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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 074 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 27 mai 2013

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. Nous allons utiliser l'heure de nos BlackBerry pour avoir l'heure exacte.
    Bienvenue à la 74e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, ce lundi 27 mai. L'ordre du jour porte sur l'examen de la partie XVII du Code criminel.
    Merci d'être des nôtres encore une fois. Nous avions été interrompus par la sonnerie d'appel la dernière fois et n'avons pu tenir notre séance, je vous remercie donc vivement de vous joindre de nouveau à nous. On ne sait jamais ce qui peut arriver, mais nous ferons le plus loin possible aujourd'hui.
    Je remercie nos témoins du ministère de la Justice, Renée Soublière et Michel Francoeur ainsi que Robert Doyle de se joindre à nous.
    Renée, je vous cède la parole pour le premier exposé. Lorsque vous aurez terminé, vos collègues pourront poursuivre.
    Merci beaucoup. Vous avez environ 10 minutes.

[Français]

    Bonjour. C'est pour nous un plaisir de comparaître devant vous aujourd'hui afin de vous aider à entamer votre examen des dispositions linguistiques du Code criminel.
    Permettez-moi d'abord de me présenter. Je suis Renée Soublière, avocate-conseil et coordonnatrice du contentieux au sein de la Section du droit des langues officielles, une section faisant partie du Secteur du droit public au ministère de la Justice.
    Je suis accompagnée cet après-midi de Me Michel Francoeur, directeur et avocat général du Bureau de la Francophonie, de la justice en langues officielles et du dualisme juridique, au ministère de la Justice. Me Francoeur fera état des gestes concrets que pose le ministère dans un souci d'appuyer le respect des droits linguistiques prévus au Code criminel.
    Je suis également accompagnée de Me Robert Doyle, du Bureau du directeur des poursuites pénales du Canada. Me Doyle agit notamment à titre de secrétaire national du Comité fédéral-provincial-territorial des chefs des poursuites pénales. Il pourra vous parler de la mise en oeuvre concrète des dispositions linguistiques du Code criminel et répondre à toute question que vous pourriez avoir à cet égard.
    Tout d'abord, je vais vous expliquer mon rôle au sein de la Section du droit des langues officielles, la SDLO. La SDLO est une équipe de juristes spécialisés chargée de fournir des conseils juridiques au gouvernement sur les questions de droits linguistiques qui découlent, entre autres, de la Charte canadienne des droits et libertés, de la Loi sur les langues officielles et du Code criminel. La SDLO est également chargée de l'élaboration et de la coordination de la position du procureur général et du gouvernement du Canada dans les affaires linguistiques qui sont portées devant les tribunaux. Enfin, c'est la SDLO qui est responsable d'élaborer toute proposition de modification législative touchant aux droits linguistiques.
    À ce titre, la SDLO a élaboré les propositions législatives qui ont mené à l'adoption de la Loi sur les langues officielles de 1988, laquelle comprenait des modifications aux dispositions linguistiques du Code criminel.
    C'est également à ce titre que la SDLO a participé, de concert avec ses collègues de la Section des politiques en matière de droit pénal, à l'élaboration des modifications législatives contenues dans le projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel (procédure pénale, langue de l'accusé, détermination de la peine et autres modifications), adopté en 2008.
    J'ai eu l'occasion et le privilège d'agir à titre de chargée de projet et d'être impliquée à toutes les étapes, de la conception des orientations aux consultations, en passant par la rédaction du projet de loi et l'étude en comité. J'ai d'ailleurs comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 28 novembre 2007, alors qu'il entamait son examen du projet de loi C-13.
    Il me paraît important de porter à votre attention le libellé précis de la clause d'examen insérée à la partie XVII du Code criminel en 2008. À la lecture de cette clause, on voit bien qu'il est question d'un examen à deux volets. Le paragraphe 533.1(1) parle en effet d'un examen approfondi des dispositions et de l'application de la partie XVII, intitulée « Langue de l'accusé ».
    Si j'ai cru important de vous expliquer le rôle et le mandat de la section dans laquelle je travaille et d'attirer votre attention sur le libellé de la clause d'examen, c'est pour que vous compreniez d'emblée les limites des mes propos aujourd'hui. Cela me fera plaisir de discuter des dispositions de la partie XVII du Code criminel, de vous fournir le contexte derrière les modifications de 2008 et de répondre à toute question que vous pourriez avoir à cet égard. Toutefois, ma présentation de cet après-midi ne portera pas sur l'application ou la mise en oeuvre des dispositions, puisque notre équipe ne joue aucun rôle à cet égard.
    Si le comité le permet, je commencerai par présenter de façon générale le contenu des articles 530 et 530.1. Je crois que vous avez une copie de ces dispositions, où les versions française et anglaise sont côte à côte. J'expliquerai par la suite le contexte derrière les modifications de 2008.
    Avant de ce faire, il me paraît important de souligner quatre points.
(1535)
    D'abord, comme l'a dit l'ancien juge Bastarache, tel qu'il était alors, de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Beaulac au nom de la majorité, les articles 530 et 530.1 du Code criminel illustrent parfaitement la progression des droits linguistiques par des moyens législatifs selon le paragraphe 16(3) de la Charte. En effet, le Parlement fédéral, dans l'exercice de son pouvoir sur le droit criminel et la procédure en matière criminelle, a adopté un bon nombre de mesures législatives visant à étendre les droits linguistiques des accusés devant les tribunaux, dont les articles 530 et 530.1.
    Deuxièmement, il faut rappeler l'objet de l'article 530. Toujours selon l'ancien juge Bastarache, tel qu'il était alors, l'article 530 vise d'abord et avant tout à donner un accès égal aux tribunaux de juridiction criminelle aux accusés qui parlent l'une des deux langues officielles du Canada afin d'aider les minorités de langue officielle à préserver leur identité culturelle.
    Troisièmement, il faut noter que le droit de tout accusé de subir son procès dans la langue officielle de son choix n'est pas nouveau. En effet, ce droit a d'abord été reconnu dans la Loi sur les langues officielles de 1969. En 1978 et encore en 1988, le Parlement a jugé utile d'élargir la portée des droits linguistiques d'un accusé et de préciser les modalités précises découlant d'un procès criminel dans la langue minoritaire.
    Le 1er janvier 1990, les dispositions dont on parle, donc les articles 530 et 530.1 que vous avez devant vous, sont entrées en vigueur partout au pays. Toute personne accusée en matière criminelle peut donc, depuis cette date, choisir de subir son procès dans la langue officielle de son choix, où qu'elle se trouve au pays.
    Concrètement, cela veut donc dire que les différentes juridictions au pays doivent être en mesure de répondre à des demandes de procès en langue minoritaire et d'avoir l'infrastructure institutionnelle adéquate afin de fournir des services dans les deux langues officielles de façon égale.
    Quatrièmement, les modifications adoptées en 2008 n'avaient pas pour objet de modifier les articles 530 et 530.1 de façon substantielle. Le but premier des modifications de 2008 — et j'y reviendrai un peu plus loin — était de clarifier certaines dispositions, de codifier l'état actuel de la jurisprudence et de combler certaines lacunes qui avaient été notées par la jurisprudence et les études portant sur ces dispositions.
    Passons maintenant au contenu précis des articles 530 et 530.1. Quels sont les droits et obligations corollaires prévus à ces dispositions?
    Commençons par l'article 530. Il contient six paragraphes.
    Le premier paragraphe de l'article 530 prévoit qu'à la demande d'un accusé dont la langue est l'une des langues officielles du Canada, le juge doit rendre une ordonnance voulant que l'accusé subisse son procès devant un juge ou un juge et jury qui parlent la langue officielle qui est celle de l'accusé ou, si les circonstances le justifient, qui parlent les deux langues. Les délais dans lesquels l'accusé peut faire une telle demande sont énoncés dans ce premier paragraphe, et ces délais varient selon la nature de la procédure utilisée pour la poursuite de l'infraction.
    Le deuxième paragraphe de l'article 530 vise la situation où la langue de l'accusé n'est pas l'une des langues officielles du Canada. Dans ce cas, le juge peut rendre une ordonnance voulant que l'accusé subisse son procès devant un juge ou un juge et jury qui, de l'avis du juge, permettront à l'accusé de témoigner le plus facilement ou, encore une fois, si les circonstances le justifient, qui parlent les deux langues officielles.
    Le troisième paragraphe, tel qu'il a été modifié en 2008, impose au juge devant qui l'accusé comparaît pour la première fois l'obligation de veiller à ce que l'accusé soit avisé de son droit de subir un procès dans la langue officielle de son choix. Avant l'adoption du projet de loi C-13, seul un accusé qui n'était pas représenté par procureur avait le droit d'être avisé de ce droit. La modification de 2008 est donc venue imposer au juge l'obligation de veiller à ce que tous les accusés, qu'ils soient représentés ou non, soient avisés de leur droit de demander un procès dans la langue officielle de leur choix.
(1540)
    Le quatrième paragraphe de l'article 530 vise la situation d'un accusé qui n'aurait pas présenté sa demande pour un procès dans sa lange dans les délais prescrits.
    Le cinquième paragraphe vient permettre qu'une ordonnance prévoyant que l'accusé doit subir son procès devant une cour qui parle une des langues officielles puisse être modifiée pour que ce dernier soit jugé par un tribunal qui parle les deux langues officielles, et vice versa. Donc, un changement de l'ordonnance initiale est possible.
    Enfin, le sixième paragraphe de l'article 530, qui a été ajouté en 2008, prévoit que lorsque des coaccusés qui ne parlent pas la même langue officielle exercent chacun leurs droits respectifs d'être jugés par un juge qui parle leur langue officielle, mais qu'autrement ces coaccusés seraient jugés conjointement, ces circonstances peuvent justifier d'ordonner que le procès se déroule devant un juge qui parle les deux langues officielles.
    Avant de passer à l'article 530.1, permettez-moi de mentionner l'ajout, en 2008, du paragraphe 530.01(1).
    Cette nouvelle disposition prévoit que le poursuivant est tenu de faire traduire les portions spécifiques des dénonciations ou des actes d'accusation dans la langue officielle de l'accusé et de les lui remettre dans les meilleurs délais si l'accusé en fait la demande.
    Avant l'adoption du nouveau paragraphe 530.01(1), seules les parties préimprimées des formules figurant à la partie XXVIII du Code criminel étaient remises aux accusés dans les deux langues officielles. Les sections que remplit le dénonciateur étaient rédigées et fournies à l'accusé dans la langue de la personne ayant rempli la formule en question. Certains tribunaux avaient jugé inconcevable qu'un accusé ne jouisse pas du droit d'en obtenir la traduction, étant donné l'importance de ces documents. Ils avaient donc exigé qu'ils soient traduits sur demande. Certaines administrations avaient adopté des pratiques conformes à ces décisions. L'ajout d'une disposition à cet effet, au moyen du projet de loi C-13, a donc permis d'uniformiser ces pratiques et de mieux refléter l'état de la jurisprudence.
    Passons maintenant à l'article 530.1.
    L'article 530.1 énumère les droits spécifiques qui peuvent être exercés lorsqu'une ordonnance est prononcée en vertu de l'article 530. Voici ce qu'il prescrit.
    Premièrement, il prescrit que l'accusé, son avocat et les témoins ont le droit d'employer l'une ou l'autre langue officielle au cours de l'enquête préliminaire et du procès.
    Deuxièmement, il prescrit que l'accusé et son avocat peuvent utiliser l'une ou l'autre langue officielle dans les actes de procédure de l'enquête préliminaire et du procès.
    Troisièmement, il prescrit que les témoins ont le droit de témoigner dans l'une ou l'autre langue officielle au cours de l'enquête préliminaire ou du procès.
    Quatrièmement, il prescrit que l'accusé a droit à ce que le juge parle la même langue officielle que lui ou les deux langues officielles.
    Cinquièmement, il prescrit que l'accusé a droit à ce que le poursuivant, quand il ne s'agit pas d'un poursuivant privé, parle la même langue officielle que lui ou les deux langues officielles.
    Sixièmement, il prescrit que le tribunal est tenu d'offrir des services d'interprétation à l'accusé, à son avocat et aux témoins.
    Septièmement, il prescrit que le dossier de l'enquête préliminaire et celui du procès doivent comporter la totalité des débats dans la langue officielle originale et la transcription de l'interprétation, ainsi que toute la preuve documentaire dans la langue officielle de sa présentation à l'audience.
    Enfin, huitièmement, il prescrit que le tribunal est tenu d'assurer la disponibilité du jugement dans la langue officielle de l'accusé.
(1545)

