tant que victimes, ou à la vie de nos enfants?
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Merci de l'invitation à comparaître devant votre comité au sujet du projet de loi .
Je parle au nom de l'Association du Barreau canadien qui, comme bon nombre d'entre vous le savez, est une association nationale qui regroupe plus de 37 000 avocats, notaires, étudiants en droit et universitaires. Notre mandat consiste notamment à chercher à améliorer les lois et l'administration de la justice. Notre section nationale du droit pénal compte un juste équilibre d'avocats de la Couronne et de la défense de partout au Canada et les positions que nous vous présentons aujourd'hui représentent notre consensus au sujet du projet de loi C-10.
Je pratique le droit pénal à Vancouver à la fois en tant qu'avocat de la défense et en tant que procureur de la Couronne. Je suis accompagné aujourd'hui du professeur Michael Jackson, qui est membre du Comité de la section sur l'emprisonnement et la libération, et il est l'un des plus grands experts canadiens spécialisés en droit carcéral.
Je crains devoir tout d'abord exprimer notre déception du fait que ne nous sont accordées que cinq minutes pour parler d'un projet de loi aussi complexe et important. Cela n'est absolument pas suffisant pour donner une bonne rétroaction sur ces propositions qui représentent un changement considérable dans la politique pénale et le système de justice pénal au Canada.
Nous nous opposons par ailleurs au fait que l'on ait regroupé ces changements importants en un seul projet de loi, alors que bon nombre de ces changements n'ont jamais été examinés auparavant par un comité et ne recevront que très peu d'attention parmi ces neuf propositions importantes. Nous vous soumettons respectueusement que cela n'est absolument pas démocratique.
En plus de nos préoccupations concernant le processus, nous sommes d'avis que le fond du projet de loi ultimement ira à l'encontre du but recherché si l'objectif est d'améliorer la sécurité publique.
Avec ce projet de loi, on adopte une approche défaillante à l'égard des contrevenants à toutes les étapes de leur interaction avec le système de justice pénal, à partir de leur arrestation, pendant leur procès jusqu'à leur placement et leur traitement par des institutions correctionnelles, et leur réintégration inévitable dans la société. Cela représente un changement profond d'orientation en passant d'un système qui voulait assurer la sécurité publique à l'imposition de la peine, la réadaptation et la réintégration individualisée pour adopter un système qui donne la priorité à la peine et à la vengeance.
Les mesures contenues dans le projet de loi C-10 se traduiront par un plus grand nombre de jeunes Canadiens qui seront incarcérés en attendant leurs procès. Il y aura un plus grand nombre de causes qui seront entendues par les tribunaux en raison des peines d'emprisonnement sévères et inévitables associées à de nombreuses infractions, et il y aura un nombre moins élevé de contrevenants réhabilités ou réformés qui quitteront nos institutions correctionnelles et tenteront de réintégrer la société.
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Membres du comité, voilà presque 30 ans que je comparais devant ce comité au sujet de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous conditions. J'ai comparu en 1992 lorsque le projet de loi a été présenté.
La LSCMLC constitue l'architecture législative de l'emprisonnement pour ceux qui purgent une peine allant de deux ans d'emprisonnement à l'emprisonnement à perpétuité au Canada. Cette loi était consciemment fondée sur les principes de la Charte des droits et libertés et sur la primauté du droit. Elle a fait l'objet des consultations les plus complètes non seulement auprès de l'Association du Barreau canadien, mais auprès de nombreux autres intervenants dans le processus de justice pénale.
Au centre de la LSCMLC on retrouvait le principe inscrit dans la Charte et selon lequel il fallait démontrer que des limites justifiables avaient été imposées conformément aux principes de la proportionnalité et de la rationalité, et non pas de façon arbitraire. L'un de ces principes est que l'État doit exercer son autorité de la façon la moins restrictive possible conformément à la sécurité publique, la sécurité du personnel et des contrevenants. C'est un principe qui est inscrit dans la LSCMLC.
En 2000, un comité de la Chambre a examiné la LSCMLC, soit cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi conformément aux dispositions de cette dernière. Tout comme lors du processus original, il y a eu de longues consultations. Le comité s'est déplacé partout au pays pour entendre les témoignages. Il a donc tenu de longues audiences et fait des recommandations.
Le processus dans lequel votre comité s'est engagé ne comporte aucun de ces éléments de longue consultation, de délibération et de responsabilisation. Au lieu de cela, le gouvernement et le Service correctionnel du Canada nous présentent un « Plan de route pour renforcer la sécurité publique », un document qui a été préparé en 2007, adopté à la hâte et exécuté encore plus rapidement.
Cette feuille de route ne tient pas compte des 150 ans d'histoire de service correctionnel. Elle n'accorde aucune attention aux recommandations précédentes ou aux commissions royales. Ce document de 200 pages ne fait pas une seule fois référence à la Charte des droits et libertés ni aux décisions de la Cour suprême. Il est tout à fait illettré sur le plan juridique et pourtant c'est sur ce document qu'on s'est fondé pour concevoir les amendements dont vous êtes saisis et sur lesquels vous devez entendre des témoignages.
Je voudrais aborder très rapidement deux des nombreuses dispositions que nous avons commentées dans notre mémoire. Le projet de loi, les amendements...
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Il me serait difficile de commencer sans commenter le processus qui ne permet pas au témoin de finir son exposé, mais nous avons le mémoire intégral et je vais le lire.
Ma première question s'adresse à M. Doob. Naturellement, nous voulons tous améliorer la sécurité dans nos collectivités, comme l'indique le titre de ce projet de loi. Je suis toutefois troublé lorsqu'on me dit, d'après les statistiques, que si on incarcère plus de jeunes reconnus coupables de crime, ce que nous faisons déjà plus que tout autre pays industrialisé, on augmente le risque de récidive chez ces jeunes. D'après le département de la Justice américain et même d'après les Centres for Disease Control and Prevention d'Atlanta, en agissant de cette façon, loin de réduire le risque de récidive on l'augmente.
Si nous adoptons cette approche, comme le prévoit ce projet de loi, comment pourrons-nous rendre nos collectivités moins dangereuses et réduire le nombre de crimes et de victimes puisque cela nous amènera à incarcérer plus de jeunes contrevenants?
Qu'en pensez-vous, monsieur Doob?
Monsieur Jackson, je voudrais également entendre votre avis sur le sujet.
J'ai vu une émission à la télévision hier soir dans laquelle on interrogeait des responsables du Texas. Ils disaient qu'en mettant plus d'argent dans le système carcéral au Texas, on n'avait pas réduit la criminalité, bien au contraire. Ils ont même ajouté que si l'objectif est d'alléger le fardeau des contribuables et d'améliorer la sécurité dans les collectivités, c'est la pire chose à faire. Ils parlaient des auteurs d'infractions liées aux drogues, précisant que plus on injectait d'argent dans les prisons, plus on augmentait le taux de criminalité dans la société. Ainsi le Texas, comme d'autres États, a tout à fait délaissé cette approche.
Votre avis s'il vous plaît?
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Merci, monsieur le président.
Permettez-moi d'apporter un éclaircissement relativement aux propos de M. Doob qui a dit que le locataire d'un appartement pourrait être poursuivi parce qu'il y a un seul plant de marijuana. Je vous félicite pour l'attention que vous portez au détail. Il s'agit manifestement d'une erreur de rédaction que le ministre corrigera. Elle s'est produite voilà plusieurs années lorsque le projet de loi a été modifié par le NPD. L'article n'a pas été corrigé pour indiquer qu'il faudrait qu'il y ait plus de cinq plants. Le ministre a bien sûr l'intention de rectifier cette erreur de rédaction.
