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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci également aux membres du comité.
Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui pour amorcer le débat sur le projet de loi .
Je suis très heureux que deux des témoins que nous entendrons aujourd'hui — Sara Davis Buechner et Hershel Russell — soient des Canadiens transgenres, qui pourront vous offrir un témoignage fondé sur leur propre expérience plutôt que sur ce que d'autres, comme moi, ont à en dire. Je suis déçu que les caprices de la charge de travail et de l'établissement du calendrier du comité ne permettent pas à tous ceux qui l'auraient souhaité de comparaître devant votre comité.
C'est un beau jour aujourd'hui, un jour symbolique pour le début de ces délibérations. C'est aujourd'hui la Journée du Souvenir Trans, et vous avez peut-être remarqué que j'ai fait une déclaration à la Chambre, aujourd'hui, pour attirer l'attention sur le fait que dans le monde entier, 265 personnes trans ont été assassinées. Dans certains pays, comme le Brésil et le Mexique, le meurtre des personnes trans a atteint des proportions épidémiques. Depuis un an, 126 personnes trans ont été tuées au Brésil, et 48 au Mexique.
Malheureusement, les personnes trans sont aussi victimes d'une violence extrême dans des pays qui ont par ailleurs une réputation de pays progressistes, comme l'Argentine et le Canada. Au nombre de personnes assassinées l'année dernière, il y avait Perla Maron, un policier transgenre âgé de 52 ans de San Juan, en Argentine; et January Marie Lapuz, une jeune femme transgenre sud-asiatique, très active dans la communauté LGBT de la Colombie-Britannique. Elle tenait notamment des ateliers de lutte contre l'homophobie dans les écoles. C'est donc que le Canada n'est pas imperméable à la violence dont sont souvent la cible les personnes transgenres.
Comme vous le savez, le projet de loi ferait deux choses. D'abord, il modifierait la Loi canadienne sur les droits de la personne pour ajouter l'identité de genre — et, dans le libellé original, l'expression de genre — au nombre des motifs interdits de discrimination. Ainsi, le Code criminel serait modifié et ces deux facteurs y seraient inscrits comme des caractéristiques distinctives protégées en vertu de l'article 378 comme étant des circonstances aggravantes devant être prises en compte au moment du prononcé de l'appel. C'est un projet de loi relatif simple, de par la nature des changements qu'il propose.
Certaines personnes m'ont demandé si c'était un changement révolutionnaire ou évolutionnaire. J'ai toujours pensé qu'il y avait dans nos lois sur les droits de la personne certaines lacunes, qui faisaient que les Canadiens transgenres ne jouissaient pas de la même protection de leurs droits que le reste des Canadiens. L'ajout explicite de ces termes à la Loi canadienne sur les droits de la personne et la disposition portant sur les crimes de haine du Code criminel corrigeront cette lacune. Ainsi, quand des gens auront besoin de recourir au système judiciaire pour protéger leurs droits, il n'auront pas à convaincre quiconque que leur situation est similaire à celle de toute autre personne pour pouvoir jouir de cette protection.
Mais le projet de loi fait autre chose, aussi. S'il est adopté, il constituera à mon avis une déclaration de la Chambre des communes selon laquelle, comme dans le cas d'autres formes de discrimination, le Canada ne tolère aucune discrimination à l'égard des Canadiens transgenres.
J'ai saisi l'occasion qui m'est donnée ici de réitérer le fait que les droits et protections que demandent les personnes transgenres, transsexuelles et altersexuelles ne sont pas des droits extraordinaires. Ce sont simplement les mêmes droits qui sont enchâssés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne et qui sont assurés à tous les autres Canadiens. Ces droits et protections sont nécessaires pour que les Canadiens trans puissent vivre leur vie comme n'importe qui d'autre, et avec le même sentiment de sécurité que tous les autres Canadiens.
Des mesures de protection similaires sont prises ailleurs au Canada et dans le reste du monde. Le premier cas au Canada, à ce que je sache, a été en 2002, quand les Territoires du Nord-Ouest ont intégré ces mesures à leur Loi sur les droits de la personne. Cela fait donc déjà plus de 10 ans. La ville de Vancouver a adopté une politique de milieu de travail exempt de harcèlement, qui inclut l'identité de genre et l'expression de genre. Les villes d'Ottawa et de Toronto ont des politiques similaires, qui protègent les citoyens contre la discrimination fondée sur l'identité et l'expression sexuelles. Plus récemment, l'Ontario et le Manitoba ont modifié leurs codes des droits de la personne pour y intégrer explicitement cette protection, et ce matin même, des mesures législatives ont été présentées à l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse en vue de modifier le code de la Nouvelle-Écosse sur les droits de la personne pour y ajouter l'identité et l'expression sexuelles.
Ce sont là des droits et protections que le Comité d'examen de la Loi canadienne sur les droits de la personne a recommandés d'intégrer à cette loi. Alors, à ceux qui disent « Pourquoi est-ce nécessaire, est-ce que ce n'est pas déjà prévu? », je réponds que des experts ont examiné la loi sur les droits de la personne et ont jugé nécessaire de combler cette lacune en intégrant ces protections de façon explicite à la Loi canadienne sur les droits de la personne.
J'ajouterai une dernière chose, au sujet des obligations juridiques et des documents. Le Canada est signataire de la Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies relative à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre. Cette déclaration reconnaît la nécessité de protections explicites pour les personnes transgenres dans le monde entier.