[Traduction]

    Si vous me permettez je vais expliquer brièvement le contexte lié aux modifications de 2008.
    L'application des dispositions sur les droits linguistiques dans le Code criminel avait, de temps à autre, créé certains problèmes juridiques et pratiques, comme l'a démontré la jurisprudence qui s'est établie au fil des ans. Un certain nombre de rapports et d'études réalisés par divers intervenants avaient également confirmé la nécessité d'améliorer et d'éclaircir le libellé de certaines dispositions du code s'appliquant au procès.
    Plus particulièrement, en novembre 1995, le commissaire aux langues officielles a publié une étude intitulée « L'utilisation équitable du français et de l'anglais devant les tribunaux du Canada ». Cette étude formulait 13 recommandations pour renforcer et faire valoir les droits linguistiques devant les tribunaux et plus particulièrement devant les tribunaux criminels.
    La réponse du ministère à cette étude a été la préparation d'un document de travail et, en novembre 1996, un document préparé par la section du droit des langues officielles intitulé Vers une consolidation des droits linguistiques dans l'administration de la justice au Canada a été publié et largement diffusé. Ce document répondait aux recommandations du commissaire grâce à un nombre de propositions servant de point de départ pour des consultations publiques. Il a donc servi comme base à des consultations publiques qui ont eu lieu de novembre 1996 à avril 1998.
    En mai 1999, la Cour suprême du Canada a publié sa décision dans l'affaire Regina c. Beaulac, qui portait expressément sur les dispositions du Code criminel liées à la langue du procès. Dans l'arrêt Beaulac, la Cour suprême a confirmé qu'il y avait en fait des difficultés propres à l'application et à l'interprétation de ces dispositions. À la suite de la décision de la cour, les recommandations ont été réexaminées et considérablement modifiées pour refléter le nouvel état de la loi. Encore une fois, des consultations ont été menées sur le contenu des changements proposés et progressivement les mesures législatives se sont retrouvées dans un projet de loi, accompagnées d'autres modifications liées à la loi. Les modifications aux dispositions liées à la langue du procès de 2008, ont été par conséquent le fruit d'un long processus où sont intervenus bon nombre d'acteurs différents. Leur principal objectif constituait à proposer des solutions viables et équilibrées à un certain nombre de problèmes qui avaient été recensés et à faire en sorte d'appliquer efficacement les dispositions sur les droits linguistiques du Code criminel.

[Français]

    Je terminerai mon allocution en vous invitant à communiquer avec les provinces et territoires, les chefs de l'administration des tribunaux judiciaires, les chefs des poursuites pénales dans les provinces et toute autre entité impliquée directement dans la mise en oeuvre de ces dispositions. Ils vous fourniront sans doute des renseignements importants et utiles pour l'examen que vous êtes en train d'effectuer.
    Je cède maintenant la parole à Me Robert Doyle.

[Traduction]

    Monsieur Doyle, si vous pouvez faire votre exposé en 10 minutes ce serait parfait.

