Il s’agit de la 22e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément à l’ordre de renvoi du jeudi 15 décembre 2011, nous étudions le projet de loi .
Nous entendrons trois groupes ce matin.
Je précise d’entrée de jeu, pour que tout le monde comprenne les règles du comité — qui ne sont pas celles du président — qu’il y a une déclaration d’ouverture de 10 minutes, au maximum, par groupe. Je vous indiquerai quand il vous restera une minute. Dans les tours de questions et réponses, les membres ont cinq minutes. Si je vous coupe la parole, ce n’est pas par mesquinerie, mais pour maintenir l’équilibre entre tous les membres du comité.
Messieurs Battista et Dufour, si vous avez une déclaration, allez-y. Merci.
Je suis accompagnée de Me Giuseppe Battista, qui est président du Comité en droit criminel du Barreau du Québec. Ce comité est composé, à parts égales, de membres qui émanent de la défense et de membres qui émanent de la Couronne, ainsi que de quelques professeurs d'université.
À la lecture du projet de loi , nous constatons que celui-ci reprend, en grande partie, le contenu de l'ancien projet de loi , qui portait le même titre, ainsi que des anciens projets de loi et , qui traitaient des mêmes sujets et qui ont fait l'objet de commentaires de la part du Barreau du Québec antérieurement.
Nous constatons que certaines expressions dans la version française du projet de loi ne sont pas conformes à la version anglaise et devraient être corrigées. Les mots « unlawfully» ou « lawfully » dans la version anglaise sont traduits par des expressions utilisant le mot « légitime », ce qui, à notre avis, ne traduit pas nécessairement l'objet visé par la version anglaise. À titre d'exemple, le paragraphe 34(3) proposé par le projet de loi fait référence à l'expression « agir de façon légitime ». Nous soutenons que les termes « autorisée par la loi » seraient plus justes que le mot « légitime ».
Le Barreau du Québec tient à féliciter l'effort de simplification des dispositions législatives portant sur la légitime défense qui ont fait l'objet de critiques de la part des tribunaux et de ceux qui veillent à leur application. À notre avis, ces amendements ne modifient pas la jurisprudence actuelle puisque les dispositions proposées visent le comportement et l'action de la personne qui emploie la force, et non le résultat, pour décider si l'emploi de la force est, dans les circonstances, raisonnable et légitime.
Toutefois, nous estimons que le choix de légiférer par la négative n'est pas opportun dans les circonstances. Nous soumettons qu'il serait préférable d'utiliser une formulation affirmative qui mentionnerait le droit de repousser la force ou la menace de l'emploi de la force par l'usage de la force.
Le projet de loi reprend les éléments du projet de loi qui prévoyait que l'arrestation dans un délai raisonnable, après la perpétration d'une infraction, était possible si l'on avait des motifs raisonnables de croire que l'arrestation par un agent de la paix n'était pas possible dans les circonstances. Le Barreau du Québec estime que les modifications proposées sont potentiellement dangereuses sur le plan de la sécurité des individus impliqués dans l'exercice d'un tel pouvoir et des personnes qui y seraient assujetties.
De plus, le fait que l'arrestation par un citoyen doive se produire dans un délai raisonnable de la commission de l'infraction alléguée recèle un potentiel d'abus de pouvoir. En effet, toute arrestation comprend des éléments d'imprévisibilité qui découlent de l'usage de la force requise pour procéder à une arrestation, aussi paisible soit-elle. Par définition, l'arrestation implique l'usage de la force. La personne qui procède à une arrestation doit physiquement contrôler la personne, limiter ses mouvements, et, si nécessaire, peut faire usage d'une force raisonnable pour contraindre la personne à se soumettre à son autorité. Lorsque les policiers procèdent à une arrestation, ils sont identifiés par leur uniforme, ou autrement. Les personnes visées par une arrestation policière savent que les policiers ont le droit de procéder à des arrestations, même s'ils estiment que les policiers sont dans l'erreur dans leur cas, et les policiers sont tenus d'informer les personnes arrêtées des motifs de l'arrestation et de leurs droits. Les policiers sont formés pour procéder à des arrestations, or malgré leur formation et leur compétence, il arrive parfois que des arrestations tournent mal, même lorsque les personnes interpellées ne sont pas criminelles. Le citoyen ne dispose pas de la formation et des ressources dont disposent les forces policières. Le pouvoir d'arrestation est un pouvoir important qui doit s'exercer de manière conforme à la loi, dans le respect des droits de la personne visée par l'arrestation.