Monsieur Doob, vous admettrez que toute poursuite entraîne des coûts énormes; ainsi, la perspective d'obtenir une condamnation pour le trafic d'un seul plant est tout à fait improbable et le gouvernement n'a nullement l'intention d'avancer dans cette direction. Merci pour les précisions que vous avez données, mais je vous assure encore une fois que cette erreur sera corrigée et le texte clarifié.
Ma question s'adresse à Mme Sue O'Sullivan. Je vous remercie pour le travail important que vous faites en tant qu'ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels. Nous comprenons vos responsabilités à l'endroit des victimes et du gouvernement et nous respectons votre travail. Nous savons qu'il est difficile de concilier les intérêts des uns et des autres.
Dans votre récent rapport intitulé Pour un plus grand respect des victimes dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, vous recommandez que l'on renforce le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Convenez-vous qu'une peine d'emprisonnement avec sursis n'est pas indiquée pour les personnes reconnues coupables de crimes graves, par exemple le meurtre, l'exploitation sexuelle d'enfants et le trafic de stupéfiants?
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Oui. Tout d'abord, comme je l'ai souligné dans ma déclaration, ce projet de loi donne suite à la partie 3 des recommandations de notre rapport, mais je pense qu'il y a encore beaucoup de travail à faire. Comme je l'ai déjà dit, votre comité a une occasion tout à fait unique d'adopter des amendements qui permettraient aux victimes d'avoir accès à plus d'information. Si elles avaient plus de renseignements au sujet du délinquant, elles pourraient mieux participer au processus et elles auraient des mécanismes de soutien concrets. En vertu de la loi, les victimes n'ont accès qu'à l'information que la loi permet aux organisations de leur transmettre. Voilà des exemples.
Les amendements que nous avons décrits sont très concrets et correspondent aux souhaits que nous ont exprimés les victimes. Il peut s'agir, par exemple, de la possibilité d'assister aux audiences de la Commission de libération conditionnelle. Comme vous pouvez l'imaginer, et Sharon a assisté à beaucoup d'audiences de ce genre, les victimes vivent beaucoup d'émotions et se trouvent à revivre l'épreuve subie par leurs êtres chers. Il est possible qu'elles ne comprennent pas bien tout ce qui s'est dit pendant l'audience. La plupart des Canadiens pensent que si une victime voulait se présenter le lendemain et réécouter l'enregistrement sonore de l'audience, elle pourrait le faire, mais en fait, elle ne le peut pas.
Ce sont les mesures concrètes qui importent: fournir aux victimes l'information qu'elles méritent d'avoir. Par exemple, une victime pourrait vouloir savoir quel programme le délinquant a suivi et s'il a achevé ses programmes. Le délinquant a-t-il fait les efforts pour régler ses problèmes? Et s'il ne l'a pas fait, a-t-on tenu compte de la sécurité de la victime au moment de sa libération et retournera-t-il à la collectivité une fois libre? Il faut tenir compte des victimes dans cette démarche. Il faut les traiter avec respect et dignité.
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Eh bien, l'exemple le plus évident est l'idée selon laquelle les peines minimales obligatoires nous garderons en sécurité; on la retrouve un peu partout dans le projet de loi. Les preuves indiquant que des peines plus sévères en général et des peines minimales obligatoires nous garderons en sécurité sont clairement absentes. Les preuves indiquent plutôt que ces mesures n'auront aucune incidence positive.
Le deuxième exemple, c'est qu'à divers endroits, le projet de loi semble laisser entendre que l'incarcération est préférable aux systèmes qui tentent d'assurer la réinsertion des prisonniers dans la société; on fait fi du fait que la plupart des prisonniers reviendront parmi nous à la fin de leur peine. On le voit dans la Loi sur le transfèrement des délinquants, dans les changements apportés à la LSCMLC, et ainsi de suite. On ignore le fait que l'une des meilleures façons de procéder avec les détenus, c'est d'assurer une réinsertion contrôlée dans la collectivité.
Mon troisième exemple porte sur la préférence générale pour l'incarcération plutôt que pour les peines à purger dans la collectivité. En général, dans de nombreux cas, le projet de loi se rapproche manifestement d'un système dans lequel on favorise l'emprisonnement et la présomption selon laquelle la prison garantira des rues et des collectivités sécuritaires. Manifestement, c'est faux.
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Je pourrai le faire, monsieur Cotler, en revenant sur la question que vous avez posée à M. Doob au sujet des preuves empiriques ignorées dans ces amendements.
L'un des thèmes que l'on retrouve dans les amendements porte sur le durcissement, au nom de la responsabilisation, des conditions carcérales afin de contrebalancer ce que l'on appelle, de façon inappropriée et avec un malin plaisir, une atmosphère de « club fed » dans les prisons fédérales. J'ai travaillé dans les prisons fédérales pendant 40 ans. Ce ne sont pas des « clubs feds, et je mets quiconque au défi de me prouver le contraire.
Un exemple du durcissement des conditions se voit dans les amendements qui indiquent qu'il faut moderniser le système d'isolement. Ce système est celui sous lequel Ashley Smith est morte il y a deux ans. Il s'agit de la forme d'emprisonnement la plus dure et draconienne connue au Canada. L'isolement a fait l'objet de mention dans de nombreux rapports de comités parlementaires.
En effet, l'examen quinquennal réalisé par votre comité recommandait que l'isolement préventif, qui peut être indéfini, ne soit jamais imposé, sauf par ordre d'un arbitre indépendant, et non un fonctionnaire du SCC. En raison de la récalcitrance du SCC, cette recommandation n'a pas été appliquée. Le Comité des droits de la personne, l'enquêteur correctionnel et des recherches universitaires l'ont répété. Tout ceux qui se sont penchés sur cette question de façon objective ont formulé la même recommandation.
Elle ne figure pas dans les amendements, mais pourtant, il doit s'agir d'une modernisation du système.
Les amendements indiquent plutôt que si un détenu est condamné à l'isolement à titre de punition, l'une des sanctions permises serait d'éliminer toute visite de l'extérieur — soit les amis ou la famille. Les propres preuves empiriques du SCC démontrent que l'un des principaux éléments de la réinsertion des prisonniers, l'un des principaux éléments permettant de veiller à ce que les détenus ne soient pas violents et se conforment au régime correctionnel sont les contacts avec leur famille.
Pourquoi faire cela? Pourquoi ajouter cette condition d'isolement à un régime déjà sévère? Qu'est-ce que cela apporte à la sécurité publique? Comment le fait d'ajouter les preuves de l'emprisonnement à un groupe déjà endurci peut-il en faire de meilleures personnes, de sorte que lorsque ces personnes reviennent dans notre société, elles peuvent être des voisins plutôt que des prédateurs?
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J'aimerais revenir sur un commentaire formulé par M. Gottardi, qui a indiqué que les mesures à l'étude avaient fait l'objet de très peu d'examens et que le processus est antidémocratique.
Monsieur Gottardi, connaissez-vous les anciens projets de loi , , , , , , , et , qui constituent les principales composantes du projet de loi à l'étude; ils ont eu 49 jours de débats à la Chambre des communes, 200 orateurs, 45 séances de comités et 123 heures d'études en comités avec 295 témoins qui ont comparu?
Pouvez-vous m'expliquer comment vous pouvez dire que ce projet de loi a fait l'objet de très peu d'études?