[Français]

    Ma présence aujourd'hui sert à vous décrire comment s'est déroulée, sur le terrain, la mise en oeuvre des dispositions sous étude.
    Je suis présentement chef du Secrétariat de la haute direction au Bureau du directeur des poursuite pénales. Ce poste comprend notamment les attributions de procureur fédéral et de secrétaire national du Comité fédéral-provincial-territorial des chefs des poursuites pénales.
    Avant décembre 2006, c'est-à-dire jusqu'au moment où notre service a été séparé du ministère de la Justice et érigé en organisme indépendant, j'étais conseillé spécial et j'occupais des fonctions à peu près équivalentes. Pendant les 10 années précédentes, soit de 1987 à 1998, j'étais avocat de la défense en Ontario, où j'avais une clientèle presque exclusivement constituée de clients francophones. Cela signifie que durant ces 10 années, j'étais à la cour presque tous les jours, avant et après l'entrée en vigueur des dispositions du Code criminel qui sont à l'étude aujourd'hui. J'ai oeuvré dans presque toutes les régions de la province, et ce, presque toujours en français, donc dans la langue minoritaire de cette province.
    Après avoir été procureur de la Couronne, je suis devenu secrétaire national du Comité fédéral-provincial-territorial des chefs des poursuites pénales. Ce comité regroupe les chefs des services de poursuites au Canada. Il faut préciser que les poursuites criminelles sont une juridiction partagée. Les infractions au Code criminel, telles que le meurtre, les infractions commises avec les facultés affaiblies, le vol, le viol et les agressions sexuelles, sont poursuivies par les provinces, tandis que les autres infractions fédérales sont poursuivies par le Service des poursuites pénales du Canada.
    Il s'agit d'un comité qui regroupe 12 personnes: le chef des poursuites de chaque province, le directeur des poursuites pénales du Canada et le directeur des poursuites militaires. Le comité se réunit deux fois par année pendant deux ou trois jours. Durant ces réunions, les dispositions ont fait l'objet d'études, à la lumière de problèmes qui surgissaient dans la pratique. Évidemment, certaines des observations du comité ont été reflétées dans les modifications de 2008.
    Voici donc quelques observations que cette expérience me permet d'offrir.
    Je vais commencer par parler de l'hésitation que les gens ressentent lorsqu'ils sont accusés.
(1550)

[Traduction]

    Une personne accusée d'un acte criminel est naturellement très anxieuse. Cette personne veut obtenir les résultats les plus favorables, ce qui représente pour elle un acquittement ou du moins un retrait de l'accusation ou l'abandon des procédures. Cette personne veut obtenir des résultats rapides et elle souhaite retenir les services des meilleurs avocats pour se tirer d'affaire.
    Voilà le premier obstacle auquel on fait face pour la mise en oeuvre de ces dispositions. Qu'un accusé d'une communauté linguistique en situation minoritaire soit au courant ou non de ses droits linguistiques aux termes de l'article 530, ces droits sont souvent mis de côté en raison de l'urgence d'éviter une condamnation. Si l'exercice de ces droits signifie ne pas obtenir l'aide d'un avocat des plus compétents parce que le meilleur ne parle pas la langue officielle de l'accusé, eh bien ce dernier n'invoquera pas ces droits. Si l'exercice de ces droits signifie qu'il faudra attendre plus longtemps pour la date du procès ou l'audience, il se peut là aussi que l'accusé ne les invoque pas, surtout, et ça se comprend, lorsqu'il s'agit d'être libéré sous caution. De la même manière, si l'accusé perçoit — et il a habituellement tort — que l'invocation de ces droits pourrait d'une façon ou d'une autre importuner ou fâcher le fonctionnaire judiciaire, l'accusé ne poussera pas pour faire valoir ces droits.
    Il y a aussi le processus d'arrestation en tant que tel. Lorsqu'on lit les droits au suspect et qu'on lui montre une liste d'avocats, il s'agit d'une situation n'étant pas techniquement visée par ces dispositions. Par conséquent, un accusé pourrait retenir les services d'un avocat unilingue avant même que le paragraphe 530(3) ne soit appliqué et que l'accusé ne soit informé par le tribunal de son droit d'avoir un procès dans sa langue.

[Français]

    Le deuxième problème est celui d'informer l'accusé des dispositions.
    Le paragraphe 530(3) prévoit que l'accusé doit être avisé de son droit à subir un procès dans sa langue et que c'est le juge de paix ou le juge de la cour provinciale qui doit l'informer de ce droit. Les modifications de 2008 ont cherché à préciser cette obligation, mais des difficultés persistent. L'exemple de l'Ontario sert à illustrer ce propos, car, à la lumière de ce que j'ai entendu à la table des chefs des poursuites et à la lumière des discussions que son sous-comité des langues officielles a menées, on peut conclure que l'Ontario est un microcosme du Canada. Je m'appuierai donc sur l'expérience de l'Ontario pour illustrer davantage la situation.
    Certaines régions de l'Ontario, comme d'autres régions du Canada d'ailleurs, sont majoritairement francophones. La cour doit aviser l'accusé qu'il a le droit de subir son procès dans sa langue officielle, or dans les faits, cet avis n'est pas donné. De toute façon, l'accusé se présente en cour et on passe continuellement d'une langue à l'autre. Notamment à Moncton, à L'Orignal, à Hawkesbury et à certains endroits dans le Nord de l'Ontario, les juges et les procureurs sont tous bilingues, de même qu'à peu près tous les avocats de la défense, à des degrés divers. On fixe alors une date de procès et c'est garanti que l'accusé va avoir son procès en anglais ou en français.
    D'autres régions sont majoritairement anglophones, mais ont une présence francophone importante. C'est le cas à Ottawa et à Sudbury, par exemple. Les juges de paix sont donc sensibilisés à la réalité locale et fournissent généralement l'avis.
    Cependant, d'autres régions sont presque exclusivement anglophones. C'est donc dire que les juges ne voient pas beaucoup de francophones défiler devant le tribunal. Cela peut arriver une ou deux fois par année, ou moins. Dans ces circonstances, les juges peuvent oublier de donner l'avis à un accusé francophone, surtout si ce dernier s'exprime de prime abord en anglais, et ce, avec une relative aisance.
    Il est difficile de prévoir, cependant, quelles seront les répercussions du phénomène grandissant des télécomparutions, qui est en train de prendre beaucoup d'ampleur. D'ailleurs, l'Alberta est à déployer un système global selon lequel les premières comparutions vont se faire à l'endroit où se trouve l'accusé, surtout s'il est détenu. Comme ce système sera centralisé, il sera plus facile de mettre en place un système où le juge de paix et le procureur pourront parler la langue du prévenu.
    Finalement, le troisième problème est celui d'informer la magistrature et le Barreau.
(1555)

[Traduction]

    Tous les juges connaissent les dispositions liées aux droits linguistiques dans le code. Dans les provinces comme l'Ontario et le Nouveau-Brunswick, il y a aussi des lois provinciales qui appuient ces droits en renforçant la connaissance des dispositions qui se trouvent dans la Loi sur les infractions provinciales ou dans la Loi sur les tribunaux judiciaires. Néanmoins, lorsque des accusés de communautés linguistiques en situation minoritaire comparaissent à intervalles irréguliers devant les tribunaux, ou lorsqu'ils sont représentés par un avocat ne parlant que la langue de la majorité, ou bien, ce qui se produit de plus en plus, lorsque les accusés n'ont pas d'avocats, mais qu'ils parlent la langue de la majorité avec aisance de sorte que le juge ne se rend pas compte de leur statut minoritaire, le juge peut ne pas se souvenir qu'il doit informer l'accusé de ses droits aux termes du paragraphe 530(3).
    Le service des poursuites pénales du Canada dans son guide de la politique, présente des dispositions exigeant de la part des procureurs — et les provinces de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick ont des dispositions semblables — que, si le tribunal l'oublie, les procureurs doivent rappeler au tribunal qu'il faut aviser l'accusé de ses droits d'avoir un procès dans la langue minoritaire.
    Le problème consistant à oublier de donner l'avis aux termes du paragraphe 530(3) a été signalé par le Ontario FLS Bench and Bar Advisory Committee dans un rapport de 2012, un rapport exhaustif rédigé par le juge de la Cour d'appel de l'Ontario Paul Rouleau et l'avocat de la défense Paul Le Vay. Ils ont tenu des audiences et fait de la recherche sur le sujet pendant près de deux ans. Ils mentionnent également ce problème. Par conséquent, en dépit des modifications de 2008, il existe toujours des situations où la langue minoritaire est essentiellement absente, à la fois en raison de l'absence de données de recensement et aussi parce qu'il y a moins de personnes de la communauté linguistique en situation minoritaire qui sont accusées de crime. Pour ces raisons, il semble que le paragraphe 530(3) passe entre les mailles du filet et que l'avis ne soit pas donné.
    Bien sûr, ce n'est pas entièrement de la faute des tribunaux parce que quelquefois un accusé — comme dans le cas de Mme Soublière ou de moi-même et de M. Francoeur comme vous le constaterez sous peu — ne parle pas l'anglais avec un accent français ou alors un très faible accent français, et par conséquent, il n'est pas évident que nous puissions avoir besoin de subir un procès en français.

