:
Très bien, mesdames et messieurs, je déclare la séance ouverte. Nous allons utiliser l'heure du BlackBerry plutôt que celle de l'horloge du fond de la salle. Je sais que la sonnerie d'appel va probablement se faire entendre à 17 h 30 en vue du vote de 18 heures, alors je veux m'assurer que nous aurons bel et bien terminé pour 17 h 30.
Bienvenue à la 59e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément à l'ordre de renvoi adopté le vendredi 30 novembre 2012, nous étudions aujourd'hui le projet de loi .
Nous entendrons deux groupes de témoins pendant la première heure. Je vais vous les présenter dans un instant. Nous allons ensuite procéder à l'étude article par article du projet de loi. Si la portion réservée aux témoins se termine plus tôt, nous allons passer immédiatement à l'étude article par article. Puis, je m'attends à ce que la motion de lundi qui a été reportée à aujourd'hui soit déposée de nouveau. Nous allons l'examiner à ce moment-là. C'est le programme pour aujourd'hui.
D'abord, permettez-moi de remercier les témoins d'être ici.
Du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, nous recevons M. Shawn Barber, directeur général par intérim du Programme de partenariat mondial. Je lui laisserai le soin de présenter les gens qui l'accompagnent.
Par vidéoconférence de Cambridge, au Massachusetts, nous accueillons le professeur Matthew Bunn, du Belfer Center for Science and International Affairs, de l'Université Harvard. Bienvenue, monsieur.
Nous allons entendre les déclarations liminaires des témoins. Nous allons commencer avec le ministère des Affaires étrangères, puis nous céderons la parole à M. Bunn avant de passer aux questions.
La parole est à vous, monsieur Barber.
:
Merci, monsieur le président, et bon après-midi tout le monde. Je m'appelle Shawn Barber et je suis le directeur général par intérim de la Direction générale de la non-prolifération et de la réduction de la menace à la sécurité au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour discuter des efforts que nous déployons à l'échelle internationale face à la menace que constitue le terrorisme nucléaire.
Je suis accompagné de deux de mes collègues: le directeur adjoint du Programme de partenariat mondial (PPM), M. Graeme Hamilton, et le coordonnateur principal de la Coopération nucléaire internationale, M. Terry Wood. Tous les deux travaillent avec moi à la Direction générale.
La prolifération des armes de destruction massive — ou les ADM — et des matières connexes fait peser une menace constante sur la sécurité du Canada en particulier et celle de la communauté internationale en général. Certaines organisations terroristes, y compris Al-Qaïda, ont exprimé ouvertement leur intention d'obtenir des matières nucléaires à usage militaire, c'est-à-dire pouvant servir à la fabrication d'armes.
Dernièrement, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA, a fait savoir que le trafic illicite des matières nucléaires et/ou radiologiques, y compris par des organisations criminelles, suscitait de plus en plus de préoccupations. En effet, entre 1993 et 2011, l'AIEA a signalé près de 2 000 incidents en lien avec l'utilisation, le transport et la possession non autorisés de matières nucléaires et autres matières radioactives.
[Français]
Pour s'attaquer à la menace que constitue le terrorisme nucléaire, nous devons agir dans un certain nombre de domaines à la fois.
Premièrement, nous devons collaborer avec nos partenaires aux vues similaires afin de mieux protéger les installations nucléaires et les stocks de matières nucléaires dans le monde.
Deuxièmement, dans la mesure du possible, le Canada et ses partenaires internationaux doivent réduire leurs stocks nationaux d'uranium hautement enrichi et de matières radiologiques pouvant servir à la fabrication d'armes, l'objectif étant simplement de réduire les stocks disponibles et susceptibles de tomber entre de mauvaises mains.
[Traduction]
Sur ce point, je tiens à ajouter que la décision prise hier par la Corée du Nord de procéder à un essai nucléaire, comme les efforts actuels de l'Iran pour accroître ses stocks d'uranium à usage militaire, est directement contraire à cet objectif et constitue ainsi une grave menace pour la paix et la sécurité internationales.
Troisièmement, de concert avec d'autres intervenants, nous devons accroître la capacité des pays sources à détecter les transferts transfrontaliers d'uranium fortement enrichi et d'isotopes radiologiques dangereux, pour leur permettre de réprimer le flux illicite de ces matières.
Quatrièmement, nous devons veiller à ce que notre législation nationale et nos sanctions pénales soient actualisées et conformes à nos obligations, telles qu'elles sont énoncées dans les traités internationaux. Or, c'est justement ce que vise le projet de loi . Grâce à celui-ci, le Canada pourra ratifier la Convention sur la protection physique des matières nucléaires et la Convention internationale pour la suppression des actes de terrorisme nucléaire.
Enfin, la lutte contre cette menace doit continuer d'occuper une place prépondérante dans notre action en faveur de la sécurité internationale. C'était d'ailleurs là l'objectif du Sommet sur la sécurité nucléaire (SSN) qui s'est tenu récemment.
[Français]
À ce jour, deux sommets sur la sécurité nucléaire ont eu lieu: un en 2010 à Washington, aux États-Unis, et un en 2012 à Séoul, en Corée du Sud.
Lors du sommet de l'année dernière, le premier ministre Harper, de concert avec 53 dirigeants internationaux, a réaffirmé un certain nombre d'engagements: renforcer le cadre juridique contre la menace de terrorisme nucléaire et pour la protection des matières nucléaires; sécuriser les matières nucléaires vulnérables à l'échelle mondiale; réduire le plus possible l'utilisation civile des matières nucléaires à usage militaire; rendre le transport plus sûr; et prévenir le trafic illicite.