Le rapport du Haut commissariat des Nations Unies recommande que toute une série d'actions soient mises en oeuvre par les États membres. Je ne passerai pas à travers toutes, mais il y a deux éléments importants dans cette liste. Premièrement, qu'il y ait des lois exhaustives anti-discrimination qui interdisent la discrimination pour des motifs d'orientation ou d'identité sexuelle. Deuxièmement, que les gouvernements signataires facilitent la reconnaissance légale du genre choisi des personnes transgenres et mettent en place des arrangements simples qui permettent aux documents d'identité pertinents qui reflètent le genre et le nom d'être émis à nouveau, afin de ne pas porter atteinte aux droits des personnes transgenres.
Je vais maintenant parler de ce que m'ont dit des députés qui avaient des préoccupations au sujet de mon projet de loi. J'ai eu un certain nombre de discussions avant la deuxième lecture avec des gens de tous les partis. Les préoccupations se classent en gros dans trois catégories.
La première est que ces protections ne sont pas nécessaires. Je veux traiter de cela en parlant de la façon générale dont les Canadiens transgenres vivent quotidiennement. Il est clair qu'il y a beaucoup de discrimination envers les personnes transgenres. Ils sont plus à risque d'être victimes de crimes de haine. Ces crimes sont deux fois plus à risque d'être violents comparativement à ceux commis envers les autres groupes.
Le deuxième argument que j'ai entendu, c'est que ces droits sont déjà protégés. J'en ai parlé brièvement en faisant référence au Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui a dit qu'ils ne le sont pas. D'autres minorités jouissent de protections qui sont énumérées dans la Loi canadienne sur les droits de la personne; ils profitent donc d'une visibilité en tant que groupes identifiables par la population. Cette liste constitue une déclaration aux Canadiens au sujet des protections qui sont offertes à ces groupes à cause de leur race, nationalité ou origine ethnique, couleur, religion, âge, sexe, orientation sexuelle, état civil, état matrimonial, handicaps ou condamnation pour un délit pour lequel un pardon a été octroyé. Il est clair que les personnes transgenres ne sont pas mentionnées dans cette liste.
Je voudrais prendre un instant pour clarifier que l'orientation sexuelle n'est pas un terme générique qui offre une protection aux personnes transgenres. En fait, de nombreuses personnes transgenres, et certains diraient la plupart, ne s'identifient pas selon leur orientation sexuelle. Lorsqu'on leur pose la question directement, environ de 30 à 40 p. 100 des personnes transgenres se disent hétérosexuelles, si on leur donne ce choix de réponse; elles ne se perçoivent pas comme homosexuelles, mais plutôt comme des personnes nées dans un corps qui ne correspond pas à leur identité de genre.
La troisième objection ou préoccupation qui a été soulevée est que la portée du projet de loi tel que rédigé est trop vaste et manque de précision, et qu'il est donc difficile de savoir ce qui est inclus dans le projet de loi. Nous discuterons en détail d'amendements jeudi pour régler ces préoccupations. J'ai demandé à ce qu'ils soient transmis au comité. Je pense que vous les recevrez aujourd'hui du bureau de Mme Boivin, puisque je ne suis pas membre du comité. Ayant promis de discuter de ces amendements, j'ai pu recevoir un appui suffisant en deuxième lecture pour que le projet de loi arrive ici aujourd'hui.
L'amendement le plus simple sera de retirer le terme « expression sexuelle ». Cela répond aux préoccupations de nombreuses personnes, surtout chez les conservateurs, qui disaient que bien que l'identité sexuelle est plus facile à définir, l'expression sexuelle est plus difficile à définir et à comprendre pour la population.
Un deuxième amendement traitera de l'ajout d'une définition de l'identité sexuelle. Nous examinerons cette proposition très précise jeudi.
Le troisième concerne l'utilisation des termes en français. Puisque le projet de loi a été rédigé par les rédacteurs de la Chambre des communes, nous avons utilisé le terme « identité sexuelle ». La communauté transgenre ainsi que la communauté juridique de Montréal nous ont dit très clairement qu'à l'international et au Québec, on utilise maintenant plutôt « identité de genre », et que ces deux termes en français décrivent une réalité différente. On préfère donc maintenant le terme « identité de genre ».
Il est important de noter que l'identité de genre est quelque chose que tout le monde a, pas seulement les homosexuels et les personnes transgenres, alors nous ajoutons une protection générale. La différence pour les transgenres, c'est qu'ils ont une identité de genre qui ne correspond pas à leur anatomie physiologique à la naissance et que beaucoup de discrimination et de violence découlent de cette inadéquation, à cause de l'attitude des autres. Alors ce que nous essayons de faire ici, tout en offrant une protection légale, c'est de changer les attitudes, pour accepter que les Canadiens transgenres sont des membres à part entière de la communauté et ont le droit de l'être.
Par souci de brièveté, je ne vais pas mentionner certaines choses que je voulais dire et je vais peut-être plutôt passer à la conclusion, parce que je préférerais que le comité entende des personnes transgenres.
En conclusion, je veux réitérer que, d'après moi, les droits dont nous parlons ici sont des droits fondamentaux et non pas spéciaux, et que tout ce que nous demandons, c'est de combler une lacune. Nous n'essayons pas de créer une révolution dans la législation canadienne sur les droits de la personne, mais simplement de corriger quelque chose qui manque.
En travaillant sur ce projet de loi, j'ai appris beaucoup de choses à propos de l'expérience de vie des transgenres. Ils sont partout dans notre société, comme on peut s'y attendre. Ce sont nos frères, nos soeurs, nos enfants, nos parents, nos amis, nos collègues et nos voisins, et ils méritent les mêmes droits et les mêmes protections que tous les autres Canadiens.
Je serai ravi de répondre à vos questions. Je terminerai ici. Merci beaucoup.
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Merci, mesdames et messieurs. C'est avec honneur et humilité que je m'adresse à vous aujourd'hui. Je vous remercie de votre temps et de votre attention.