[Français]

    Finalement, les délais afférents au procès demandé aux termes de la partie XVII dépendent de la réalité locale. Dans les régions à majorité francophone, il n'y a pas de délais quand on demande un procès en français. Dans les régions à majorité anglophone, mais avec une très forte présence francophone, comme à Ottawa et à Sudbury, il n'y a pas de délais additionnels non plus. Dans les régions majoritairement anglophones sans véritable présence francophone, des délais sont possibles, car il s'agit souvent de faire venir d'une région bilingue tous les acteurs, c'est-à-dire le juge, le procureur et le greffier, pour donner suite à la demande de tenir un procès en français. Ce problème peut être exacerbé si l'accusé demande un procès avec jury, parce qu'il y a évidemment certaines régions du Canada où le nombre de résidants francophones pouvant faire partie d'un jury est relativement faible.
    D'ailleurs, l'Association des juristes d'expression française de la Colombie-Britannique a mené, en 2006, une étude assez exhaustive qui examinait un peu ce qui se passait dans les autres provinces également. Cette étude a révélé l'ampleur des difficultés que peut causer la demande d'un procès avec jury en français dans certaines régions de cette province. Cette situation a été évoquée également par les chefs des poursuites pénales. Il y a deux ans, le sous-procureur général adjoint de la Colombie-Britannique mentionnait justement, à la table des chefs, que des gens commençaient à demander par exprès des procès devant jury en français, sachant que le système ne pourrait peut-être pas y répondre.
    L'adoption de la partie XVII a incité les administrations judiciaires à se placer en position de donner suite aux droits des justiciables. Toutes les provinces ont donc, à tous les paliers de tribunal, des juges qui parlent la langue de la minorité. C'est le cas de toutes les provinces sauf une, laquelle a pris des arrangements. Légalement, on est capable d'assurer partout la présence d'un procureur francophone. Toutes les provinces ont cette capacité, sauf l'Île-du-Prince-Édouard, qui a des arrangements avec le Nouveau-Brunswick et notre service pour que des procureurs bilingues lui soient fournis si une telle demande est faite.
    Je termine en disant que le Service des poursuites pénales du Canada va continuer d'oeuvrer avec les provinces pour s'assurer, du côté de la poursuite, que ces droits sont respectés dans le plein sens du mot.
    Je vous remercie de votre attention.
(1600)

[Traduction]

    Vous en êtes à 12 minutes et non pas 10.
    Monsieur Francoeur, vous avez 10 minutes. Il y aura une sonnerie d'appel à 16 h 25.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. Je m'appelle Michel Francoeur. Je suis directeur et avocat général du Bureau de la Francophonie, de la justice en langues officielles et du dualisme juridique. Je supervise également les avocats du ministère de la Justice responsables de la mise en oeuvre de la Loi sur les contraventions du fédéral.
    Avant d'aller plus loin, monsieur le président, je tiens à souligner que deux de mes collègues sont ici: Me Mathieu Langlois et Me Marie-Claude Gervais. Si jamais des questions m'étaient posées auxquelles je n'avais pas la réponse, avec votre permission, je pourrais les consulter. Sinon, nous pourrions vous fournir une réponse par écrit, selon les circonstances.
    Cela dit, ma présence aujourd'hui a pour objectif de vous brosser un tableau à grands traits des mesures administratives et financières qui ont été prises par le ministère de la Justice afin d'appuyer la mise en oeuvre des articles 530 et 530.1.
    D'entrée de jeu, il convient de souligner qu'en raison du partage des compétences constitutionnelles entre le fédéral et les provinces, l'action du fédéral dans la mise en oeuvre des dispositions linguistiques du Code criminel est limitée. Bien que le fédéral ait une compétence exclusive à l'égard des modifications apportées au Code criminel et à la procédure en cette matière, ce sont principalement les provinces qui ont compétence pour les poursuites sous le régime du Code criminel. De plus, les provinces sont responsables de la constitution et de l'organisation des tribunaux de juridiction criminelle.
    Cela signifie que dans le cas des dispositions faisant l'objet de votre étude, les provinces doivent s'assurer qu'elles ont les ressources institutionnelles et humaines nécessaires au sein de leur système de justice afin de permettre à l'accusé de subir son procès dans la langue officielle de son choix.
    Cela dit, dans le respect de ses compétences et dans les limites de ses moyens, le ministère de la Justice travaille avec ses partenaires provinciaux et territoriaux afin de les épauler dans leur mise en oeuvre des obligations linguistiques du Code criminel.
    Le ministère de la Justice appuie les provinces et territoires par l'entremise de deux initiatives: premièrement, l'Initiative d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles, et deuxièmement, le Fonds pour l'application de la Loi sur les contraventions. Dans le cas de l'Initiative d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles, celle-ci se décline en deux composantes: d'abord une composante financière, soit le Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles, et une composante non financière, c'est-à-dire les activités de collaboration et de consultation avec certains partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux.
    Je dirai quelques mots sur le Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles.
    Les objectifs qui ont mené à la création de ce fonds sont d'abord et avant tout l'amélioration de l'accès aux services de justice dans la langue minoritaire ainsi que la connaissance et la compréhension des droits linguistiques par les citoyens canadiens et la communauté juridique. C'est à cette fin que le ministère de la Justice a élaboré une composante de formation afin d'appuyer les intervenants du système de justice dans la prestation des services aux Canadiens dans la langue officielle de leur choix, plus particulièrement dans le domaine du droit criminel.
(1605)

[Traduction]

    Le volet formation du fonds est là pour aider les gens qui travaillent déjà dans le système de justice à développer et améliorer leurs compétences linguistiques. À ce jour, le fonds de soutien a financé le perfectionnement professionnel de divers intervenants du système juridique, comme les procureurs de la Couronne provinciaux, les greffiers des tribunaux provinciaux, les agents de probation et les membres de la magistrature, entre autres.