[Traduction]
Les Pays-Bas seront les hôtes du prochain Sommet sur la sécurité nucléaire, en mars 2014, à La Haye.
Le Canada est également membre de l'Initiative mondiale de lutte contre le terrorisme nucléaire, un partenariat international regroupant 83 pays, qui s'emploient à améliorer la capacité, aux niveaux national et international, de prévenir, de détecter et de contrer des actes de terrorisme nucléaire. En tant que partenaire de l'initiative, le Canada a été l'hôte, au début de la dernière année, d'un exercice international en salle qui s'est tenu à Toronto, avec pour objet de simuler une intervention mixte fédérale, provinciale et municipale face à un acte de terrorisme nucléaire. Plus de 150 délégués de 45 pays ont assisté à cette rencontre, qui a été l'occasion de mettre en commun les meilleures pratiques en ce qui concerne la coordination de l'intervention face à ces menaces.
Lors du Sommet sur la sécurité nucléaire de Séoul, le a annoncé l'intention du Canada de réexpédier aux États-Unis, avant 2018, les stocks supplémentaires de matières nucléaires hautement enrichies qui se trouvent aux Laboratoires de Chalk River. Il a également annoncé une nouvelle contribution volontaire canadienne de 5 millions de dollars au Fonds pour la sécurité nucléaire de l'AIEA, afin de sécuriser les installations nucléaires dans des régions où des besoins urgents en ce domaine ont été relevés. Le Canada est le troisième bailleur de fonds, après les États-Unis et le Royaume-Uni, du Fonds pour la sécurité nucléaire de l'AIEA, au profit duquel il a versé 17 millions de dollars au total depuis 2004.
Le premier ministre a aussi annoncé le renouvellement, pour cinq autres années, du Programme de partenariat mondial (PPM) du MAECI, et la décision de continuer à financer ses activités, à hauteur de 367 millions de dollars. Cela se traduira par un budget annuel de 73,4 millions de dollars de 2013 à 2018. Le PPM a pour mandat de sécuriser et, dans la mesure du possible, de détruire les armes de destruction massive (ADM) et les matières connexes, pour empêcher que celles-ci ne tombent entre les mains de terroristes et d'États qui suscitent des préoccupations en matière de prolifération.
Dans le cadre du Programme, qui aide les 25 membres du Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes, le Canada s'emploie à réaliser des projets concrets à l'appui de la sécurité nucléaire à l'échelle de la planète, et il a consacré plus de 485 millions de dollars à la sécurité nucléaire et radiologique à ce jour. Cela comprend 209 millions de dollars pour le démantèlement de sous-marins nucléaires en Russie, 194 millions de dollars pour des projets visant à renforcer la sécurité physique dans des pays de l'ex-Union soviétique, ainsi que 13 millions de dollars pour prévenir le trafic illicite des matières nucléaires et radiologiques. Nous avons aussi apporté une importante contribution à l'élimination des matières pouvant servir à la fabrication d'ADM, y compris 9 millions de dollars pour mettre hors service les derniers réacteurs produisant du plutonium en Russie.
[Français]
Depuis, le programme a recentré ses efforts afin de s'attaquer à des menaces nouvelles et émergentes au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, en Asie et dans les Amériques.
À titre d'exemple, au Mexique et au Vietnam, une contribution de 8 millions de dollars a permis récemment d'extraire l'uranium hautement enrichi contenu dans des réacteurs de recherche et de convertir ceux-ci, pour qu'ils puissent utiliser des matières nucléaires à usage non militaire, soit de l'uranium faiblement enrichi. À cela s'ajoutent une contribution de 1,5 million de dollars visant à sécuriser des sources radiologiques en Libye, en collaboration avec les États-Unis et l'Agence internationale de l'énergie atomique, ainsi que de nombreux autres projets ailleurs dans le monde.
[Traduction]
Au cours des cinq prochaines années, une partie importante du budget consacré au programme devrait également servir à réaliser des projets dans le domaine de la sécurité nucléaire et radiologique.
Pour terminer, le projet de loi fait partie intégrante d'une stratégie canadienne globale visant à lutter contre le terrorisme nucléaire. Il s'agit aussi d'un élément essentiel des efforts déployés par le Canada afin de promouvoir la sécurité nucléaire à l'étranger. Nous avons certes réalisé des progrès face à cette menace, mais il reste encore beaucoup à faire.
C'est avec plaisir que mes collègues et moi-même répondrons à vos questions.
Merci.
:
Merci beaucoup. C'est un honneur d'être ici pour vous parler d'un sujet qui est extrêmement important pour la sécurité du Canada, des États-Unis et du monde entier.
Je suis d'accord avec M. Barber sur beaucoup des points qu'il a soulevés, pour ne pas dire tous. Si des terroristes arrivaient à faire détoner une bombe nucléaire, les conséquences seraient véritablement horribles, tant pour le pays ciblé que pour le reste du monde. C'est pourquoi même la plus mince des possibilités suffit pour justifier une intervention immédiate. Le Canada et les États-Unis ont fait oeuvre de chefs de file dans les efforts visant à protéger les matières nucléaires et à prévenir le terrorisme nucléaire, comme le disait M. Barber.
Depuis les attaques du 11 septembre aux États-Unis, les deux pays ont resserré les protocoles de sécurité entourant leurs propres matières nucléaires, aidé d'autres pays à faire de même, contribué à consolider les efforts de l'Agence internationale de l'énergie atomique, et travaillé à renforcer d'autres volets de la lutte mondiale contre le terrorisme nucléaire. Mais pour que les États-Unis et le Canada réussissent à convaincre d'autres pays d'adopter une approche responsable en vue de réduire les risques de vol de matières nucléaires et de terrorisme nucléaire, au Sommet sur la sécurité nucléaire qui aura lieu aux Pays-Bas en 2014 et au-delà de cela, ils doivent tous deux montrer l'exemple en appliquant eux-mêmes des mesures responsables.