Je m'appelle Sara Davis Buechner. Je suis une pianiste de concert classique. Depuis 2003, je suis professeure de musique à l'Université de la Colombie-Britannique à Vancouver. Je voyage beaucoup, surtout en Amérique du Nord et en Asie, pour donner des concerts lorsque je ne suis pas à Vancouver pour enseigner à une classe de 15 pianistes en devenir de calibre mondial.
Après avoir obtenu mon diplôme de la Juilliard School en 1984, j'ai connu d'excellents débuts à New York. En 1986, j'ai été le grand gagnant américain du concours international Tchaikovsky à Moscou. J'ai reçu une très belle lettre du président Ronald Reagan à l'époque. Quelques années plus tard, j'ai aussi joué à la Maison-Blanche pour le président Clinton et sa femme. J'ai une très belle photo des deux qui m'en félicitent.
À 37 ans, après une vie de questionnement et de peur, j'ai reçu un diagnostic de dysphorie de genre, et j'ai entrepris une transition vers mon vrai genre, qui est d'être femme. Mes habiletés de pianiste sont demeurées les mêmes, mais tout d'un coup, mon calendrier est passé de 50 concerts par année à deux ou trois, et le conservatoire de New York où j'étais un professeur populaire a décidé qu'il n'avait plus besoin de moi.
Avec très peu de moyens pour gagner ma vie, j'ai accepté un emploi de professeure pour de jeunes enfants dans une école privée du nord de l'État de New York pour environ 600 $ par mois. Je me comptais chanceuse, puisque la plupart de mes amis transgenres étaient sans emploi. Certains étaient sans-abri.
J'ai appris à endurer du harcèlement verbal fréquent et parfois physique en tant que prix à payer pour cette intégrité, même dans une ville aussi cosmopolite. Un soir, j'ai été la victime d'une tentative de viol de la part d'un homme qui avait présumé, puisque j'étais transgenre, que j'étais une travailleuse du sexe. Je ne l'ai pas déclaré aux policiers, parce que je ne voulais pas non plus être harcelée par eux. Je crois qu'ils auraient présumé que j'étais une travailleuse du sexe travestie et que je méritais ce qui m'était arrivé.
Afin de trouver un bon emploi, j'ai posé ma candidature auprès de 30 collèges et universités américains qui avaient des ouvertures dans le domaine de la musique. Je n'ai reçu aucune réponse de la plupart, et des réponses négatives des autres. Un professeur de l'Université Rutgers a demandé à un de mes collègues s'il était sécuritaire de me laisser seule dans une salle avec des étudiants du premier cycle.
Mais lorsque l'on m'a appelée pour une entrevue pour un poste de piano à l'Université de la Colombie-Britannique à Vancouver, j'ai été ravie de voir que leur département de musique ne s'intéressait qu'à deux choses: mes capacités en musique et en enseignement.
Lorsque j'ai obtenu cet emploi lors d'une audition, j'ai été très émue à deux niveaux. Premièrement, j'allais être en mesure de payer mes factures pour la première fois depuis de nombreuses années. Et deuxièmement, j'ai compris que le Canada était très en avance en matière de compréhension et de soutien des droits fondamentaux de la personne.
Je vis à Vancouver depuis 2003 avec ma conjointe japonaise, Kyoko, que je ne pouvais pas épouser légalement aux États-Unis. On nous rappelle notre état de citoyen de deuxième classe à chaque fois que nous retournons dans ce pays, car lorsque nous traversons la frontière, les agents américains nous forcent à attendre dans deux lignes distinctes pour le contrôle. Ils disent que nous ne sommes pas mariées.
Le projet de loi offre une protection aux gens comme moi, qui ont des besoins en matière d'identité ou d'expression de genre. Ces besoins ne sont pas nécessairement délibérés, ils ne sont pas choisis, et on ne peut pas les ignorer. Pour les personnes transgenres et cisgenres, il s'agit de question de vie ou de mort, de vivre publiquement, honnêtement et librement sans peur des préjugés, des menaces, ou même pire, de la violence. Nous n'avons pas besoin de droits supplémentaires et nous n'en demandons pas. Nous avons besoin des mêmes droits que nos frères et soeurs canadiens de toute race, croyance, appartenance et identité.
Par le passé, j'ai vécu dans un pays où ces droits n'étaient pas protégés, où on m'a refusé des logements sans explications et sans recours légaux; où on m'a congédiée d'un emploi sans compensation; où on m'a insultée dans la rue et où j'avais peur de prendre l'autobus ou le métro; où des fonctionnaires du gouvernement américain ont ri de moi lorsque j'ai déposé une demande de changement de nom.
Lorsque j'avais huit ans, mon compositeur favori était Mozart. À cet âge, ma grand-mère, une couturière accomplie, a confectionné pour moi un manteau mauve de Mozart avec une blouse à frou-frous. J'en étais très fière, et il me semblait normal de les porter, ce que j'ai fait à l'école primaire un jour, ce qui m'a valu d'être battue sauvagement par des garçons de ma classe. Le manteau a été déchiré, il y avait du sang sur la blouse, et mes lunettes étaient brisées en deux.
Les professeurs n'ont rien fait pour me protéger ou protéger mon expression de genre naissante. Mes parents, cependant, ont reçu une note du directeur de l'école leur conseillant que leur fils ne porte plus jamais de vêtement de fille à l'école.
Je sais que certains d'entre vous ont des préoccupations légitimes, ou ce que je crois que vous percevez comme étant des préoccupations vertueuses, à propos des personnes transgenres dans les salles de bains publiques ayant peur d'assaillants transvestis aux toilettes. À ma connaissance, cela ne s'est jamais produit en Amérique du Nord. Par contre, vous pouvez voir sur YouTube de nombreux exemples insoutenables de violence contre les transgenres, qui sont battus dans ces salles de bains par des bigots qui n'aiment pas leur apparence.