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Oui, je suis conscient que certains de ces projets de loi ont été examinés auparavant, à la Chambre et par des comités. Mais de grandes parties du projet de loi n'ont pas pu être examinées.
Le projet de loi sur lequel mon collègue, M. Jackson, s'est concentré a été très peu analysé, voire pas du tout, et il représente un changement fondamental de la politique canadienne sur la façon dont nous traitons nos délinquants et de la façon dont ils sont traités dans nos établissements correctionnels et dont ils sont mieux préparés pour être libérés dans nos collectivités.
Je reconnais également que des projets de loi comme le , qui portait sur le système de justice pénale pour les adolescents, a fait l'objet de consultations approfondies. Pourtant, bon nombre de recommandations d'amendements n'ont pas été mises en oeuvre dans le projet de loi .
De plus, les amendements apportés ont été ajoutés, et non portés particulièrement à notre attention. Nous avons dû parcourir les projets de loi pour déterminer ce qui avait changé, pour finir par découvrir que le système de mise en liberté sous caution contenu dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents doit être complètement transformé, sans référence au système de mise en liberté sous caution qui se trouve actuellement dans le Code criminel. Nous verrons de plus en plus de jeunes à risque détenus avant leurs procès.
Nous avons aussi constaté que les amendements à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents élimineront le concept de « hors de toute doute raisonnable », mis en place pour veiller à ce que les jeunes délinquants ne soient pas soumis, de façon inappropriée et contraire aux impératifs constitutionnels déterminés par la Cour suprême du Canada, à une peine pour adultes et à la publication de leurs noms, avec la stigmatisation et le catalogage que cela implique.
Nous avons dû parcourir les projets de loi pour trouver ces changements afin de pouvoir venir formuler des observations au comité. Nous avons tenté de le faire dans notre document écrit de 100 pages, que je vous recommande et que, je l'espère, vous prendrez le temps de lire attentivement.
En réponse à ce que vous venez de dire, je dois souligner qu'on ne peut pas passer à autre chose; toutefois, on peut trouver une certaine satisfaction. Les victimes doivent tout simplement apprendre à vivre différemment et à s'en sortir, mais on ne peut pas passer à autre chose.
J'aimerais également vous dire que c'est très difficile à comprendre. Il y a eu tant de controverse au sujet du projet de loi et de ses effets sur les victimes de crime. Je dois dire qu'au-delà de la partie III, portant sur les changements apportés à la LSCMLC, de nombreuses victimes de crime se préoccupent sans aucun doute des peines. Les victimes se retrouvent un peu partout dans le projet de loi, étant donné qu'il parle des délinquants violents et dangereux.
Je peux seulement mentionner que, dans mon cas en particulier, si nous avions eu la loi qui sera bientôt adoptée, nous l'espérons, en ce qui concerne mon propre fils — il y avait eu de nombreuses accusations d'agression sexuelle, de viol et de sodomie déposées contre l'homme qui a assassiné mon fils...
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Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je remercie les invités d'être ici ce matin. Leur présence nous est très utile.
C'est la première fois que j'étudie le projet de loi et ses différentes composantes. Tout comme mon collègue , je trouve dommage d'être obligée de vous couper la parole en plein milieu d'une phrase. J'aurais tellement de questions à poser à vous tous.
Madame Rosenfeldt et madame O'Sullivan, j'apprécie le travail que vous faites. Je crois que le fait de s'occuper des victimes est un élément important du système de justice pénale. Il ne faudrait pas penser que les gens de ce côté-ci de la salle ne se préoccupent pas des victimes.
On essaie de trouver quel serait le meilleur système, soit celui qui permettrait un équilibre, c'est-à-dire de respecter les droits des victimes, d'assurer la sécurité — tel qu'indiqué dans le titre de ce projet de loi — et de nous assurer que les gens qui commettent des crimes ont une chance de se réformer et de revenir en société, si cela est possible, en tant que bon citoyen. Ce n'est pas toujours facile d'atteindre un équilibre dans tout ça. Tout n'est pas toujours blanc ou noir.
Je voudrais maintenant m'adresser au professeur Doob. Une de mes craintes fondamentales reliées à ce projet de loi touche les peines minimales obligatoires. Monsieur le professeur, je connais suffisamment le système pour réaliser que parfois, on cherche à éviter un résultat x que tous les intervenants trouvent absolument impensable puisqu'il ne s'applique pas au cas qui les préoccupe. Quand j'ai fait mon cours de droit criminel, on disait que tous les cas étaient des cas d'espèce. Ici, on semble dire le contraire, soit que tel délit engendre telle peine.
J'aimerais connaître votre opinion. Ne passerait-on pas de la discrétion confiée aux juges pour en fait donner plus de discrétion aux procureurs de la Couronne, qui auront à établir en vertu de quel article seront déposés les actes d'accusation contre une personne, compte tenu du résultat qu'ils vont voir venir et des faits en l'espèce? Ces actes d'accusation ne seraient peut-être pas tout à fait justifiés. N'est-on pas en train de transférer cette discrétion, qui revient présentement aux juges, vers les procureurs de la Couronne? Quelle est votre opinion à ce sujet?
Je m'adresse maintenant aux représentants du Barreau canadien, que je tiens à féliciter. Hier soir, j'ai lu votre mémoire de A à Z et j'encourage mes collègues à en faire autant. Tout y est. Vous avez fait une analyse extrêmement approfondie. J'aimerais que vous me parliez un peu plus du problème lié à la section qui traite des pardons.
Même dans le cas d'infractions sommaires, on pourrait devoir attendre plus longtemps encore avant de pouvoir présenter une demande de pardon. Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne façon d'atteindre l'objectif. Cela empêcherait des gens de revenir au travail et d'être de bons citoyens. Comment rendrons-nous nos rues plus sécuritaires si on rend la réinsertion sociale plus difficile dans des cas qui ne sont pas nécessairement graves?
Voilà mes deux questions.
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Commençons par la question des peines minimales obligatoires. J'ai l'impression que, bien que le gouvernement ait admis avoir fait une erreur ou avoir perpétué une erreur d'un ancien projet de loi sans la corriger et qu'il affirme maintenant que la peine minimale obligatoire de neuf mois ne s'applique qu'aux gens qui possèdent six plants de marijuana, soit les criminels organisés, les plantations possédant plus de six plants de marijuana, le problème, c'est que cela se solde manifestement par une peine disproportionnée. Peu importe la façon dont on aborde cette question, si on examine la gamme de peines qui existent au Canada, très peu de gens diront que mon étudiant hypothétique qui possède six plants ou un seul — ça n'a pas vraiment d'importance — mérite maintenant neuf mois. Il sera donc possible de conclure des ententes, et cela pourrait se produire.
Il serait aussi possible de régler le problème de l'établissement des peines en se dotant de peines raisonnables sans minimum obligatoire, et de lignes directrices. Le Canada a rejeté l'idée des lignes directrices concernant l'établissement des peines il y a plus de 25 ans, mais ça ne signifie pas que la proposition de lignes directrices formulée dans les années 1980 est la seule possibilité.
D'autres gouvernements ont cherché des façons de structurer les peines de façon à ce qu'elles soient plus cohérentes et plus équitables lorsqu'on a une vue d'ensemble, de façon à avoir un système d'établissement des peines fondé sur la proportionnalité. Comme vous l'avez laissé entendre dans votre question, on donne également au procureur le pouvoir d'établir la peine, de sorte que celui-ci peut en effet arracher des ententes de plaidoyer de culpabilité en disant que certains éléments ne seront pas prouvés — dans le cas qui nous occupe, par exemple, que c'est un appartement loué.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins d'être ici ce matin et d'avoir formulé des points de vue intéressants et contradictoires.
