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Je vais parler de la motion. D'accord?
Le président: Oui.
M. Jack Harris: Je suis scandalisé. Je trouve scandaleux que le gouvernement souhaite qu'un projet de loi qui comporte plus de 200 articles se rapportant à neuf lois différentes, qui ont fait l'objet d'un débat public un peu partout au Canada… Nous savons que certaines de ces mesures ont déjà été examinées, parfois même en comité, mais pas toutes.
Je me demande ce que l'on cherche à faire ici. Essayons-nous de faire taire le débat au sujet de questions qui revêtent une grande importance pour le public, des questions qui intéressent vivement les provinces, les groupes communautaires, les organisations policières, les groupes de victimes, des gens de tous les milieux?
J'ai moi-même reçu entre 12 000 et 15 000 courriels et lettres. Je suis sûr que d'autres députés en ont reçu beaucoup aussi. Le public s'intéresse énormément à ces questions.
L'autre jour, on a émis la crainte, 15 minutes après le début de la séance, que nous allions faire de l'obstruction systématique. Personne ici ne fait de l'obstruction. Nous parlons de mesures législatives qui intéressent les gens, qui changent le cours de la justice pénale au Canada. Des experts sont venus nous parler des difficultés qu'ils voyaient dans ces mesures, du fait qu'elles feront reculer le Canada par rapport aux autres pays.
Certaines dispositions du projet de loi ont fait l'objet de commentaires éclairés de la part d'experts tels que des professeurs de droit qui s'intéressent à ces questions depuis 20 ou 30 ans et dont les opinions sont citées par la Cour suprême du Canada. Vous dites que nous n'allons pas en tenir compte, que nous ne poursuivront pas notre étude au-delà d'aujourd'hui, que nous allons examiner ce projet de loi aujourd'hui seulement? C'est absolument ridicule. Consacrer deux séances à un projet de loi de cette importance, qui suscite autant d'intérêt et de débats dans le public, c'est se moquer de la démocratie.
Nous avons eu une séance l'autre jour. Nous avons réalisé certains progrès. Je suppose que si nous avions disposé d'une heure de plus, nous aurions fait énormément de progrès. C'est ce qu'exigent les lois. Notre rôle, en tant que législateurs, consiste à examiner ces projets de loi pour essayer de les améliorer.
L'autre jour, nous avons entendu M. Cotler, un autre législateur expérimenté, un professeur de droit qui a étudié cette mesure. Il a proposé sept ou huit amendements bien conçus. Ils n'ont pas été adoptés, mais ils ont été proposés, et cela pour une bonne raison. Ils ont été proposés parce qu'ils méritaient d'être examinés et parce qu'il y avait des arguments en faveur de leur adoption.
L'article suivant du projet de loi se rapporte à l'exploitation des enfants et j'ai l'impression qu'il sera adopté très rapidement. J'ai une motion, qui sera sans doute acceptée, dans laquelle je propose d'adopter en même temps toutes ces dispositions. Nous pourrions passer alors aux autres.
Pourquoi le gouvernement juge-t-il nécessaire d'imposer la clôture en comité pour un projet de loi aussi important et aussi complexe? C'est une chose dont il faudrait également tenir compte. Certaines de ces dispositions,comme celles qui concernent le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, sont d'une grande grande complexité. Ce sont des dispositions très complexes. Celles qui concerne la Loi réglementant certaines drogues et autres substances le sont également et certaines d'entre elles doivent faire l'objet d'une étude détaillée.
Je suppose que les membres du comité qui sont en face de moi ont reçu d'en haut l'ordre de clore le débat. Pour quelle raison? Pourquoi aujourd'hui? Pourquoi pas la semaine prochaine? Pourquoi pas mardi prochain? Pourquoi pas jeudi prochain? Le gouvernement a-t-il d'autres intentions et cherche-t-il à clore entièrement le débat, proroger la Chambre et partir d'ici parce que ses idées ne semblent pas être bien accueillies?
Est-ce son intention?
C'est un mystère et le public canadien doit se demander pourquoi le gouvernement s'imagine que s'il a la majorité des sièges à la Chambre, un mandat que l'on dit fort avec 39 p. 100 des suffrages, cela lui donne le droit de faire adopter des lois à toute vapeur sans qu'elles ne soient examinées sérieusement.
Il est inadmissible, absolument inadmissible qu'un gouvernement traite l'assemblée législative de cette façon et ne tienne pas compte des nombreux appels qui ont été faits au comité pour qu'il examine certains aspects de cette mesure. Il est absolument inconcevable qu'il présente cette motion le deuxième jour d'audience du comité. Je ne sais même pas s'il y a un précédent. Je ne me souviens pas qu'un gouvernement ait jamais agi ainsi pour une mesure législative aussi importante en refusant le débat, en refusant d'envisager des discussions publiques, en refusant de prendre au sérieux les instances que nous recevons des autres gouvernements.
Pendant notre séance de mardi, le ministre de la Justice du Québec a envoyé à tous les membres du comité un courriel qui faisait suite à ses suggestions visant à améliorer le projet de loi et à certaines inquiétudes qu'il avait exprimées au nom de son gouvernement et de la population du Québec. On nous annonce maintenant, sans préavis, que nous n'aurons pas le temps d'examiner cela comme il faut, à moins de le faire d'ici minuit. Je ne suis même pas sûr qu'une motion proposant de fixer le délai à minuit ce soir, sans préavis, soit recevable, monsieur le président.
Je trouve révoltant qu'alors que nous sommes ici depuis 8 h 45 ce matin, pour une réunion qui devait durer deux heures, sans avertir qui que ce soit, non seulement les membres du comité, mais tous les membres du public qui s'intéressent à cette mesure, à l'évolution de la justice pénale au Canada, à la situation de notre système correctionnel et de nos services correctionnels, à la façon dont les gens seront traités, s'ils iront en prison et pendant combien de temps, le gouvernement s'imagine que le simple fait d'avoir remporté les élections en mai et obtenu 12 ou 15 sièges de majorité, a le droit de faire adopter ce projet de loi à la hâte, sans un examen suffisant.
C'est irresponsable, c'est antidémocratique et c'est contraire aux traditions du Parlement. C'est un scandale, monsieur le président et j'exhorte les députés d'en face à réfléchir très sérieusement avant de continuer dans cette voie. C'est répréhensible, c'est sans précédent, et le public canadien ne veut pas que les parlementaires agissent ainsi.
Les Canadiens sont prêts à accepter le fait que le gouvernement est majoritaire et nous avons toujours été prêts à l'accepter. Nous le comprenons. Nous ne sommes pas nés d'hier. Néanmoins, une majorité parlementaire ne permet pas de faire fi du processus démocratique et d'obliger les gens à avaler certaines mesures. Cela n'autorise pas à étouffer les discussions et le débat et à faire taire les opinions parce qu'on n'est pas d'accord.
C'est un processus raisonné. Il ne s'agit pas de simples discours. M. Cotler a présenté des arguments juridiques pour chercher sincèrement à améliorer la loi. Ce n'était pas une envolée oratoire visant à marquer des points politiques ou quoi que ce soit de ce genre. C'était pour que nous fassions notre travail de législateurs en veillant à examiner soigneusement une mesure législative importante qui va changer le cours de la justice pénale au Canada.
Il est antidémocratique de prétendre que vous avez le droit de le faire parce que vous êtes majoritaires. Ce n'est pas ce que les Canadiens attendent de leur Parlement et ce n'est pas ce qu'ils attendent des parlementaires qu'ils ont élus pour les représenter à Ottawa.
Les députés du Parti conservateur ne sont pas les seuls à avoir été élus le 2 mai. Le 2 mai, 103 néo-démocrates ont été élus. Le 2 mai, 34 libéraux ont été élus. Toutes ces personnes ont été élues par la population canadienne pour venir à la Chambre et aux comités faire connaître les opinions de ceux qui les ont élus pour les représenter.
Ce n'est pas une simple question de chiffres. Vous ne pouvez pas dire que vous pouvez faire ce que vous voulez, quand vous voulez, sous prétexte que vous avez plus de sièges. Si c'est ça la démocratie, je pense que les Canadiens ont misé sur le mauvais cheval. S'ils ont choisi un gouvernement — un groupe de gens — qui pensent que la démocratie c'est faire exactement ce qu'ils veulent quoi qu'en pensent les autres parce qu'ils ont plus de sièges, les Canadiens aimeraient sans doute revenir sur leur décision du 2 mai, car ce n'est pas ce qu'ils attendent de leur gouvernement.
Je n'ai pas encore vu de sondage indiquant que les Canadiens veulent un gouvernement qui impose sa loi, un gouvernement qui dit: « Comme nous sommes majoritaires, nous pouvons faire exactement ce que nous voulons, en prétendant que nous avons un mandat clair, et piétiner la démocratie et les principes démocratiques ainsi que toute discussion raisonnée au sujet de cette mesure. » C'est ce qui se passe ici. Le gouvernement piétine l'idée même de la démocratie parlementaire.
C'est répréhensible, nous allons nous y opposer, et nous continuerons de nous y opposer.
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Merci, monsieur le président.
Il va manquer une analyse sérieuse et en profondeur du projet de loi. Comme le disait M. Harris, le travail qui a été fait, du moins de ce côté-ci de la table, avait pour but d'améliorer le projet de loi. Personne ne prétend qu'il est parfait. En effet, n'importe quel juriste vous dira que la perfection n'est pas de ce monde. Même si l'on adopte ce projet de loi modifié par les amendements intelligents qui ont été proposés tant par les députés de l'opposition officielle et autres députés de ce côté-ci de la table que par les membres du gouvernement, on ne pourra jamais garantir à 100 p. 100 que le projet de loi est blindé et qu'il ne fera pas l'objet de contestations.
À mon avis, un projet de loi qui comprend 208 articles mérite certainement qu'on en fasse une étude sérieuse, article par article, plutôt que de n'y consacrer qu'une seule journée d'étude. Si les conservateurs ont promis de faire adopter des projets de loi dans un délai déterminé, c'est leur problème, c'est leur promesse. Ça ne veut pas dire que toute la société canadienne doit en souffrir.
Des voix ne seront pas entendues. Des amendements ont été proposés, mais c'est toute une province qui ne sera pas entendue. Le ministre de la Justice a témoigné devant le comité, ce qui est une mesure tout à fait exceptionnelle. Je suis convaincue qu'il n'est pas venu ici de gaieté de coeur, puisque les différents paliers de gouvernement n'aiment pas s'ingérer dans les affaires des autres paliers de gouvernement. Le ministre a clairement dit, haut et fort, que certains aspects de ce projet de loi allaient à l'encontre de toute la façon de procéder de ma province, le Québec, entre autres en ce qui a trait à la Loi sur les jeunes contrevenants.
Ce ne sont pas de grands amendements, et pourtant, on sera obligé de les évacuer à la vitesse du train à grande vitesse qui n'existe d'ailleurs toujours pas entre Québec et Windsor. C'est absolument extraordinaire.
Pourtant, il y a tellement d'articles auxquels nous sommes favorables. Je pourrais tous les énumérer. Il est vrai qu'en une seule journée, on a étudié seulement six ou sept articles. Une journée, ça semble long pour ceux qui nous écoutent, mais ce ne l'est pas, car en fait ça correspond à deux heures. L'examen de certains articles devrait se faire un peu plus vite. Il faut rappeler qu'on étudiait alors la Loi sur la lutte contre le terrorisme, qui est extrêmement technique. Différents amendements ont été proposés pour améliorer la loi. Par exemple, lorsqu'on se penchera sur la loi relative aux crimes sexuels commis à l'égard d'enfants, vous allez voir qu'on adoptera les articles rapidement. Des dizaines et des dizaines d'articles seraient donc adoptés très rapidement, sans amendement de quelque nature que ce soit.
Les conservateurs veulent s'assurer de permettre le moins possible de débats sur les points faibles de leur projet de loi, qui ne servira d'ailleurs pas les fins auxquelles il a été conçu. Les conservateurs ont tout simplement décidé d'accélérer un processus qui est déjà très rapide. Parfois, le comité entendait cinq, six ou sept témoins qui disposaient chacun de cinq minutes, après quoi les députés avaient cinq minutes pour les interroger. C'est d'un ridicule consommé, et c'est indigne d'un pays soi-disant démocratique. C'est outrageant. Il n'y a pas d'expression suffisamment forte pour dire tout ce que je ressens en tant que juriste et avocate qui prend son rôle de législateur au sérieux.
On prétend qu'on va analyser et étudier le projet de loi à la lumière des témoignages reçus. Dans ce cas, aussi bien dire qu'on a gaspillé l'argent du public en faisant venir des témoins ici. Sérieusement, je ne pense pas qu'il y ait un mot de ce que ces gens ont dit qui va changer quoi que ce soit. Il y a même des groupes, qui étaient vantés ici par les conservateurs, qui approuvaient certaines parties, mais pas d'autres. On aurait effectivement pu démontrer, en se penchant sur les amendements, que finalement la façon de penser des conservateurs ne fait pas l'unanimité au sein du parti.
Comme le disait M. Harris, ce parti qui a été élu en récolant le vote de 39 p. 100 de la population, à vrai dire, tente de nous faire entrer dans la gorge à coups de masse un projet de loi qui contient 208 articles. C'est d'une indécence absolument crasse. C'est certainement ce gouvernement qui en portera l'odieux quand sa loi sera contestée à tour de bras. Les avocats de la Couronne et tous les membres du Barreau canadien disent que ce projet de loi pose de sérieux problèmes. Vous semblez penser qu'on aura le temps, dans les heures qui suivront, d'en faire une étude sérieuse. Personnellement, je m'inscris en faux contre ce processus. Je trouve ça absolument épouvantable. Je ne trouve toutefois pas ça étonnant de la part d'un gouvernement qui a déjà imposé six bâillons à la Chambre relativement à des projets de loi substantiels, qu'il s'agisse de budgets ou de différents dossiers de fond.
Ce gouvernement prétend croire en la liberté d'expression. Or, il ne croit absolument pas en la liberté de débat. Il tente tout simplement de court-circuiter le travail que la population a demandé à ses députés de faire.
Comme le disait Jack Harris, 103 députés néo-démocrates ont été élus le 11 mai dernier. Des députés autres que ceux du Parti conservateur ont été élus. Néanmoins, le gouvernement a décidé d'imposer le silence à ces voix. C'est d'une tristesse épouvantable. C'est certainement une journée noire pour la démocratie au Canada.
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Je suis étonnée du fait que ce gouvernement ait décidé d'écrire un projet de loi de 100 pages, neuf projets de loi en un, mais qu'il ne veuille même pas assumer la responsabilité de passer à travers comme il faut. Ce n'est pas nous qui avons décidé de mettre tout cela ensemble, c'est vous. Il fallait y penser. C'est sûr qu'il va y avoir beaucoup de propositions d'amendement, car cela compte 100 pages.
Ce n'est pas que nous voulions étirer le temps ou passer des centaines d'heures là-dessus. Nous sommes tout simplement en train de respecter le processus législatif. C'est la durée de temps qu'il faut pour passer à travers un projet de loi de 100 pages. Je suis étonnée que ce gouvernement ne comprenne pas qu'il faut beaucoup plus de temps pour passer à travers un projet de loi de 100 pages, comparativement à un projet de loi de 20 pages. Pour moi, il s'agit d'une simple équation mathématique.
Quand on est élu à la Chambre, on a la responsabilité de bien légiférer. On a la responsabilité de s'assurer de rédiger et d'adopter les meilleurs projets de loi; c'est notre responsabilité envers la population canadienne. En ce moment, on ne respecte même pas le processus législatif, on ne veut même pas entendre les amendements qui amélioreront ce projet de loi et qui feront en sorte de rendre nos rues réellement sécuritaires. C'est pourtant ce que nous voulons.
Nous sommes complètement en faveur de certaines parties de ce projet de loi. D'ailleurs, nous avons essayé de faire adopter rapidement certaines parties du projet de loi à la Chambre, et vous avez complètement rejeté cette idée. Selon moi, certaines parties de ce projet de loi auraient pu être adoptées, puisque nous étions tous complètement en faveur. Vous avez pourtant été défavorables à cette initiative. Selon moi, c'est complètement inacceptable.