Le pouvoir d'arrestation accordé aux individus doit être exceptionnel et strictement encadré. Nous sommes d'avis que la référence à l'expression « délai raisonnable » qu'on propose d'ajouter au paragraphe 494(2) du Code criminel est problématique eu égard aux risques associés à l'arrestation par un citoyen.
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Bonjour. Je suis ici au nom de la Criminal Lawyers’ Association. Nous avons déjà comparu devant vous.
Nous sommes une organisation sans but lucratif fondée le 1er novembre 1971. L’association compte environ 1 000 avocats de la défense, dont un grand nombre qui exercent leur profession dans la province de l’Ontario, mais nous avons des représentants de toutes les régions du Canada.
L’association a été autorisée à participer à de nombreux appels en matière criminelle ainsi qu’à d’autres procédures judiciaires. C’est un privilège et un plaisir de pouvoir témoigner devant le comité à propos de cet important projet de loi.
Le projet de loi est très important pour tous les Canadiens, puisqu’il porte sur les droits fondamentaux de se défendre et de défendre ses biens contre une attaque illégitime. La Criminal Lawyers’ Association croit que, peu importe leur appartenance politique ou leur rôle dans le système de justice, les procureurs de la Couronne, les avocats de la défense, les juges, ou la police conviennent tous que personne ne devrait être tenu criminellement responsable en cas de légitime défense contre une agression.
La position de la Criminal Lawyers’ Association est que le projet de loi , en particulier les articles 34 et 35 portant sur la légitime défense, a un but louable.
Un nombre incalculable de tribunaux, de juristes et de plaideurs ont constaté avec consternation la complexité inutile et la confusion des dispositions actuelles en matière de légitime défense. Le projet de loi tente de dissiper ces critiques. Mais le projet de loi, tel que rédigé, présente quelques difficultés, selon nous. Je tenterai de formuler des critiques constructives, tout en soutenant que le projet de loi répond aux critiques exprimées depuis plusieurs années.
Il y a trois points essentiels. Le premier porte sur ce que j’appelle la « force mortelle ». Dans sa forme actuelle, l’alinéa 34(2)b) indique clairement qu’une partie innocente qui n’a pas provoqué l’attaque est justifiée de causer la mort ou une lésion corporelle grave si elle a des motifs raisonnables d’appréhender la mort ou des lésions corporelles graves et si elle croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle ne peut pas autrement se soustraire à la mort ou à des lésions corporelles graves. Les modifications proposées créent simplement un critère de raisonnabilité, et je soutiens que cela ne pose pas de problème pour de nombreux usages de la force.
Le paragraphe 34(2) proposé inclut la nature de la force ou de la menace parmi les facteurs dont on peut notamment tenir compte. Le paragraphe 34(2) proposé prévoit aussi que d’« autres » moyens peuvent être un facteur dans ces scénarios. Cela pourrait permettre d’introduire des notions de retraite ou de fuite possible, surtout quand on est chez soi à la maison.
La Criminal Lawyers’ Association recommande qu’il y ait une disposition claire précisant que la force mortelle est proportionnée lorsqu’elle est utilisée pour repousser l’emploi de la force ou une menace d’emploi de la force capable de causer la mort ou des lésions corporelles graves. Nous le recommandons parce que nous croyons que, sans cette précision, les actes des parties innocentes seront passés à la loupe avec du recul, sans tenir compte du stress qui existe dans un scénario de légitime défense. Par exemple, si vous êtes à la maison, que toute la famille dort dans sa chambre, et que quelqu’un entre par effraction et vous menace avec une arme, vous devriez pouvoir vous défendre en employant la force mortelle si nécessaire. Vous ne devriez pas avoir à expliquer pourquoi vous n’avez pas utilisé d’autres moyens de vous en sortir.
Le deuxième problème est la liste énoncée au paragraphe 34(2) proposé. La Criminal Lawyers’ Association est d’accord avec l’Association du Barreau canadien que le paragraphe 34(2) proposé pourrait servir, de façon non intentionnelle, de liste de contrôle, surtout lorsqu’un juge applique ces critères. Nous reconnaissons que le paragraphe proposé affirme clairement qu’il peut y avoir d’autres facteurs et que la liste n’est pas exhaustive. Nous en convenons.