Il est donc important que nos deux pays ratifient les deux principales conventions à cet égard: la Convention sur la protection physique des matières nucléaires, de même que l'amendement pertinent, et la Convention internationale pour la suppression des actes de terrorisme nucléaire. C'est l'appel qui a été lancé aux pays lors du Sommet sur la sécurité nucléaire de Séoul, en 2012. Comme vous le savez, lors du sommet de Séoul, les dirigeants ont établi comme objectif d'obtenir suffisamment de ratifications pour que l'amendement de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires soit mis en oeuvre d'ici la tenue du sommet de 2014. Le projet de loi dont vous êtes saisi permettrait au Canada de ratifier ces deux conventions, et je vous presse donc d'approuver son adoption.
Malheureusement, et je suis gêné d'admettre que mon propre pays, les États-Unis, n'a pas encore approuvé sa loi équivalente. C'était honteux à mon avis de ne pas l'avoir fait avant le sommet de 2010, et encore plus d'avoir de nouveau omis de le faire avant le sommet de 2012. Le processus est toujours en cours. Je garde espoir que nous y arriverons, sinon cette année, du moins avant la tenue du Sommet sur la sécurité nucléaire de 2014. Je crois cependant qu'il y a de fortes chances que ce sera fait cette année.
Le danger du terrorisme nucléaire demeure très réel. Des études menées par le gouvernement des États-Unis et d'autres pays ont conclu que si les terroristes devaient mettre la main sur des quantités suffisantes d'uranium ou de plutonium hautement enrichis, ils pourraient très bien fabriquer une bombe nucléaire brute assez puissante pour incinérer le centre d'une grande ville. Dans le cas de l'uranium hautement enrichi, il suffit essentiellement de faire heurter deux pièces à haute vitesse. Cela ne nécessite que de petites quantités, et il est effrayant de constater à quel point il est facile d'en faire la contrebande.
Le noyau d'Al-Qaïda, comme l'a indiqué le président Obama l'autre soir, n'est plus que l'ombre de ce qu'il était. Cependant, les affiliés régionaux se dispersent et quelques-uns des principaux opérants nucléaires d'Al-Qaïda sont toujours au large. Sachant qu'au moins deux groupes terroristes ont tenté activement de se procurer des armes nucléaires au cours des 20 dernières années, il faut s'attendre à ce qu'il y en ait d'autres. De plus, des terroristes ont sérieusement envisagé de saboter des usines d'énergie nucléaire, peut-être pour provoquer un incident comme celui qui a secoué Fukushima, au Japon, ou encore pour faire détoner une « bombe sale », afin de disperser des matières hautement radioactives.
Si des terroristes arrivaient à faire exploser une bombe nucléaire dans une grande ville, les effets politiques, économiques et sociaux d'une telle attaque se répercuteraient sur le monde entier. Kofi Annan, alors qu'il était secrétaire général des Nations Unies, avait indiqué que de telles répercussions économiques plongeraient des millions de personnes dans la pauvreté et entraîneraient une seconde hécatombe dans les pays en développement. On ne pourrait faire autrement que de craindre que les terroristes aient une deuxième bombe prête à exploser ailleurs. Le monde s'en trouverait transformé, et pas pour le mieux.
C'est donc dire qu'une protection défaillante des matières nucléaires où que ce soit dans le monde constitue une menace pour nous tous, peu importe où nous nous trouvons. Ce n'est pas seulement l'avis des États-Unis. Le secrétaire général des Nations Unis, Ban Ki-moon, a déclaré que le terrorisme nucléaire représentait l'une des plus graves menaces de notre ère. Mohamed ElBaradei, alors qu'il était à la tête de l'AIEA, l'a qualifié de « plus grande menace pour l'humanité ».
Le représentant spécial du président russe pour la lutte contre le terrorisme, Anatoly Safonov, a indiqué qu'ils avaient la ferme conviction que les terroristes avaient reçu des ordres précis en vue de se procurer des armes nucléaires et leurs composantes.
Il y a un certain temps, mes collègues du Belfer Center et moi-même, en collaboration avec des collègues de la Russie, avons produit une évaluation conjointe États-Unis-Russie de la menace du terrorisme nucléaire. Notre évaluation a également été avalisée par un groupe de haut gradés militaires à la retraite et d'agents du renseignement de nos deux pays. Je serais heureux de vous la remettre à titre de référence.
Heureusement, depuis la chute de l'Union soviétique, d'énormes progrès ont été réalisés partout dans le monde à l'égard de la protection des armes nucléaires et des matières nécessaires à leur fabrication. Les ingrédients essentiels d'une bombe nucléaire pouvaient être entreposés dans des endroits semblables à un vestiaire de gymnase d'école, verrouillés avec un cadenas qu'on pouvait couper avec une paire de cisailles achetées dans n'importe quelle quincaillerie. On ne voit plus cela.
Les protocoles de sécurité nucléaire ont été grandement améliorés dans une foule de sites un peu partout dans le monde. Dans d'autres, on a complètement retiré les matières nucléaires servant à la fabrication d'armes, réduisant ainsi les risques de vol à zéro. Plus de 20 pays ont éliminé de leur territoire toute matière nucléaire servant à la fabrication d'armes, et les sommets sur la sécurité nucléaire ont fourni l'élan politique voulu pour accélérer les progrès.