On a entendu beaucoup de témoins. On a dépensé de l'argent pour qu'ils viennent ici et pour que l'on puisse entendre ce qu'ils avaient à dire. Je tiens à souligner que même parmi les témoins convoqués par le gouvernement, personne n'a dit, à une ou deux exceptions près, que ce projet de loi était parfait tel quel. C'est de l'arrogance que de penser qu'on peut écrire quelque chose qui soit parfait immédiatement. Cela ne se fait pas, car nous ne sommes pas parfaits; nous sommes des humains.
Il faut écouter ce que nous disent les témoins, la voix de la population canadienne, les experts et les personnes qui seront directement touchées par ce projet de loi. Vous n'êtes même pas prêts à le faire. C'est complètement inacceptable. C'est un manque de respect envers le processus législatif. Pourquoi avons-nous un processus législatif si on ne le respecte pas? Le processus législatif existe pour une raison: pour que nous puissions examiner ce projet de loi et avoir l'assurance d'avoir tout fait pour rendre nos rues sécuritaires et pour que la population soit vraiment en sécurité. Or, ce n'est pas ce qu'on fait présentement. On prétend plutôt que tout est parfait. Je répète que c'est de l'arrogance.
Nous sommes 308 députés. Nous ne pouvons pas parler au nom de tout le monde sans d'abord avoir entendu la population. Si on n'est pas prêt à faire cela, pourquoi est-on là? Ce n'est pas ce que la population nous a demandé de faire. La population nous a élus pour l'écouter. Pourquoi invite-t-on des témoins si on ne les écoute pas? Je me pose la question, car sincèrement, je ne vois pas l'utilité de dépenser de l'argent pour faire comparaître des personnes. Certains des témoins étaient des victimes. C'était très difficile pour ces personnes de témoigner, parce qu'elles ont dû se remémorer des souvenirs désagréables. En adoptant ce projet de loi le plus rapidement possible, c'est comme si on leur disait que leurs témoignages n'étaient pas pris en considération. Cela n'est pas notre responsabilité, ce n'est pas la raison pour laquelle nous sommes ici. Nous sommes ici pour les écouter.
Vous dites vouloir faire adopter ce projet de loi dans les 100 premiers jours de votre mandat. C'est une promesse que vous avez faite. Je ne vous dis pas qu'il ne faut pas respecter ses promesses, mais il faut penser avant de les faire. Il est complètement inacceptable de ne pas s'attarder au projet de loi sous prétexte que la date d'échéance de son adoption approche. Tout cela parce que vous avez fait une promesse? À mon avis, c'est une promesse que vous n'auriez pas dû faire.
Ce projet de loi aura des incidences importantes pour beaucoup de gens. Certaines provinces, comme le Québec, ont complètement rejeté le projet de loi. Une province tout entière souhaite apporter des changements au projet de loi, mais on ne l'écoute pas, car on n'aura même pas la possibilité de présenter ces amendements. Le Québec ne veut pas de ce projet de loi, et ce n'est d'ailleurs pas la seule province dans cette situation. L'Ontario aussi rejette le projet de loi. Si les provinces seront obligées d'accepter et de respecter ce projet de loi, elles devraient à tout le moins être en mesure d'y proposer deux amendements. C'est tout ce que nous demandons, mais vous voulez adopter le projet de loi sans même y réfléchir.
Je répète que personne n'a dit que le projet de loi était parfait. En tant que représentante d'une population de 150 000 personnes, je ne prétends pas savoir ce qui est le mieux pour ces gens. Il faut les écouter. Cela fait partie du processus démocratique. Il s'agit d'écouter les gens, de consulter les experts, de rencontrer les personnes touchées et d'entendre les problèmes qu'on entrevoit. En toute honnêteté, nous ne pouvons pas penser à tout; nous ne sommes que des humains.
Il faut travailler ensemble, sans montrer d'arrogance, sans prétendre tout savoir, sans prétendre que tout est parfait et qu'il n'y a pas de problèmes, sans presser les choses sous prétexte que la date d'échéance approche. Autrement, on manque complètement de respect pour le processus législatif.
On nous a élus au Parlement pour veiller à ce que les meilleurs projets de lois possibles soient adoptés. C'est notre devoir. Or, cette motion ne nous permet pas de faire notre devoir. On est en train de dire que c'est parfait, qu'il n'y a pas de problèmes, qu'on peut adopter le projet de loi, alors que pas un chat n'a dit que c'était parfait. Il faut l'admettre.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, ce projet de loi omnibus sur la criminalité n'est pas un projet de loi, mais neuf projets de loi. Chacun de ces projets de loi va transformer notre système de justice pénale. Pour chacun d'eux, il faudrait étudier ce qui aura des effets transformateurs sur notre système de justice. Cela ne vise pas seulement notre système de justice pénale. C'est tout le cadre de notre démocratie parlementaire et de notre démocratie constitutionnelle qui est touché.
Le gouvernement a déjà présenté une motion d'attribution de temps lorsqu'il a présenté le projet de loi à la Chambre en limitant à deux jours le débat à la Chambre. Apparemment, une des raisons invoquées est que nous aurions une étude article par article et que nous disposerions donc, en comité, du temps nécessaire pour faire ce que nous ne pourrions pas faire à la Chambre. Par conséquent, nous assistons maintenant au piratage de la démocratie en comité suite à ce qui a été fait à la Chambre.
Le gouvernement semble croire, et cela en toute bonne foi — je ne doute pas de sa bonne foi — que si vous avez une loi qui s'intitule Loi sur la sécurité des rues et des communautés, il n'est pas nécessaire d'en dire plus. Comme on dit res ipsa loquitur. Le titre est suffisamment éloquent. Il n'est pas nécessaire d'en discuter davantage. Vous dites que c'est la Loi sur la sécurité des rues et des communautés et qu'il faut donc l'adopter parce que le titre valide tout et qu'il n'est donc pas nécessaire d'en discuter et d'en débattre. Et si d'autres questions sont soulevées, la réponse est: la population nous a mandatés pour adopter la Loi sur la sécurité des rues et des communautés. Nous sommes mandatés pour protéger les rues et les communautés du pays.
Monsieur le président, tout gouvernement a le mandat de protéger la sécurité des rues et des communautés. Tout gouvernement a non seulement ce mandat, mais la responsabilité constitutionnelle de protéger ses citoyens. Lorsque nous étions au pouvoir, monsieur le président, j'ai également parlé de la nécessité d'assurer la sécurité des rues et des communautés parce que c'était notre responsabilité constitutionnelle. Je n'aurais jamais laissé entendre qu'il suffisait qu'une loi porte ce titre pour que cela la valide. Je n'aurais jamais eu la prétention de dire que la population nous avait mandatés pour faire ce que nous voulions.
Désolé, monsieur le président, mais la dernière fois que j'ai vérifié, notre pays était toujours une démocratie parlementaire; notre pays est toujours une démocratie constitutionnelle. Je tiens à dire que c'est un bien triste jour pour la démocratie parlementaire. Ce qui se passe aujourd'hui marquera une date honteuse pour la démocratie constitutionnelle. Je m'étonne que les députés d'en face nous demandent d'être leurs complices. C'est ce qu'ils veulent faire, mais nous demander d'être complices de ce piratage de la démocratie… Nous sommes ici pour représenter les Canadiens qui nous ont élus. Mes électeurs ne m'ont pas envoyé ici pour me faire le complice du piratage de la démocratie.
Nous avons été élus pour exercer une surveillance constitutionnelle, monsieur le président. Cela fait partie de nos responsabilités constitutionnelles. Il ne suffit pas d'apporter un ou deux amendements à un projet de loi et de dire ensuite allez-y. Cela touche au coeur et à l'âme non seulement de la démocratie parlementaire, mais de la démocratie constitutionnelle. Cela touche au coeur et à l'âme de ce que nous avons l'obligation de faire et d'accomplir au nom de nos électeurs, en tant que parlementaires. Vous me dites aujourd'hui que je dois court-circuiter mes discussions avec mes concitoyens simplement parce que le gouvernement veut aller de l'avant et court-circuiter le processus constitutionnel et parlementaire.
Et qu'en est-il des nouveaux députés qui ont été élus et qui siègent ici pour la première fois? Ils n'ont jamais débattu de ce projet de loi avant. Ils n'ont jamais eu l'occasion de l'étudier de près. Ils n'ont jamais eu l'occasion de consulter leurs électeurs. Quand on déclare, comme nous l'avons entendu dire, que ces projets de loi ont déjà été débattus parlons un peu, à titre d'exemple, de ce qui s'est passé mardi.
Mardi, nous avions un important projet de loi à étudier. Quand je dis que cette mesure aura un effet transformateur, le projet de loi de mardi conférait aux victimes du terrorisme un recours civil contre les auteurs de ces actes. Monsieur le président, c'est une loi qui aura un effet transformateur. Pour la première fois de notre histoire, nous allions modifier la Loi sur l'immunité des États pour donner la parole aux victimes, une cause sur laquelle les députés d'en face ont fait porter leurs arguments et je partage leurs opinions. Les victimes d'actes de terrorisme doivent avoir la parole.
Nous allions également, pour la première fois, tenir responsables les États qui commanditent les actes de terrorisme. Monsieur le président, c'est une mesure qui a un effet transformateur, comme je l'ai dit: elle donne la parole aux victimes, elle oblige pour la première fois les terroristes à rendre des comptes et elle modifie la Loi sur l'immunité des États. La situation actuelle constitue une anomalie à laquelle cette mesure doit heureusement remédier, monsieur le président. Cette anomalie est que, jusqu'ici, les États étrangers ne pouvaient être tenus responsables que des dommages causés suite à une rupture de contrat.
Nous avions une exception commerciale, monsieur le président, mais pas d'exception si les victimes perdaient la vie ou étaient blessées suite à un attentat terroriste. Par conséquent, une mesure a été proposée pour corriger cette anomalie, pour la corriger sur le plan quasi constitutionnel, pour la corriger sur le plan humain.
Monsieur le président, les députés d'en face ont siégé ici mardi pour appuyer ce projet de loi en principe. Nous ne nous y sommes pas opposés. Nous n'avons pas fait d'obstruction. Nous sommes venus ici pour proposer quelques amendements visant à améliorer les lois que vous déposez au Parlement. C'est une mesure que nous appuyons pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles vous l'avez proposée, mais nous voulons la rendre plus efficace. Nous voulons faire en sorte que les victimes puissent mieux se faire entendre. Nous voulons faire en sorte que les terroristes aient vraiment des comptes à rendre. Nous voulons faire en sorte que les modifications à la Loi sur l'immunité des États permettent aux victimes d'avoir voix au chapitre comme elles le souhaitent et le méritent, et obligent les États terroristes et ceux qui agissent en leur nom à rendre des comptes comme notre démocratie parlementaire et constitutionnelle devrait l'exiger. Voilà pourquoi nous avons appuyé cette mesure.
Nous avons simplement déposé des amendements pour rendre plus efficace la loi que le gouvernement a proposée et que nous avons appuyée. Que se passe-t-il? Avant même que nous ne puissions terminer cela, monsieur le président — nous l'aurions fait rapidement ce matin, et nous aurions été en bonne voie d'adopter une loi ayant des effets transformateurs — on sabote le processus pour que nous ne puissions pas examiner comme il faut le projet de loi.
Si vous jetez un coup d'oeil sur les neuf projets de loi qui sont ici, je dirais qu'il y a là onze effets transformateurs. Je ne parle pas des amendements qui sont justifiés. Je parle du caractère général des réformes qui sont proposées.
Je tiens à dire une chose: cette mesure contient dans le cadre de ses neuf projets de loi des initiatives qui pourraient être jugées contraires à la Charte canadienne des droits et libertés.
Les parlementaires de chaque parti ont la responsabilité, étant donné que nous sommes une démocratie constitutionnelle depuis 1982, monsieur le président… Nous ne sommes pas seulement une démocratie parlementaire; nous sommes une démocratie constitutionnelle. Nous avons l'obligation, à commencer par le ministre de la Justice, mais aussi chacun de nous en tant que parlementaires, de veiller à ce que toute initiative législative qui est proposée soit conforme à la Charte canadienne des droits et libertés.
Monsieur le président, nous avons entendu des témoins déclarer devant le comité que dans différentes parties de cette loi, il y a des dispositions qui pourraient être contraires à la Charte canadienne des droits et libertés. Je ne me prononcerai pas à ce sujet. Je crois qu'effectivement cela pourrait être le cas pour certaines d'entre elles, mais le fait est que cela méritait d'être examiné et débattu ici.
Les députés d'en face veulent certainement s'assurer que la loi qu'ils proposent est conforme à la Charte canadienne des droits et libertés. Ils veulent certainement s'assurer qu'en tant que parlementaires, nous nous acquittions de nos responsabilités constitutionnelles en examinant cette loi pour nous assurer qu'elle se conforme à la Charte canadienne des droits et libertés.
Monsieur le président, je ne voudrais pas avoir à dire, à l'étape du rapport: « Attendez un instant, qu'en est-il de toutes ces dispositions qui touchent la Charte canadienne des droits et libertés dont nous aurions dû discuter et débattre et pour lesquelles nous aurions dû pouvoir proposer des amendements? » Je ne veux pas avoir à affronter mes électeurs qui me diront: « Que faisiez-vous là-bas? Vous ne vous êtes pas soucié de la Charte canadienne des droits et libertés? Vous, qui l'avez enseignée pendant 35 ans, comment pouvez-vous aller au Parlement dire qu'elle n'a plus d'importance, comme si elle n'avait jamais existé? Nous n'avons pas à parler. Nous sommes une simple démocratie parlementaire et non plus une démocratie constitutionnelle. La Charte canadienne des droits et libertés n'a jamais été adoptée en 1982. » C'est exactement ce que nous ferons, monsieur le président, si nous court-circuitons ce processus.
Je peux continuer. Cette mesure a également un effet transformateur sur toute la question des relations fédérales-provinciales. Monsieur le président, le gouvernement a toujours parlé d'un fédéralisme d'ouverture et de consensus en disant que nous allions coopérer avec les provinces. Monsieur le président, nous voyons le ministre de la Justice du Québec qui tente non seulement de proposer des amendements, notamment à l'égard…
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Monsieur le président, je n'ai jamais mis en doute l'intégrité ou les intentions du député d'en face ou des autres députés qui sont ici. Cela ne devrait pas dégénérer en discussion quant à notre sincérité ou notre intégrité. Je ne vais pas relever, car ce dont nous parlons est si grave que nous devrions nous abstenir de mettre en doute l'intégrité ou la sincérité de qui que ce soit. En tant que parlementaire, je faillirais à mes responsabilités constitutionnelles si je n'abordais pas ces questions.
Je ne répète rien. J'ai commencé à dire ce que je n'ai pas pu dire mardi, car c'est après notre réunion que le ministre de la Justice et procureur général du Québec a annoncé qu'il proposait une série d'amendements concernant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, à laquelle nous ne sommes pas encore arrivés et pour laquelle un certain nombre d'entre nous ont déjà soumis des amendements. En fait, il n'a pas seulement parlé des amendements concernant cette loi qui méritent déjà d'être débattus. Il a dit qu'il n'a pas pu se faire entendre, qu'il a formulé ces recommandations il y a plusieurs mois et qu'il a essayé d'en discuter avec le ministre de la Justice. Mais cela a été sans succès jusqu'ici.
Surtout, monsieur le président, quand on dit que ces questions ont déjà été débattues, oui, c'est vrai et oui, des amendements ont été proposés et ces amendements ont été adoptés lors d'audiences antérieures du comité, mais ils ne se retrouvent pas dans le projet de loi à l'étude. Que faut-il en conclure? D'une part, oui, nous avons déjà discuté de ce projet de loi, mais d'autre part, peu nous importe ce dont on a déjà discuté. Nous n'avons même pas à intégrer ces amendements ou à en tenir compte. C'est révoltant.
Pour revenir à la question dont nous avons débattu mardi, il s'agit d'une loi ayant un effet transformateur et que nous appuyons. C'est une loi que nous voulons voir entrer en vigueur. Néanmoins, nous voulons que cette mesure soit la plus efficace possible, comme le gouvernement devrait le souhaiter lui-même pour servir ses propres fins, que je partage en ce qui concerne cette loi. Je ne doute pas un instant de sa sincérité à propos de l'adoption de cette mesure. Mais comme je l'ai dit, monsieur le président, il y a d'autres effets transformateurs dont nous n'aurons pas la possibilité de discuter.