Cela dit, la préoccupation est de nature pratique. Parce que nos membres plaident concrètement devant les tribunaux, la Criminal Lawyers’ Association peut affirmer que, surtout dans un procès devant jury, la liste des facteurs est celle qui sera remise au jury et dont le jury tiendra compte dans ses délibérations. Nous craignons que, si un autre facteur n’a pas été jugé assez important pour figurer sur la liste des grands facteurs à prendre en considération, cela puisse nuire au droit de la légitime défense.
Nous estimons que la liste n’est tout simplement pas nécessaire, qu’elle omet de nombreux facteurs qui pourraient être pertinents, et que tous les facteurs indiqués sont simplement des exemples de proportionnalité ou de nécessité.
Mon troisième point porte sur le paragraphe 34.(3).
Dans la common law actuelle, on est justifié d’employer la force pour repousser une arrestation illégales. La modification, telle que présentée dans le paragraphe 34.(3) proposé, crée une conviction subjective et risque d’obliger la personne qui a résisté à une arrestation illégale ou à une fouille illégale à prouver qu’elle croyait subjectivement et raisonnablement que l’autre personne agissait illégalement.
Là aussi, nous sommes d’accord avec l’Association du Barreau canadien que le paragraphe 34.(3) n’est tout simplement pas nécessaire. Il est très clair que la légitime défense ne s’applique pas pour résister à une arrestation légale, que la disposition fait double emploi et qu’elle pourrait, par accident, obliger un accusé à prouver sa conviction subjective lorsqu’il s’est défendu contre une arrestation et/ou une fouille illégale.
Merci.
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Bonjour, monsieur le président et bonjour aux membres du comité. Merci de m’avoir invitée ici aujourd’hui.
Je m’appelle Chi-Kun Shi et je suis avocate.
Je consacre presque tout mon temps à des poursuites civiles, bien loin des cours criminelles. Mais en 2009, quand j’ai appris ce qui était arrivé à David Chen et les accusations graves portées contre lui, j’ai estimé que son cas soulevait des questions touchant non seulement à la sécurité publique, mais aussi aux valeurs canadiennes fondamentales. J’ai participé au débat public.
Dans ce processus, j’ai eu l’occasion de parler à de nombreux commerçants. J’ai étudié les rôles pertinents des trois niveaux de gouvernement dans le domaine; discuté des enjeux à maintes reprises dans des émissions-débats à la radio et à la télévision, en anglais et en chinois; et j’ai donné de nombreuses entrevues à des journalistes de tous les types de média, y compris des émissions internationales, nationales et souscrites, ainsi qu’à des journaux estudiantins locaux.
Ces discussions m’ont appris que les Canadiens considèrent le droit d’arrêter les citoyens inextricablement lié à la relation fondamentale entre les Canadiens et notre gouvernement.
La modification proposée au paragraphe 494(2) du Code criminel, qui se trouve devant le comité aujourd’hui — autrement dit, l’article 3 du projet de loi — constitue donc une mesure visant à recalibrer cette relation et à redéfinir le rôle du gouvernement dans la vie des Canadiens. Elle a des conséquences fondamentales.
La modification proposée supprime la restriction actuelle inapplicable, qui limite les arrestations par des citoyens aux situations très étroites où les criminels sont en train de commettre le délit.
Dans le cas de David Chen, la police s’est fondée sur la restriction actuelle pour refuser à David le recours à la défense de l’arrestation par des citoyens et a ainsi transformé les éléments essentiels d’une arrestation, quelle qu’elle soit, en de graves accusations d’enlèvement et de séquestration. Ces accusations ont été portées contre lui parce qu’il avait arrêté le voleur à l’étalage une heure après le vol.
La modification proposée et que doit examiner le comité éliminera ce scénario. Elle permettra aux commerçants de faire une arrestation dans un délai raisonnable. Mais elle impose d’autres conditions, dont une qui, à mon humble avis, ne correspond peut-être pas à la réalité dans une épicerie.
La modification proposée prévoit que le citoyen qui effectue l’arrestation doit d’abord trouver le criminel en train de commettre l’infraction, même si l’arrestation peut s’effectuer dans un délai raisonnable par la suite.