Néanmoins, comme M. Barber l'a signalé, il reste encore beaucoup à faire. Mes collègues et moi-même au Belfer Center, avant le sommet de l'an dernier, avons préparé un rapport sommaire qui souligne les réalisations à ce jour et le travail qu'il reste à faire. Encore là, je serais heureux de vous le fournir à titre de référence.
Permettez-moi de vous parler de quelques-unes des plus dangereuses zones qui existent toujours.
Les réserves nucléaires du Pakistan, modestes mais s'accumulant rapidement, sont soumises à des protocoles de sécurité très serrés, je crois, mais font l'objet plus que toutes les autres de menaces graves, autant de la part d'extrémistes lourdement armés qui pourraient les attaquer de l'extérieur, que d'acteurs internes qui pourraient aider les extrémistes à exécuter leurs plans.
En Russie, où se trouvent les plus importantes réserves d'armes nucléaires et de matières nucléaires servant à la fabrication d'armes, qui sont dispersées dans un grand nombre de bâtiments et de bunkers, les mesures de sécurité se sont beaucoup améliorées, même si d'importantes failles exposent toujours l'arsenal à un complot de vol bien organisé. Et la viabilité du programme de sécurité demeure grandement incertaine, puisque la Russie n'arrive toujours pas à mettre en oeuvre efficacement des mesures de sécurité nucléaire rigoureuses, et n'a pas les fonds fédéraux nécessaires pour assurer la sécurité à long terme.
Il y a encore plus d'une centaine de réacteurs de recherche à l'échelle internationale, et l'uranium hautement enrichi sert toujours de carburant ou de cible pour la production d'isotopes médicaux. De plus, bon nombre de ces réacteurs sont soumis à des règles de sécurité peu contraignantes. Certains sont d'ailleurs situés sur des campus universitaires.
À l'heure actuelle, malheureusement, les mécanismes de gouvernance mondiale de la sécurité nucléaire ne sont pas très stricts. Aucune règle internationale ne précise quel niveau de sécurité est requis pour protéger une arme nucléaire ou un morceau de plutonium ou d'uranium hautement enrichi. Il n'y a aucun mécanisme en place pour vérifier si les pays possédant des matières nucléaires assurent leur protection de manière responsable.
Fukushima nous a clairement fait comprendre qu'il fallait resserrer le régime de sécurité et de protection mondial, parce qu'un jour, il se peut que des terroristes tentent de reproduire le tsunami qui a décimé Fukushima.
En prévision du sommet de 2014, un de nos principaux objectifs devrait être de trouver des façons de travailler ensemble pour solidifier le cadre mondial et garder la sécurité nucléaire dans la mire, même après la tenue de ces sommets.
Il est important de ratifier les conventions maintenant, mais, comme le disait M. Barber, cela devrait faire partie d'une stratégie intégrée et constituer la première étape de l'établissement et de la consolidation du cadre de travail mondial. Je pense que le Canada peut faire beaucoup à cet égard.
Je suis très heureux que le Canada ait pris des mesures pour réduire la quantité d'uranium hautement enrichi laissé par la production d'isotopes médicaux et les activités des réacteurs de recherche au Canada. Je pense que c'est un très grand pas dans la bonne direction. Et ce qui est plus important encore, c'est le travail dont parlait M. Barber concernant l'aide aux autres pays. Aussi, il y a les mesures très importantes, à mon avis hautement efficaces et impressionnantes, qu'a prises le Canada pour accroître la protection des matières nucléaires sur son territoire.
Lors du Sommet sur la sécurité nucléaire de Séoul, on a notamment voulu que chaque pays indique ce qu'il compte faire pour minimiser l'utilisation de l'uranium hautement enrichi pendant la prochaine année, soit d'ici décembre 2013. J'ose espérer que le Canada se joindra alors aux producteurs européens et sud-africains d'isotopes médicaux en prenant l'engagement ferme de mettre un terme à l'utilisation de l'uranium hautement enrichi dans les isotopes médicaux dans un délai prescrit, et que le Canada se donnera comme objectif d'interdire toute utilisation civile de l'uranium hautement enrichi sur son territoire, car cela n'est plus nécessaire.
Dans nos deux pays, l'adoption de ces mesures législatives représentera un important pas en avant, et j'espère que le Canada saura prêcher par l'exemple pour que notre Sénat et notre Chambre des représentants lui emboîtent le pas.
Merci beaucoup. C'est avec grand plaisir que je répondrai à toutes vos questions.
:
Les deux textes législatifs visent à faire en sorte que les lois de nos deux pays aillent dans le sens des obligations prévues dans la convention pour l'interdiction de certains actes liés au terrorisme nucléaire et l'imposition de peines correspondant à la gravité de ces crimes.
Étant donné le nombre de personnes qui risquent de perdre la vie si un acte de terrorisme nucléaire est commis, je pense que des agissements comme la contrebande de matières nucléaires devraient être considérés sur le même plan que le complot en vue de commettre un meurtre ou un crime de même gravité.
Ainsi, le projet de loi prévoit des peines pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité pour bon nombre des actes cités.
Aux États-Unis, l'adoption de notre loi en la matière a notamment été retardée en raison d'une tentative, tant sous l'administration Bush que sous l'administration Obama, d'inclure des dispositions prévoyant la peine de mort pour certains de ces actes. Des membres du Congrès s'y sont opposés.