Par exemple, il y a la composante fédérale-provinciale qui n'a été abordée de nouveau qu'après notre réunion de mardi. Le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, n'aura pas l'occasion de se faire entendre. Le fédéralisme d'ouverture ne pourra pas s'exprimer.
Il y a aussi la question du coût. Nous ignorons le coût de cette mesure. Il faut que nous en sachions plus à ce sujet. C'est important, car cela touche au pouvoir de dépenser. Il s'agit des deniers publics. Nous avons la responsabilité constitutionnelle, en tant que parlementaires, de nous intéresser à la question du coût. Cette loi impose des coûts aux provinces qui peuvent avoir à acheter des services. Nous n'allons pas pouvoir en discuter comme il se doit.
Permettez-moi de mentionner un autre effet transformateur de la loi dont nous n'aurons pas l'occasion de discuter. On peut se dire en faveur de ces mesures. Néanmoins, les neuf projets de loi se fondent sur la même approche. Ils confèrent au pouvoir exécutif l'exercice de pouvoirs qu'il ne possédait pas avant.
Je ne vais pas m'étendre sur ce point. Je vais citer des exemples. L'un est la loi dont nous avons discuté mardi. Nous ne nous sommes pas demandé si le gouvernement devrait être seul à pouvoir désigner les gouvernements à inscrire sur la liste des terroristes. Je pense que c'est une erreur. Le gouvernement veut aller de l'avant. Victor Comras qui a participé à des discussions antérieures comme témoin, déconseille de s'aventurer dans cette voie. Nous l'avons fait quand même. Très bien. Je voulais seulement faire cette remarque au sujet du pouvoir discrétionnaire exécutif. La question se pose en ce qui concerne le transfèrement des délinquants. Cette loi va conférer au ministre de la Sécurité publique des pouvoirs discrétionnaires qu'il n'aurait pas eu autrement.
Je respecte le ministre de la Sécurité publique. Je crois que c'est une personne raisonnable. Je ne crois pas nous devrions accorder dans la loi ce genre de pouvoir à quiconque deviendra le ministre de la Sécurité publique. Nous sommes, ne l'oublions pas, une démocratie parlementaire et nous devons laisser ce pouvoir au Parlement et au peuple.
C'est l'autre effet transformateur de cette mesure. Cette loi transforme le rôle et les responsabilités des différents acteurs du processus de justice pénale. Elle transforme le rôle de la magistrature, car les réformes touchant la détermination de la peine transforment radicalement non seulement la nature et le rôle des tribunaux, mais aussi les principes de détermination de la peine. Selon certains témoins, cela nous ramène un siècle en arrière. Je ne porte pas de jugement quant à savoir si c'est vrai ou non, monsieur le président. Je dis simplement que nous n'avons pas la possibilité de débattre de la réforme de la détermination de la peine. Ce sont d'importantes réformes. Elles méritent qu'on en discute.
Quant au rôle de la magistrature, que ce soit l'élimination des peines avec sursis ou l'élimination du pouvoir discrétionnaire des juges, c'est grave, monsieur le président. Cela exige des discussions et des débats, que ce soit au sujet du rôle de la poursuite, du rôle de l'avocat de la défense, du rôle des témoins, de tous les acteurs de la procédure pénale… Monsieur le président, cela veut-il dire que les témoignages que nous avons entendus à ce sujet n'ont aucune importance et que nous n'allons pas avoir d'autres discussions à l'égard de ce qu'ont dit les témoins? On va simplement pirater le processus?
Monsieur le président, où est le respect pour tous les témoins pour ou contre, qui ont comparu devant nous? J'ai écouté avec plaisir l'opinion des témoins choisis par le gouvernement. Hier soir, j'en ai discuté avec un groupe de personnes, ici à Ottawa, et je leur ai dit que ces témoignages jouaient un rôle utile. J'estime que nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour cela. Même cette étape a été raccourcie à cinq minutes par témoin. Mais c'est vrai, nous avons donné notre accord et c'est ce que nous avons fait.
Cependant, si nous allons de l'avant maintenant sans tenir la discussion qui s'impose pour chacun — je dis bien chacun, monsieur le président — des neuf projets de loi qui auront chacun un effet transformateur sur notre système de justice pénale… Monsieur le président, nous ne parlons pas ici d'un projet de loi omnibus sur la sécurité des rues et des communautés, dont le titre suffit à tout valider, ou d'un mandat qui autorise à faire n'importe quoi. Nous parlons ici — et je vais conclure, monsieur le président — du rôle qui est le nôtre dans une démocratie parlementaire et dans une démocratie constitutionnelle. Nous parlons de notre rôle en tant que parlementaires. Nous parlons de nos responsabilités envers nos électeurs. Nous parlons de nos responsabilités constitutionnelles en matière de surveillance.
Monsieur le président, je n'aime pas avoir à dire ce que j'ai dit en commençant et je n'aime pas devoir conclure sur ces mêmes paroles, mais je dois faire comprendre le sentiment d'urgence que j'éprouve et dirais-je même, l'angoisse que je ressens à l'égard de ce genre de loi. Étant donné l'importance historique de ces neuf projets de loi, étant donné l'effet transformateur qu'ils auront sur notre système de justice pénale, le piratage de la discussion et du débat fait de cette journée un bien triste jour pour la démocratie parlementaire et la démocratie constitutionnelle.
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Merci, monsieur le président.
J'apprécie les remarques de M. Cotler, l'ancien procureur général du Canada. Il a été professeur de droit pendant plus de 30 ans et c'est une personne qui prend ses responsabilités au sérieux et qui comprend le régime constitutionnel et parlementaire qui est le nôtre. Il a formulé une critique très érudite de ce qui se passe ici aujourd'hui.
Nous avons de sérieuses responsabilités à assumer en tant que députés à l'égard de ces neuf projets de loi. M. Cotler a parlé de leur « effet transformateur » en ce sens qu'ils apportent d'importants changements dans la nature même du système de justice pénale et des recours contre le terrorisme, par exemple. Il ne suffit pas de dire qu'on en a parlé pendant un certain temps, pendant plusieurs années. C'est la première fois que nous sommes saisis de ce projet de loi.
Pour la première fois, les victimes du terrorisme auront un recours en droit civil et il est donc important de faire les choses comme il faut. Nous y avons consacré la séance de mardi. Quiconque a pris la peine de suivre nos audiences mardi — ou les suit maintenant — comprendra en quoi consiste le processus parlementaire lorsqu'on en est à l'étude article par article d'un projet de loi.
Nous avons parlé de chaque loi. Nous avons proposé des amendements. On en a discuté et il y a eu un vote. Nous étions sur le point de terminer notre étude de ce projet de loi. Je pensais que tous les partis respectaient parfaitement le processus qui consiste à faire des déclarations, entendre les arguments et écouter les opinions pour ou contre. Il restait quelques votes de plus — je pense qu'un ou deux amendements avaient été proposés — pour que nous adoptions la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme au cours de cette audience.
Il y a ensuite la partie concernant les infractions d'ordre sexuel à l'égard d'enfants. J'ai déclaré clairement, mardi dernier, que nous avions proposé à la Chambre de séparer cette partie du projet de loi, de l'examiner séparément et de l'adopter immédiatement. À notre avis, il ne fallait pas attendre l'étude article par article qui exige peut-être plus de temps, trois ou quatre séances, afin que les choses aillent plus vite. Cette mesure pouvait être renvoyée au comité, étudiée séparément et renvoyée au Sénat. Nous croyons que d'autres aspects du projet de loi risquent de prendre du temps au Sénat. Nous n'exerçons aucun contrôle sur ce qui se passera là-bas. Je pense toutefois que le comité a la responsabilité d'en tenir compte.
M. Jean dit que si nous voulons étudier cette mesure, nous n'avons qu'à retrousser nos manches et travailler ici jusqu'à minuit.
Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent. Nous avons un calendrier pour les séances de ce comité. Nous nous réunissons les mardis et jeudis pour des séances de deux heures. Entre les séances, nous avons le temps d'examiner certaines questions, de consulter des gens, par exemple le gouvernement du Québec qui a proposé des amendements et formulé des suggestions, et d'autres intéressés qui ont des amendements à proposer. Cela fait également partie du processus.
Certains d'entre nous ont d'autres obligations. Ils siègent à d'autres comités qui commencent à 11 heures ce matin. Certains participent à la période des questions. Ils ont d'autres obligations. Nous ne pouvons pas tout laisser en suspens au Parlement en disant « Nous pouvons siéger jusqu'à minuit », sans préavis et s'attendre à ce que nous examinions comme il se doit neuf projets de loi. Ce n'est tout simplement pas réaliste. Ce n'est pas réaliste.
C'est pourquoi lorsqu'on parle d'un piratage de la démocratie, c'en est vraiment un, car il y a un processus démocratique à suivre. Ce n'est pas purement superficiel. Ce n'est pas seulement: « Vous proposez une motion et nous la rejetons, vous proposez une motion et nous la rejetons, vous proposez une motion et nous la rejetons parce que nous sommes plus nombreux que vous. » Il faut pouvoir tenir une discussion raisonnée.
Je ne m'attends pas à ce que chaque amendement proposé soit examiné comme il se doit. Mais nous avons ici, des deux côtés de la table, des personnes qui possèdent énormément d'expérience. Nous avons trois ou quatre avocats de chaque côté. Parmi les gens qui participent à ce processus, nous en avons qui connaissent bien la nature du droit pénal et qui ont quelque chose à dire. Ils ont la capacité d'écouter la voix de la raison et de répondre aux suggestions intelligentes. Les Canadiens s'attendent à ce que nous agissions de façon raisonnable au lieu de dire simplement que nous allons tenir une séance marathon maintenant parce que certains ont décidé de ne pas laisser le débat continuer.
M. Cotler en a parlé et cela semblait raisonnable à ce moment-là. À la Chambre des communes, le ministre ou le leader du gouvernement à la Chambre s'est levé pour dire qu'il voulait limiter le débat, qu'il n'était pas nécessaire de tenir ce débat à la Chambre des communes parce qu'il portait seulement sur le principe du projet de loi et ne mènerait nulle part. On allait le renvoyer au comité où une discussion raisonnée pourrait avoir lieu où l'on pourrait étudier le projet de loi article par article.
Nous avons seulement commencé cet examen mardi. Nous n'avons consacré que deux heures à ce projet de loi d'une centaine de pages qui contient neuf projets de loi séparés, neuf lois fédérales distinctes. Il porte sur le service correctionnel. Il porte sur le terrorisme et l'établissement, pour la première fois, d'une loi sur les recours au civil. Il porte sur les infractions sexuelles contre les enfants qui préoccupent vivement beaucoup de gens dans notre pays. Nous voulons que certains changements soient apportés et nous appuyons ces changements. Il y a des modifications à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui sont très controversées au Canada en raison des effets qu'elles pourraient avoir. Nous avons entendu des observations générales au sujet des conséquences de ces changements. Néanmoins, nous n'avons pas examiné chaque article un par un comme nous en avons l'obligation.
J'ignore si quelqu'un avait une idée précise du temps que cela prendrait, mais nous savons qu'à compter de lundi, il nous reste cinq semaines de session d'ici la mi-décembre. Je ne pense pas que nous ayons besoin de tout ce temps pour étudier ce projet de loi article par article, pas du tout. Je pense que nous pouvons probablement terminer en trois ou quatre séances, selon la façon dont les choses se passent, la coopération dont les gens font preuve et la durée des débats sur telle ou telle question. Je pense qu'une fois certaines questions réglées, nous verrons où nous en sommes. Mais il faut que cela se déroule pendant une période de temps raisonnable.
Si on essaie de tout faire en un jour, c'est une façon d'étouffer la discussion sur des questions nationales importantes qui touchent la vie des gens, qui touchent la liberté des gens, qui touchent la durée pendant laquelle ils seront incarcérés, qui touchent les coûts énormes que cela pourrait imposer aux provinces.
Lorsque cette question a été débattue à la Chambre, le gouvernement a répondu par exemple: « Nous faisons des paiements de transfert aux provinces et c'est à elles de décider de leurs priorités. » Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que si cette loi est adoptée et que si cela représente pour une province un coût supplémentaire de 100 millions de dollars pour incarcérer des gens, ces 100 millions viendront d'ailleurs. Ils viendront de l'éducation. Ils viendront de la santé. Ils viendront des programmes de prévention qui rendent nos rues plus sûres, parce que les provinces ont des obligations, des programmes et le pouvoir de se lancer également dans des programmes de prévention.
Tous ces effets représentent de graves conséquences dont il faut pouvoir discuter dans le contexte des lois en question. Vous ne pouvez pas tout regrouper dans la même journée en disant: « Voyons à quel point nous pouvons fatiguer les gens. Voyons à quel point nous pouvons frustrer les membres du comité. Voyons si nous pouvons les faire transpirer et les épuiser pour leur montrer combien nous sommes forts. Nous allons siéger ici toute la journée et toute la nuit. Si vous voulez vraiment travailler, retroussez vos manches et travaillez. » C'est ridicule.
Nous avons été élus pour un mandat de quatre ans et cela vaut pour nous tous. C'est très bien de dire que vous avez des priorités. Nous le comprenons. C'est pourquoi nous sommes ici.
Nous sommes en train de parler de ce projet de loi aujourd'hui parce que c'est la priorité du gouvernement et nous reconnaissons que ce dernier a le droit de déterminer l'ordre dans lequel il présente les projets de loi et l'importance qu'il veut y accorder. Il a le droit de le faire et nous l'acceptons pleinement. Ce qu'il n'a pas le droit de faire dans notre démocratie constitutionnelle et parlementaire, c'est refuser de respecter le processus, un processus raisonnable qui laisse suffisamment de temps pour examiner toutes ces questions.
Vous nous demandez notre coopération. Nous vous demandons la même chose. Le genre de coopération dont nous avons besoin ici c'est celle qui consistera à étudier cette mesure comme il se doit. Nous le ferons conformément à la procédure établie, conformément au calendrier du comité. Il n'y a aucune urgence. Il n'y a pas de crise nationale à résoudre d'ici minuit ce soir. Ce n'est qu'une étape du processus législatif, mais une étape très importante et peut-être la plus importante. C'est peut-être même la plus importante à laquelle nous avons le droit et l'obligation ainsi que le devoir de participer en tant que législateurs.
Nous tenons à la Chambre des débats sur le principe des projets de loi au cours desquels nous énonçons notre approche globale et nous demandons au gouvernement de rendre des comptes sur certaines questions. Néanmoins, lorsqu'on entre dans les détails… oui, des témoins experts du ministère de la Justice qui ont étudié cette question et proposé des modifications sont là pour nous aider au cours de ce processus, mais c'est leur rôle. Le rôle est de le faire suivant les instructions du ministre de la Justice, soit dit en passant. Par conséquent, nous recevons ce que le ministre de la Justice a demandé que l'on présente au comité et nous avons la possibilité d'en discuter, de proposer des amendements et de l'approuver.
Comme M. Cotler l'a dit tout à l'heure, et c'est un parlementaire de longue date — j'ai moi-même passé 16 ans dans une autre assemblée législative, trois ou quatre ans dans celle-ci et je n'ai encore jamais vu de projet de loi qui ne puisse pas bénéficier de certaines améliorations ou de certains changements. Dans l'autre assemblée législative où je siégeais, nous recevions régulièrement un projet de loi destiné à corriger des erreurs et à faire des rectifications dans une loi. C'est parce que la loi en question n'avait pas été examinée comme il faut au départ. Cela s'appelait, je crois, une loi visant à supprimer les anomalies et les erreurs dans la loi, et c'est parce que le projet de loi n'avait pas été bien étudié au départ.
Notre rôle ici consiste à faire une étude sérieuse au lieu d'annoncer que nous allons tenir une séance marathon, sans donner de préavis à ceux qui avaient déjà d'autres engagements, qui avaient pris des rendez-vous, qui devaient rencontrer certaines personnes et s'acquitter de leurs fonctions à la Chambre et dans d'autres comités. Tout cela va devoir rester en suspens et vous adoptez le tout d'ici 10 h 45 ou vous vous arrangez pour être disponibles toute la journée jusqu'à minuit moins une ce soir.