Pendant les cinq années où j'ai vécu en tant que femme, avant de pouvoir me payer la chirurgie — parce que l'assurance-maladie américaine ne la couvre pas — j'ai été l'une de ces personnes qui risquaient d'être battues à chaque fois que j'allais uriner. Si j'entrais dans une salle de bains pour hommes, on m'aurait au mieux redirigé vers l'autre salle de bains ou au pire, gravement blessé. Les transgenres vont à la salle de bains pour soulager leur vessie derrière des portes closes, en privé, comme tout le monde.
En ce qui concerne l'apparence et l'expression de genre, je pourrais vous parler pendant longtemps de mes amis qui sont intergenres, bigenres, des gens d'un seul genre, qui ont quand même l'apparence d'appartenir à l'autre. Il y a toute une variété de personnes.
Ma bonne amie Hsia-Jung, qui a subi une double mastectomie, pleure à chaque fois que quelqu'un l'appelle « monsieur ». J'ai une amie, Sheila, dont la voix est deux octaves plus basses que la mienne. On m'appelle « monsieur » au téléphone. Ce n'est pas grave. Je suis heureuse de raconter mon histoire afin que les gens comprennent qui sont les transgenres. Comme on le dit en musique, nous sommes des variations sur un même thème, le thème humain.
Je laisserai d'autres témoins mieux informés du point de vue statistique et politique parler du nombre de transgenres qui sont victimes de harcèlement, de discrimination, de violence, qui sont tués ou qui se suicident. Le suicide est une expérience très, très courante pour les transgenres. On est désespéré lorsqu'on ne sait pas, qu'on ne connaît pas les faits, et qu'on ne comprend pas. Je le sais par expérience.
En tant que jeune adulte, à cause de ma peur fondée sur l'ignorance, combien de fois ai-je fait une surdose et essayé de mourir parce que je ne comprenais pas comment je me sentais ou je ne savais pas quoi faire à ce sujet? Heureusement, j'ai rencontré des gens qui m'ont aidée. Maintenant, je remercie Dieu à chaque jour d'avoir vécu 15 ans, depuis que je suis devenue femme, avec une paix intérieure, heureuse d'être vraie envers moi-même et le monde.
J'ai la chance d'être mariée à une merveilleuse conjointe; chanceuse de voir grandir les deux filles de mon frère — elles aiment leur tante Sara et je les aime; chanceuse d'être en vie et d'aider mes parents vieillissants; chanceuse d'enseigner à de merveilleux étudiants canadiens; chanceuse de jouer encore du piano, de parler fréquemment à mon public et de jouer du piano pour lui à Vancouver, Victoria, Winnipeg, Kelowna, Red Deer, Edmonton, Montréal, Timmins, Toronto, Guelph, etc.; et chanceuse de vivre dans le pays le plus progressiste, humain et beau que je connaisse, le Canada.
Je suis plus que reconnaissante d'avoir pu m'installer ici dans la dignité et l'intégrité. J'ai également confiance que mes concitoyens canadiens verront l'importance et la nécessité d'adopter le projet de loi afin de nous aider à vivre dans la sécurité et l'égalité.
Merci.
Madame Davis Buechner, le témoignage que vous avez rendu à propos de sévices et d'accidents, je l'ai entendu trop souvent, malheureusement, de la bouche de bien des amis, bien des gens que je connais, qu'ils soient homosexuels, transgenres ou transsexuels.
Vous savez, je milite activement au sein du NPD depuis huit ans par soif de justice. C'était d'abord une soif de justice économique, mais l'hétérosexuel classique, l'homme blanc qui avait droit à certaines entrées plus facilement que d'autres — c'est une chance toute relative — a été confronté très vite à ces injustices que, malheureusement, certaines personnes vivent.
Vous savez, dans le cadre de mon implication militante, bien évidemment, j'ai pu voir un groupe très actif d'activistes brillants qui ont vécu la pauvreté et la violence. Ce n'est donc pas une surprise d'apprendre ce que vous nous avez appris. Je pense que c'était très important et très courageux de votre part.
J'en ai tiré une conclusion. C'est une question d'état, ce n'est pas un choix. À partir de là, il faut que la société, que notre système de lois suive ce fait.
Bien sûr, le projet de loi de mon collègue Randall ne réglera pas immédiatement tous ces cas malheureux. Par contre, enfin, on est en train de combler un écart. Pourriez-vous dire au comité quelle réaction ou quel espoir, peut-être, suscite chez vous la modification de ces articles du Code criminel et de la Loi canadienne sur les droits de la personne?
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Eh bien, cela se passait lorsque je faisais ma transition et que l'on m'accostait dans la rue, où lorsque les gens me disaient des choses dans le métro de New York — et cela allait plus loin que la simple façon que les gens vous parlent normalement dans le métro de New York — les gens avaient des opinions au sujet de mon apparence et de qui j'étais vraiment.
Je dois dire que, même de nos jours, quand je prends un taxi, et surtout quand je suis fatiguée, et que je dis « Amenez-moi à UBC » et que j'entends « Bien sûr, monsieur », comme s'ils avaient vraiment deviné qui j'étais. On essaie de deviner qui je suis de temps en temps, mais je n'ai pas besoin de cela. Je suis qui je suis.
Votre déclaration me fait penser à deux choses, qui ont été dites par des médecins — de très éminents médecins que j'ai eu la chance de fréquenter. Je suis allée voir un endocrinologue new-yorkais très célèbre lorsque je faisais ma transition. Pour cet homme, il ne faisait aucun doute que les transgenres devaient composer avec bon nombre de questions médicales que l'on ne comprenait toujours pas pleinement et sur lesquelles il fallait encore faire beaucoup de recherches.