Monsieur Doob, pour revenir à la question posée par Mme Boivin, vous semblez très préoccupé par le fait que certaines personnes, selon vous, ne devraient pas recevoir de peine minimale obligatoire, mais en obtiendraient en vertu de la loi — et vous avez cité plusieurs exemples, y compris celui des colocataires qui partagent deux ou trois plants de marijuana.
Vos craintes ne sont-elles pas calmées par l'ajout de l'article 8, qui exige que le procureur avise l'accusé afin de chercher à obtenir une peine minimale obligatoire?
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Nous avons soumis un mémoire sur les changements proposés à la Loi sur le casier judiciaire.
Ce qu'il y a de plus troublant dans ces dispositions... Beaucoup des membres de votre comité ont sans doute des enfants et des petits-enfants, comme moi. Ces amendements auront des conséquences pour les personnes condamnées pour une infraction punissable par voie sommaire, c'est-à-dire un délit mineur. Ce pourrait être le cas d'un jeune qui se saoule lors d'une soirée entre amis ou d'une fête à l'université et qui donne un coup de poing à quelqu'un. Il sera condamné pour voie de fait simple. Ce pourrait être aussi une condamnation pour une infraction liée à la drogue. Il y a une foule de délits que des jeunes adultes peuvent commettre parce qu'ils sont immatures et qu'ils peuvent regretter par la suite et se remonter. Ils vont à l'université puis ils cherchent un emploi.
À l'heure actuelle, la loi permet d'accorder un pardon ou une réhabilitation après trois ans, mais cela prend en réalité plus de trois ans parce qu'il y a un retard d'environ dix-huit mois dans le traitement des demandes. Le jeune devrait déjà attendre près de cinq ans s'il a montré qu'il s'est amendé et qu'il est prêt à se comporter comme un membre responsable de la société qu'il retourne au travail sans casier judiciaire. Je ne comprends pas pourquoi le projet de loi ferait passer cette période de trois à cinq ans.
Rien ne permet de croire que le processus d'octroi de la réhabilitation soit déficient. Dans 96 p. 100 des cas, les réhabilitations ne sont jamais révoquées. Je réitère ma question: Pourquoi en tant que législateurs voudriez-vous entraver la réinsertion sociale de gens qui ont tourné la page et montré qu'ils sont désormais responsables de leurs actes?
Cela ne sert aucun objectif rationnel ou légitime sur le plan correctionnel. Comme beaucoup d'autres dispositions de ce projet de loi, cet amendement ne vise qu'à alourdir la punition et mettre plus de gens en prison pendant plus longtemps, dans des conditions plus répressives et pénibles. Et quand elles auront fini de purger leur peine, de rendre encore plus difficile leur réintégration à la société.
C'est apparemment là le fil conducteur de ce projet de loi. Il va à l'encontre de ce qui se fait dans beaucoup d'autres pays, qui ont tiré les enseignements des régimes axés sur la répression et le durcissement des peines. Même le Texas est en train de délaisser les mesures que nous songeons à instaurer.
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Je pourrais rappeler brièvement, M. Jackson, au sujet des changements apportés à la LSCMLC et à la Loi sur le casier judiciaire, lesquels entraveraient encore plus la réinsertion sociale des délinquants.
Beaucoup des mesures touchant la détermination des peines qu'on songe à mettre en place, par exemple le recours accru aux peines minimales obligatoires et la restriction de la mis en liberté sous condition, mesures qui aident les délinquants à bien se comporter, à continuer à travailler et à interagir avec leurs amis et leurs familles tout en étant assujettis à des conditions strictes et à une surveillance par l'État, améliorent la sécurité publique. Si on limite ces mesures au chapitre des peines imposées, cela aura l'effet contraire.
Il faut songer aussi à l'utilisation des ressources, car le recours accru aux peines minimales imposera un fardeau énorme au système de justice pénale. Les procureurs de la Couronne devront traiter beaucoup de cas et auront plus de pouvoir discrétionnaire, si bien qu'ils devront faire des acrobaties pour trouver des accusations qui n'entraînent pas de peines minimales obligatoires afin d'éviter les injustices.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
Monsieur Gottardi, je crois avoir déjà fait votre connaissance. Comme je l'ai dit tout à l'heure, pendant de nombreuses années j'ai été membre de l'Association du Barreau canadien. J'ai exercé le droit criminel à Fort McMurray, où il se passe bien des choses depuis une dizaine d'années, alors je suis à même de juger certaines choses... J'ai participé à littéralement des centaines de procès et, franchement, je ne suis pas d'accord avec votre analyse, sauf le respect que je vous dois. J'ai vu beaucoup de gens réussir après avoir été incarcérés et je crois que la rééducation, le recyclage et la fierté de se prendre en main peut amener les gens à s'amender.
En tant qu'avocat de la défense, j'ai toujours envié mes collègues de la Colombie-Britannique parce que, cette province imposait des peines beaucoup plus légères, par exemple, comme je l'ai vu très souvent, des trafiquants de cocaïne écopaient de peines de 30 ou 60 jours. En Alberta, ces mêmes criminels écoperaient de peines de 18 mois à deux ans pour le trafic de la même quantité de drogue, dans les mêmes circonstances. La Colombie-Britannique est à mes yeux une anomalie au Canada.
Toutefois, je dois dire que les statistiques quant à la récidive sont renversantes. J'ai vu des délinquants dont le casier judiciaire faisait trois ou quatre pages et qui avaient à leur actif de 40 à 50 condamnations.
Voilà pourquoi, très franchement, je ne pense pas que les délinquants condamnés à des peines d'emprisonnement minimales obligatoires ne puissent refaire leur vie. Et je suis persuadé que ces peines assurent la sécurité de la population.
Sur la même veine, la Cour suprême du Canada a statué dans l'affaire R. c. Morrisey qu'une dissuasion générale est incontestablement nécessaire et qu'une peine minimale obligatoire peut amener des gens à changer leur comportement. Quant aux avocats, je crois que s'il y avait 10 avocats ici dans la salle, on entendrait 30 avis différents. Il en va de même en l'occurence.
Pour clarifier un peu les choses à ce sujet, monsieur Doob, j'aimerais vous poser une question. Je remarque que vous avez un doctorat de Stanford et un diplôme dont l'acronyme est AB de Harvard. Excusez mon ignorance, mais que signifie les lettres AB?
Un des articles que vous avez publiés s'intitule Mandatory Minimum Sentences: Law and Policy, c'est-à-dire les peines minimales obligatoires: lois et politique. J'ai pu le lire et c'était intéressant. Votre article contient beaucoup de notes en bas de page, qui renvoient, entre autres, au rapport d'une Commission royale sur la révision du Code criminel, paru en 1952, au rapport officiel des débats du Sénat, en 1952, et au rapport de la Commission canadienne sur la détermination de la peine, publié en 1987. Dans la note 28, vous dites ce qui suit, et je cite:
La Loi de la troisième faute (Three Strikes and You're Out): Effet de la nouvelle Loi sur les peines obligatoires de la Californie sur les taux de crimes graves (1997)... Dans une des dix localités de la Californie, la diminution des crimes répertoriés coïncidait avec l'entrée en vigueur de la Loi de la troisième faute. Il ne semble pas y avoir d'explication logique pour la différence entre ce comté (Anaheim) et les dix autres.