C'est ce qu'on nous présente comme une façon pratique, réaliste et raisonnable d'étudier neuf projets de loi, dont chacun est important et contient des dispositions détaillées que nous avons examinées en détail. Même ce processus a été très rapide. Nous avons eu une semaine d'ajournement pendant laquelle tous les députés devaient rentrer dans leur circonscription pour y faire le travail qu'ils y font habituellement. Nous avons eu des réunions avec les électeurs, planifié les événements auxquels nous devions participer à l'occasion du jour du Souvenir. C'était la semaine au cours de laquelle tous les amendements devaient être présentés. Personne n'était ici. Nous étions tous partis dans nos circonscriptions, mais on voulait recevoir nos amendements. J'ai trouvé aussi que c'était pas mal déraisonnable.
Pendant cette période, jusqu'à mardi, nous avons réussi à produire nos amendements, et les examiner, à les faire rédiger et traduire dans les deux langues officielles. Ce travail a été fait en très peu de temps. Alors ne faites pas croire à qui que ce soit que les députés de l'opposition ne coopèrent pas pour faire progresser cette loi aussi rapidement qu'il est raisonnablement possible de le faire, en s'acquittant des responsabilités et des obligations qui sont les leurs en tant que députés et législateurs.
Encore une fois, je rappellerais seulement ce qui s'est passé mardi. Une loi qui n'avait jamais fait l'objet d'une étude article par article à la Chambre, qui n'avait jamais été examinée, qui n'avait jamais fait partie de la législation canadienne — la notion de délit civil et de recours civil n'existait pas pour les victimes d'actes de terrorisme… Nous avons entendu des témoins, entendu des suggestions quant aux façons d'améliorer la loi, nous avons fait notre travail. Il est tout à fait normal que cela ait duré une séance complète, mardi. Il suffirait de quelques moments de discussion supplémentaires, peut-être 10 ou 15 minutes, pour terminer l'examen de cette mesure en deuxième lecture.
C'est ainsi que la loi est censée être étudiée. Si nous avions commencé aujourd'hui à poursuivre l'examen de cette loi,, nous aurions réalisé d'énormes progrès supplémentaires d'ici la fin de la séance de ce matin. Le gouvernement préfère créer un nouveau problème: « Non, nous n'allons pas parler de la loi, nous n'allons pas parler de l'étude article par article aujourd'hui; nous allons parler du processus. Nous allons parler du fait que nous voulons que vous coopériez, tout en refusant de procéder de façon raisonnable à l'étude article par article en comité. Nous voulons parler de notre désir d'en finir aujourd'hui — non seulement de notre désir, mais de notre volonté de profiter de notre majorité au comité pour insister pour que ce soit terminé aujourd'hui ».
Si c'est ce dont vous voulez parler, c'est ce dont nous allons parler. Votre façon de procéder est totalement contraire au concept de démocratie, aux raisons pour lesquelles nous avons été élus et pour lesquelles nous sommes ici, à la façon dont nous sommes censés faire notre travail et à ce que les Canadiens attendent de ceux qu'ils ont élus au Parlement. Si les Canadiens s'intéressent tellement à ce projet de loi, ce n'est pas parce qu'ils pensent que c'est une bonne idée d'écrire des lettres aux députés. Ce n'est pas parce qu'ils veulent consacrer leur temps à s'inquiéter de ce qu'il adviendra de notre société, des responsabilités de nos gouvernements provinciaux et de ce qu'il adviendra des enfants qui se retrouveront en prison et dont l'avenir sera inutilement détruit.
Qu'arrivera-t-il aux adolescents ou aux jeunes adultes de 18, 19 ou 20 ans qui enfreignent la loi et qui n'auront plus la possibilité d'obtenir une réhabilitation? Nous aurons ce qu'on appelle la suspension du casier. Comme j'ai exercé le droit pendant 30 ans, je peux vous dire que si vous demandez ce que cela signifie au Canadien moyen, s'il a entendu parler de cette loi, il pense sans doute que cela veut dire une peine avec sursis. Il ne saura pas que c'est un processus en vertu duquel la police, la GRC enquêtent sur votre réinsertion depuis votre condamnation et depuis que vous avez purgé votre peine, si vous avez été détenu. Après avoir payé votre dette à la société pour l'infraction en question, vous pouvez faire une demande de réhabilitation à la Commission des libérations conditionnelles et le mot « réhabilitation » signifie vraiment quelque chose.
Pour le moment, un jeune qui a commis une infraction à 19 ans peut maintenant, à 25 ans, dire: « J'ai commis une erreur. J'ai fait quelque chose de mal et j'en ai payé le prix, mais j'ai obtenu ma réhabilitation. Je peux garder la tête haute, car cette commission indépendante et la police se sont penchés sur mon caractère et mes efforts de réinsertion et ont dit que je devrais être réhabilité. » Vous ne devriez pas avoir à assumer jusqu'à la fin de vos jours le fardeau d'un casier judiciaire qui vous empêche trouver du travail, de voyager, de poursuivre votre vie et de réussir parce que vous n'avez pas obtenu la réhabilitation. Je pense que cela veut dire quelque chose; cela veut dire quelque chose pour les Canadiens. Mais pour Dieu sait quelle raison, cette loi dit non, nous allons changer cela.
Comme l'a dit M. Cotler, tels sont les éléments transformateurs de cette mesure qu'on nous demande maintenant d'appuyer en totalité, en l'espace d'une journée. Tout cela en une seule journée. Pourquoi? Il n'y a aucune raison. Il n'y a aucune urgence qui oblige à terminer aujourd'hui. Nous aurions pu en étudier une bonne partie aujourd'hui. Nous aurions pu en adopter une autre bonne partie mardi prochain et peut-être le reste jeudi prochain. Qu'est-ce qui presse tant? Où allons-nous? Vous savez que nous sommes là.
Comme vous le savez, les Canadiens nous ont élus pour être députés et siéger à la Chambre chacun des jours prévus dans le calendrier. Nous avons un assez long calendrier. Vous savez que nous serons ici pendant cinq semaines. C'est la première de ces cinq semaines. C'est une mesure législative importante. Quand nous aurons terminé ce travail, qu'allons-nous faire? Qu'allons-nous faire mardi prochain? Nous aurions pu poursuivre l'examen de ce projet de loi, mais le gouvernement ne l'a pas voulu. Il aurait voulu que tout soit réglé jeudi dernier. Certaines personnes avaient peut-être prévu d'autres choses à faire, d'autres engagements, mais le gouvernement a décidé de tout changer sans préavis. Pourquoi? Son seul but est d'étouffer le débat, les discussions et d'empêcher un examen sérieux et je pense que les Canadiens sont bien mal servis — bien mal servis — par cette façon de procéder. J'espère que les députés d'en face — nous vivons toujours d'espoir ici — réexamineront leur position à cet égard, qu'ils renonceront à faire adopter cette mesure à toute vapeur et qu'ils nous permettront d'étudier la loi comme elle doit l'être. C'est pour cela que les parlementaires sont élus.
J'ai mentionné la question de la réhabilitation, car un des grands débats que suscite cette mesure porte sur la question de savoir quelle est l'approche la plus efficace, l'approche punitive ou celle qui insiste sur la prévention et la réinsertion. La réhabilitation en fait partie. La possibilité de l'obtenir est un des éléments en faveur de la réinsertion. La perspective d'une réhabilitation est offerte à quelqu'un qui a déjà commis un crime, qui subit la peine imposée par les tribunaux et qui doit payer le prix de sa faute. Mais cela peut aussi être la carotte qui incite à reprendre le droit chemin, une chance de rédemption sous la forme d'un pardon. C'est une question qui mérite un débat. Il faut en discuter et l'examiner et non pas au cours d'une séance marathon d'une journée.
Je voudrais entendre les arguments selon lesquels il vaut mieux supprimer la possibilité de rédemption. Je voudrais entendre dire ce que la réhabilitation, la notion de réhabilitation et le mot « réhabilitation » et tout ce qui l'accompagne signifient pour un jeune qui fait l'objet d'une procédure pénale ou quelqu'un qui commet une infraction une fois dans sa vie. Pourquoi? Qui a pensé qu'il vaut mieux ne plus utiliser ce mot parce qu'il vaut mieux que les criminels soient moins portés à vouloir se réhabiliter, à reprendre le droit chemin, à changer leur vie et changer leur comportement? Lorsqu'on a un système qui reconnaît qu'une personne s'est reprise en main et a repris le droit chemin et, pour la récompenser, lui évite de traîner le poids d'un casier judiciaire jusqu'à la fin de ses jours… Je voudrais entendre les arguments selon lesquels il est souhaitable de supprimer cela. C'est une disposition importante qui a des effets transformateurs.
Cette loi a eu beaucoup d'effets sur la société. Des organismes comme le Barreau du Québec… l'Association du Barreau canadien ont comparu devant nous avec un mémoire de plus de 90 pages énonçant leurs préoccupations au sujet de cette loi. L'Association du Barreau canadien n'est pas composée uniquement d'avocats de la défense, mais de toutes sortes de juristes. Sa section de justice pénale est constituée d'avocats de la défense et de procureurs de la Couronne. Ils travaillent ensemble pour étudier les lois et formuler des observations très utiles. Au fil des ans, ils ont apporté une contribution très positive aux comités parlementaires comme celui-ci chargés d'étudier les lois.
J'ai entendu exprimer à la Chambre, et parfois ici, un point de vue très alarmant selon lequel un avocat qui défend un accusé se fait le défenseur des criminels. Ceux d'entre nous qui ont étudié le droit et qui exercent le droit savent parfaitement que le système de justice pénale est conçu pour faire en sorte que ceux qui ont commis des crimes soient punis conformément à la loi. Mais ce qu'il faut retenir ici c'est que c'est « conformément à la loi ». Comment pouvez-vous avoir un état de droit si vous n'avez pas d'avocats pénalistes pour veiller à ce que nous punissions les gens uniquement conformément à la loi? Tel est notre système. Lorsque des représentants du gouvernement ou d'autres s'attaquent à ceux qui représentent les gens et font respecter l'état de droit dans notre société — c'est une attaque contre l'état de droit et c'est très dangereux.
Quand les représentants de l'Association du Barreau canadien comparaissent en représentant les deux côtés, ils veulent s'assurer que la loi est efficace et atteint l'objectif qu'elle est censée viser. Si vous intitulez un projet de loi Loi sur la sécurité des rues et des communautés, je pense que les gens ont le droit de donner leur opinion quant à savoir si ces dispositions mèneront ou non à des rues et des communautés plus sûres.
Un très grand nombre d'opinions et d'arguments qui ont été présentés par ceux qui savent et qui ont vu ce qui s'est passé dans d'autres pays, et qui ont analysé et étudié ces questions laissent entendre que de nombreuses dispositions de ce projet de loi — pas toutes évidemment, car nous l'examinons morceau par morceau — pourraient mener à une augmentation de la criminalité et du nombre de victimes et à moins de sécurité dans les communautés et dans les rues. Nous avons le droit, le besoin et le devoir de les examiner une par une, article par article suivant la façon dont le Parlement fonctionne, avec des comités qui se réunissent deux fois par semaine, pendant deux heures, pendant une certaine période.
S'il y avait une crise… Nous nous réunissons parfois le week-end. La Chambre s'est réunie le week-end en juin pour étudier une question qui était jugée urgente et importante pour le public. Nous avons continué à siéger. Nous avons siégé le soir. Un soir, nous sommes restés toute la nuit. Nous n'y voyons pas d'objection. Cela n'est pas un problème pour nous. Nous le ferons si c'est urgent, mais la situation n'est pas urgente. Nous avons un projet de loi à l'étude et qui doit suivre les étapes du processus. Lorsque le processus sera terminé, il retournera à la Chambre des communes pour l'étape du rapport et ira ensuite au Sénat qui l'examinera à son tour. Ce sera en dehors de notre contrôle. Cette Chambre est en dehors de notre contrôle.
Mais nous devons faire notre devoir en étudiant cette mesure comme elle doit l'être ici, à la Chambre des communes, ici, au comité, et non pas au cours d'une séance marathon qui va commencer maintenant et s'arrêter à minuit avec peut-être une pause pour la période des questions, je n'en sais rien. Peut-être que non. Les membres du comité vont peut-être dire: « Non, nous allons continuer. Si vous partez, nous allons simplement terminer cette étude pendant que vous serez partis pour la période des questions. » Est-ce ce qui va se passer ici aujourd'hui? Est-ce à cela qu'on nous demande de coopérer? Est-ce à cela qu'on nous demande de collaborer, un processus tellement antidémocratique que c'en est insultant?
Nous arrivons ici à 8 h 45 et la première chose qu'on nous sert c'est une motion disant que nous allons régler tout cela d'ici 11 h 59 ce soir, un point c'est tout. C'est de cela dont nous débattons.
Alors qu'allons-nous faire? Allons-nous siéger ici jusqu'à 11 h 30, tomber la veste, faire venir de la nourriture et être forcés de rester parce que si nous sortons, vous allez adopter le reste à toute vapeur…? Nous avons une période des questions. Certaines personnes ont d'autres comités qui se réunissent à 11 heures, probablement dans cette salle. Je n'en sais rien. Nous sommes peut-être dans cette salle parce qu'il a déjà été prévu que personne d'autre ne viendrait l'occuper à 11 heures. Je l'ignore.
Néanmoins, j'ai l'impression que le gouvernement ne veut pas tenir compte du désir des Canadiens qu'il y ait un véritable débat à ce sujet. Des gens nous appellent pour savoir quand tel ou tel article sera mis à l'étude, quand les modifications à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui constituent la dernière partie du projet de loi, seront étudiées. Nous avons répondu que nous ne le savions pas, que ce serait peut-être la semaine prochaine, mardi ou jeudi. Mais tout à coup, sans préavis, ce sera d'ici minuit… Je ne sais pas quand.
Les Québécois ont appris que leur gouvernement voulait proposer des amendements. Cela sera fait aujourd'hui et non pas au moment où on s'y attendait, peut-être mardi. Ce sera d'ici minuit.
C'est déraisonnable, monsieur le président. Il est déraisonnable de s'attendre à ce que le comité règle cette question en si peu de temps. Ce n'est pas un projet de loi de 10 articles avec un objectif précis que quelqu'un essaie de retarder; personne n'essaie de retarder cette mesure. Ce n'est pas le but de cet examen. Le but est de l'étudier. Nous avons vu lundi que cela prenait une séance et j'ai entendu des gens dire à la fin que nous n'avions examiné que sept articles. Nous avons examiné sept articles d'une mesure qui n'avait encore jamais été étudiée par la Chambre des communes ou par un comité. C'est une loi qui représente quelque chose d'entièrement nouveau dans un domaine du droit civil international. Nous avons entendu des instances de groupes qui voulaient que les victimes d'actes de terrorisme aient le droit et la possibilité de poursuivre les auteurs d'attentats terroristes, les organisations qui les commanditent et les pays qui les commanditent. C'est un domaine tout à fait nouveau.
D'importants amendements ont été proposés et nous les avons examinés au cours de la séance. Les progrès ne se mesurent pas d'après le nombre d'articles. Il s'agit plutôt de voir si nous avons dûment examiné un projet de loi qui a été présenté pour la première fois dans l'histoire du Canada et que nous avons étudié pendant deux heures. C'est ainsi qu'on mesure les progrès. Je ne pense pas que les Canadiens reprocheraient aux députés de consacrer deux heures à étudier, article par article, une mesure qui deviendra la loi du pays, qui conférera des droits aux gens, que les tribunaux devront interpréter, appliquer et suivre; une mesure qui doit être bien libellée faute de quoi une personne pourrait dépenser énormément d'argent dans une poursuite devant les tribunaux et se rendre compte que la loi ne lui permet pas d'atteindre son but. Est-ce ce que nous voulons?
Je ne dis pas que ceux qui ont rédigé ce projet de loi au nom du gouvernement ne savent pas ce qu'ils font. Bien entendu, ils ont été embauchés pour faire ce travail parce qu'ils ont les compétences voulues. Néanmoins, ils ne possèdent pas toutes les compétences et ce n'est pas leur rôle. Leur rôle est de rédiger une ébauche de loi pour qu'elle soit soumise au comité. Si le comité désire y apporter des changements et suivre une voie différente… Les membres de notre comité ont la responsabilité, le droit et le devoir de proposer les amendements qu'ils jugent souhaitables à un projet de loi qui est renvoyé au Parlement. C'est le processus législatif.