Un compromis bipartite a été négocié à la Chambre des représentants — à peu près le seul dont je me souvienne au cours des dernières années — mais un petit nombre de sénateurs ont réussi à tenir le fort en prônant le rétablissement de la peine de mort. C'est une question qui fait partie de la vie politique aux États-Unis.
La différence principale se situerait donc entre cette possibilité d'imposer la peine de mort par rapport à l'emprisonnement à perpétuité.
Mais les actes de terrorisme cités dans le projet de loi comme dans la loi américaine sont les mêmes que ceux visés par la convention, ce qui devrait permettre à chaque pays de la ratifier.
À mon avis, si on considère d'une manière générale les lois américaines, on constate que les actes en question sont déjà interdits et que notre pays aurait dû ratifier ces conventions il y a longtemps déjà, sans se préoccuper d'adopter quelque loi que ce soit. Mais notre ministère de la Justice a déterminé qu'il nous fallait cette loi pour mettre les derniers points sur les « i » et les dernières barres sur les « t ».
Merci à tous nos témoins de leur présence et merci à vous, monsieur Bunn, de votre participation.
Monsieur Bunn, je note que vous êtes professeur agrégé en politiques publiques au Centre Belfer pour les sciences et les affaires internationales qui fait partie de l'École Kennedy d'administration publique, et que vos recherches portent notamment sur le vol de matières nucléaires et le terrorisme, la prolifération nucléaire et les mesures de contrôle à cet égard, l'avenir de l'énergie nucléaire et le cycle du combustible nucléaire, et les politiques visant à promouvoir l'innovation en matière de technologies énergétiques. Je crois que nous sommes privilégiés de pouvoir compter aujourd'hui sur toute votre expertise et je vous en remercie.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez fait référence au rapport de 2011 du Centre Belfer intitulé « U.S.-Russia Joint Threat Assessment of Nuclear Terrorism ». Vous y indiquez notamment que de tous les types de terrorisme, le terrorisme nucléaire est celui qui pose la plus grande menace pour notre planète.
Lors de votre témoignage devant le comité sénatorial spécial chargé de l'étude de ce projet de loi en juin de l'an dernier, vous avez déclaré ce qui suit:
Le site le plus menacé au monde est un petit arsenal nucléaire au Pakistan qui se développe rapidement et qui est sous haute surveillance. Il est menacé par des extrémistes fortement armés et des gens qui travaillent sur place et qui sont susceptibles d'aider les extrémistes.
Vous avez dit ensuite:
La Russie a les plus grands arsenaux d'armes nucléaires et de matières nucléaires pouvant être utilisés à des fins militaires. Ces arsenaux se trouvent dans le plus grand nombre de bâtiments et d'abris fortifiés au monde et les mesures de protection des matières nucléaires ont été considérablement renforcées.
Voilà une bonne nouvelle. Mais vous précisez:
Il n'en demeure pas moins quelques faiblesses...
Votre collègue, Simon Saradzhyan, a attiré l'attention du même comité sur les actions et les intentions des groupes terroristes basés dans la région du Nord-Caucase en Russie. Il a indiqué dans son témoignage que ces groupes se sont déjà « procuré des matières radioactives. Ils ont menacé d'attaquer les installations nucléaires russes. Ils ont planifié le détournement d'un sous-marin nucléaire en utilisant l'expertise d'un ancien officier de marine qui faisait partie de leur groupe. »
Dans votre déclaration de tout à l'heure, vous avez soulevé des inquiétudes à l'égard d'actes terroristes qui pourraient faire autant de dommage — voire bien davantage — que le récent tsunami au Japon.
Considérant tout cela, j'aimerais que vous nous disiez dans quelle mesure nous devons vraiment nous inquiéter de cette menace de terrorisme nucléaire qui plane sur le monde et nous montrer vigilants en prenant toutes les dispositions nécessaires.
:
Oui, je vous remercie, monsieur Marston. C'est une excellente question, mais il serait probablement plus adéquat de la poser aux représentants de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
Je peux toutefois vous dire ceci: cette décision fait partie d'un effort international qui vise à rapatrier vers leurs pays d'origine les matières fissiles hautement enrichies afin de les transformer en matières faiblement enrichies, de les retraiter et de les détruire.
M. Bunn a souligné à juste titre que l'élément critique, pour nous, ce sont les stocks de matières fissiles. Nous devons veiller à ce que les terroristes et leurs organisations n'arrivent pas à en obtenir suffisamment pour créer une arme qui aurait des effets dévastateurs dans nos grands centres urbains.
Y a-t-il lieu de s'inquiéter? Je comprends l'inquiétude des gens. Nous les comprenons. En tant que citoyen, j'aurais les mêmes.
Il y a d'autres pays qui font la même chose que vous. L'an dernier, nous avons aidé le Mexique a rapatrier aux États-Unis l'uranium hautement enrichi d'un réacteur de recherche de Mexico. Nous sommes également en train d'aider le Vietnam à rapatrier en Russie l'uranium hautement enrichi d'un réacteur de recherche.
Il y a des matières de ce type à Chalk River. Il en coûte très cher aux contribuables canadiens pour les conserver là-bas. Pour le moment, nous ne disposons pas de la technologie nécessaire pour les retraiter sur place. La technologie et l'installation qui le permettent se trouvent à Savannah, en Géorgie. Pour respecter les engagements qu'il a pris au Sommet sur la sécurité nucléaire, notre a entrepris de retourner ces matières d'où elles viennent, comme d'autres pays du monde, et je dois dire qu'ils sont très nombreux à faire de même.
Les modalités de transport pour déplacer ces matières de Chalk River à Savannah, en Géorgie, ne relèvent pas de nous, mais elles créent évidemment des inquiétudes chez les citoyens. Ce serait une question à porter à l'attention des gens de la CCSN, de Transports Canada et ultimement...