Mon thérapeute m'a fait beaucoup rire, avec son accent australien prononcé, lorsqu'il m'a dit lors d'une de mes séances que, « Eh bien, vous savez, le genre — on pense qu'il y en a environ 17. En revanche, on ne nous donne toujours que deux choix. Est-ce que vous voulez le H ou le F?
Des voix: Oh, oh!
Mme Sara Davis Buechner: Il s'agit d'une histoire rigolote. Mais cela permet de comprendre les périls auxquels nous faisons face à titre de transgenres. Nous sommes constitués de tant de choses. Nous sommes nés d'une certaine façon et la société nous donne un document et nous met dans une boîte. Mais que faire si cette boîte ne vous convient pas?
J'ai ma propre expérience et un autre témoin ici qui en a une autre. Mais j'ai rencontré tellement de transgenres — des gens qui transitionnaient d'homme à femme, de femme à homme, qui étaient entre les deux genres, et, comme j'ai dit... J'ai connu des gens qui pouvaient se faire passer pour homme ou femme à leur gré, selon ce qu'ils portaient.
La condition humaine est très large et ce que vous dites au sujet de l'expression va au noeud du problème. Je ne veux pas que les gens me harcèlent à cause de mon apparence ou à cause de qui ils pensent que je suis ou parce qu'ils essaient de me « deviner » ou de deviner qui les gens sont et penser que cela est acceptable parce que l'on ne s'insère pas dans une de ces deux boîtes.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos deux témoins d'être venus aujourd'hui.
J'ai moi-même déposé un projet de loi d'initiative parlementaire, et je comprends à quel point ce processus prend du temps; par conséquent, je félicite M. Garrison de ses efforts. Déposer un projet de loi et voir à ce qu'il soit adopté constitue une tâche qui n'est jamais facile. Je l'affirme d'ailleurs en me fondant sur mon expérience personnelle.
Étant donné que mes collègues ont déjà posé des questions sur les commissions et tribunaux des droits de la personne, je vais plutôt adopter la même approche que M. Cotler et aborder la question non pas d'un point de vue symbolique, mais par rapport aux conséquences.
Au sous-alinéa 718.2a)(i) du Code criminel, on énonce actuellement une liste de nombreuses circonstances aggravantes à prendre en compte pour déterminer si l'infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondée sur des facteurs tels que « la race, l'origine nationale et ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l'âge, la déficience mentale ou physique ou l'orientation sexuelle ».
D'après vous, cet article qui comprend actuellement une liste non exhaustive de facteurs ne pourrait-elle pas être interprétée comme englobant également des crimes motivés par la haine ou des préjugés fondés sur l'identité sexuelle?
J'ai cru comprendre qu'on allait modifier l'aspect concernant l'expression sexuelle par la suite, n'est-ce pas?
Donc, si l'on pouvait s'en tenir à l'identité sexuelle, je vous en serais reconnaissant.
Autrement dit, est-il nécessaire de modifier le sous-alinéa 718.2a)(i)?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins d'être ici.
Monsieur Garrison, je vous remercie du travail que vous avez fait dans ce dossier. Comme pour tout dossier de cette nature, une grande part d'éducation entre en ligne de compte, j'en suis convaincue. On a eu les mêmes inquiétudes provenant de valeurs différentes, peut-être, ou de différents niveaux, quand on a fait l'étude du mariage civil de conjoints de même sexe. Ce n'est pas toujours facile, cela peut heurter certaines croyances de certaines personnes, mais je reviens toujours à la base, c'est-à-dire la question du respect.
Je veux rassurer les membres du comité. En effet, on va présenter quatre amendements, jeudi. Ils vont peut-être dissiper certaines inquiétudes. Je ne suis pas une grande spécialiste en la matière, mais voici ce que je comprends.
J'écoutais les questions de M. Rathgeber, qui se tiennent jusqu'à un certain point. L'argument qu'on entend souvent quand on aborde ce genre de dossier ou de modification proposée, c'est que cela existe déjà ailleurs, mais de façon non explicite. On dit que la jurisprudence pallie cela en garantissant une certaine ouverture, puisqu'on a reconnu les droits. Toutefois, les droits ne sont pas toujours écrits. Dans le fond, en l'écrivant, cela va, à mon avis, régler deux points bien importants. Tout d'abord, les choses seront clarifiées et on ne se posera plus la question. On n'aura plus nécessairement à démontrer que cela fait partie des droits protégés puisqu'on en aura fait une interprétation libérale. Je ne parle pas ici du parti de mon collègue M. Cotler; je parle du bon sens du terme. Ce n'est qu'une blague.
Il y a aussi l'autre volet. À mon avis, quand on l'écrit et qu'on n'a pas peur de le dire clairement, cela constitue une certaine forme d'éducation. Cela favorise aussi le respect d'une situation réelle. Je pense que personne ici, autour de la table, ne veut voir des gens se faire frapper, se faire battre, se faire agresser verbalement, physiquement ou autrement, à cause de ce dont ils ont l'air ou de ce qu'ils représentent. Je pense que personne n'est en faveur de ce genre de choses. Le message qu'on transmet en présentant le projet de loi , c'est que si on l'écrit, cela va certainement contribuer à améliorer la situation.
Ai-je bien compris?
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Merci, monsieur le président.
Merci d'avoir accepté notre invitation.
J'admire votre courage. À mon avis, vous méritez d'être félicitée. En effet, ce n'est pas évident de comparaître à un comité de la Chambre. Je m'adresse à vous tout particulièrement.