Le fait de bénéficier de la compétence d'une personne comme M. Cotler, qui est un expert de réputation internationale des droits de la personne, qui a enseigné le droit pendant plus de 30 ans et qui propose des amendements est une bénédiction pour notre comité. Nous avons M. Rathgeber, un autre avocat professionnel d'expérience qui est une personne qui réfléchit et qui peut examiner ces projets de loi. Il y en a d'autres qui sont ici pour essayer de faire leur travail.
Nous ne sommes pas toujours d'accord, mais nous profitons des connaissances, de l'expérience et de la sagesse des membres du comité qui proposent des amendements qui méritent d'être examinés sérieusement. Je ne prétends pas que cela n'a pas été le cas mardi. Je ne dirais pas que ce qui s'est passé mardi témoignait d'un manque de respect envers M. Cotler. N'interprétez pas mal mes paroles. Néanmoins, en tant que membres du comité, nous avons l'obligation de présenter des amendements et de les examiner et nous devons présenter des arguments. S'ils sont rejetés, c'est pour une question de politique ou parce que les ministériels ne les ont pas acceptés ou parce qu'ils avaient déjà décidé de la voie qu'ils allaient suivre.
Peut-être ont-ils décidé de n'accepter aucun amendement parce qu'ils sont très satisfaits du projet de loi tel qu'il est. C'est leur droit étant donné qu'ils sont majoritaires. Nous avons aussi le devoir de proposer les amendements qui, selon nous, amélioreront le projet de loi, le rendront plus conforme à ce que souhaite le public, plus conforme à notre notion de justice, ou qui le rendront meilleur ou plus acceptable pour la Chambre. C'est pour cela que les amendements sont proposés, en principe. Je propose un amendement à une loi dans l'espoir qu'elle sera plus acceptable pour la Chambre ou peut-être pour un plus grand nombre de députés afin qu'il y ait un plus grand consensus. C'est souvent le but des amendements.
Nous ne voulons pas forcément d'une Chambre des communes polarisée où c'est blanc d'un côté et noir de l'autre. Nous sommes venus ici pour faire fonctionner le Parlement.
C'est une phrase que vous avez sans doute entendue dans la bouche de notre ancien chef et d'autres de notre parti: nous voulons d'un Parlement qui fonctionne.
Pour y parvenir, il faut que les députés qui siègent à un même comité étudient dans la collégialité et avec professionnalisme les lois qui nous sont soumises. C'est ce que nous avons fait mardi. Mais voilà qu'en ouverture de journée ce jeudi, tout dérape après deux heures d'étude d'un texte de loi complexe; voilà que les gens d'en face disent: « Nous ne voulons pas que le Parlement fonctionne; nous ne voulons pas agir de façon collégiale et professionnelle en ce qui concerne cette mesure. » Ils nous disent: « Nous en avons assez. Nous voulons que ce texte de loi soit adopté aujourd'hui par ce comité. » C'est cela qu'ils nous disent: « Nous allons rester ici toute la journée et si vous voulez rester vous aussi, ça va, restez-y! mais nous voulons que ce projet de loi soit adopté aujourd'hui et, si vous ne collaborez pas, eh bien, à 23 h 59 ce soir, nous considérerons que le texte a été adopté. C'est cela que nous disons. Essentiellement, nous arrêtons tout le processus parce que nous avons décidé, d'une façon ou d'une autre, que vous n'étiez pas prêts à participer au débat. »
Il est possible que vous ne vouliez pas que nous prolongions le débat à ce sujet, parce que ce que nous avons à dire va sans doute attirer davantage l'attention des médias. Vous ne voulez peut-être pas que les Canadiens sachent qu'il y a des gens raisonnables qui, à l'étape de l'étude détaillée de ce projet de loi, ont des arguments très raisonnables à formuler. Et les gens vont dire: « Tout cela est fort logique, mais j'ai écouté le gouvernement qui prétend que cela doit servir à rendre nos rues plus sûres. Cependant, ce n'est pas ce que va permettre cette mesure législative. Ce que M. Harris ou M. Cotler ou M. Jacob disent est tout à fait logique » — d'après ce que nous avons connu dans notre territoire ou notre province ou d'après l'avis des experts qui étudient cette question depuis des dizaines d'années, cette mesure va dans le mauvais sens.
Est-ce parce que vous ne voulez pas que les Canadiens entendent ça? Avez-vous peur que les gens puissent entendre cela? Vos opinions, vos points de vue ne doivent pas être exposés au plein jour? C'est ça le problème?
Ça ne me dérange pas que les gens aient des points de vue différents des miens. Vous pouvez avancer tous les arguments que vous voudrez. Si vous êtes convaincus, si vous estimez avoir raison et si la plupart des gens sont d'accord avec vous, alors pourquoi devriez-vous avoir peur de vous lancer dans un processus qui consiste à étudier le projet de loi et à les faire connaître?
Vous savez, la seule forme de débat public ne se résume pas à lancer un petit quolibet en passant lors de la période des questions. Ça fait partie du processus, c'est vrai, mais si nous réduisons la démocratie à ce type de spectacle — à une pièce de théâtre reposant sur des bribes de questions et de réponses de 35 secondes lors de la période des questions — et que le genre de débat détaillé qui se déroule normalement ici soit censuré, pour ne plus permettre que de brèves réparties et répliques artificielles lors de nos échanges... Cela est évidemment nécessaire et important, parce que c'est ainsi qu'on tient le gouvernement responsable. En revanche, c'est dans ce lieu qu'on traite des choses sérieuses qui concernent l'activité parlementaire.
Nous sommes à la télévision. Tous ceux qui, au Canada, veulent suivre nos débats peuvent le faire. Les gens entendent ce que je suis en train de dire. Ils vont peut-être penser que je débite des âneries et que je parle à tort et à travers, et c'est leur droit. Je m'expose à ce genre de critique. Peut-être que quelqu'un va m'envoyer un courriel pour me dire que je devrais arrêter de parler.
Des voix: Oh, oh!
M. Jack Harris: Quelqu'un en face pourrait vouloir connaître mon adresse de courriel.
Tout ce que je dis, c'est que lors de cette réunion et lors des réunions que nous sommes censés avoir mardi et jeudi prochains, il devrait être possible de permettre aux Canadiens de suivre tous nos échanges au sujet des dispositions de ce projet de loi qui font l'objet d'opinions bien arrêtées. Si le gouvernement est sûr de sa position, il devrait se réjouir que le débat puisse se dérouler comme prévu, c'est-à-dire dans le cadre de séances régulières auxquelles nous sommes censés participer en tant qu'élus. La procédure parlementaire prévoit des séances de comité permanent comme celui-ci, sur la justice et les droits de la personne, afin que je puisse être entendu. Si je cite des experts, les gens pourront juger de leur côté. Certains se diront que ce que je dis est tout à fait logique et se demanderont pourquoi le gouvernement n'accepte pas ce point de vue.
Est-ce ce dont le gouvernement a peur? A-t-il peur que quelqu'un dise quelque chose de raisonnable, de logique, que quelqu'un sorte un argument convaincant et que tout le monde se rende compte ensuite que le gouvernement en fait fi? Il arrive parfois qu'il ne tienne pas compte de ce qui se dit de l'autre côté et qu'il n'avance même pas d'arguments contraires. Toutefois, s'il doit y avoir des arguments contraires, j'aimerais les connaître. J'aime bien qu'on essaie de me convaincre. Je pense qu'il devrait en être de même pour les députés du côté gouvernemental. Les Canadiens ont le droit de s'attendre à ce que ce processus se déroule au grand jour, de la façon prévue.
Nous avons 100 articles et 50 ou 60 amendements à étudier — je n'ai pas tout vu. Il faudra du temps pour étudier tout ça. Beaucoup se ressemblent. Nous n'allons pas tenir 55 débats sur des amendements semblables. Nous espérons tout de même que les parlementaires vont respecter ce processus.
Ce que les gens de l'autre côté nous disent, c'est qu'en appliquant la démarche qu'ils proposent, il n'y aura pas de débat à moins que tout se fasse en une seule journée sans possibilité de véritablement étudier la question. Demandez-vous aux Canadiens d'arrêter de vivre et de passer le reste de la journée rivés à leur téléviseur? Je suppose que nous serions télédiffusés toute la journée. Je ne sais pas, il est possible que seuls certains blocs soient disponibles. Il est actuellement prévu que le comité soit radiodiffusé jusqu'à 10 h 45 et je ne sais pas ce qui va se passer après. Il est possible que d'autres comités prennent le relais à la télévision.
C'est ça l'idée? Nous allons bloquer l'accès public aux audiences de ce comité en continuant tout cela jusqu'à minuit? Est-ce une autre façon d'empêcher les Canadiens de savoir ce qui se passe à la Chambre qu'ils ont élue en mai dernier et où ils s'attendaient à être représentés? Je ne parle pas simplement ici des voix de ceux qui ont la majorité des sièges après avoir été élus par une minorité, je ne parle pas uniquement de ceux-là. Nous n'avons pas élu de dictateur au Canada, nous sommes en démocratie constitutionnelle, une démocratie parlementaire où toutes les voix des élus peuvent être entendues et où tout le monde peut participer au processus. Mais voilà que ce gouvernement veut faire fi de tout cela et qu'il se contente de dire: « Comme nous avons été élus, nous pouvons faire exactement ce que nous voulons. »
Eh bien, ce n'est pas l'idée que nous avons de la démocratie au Canada, ce n'est pas en cela que croit notre parti. Nous croyons que les députés sont ici pour travailler ensemble afin d'améliorer les choses et d'échanger de véritables arguments sur la meilleure façon d'y parvenir. Nous sommes ici pour échanger de véritables arguments et pas simplement pour nous faire dire: « Nous sommes aux manettes, voici comment les choses vont se passer, nous voulons que cette loi soit adoptée et nous voulons qu'elle le soit aujourd'hui. » C'est cela qu'on nous dit: « Non seulement, nous voulons que cette loi soit adoptée, mais nous voulons qu'elle le soit aujourd'hui, aujourd'hui même, d'ici 23 h 59 ce soir. » Ces gens-là nous disent que tout ce qui s'est produit avant le 17 novembre ne compte plus, qu'ils veulent que le comité adopte cette mesure législative parce qu'il estime qu'elle est valable; il n'est pas disposé à entendre qui que ce soit en parler après minuit ce soir. Pour lui, « c'est une affaire entendue, c'est terminé, c'est bouclé, on n'en parle plus ».
Ces gens-là nous disent: « Nous avons eu la possibilité de présenter ce texte publiquement, mais nous ne sommes pas disposés à en poursuivre l'étude une autre journée. » C'est cela qu'on se fait dire ici: « Nous faisons tomber la guillotine. » Et tout cela nous est présenté avec des euphémismes charmants du genre « Attribution de temps ». Ils nous disent: « Nous voulons simplement organiser le calendrier pour que le temps soit correctement réparti et utilisé. » Eh bien, ce n'est qu'un euphémisme pour dire qu'on veut faire passer cette mesure en force, qu'on veut mettre l'étude et le débat en veilleuse et qu'on veut empêcher la population de comprendre les détails d'une telle mesure.
C'est fort complexe. Je ne dis pas que c'est simple, c'est compliqué, mais si vous avez la possibilité... Voilà le problème. Les gens disent que le gouvernement a produit des témoins. C'étaient des témoins sincères et j'ai été heureux de les entendre, mais ils nous ont déclaré qu'ils étaient simplement d'accord avec certains aspects du projet de loi. Ils ne nous ont pas dit: « Nous appuyons absolument chaque disposition de ce texte. »
Alors, très franchement, je ne m'attends pas à ce que la victime d'un crime, le parent d'un enfant assassiné, se présente ici pour analyser, avec un regard juridique, une loi de 100 pages. Ça ne revient pas à ces gens-là de faire ça. Ils peuvent venir ici pour nous dire: « Je suis victime de crime et je crains qu'on ne prenne pas la criminalité suffisamment au sérieux au Canada et je suis d'accord avec un resserrement des peines. » Voilà une question légitime sur laquelle notre comité doit se pencher.
Mais quand les témoins viennent nous dire qu'ils sont d'accord avec « certains aspects » de cette mesure, ils ne nous donnent pas une carte blanche, ils ne disent pas que cette loi doit être adoptée parce qu'eux-mêmes ont été victimes. Nous savons bien ce que cela signifie; ça ne veut pas dire que quelqu'un qui vient émettre un certain point de vue, qui est préoccupé par la question des droits des victimes et qui a des griefs légitimes à formuler au sujet des redressements à appliquer pour les victimes, au sujet du soutien accordé aux victimes, et qui dit que le traitement des victimes au pénal est inadapté... Nous comprenons tout cela et il faut effectivement améliorer les choses à cet égard.
Mais très honnêtement, ce projet de loi n'apporte pas ce genre d'améliorations. Il ne traite que d'un seul aspect, c'est-à-dire, dans certains cas, d'un resserrement des sentences et de la question de l'accès aux audiences de libération conditionnelle. Je pense que nous sommes tout à fait en faveur de ces aspects-là.
Cependant, ce n'est pas parce qu'un témoin est venu nous dire qu'il était d'accord avec certains aspects du projet de loi, qu'il faut adopter ce texte sur-le-champ. Cela ne revient pas à dire que ce témoin ne veut pas que nous étudiions les autres aspects à propos desquels il faut consulter des témoins experts. Cela ne revient pas à dire que ce témoin refuse qu'on étudie ce que certains affirment, comme dans le cas du Québec qui a 30 ans d'expérience dans le domaine de la justice criminelle pour les jeunes et qui sait ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Ce même témoin ne nous demande pas de ne pas étudier ce qui pourrait permettre, comme en atteste l'expérience du Québec, de rendre nos rues plus sûres, de réduire la criminalité et d'éviter que les adolescents susceptibles d'avoir des démêlés avec la justice, ne deviennent plus tard des criminels. Cela ne revient pas à dire que nous ne devons pas nous pencher sur les déclarations de quelqu'un qui nous dit: « Voici les enseignements que nous avons tirés, voici quelle a été notre expérience et, en ce qui nous concerne, nous pouvons vous affirmer ceci ou cela. »
Les victimes qui se sont présentées ici ne nous ont pas dit: « Nous ne voulons pas que vous étudiiez ceci ou cela. » Ils ne nous ont pas dit: « Nous ne voulons pas que vous vous penchiez sur les détails de la loi. Nous ne voulons pas que vous étudiiez ce qui pourrait fonctionner véritablement pour prévenir le crime. » Ils ne nous ont pas dit cela du tout. Je n'ai entendu absolument personne nous affirmer cela.
Ils sont venus ici en toute sincérité, malgré leurs angoisses et leurs émotions, nous dire qu'ils sont convaincus de la nécessité d'apporter des améliorations au système de justice pénale. Ils aiment l'idée d'être appelés à participer davantage à l'étape de la libération conditionnelle ou d'être mis davantage au courant des allées et venues des délinquants dans le système, du moment où ils ont remis en liberté et d'être informés du lieu où ils vont se retrouver, et ils aiment l'idée d'être appelés à participer aux audiences des libérations conditionnelles et de ne plus être victimes de qui que ce soit — ce qui s'est produit dans certains cas quand des audiences de libération conditionnelle avaient été annulées, et des choses de ce genre. Nous avons pris acte de tout cela. À l'étape des échanges au sujet de cet aspect particulier du projet de loi, nous tiendrons compte de leurs sentiments et de leurs points de vue.
J'estime qu'ils ont le droit de suivre nos séances et de voir dans quelle mesure les membres de ce comité ont écouté ce qu'ils sont venus nous dire. Ils ont également le droit de reconnaître que ce comité peut étudier d'autres aspects du projet de loi, d'autres aspects à propos desquels il peut y avoir des désaccords entre les membres du comité mais qui, de l'avis de certains, pourraient donner lieu à une amélioration de la sécurité dans les collectivités, à un sentiment de plus grande sécurité à domicile et à une réduction de l'inquiétude face à la prolifération de l'activité criminelle.