Et merci aussi à vous, monsieur Jacob.
Ici se termine la comparution de ce groupe de témoins.
Je tiens à remercier M. Bunn, qui a témoigné depuis Harvard et à qui nous sommes reconnaissants de sa contribution à notre discussion sur le projet de loi .
Je tiens aussi à remercier tous les agents ici présents du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Monsieur Barber, vous avez promis une réponse à l'un des membres du comité. Veuillez à ce sujet voir le greffier du comité et veillez à ce que la réponse soit communiquée à tous les membres du comité.
Merci.
Nous allons suspendre les travaux pendant environ une minute, le temps, pour les agents du ministère des Finances de s'approcher, puis nous entreprendrons l'étude article par article.
Une voix: Du ministère de la Justice.
Le président: Ah! Vieillesse, quand tu nous tiens... Le temps pour les agents du ministère de la Justice de s'approcher.
Merci beaucoup. Je suspends les travaux pendant une minute.
:
Mesdames et messieurs, veuillez vous asseoir. Commençons et voyons si nous pouvons terminer.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à Mme Morency et à M. Koster, du ministère de la Justice.
Qu'en dites-vous si nous vous appelons par vos prénoms, Carole et Greg?
Vous êtes ici, n'est-ce pas, pour répondre aux questions, pendant l'examen article par article?
Une voix: Oui.
Le président: D'accord. Merci beaucoup.
Mesdames et messieurs, le projet de loi est assez court. À peu près neuf articles.
Le Parti libéral a présenté des amendements, relativement à l'article 5. Si l'amendement LIB-1 est rejeté, cela entraîne automatiquement le rejet de l'amendement LIB-2; même chose pour les amendements LIB-3 et LIB-4. L'amendement LIB-5 ne dépend pas des autres.
Pour poser une question sur un article, veuillez lever la main pour que nous demandions à la personne compétente de répondre. Nous mettrons ensuite l'amendement aux voix.
Commençons.
Conformément au paragraphe 71(1) du Règlement, l'article 1 est réservé. Je dois donc commencer par l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
(Article 3)
Le président: M. Mai a une question.
:
Le projet d'article 82.3 commence par la description de l'intention coupable, qui est un élément essentiel de l'infraction, l'élément mental.
En effet, on lit d'abord: « quiconque, dans l'intention de... », pour ensuite passer à l'élément matériel. L'élément mental est donc l'intention de causer la mort, des lésions corporelles graves, etc., de sorte que quiconque, dans cette disposition mentale, fabrique un engin ou possède, utilise, transfère, exporte, et ainsi de suite... On a l'énumération des éléments mental et matériel de l'infraction.
Le mot « ou » suit la description de l'élément matériel de cette première infraction. Voici ma question: pour tout ce qui suit ce « ou », est-ce qu'il faut le même élément mental que pour la partie qui le précède?
Les amendements précisent que l'élément mental exposé dans le projet d'article 82.3, par exemple, l'intention de causer la mort, des lésions corporelles graves, etc., est aussi exigé pour les autres actions énumérées.
Sans cette précision, on pourrait penser que la simple commission de l'acte matériel suffit pour la condamnation. On n'aurait donc pas besoin d'une intention précise. La seule commission de l'acte entraînerait la culpabilité.
Le seul but des quatre premiers amendements est de préciser que l'élément mental décrit s'applique à tous les autres actes matériels énumérés dans la disposition. C'est leur raison d'être. Clarifier.
:
Je n'ai pas non plus de réserves particulières au sujet de l'amendement. Je trouvais qu'il était inutile. Il ne dit rien de plus. Il ne fait que couper le paragraphe et reprendre la suite, ce que j'avais déjà lu de toute façon.
Par contre, en lisant la version anglaise, j'ai cru constater qu'il manquait un « or ». Ça concerne la ligne 9, je crois. On dit
[Traduction]
« of nuclear material, », avec une virgule, et, d'après moi, il faudrait que ce soit « or », pour correspondre au « ou » de la version française. Au lieu de « of nuclear material, a radioactive material, or a device », il faudrait lire: « of nuclear material, or a radioactive material, or a device ».
C'est tout. J'ai cru un moment, pendant que je cherchais à comprendre son pourquoi, qui n'était pas évident, que l'amendement ne visait qu'à ajouter un « or », mais je le trouvais bien long pour si peu. De toute manière, je propose que nous devrions au moins...
Ça ne change rien. J'ignore si les spécialistes de la Justice s'en rendent compte ou peut-être est-ce une erreur de lecture de ma part. Je ne voudrais pas déclencher une longue discussion entre avocats sur l'emploi de la virgule plutôt que deou.
En dehors de cela, l'amendement ne me gêne pas. Je crois simplement qu'il est totalement inutile.
:
Merci de votre réponse.
Poursuivons.
(L'article 9 est adopté.)
(L'article 10 est adopté.)
Le président: Est-ce que le titre abrégé est adopté?
Des voix: Oui.
Le président: Est-ce que le titre est adopté?
Des voix: Oui.
Le président: Est-ce que le projet de loi est adopté?
Des voix: Oui.
Le président: Puis-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?
Des voix: Oui.
Le président: Merci beaucoup.
Je vous préviens que je ne serai pas à la Chambre demain matin. Je vais donc faire rapport à la Chambre le 25 février, à mon retour.
Cela conclut notre étude du projet de loi .
Merci beaucoup et merci aux greffiers législatifs de m'avoir appuyé et de m'avoir encouragé.