Vous ajoutez ensuite — et je pense que c'est une blague — « Rien n'indiquait que cette disparité était liée au fait que Disneyland est situé dans le comté d'Anaheim ».
J'ai lu les notes en bas de page et je n'y ai rien trouvé qui appuie votre position vis-à-vis cet article. Je me demande s'il y a d'autres publications que je pourrais consulter en ce qui concerne cette question « The Political Attractiveness of Mandatory Minimum Sentences » (l'attrait politique des peines minimales obligatoires) que vous concluez par l'affirmation suivante: « il est évident que le processus d'élaboration des politiques doit tenir compte des différentes fonctions »
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis ici pour parler des parties du projet de loi qui introduisent des peines minimales obligatoires pour de nombreuses infractions liées aux drogues, et qui de façon générale intensifient la soi-disant guerre contre les drogues. J'ai travaillé dans les domaines de la justice pénale et de la politique en matière de drogue pendant plus de trois décennies. Je ne pensais pas qu'il était possible pour le Canada d'adopter des lois en matière de drogue pires que celles qui étaient en vigueur à l'époque, mais le gouvernement actuel m'a donné tort. Le projet de loi est pire, bien pire.
N'oublions pas ce dont il est question. On parle d'enfermer d'autres êtres humains, dont nombre d'entre eux ne sont pas violents, dans des cages. Nous sommes au XXIe siècle. Il y a certainement de meilleures façons de régler de nombreux problèmes de société que d'enfermer des concitoyens dans des cages.
Si je rencontrais Conrad Black, nous ne serions probablement pas d'accord sur beaucoup de choses, mais il a passé une certaine période de temps dans des prisons en Floride et il en a tiré des enseignements. Il dit qu'il a vu de près l'échec des États-Unis dans sa guerre contre les drogues: peines absurdes; un billion de dollars dépensé; un million de mineurs facilement remplaçables, puisqu'ils sont du menu fretin, sont emprisonnés; et les substances ciblées sont davantage disponibles et de meilleure qualité que jamais, alors que les pays producteurs comme la Colombie et le Mexique sont en état de guerre civile.
Au-delà de nos lois actuelles en matière de drogue, le projet de loi ne sera certainement pas efficace. Non seulement les dispositions seront certainement inefficaces, il est certain qu'elles seront contre-productives. Le gouvernement Harper dit que ces lois aideront à résoudre les problèmes de drogue de notre société. En fait, elles feront le contraire: elles aggraveront davantage le problème et il serait préférable d'adopter des mesures réglementaires de rechange et des mesures en matière de santé. Les amendements proposés dans le projet de loi exacerberont la criminalité, la violence, le dysfonctionnement, plutôt que le contraire.
Le gouvernement a amplement de preuves de la futilité de l'approche visée grâce aux expériences du Canada, des États-Unis et du reste du monde. Si vous ne me croyez pas, écoutons ce que feu Milton Friedman, prix Nobel et économiste conservateur a dit. En 1989, il a rédigé une lettre demandant la fin de la guerre américaine contre les drogues à William Bennett, qui était chargé de la politique en matière de drogue américaine à la Maison-Blanche. Il a dit:
Pour reprendre les paroles de l'éloquent Oliver Cromwell, « je vous adjure, par les entrailles de Christ, de croire qu'il est possible que vous vous trompiez » en ce qui a trait aux mesures que vous et le président Bush comptez adopter pour lutter contre les drogues. La solution que vous proposez, soit davantage de policiers, davantage de prisons, un recours aux forces armées dans les pays étrangers, des pénalités sévères pour les consommateurs de drogue, et toute une panoplie de mesures de répression ne peuvent qu'aggraver la situation...
Les drogues constituent une tragédie pour les toxicomanes. Mais de criminaliser leur consommation transforme cette tragédie en un désastre pour la société...
Si vous ne voulez pas écouter Milton Friedman, peut-être que vous voudrez porter attention au rapport de 2002 du Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites présidé par le sénateur conservateur Pierre Claude Nolin. Le rapport a été adopté à l'unanimité par les membres du comité. Que disait ce rapport? Il énonçait ce qui suit:
... les principaux coûts sociaux relatifs au cannabis relèvent de choix de politiques publiques, principalement de la criminalisation continue de cette substance. [...] Il est temps de se rendre à l'évidence: nos politiques ont été inefficaces parce que ce sont de mauvaises politiques. [...] La prohibition du cannabis ne produit pas les bénéfices escomptés de réduction de l'usage ni des usages à problème.
Si le gouvernement ne veut pas écouter son propre sénateur conservateur et son comité, peut-être voudrez-vous tenir compte de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, qui a dit ce qui suit en 2009:
Les efforts internationaux pour contrôler la drogue ont eu une conséquence dramatique non voulue: un marché noir criminel aux proportions stupéfiantes. Le crime organisé est une menace contre la sécurité. Les organisations criminelles sont en mesure de déstabiliser la société et les gouvernements. Le commerce illicite de la drogue représente des milliards de dollars chaque année, une partie de cette somme servant à corrompre des fonctionnaires et à miner les économies.
En passant, monsieur le président, ce phénomène est attribuable à la prohibition des drogues. Le recours au droit criminel pour interdire les drogues donne lieu à un marché noir extrêmement lucratif.
Si vous ne voulez pas tenir compte de la déclaration de 2009 de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, vous voudrez peut-être examiner le rapport de 2011 de la Global Commission on Drug Policy. Son président honoraire était George Shultz, ancien secrétaire d'État américain. La commission était notamment composée de Kofi Annan, ancien secrétaire général de l'ONU, Louise Arbour, ancienne juge à la Cour suprême du Canada et ancienne Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Paul Volcker, l'ancien président de la Réserve fédérale américaine, Sir Richard Branson et quatre anciens présidents de la Suisse, de la Colombie, du Brésil et du Mexique. L'ancien président américain Jimmy Carter a approuvé le rapport.
Que disait le rapport? Il stipulait que:
La lutte mondiale contre les drogues a échoué, avec des conséquences dévastatrices pour les individus et les sociétés du monde entier. En finir avec la criminalisation, la marginalisation et la stigmatisation des personnes qui font usage des drogues, mais qui ne nuisent aucunement aux autres. Remettre en question plutôt que renforcer les idées fausses sur les marchés des drogues.
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Monsieur le président, membres du comité, bonjour. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler du projet de loi C-10 et de ses effets prévus sur le Service correctionnel du Canada.
Comme vous le savez déjà, le projet de loi C-10 comprend un certain nombre de projets de loi qui ont été présentés au cours de la législature précédente. Je prévois que les éléments du projet de loi C-10 ayant trait à l'ancien projet de loi C-39 auront l'incidence la plus importante sur les activités de mon organisme; mes observations porteront donc essentiellement sur ce sujet. Je répondrai toutefois à toute question que les membres du comité pourraient avoir sur les autres éléments du projet de loi C-10.
En 2007, le comité d'examen externe du SCC a rendu public son rapport final intitulé Feuille de route pour une sécurité publique accrue. Ce rapport contenait 109 recommandations sur les façons dont le SCC pourrait transformer ses activités et son administration afin de mieux gérer une population carcérale complexe et diversifiée, ce qui lui permettrait d'améliorer ses résultats sur le plan de la sécurité publique pour tous les Canadiens.