Vous savez, les gens ont besoin d'aide. Une partie de tout ce processus consiste justement à aider les gens à comprendre que tout n'est pas noir ou blanc. Ce gouvernement ne cesse de répéter que, contrairement à l'opposition, il veut véritablement s'en prendre à la criminalité, que, d'une façon ou d'une autre, un seul groupe veut infléchir la criminalité et souhaite que nos collectivités soient plus sûres, mais que l'opposition, au contraire, voudrait davantage de crimes. Est-ce que quelqu'un croit ça? C'est pourtant ce qu'on nous dit. A priori, c'est ce qu'il faut en conclure.
C'est en fait l'inverse qui est vrai. Comme M. Cotler vient de le déclarer, il incombe constitutionnellement au gouvernement du Canada d'adopter des politiques et des pratiques telles que nos rues soient plus sûres. Nous pouvons avoir des désaccords honnêtes quant à la façon d'y parvenir. Il peut y avoir des désaccords honnêtes à ce sujet sans qu'on vilipende l'opposition en l'accusant de mollesse envers les criminels dont elle représenterait les intérêts. C'est ce qu'on entend dire.
Les Canadiens méritent d'entendre ce débat, ils méritent de suivre notre étude article par article, ils méritent de nous entendre dire pourquoi certaines dispositions de ce projet de loi, qui prévoient certaines sanctions ou certaines peines, se trouvent à imposer un traitement particulier aux jeunes délinquants. La population a le droit d'entendre pourquoi, selon certains, ce régime va déboucher sur plus de criminalité, sur une augmentation du nombre de personnes dangereuses, que ça va diminuer l'efficacité des programmes de réadaptation, que ça va déboucher sur moins de sécurité.
Les Canadiens méritent d'entendre dire que l'argent qu'on va dépenser dans le système correctionnel et dans l'incarcération de gens dans ces conditions aurait pu être consacré à la prévention du crime et qu'il aurait pu permettre de sauver des vies de même que l'avenir de nos jeunes, par exemple, qui, autrement, risquent d'être incarcérés pour de longues périodes, risquent d'être victimes de circonstances particulières à cause d'un séjour en prison ou de problèmes de santé mentale ou de toute une série de situations comme celles qui ont fait qu'Ashley Smith, par exemple, s'est ôté la vie, elle qui a été emprisonnée à 14 ans pour avoir lancé des pommes contre un facteur, et elle n'en est plus jamais ressortie. Elle est morte à 19 ans en prison. Elle n'est jamais sortie.
Pensons-nous qu'il n'y a pas lieu d'améliorer ce régime? Estimons-nous que ce régime est un modèle? Pensons-nous qu'il faudrait incarcérer davantage de jeunes? Des tas d'articles traitent du nombre de personnes emprisonnées, des jeunes et des moins jeunes chez qui la santé mentale est un véritable problème. C'est leur problème. C'est pour ça qu'ils sont en prison. C'est pour ça qu'ils ne peuvent plus vivre au sein de la société. C'est pour ça qu'ils ont des problèmes avec la justice. De plus, ils ne reçoivent pas des traitements appropriés, ni à l'intérieur ni à l'extérieur des prisons ou des établissements correctionnels. Voilà certains des problèmes qui sous-tendent les enjeux dont nous parlons ici.
Il faut adopter des solutions tenant davantage compte de la santé mentale dans les pénitenciers. C'est une chose de dire que quelqu'un est apte à subir son procès, mais c'en est tout à fait une autre que de dire qu'elle a toute sa tête, qu'elle n'a pas de problème mental, que c'est un problème dont il est inutile de s'occuper. Nous avons beaucoup de chemin à parcourir pour que nos collectivités soient plus sûres, mais aussi pour qu'elles soient plus sûres pour les gens qui ont des troubles mentaux, parce qu'il faut leur donner la possibilité d'être traités et le droit de bénéficier de services adaptés à leurs besoins, que ce soit des jeunes qui connaissent la maladie mentale à l'aube de leur vie ou des gens plus âgés. Voilà tous les aspects dont nous devons nous occuper si nous voulons correctement étudier cette loi et avoir un véritable débat.
Nous devons donner la possibilité au public de constater que ce débat est utile, qu'il ne s'agit pas simplement d'une confrontation entre ceux qui, d'un côté, réclament la justice et ceux, de l'autre, qui veulent l'injustice ou quelque chose de différent. C'est un débat légitime sur la meilleure façon de parvenir à des collectivités plus sûres. Comment s'y prendre? Est-ce que ce sera en envoyant plus de gens derrière des barreaux? C'est une façon de voir les choses. L'une des réponses fournies par les députés du gouvernement, c'est qu'au moins, quand ils seront derrière les barreaux, ces gens-là ne commettront plus de crimes à l'extérieur. C'est vrai. Mais combien de temps vont-ils rester à l'intérieur? Et quand ils sortiront, seront-ils plus ou moins susceptibles de récidiver?
Que retire-t-on de l'expérience d'autres pays? Notre voisin du Sud, dont nous nous inspirons à certains égards, est très loin d'être parvenu à améliorer la sécurité en emprisonnant les délinquants. Il n'y a pas eu d'amélioration aux États-Unis. On a dit et redit que, si le fait d'enfermer des gens devait permettre d'améliorer la sécurité, la société américaine ne connaîtrait plus la criminalité et qu'elle serait la plus sûre au monde. Mais voilà, le taux de criminalité aux États-Unis bat tous les records. Même les Républicains d'extrême-droite et les États qui ont entretenu cette façon de voir pendant très longtemps se rendent maintenant compte que cette formule ne fonctionne pas. Les Américains sont tout juste parvenus à s'appauvrir au point où plusieurs États — j'ai vu une liste l'autre jour — ont dépensé davantage dans les programmes d'incarcération que dans l'éducation. Imaginez qu'il y a un État américain qui dépense davantage pour mettre les gens derrière des barreaux que pour instruire les enfants et les adolescents.
Eux-mêmes se demandent ce qu'ils sont en train de faire. Ça ne fonctionne pas. Ça n'a pas donné lieu à une amélioration de la sécurité dans les collectivités. Ça n'a fait que ponctionner l'argent des contribuables, ça les a empêchés de s'acquitter de leur responsabilité qui est de s'occuper des citoyens qui n'ont dès lors pas la possibilité d'aller s'instruire suffisamment pour participer à la vie de la société. Dans ce cas de figure, on attend simplement que les gens commettent des crimes, puis on les enferme. Ensuite, tout l'argent des contribuables sert à garder ces gens-là en prison.
C'est une position extrême et je ne dis pas que nous sommes en train d'adopter ce point de vue. Soyons raisonnables et honnêtes. Il est temps de tenir un tel débat, après ce que nous avons vu aux États-Unis, dans des États comme le Texas et d'autres. Les Américains disent qu'ils doivent modifier leur approche pour envisager, par exemple, la réadaptation des personnes condamnées pour une infraction liée aux drogues, plutôt que leur incarcération comme principal moyen de corriger la situation.
Nous nous retrouvons dans une situation où bien des États américains sont en train de faire le contraire. Nous, nous voulons reproduire leur échec, c'est-à-dire prendre un cap que beaucoup, dont nous, estiment mauvais. Plutôt que de reproduire l'échec de la politique américaine moyennant un coût énorme et inconnu pour la population canadienne, nous devrions tirer des enseignements de l'expérience vécue par ce pays.
C'est à cela que devrait servir les discussions d'aujourd'hui, de mardi et de jeudi prochains. Nous sommes censés être ouverts, tenir des débats auxquels le public peut participer en nous regardant à la télévision, en nous envoyant des courriels s'il le désire et en réagissant à ce qui se dit pour, ainsi, jouer un rôle dans la démocratie participative dont nous parlons de temps en temps. C'est pour ça que nous avons des séances régulières, c'est pour ça qu'il ne faut pas tout empiler dans une seule journée.
Ce matin, nous devrions... À cette heure-ci, nous serions déjà sans doute passés au travers de la moitié de cette mesure législative. Mais non, le gouvernement veut changer de canal: « Changeons de canal, ne parlons plus de cette loi, parlons de la façon de la faire adopter à vitesse grand V en prétendant qu'il sera toujours possible de l'étudier en une seule journée et que tout ce qui aura ou pourrait être dit sur les quelque 200 dispositions du projet de loi » — je pense qu'il y en a 200.
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Merci, monsieur le président.
Le gouvernement a un mandat de quatre ans. Je ne parle pas du mandat à l'égard du texte de loi ou de la façon dont il a été utilisé. Mais c'est un mandat de quatre ans. C'est un gouvernement majoritaire. En fin de compte, le gouvernement, en raison de cette majorité, peut adopter toutes les lois qu'il veut.
J'ai été très encouragé par ce qu'a dit le premier ministre immédiatement après que le gouvernement eut obtenu une majorité. Il a dit qu'il avait l'intention de gouverner dans un esprit de collaboration avec l'opposition, afin de travailler dans l'intérêt des Canadiens. J'ai pris cette déclaration très au sérieux à l'époque et j'aimerais continuer à la prendre tout aussi au sérieux maintenant.
Je ne dis pas que nous devrions débattre ce projet de loi pendant quatre ans. Je ne dis pas non plus que nous devrions en discutter pendant un an. Tout ce que je dis c'est que les neuf projets de loi, pris ensemble ou séparément, méritent une étude équitable. Tout ce que je dis c'est qu'ils méritent une étude éclairée, notamment grâce à la contribution des fonctionnaires avertis du ministère de la Justice qui sont prêts à nous faire part de leur expertise sur plusieurs dispositions du texte de loi. J'ai eu le privilège de travailler avec ces fonctionnaires et je connais leur compétence et je sais qu'ils peuvent contribuer à nos délibérations si nous avons le temps.
Lorsque j'ai dit qu'en fin de compte, le gouvernement a un mandat et peut faire ce qu'il veut, je ne voulais pas dire aujourd'hui. Cela ne me serait pas venu à l'esprit. Je peux comprendre qu'en fin de compte, le gouvernement pourra adopter ce qu'il veut. Mais j'aimerais supposer, compte tenu de la déclaration du premier ministre et du rôrle des précédents, des principes et des comités et ainsi de suite, que nous avons droit à une étude éclairée et adaptée.
J'ai déjà donné des exemples de la nature transformatrice de chacun des projets de loi. Je dois dire que je loue le gouvernement pour avoir présenté un projet de loi transformateur et historique en donnant aux victimes des actes de terrorisme un recours civil. Il ne nous a pas fallu tellement de temps pour proposer des amendements pour améliorer le projet de loi. Nous ne voulions pas le rejeter, seulement l'améliorer.
Il ne s'agit que d'un exemple pour montrer que certains choses ici ont besoin d'être étudiées plus avant. J'aimerais aborder d'autres points dont nous n'avons pas pu parler à cause du manque de temps. J'invite les députés de l'autre côté à réfléchir à la nécessité d'avoir plus de temps, compte tenu de la nature transformatrice du projet de loi. Je vais commencer par quelque chose que je n'ai pas encore mentionné. Avant le dépôt de ce projet de loi, nous avions déjà un grave problème de surpeuplement dans les prisons. Les données sont là. Je ne veux pas alourdir la discussion en y revenant. Certains en ont parlé dans les témoignages. Nous savons que certaines prisons provinciales sont déjà à 200 p. 100 de leur capacité.
Cela soulève de graves problèmes constitutionnels et de politique. Du côté constitutionnel, la Cour suprême des États-Unis a déclaré qu'une capacité de 137,5 p. 100 nous amène à un point de punition cruelle et inhabituelle. Avant le dépôt de ce projet de loi, nous avions une capacité de 200 p. 100. Nous courrons le risque d'une augmentation de la criminalité dans les prisons et tout cela à cause du projet de loi. Ce serait contraire à ce que recherche les députés du gouvernement. Et j'accepte leurs objectifs de bonne foi.
Je dis seulement que cette question du surpeuplement soulève une question constitutionnelle de punition cruelle et inhabituelle. C'est ce que j'ai voulu dire lorsque j'ai mentionné qu'il y avait des questions liées à la Charte qui doivent être abordées, des questions qui ne peuvent simplement pas être passées sous silence pour des questions d'attribution de temps et de rejet d'études précédentes.
J'ajouterais que depuis notre réunion de mardi... Et je n'utilise qu'un seul exemple. Hier, dans le Globe and Mail, il était question du problème du surpeuplement, du phénomène particulier des prisons séparées et du genre de violence qui s'y déroule, et on faisait certaines recommandations à cet égard.
Cela m'amène à ma deuxième préoccupation, monsieur le président. Mon collègue, M. Harris, en a parlé. C'est toute la question du processus correctionnel. Je dirais une chose. Nous avons entendu nombre de témoignages sur les raisons pour lesquelles il est important de conserver le principe des mesures les moins restrictives dans la gestion des prisons. Cela relève d'un principe constitutionnel concernant les moyens les moins restrictifs, la proportionnalité et ainsi de suite. Je ne veux pas m'attarder là-dessus. Tout ce que je dis c'est que c'est un second point. C'est la question du système correctionnel, ce qui soulève à nouveau les questions de constitution et de politiques.
Cela m'amène à mon troisième point, M. Harris en a également parlé, mais j'aimerais l'aborder sous un autre angle, et c'est celui de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents du Québec. Cette loi contient des dispositions particulières qui ont un rapport avec les amendements qui ont été proposés et qui méritent d'être étudiées, notamment en ce qui concerne l'abrogation des ordonnances de non-publication, etc. Je ne vais pas m'y attarder. Je veux seulement dire que nous parlons d'un projet de loi dans le cadre de préoccupations beaucoup plus larges. Autrement dit, nous discutons du modèle québécois, qui en fait, comme le ministre de la Justice l'a dit lui même, est un modèle préventif plutôt qu'un modèle punitif, un modèle qui vise la réinsertion plutôt qu'un modèle d'incarcération. Comme il a choisi de le dire à ce moment-là, une solution durable, plutôt qu'une solution temporaire, qui peut sembler être une solution rapide, mais qui pourrait avoir des conséquences négatives à long terme.
Le témoignage du ministre de la Justice du Québec, qui a depuis présenté d'autres amendements, est important, et les autres témoignages que nous avons entendus du Québec le sont également importants en ce sens que les faits parlent. La réalité est que le Québec a le taux de récidive le plus faible du pays. Les faits montrent que la criminalité des jeunes, dans le modèle québécois, a diminué, alors que la criminalité des jeunes ailleurs a augmenté. Cela mérite d'être étudié pour l'ensemble du Canada, monsieur le président.
Je vais terminer en disant que, comme le ministre de la Justice québécois l'a dit, le simple fait de publier le nom d'un jeune contrevenant peut soulever de graves préoccupations, notamment la stigmatisation et les problèmes connexes.
Cela m'amène à mon quatrième point, monsieur le président, nous n'avons pas eu l'occasion... Je n'ai entendu personne en parler. Franchement, la seule raison pour laquelle je l'aborde, c'est qu'une lettre vous a été envoyée et que j'en ai reçu une copie ainsi que tous les membres du comité. Je parle d'une lettre du 10 novembre de la Commissaire à la protection de la vie privée du Canada et que moi-même et tous les autres députés ont reçue. Elle écrit qu'elle souhaite offrir aux membres du comité son opinion sur certaines des implications sur la protection de la vie privée. Là encore, je parle de thèmes et de questions transformatrices, d'implications sur la vie privée, découlant du projet de loi C10. Puis elle dit ensuite — c'est un point important —
Tout en reconnaissant la validité des objectifs des amendements proposés...
Voilà une personne qui dit qu'elle reconnaît que ce projet de loi a des objectifs valides.
Elle poursuit en disant:
J'aimerais souligner l'effet cumulatif que certains des changements législatifs...
C'est-à-dire le projet de loi en général —
pourraient avoir sur les droits à la protection de la vie privée de nombreux Canadiens.
Elle dit ensuite:
Nous soumettons à votre étude ci-dessous ce que nous considérons comme certaines des questions les plus importantes en matière de protection de la vie privée que soulèvent trois parties du projet de loi C-10 et offrons quelques suggestions sur la façon dont ces questions pourraient être abordées.