Passons au point suivant à l'ordre du jour. Il reste peut-être une demi-heure, peut-être pas.
Madame Boivin, votre motion de lundi a été reportée à aujourd'hui. Je vous cède donc la parole pour que vous puissiez la déposer de nouveau, si vous voulez.
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C'est excellent. Merci, monsieur le président. Moi qui pensais n'avoir qu'une quinzaine de minutes pour traiter de cette motion, en fait, je vais avoir une demi-heure lundi et encore une demi-heure aujourd'hui. Je l'apprécie.
À ce stade-ci, j'ai essentiellement fait le tour de la question. La secrétaire parlementaire du ministre de la Justice m'a fait parvenir, au cours de la dernière heure, un document concernant l'article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. J'ignore s'il a été distribué à tous mes collègues du comité. Ce serait probablement utile pour ceux qui s'intéressent à ce fonctionnement. Je n'ai pas eu le temps d'analyser le document pour voir s'il répond réellement à l'objet de ma motion. Je ne suis pas convaincu qu'il s'agisse d'une véritable réponse.
Je serais peut-être portée à vouloir plutôt revoir le point soulevé par mon collègue M. Rathgeber.
[Traduction]
Nous avons distribué de l'information pour éclaircir un peu les raisons sous-jacentes. Je tiens à souligner que l'idée n'est pas de faire une grande enquête. Mon collègue a parlé de la notion de sub judice, ce qui n'est pas le cas, car il ne s'agit pas de l'affaire devant le tribunal. Bon nombre de parlementaires, mais sans doute pas tous, ont été sensibilisés en raison de cette affaire à l'obligation découlant de
[Français]
l'article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cela existe également dans la Loi sur les textes réglementaires. Cela existe à bien des égards et cela fait partie de notre rôle de législateur.
Derrière tout cela, mon intention est simplement de suggérer que l'on tienne une réunion. Je comprends que l'ordre du jour du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est très chargé et qu'il va l'être encore plus avec l'étude des projets de loi qui vont être présentés. C'est pourquoi je n'ai pas fixé de délai.
Cependant, il serait bon que le sujet soit étudié en sous-comité ou en comité permanent afin d'avoir le loisir de discuter avec les avocats du ministère de la Justice pour comprendre, au-delà de la terminologie contenue dans l'article 4.1, comment cela s'inscrit et se vit dans les faits. Ils pourraient parfois nous donner des exemples, pas nécessairement des cas précis, mais simplement nous donner une idée. C'est une chose de dire que le ministre doit vérifier si l'une des dispositions du projet de loi est incompatible avec la Charte, mais c'en est une autre d'expliquer comment cela se passe et quelle sorte de vérification est faite. Bref, il existe des spécialistes sur le sujet.
Je ne sais pas si c'est parce que je m'intéresse à la question, mais je trouve qu'il y a tellement de spécialistes. Entre autres, j'ai fourni à mon collègue un article du professeur Kelly de l'Université Concordia intitulé
[Traduction]
The Canadian Charter of Rights and the Minister of Justice: Weak-form Review within a Constitutional Charter of Rights.
[Français]
Quand je lis de pareils propos, je suis inquiète. Je me dis que je serai au moins capable de regarder les gens dans les yeux, de leur affirmer qu'au-delà de la politique, les tests de conformité avec les lois constitutionnelles et la Charte canadienne des droits et libertés sont effectués sérieusement, et de leur expliquer comment cela fonctionne. On pourra alors passer au sujet suivant.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens tout d'abord à remercier mes collègues de leur indulgence lundi pour avoir bien voulu reporter le dossier de 48 heures afin que le comité ait le temps de bien l'examiner. Je crois qu'il s'agit d'une question très sérieuse, et je crois aussi que nous devons tous veiller à ce que nos mesures législatives respectent la Charte.
Je tiens également à remercier ma collègue et le personnel de son bureau de m'avoir fait parvenir le document dont elle a parlé, une lecture de chevet très intéressante, un document qui avait 39 pages et que j'ai lu en entier...
Mme Françoise Boivin: Je suis fière de vous.
M. Brent Rathgeber:... en plus des actes de procédure relatifs à la décision de la Cour fédérale dans l'affaire Schmidt v. Procureur général du Canada.
Après avoir mûrement réfléchi à la question, et je comprends très bien le but de la motion, je pense en fait qu'il serait inapproprié pour un comité législatif d'entreprendre une telle étude pour une raison très simple. L'outil qu'un comité législatif utilise pour remédier à un problème réel ou perçu — et je ne sais pas si dans ce cas il s'agit d'un problème réel ou perçu, mais néanmoins — c'est de légiférer. Dans ce cas, il y a déjà une mesure en place.
Si l'allégation est que la loi n'est pas respectée, je ne vois pas très bien ce que le Parlement ou un comité parlementaire peut faire. C'est une question qui relève des tribunaux, et l'affaire est devant les tribunaux; elle est plaidée précisément dans Schmidt v. Procureur général du Canada. Il y aura une décision rendue. On entendra la preuve, et si la loi n'est pas respectée, on prendra les mesures qui s'imposent.
Ce qui me préoccupe, c'est la notion de sub judice, même si je suis d'accord que c'est en quelque sorte de manière très indirecte; l'affaire est devant la cour, mais ce n'est pas l'élément central de la poursuite. Si je m'oppose à cette motion, c'est principalement parce que je ne crois pas qu'un comité parlementaire comme le nôtre pourrait remédier à la situation, même si on en arrivait à la conclusion qu'il y a un problème. J'espère que les documents déposés par la secrétaire parlementaire répondront à la motion, mais dans le cas contraire, je me verrai dans l'obligation de voter contre.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais répondre à mon collègue conservateur. Je souligne que j'apprécie le fait qu'il ait pris le temps de lire la motion. C'est ce qu'on doit faire lorsque des motions sérieuses sont présentées.