Dans la pratique, les commerçants comptent sur la surveillance vidéo pour déterminer, souvent après coup, qu’il y a eu un vol. Vu qu’un grand nombre des voleurs à l’étalage sont des récidivistes, les commerçants ou leurs agents peuvent recevoir de l’information sur le vol les uns des autres, puisqu’ils sont souvent capables d’identifier ces criminels avec certitude.
À proprement parler, l’information de cette nature ne suffit peut-être pas pour permettre une arrestation légale par des citoyens en vertu de la modification proposée, puisqu’il faut que la personne qui effectue l’arrestation trouve le criminel en train de commettre l’infraction. Étant donné que la conséquence d’une arrestation des citoyens illégale est très grave, il faut se demander si la modification devrait être conçue de manière à donner aux commerçants plus de latitude entre, d’une part, effectuer une arrestation citoyenne légale et en bonne et due forme, et d’autre part, devenir tout à coup un ravisseur présumé.
En vertu du Code criminel, malgré la modification proposée, les risques sont très élevés pour les commerçants qui exerceront leur droit d’effectuer une arrestation par des citoyens. Par contre, les avantages sont très limités.
Comme le démontre le cas de David, le Code criminel, tel qu’il est appliqué, impose des peines beaucoup plus sévères pour une arrestation par des citoyens illégale que pour un vol à l’étalage. Si l’on croit que la loi encourage certains comportements et en décourage d’autres, on peut soutenir que la vision du gouvernement réalisée par notre Code criminel au sujet du vol à l’étalage est celle de l’assentiment.
Par contre, la vision qu’a le gouvernement des droits des citoyens de protéger leurs propres biens se caractérise par une extrême prudence.
Durant de nombreux débats au sujet de la réaction que David et d’autres commerçants devraient avoir en cas de vol à l’étalage, les opposants au droit des citoyens d’effectuer des arrestations soutenaient que les commerçants devraient appeler la police et attendre tout simplement.
Comme nous l’avons tous appris par des données empiriques et par d’autres indices, et comme la police l’admet elle-même, la police ne possède pas assez de ressources pour confronter le problème des crimes contre les biens. Alors ce que disent en réalité ces opposants aux commerçants, c’est simplement de se croiser les bras. Les commerçants qui essaient d’intervenir pour protéger leurs biens prennent la loi entre leurs mains ou se font justice eux-mêmes.
À mon avis, tant qu’il n’y a pas eu d’arrestation par un citoyen, la loi était dans les mains du voleur à l’étalage. Ce qu’ont exprimé les opposants, c’est le point de vue que l’activisme citoyen est synonyme d’anarchie. Dans une certaine mesure, le traitement sévère des commerçants prévu dans le Code criminel reflète ce point de vue. Même les modifications proposées, motivées par la reconnaissance des droits fondamentaux des commerçants de défendre le fruit de leur dur labeur, imposent des conditions qui, à mon avis, reflètent le malaise du gouvernement à l’idée de faire confiance aux Canadiens pour qu’ils participent à la sécurité de leurs communautés.
Le débat entourant l’arrestation par des citoyens donne l’occasion de réexaminer le rôle que tous les Canadiens devraient jouer dans leur entourage et leur communauté. En chinois, le mot « démocratie » est formé par deux caractères qui signifient « citoyen » et « décider »: la « démocratie » signifie les « citoyens décident ».
Les modifications proposées sont un pas en avant pour donner aux Canadiens plus de chances de décider et d’orienter leur vie. Le gouvernement jugera peut-être bon un jour de modifier à nouveau le Code criminel et de faire confiance aux Canadiens en leur donnant le droit de se défendre eux-mêmes, lorsqu’il y a des motifs raisonnables de le faire, sans imposer des restrictions qui, comme dans le cas de David, transforment les Canadiens qui défendent leurs biens en de graves criminels et transforment des criminels de profession en témoins vedettes de la Couronne.
Je me souviendrai toujours du commerçant qui m’a raconté qu’après avoir arrêté un voleur à l’étalage et attendu l’arrivée de la police, il avait plus peur que le voleur de ce que ferait la police. Ce n’est pas normal. La modification proposée est un bon point de départ pour corriger la situation.
Merci de votre attention.
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Bonjour. Merci de m’avoir invité aujourd’hui.