Monsieur le président, j'ai lu cette lettre. Je suppose que nous avons tous eu la possibilité de la voir et j'espère de l'avoir lue. Je dois dire que je l'ai relue hier soir. C'est une lettre très sérieuse. Elle compte six pages. Elle contient trois études de cas concernant les implications sur la protection de la vie privée de tous les Canadiens. Monsieur le président, Il faudrait au moins cinq minutes pour lire ces études à elles seules, ne pensons même pas au temps qu'il faudrait pour en discuter avec quelqu'un qui accepte les objectifs du projet de loi C-10 en général.
Je vais être rapide. Elle parle de plusieurs préoccupations liées à la protection de la vie privée dans trois parties du projet de loi C-10. J'en mentionnerai deux rapidement et terminerai là-dessus.
Elle dit « La partie 4 du projet de loi C10 » — et j'y fais référence parce que je viens d'en parler — « soulève deux grandes questions possibles sur la protection de la vie privée: i) changements dans les procédures d'ordonnance de non-publication et ii) exigences supplémentaires de tenue de dossier énoncées dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents... ». Elle continue en donnant plus de détails. Je ne m'y attarderai pas, monsieur le président.
Elle passe ensuite à la partie 3; je suis maintenant à la page 4 de sa lettre. Très rapidement, elle dit, la partie 3 du projet de loi C-10, Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition:
... soulève trois questions sur la protection de la vie privée: i) la communication d'un plus grand nombre de renseignements sur le délinquant aux victimes, ii) de nouvelles dispositions sur la surveillance électronique des délinquants et iii) de nouveaux pouvoirs pour fouiller les véhicules dans les locaux pénitenciaires.
Encore une fois, monsieur le président, je ne vais pas entrer dans les détails. Je dis seulement que ce document en général soulève des questions graves sur la protection de la vie privée des Canadiens.
Nous les parlementaires avons je crois la responsabilité d'aborder ce problème de façon responsable et adaptée afin d'en faire une étude équitable. Je ne dis pas une étude sana fin, mais une étude équitable afin de pouvoir répondre aux préoccupations de la commissaire à la protection de la vie privée du Canada qu'elle a portées à notre attention.
Voilà donc encore une autre préoccupation thématique: l'impact transformateur du projet de loi C-10 sur la protection de la vie privée. Finalement, il se peut que nous décidions que les préoccupations sur la protection de la vie privée soulevées par la commissaire ne sont pas fondées; ce pourrait être notre conclusion à la fin de la discussion. Mais je dis que ces questions méritent d'être entendues et méritent au moins une discussion.
Cela m'amène à mon cinquième thème qui porte sur quelque chose qui s'est produit à la Chambre. Monsieur le président, nous avons eu un débat d'une journée sur la stratégie nationale de prévention du suicide et à la fin de la journée, toutes les parties à la Chambre ont convenu de la nécessité de cette stratégie. Vous pourriez me demander pourquoi je soulève cette question dans le cadre du projet de loi? Si j'en parle, monsieur le président, c'est parce qu'au moment où nous en débattions à la Chambre ce jour-là, il est apparu que 90 p. 100 des personnes qui se suicident souffrent de troubles mentaux ou d'un handicap.
D'après les témoignages de M. Trudell et d'autres, il apparaît que les questions de santé mentale sont sous-représentées dans le projet de loi. Autrement dit, étant donné que de nombreux délinquants en prison ont des problèmes de santé mentale, les parlementaires — et nous avons entendu les témoignages de M. Trudell et d'autres — ont la responsabilité de discuter des améliorations possibles de ce projet de loi en incorporant des dispositions sur les personnes qui souffrent de troubles mentaux.
Cela fait partie d'une stratégie de prévention globale qui pourrait conduire à moins de criminalité, de coûts, d'incarcérations et à une meilleure réinsertion et finalement, chacun, en particulier la population canadienne au nom de laquelle nous sommes ici, en bénéficierait.
J'aimerais aborder un autre aspect connexe, un sixième point. Un professeur, Irvin Waller, a témoigné devant nous. Il a proposé la création d'un conseil de réduction de la criminalité. Il a recommandé que même si nous adoptions ce projet de loi et même si nous l'adoptions sous sa forme actuelle, que l'on établisse un conseil national de réduction de la criminalité. Toutes sortes d'objectifs et d'indicateurs, que je ne vais pas mentionner, nous ont été présentés.
Monsieur le président, un de mes amendements consiste en fait à proposer ce conseil, mais je pense qu'il mérite plus de cinq minutes de discussion. Il mérite une étude adaptée car c'est une initiative importante qui, à mon avis, réduira la criminalité car elle a fait ses preuves.
L'objectif de ce projet de loi est de sécuriser les rues et les collectivités. Je crois que ce conseil de réduction de la criminalité proposé par le professeur Waller aura cet effet, mais nous devons en faire une étude suffisante à la Chambre. Nous ne pourrons pas le faire avec le temps qui nous est alloué.
Il y a ensuite toute la question des peines minimums obligatoires. J'en ai parlé ailleurs. Ma position est déjà bien connue. Je pense que les faits sont clairs à ce sujet — non seulement au Canada mais ailleurs, ce que moi-même et d'autres avons étudié, que ce soit aux États-Unis, en Afrique du Sud, etc. — à savoir que les peines minimums obligatoires ne sont pas dissuasives. Je ne vais pas aborder ce sujet maintenant sinon pour dire que je voulais soulever un autre point.
Le vrai problème des peines minimums obligatoires est qu'elles ont un effet disproportionnée et préjudiciable sur les plus vulnérables de notre société et en particulier sur les Autochtones. Par exemple, 34 p. 100 des femmes emprisonnées sont autochtones, des données choquantes. Je ne parle pas de statistiques, mais de l'aspect humain, des coûts humains, des coûts sociaux et ainsi de suite.
Pourquoi dis-je cela, monsieur le président? Après notre réunion de mardi, la Commission de prononcé des sentences des États-Unis a publié son rapport. Nous n'avons jamais eu la possibilité de l'étudier ici parce qu'il n'a même pas été publié. Le New York Times, quoi qu'on en pense, a rédigé un article à ce sujet. Autrement dit, c'est un des documents et des rapports les plus probants qui soit depuis des années. Il contient énormément de faits pertinents à nos délibérations. Ce qui m'inquiète, monsieur le président, c'est que nous n'aurons jamais l'occasion d'en parler. Nous allons étudier le projet de loi avec des propositions de peines minimums obligatoires et nous ne pourrons pas incorporer par renvoi un des rapports les plus importants qui soit sorti d'un pays depuis des années sur cette question des peines minimums obligatoires, sans même parler de nos propres preuves, qui nous restent encore à étudier dans le contexte des amendements.
Ce que je dis, monsieur le président, c'est que c'est un autre impact transformateur. Je ne parle pas de cinq ou six plans de marijuana. Je n'en parlerai pas. Je parle de l'impact transformateur global de l'adoption de nouveaux minimums obligatoires et le renforcement des minimums obligatoires. Quel impact cela a-t-il par rapport aux principes de prononcé des sentences, de la réforme de la justice pénale, des effets sur les personnes vulnérables, de l'effet disporportionné sur les Autochtones? Et comment le rapport de la Commission de prononcé des peines américaine nous aide-t-il à cet égard à atteindre les objectifs de ce que le gouvernement cherche à obtenir?
Cela m'amène à mon dernier point c'est-à-dire la question de la voix des victimes. Je respecte les préoccupations du gouvernement au sujet du droit des victimes. Je pense qu'il est louable de vouloir protéger ces droits. Je crois que les témoignages que nous avons entendus des membres du gouvernement montrent l'importance d'entendre la voix des victimes.
Mais j'aimerais dire, monsieur le président, que lorsque je lis ce projet de loi, je n'y vois pas ce que j'aimerais y voir concernant la protection des victimes. Je n'y vois pas ce que j'aimerais y voir concernant la voix des victimes. En fait, monsieur le président, dans les 100 pages de ce projet de loi, je n'ai relevé que quelques dispositions qui améliorent les droits des victimes dans le système correctionnel et de libération conditionnelle.
Elles ont peut-être attiré mon attention, monsieur le président, du fait que ces dispositions, qui sont importantes et que je soutiens, sont en fait des dispositions que j'ai présentées à titre de ministre de la Justice en 2005. Je ne pense pas que je rejetterais des dispositions que j'ai présentées en 2005. Elles n'ont jamais été adoptées après mon départ.
Ce sont des dispositions importantes dans le système correctionnel et de la libération conditionnelle concernant les droits des victimes. Mais c'est presque la seule voix donnée aux victimes. C'est la première fois qu'une voix leur est donnée car, comme je l'ai dit, les victimes des actes de terrorisme ont maintenant droit à une recours au civil. Mais pour la plupart, nous n'avons pas suffisamment de protection dans ce projet de loi concernant les victimes.
Les dispositions visant à renforcer les peines des délinquants sexuels seront bien accueillies par la majorité des gens. Mais certaines des réformes de ce projet de loi renforceront les peines des délinquants à faible risque qui ont un faible taux de récidive. Cela ne va pas améliorer la sécurité des enfants. Elles vont coûter cinq fois plus que ce qui a été investi, par exemple, dans les centres d'appui aux enfants, qui aident les enfants victimes de violence.
Je renvoie à un récent article du National Post écrit par un des témoins, Steve Sullivan, qui indique que les projets de loi omnibus sur la criminalité ignorent les vraies victimes. Il n'a peut-être pas eu l'occasion de faire part de son témoignage. Je sais qu'il l'a envoyé à l'un des députés. J'en parle ici seulement en fonction des droits des victimes.
Monsieur le président, lorsque je regarde ce projet de loi dans son ensemble, et lorsque je regarde la procédure recommandée aujourd'hui concernant son étude, je veux inviter le gouvernement, les députés de l'autre côté, à revoir leur proposition. Revenons en arrière et comme nous allions le faire, travaillons de façon responsable et faisons une étude article par article.
Nous avions presque fini, monsieur le président, avec cet important texte de loi qui offre des recours civils aux victimes du terrorisme. Qu'ils aient adopté les amendements ou non que j'ai proposés, il vaut toujours la peine d'être adopté pour le principe transformateur et historique qu'il établit. Nous avions besoin de modifier la Loi sur l'immunité des États. Nous avions besoin d'éliminer l'immunité des États étrangers et des auteurs d'actes de terrorisme. Tout cela est important. Je pense que les amendements auraient apporté une amélioration, mais je pense que l'importance du projet de loi est évidente. Et nous étions prêts, en une seule séance, à étudier tous les amendements.
Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas accorder ce même temps d'étude aux autres projets de loi. C'est tout ce que je demande et je pense que c'est tout ce que nous demandons de ce côté-ci. Ayons une étude responsable adaptée et juste afin que les électeurs que nous représentons et la population canadienne en général, au nom de laquelle nous parlons, puissent faire entendre leur voix ici.
C'est notre rôle de parlementaire, monsieur le président. En fait, nous sommes les ombudsmans des électeurs que nous représentons, nous sommes les porte-parole de la population canadienne en général. Cela n'a rien à voir avec les partis, mais tout à voir avec notre mandat, nos responsabilités constitutionnelles en tant que représentants du public: notre responsabilité à l'égard de la surveillance des lois, notre responsabilité à l'égard de l'exercice du pouvoir de dépenser, notre responsabilité de donner une suite à certains des témoins et des témoignages d'experts que nous avons entendus, notre responsabilité d'entendre les fonctionnaires du ministère de la Justice qui siègent avec nous aujourd'hui, et notre responsabilité de donner aux électeurs de tous les partis que nous avons invités ici comme témoins pour formuler des recommandations, une voix dans l'étude de ce projet de loi.
Si j'aborde tous ces sujets, monsieur le président, c'est que si nous allons de l'avant et acceptons les délais qui nous ont été alloués à la Chambre et étudions tout cela en deux jours... C'est du passé. Si nous allons de l'avant maintenant et court-circuitons ce processus législatif, cela aura malheureusement comme effet — je ne veux pas y attribuer une intention — de fausser le processus parlementaire et de bafouer notre démocratie constitutionnelle. Et ce sera malheureusement un jour sombre pour la démocratie parlementaire et un jour sombre pour la démocratie constitutionnelle.
En conclusion, je dirais qu'en tant que québécois et après avoir écouté le ministre Fournier, non seulement il y a deux jours mais avant cela, si l'on prend tout ce projet de loi dans son ensemble, je crois... Je veux simplement expliquer pourquoi il a besoin de l'étude la plus approfondie qui soit.
[Français]
C'est parce que ce projet de loi entraînera une augmentation de la criminalité, un affaiblissement de la justice, un accroissement des coûts, une réduction des possibilités de réadaptation pour les délinquants ainsi qu'un amenuisement de la protection des victimes.
[Traduction]
Et il est très important d'étudier point par point ce projet de loi.
Finalement, monsieur le président, avec toute la bonne foi exprimée, avec toutes les bonnes intentions des députés en face, si nous adoptons ce projet de loi sous sa forme actuelle, si nous adoptons les neuf projets de loi sous leur forme actuelle, les préoccupations auxquelles nous pourrions répondre grâce aux amendements...
J'ai parlé de la commissaire à la protection de la vie privée pour son expertise concernant les questions de protection de la vie privée comme étude de cas et de la commission de prononcé des peines américaine comme autre étude de cas des sujets que nous devons aborder. Si nous ne corrigeons pas ce projet de loi, nous aurons exactement l'opposé de ce qui est recherché. Nous aurons davantage de criminalité et moins de justice, à un coût plus élevé, avec moins de réinsertion des délinquants et moins de protection des victimes. Ce n'est pas ce que nous voulons.
Je pense que nous pourrons donner à ce projet de loi, les neuf projets de loi, l'étude qu'ils méritent pour que nous puissions présenter les amendements nécessaires et la discussion nécessaire qui est justifiée pour améliorer le projet de loi, monsieur le président, pour tous les Canadiens que nous représentons ici aujourd'hui.
Merci monsieur le président.
:
Merci, monsieur le président.
On est en train de changer la forme de notre système judiciaire. On est en train d'y apporter un immense changement. D'ailleurs, les États-Unis ont déjà pris cette direction et nous ont dit que ce n'était pas la bonne direction à prendre. Donc, premièrement, je ne comprends pas pourquoi on est toujours en train de le faire sans considérer véritablement les façons d'améliorer ce projet de loi.
Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, nous sommes favorables à certaines parties du projet de loi parce qu'elles sont logiques. Nous avons déjà démontré notre appui à cet égard. Pourquoi ne pas les adopter rapidement? Toutefois, nous avons souligné de réels problèmes que d'autres parties soulèvent. C'est non seulement notre avis, mais aussi celui d'experts de partout au pays, des provinces, de l'Association du Barreau du Québec et de l'Association du Barreau canadien. Tous ont dit qu'il y avait des problèmes.
Pourquoi ne peut-on pas se dire, comme adultes et comme parlementaires, qu'on va prendre le temps qu'il faut pour évaluer ces parties du projet de loi qui sont problématiques et adopter rapidement celles auxquelles nous sommes favorables? C'est une proposition que nous avons formulée à la Chambre des communes, mais cela n'a même pas fait l'objet d'un vote, à cause des tactiques des conservateurs. Selon moi, c'est problématique.
Il faut se dire qu'avec un changement majeur de cette nature, on est en train de faire reculer plusieurs parties du droit, particulièrement en ce qui concerne la justice pour les jeunes au Québec. On n'est même pas en train de se donner le temps qu'il faut pour réévaluer la situation. C'est pour moi un gros problème.
Pour ce qui est des changements mineurs, on peut peut-être les examiner un peu plus rapidement. On ne va pas exagérer. Par contre, il faut se donner le temps d'étudier les changements importants proposés par ce projet de loi de 100 pages, et c'est compréhensible.
Je suis une nouvelle députée dans cette Chambre, mais je comprends qu'il n'est pas irréaliste de consacrer parfois deux mois à l'évaluation d'un projet de loi en comité. Nous avons neuf projets de loi devant nous qui auront des conséquences importantes pour la communauté canadienne. On dit qu'on va étudier ce projet de loi aujourd'hui et qu'aujourd'hui est la date limite. Pourquoi? On a quatre ans. Le gouvernement n'est plus en situation minoritaire, je comprends bien ça. Donc, pourquoi doit-on adopter ce projet de loi immédiatement?
Je ne comprends pas qu'on dise qu'il est nécessaire de faire ça maintenant parce qu'on n'a pas d'autre choix. On a d'autres choix. On a jusqu'au 16 décembre, avant la fin des travaux; on a l'hiver et le printemps de cette session; on a l'année prochaine.