Je vous demanderais tout d'abord de me convaincre que vos droits ne sont pas protégés. Je reconnais avoir voté contre le texte de loi. Vous savez, j'ai exercé comme avocat spécialiste du droit criminel pendant bien des années et j'ai vu défiler beaucoup de groupes de personnes victimes de différentes formes de violence. J'ai grandi dans le Nord de l'Alberta et dans cette région le rouquin se faisait agresser.
Des voix: Oh, oh!
M. Brian Jean Aujourd'hui, ça vous fait peut-être sourire, mais je peux vous dire que quand j'étais petit et que j'avais la hantise d'aller à l'école, ça ne me faisait pas rigoler.
Votre situation et la mienne ne sont pas comparables, j'en conviens, mais sachez tout de même que ce n'est pas facile de changer la couleur de mes cheveux.
J'aimerais aborder différentes questions. Tout d'abord, vous affirmez ne pas être protégée. Pourtant, à l'article 15 de la Constitution, on retrouve la liste des droits qui sont protégés. Je pense que ça vaut la peine de répéter ce qu'a dit M. Rathgeber. En vertu de la jurisprudence, surtout en Ontario et en Colombie-Britannique, et relativement aux commissions des droits de la personne dans ces provinces, en ce qui a trait à l'identité de genre, les transgenres, les personnes intersexuées et les travestis méritent d'être protégés en vertu de la loi et le sont.
Ces protections ne sont-elles pas déjà assurées? Très franchement, vous ne m'avez pas convaincu du contraire. Je pense que M. Rathgeber a raison quand il dit que c'est plus une question de vouloir s'identifier comme faisant partie d'un groupe différent des autres, même si, à mon avis, les protections sont déjà assurées.
Monsieur Garrison, je suis d'accord, le Code criminel est effectivement trop long. C'est le cas de bon nombre de nos textes de loi, notamment la Loi de l'impôt sur le revenu.
Voilà pour ce qui est de ma première question. J'aimerais maintenant aborder la notion d'invalidité. Pour ma part, je ne suis pas transgenre et ne m'associe pas non plus à cette collectivité, mais je ne pense pas qu'on puisse parler d'invalidité. Je dirais plutôt, d'après ce que j'ai lu et constaté, que c'est un choix. En général, c'est un choix qu'on fait en fonction de sa position personnelle, ce que je comprends.
Voilà pour ce qui est de ma deuxième question. Si j'ai bien compris, on demande que ce soit reconnu à titre d'invalidité pour donner accès à des soins médicaux dans certaines conditions précises.
Je vous demanderais de répondre à ces deux questions et de nous dire, plus particulièrement, pourquoi vous n'avez pas présenté de projet de loi précisant qu'il ne s'agit pas d'invalidité.
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Bonjour. C'est un grand honneur d'être ici aujourd'hui. Cela revêt une signification particulière d'être ici le jour du Souvenir Trans qui, comme vous le savez, est un événement mondial.
Mon nom est Hershel Russell. Je suis psychothérapeute en pratique privée à Toronto. Je me spécialise également dans le travail auprès des personnes transgenres et leur famille. Je fais également beaucoup de travail d'éducation concernant les questions transgenres partout dans la province et ailleurs au Canada. Je suis un membre clinique de la World Prefessional Association for Transgender Health et je suis coprésident du comité d'éducation pour la filiale canadienne de cette organisation.
Je voulais mentionner que deux excellents documents de recherche ont récemment été publiés, un des États-Unis, une recherche importante, le sondage national sur la discrimination à l'endroit des transgenres, et un autre de l'Ontario, le sondage Trans PULSE, qui donne énormément de renseignements sur la vie des transgenres.
J'aimerais dans le cadre du projet de loi faire ressortir de l'information contenue dans ces deux études qui démontrent très clairement que notre communauté est formée de gens très instruits. Nous avons un plus haut niveau d'instruction que la plupart des autres communautés; cependant, nous sommes une communauté qui souffre d'extrême pauvreté. J'estime que la combinaison de ces éléments peut seulement s'expliquer par le fait que nous sommes assujettis à de la discrimination. On ne peut l'expliquer autrement. Ces deux documents montrent les niveaux terrifiants et bouleversants de taux de suicide dans notre communauté et, en tant que professionnel de la santé, je dois aborder à répétition ces questions extrêmement douloureuses.
Je vais vous parler un peu de mon histoire personnelle car je sais que ce sont ces histoires qui sont importantes. Ces jours-ci, j'ai l'apparence plutôt convaincante d'un homme surtout lorsque je ne parle pas. Il y a eu une époque où j'avais l'apparence convaincante d'être une femme. Cependant, il y a eu une période de transition — d'environ trois ans — lorsque j'avais l'apparence plutôt ambiguë et, à tous les jours, la société punit les gens qui ont une apparence sexuelle ambiguë.
Je me souviens d'avoir marché dans la rue et d'avoir fait tourner des têtes fréquemment. Je me souviens d'avoir marché dans la rue à Toronto à la fin des années 1990 et les gens crachaient sur le trottoir devant moi. Je me souviens d'être allé à la pharmacie pour acheter du dentifrice. Au moment de me remettre ma monnaie, le commis a dit: « merci monsieur. Oh — madame. Oh — monsieur. Oh — madame ». Je deviens tout à coup le centre d'attention et tout le monde me regarde.
Comme ma collègue Sara le disait, ce genre de regard a également un impact sur nos expériences dans les toilettes publiques. Pendant cette période ambiguë, je me souviens de situations pendant la première année où j'allais d'abord dans les toilettes pour femmes mais à la fin de cette même année, j'avais parfois des femmes qui ouvraient la porte qui disaient « Oh! » puis partaient. Plus tard une femme m'a montré du doigt et a dit: « Sortez d'ici. Vous n'avez pas affaire là. Et j'ai donc commencé à aller à la toilette des hommes de temps en temps où je faisais face à la menace réelle de menaces physiques ou sexuelles.