[Français]

    Permettez-moi d'illustrer mon propos par un exemple précis. La mise sur pied, en 2010, du Centre canadien de français juridique situé à Winnipeg découle directement du financement du Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles dans le domaine de la formation. La création de cet organisme a permis de consolider la capacité institutionnelle d'offrir un éventail plus large d'activités de formation aux divers intervenants des systèmes judiciaires.
     C'est ainsi que chaque province et chaque territoire peut trouver au sein de son appareil judiciaire des intervenants francophones ou francophiles prêts à entreprendre la formation linguistique spécialisée en terminologie juridique. Il s'agit de professionnels qui ont déjà une connaissance du français. Ainsi, par l'entremise du Centre canadien de français juridique, ces derniers acquièrent et maintiennent leurs connaissances et habiletés, et bâtissent la confiance nécessaire pour remplir leurs fonctions dans la langue officielle de l'accusé lorsque ce dernier fait une demande en vertu de l'article 530 et des suivants du Code criminel.
    De plus, il n'est pas exclu que le même genre d'activités de formation peut être offert aux intervenants anglophones et anglophiles du système judiciaire du Québec.
    J'aimerais glisser un mot sur le deuxième volet de l'Initiative d’appui à l’accès à la justice dans les deux langues officielles. L'initiative comporte aussi des activités de collaboration et de consultation qui permettent au ministère de travailler en étroite collaboration avec ses partenaires. Au sein de son Groupe de travail fédéral-provincial-territorial et de son Comité consultatif sur l'accès à la justice dans les deux langues officielles, le ministère offre des espaces d'échange et de collaboration afin de soulever, le cas échéant, les questions, les bonnes pratiques ou les enjeux et les défis touchant l'accès à la justice dans les deux langues officielles, y compris ceux portant sur les dispositions linguistiques du Code criminel.
    Je glisserai maintenant un mot au sujet du Fonds pour l'application de la Loi sur les contraventions. C'est aussi dans le contexte de cet objectif d'accès à la justice dans les deux langues officielles que s'inscrit en outre la mise en oeuvre du régime fédéral des contraventions dans les limites duquel le ministère doit également veiller au respect des dispositions linguistiques du Code criminel.
    Le régime des contraventions constitue une solution de rechange à la procédure sommaire prévue à la partie XXVII du Code criminel pour la poursuite des infractions fédérales dites réglementaires. Le régime fédéral des contraventions est mis en oeuvre par l'entremise des régimes pénaux provinciaux, lesquels sont incorporés par renvoi au sein du droit fédéral, ainsi qu'au moyen d'accords signés avec les provinces ou certaines municipalités.

[Traduction]

    Bien que le gouvernement fédéral a recours à divers régimes d'infraction provinciaux existants pour poursuivre des contraventions fédérales, il doit s'assurer que toutes les activités ou services juridiques et extrajuridiques ayant trait aux infractions fédérales respectent les droits linguistiques des Canadiens figurant à l'article 20 de la Charte, et dans les articles 530 et 530.1 du Code criminel ainsi que dans la partie 4 de la Loi sur les langues officielles.
    Le fonds de la Loi sur les contraventions, qui est un paiement de transfert, a été conçu précisément pour offrir du financement aux provinces ayant signé des accords avec le ministère de la Justice afin de s'assurer de la prise de mesures nécessaires pour garantir ces droits linguistiques aux personnes faisant l'objet de poursuites pour contravention aux textes législatifs fédéraux. Le fonds appuie toute une série de mesures qui habituellement comprennent l'embauche de personnel de tribunal judiciaire et extrajudiciaire bilingue, de la formation linguistique, des affiches et de la documentation bilingues ainsi que les coûts engagés par les provinces pour gérer ces mesures et en faire rapport au ministère de la Justice.
(1610)

[Français]

    Mesdames et messieurs, cela met fin à mon propos.
    Je vous remercie, monsieur le président. Ce sera pour moi un plaisir de répondre aux questions des membres de votre comité, sous réserve des limites exposées par Me Soublière au regard de nos mandats respectifs.
    Merci.

[Traduction]

    Merci pour ces excellentes exposés.
    Nous avons trois ou quatre intervenants. La première personne à poser des questions sera M. Mai, du Nouveau Parti démocratique.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je vais vous demander de vous en tenir à cinq minutes cette fois-ci.
    Bien sûr, monsieur le président.

[Français]

    Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui et de nous avoir vraiment bien informés sur l'application et l'interprétation de la loi.
    Monsieur Francoeur, sauf erreur, vous vous occupez de la vérification de l'application. Disposez-vous entre autres de statistiques et d'information concernant la pratique observée récemment dans les provinces quant à l'accessibilité dans les deux langues?
    Nous ne disposons pas de telles statistiques. À notre connaissance, peu de provinces compilent ce genre de statistiques. Cependant, dans la mesure où la mise en oeuvre est faite par les provinces, tant par les procureurs que par l'organisation et l'administration des tribunaux, si de telles statistiques existent, vous les retrouveriez chez nos collègues des provinces.
    D'accord.
    Parfois, on entend dire aussi sur le terrain que les criminalistes ont souvent de la difficulté. Entre autres, vous avez parlé des interprètes judiciaires.
    Quelles mesures ont vraiment été mises en place pour s'assurer que les interprètes judiciaires sont à la hauteur des attentes?
    À ma connaissance, cela ne relève pas de notre programme.
    Me Doyle pourrait peut-être vous fournir plus d'information à ce sujet.
    Effectivement, ce problème a récemment été soulevé, en 2012, devant le Comité fédéral-provincial-territorial des chefs des poursuites pénales. L'acuité de ce problème dépend de la région du Canada où l'on se trouve. En effet, dans certaines provinces telles que les Prairies, la Colombie-Britannique, l'Ontario ou les Maritimes, les régimes d'accréditation des interprètes pour ce qui est des deux langues officielles parviennent très bien à suffire à la demande. Le problème surgit davantage pour les autres langues, mais nous ne sommes pas ici pour parler de cela.
    Hélas, l'accréditation des interprètes n'est pas faite de façon centrale, selon les normes nationales. En règle générale, nous essayons de suivre le programme qui a été mis sur pied par le ministère du Procureur général de l'Ontario à la fin des années 1970 et qui visait à former et accréditer les interprètes et à maintenir leur accréditation dans les provinces où le français est minoritaire. D'ailleurs, peu de plaintes ont été formulées à l'égard de ce programme.
    Des plaintes et des questions ont-elles été soulevées, particulièrement en ce qui a trait à la transcription de propos prononcés en français par l'accusé?
    Les plaintes concernant la transcription ont commencé à surgir lorsque nous avons déployé des systèmes informatiques. Il n'y avait alors plus de sténographes dans la salle. Le greffier ne faisait qu'appuyer sur les boutons d'enregistrement, de pause et d'arrêt, ce qui faisait qu'on perdait parfois des bouts de la séance.
    Ces problèmes semblent toutefois s'estomper au fur et à mesure que la technologie s'améliore.
    Quand cela a-t-il changé?
    Chaque province a instauré un régime d'enregistrement automatique au fur et à mesure qu'elle construisait de nouveaux palais de justice. Ce déploiement s'est surtout amorcé au cours des années 1980 et 1990. Je participe parfois à des réunions de l'Association des administrateurs judiciaires du Canada, et selon ce que j'ai pu voir, cela ne semble pas être un problème aujourd'hui.
    Je reviens à M. Francoeur.
    Vous avez parlé du Fonds d’appui à l’accès à la justice dans les deux langues officielles. Les sommes allouées par ce fonds proviennent-elles du fédéral?
    Oui.
    Pouvez-vous nous parler de l'évolution de ce fonds au cours des dernières années? Cela a-t-il augmenté ou diminué? Est-ce suffisant?
    Vous voulez savoir si les sommes allouées ont augmenté?
    Oui. Ma question concerne les sommes du Fonds d’appui à l’accès à la justice dans les deux langues officielles, sommes qui proviennent du fédéral.
(1615)
    Vous parlez bien du fonds de l'Initiative d’appui à l’accès à la justice dans les deux langues officielles?
    Tout à fait.
    De 2008 à 2013, 40 millions de dollars ont été alloués. De 2013 à 2018, je crois qu'il s'agissait de 39 millions de dollars.
    C'était à peu près la même chose, mais il y avait quelques centaines de milliers de dollars en moins.
    Au cours des cinq prochaines années, 40 millions de dollars seront encore alloués. Cette somme sera répartie sur cinq ans. Ce n'est évidemment pas pour chaque année.
    Cela répond-il à votre question?
    Vous dites donc que 48 millions de dollars ont été alloués entre 2008 et 2013.
    Non, c'est un montant de 40 millions de dollars depuis 2008.
    Était-ce le même montant de 2003 à 2008?
    Précisément 21,2 millions de dollars ont été alloués de 2003 à 2008.
    Puis, en 2008, on a augmenté cette somme en injectant davantage d'argent dans la composante de la formation.
    Le montant alloué en 2003 par le premier Plan d'action pour les langues officielles, qu'on appelle maintenant la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne, était de 21 millions de dollars.
    Quelques années plus tard, ce montant a été bonifié et 19 millions de dollars supplémentaires ont été injectés, afin d'intégrer la composante de la formation en terminologie juridique destinée aux divers intervenants des systèmes judiciaires. Depuis l'ajout de 19 millions de dollars en 2008, la somme allouée est d'environ 40 millions de dollars.