Au cours des quatre dernières années, le SCC s'est servi de ce rapport comme base de son programme de transformation. Le projet de loi C-10 permettrait de bonifier ce programme par des éléments clés comme la communication de renseignements aux victimes, la responsabilisation des délinquants, la discipline des délinquants et la surveillance électronique, entre autres.
Le projet de loi vise à renforcer les principes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour mettre l'accent sur la responsabilité des délinquants et leur obligation de rendre des comptes.
Si le projet de loi C-10 est adopté, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition incitera davantage les délinquants à suivre et à respecter leur plan correctionnel, qui est à la base de tous les programmes, de la formation et de l'acquisition de compétences en emploi offert aux délinquants. C'est également sur ce plan que sont fondées les décisions relatives au transfèrement et à la mise en liberté sous condition.
De plus, monsieur le président, le projet de loi C-10 m'offrira, à titre de commissaire du Service correctionnel du Canada, la possibilité d'établir une approche fondée sur des incitatifs pour les délinquants qui peuvent suivre leur plan correctionnel, mais qui choisissent de ne pas le faire pendant leur incarcération. De plus, le projet de loi met davantage l'accent sur le rôle et les droits des victimes tout au long du processus correctionnel et élargit la définition de victimes et la gamme des renseignements qui peuvent leur être communiqués.
Enfin, je tiens à faire remarquer que le projet de loi C-10 consacrerait dans une loi le pouvoir du SCC d'imposer la surveillance électronique dans certaines circonstances. Cela pourrait consister à surveiller un délinquant pour déterminer s'il se conforme à une condition de sa mise en liberté, comme celle d'interdire au délinquant l'accès à une personne ou à un lieu.
Monsieur le président, comme vous le savez déjà, la semaine dernière, les ministres de la Sécurité publique et de la Justice ont déposé un document indiquant que le coût du projet de loi C-10 s'élèvera à 78,6 millions de dollars sur cinq ans. Nous avons estimé que le SCC aura besoin d'environ 34 millions de dollars en fonds nouveaux pour gérer les incidences de ce projet de loi. Cette somme comprend les coûts opérationnels liés à la hausse prévue de notre population carcérale, qui augmentera par suite de l'imposition de peines minimales obligatoires aux délinquants qui auront commis des infractions sexuelles à l'égard des enfants et des crimes graves liés à la drogue.
En plus des coûts associés au logement d'un plus grand nombre de délinquants, sur le plan opérationnel, nous devrons faire davantage appel à la double occupation des cellules. Cette mesure aura une incidence particulière sur nos établissements pour femmes et sur ceux des régions des Prairies et de l'Ontario, qui sont aux prises avec des problèmes de surpopulation. Je dois faire remarquer que l'accroissement des renseignements communiqués aux victimes et la mise en oeuvre de la surveillance électronique auront également des répercussions financières sur le SCC. Nous absorberons ces coûts à l'interne.
Monsieur le président, le Service correctionnel du Canada a transformé ses activités au cours des dernières années pour faire face à une population carcérale complexe et diversifiée, ainsi qu'à des changements importants dans le système de justice pénale. Nous surveillons continuellement les effets de ces changements sur notre organisation et sur notre population carcérale et nous apportons des ajustements au besoin.
Je suis certain que le SCC à titre de système correctionnel moderne souple et de renommée mondiale, mettra en oeuvre les dispositions du projet de loi C-10 et permettra de bâtir des collectivités plus sûres pour tous les Canadiens tout en répondant aux besoins des victimes et en offrant aux délinquants les possibilités qui leur conviennent le mieux.
Merci, monsieur le président. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à me les poser.
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Merci beaucoup de me donner l'occasion de comparaître.
La Société John Howard du Canada estime que le projet de loi ne rendra pas nos rues et nos collectivités plus sécuritaires, malgré l'immense contribution d'argent des contribuables. En fait, le projet de loi rendra les collectivités moins sécuritaires tout en minant les droits et principes de la justice.
Comme le temps qui m'est accordé est limité, je vais réaffirmer les commentaires que les sociétés John Howard ont déjà faits sur les composantes du projet de loi dont le comité a déjà été saisi et me concentrerai sur les nouvelles dispositions et les conséquences cumulatives du projet de loi.
Le fait d'avoir fusionné des projets de loi idéologiquement incohérents en un seul projet de loi omnibus donne lieu à une réaction philosophiquement incohérente à des problèmes sociaux graves. Parmi les exemples, on compte le fait que des principes de justice pénale pour adultes soient appliqués de façon inappropriée au système de justice pour adolescents. De plus, des principes de détermination des peines sont appliqués de façon incongrue à la gestion correctionnelle et aux décisions en matière de mise en liberté sous condition, ce qui entraîne une deuxième peine pour les délinquants plutôt qu'une exécution scrupuleuse des peines imposées par les tribunaux. Les juges qui déterminent les peines voient, par ailleurs, leur pouvoir discrétionnaire incorrectement limité, ce qui les empêche d'imposer des peines proportionnelles, tandis que le pouvoir des ministres, des avocats de la Couronne et des fonctionnaires qui traitent de nombreuses questions est augmenté. La responsabilité personnelle et le paternalisme de l'État sont fusionnés de sorte qu'un jeune de 15 ans qu'on considère trop jeune pour donner son consentement à des activités sexuelles peut être tenu criminellement responsable s'il n'a pas la maturité nécessaire pour détecter l'absence de consentement d'une autre personne.
Il y a deux dispositions précises dont le comité n'a pas été saisi auparavant pour ce qui est des amendements au système de justice pour adolescents et qui doivent toutes les deux être examinées très soigneusement en raison de leurs liens avec la Charte. L'introduction du critère de la confiance du public dans l'administration de la justice comme motif de détention de jeunes avant le procès pourrait violer les droits à une caution raisonnable. Et le retrait de la norme « hors de tout doute raisonnable » pour les adolescents qui se voient imposer une peine pour adultes est contraire à la décision de la Cour suprême R. c. D.B et pourrait ainsi violer l'article 7 de la Charte des droits.
Pour ce qui est du projet de loi C-39, dont le comité n'a pas été saisi auparavant et qui n'a donc pas fait l'objet d'une analyse sérieuse, je suis d'accord avec les commentaires faits par M. Jackson. Nous appuyons la réponse à la feuille de route correctionnelle de Michael Jackson et Graham Stewart, intitulée A Flawed Compass, et nous estimons que le processus concerté et réfléchi de réforme du droit qui a mené à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition il y a environ 20 ans, et qui a été imité et reconnu partout dans le monde, doit faire l'objet d'un examen très attentif avant que des décisions soient prises et que des changements soient apportés.
Maintenant, voici les raisons pour lesquelles le projet de loi ne rendra pas les collectivités plus sécuritaires...
Compte tenu de la preuve que les peines sévères ne dissuadent pas les délinquants et compte tenu du fait que les programmes de prévention de la criminalité sont absents du projet de loi, la seule façon de rendre les collectivités plus sécuritaires est de réussir la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants. Mais le projet de loi nuit en fait à la réinsertion sociale supervisée et soutenue en limitant le transfèrement de Canadiens au Canada jusqu'à ce que la peine soit terminée et qu'ils soient expulsés, ce qui réduit l'accès au pardon et aux peines avec sursis.
Le projet de loi va aussi aggraver la crise actuelle de surpeuplement dans les établissements provinciaux territoriaux et fédéraux en augmentant massivement le nombre de personnes en détention, premièrement, en imposant des peines minimales obligatoires, deuxièmement, en limitant les peines purgées dans la collectivité, et troisièmement, en limitant davantage les mises en liberté des détenus. Il est urgent de réduire plutôt que d'augmenter le surpeuplement carcéral afin d'assurer la sécurité des détenus et du personnel correctionnel, et d'avoir un système correctionnel et une réadaptation efficaces.