Je retiens ceci du discours de la secrétaire parlementaire et de celui de M. Rathgeber. Ils disent que, de toute façon, les tribunaux seront là pour faire leur travail si jamais il y avait un erreur. Cela me rappelle un peu ce qui se passait lorsque je faisais du droit du travail et qu'on rédigeait une convention collective. Des gens autour de cette table ne seraient peut-être pas d'accord avec moi, mais je disais toujours que quand on pond quelque chose, on doit s'assurer que c'est aussi parfait que possible, même si la perfection n'est pas de ce monde.
Le système juridique du Canada a des règles. La jurisprudence et différentes choses font en sorte qu'on soit équipé, sauf quand on crée quelque chose de totalement nouveau. À ce moment-là, on sort des sentiers battus. Je peux comprendre qu'on ait un peu plus de difficulté. Le meilleur exemple est celui des experts qui nous parlent de projets de loi présentés par le gouvernement ou le Sénat et qui nous disent que nous avons des problèmes. Vous me direz que c'est leur interprétation, mais ils disent que nous avons des problèmes relativement à la Charte et qu'en créant telle ou telle disposition, cela pose problème en vertu de la Charte.
C'est exactement le genre de discours ou de débat auquel a dû faire face le ministre de la Justice lorsqu'on a fait l'analyse, en vertu de l'article 4.1, et que les spécialistes du ministère de la Justice ont émis un avis. Je ne pense pas qu'il soit approprié de dire que, de toute façon, les tribunaux feront leur travail quand on sera rendu à cette étape. Au contraire, on devrait s'assurer, autant que possible, que le justiciable, celui pour qui on travaille, le Canadien, ne passe pas par les tribunaux pour savoir si la loi est conforme ou pas à la Charte.
Il y a eu des contestations, et le fait qu'elles aient du succès devant les tribunaux ne signifie pas, selon moi, que ceux-ci font de l'ingérence dans le merveilleux monde du législatif. Ils rétablissent plutôt le droit. Le comité et les parlementaires à la Chambre auraient dû percevoir cela. L'article 4.1 a été adopté pour faire en sorte qu'on ne soit pas obligé d'aller devant les tribunaux.
Je vais vous dire la même chose qu'à mes clients quand on écrivait une convention collective. Je leur disais que si j'avais bien fait mon travail, ils n'allaient plus me revoir, et que si je n'avais pas bien fait mon travail, ils allaient me revoir, car toutes sortes de choses ne seraient pas claires et il y aurait des griefs d'interprétation. Si nous faisons notre travail de législateur comme il faut et que nous nous assurons que nos lois sont conformes aux chartes et au partage des pouvoirs en vertu de la Constitution canadienne, en principe, il ne devrait pas y avoir de problèmes.
Je trouve qu'il y a un peu de laisser-aller et qu'on fait preuve d'une confiance un peu aveugle quand on pense que, de toute façon, il y a les tribunaux en bout de piste. Entre vous et moi, quiconque a eu à plaider devant les tribunaux sait que cela coûte cher. On connaît les problèmes d'accès à la justice. Je ne suis pas sûre d'avoir à répondre aux Canadiens que puisque la loi est peut-être illégale, ils n'ont qu'à aller se plaindre devant les tribunaux pour en contester la légalité au sens de la Charte.
Le recours intenté par M. Schmidt nous sert peut-être de lumière rouge. Cela nous a tous donné un coup. Cela nous amène à nous demander si les tests sont vraiment bien appliqués ou, comme le disait la secrétaire parlementaire, si cela a toujours bien fonctionné au cours des 30 dernières années.
On sait que beaucoup de recours en vertu de la Charte ont été couronnés de succès. J'aimerais dire à la secrétaire parlementaire que tous ces recours sont des indications de quelque chose. Si j'étais l'avocate chargée du dossier, on me demanderait pourquoi j'avais dit que cette histoire avait de l'allure, alors qu'on se serait fait critiquer par la Cour suprême du Canada. Ne me dites pas qu'au cours des 30 dernières années il n'y a pas eu de recours en vertu de la Charte victorieux devant la Cour suprême du Canada. Au contraire, on pourrait vous sortir un liste.
Cela ne veut pas dire que, parfois, les spécialistes du ministère de la Justice ne le diront pas. J'en ai préparé, des avis juridiques de cette nature, où l'on dit que telle ou telle théorie se tient, où l'on indique ce qui prime, à notre avis, mais qu'un autre argument est possible. Au moins, on sait que l'exercice se fait.
Mon inquiétude provient du fait que l'on est un peu blasé. Cette inquiétude m'amène à proposer que ce comité voie cela autrement. Je ne crois pas qu'il soit suffisant d'indiquer que c'est ce que la loi prévoit, c'est la manière dont on le fait, et que, pour passer le test, cela doit être un argument raisonnable de bonne foi susceptible d'être entendu et reçu par les tribunaux. Habituellement, les tribunaux vont recevoir et entendre à peu près n'importe quoi qui leur sera soumis. Toutefois, cela ne veut pas dire qu'on aura réellement fait une analyse solide en fonction de la Charte.
Je pense que notre obligation n'est pas de nous en remettre aux tribunaux dans l'avenir, ce qui ne favorise pas nécessairement le mieux-être des Canadiens. Il faut bien faire notre travail d'abord afin d'éviter qu'on ne se rende là.