Je m’appelle David Chen. Je suis propriétaire du Lucky Moose Food Mart.
Presque tous les jours, je me fais voler dans mon magasin. Appeler la police ne les arrête pas. Ils ont fui avant que la police arrive. Parfois, la police n’a pas le temps de venir.
Il y a deux ans et demi, quand j’ai tenté d’arrêter un voleur à l’étalage récidiviste, on m’a dit que j’avais eu tort. On m’a dit que j’avais eu tort de lui courir après, mais il avait enfui quand je lui avais demandé de payer ce qu’il avait pris. On m’a dit que j’avais eu tort de le ligoter, mais il me frappait et il frappait mes employés. On m’a dit que j’avais eu tort de l’enfermer dans ma fourgonnette, mais il nous donnait des coups de pied. On m’a dit que j’étais peut-être un plus grand criminel que le voleur. On m’a dit que j’étais plus dangereux que le voleur. J’ai passé une nuit en prison. Ma femme n’a pas été autorisée à me voir.
J’ai eu beaucoup de chance que tant de Canadiens m’appuient. La communauté a collecté des fonds pour payer mes avocats. Mes avocats ont travaillé fort et la cour m’a libéré.
Mais malgré toute cette chance, ma famille a encore des problèmes avec le système. Nous avons dépensé du temps et de l’argent. Nous avons craint que j’aille en prison, parce que je ne veux pas qu’on me vole.
Je sais que bien des gens s’inquiètent des voleurs à l’étalage et que des commerçants se battent dans la rue. Je veux leur dire que nous, les commerçants, ne voulons pas nous battre; nous voulons seulement gagner notre vie et celle de notre famille. Quand nous n’avons pas le choix, nous voulons pouvoir nous défendre et défendre ce pour quoi nous travaillons tellement fort. Quand nous le faisons, il faut que le gouvernement soit de notre côté.
Je suis simplement l’un des nombreux commerçants victimes d’actes criminels. Je veux que vous sachiez que le projet de loi est important pour nous. Il signifie que le gouvernement nous écoute et comprend que nous sommes les victimes.
Continuez, s’il vous plaît, de penser à nous quand vous faites les lois.
Merci de me donner la parole aujourd’hui.
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Je trouve toujours intéressant qu’on craigne tellement que les commerçants aspirent à devenir des Rambo, comme vous les appelez. J’ai rencontré beaucoup d’entre eux et ils ne sont pas du tout des Rambo. Ce sont des gens qui travaillent très dur, qui travaillent à des heures impossibles pour nous offrir des produits de base. S’il y a quelqu’un à craindre, ce serait davantage les gens qui font la queue pour acheter le dernier iPod d’Apple. Ils sont plus enclins à devenir violents que ces commerçants.
L’autre façon de voir les choses est que l’idée que les commerçants deviennent violents découle de l’approche paternaliste du gouvernement dans sa façon de gouverner. Comme on peut le constater dans le cas de David Chen, le résultat est plutôt l’inverse. Le système de justice ne renforce pas la confiance des gens dans la primauté du droit.
Que les commerçants se prennent pour Rambo est une peur provoquée par le malaise à l’idée que des citoyens plus activistes pourraient être des partenaires de la sécurité publique au lieu de compter uniquement sur le gouvernement. J’estime que ce serait en réalité très sain que la culture change au Canada et que les Canadiens se considèrent eux-mêmes comme des participants plus actifs et, en fait, comme les propriétaires de leur propre communauté, responsables de sa sécurité. La police ne peut pas y arriver seule. Nous l’avons tous vu. Comment la police peut-elle arriver à temps pour arrêter un voleur à l’étalage ? Ce n’est pas possible, à moins qu’il y ait un policier dans chaque commerce, et cela n’est pas possible non plus.
Au risque de véhiculer des clichés, je tiens à souligner que la plupart des commerçants sont de nouveaux immigrants. Ils travaillent tellement fort. Ils nous permettent d’acheter un litre de lait à minuit, ils permettent à nos enfants de s’acheter des bonbons en sortant de l’école et à nos parents d’acheter le journal en fin de semaine. À vrai dire, ils ont besoin de notre appui inconditionnel.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie également les témoins de leur présence.
[Traduction]
À Mme Shi et à M. Chen, je dis xie xie, merci beaucoup d’être venus ici. Nous sommes toujours heureux d’accueillir des Canadiens qui ne représentent aucun groupe, mais qui veulent simplement rendre nos lois meilleures.