Si rien n'est fait et que nos tribunaux constatent, comme ceux des États-Unis l'ont déjà fait, que les niveaux actuels de surpeuplement dans nos prisons constituent une peine cruelle et inusitée, les délinquants seront libérés ou ne seront pas envoyés en prison, et rien ne nous garantit que ce seront les délinquants à faible risque qui demeureront dans la collectivité. Si c'est le cas, les conséquences ultimes de ce projet de loi rendront certainement nos rues et nos collectivités moins sécuritaires.
Nous sommes encouragés par la réponse du au comité, selon laquelle la Commission nationale des libérations conditionnelles pourrait prévenir le surpeuplement, et il nous tarde de voir des amendements au projet de loi qui atteindraient cet objectif, bien que des mesures supplémentaires seraient nécessaires pour régler la crise dans les prisons provinciales.
En conclusion, nous recommandons que le projet de loi ne soit pas adopté sous sa forme actuelle, puisque la preuve démontre qu'il n'atteindra pas l'objectif cité. Si le projet de loi est adopté, compte tenu de la crise actuelle de surpeuplement dans les prisons au Canada, nous demandons que le projet de loi n'entre pas en vigueur tant et aussi longtemps que les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral ne pourront pas garantir au Parlement que les augmentations attendues du nombre de délinquants pourront être gérées sans dépasser la capacité des prisons.
Nous espérons que le ministre de la Justice se penchera sérieusement sur l'obligation qu'il a de par la loi de veiller à ce que toutes les propositions de mesures législatives soient conformes à la Charte avant d'approuver un projet de loi qui menace gravement de donner lieu à un niveau de surpeuplement qui serait cruel et inusité et contreviendrait ainsi à l'article 12 de la Charte.
Merci beaucoup.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leurs renseignements et opinions utiles.
Monsieur Oscapella, j'aimerais vous poser une question concernant vos propos sur la situation en matière de drogue. Il est intéressant que votre exposé suive de près un article paru hier dans le Globe and Mail et signé par Neil Reynolds, qui n'est pas un libéral connu, sur certains types d'enjeux. Il parle de la lutte contre la drogue. Il dit qu'elle ne peut être remportée et qu'elle a, en fait, mené à une augmentation de la criminalité et de la violence partout dans le monde. Il a parlé des États-Unis et du Mexique en particulier, ainsi que du nombre de décès, près de 40 000 au cours des cinq dernières années. Selon lui, si les États-Unis légalisaient les drogues, ils épargneraient 44 milliards de dollars au chapitre de l'application de la loi, et ils engrangeraient par ailleurs 42 milliards de dollars en revenus fiscaux.
Il s'agit de chiffres intéressants.
Je crois savoir que certains pays ont tenté d'adopter une approche différente en matière de drogues pour réduire la criminalité et les torts à la société. Aimeriez-vous commenter la situation au Portugal, qui, si j'ai bien compris, a modifié son approche relative à la consommation de drogues et la criminalisation des drogues, en particulier la marijuana?
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Oui, certainement, monsieur Harris. Je vous remercie de la question.
Il y a environ dix ans, le Portugal a mis en place un système qui était en fait un comité chargé de la dissuasion de l'usage de la drogue. Au lieu d'être accusées au criminel de possession ou de vente de petites quantités de drogue, les personnes appréhendées devaient comparaître devant un comité de trois personnes pour discuter de leurs habitudes de consommation. Essentiellement, il s'agit d'une façon non criminelle de composer avec les problèmes possibles de la consommation. N'oublions pas que, très souvent, la consommation de drogues n'engendre pas d'effets négatifs sur la société.
On a, en fait, découvert que le taux de consommation de drogues avait diminué. Les politiques ne sont pas nécessairement responsables de la baisse du taux de consommation, mais les taux n'ont pas monté en flèche, comme certaines personnes l'avaient laissé entendre. En fait, le programme a obtenu pas mal de succès. La revue The Economist a même publié un article à ce sujet il n'y a pas très longtemps. On y vantait le programme comme solution de rechange au modèle actuel de prohibition et de guerre contre la drogue, lequel, comme vous l'avez dit, a été un échec monstre surtout en raison du marché noir auquel il donne lieu, et qui est extrêmement profitable pour les insurgés et les groupes terroristes.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue aux témoins et les remercier de leur contribution.
Que nous soyons ou non d'accord, nous sommes tous ici avec l'intention d'adopter de bonnes politiques publiques pour les Canadiens, selon nos principes.
Monsieur le président, j'aimerais d'abord rassurer les Canadiens à l'écoute que le gouvernement n'a pas déclaré la guerre contre la drogue. Le ministre n'a jamais fait cette annonce, à ma connaissance. Ce n'est certainement pas énoncé dans le projet de loi . Tout ce qu'on dit au sujet de cette guerre contre la drogue vise en fait à vous distraire et à vous induire en erreur sur le contenu réel du projet de loi . Notre politique sur l'interdiction du trafic de la drogue, quelle qu'elle soit, n'est pas énoncée dans le projet de loi .
J'aimerais poser une question à M. Head. Vous êtes le commissaire du Service correctionnel du Canada, et j'imagine que les gens qui sont à l'écoute comprennent que vous êtes le dirigeant du système correctionnel. C'est bien cela?
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J'aimerais revenir à la question du surpeuplement.
Madame Latimer, vous avez indiqué que le projet de loi aggraverait le problème. Avant le dépôt du projet de loi, on a fait valoir qu'il y avait de graves problèmes de surpeuplement — par exemple, 200 p. 100 en Colombie-Britannique, alors que, comme l'a indiqué la Cour suprême américaine, un seuil de 137 p. 100 revient à imposer une peine cruelle et inusitée.
Est-il possible que les différences entre vos affirmations et celles de M. Head soient dues au fait que vous parlez des systèmes provinciaux aussi bien que du système fédéral?
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Je pense qu'on peut en dire beaucoup à ce sujet. Vous avez raison, nous avons obtenu un premier point de repère en mai, lorsque la Cour suprême des États-Unis a tranché, dans l'affaire Brown c. Plata, et statué qu'un surpeuplement de 137,5 p. 100 consistait en une norme cruelle et inusitée là-bas.
Dans nos systèmes provinciaux, on rapporte des problèmes de capacité dépassant les 200 p. 100, c'est-à-dire que deux fois plus de détenus sont placés dans des établissements que ce qu'on prévoyait à l'origine. L'enquêteur correctionnel de la Saskatchewan a souligné qu'on s'approchait des 200 p. 100 dans cette province. Les syndicats ont indiqué qu'il s'agissait d'une préoccupation grave dans de nombreuses provinces, y compris la Colombie-Britannique, où on en est actuellement entre 175 et 200 p. 100 de la capacité de détention, ainsi qu'en Ontario. Bon nombre de personnes ont donc déjà formulé cette préoccupation importante.
Je ne veux pas parler à la place du commissaire, monsieur Head, mais pour avoir de bonnes politiques en matière de système correctionnel, il faut une occupation des prisons entre 90 et 95 p. 100 de leur capacité, parce que cela permet de gérer les détenus, de déplacer les gens, d'administrer des programmes et de mieux appliquer les politiques en matière de système correctionnel.