Je me demande si vous vous imaginez un peu l'impact en termes d'anxiété et d'estime de soi pour une personne qui, à chaque fois qu'elle doit utiliser une toilette dans un lieu public, a à choisir entre la probabilité de harcèlement ou le risque faible mais bien réel d'une agression sexuelle. Vous pouvez peut-être comprendre ce niveau de stress.
J'ai eu beaucoup de chance de ne pas avoir été agressé physiquement, mais je me souviendrai toujours de la fois où je rentrais à la maison après un concert. J'étais au coin des rues Queen et University de l'autre côté de la salle de concert au centre-ville de Toronto. Non loin au-devant de moi, une camionnette blanche est arrivée, la porte s'est ouverte. À l'intérieur de la fourgonnette il y avait une demi-douzaine d'hommes. Ils ont crié des quolibets me disant d'entrer. J'étais terrifié à la pensée qu'ils pourraient m'enlever parce qu'ils étaient très près et je craignais que, parce que j'avais l'air ambigu sexuellement, que les gens autour de moi ne tenteraient pas de me protéger. Heureusement le feu de circulation a changé. Mais encore des années plus tard, lorsque je marche à cette intersection, je sens mon coeur battre très fort.
Beaucoup plus récemment, les documents concernant mon identité m'ont posé problème. Je suis très content que la question ait été soulevée. J'ai une situation médicale qui fait en sorte que c'est trop dangereux de subir des chirurgies transsexuelles. Jusqu'à maintenant, j'ai pu m'abstenir de les subir de toute façon, mais étant donné que je n'ai pas eu ces chirurgies, on ne me permet pas de modifier mon passeport.
Avec l'apparence que j'ai, je suis passé à la fouille d'un aéroport avec un passeport qui indique que je suis femme. C'est pourquoi il y a un grand nombre de pays où j'ai décidé de ne simplement pas aller, car j'ai peur.
Je suis toutefois allé à une conférence très importante à Atlanta, aux États-Unis, présentée par WPATH, The World Professional Association for Transgender Health. Je suis rentré un peu plus tôt, car je devais travailler le lendemain. J'étais à l'aéroport dans l'après-midi, au moment où c'était plutôt tranquille. Il n'y avait pas grand monde autour et les agents de sécurité s'ennuyaient peut-être un peu.
Au moment de remettre mon passeport, j'ai vu qu'il donnait un coup de coude. Un agent de sécurité est venu me voir. C'était un grand type et il avait le visage et le cou rouges. Il m'a dit: « Passer au scanner ». Bien sûr les personnes transgenres sont plutôt nerveuses de passer au scanner car on voit les formes des organes génitaux. J'étais un peu secoué mais je suis sorti du scanner et j'ai attendu. Il m'a dit: « Passer encore une fois au scanner ». Puis il m'a fait passer une troisième fois. C'est à ce moment que j'ai entendu les rires.
Il m'a regardé droit dans les yeux et il m'a dit « Je dois faire une fouille manuelle, car il semble y avoir quelque chose — ici ». Il a mis ses mains sur ma poitrine et a pressé tout en me regardant dans les yeux. Vous pouvez vous imaginer mon humiliation et ma colère.
Je suis encore un peu déçu de moi-même de ne pas avoir déposé une plainte. J'étais seul à l'aéroport et j'avais peur. J'étais humilié. C'était à Atlanta et en tant que Canadien j'ai des préjugés quant à ce qui se passe à Atlanta, en Géorgie.
Un aspect sur lequel j'aimerais insister pour les prochaines étapes serait qu'il devienne possible — comme d'autres pays l'ont fait — de faire en sorte que ce soit beaucoup plus facile de changer notre identité sur tous nos documents.
Me reste-t-il du temps?
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Bonjour. Mon nom est Erin Apsit et je suis la représentante du Egale Canada Trans Committee. Je suis très honorée d'être ici et d'avoir l'occasion de m'adresser au comité au sujet d'un projet de loi que j'estime être crucial et urgent.
J'aimerais également souligner qu'il n'y a pas deux témoins transgenres ici aujourd'hui, mais trois. Je suis le troisième témoin. Je suis une femme transgenre.
Pour commencer j'aimerais dire que j'estime que ce projet de loi porte sur les valeurs essentielles canadiennes d'équité et de respect pour tous les êtres humains. C'est l'occasion pour le Parlement de jouer un rôle de leadership dans la protection des droits humains plutôt que de s'en remettre aux tribunaux.
Plus tôt, on a fait allusion à la Déclaration des droits de l'homme, mais j'aimerais souligner qu'en 2008 l'Assemblée générale des Nations Unies a déclaré que les droits de l'homme s'appliquent de manière égale à chaque être humain, indépendamment de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre. Je suis ravie de signaler que le Canada a signé cette déclaration et, encore une fois, j'estime que c'est une question d'équité et de respect pour tous les êtres humains.
Je crois que ce projet de loi donne la possibilité à tout Canadien transgenre et de genres diversifiés de participer et de contribuer pleinement en tant que membre de la société. J'aimerais souligner que malheureusement le Canada accuse un retard par rapport à d'autres pays dans le monde lorsqu'il s'agit de fournir une protection juridique pour les personnes en fonction de leur identité de genre. De telles protections juridiques existent notamment au Royaume-Uni, en Israël, en Suède, en Allemagne, en Argentine, en Australie, en Nouvelle-Zélande et dans bien d'autres pays. Il est intéressant de noter également qu'il y a à peine une semaine, la Cour suprême du Pakistan a rendu une décision donnant aux personnes transgenres une protection égale en vertu de la loi.