[Traduction]

    Merci pour ces questions et réponses.
    Nous cédons maintenant la parole à M. Goguen, du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    L'article 533.1 du Code criminel nous mandate de faire un examen approfondi de cette partie.
    Madame Soublière, vous nous avez invités à communiquer avec les provinces. Selon moi, il nous est impossible de constater si cela fonctionne bien ou non sans parler aux provinces.
    Êtes-vous d'accord?
    Je suis tout à fait d'accord.
    Alors, puisque ce sont les provinces qui sont mandatées en matière d'administration de la justice, avez-vous des suggestions à nous faire quant à la meilleure méthodologie à adopter pour faire le constat auprès des provinces?
    Je vais peut-être laisser mon collègue Robert Doyle répondre à cette question.
    Je suis secrétaire du Comité fédéral-provincial-territorial des chefs des poursuites pénales. Je dirais que ce comité ainsi que l'Association des administrateurs judiciaires du Canada sont les deux organismes les plus susceptibles de vous diriger vers les personnes qui pourraient répondre à vos questions. En effet, ces deux organismes sont chargés de mettre en oeuvre ces dispositions.
    Ces organismes sont-ils disposés à coopérer avec nous?
    Oui.
    Je peux vous fournir la liste des chefs des poursuites pénales ainsi que des administrateurs judiciaires.
    Nous vous en serions reconnaissants.
    Merci.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Notre prochaine intervenante est Mme Murray du Parti libéral.
    Je vous souhaite la bienvenue. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup pour ces fascinants exposés.
    Est-ce que la prestation de services dans la langue principale de l'accusé pour les anglophones au Québec a été un problème semblable à celui des francophones dans d'autres provinces, ou s'agit-il plutôt d'un problème ayant été recensé essentiellement auprès des Canadiens francophones.
    Le droit qui est accordé à l'article 530 est le droit de l'accusé de subir un procès dans la langue officielle de son choix. Au Québec, si un anglophone désire obtenir un procès en anglais, il a le droit de demander de le subir dans cette langue.
    Est-ce que les défis et les obstacles sont les mêmes? Je ne suis pas certaine. Je pense que ça représente probablement un moins gros problème dans la province de Québec d'obtenir un procès en anglais; je vais laisser mon collègue Robert Doyle répondre de façon plus approfondie.
    Traditionnellement, cela ne pose pas problème. Toutefois, à la table des responsables de la poursuite, nous entendons dire que cela devient quelque peu problématique dans les régions éloignées. Ce n'est pas un problème à Québec, à Montréal ni manifestement dans l'Outaouais — c'est-à-dire dans les grands centres — mais dès qu'il s'agit de Saguenay ou d'endroits comme celui-là, cela peut devenir difficile. Encore une fois, cela n'a rien à voir avec l'ampleur de l'affaire Beaulac ou de tout autre cas de jurisprudence que nous avons vu pour des francophones ailleurs au Canada.
    Quelles mesures sont prises pour s'assurer qu'il y a suffisamment de juges capables d'offrir des services dans les deux langues? Avez-vous besoin d'attirer... surtout dans l'Ouest? Moi, je viens de la Colombie-Britannique. Y a-t-il une charge de travail supérieure pour les juges francophones s'ils sont moins nombreux, et que faites-vous pour assurer la disponibilité suffisante d'experts dans les deux langues?
(1620)
    Jusqu'à maintenant, on se fonde sur les données du recensement. On peut dire dans une certaine mesure qu'il y a un surplus de juges bilingues ou de procureurs de la Couronne bilingues actuellement. C'est en raison des questions que j'ai énoncées dans mon exposé relativement aux accusés qui ne choisissent pas nécessairement un procès dans leur langue.
    En fait, ça jamais été un enjeu, y compris en Colombie-Britannique. Il s'agit d'un enjeu pour les jurys, mais certainement pas pour les juges, et non plus pour les procureurs de la Couronne. J'avoue que la grève des procureurs de la Couronne a aidé beaucoup parce que l'Alberta et la Colombie-Britannique, en particulier, sont allées puiser au Québec et former leurs propres contingents.
    Me reste-t-il assez de temps pour poser une autre question?

[Français]

    Vous avez deux minutes, madame Murray.

[Traduction]

    Je viens de m'exprimer en français, soit dit en passant.
    Une voix: Heureusement que vous nous l'ayez dit, nous aurions pu ne pas le constater.

[Français]

    Quels critères déterminent si la formation d'un juge ou d'un expert est suffisante pour qu'on puisse offrir le service aux francophones? Quel est l'encadrement actuel à cet égard? Doivent-ils passer un test? Quel est le niveau requis? L'accusé peut-il dire

[Traduction]

    qu'il n'a pas été compris?

[Français]

    Je peux répondre.
    Pour ce qui est du Service des poursuites pénales du Canada, nos manuels des procédures ont des directives très claires qui précisent que les procureurs doivent être capables de comprendre la langue dans laquelle se déroule le procès lorsqu'il s'agit de la langue minoritaire.
    Cela n'est-il pas suggestif?
    Ce peut l'être jusqu'à un certain point, mais chaque procureur est obligé de se déclarer inapte si c'est le cas.
    Évidemment, dans notre processus d'embauche, comme c'est le cas ailleurs dans les services des provinces, nous nous assurons, au moyen de concours et d'entrevues, que les candidats sont en mesure de présider des procès en français.
    Le problème ne se pose pas au moment de l'embauche, mais davantage par la suite. Souvent, 18 mois peuvent passer sans que ces juges président un procès en français, puis tout à coup, il faut qu'ils le fassent. Par exemple, ce fut le cas en Colombie-Britannique. C'est là que le Fonds d’appui à l’accès à la justice dans les deux langues officielles est très utile, par l'entremise des programmes dont a parlé Me Francoeur, qui sont offerts à Winnipeg et à Toronto. Nous faisons appel à ces deux écoles pour former davantage nos procureurs qui ont besoin d'une mise à niveau en français parce que ça fait trop longtemps qu'ils n'ont pas présidé de procès dans cette langue.
    En outre, des services d'échange entre les provinces de même qu'entre les provinces et le fédéral permettent à des gens de faire des stages au Québec, par exemple, et d'y présider des procès en français pendant un mois. Ainsi, à leur retour dans leur province, ils sont en mesure de travailler avec aisance.