Ainsi, même au niveau de surpeuplement que le gouvernement fédéral commence à constater, nous commençons à voir des problèmes; M. Head aura du mal à continuer de fournir les bons services que Service correctionnel du Canada a la réputation d'offrir. Les prisons pour femmes ont été particulièrement touchées par la récente augmentation du nombre de détenues, et cela, avant même que nous commencions à examiner le projet de loi omnibus.
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Non. Son principal objectif est d'examiner les politiques et les lois canadiennes sur les drogues afin de constater leurs lacunes et, le cas échéant, de recommander des solutions de rechange.
Premièrement, l'utilisation du terme « légalisation » est très dangereuse, parce que ce terme signifie différentes choses, selon les gens à qui l'on parle. Pour certains, la légalisation signifie une absence complète de contrôle, ce que nous voyons maintenant très souvent dans le droit criminel de nombreuses façons.
Il existe de nombreuses solutions de rechange au système actuel de justice pénale. On peut avoir un système médicalisé, un système de réglementation, un système axé sur la santé. L'objectif de l'organisation n'est pas de faire la promotion de la légalisation. C'est plutôt de favoriser l'établissement de politiques efficaces et humaines sur les drogues. C'est ce que l'on dit assez clairement dans les objectifs de notre organisation.
Mes questions s'adressent à Mme Latimer.
Dans le cadre des questions qui ont été posées la semaine dernière, le ministre a ni plus ni moins nié qu'un prisonnier ayant écopé de trois sentences de deux ans pourrait se réformer. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
J'aimerais aussi savoir, dans le cas d'un ex-criminel sortant de prison qui voudrait se réformer mais qui ne pourrait pas obtenir de pardon à cause des changements apportés à la loi, quels obstacles cela représenterait pour lui.
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Merci monsieur le président.
Madame Latimer, j'aimerais revenir à quelques remarques que vous avez formulées dans votre déclaration: premièrement, vous avez dit que le projet de loi allait rendre nos rues moins sécuritaires; deuxièmement, vous avez affirmé que des peines plus sévères n'empêchaient pas les crimes; et enfin, vous avez indiqué que le projet de loi ferait augmenter la population carcérale de façon massive.
Les gens qui se présentent devant notre comité pour défendre les droits des criminels nous disent continuellement que nos collectivités sont moins sécuritaires parce que le principe de la dissuasion ne fonctionne pas. Mais ce que vous ne dites jamais, c'est qu'il y a deux types de dissuasion. Il y a la dissuasion générale, qui signifie qu'une peine poussera quelqu'un à dire « peut-être que je ne devrais pas commettre ce crime », mais il y a également la dissuasion spécifique, qui signifie que cette personne est en prison et qu'elle ne fera donc pas d'autres victimes dans la société canadienne.
N'êtes-vous pas d'accord pour dire que quand quelqu'un est en prison, il est dissuadé spécifiquement de faire d'autres victimes dans la société canadienne?
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Merci, monsieur le président. Mes questions s'adressent au commissaire Head.
Depuis que je siège à ce comité et que je lis religieusement la documentation qu'on me soumet, j'entends différents chiffres et j'entends le discours du ministre, auquel vous vous référez d'ailleurs dans le rapport que vous avez déposé et dans vos propos.
Le coût du projet de loi pour le gouvernement fédéral va s'élever à 78,6 millions de dollars. Vous estimez vos besoins à 34 millions de dollars en fonds nouveaux pour gérer les incidences de ce projet de loi. Je regarde aussi certains rapports selon lesquels les coûts des services correctionnels au Canada sont passés de 1,6 milliard de dollars en 2005-2006 à 2,98 milliards de dollars en 2010-2011, ce qui équivaut à une augmentation de 86 p. 100. On dit que ce chiffre va même doubler. J'essaie de réconcilier tous ces chiffres.
Comment pouvez-vous nous dire aujourd'hui que le projet de loi C-10 vous coûtera 34 millions de dollars? Vous parlez d'incidences. Quelles sont les incidences auxquelles vous faites référence? Qu'avez-vous constaté, depuis 2005, en termes d'augmentation de coûts dans vos services?
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En ce qui concerne les chiffres plus élevés dont vous parlez, l'augmentation la plus importante de notre budget découle du projet de loi sur la lutte contre les crimes violents et du projet de loi mettant fin au calcul en double du temps passé en détention préventive. C'est là que j'ai constaté la plus grande augmentation de notre budget, tant du point de vue des coûts opérationnels que des coûts de construction. À l'heure actuelle, environ 37 projets de construction d'unités résidentielles sont en cours au pays.
Au sujet du , comme vous le savez, il comprend de nombreux projets de loi. Il y a deux sous projets de loi, en quelque sorte, qui ont des incidences directes sur le SCC: l'un porte sur les infractions sexuelles, et l'autre porte sur ce que l'on appelait auparavant le sur les drogues. Quand je parle des 38 millions de dollars, je parle de la mise en oeuvre de ces deux paragraphes du .
Pour nous, les coûts sont en fait l'augmentation de la population carcérale en raison des articles portant sur les infractions sexuelles qui, à son sommet, atteindrait probablement 164 détenus de plus, de façon permanente, par année.
En ce qui concerne les coûts associés au , étant donné que nous fournissons des services de supervision communautaire pour les délinquants provinciaux où il n'existe pas de commission provinciale des libérations conditionnelles, une partie importante de ces coûts est liée aux individus qui pourraient obtenir une libération conditionnelle et pour lesquels nous devons préparer le dossier et assurer la supervision. Voilà donc nos coûts découlant de ces articles.
Pour ce qui est du reste — pour répondre à la question précédente d'un député au sujet de la différence entre les 38 millions de dollars et les 70 millions de dollars — cela n'a pas de lien avec le Service correctionnel du Canada. Comme je l'ai dit, je devrai m'en remettre au ministère de la Justice pour obtenir la ventilation de ces coûts.
[Français]
Voyez-vous une conséquence possible? Par exemple, j'ai parlé à certains agents correctionnels qui s'inquiètent énormément. Ils prévoient un accroissement du nombre de détenus à l'intérieur du système et ils y voient un problème pour eux.
On parle souvent, et avec raison, des victimes. On parle, avec raison, de punir les délinquants. Cela dit, on oublie ceux qui travaillent à l'intérieur des murs, ceux dont vous êtes responsable et qui sont sous votre juridiction, soit les gardiens de ces détenus.
Considérez-vous faire certains réaménagements si on augmente la population carcérale? On sait que dans le cas des prisons pour femmes, il y a d'énormes difficultés. Avez-vous planifié des mesures à cet égard? Avez-vous déjà envisagé le problème qui sera occasionné dans vos services?
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C'est une très bonne question. C'est une question dont je discute avec nos six syndicats de façon régulière. La stratégie comporte de nombreux aspects, y compris la formation et l'équipement pour le personnel, du point de vue de la sécurité.
Le plus important pour nous, comme on l'a mentionné, est de veiller à ce que nous ayons les bons programmes — les interventions, les programmes d'éducation et les possibilités d'acquisition de compétences pour les délinquants afin que nous puissions les faire participer et les garder occupés. Si on garde les délinquants occupés, les problèmes entourant la sécurité sont diminués.
Pour moi, l'un des principaux aspects entourant la mise en oeuvre du ou de tout autre projet de loi à venir est de veiller à disposer des bons programmes et des interventions adéquates pour donner des possibilités aux délinquants. S'ils participent et qu'ils sont occupés, la sécurité n'est pas un problème.