Et je ne vous oublie pas, vous non plus, monsieur Abergel. Merci à vous aussi.
[Français]
J'ai des questions pour Mme Dufour, que je vais devoir poser en anglais, car mon français n'est pas très bon.
[Traduction]
J’ai des questions concernant la partie de votre mémoire qui porte sur l’arrestation par des citoyens, et en particulier les passages de votre lettre antérieure, qui se trouvent à la page quatre et dont certains pourraient être assez trompeurs si le lecteur n’est pas au courant des faits.
En particulier, l’avant-dernier paragraphe, à la page quatre, indique que le , vise à étendre le pouvoir d’arrestation afin qu’il puisse s’exercer par les citoyens qui ont des motifs raisonnables de penser qu’une infraction a été commise. J’aimerais que vous reconnaissiez publiquement ici que vous savez que notre projet de loi n’étend pas les dispositions de l’article 494 comme le faisait notre projet de loi C-547. Vous le savez, je suppose?
:
Merci, monsieur le président.
Merci à vous tous d’être ici aujourd’hui.
Je remercie en particulier M. Chen. Je sais que ce n’est pas facile de prendre une journée de congé et de venir ici pour nous renseigner sur ce qui a été une malheureuse expérience pour vous.
Madame Shi, ce que vous avez expliqué au sujet de la participation active des citoyens dans la sécurité publique m’intéresse. Vous avez déclaré également que le projet de loi est un bon point de départ pour corriger la situation. Je l’apprécie aussi.
Mais je suis également attentive aux propos de M. Chen, qui demande la « chance de se défendre ». Il y a de nombreux petits commerces dans ma circonscription, en Colombie-Britannique. Les propriétaires et leurs employés me font part de leurs inquiétudes et me racontent qu’ils sont constamment la cible de ceux qui veulent voler leurs biens et qui veulent même leur faire du mal, parce que les criminels sont parfois armés. Ce n’est pas toujours le cas, mais l’intention est certes de voler quelque chose.
J’aimerais que vous nous disiez, madame Shi, en quoi des commerçants comme M. Chen profiteront du projet de loi. Sauront-ils plus clairement comment ils peuvent agir et ce qu’ils peuvent faire pour se défendre?
Supprimer l’exigence déraisonnable de la loi actuelle qu’ils ne peuvent arrêter le voleur à l’étalage que s’il est en train de commettre le crime constitue déjà un grand pas. Parce que, quand on y pense vraiment, c’est parfois une question de secondes. Quand le voleur est dans le magasin en train de prendre les biens, le délit n’a pas encore été commis, parce que le voleur peut payer à la caisse. Dès qu’il passe la caisse sans payer, le délit a été commis. Je pense que c’est un moment d’une durée infime, le moment où le voleur passe la caisse sans payer. À un moment donné on se dit qu’il ne veut pas payer.
C’est tout à fait irréaliste et ce n’est pas appliqué non plus. Pour revenir à M. Cotler, qui parlait des agents de sécurité, les agents de sécurité font toujours les arrestations hors du magasin. À ce moment-là, le délit a été commis. Il n’y a en réalité aucun droit de procéder à cette arrestation. Pourtant, dans ce cas, jamais la police n’accuserait l’agent de sécurité d’avoir procédé à une arrestation illégale.
C’est pour cette raison que nous avons besoin du projet de loi comme bon point de départ: pour clarifier les choses. C’est un grand pas, mais j’ajoute que ce n’est qu’un bon point de départ. Je le répète, je sens tellement de prudence dans le libellé; on craint tellement que les commerçants dépassent les bornes. Le problème c’est que, dans cette équation, on ne porte pas assez attention, à mon avis, à la réalité dans ces magasins, soit le vol à l’étalage endémique.
Le cas de M. Chen illustre de manière tellement spectaculaire ce qui peut arriver quand la loi ne protège pas les gens. Jusqu’à cette modification proposée, les commerçants avaient les deux mains liées et un énorme bâton au-dessus de la tête. N’osez jamais intervenir, sinon... Laissez-les simplement se servir et partir. C’est ce que j’ai entendu dans tellement d’émissions, où les animateurs et d’autres demandaient pourquoi le commerçant ne laisse pas tout simplement le voleur partir avec la plante, pourquoi c’est si important pour lui qu’il est prêt à se battre dans la rue, et que la violence dans les rues est inacceptable.