[Traduction]

    Merci beaucoup de ces questions et réponses.
    Les prochaines questions seront posées par M. Wilks, du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis curieux par rapport à l'article 20 de la Charte. Pour revenir un peu à ce que M. Goguen a dit, l'article 20 stipule que:
    
Le public a, au Canada, droit à l'emploi du français ou de l'anglais pour communiquer avec le siège ou l'administration centrale des institutions du Parlement ou du gouvernement du Canada ou pour en recevoir les services...
    Les tribunaux provinciaux dans les provinces de la Colombie-Britannique et de l'Alberta ne relèvent pas des institutions du Parlement, donc elles n'ont pas ce mandat. L'article 20 l'emporte-t-il sur le paragraphe 530(1)?
    En fait, nous parlons de deux différentes sphères d'activités. Vous avez absolument raison, l'article 20 de la Charte couvre les institutions fédérales. Nous avons de la jurisprudence. Certains accusés ont tenté de faire valoir cet argument. Je crois que c'est en Nouvelle-Écosse qu'un accusé a dit qu'il avait droit à un juge en vertu de l'article 20. La jurisprudence est très claire. L'article 20 ne s'applique pas. L'article 20 s'applique d'abord aux institutions fédérales et ne couvre pas l'aspect juridique. L'article 20 relève de l'aspect extrajuridique, administratif si vous préférez.
    La jurisprudence, en Nouvelle-Écosse, pour y revenir, a conclu que les tribunaux provinciaux ne sont pas des institutions fédérales visées par l'article 20 de la Charte.
(1625)
    J'ai une autre question.
    Il vous reste du temps.
    Je vous remercie.
    Pour ce qui est de l'interprétation, le Code criminel indique que l'interprétation sera fournie à l'enquête préliminaire et au procès. Faut-il aussi qu'il y ait interprétation pour que chaque accusé et témoin entendent l'interprétation en temps réel? Ce n'est pas ce que j'en comprends. On semble plutôt dire qu'il faut fournir les documents à l'avocat et au témoin et à l'accusé, mais pas de façon orale en temps réel.
    Si on examine les dispositions, il s'agit de l'alinéa 530.1f) « le tribunal est tenu d'offrir des services d'interprétation », etc. D'après ce que j'en comprends, si un procès se déroule en français et que l'accusé a demandé un procès en français, et qu'un témoin anglophone, qui a un droit en vertu de l'alinéa 530.1i) de témoigner dans sa langue officielle, c'est ce qu'il fera. L'accusé peut ensuite demander des services d'interprétation pour comprendre en direct la traduction de ce que le témoin dit, et le tribunal devra offrir ce service.
    D'accord.
    Il semble y avoir un petit conflit entre les alinéas f) et g).
    Eh bien, g) porte sur le procès-verbal d'instance. Alors, s'il y a traduction, elle doit faire partie du procès-verbal d'instance.
    D'accord. Je vous remercie.
    Je vous remercie de ces réponses.
    Monsieur Marston du NPD, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vais pousser plus loin une question soulevée par M. Mai plus tôt.
    Les données démographiques de notre pays commencent à changer. Je trouve ironique que, pendant les deux premiers siècles de l'histoire du Canada, les francophones ont exploré jusque dans la région de la Saskatchewan et du Manitoba. Les sables bitumineux font en sorte que les francophones se rendent maintenant encore plus à l'Ouest, ce qui entraîne une série de problèmes comme ceux dont on parle dans des régions qui, traditionnellement, n'avaient pas à composer avec ce genre de problème.
    Je vais revenir à la question de M. Mai sur les statistiques. Monsieur Doyle, vous avez parlé de certains des obstacles aux poursuites, à l'efficacité, et d'un certain nombre de raisons assez légitimes je présume, de la part de l'accusé...
    Monsieur Marston, je vais devoir vous interrompre. Je suis désolé.
    La sonnerie d'appel retentit. Elle retentira pendant une demi-heure. Le Règlement veut que nous obtenions le consentement unanime du comité pour continuer pendant ce temps. Il ne reste que M. Marston sur ma liste d'intervenants, à titre d'information.
    Nous pouvons finir par M. Marston en cinq minutes et lever la séance ou faire ce que vous voulez.
    Monsieur le président, pouvez-vous ajouter mon nom à la liste, s'il vous plaît?
    Nous avons maintenant deux intervenants, puisque M. Calkins a été ajouté à la liste.
    Je dois lever la séance à moins que quelqu'un ne propose qu'on poursuive nos travaux pendant la sonnerie d'appel.
    M. Mai en fait la proposition. Avons-nous le consentement unanime pour continuer pendant encore 15 minutes?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Très bien.
    Monsieur Marston.
    Vous êtes tous vraiment gentils.
    Ma préoccupation découle du fait que, lorsqu'on vous a posé des questions sur les statistiques, vous avez dit qu'il faudrait consulter les provinces pour les obtenir. Est-ce qu'il n'y a pas une lacune du fait que nous ne gardions pas nos propres statistiques? Ou la tâche est-elle à ce point exigeante que peut-être... Je me dis simplement que si nous voulons traiter des changements pouvant encore exister, il faudrait avoir des statistiques pour le prouver.
    Le problème, c'est que dans une fédération, personne ne compte de la même façon.
    Les procureurs diront qu'une cause vise une personne, peu importe le nombre d'accusations. La police pour ses propres raisons, dit qu'il y a un dossier pour chaque accusation. Les administrateurs des tribunaux se situent entre les deux, ou adoptent une des deux positions. Les procureurs sont assez unis à cet égard, mais nous nous réunissons régulièrement aux niveaux fédéral et provincial, et nous nous entendons.
    La police — municipale, provinciale ou la GRC à titre de police municipale dans les provinces avec lesquelles elle a une entente — a des perspectives différentes sur certaines choses et compte les choses différemment. Souvent, c'est une question de ressources. Parfois il est préférable pour eux d'avoir les données d'une façon plutôt que d'une autre. Les administrateurs des tribunaux travaillent de la même façon également.
    Il s'agit de quelque chose qui embrouille les données compilées par les organismes fédéraux. Ils se servent des chiffres fournis, mais ils ne sont pas fiables pour cette raison. La police peut dire qu'il y a 9 000 dossiers à Ottawa, mais la Couronne provinciale et fédérale dira qu'il n'y en a que 60 ou 600 ou un autre nombre.
(1630)
    Les chiffres ne sont peut-être pas fiables pour une autre raison, mentionnée dans les notes d'allocution de mon collègue. Au Nouveau-Brunswick, et peut-être dans certaines régions de l'Ontario, les procès se font dans la langue minoritaire sans une ordonnance officielle en vertu de l'article 530.
    C'est exactement là où je voulais en venir.
    Je suis né au Nouveau-Brunswick et j'y ai grandi. Je vois qu'il y a une exception, et il y a l'article 531 pour changer d'endroit.
    Oui.
    La question devient assez évidente. Pourquoi y aurait-il une exception au Nouveau-Brunswick?
    Les relations entre francophones et anglophones existent au Nouveau-Brunswick depuis longtemps, plus longtemps que dans certaines autres provinces. Pourquoi ne pas avoir un tribunal itinérant à la place? Surtout dans une province aussi petite que le Nouveau-Brunswick. Peut-être que cela se fait déjà. On le fait dans les régions du Nord, et il me semble que c'est une option qui vaut la peine d'être prise en considération.
    Je pense que cette pratique a été adoptée au Manitoba également. Mais l'exclusion du Nouveau-Brunswick à cette disposition a en fait été ajoutée par le Sénat lorsqu'il a étudié le projet de loi C-13 en 2008. Ça ne change pas le fond de la disposition. On reconnaît simplement, comme vous avez eu raison de le signaler, que les tribunaux du Nouveau-Brunswick sont institutionnellement bilingues, alors ils sont...
    Déjà habitués à cette pratique, peut-être.
    Exactement.
    Chaque district judiciaire au Nouveau-Brunswick compte des juges et des procureurs bilingues, aux niveaux fédéral et provincial, alors ce n'est pas un enjeu.
    Un changement d'endroit n'est jamais nécessaire.
    Ce ne devrait pas être nécessaire.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci, monsieur Marston.
    Le prochain intervenant est M. Calkins, du Parti conservateur.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins.
    Je suis député de l'Alberta. En 2007 ou 2008, un dénommé M. Caron a eu une contravention en Alberta. Bien qu'il ne s'agissait pas d'une infraction de compétence fédérale ou relevant d'une cour fédérale, l'affaire a abouti à la Cour suprême du Canada, il me semble.
    J'aimerais avoir des précisions. Il ne semble pas y avoir de correspondance entre ce qui se passe sur le terrain et ce qui est dit ici, à moins que je n'aie mal compris. Les reportages que j'ai vus dans les médias indiquent que son droit d'avoir son procès, ou peu importe, en français... Même si l'Alberta s'est déclarée province anglophone. Cela remonte, je crois, aux décisions prises en 1988 ou quelque chose du genre.
    J'aimerais avoir des précisions parce que je suis un peu confus. Le coût pour les contribuables albertains, pour tous les contribuables en fait, pour tenter de dédoubler deux systèmes juridiques en entier, nécessiterait que tous les agents d'application de la loi de première ligne soient bilingues dans une province où la grande majorité des gens ne sont pas bilingues. Je me demande quelles pourraient être les conséquences à long terme de ce qui semble être la voie prise par le système juridique, même au niveau provincial.
    Y a-t-il quelque chose que j'ai mal compris concernant les droits au bilinguisme fédéral tels qu'énoncés dans la Charte? Y a-t-il confusion avec l'application de la justice à l'échelle provinciale?
    Je vais commencer par le cas Caron. Cette cause s'est rendue en Cour suprême en raison des frais provisoires que M. Caron réclamait.
    Son procès a...
(1635)
    Je crois qu'il a obtenu 120 000 $ pour ses coûts.
    D'accord.
    Mais je crois que l'appel de M. Caron a été entendu devant la Cour d'appel de l'Alberta il y a seulement quelques semaines. Le tribunal n'a pas encore rendu son jugement, alors nous sommes en attente d'une décision.
    Nous attendons de savoir.
    Oui, exactement.
    Nous attendons de savoir si toutes les lois de l'Alberta seront déclarées invalides, car c'est ce que M. Caron fait valoir.
    Oh, cela pourrait être intéressant.
    Le procureur général du Canada ne participe pas à ces procédures.
    Les conséquences seraient d'une grande portée. Si c'est ce qui arrive en Alberta, on établirait un précédent de portée nationale.
    Je suis d'accord.
    J'imagine que nous allons devoir attendre et voir. C'est une cause intéressante, c'est certain. Lorsque cette question a été soulevée, j'ai pensé à tout le moins poser des questions à son sujet.
    Si vous ne pouvez donner plus d'information au comité, j'invite quiconque, qui le pourrait, à faire des commentaires sur les conséquences, dans le cas où M. Caron obtiendrait gain de cause.
    Pour ce qui est des ressources des tribunaux, je ne crois pas qu'il y aurait une grande différence. L'Alberta compte déjà davantage de juges et de procureurs bilingues qu'elle en a besoin, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial. C'est pourquoi ils doivent continuellement retourner suivre de la formation en français. Il n'y a pas assez de procès dans cette langue, et leurs compétences en français se perdent parce qu'ils travaillent en anglais...
    Presque exclusivement.
    Oui, presque exclusivement.
    Alors tout dépend de la demande, si elle touche les mesures législatives... ou quelque chose du genre. Je ne peux pas vraiment me prononcer car ce ne serait que des suppositions. Mais pour ce qui est des ressources sur le terrain, je ne crois pas qu'il y aurait une grande différence.
    Y a-t-il d'autres observations?
    Les conséquences se feraient clairement sentir sur le législateur provincial.
    Si M. Caron obtient gain de cause, vous avez absolument raison. Nous nous retrouverions dans une situation semblable à celle qui a suivi la décision R. c. Mercure de la Cour suprême du Canada en 1988. Toutes les lois de l'Alberta seraient déclarées invalides. En 1998, la Cour suprême a donné à la province un délai et a invoqué la primauté du droit pour maintenir les lois en vigueur pendant la traduction de celles-ci.
    Qu'arriverait-il si la rétroactivité était appliquée à la décision et que toutes les lois de l'Alberta depuis 1905 devenaient invalides? Ce serait tout un problème.
    J'aimerais signaler que le procès de M. Caron ne découlait pas de dispositions au Code criminel. Alors nous n'étions pas...
    Non. Je comprends. Il s'agissait d'une contravention pour infraction au code de la route.
    Exactement. Il s'agissait d'une contravention pour infraction au code de la route.
    Merci.
    Les cinq minutes sont terminées. Merci beaucoup.
    J'aimerais signaler au comité que mercredi matin nous tiendrons une séance du sous-comité dans notre créneau habituel. Il ne s'agit pas d'un comité plénier, mais du sous-comité.
    Pourquoi un sous-comité, monsieur le président?
    Il s'agit d'excellentes nouvelles, monsieur le président.
    D'accord, voilà.
    Je suis d'accord avec vous, ce sont d'excellentes nouvelles.
    Voilà ce qui se passe.
    Monsieur Mai, vous avez quelques minutes, puis nous lèverons la séance.