Nous avons mentionné qu'au Canada, l'Ontario, le Manitoba et les Territoires du Nord-Ouest offrent de telles protections juridiques. J'aimerais également signaler qu'aux États-Unis, 16 États ainsi que le district de Columbia offrent aussi des protections en vertu de la loi fondées sur l'identité de genre.
Je pense qu'il a toujours été important pour le Canada d'être un chef de file dans le domaine des droits de la personne et je crois que ce projet de loi nous donne l'occasion de redonner au Canada cette position de chef de file.
Encore une fois, j'aimerais vous remercier de l'occasion que vous m'avez donnée de comparaître ici.
Pour finir de faire le tour de la question dans la déclaration préliminaire de Égale Canada, je voudrais répondre brièvement mais directement à certaines suggestions faites ici aujourd'hui, ainsi qu'à d'autres occasions, voulant que le projet de loi est inutile voire redondant. J'aimerais vous suggérer aujourd'hui que c'est un argument largement théorique, pas un argument dans la réalité pratique.
Pour commencer, laissez-moi mentionner que, d'après une étude toute récente effectuée en Ontario sur 433 personnes trans, 20 p. 100 d'entre elles avaient été victimes d'agression physique ou sexuelle, 34 p. 100 de violence verbale ou de menaces, dans tous les cas parce qu'ils étaient trans. Laissez-moi aussi souligner qu'à ma connaissance l'article 718, les dispositions du Code criminel relatives à la détermination de la peine d'une infraction motivée par la haine, a été appliqué dans le cas d'un crime commis contre une personne trans.
Il y a longtemps que je pensais que tel était le cas. En vue de la séance d'aujourd'hui, j'ai demandé à trois de nos assistants juridiques de trouver une affaire de ce type. Il est difficile de prouver une absence, mais ils y ont consacré la semaine sans aucun succès: pas un seul cas de détermination de la peine pour une infraction motivée par la haine commise contre une personne trans. Je trouve cela alarmant compte tenu des prodigieux taux de violence et de crimes commis contre des personnes trans à cause de leur identité de genre et leur expression sexuelle. L'idée qu'il n'y a eu aucun procès ni que des personnes trans n'ont jamais réussi à présenter leur cause me semble déraisonnable.
Laissez-moi signaler au passage que, dans nos écoles, 74 p. 100 des jeunes trans ont été victimes de violence verbale du fait de leur expression sexuelle et 37 p. 100 de harcèlement ou d'agression physiques à cause de leur identité de genre ou de son expression. Cela ne fait que souligner les taux ridiculement élevés de discrimination et de harcèlement à l'encontre des personnes trans, notamment de nos jeunes. J'aimerais suggérer brièvement deux raisons à cela.
En ce qui concerne la première raison, Égale Canada offre un programme de prévention de crimes haineux et de sensibilisation aux policiers de tout les pays. Bien que j'aie le plus grand respect pour la police, d'après mon expérience — et, ces deux dernières années, j'ai assuré la formation de peut-être 2 000 agents de police —, la police canadienne ne comprend pas ou ne sait pas si les personnes trans sont couvertes par le libellé « des facteurs tels que ». Dans mes présentations aux agents de police, j'hésite moi-même à l'affirmer, vu que, comme je l'ai déjà dit, je ne peux pas trouver un seul précédent qui le prouverait.
Deuxièmement, nous avons récemment parcouru le pays, avec Mme Barbara Perry, experte internationale sur les crimes haineux. Nous nous sommes entretenus avec des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et trans au sujet de leur expérience de victimes de discrimination qui se manifeste par des crimes haineux. Nous avons eu des entretiens d'au moins une heure, parfois de trois heures, et organisé des groupes de discussion avec des gens partout au pays.
Suite à ces entretiens, je dirais que de nombreuses personnes trans, même si elles ont très souvent été victimes de ce qu'elles estiment être un crime haineux sont rarement prêtes à en informer la police, soit parce qu'elles craignent d'être victimisées une deuxième fois — si on ne les prend pas au sérieux —, soit, simplement, parce qu'elles ne se croient pas visées par la loi. Elles ne le croient pas. Elles n'ont jamais eu de raison de croire que le libellé « des facteurs tels que » ou encore « le sexe », dans la Loi canadienne sur les droits de la personne les concerne.
Est-ce qu'il me reste une minute?
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que si ce projet de loi est adopté, il fera davantage qu'avoir des conséquences morales pour la communauté. Je ne suis pas d'accord avec vous. Vous avez mentionné le nombre disproportionné de membres de la communauté trans victimes d'agressions et vous avez parlé des forces de l'ordre. C'est M. Russell, je crois, qui a parlé de la vaccination contre la grippe.
Je suis curieux... je n'aime pas beaucoup être prophète de malheur, mais le Code canadien des droits de la personne est très précis quant à son implication. Il énonce quelles institutions sont assujetties à la réglementation fédérale, aux lois du Parlement du Canada. Les écoles sont exclues de l'application de ces lois, comme la majeure partie des soins de santé. En sont également exclus la plupart des aspects de l'exécution des lois, en tout cas en ce qui concerne les règlements municipaux.
Je ne suis pas d'accord avec vous sur le fait que le projet de loi offre davantage qu'une déclaration morale quant aux situations et aux endroits que vous avez décrits. Il permettrait sans doute de corriger la situation si quelqu'un était l'objet de discrimination dans les banques, dans les réseaux de transport ou dans la fonction publique fédérale.
Je suis curieux de savoir si vous comprenez la portée limitée du libellé du projet de loi qui, à mon avis, représente plutôt une grande déclaration morale — bien qu'il n'y ait rien de mal dans les grandes déclarations morales, mais je crois que c'est ce que représente ce projet de loi.
Monsieur Dyck, si vous pouvez... il me reste 30 secondes.