Ma réponse est que nous envoyons des soldats en Afghanistan. Que font-ils là-bas, à votre avis? Ce sont des valeurs pour lesquelles nous pensons qu’il vaut la peine de se battre. C’est acceptable de le faire à l’étranger, mais on ne peut supporter une bataille dans la rue? On préfère laisser les voleurs s’emparer de biens si durement acquis? La plante en pot, pour le citoyen de la classe moyenne est peut-être simplement un bel objet à regarder sur le patio l’été, en sirotant un verre de Pinot Grigio, mais pour M. Chen, c’est de la nourriture sur la table, des études pour ses enfants, et des vêtements pour les habiller.
C’est à cause de ce respect et de cette reconnaissance des droits des citoyens et de leur participation dans la communauté que le projet de loi me paraît être un bon point de départ.
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Je dirais que ce n’est pas une bonne idée de légiférer à partir d’un exemple horrible qui aurait pu être évité avec un peu plus de jugement.
Je ne sais pas d’où vient cette idée d’un délai d’une heure. Le projet de loi proposé parle d’un délai raisonnable. Un délai raisonnable, ce n’est pas nécessairement une heure. Ce pourrait être le lendemain, ou une semaine plus tard. Le souci, c’est que la disposition ne sera pas invoquée par les petits commerçants, mais plutôt par les agences. Cela donne beaucoup de pouvoir aux agences qui agissent au nom des individus, et c’est ce qui nous inquiète.
Enfin, au sujet des Rambo, nous ne craignons pas que les commerçants se transforment en Rambo. Je pense que personne ne le prétend sérieusement. Le problème, c’est que si l’on encourage les individus à se lancer dans ces activités, il y aura des incidents malheureux. Déjà, lorsque la police procède à des arrestations, la situation est parfois très délicate et très difficile. On a vu à Montréal récemment des arrestations de gens qui avaient des problèmes de santé mentale et il y a eu des victimes, parce que des incidents bénins ont dégénéré durant l’arrestation. Les policiers sont pourtant formés. C’est ce qui nous inquiète.
Notre inquiétude, c’est que le petit commerçant soit victime d’un vol et qu’en plus, le pire puisse arriver, à cause de ce type d’événement. Nous craignons les risques si l’on encourage les particuliers à procéder à des arrestations. C’est ce qui nous inquiète. Ce n’est pas que ceux qui veulent protéger leurs biens soient accusés. C’est très regrettable. Le souci, c’est que lorsque ce genre de loi existe, des gens innocents, bons et honnêtes qui tentent simplement de faire ce qu’ils croient être la bonne chose, risquent de subir des conséquences terribles, parce que le voleur à l’étalage est peut-être sous l’emprise de la drogue ou a perdu la tête. Il pourrait y avoir une réaction horrible, alors que c’est la police qui devrait intervenir. C’est le souci.
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Quand on procède à l'arrestation d'une personne, les choses se passent parfois normalement et calmement. En fait, c'est ce qui se produit dans la majorité des cas. Des centaines et des milliers de personnes comparaissent pour des vols à l'étalage, par exemple, devant les tribunaux qui traitent de ce genre de dossiers, et tout se déroule normalement. Mais il arrive que ce ne soit pas le cas.
Notre comité est composé d'avocats qui pratiquent le droit criminel du côté de la défense et de procureurs de la Couronne. Or nous avons certaines craintes à l'idée d'inciter les citoyens à agir de cette façon, et je ne parle pas ici de l'instant même où ils se trouvent dans la situation. Par exemple, une personne que je prends la main dans le sac sait que je l'ai vue commettre son délit. Si je l'arrête un ou deux jours plus tard, le fait qu'elle a commis un délit peut être mis en cause. Je suis un citoyen et non un policier. Je ne porte pas d'uniforme et je n'ai pas reçu l'entraînement requis pour ce type d'intervention. Notre crainte est que dans une telle situation, les choses dégénèrent. Le problème n'est pas que le commerçant agit de mauvaise foi, au contraire. Notre préoccupation est qu'ayant été victime d'un vol, le commerçant ne devrait pas être en plus victime d'une agression ou d'une violence quelconque.