[Français]

    Maître Soublière, vous avez parlé de l'affaire Beaulac jugée en Cour suprême. Certains critères ont alors été établis. Pouvez-vous nous en parler et nous indiquer s'ils ont été bien appliqués depuis?
    En fait, l’arrêt dans la cause Beaulac portait précisément sur le paragraphe 530(4) du Code criminel. M. Beaulac avait présenté sa demande hors des délais prescrits par le Code criminel. Il revenait alors au juge de décider si les intérêts de la justice dictaient qu'il ordonne un procès en français pour M. Beaulac. Toutes les demandes de M. Beaulac avaient été refusées, surtout parce que la cour estimait que sa connaissance de l'anglais était très bonne.
    Dans ce cas-ci, la Cour suprême a statué que la connaissance qu'a un accusé de l'autre langue officielle n'est pas du tout pertinente, parce que les articles 530 et 530.1 du Code criminel ne visent pas le respect des principes de justice fondamentale, mais plutôt les droits linguistiques, qui ont une origine et un rôle très différents. On parle donc de deux choses différentes. D'une part, on parle de droits linguistiques, et de l'autre, des principes de justice fondamentale.
    Vous avez donc raison. La Cour suprême a établi des critères qui s'appliquent lorsqu'une demande est présentée hors des délais impartis. Elle a notamment indiqué que la connaissance qu'a un accusé de l'autre langue officielle de même que les inconvénients administratifs n'étaient pas pertinents. En d'autres mots, la disponibilité d'un juge ou de sténographes judiciaires ne devrait pas peser dans la balance.
(1640)
     Ma question s'adresse à MM. Francoeur et Doyle.
    En pratique, les provinces respectent-elles bien ces critères?
    Robert pourra compléter ma réponse, mais je pense que depuis les propos tenus par la Cour suprême dans l’affaire Beaulac, les provinces et territoires ont pris des mesures afin de répondre à des demandes de procès en langue minoritaire.
    Je n'ai rien à ajouter.
    On se souviendra que toute une controverse a été soulevée lorsqu'on a nommé un juge unilingue à la Cour suprême.
    Vous dites que dans la pratique, le fait d'être bilingue et de pouvoir procéder dans une langue ou l'autre ne pose pas problème pour les juges. Selon vous, il ne manque pas de juges en mesure d'écouter les causes dans les deux langues.
    Non. En fait, il existe un sous-emploi des juges disponibles. C'est la même chose pour les services des poursuites et les procureurs de la Couronne.
    Et ces juges sont assez compétents pour être nommés juges à la Cour suprême.
    Oui. L'Association canadienne des juges de cours provinciales ainsi que l'Institut national de la magistrature donnent de la formation. De plus, les comités de sélection dans les provinces et le comité pour la sélection de la magistrature fédérale doivent respecter des critères très précis et très rigoureux. Quand on annonce un poste de juge, on précise s'il est bilingue ou non. Si oui, les candidats doivent répondre à des critères très rigoureux et très précis.
    Avez-vous des commentaires?

[Traduction]

    Merci beaucoup. Je remercie nos invités d'être revenus.
    Nous allons probablement poursuivre cette étude à l'automne, alors il est possible qu'on vous rappelle.
    Je vais lever la séance. Nous ne reviendrons pas après les votes, parce que lorsque les votes seront terminés, il restera moins de 15 minutes.
    Sur ce, nous levons la séance. Merci beaucoup.
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