Nous favorisons donc une approche voulant que les autorités policières, qui sont compétentes en la matière, interviennent dans ces cas. Lorsque nous considérons le pour et le contre, nous mettons cela dans la balance. Nous favorisons la sécurité du commerçant et de l'individu. La vie humaine est la priorité. Par contre, lorsqu'il y a un problème de toxicomanie, de délinquance, de crimes de rue, si on peut dire, on constate très souvent que le problème est lié à la fois à la toxicomanie et à la maladie mentale. Les policiers qui ont à traiter avec ces types d'infractions le savent et vous l'ont peut-être dit dans d'autres circonstances. Il faut garder cela à l'esprit. La combinaison de ces deux éléments est explosive, et on doit parfois s'attaquer à la cause et non à l'effet.
Ce que je dis n'aide pas M. Chen. Ce qui lui est arrivé est regrettable, je tiens à le souligner. On aurait pu souhaiter l'exercice d'une discrétion plus judicieuse. Il n'aurait jamais dû être accusé, mais il l'a été. Heureusement, le système judiciaire a fonctionné et il a aussi été acquitté. Selon nous, la loi dans sa forme actuelle est bonne. Elle a fait en sorte que M. Chen ne soit pas condamné, ce qui est positif.
Par contre, nous sommes inquiets. La question posée par M. Cotler plus tôt soulève le problème. Ce ne sont pas les petits commerçants qui devraient nous préoccuper surtout, mais la possibilité qu'on crée de façon parallèle des agences ayant des pouvoirs policiers sans être formées de policiers. Les policiers, eux, sont soumis au contrôle des parlementaires, des élus, dans leur champ d'intervention et dans leur domaine, mais les agences de sécurité...
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J’en ai discuté avec M. Harris.
Nous proposons d’entendre d’autres témoins sur le projet de loi C-26 le jeudi 1er mars. Cela nous amène au mardi suivant, le 6 mars, et M. Harris aimerait interroger les fonctionnaires. Selon la durée des questions, et selon qu’il y a des amendements et qu’il faut les examiner, il pourrait être possible, d’effectuer l’étude article par article juste après. Il y a cinq articles. Nous ne savons pas encore où cela nous mènera, mais c’est le genre d’option que nous envisageons.
Si, pour une raison ou une autre, nous ne pouvions pas faire l’étude article par article à cause de la longueur de la période de questions, nous placerions l’étude article par article le 8 mars — il n’y a que cinq articles — et nous pourrions peut-être examiner le rapport sur le crime organisé, ce qui ne devrait pas prendre trop de temps, je pense.
Cela nous amène au 13 mars. Nous proposons d’entendre le ministre Nicholson sur le budget supplémentaire des dépenses. Il nous reste le 15 mars, avant le congé. Nous proposons pour cette date d’examiner le projet de loi C-310, sur la traite des personnes.
Évidemment, c’est une proposition, c’est un plan. Comment sera la réalité? Cela reste à voir, mais c’est le calendrier que nous proposons.
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D’accord, le 8 mars est possible.
Je le dis parce que notre comité est un comité délibératif. On nous demande d’étudier des projets de loi et nous vous voulons avoir la possibilité d’examiner sérieusement les témoignages entendus et d’en discuter avec les fonctionnaires. Comme nous l’avons déclaré à la Chambre et ici, il s’agit d’un projet de loi très technique qui apporte des changements importants, et nous voulons nous assurer que, si nous allons de l’avant, le projet de loi est aussi bien que possible. Nous ne voulons donc pas nous précipiter pour effectuer l’étude article par article. S’il est possible d’envisager et peut-être de proposer des amendements, c’est ce que nous souhaitons.
Je suis d’accord avec le calendrier proposé, sauf que je ne veux pas me retrouver ici le 6 mars et, après une heure, entendre une motion, comme aujourd’hui, pour passer immédiatement à l’étude article par article. Je vous avertis, nous passerions peut-être l’heure suivante à débattre pour savoir si nous devons procéder à l’étude article par article. Ce n’est pas ce que je veux. Je veux qu’il soit entendu que nous pourrons réfléchir à la réponse que nous recevrons des fonctionnaires et avoir la possibilité de proposer des amendements, les faire traduire, etc. pour la réunion du jeudi.
Si nous nous entendons là-dessus, je suis prêt à accepter cette solution.