Je ne veux pas dire que nous voulons prendre deux ans pour adopter ce projet de loi. Je demande tout simplement d'avoir le temps de l'étudier et de proposer des amendements. Tous les témoins ont dit qu'il n'était pas parfait. Il y a beaucoup d'améliorations à apporter à ce projet de loi et il faut le faire.
De donner jusqu'à 23 h 59 ne respecte pas notre droit, en tant qu'opposition, d'apporter des amendements. C'est l'une des seules choses que nous pouvons faire avec ce gouvernement majoritaire qui dicte tout le déroulement des travaux. C'est la seule chose que nous pouvons faire pour améliorer ce projet de loi, parce que c'est notre mission. Nous avons été élus pour ça. C'est 102 députés qui sont ici pour présenter des propositions et des amendements, et le gouvernement ne nous laisse pas le faire. Je m'excuse, mais ce n'est pas démocratique.
Personnellement, je me demande quel exemple on est en train de donner au Canada. Aujourd'hui, dans la salle, des étudiants m'accompagnent. Malheureusement, ils ont dû partir parce qu'on sera ici jusqu'à minuit. Toutefois, je veux montrer un bel exemple à ces futurs chefs de notre pays et à ces personnes qui veulent s'impliquer en politique. Je veux leur démontrer qu'on peut changer les choses.
Justement, quand je vais dans mon comté, les gens me disent qu'on m'a élue pour changer les choses et pour faire de la politique différemment, parce que cela ne fonctionne pas à Ottawa. C'est parce qu'ils ne pensaient pas que cela fonctionnait, avant le 2 mai. Pensez-vous honnêtement qu'ils croiront maintenant que notre Parlement fonctionne? Non, ils sont découragés.
On est en train de dire aux personnes de ne pas aller voter, parce que cela ne fonctionne même plus. On ne peut même pas proposer des amendements au sein d'un comité. C'est quoi, cette situation? C'est quoi, cette chose-là? C'est complètement illogique.
Ce projet de loi me touche personnellement, parce qu'il y a trois pénitenciers fédéraux dans mon comté. Environ 800 employés travaillent dans ces prisons. Je suis allée les rencontrer et visiter les prisons, et je sais comment c'est. C'est une chance qu'on n'ait pas encore d'occupation double dans les cellules. Or je peux vous dire qu'ils craignent l'occupation double, parce qu'elle rend le milieu de travail malsain et dangereux. On devrait d'abord évaluer cette situation. On a entendu le témoignage des représentants du Syndicat des agents correctionnels. Ils ont dit la même chose. Ils sont favorables à certains aspects du projet de loi, mais ils craignent que leur milieu de travail ne devienne plus dangereux.
En outre, il va falloir du temps pour qu'un certain ajustement se fasse. Bien sûr, on dit qu'il est possible de construire d'autres prisons, mais ce sera dans 10 ans. Entretemps, des personnes vont devoir composer avec des milieux de travail qui risquent d'être plus dangereux à cause de ce projet de loi qui fera incarcérer un plus grand nombre de gens.
Où sont les programmes, qu'en est-il de la possibilité que les gens puissent sortir de prison et s'intégrer de nouveau à la société? Ce projet de loi la leur enlève. On n'alloue pas de nouveaux fonds à ces programmes. Il n'y a rien. Les agents correctionnels m'ont dit que l'accès aux programmes n'était pas suffisant. On va emprisonner plus de personnes, mais pour ma part, je ne vois absolument rien dans ce projet de loi qui va faciliter l'accès à ces programmes. De plus, ceux qui sortent de prison, qui ont purgé leur peine et payé leur dette à la société, auront plus de difficulté à obtenir un pardon. En fait, il s'agit d'une suspension de casier judiciaire. Il faut considérer ces choses. On ne peut pas se dire que le projet de loi est parfait; il ne l'est pas. Certains aspects sont acceptables, mais nous devons prendre le temps d'étudier ceux qui ne le sont pas.
Mon collègue M. Cotler a abordé la question des nouveaux élus. Vous avez dit à plusieurs reprises que le comité s'était déjà penché sur ce projet de loi, et ainsi de suite, mais pour ma part, en tant que nouvelle élue, je n'ai jamais eu l'occasion d'exprimer mon opinion à ce sujet. Pour ce qui est des amendements, j'ai parlé à plusieurs reprises aux témoins. Quoi qu'il en soit, il faut donner la chance aux nouveaux députés de s'exprimer. Nous avons été élus pour faire part de points de vue nouveaux. Il faut qu'on ait l'occasion de proposer des amendements, sinon ça ne vaut pas la peine d'être élu.
Je crains de retourner dans mon comté et d'avoir à dire aux agents correctionnels que nous n'avons eu qu'une journée pour traiter des amendements, en l'occurrence une réunion qui se tient aujourd'hui, jeudi, point à la ligne. Je crains de décevoir les avocats au criminel qui sont venus nous dire qu'il faudrait maintenir le pouvoir judiciaire discrétionnaire. Je crains de retourner dans mon comté et d'avoir à dire que nous avons disposé de deux jours seulement pour soumettre des amendements et qu'on nous a donné jusqu'à 23 h 59 ce soir pour le faire. Je crains aussi de retourner dans ma province, le Québec, et, encore une fois, d'avoir à dire qu'on nous a donné comme heure limite 23 h 59 ce soir.
On a démontré que le Québec avait le plus bas taux de criminalité chez les jeunes, mais on est en train de dire à cette province de retourner en arrière. On lui dit qu'on ne va même pas considérer ses amendements. J'ai des craintes face à tous les gens du Québec. Je crains de retourner dans ma province et d'avoir à leur dire ça. En effet, je peux vous assurer qu'ils ne vont pas être très contents.
On est en train de retourner en arrière non seulement sur le plan de la démocratie, comme je le constate aujourd'hui, mais aussi sur le plan judiciaire. C'est ce que vous êtes en train de dire au Québec. Comme l'a dit M. Fournier quand il est venu témoigner, lorsqu'on recourt aux faits scientifiques, aux comptes rendus des experts et aux exemples, on voit bien que le système du Québec a fonctionné. Alors pourquoi sommes-nous allés à l'encontre de cela? Ce n'est absolument pas logique.
En ce qui a trait au pardon, des gens qui ont une famille, qui veulent réintégrer la société, retourner au travail, peut-être travailler à l'étranger, ne peuvent plus obtenir la suspension de leur casier judiciaire. Il n'y a plus de place pour eux dans la société. On est en train de les pousser à la criminalité. Selon moi, c'est complètement ridicule. On devrait mettre l'accent sur la réhabilitation et les programmes. On devrait aller vers les gens et prévenir la criminalité.
Dans mon comté, certains organismes, comme Uniatox, vont vers les jeunes qui risquent de sombrer dans la criminalité. Ils vont les voir, même s'ils ne reçoivent pas d'argent de la part du gouvernement fédéral. C'est de cette façon que l'on peut réellement rendre nos rues sécuritaires: c'est en travaillant à la prévention. Toutefois, ce projet de loi ne le fait pas. On devrait tenir compte de ces faits, mais malheureusement on n'en a pas le temps.
Je veux également souligner la notion de débat. Nous sommes élus à la Chambre des communes pour débattre de questions, pour en parler et travailler ensemble afin d'apporter des changements. Un débat, c'est un partage d'idées entres différents partis et différentes personnes. Cependant, chaque fois que l'on essaie de débattre, d'échanger des idées, comme les amendements qu'on veut proposer, vous rejetez complètement le débat. Vous l'interrompez si on ne dit pas ce que vous aimeriez entendre.
Ce n'est pas comme ça que se déroule un débat. On doit écouter. On doit être ouvert. Pour ma part, je ne vois aucune ouverture.
Notre rôle en tant qu'opposition est de donner notre avis sur ce que vous êtes en train de faire. Notre responsabilité est d'obliger le gouvernement à répondre de ses actes. Comment sommes-nous censés le faire quand chaque fois que nous essayons de nous lever, d'exprimer une idée, de débattre d'un projet de loi, le débat est interrompu? Comme députée élue à la Chambre, j'ai de la difficulté à comprendre ça, beaucoup de difficulté. C'est notre responsabilité en tant qu'opposition officielle d'agir ainsi.
Il faut également débattre des problèmes que va susciter ce projet de loi. J'ai déjà parlé de l'occupation double, mais il faut également penser à la santé mentale. Il faut comprendre que, selon les rapports présentés, il faut travailler sur cet aspect, particulièrement chez les femmes. De fait, environ 50 p. 100 des femmes dans le système carcéral éprouvent des problèmes de santé mentale. Comment va-t-on régler ces problèmes? Il faut en parler.
Or, le fait qu'on interrompt le débat nous empêche de jouer notre rôle de parlementaires. Je ne comprends pas pourquoi ça se produit. Nous avons un mandat de quatre ans à la Chambre. On le sait que ça durera quatre ans, car c'est un gouvernement majoritaire. Alors pourquoi avez-vous senti la nécessité d'interrompre le débat à 23 h 59? Je suis hors de moi. Je ne comprends vraiment pas la nécessité d'avoir présenté cette motion aujourd'hui.
Merci.
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Merci monsieur le président.
On nous a parlé ce matin des préoccupations soulevées par l'approche du gouvernement visant à limiter le débat et la discussion et à limiter le débat à cinq minutes sur chaque article du projet de loi.
Il est important que le public sache ce qu'est un article de projet de loi car si nous disons que nous n'avons que cinq minutes pour débattre d'un article, cela veut dire... Par exemple, l'article 39, qui traite des drogues et autres substances, contient toute une série de dispositions qui prévoient des punitions minimales en cas de trafic.
Le trafic semble un sujet grave et il l'est, si l'on parle du trafic de drogues à grande échelle. Le crime organisé se charge de cet aspect. Nous avons un grave problème dans ce pays, et dans d'autres pays avec des opérations du style mafieux et tout ce qui y est associé. Mais si l'on regarde ce projet de loi et que l'on cherche la définition de trafic, la définition du trafic n'est pas celle du crime organisé à grande échelle... La définition de trafic comprend des choses comme l'échange d'une cigarette de marijuana entre adolescents, qui se la passent l'un à l'autre ou en donnent une à un ami. Cela est considéré comme du trafic, cela correspond à la définition de trafic.
Si l'on commence à placer cela dans le contexte du nouveau projet de loi, qui prévoit des peines obligatoires minimums, qui n'ont jamais existé auparavant pour le trafic, une peine minimum obligatoire d'un an dans certains cas si:
« a commis l'infraction au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle au sens défini »
La définition comprend également deux ou trois personnes qui travaillent ensemble dans un but criminel, de sorte que n'importe quel dealer sera visé. Mais les personnes qui vont vraiment se faire prendre et qui recevront cette peine d'un an sont ceux qui se trouvent au plus bas de l'échelle du trafic, c'est-à-dire le commerce de la marijuana, car c'est celui qui reçoit le plus d'attention, mais ce n'est pas nécessairement le plus dangereux. Tout cela est regroupé dans le projet de loi car cela renvoie aux substances énoncées dans les annexe 1 ou annexe 2. L'annexe 2 a maintenant été incorporée à l'annexe 1 de sorte que toutes les drogues illégales sont considérées comme étant les mêmes à cette fin. Et le filet est encore élargi au point où les infractions les plus bénignes sont comprises avec les infractions les plus graves, les infractions les moins dangereuses avec les infractions et les substances les plus dangereuses et tout est considéré à égalité.
Les faits qui nous ont été donnés par des gens qui comprennent comment fonctionne ce commerce est que cela va bénéficier au crime organisé. Cela va bénéficier aux niveaux les plus élevés du crime organisé et on n'attrapera que le tout venant.
Passons ensuite à la deuxième partie sur la punition minimum de deux ans si l'infraction de trafic est commise à l'intérieur d'une école, sur le terrain d'une école ou près de ce terrain. Et ensuite le bouquet:
ou dans tout autre lieu public normalement fréquenté par des personnes de moins de 18 ans ou près d'un tel lieu.
Eh bien, qu'est-ce que cela veut dire? Les rues? Les places publiques? Les parcs? Les cimetières? Les monuments aux morts? Les plages? Nous parlons ici d'une peine minimum qui s'applique pratiquement partout.
Nous avons cinq minutes pour en discuter aujourd'hui, selon cette motion, sans avoir la possibilité de poser les questions suivantes: Comment ce libellé sera-t-il interprété par les tribunaux? Les tribunaux pourront-ils l'interpréter? Allons-nous causer toutes sortes de problèmes à notre système judiciaire, à nos juges et à nos procureurs qui vont avoir à travailler avec ce texte? Cela répond-il à aucun critère de certitude? Ou est-ce tellement vague que cela n'a plus de sens?
C'est le genre de discussion qui devrait avoir lieu à cette étape du débat. Nous avons ici des spécialistes qui pourraient sans doute nous dire quelles ont été les opinions juridiques préparées à ce sujet. Peuvent-ils le faire en cinq minutes? Je ne pense pas. C'est beaucoup trop complexe. On aurait à peine le temps de lire l'article.
Quand on entend article, on pense à une petite phrase mais en réalité, c'est toute une page et cela traite de questions très complexes. C'est très précis et technique, mais a d'énormes conséquences pour certaines personnes et pour le système judiciaire et peut entraîner, s'il est adopté, toutes sortes de contestations judiciaires, de causes et d'appels.
Il ne suffit pas de savoir si une loi est bonne ou mauvaise. La question est de savoir si elle est efficace. Fait-elle ce qu'elle est censée faire? Rendra-t-elle nos rues plus sûres? Va-t-elle dissuader les criminels de toute activité criminelle ou aura-t-elle des conséquences imprévues? Quels sont les dommages indirects d'un projet de loi de cette nature et quels seront les effets dans des circonstances différentes?
Nous avons eu des témoins qui avaient des connaissances sur l'utilisation des drogues dans notre pays. Je pense en particulier à la marijuana car c'est quelque chose qui reçoit beaucoup d'attention puisque certains en font pousser chez eux. Nous avons des dispositions ici qui en font une infraction grave si l'on interprète le trafic d'une certaine façon. Quelqu'un qui fait pousser quelques plans de marijuana dans son jardin ou ailleurs et les donne fait du trafic. Si l'on veut affirmer que c'est effectivement du trafic et que c'est une infraction et que la personne doit aller en prison pour un an, si c'est l'approche adoptée, il faut se demander si cela est raisonnable. Est-ce une façon de protéger la société? Et quelles seront les conséquences? Si cela devient plus difficile, on ouvre la porte à d'autres drogues que certains pourraient rechercher, qui sont plus faciles à cacher, plus difficile à détecter, plus dangereuses et plus incertaines, des drogues qui sont utilisées par des gens qui n'ont aucune idée de ce qu'elles contiennent?
Nous devons adopter une approche raisonnable à ce sujet. On ne peut pas dire simplement: « Voilà c'est du trafic et ce sont des drogues et par conséquent A plus B égale C et ces personnes sont des criminels qui devraient être jetés en prison ».
Nous avons tous ces gens qui sont d'avis, tout au moins d'un côté, qu'il faut être plus sévère à l'égard des criminels, mais nous avons de l'autre côté les experts qui affirment que les études, les statistiques et les expériences montrent que les politiques de sévérité ne sont pas efficaces, qu'elles sont une perte d'argent et qu'elles aggravent encore la criminalité.
Des experts nous disent que les peines plus longues, les prisons bondées et les traitements plus sévères des jeunes ne conduisent pas à des collectivités plus sûres, mais rendent la réinsertion plus difficile et conduisent à davantage de crimes et de victimes. Est-ce un débat qui devrait avoir lieu en cinq minutes? Je ne pense pas que les gens jugent cela responsable.
Je pense que les Canadiens s'attendent à ce que leurs législateurs réfléchissent davantage, débattent et étudient ces dispositions et essaient d'en arriver à une loi raisonnable qui protégera réellement le public plutôt que de porter des oeillères idéologiques et prétendre être sévères à l'égard de la criminalité et rendre nos rues plus sûres. Si ce n'est pas le résultat que nous obtiendrons, nous ne devrions pas adopter ce projet de loi. Ce n'est là qu'un article qui mérite plus de cinq minutes si nous voulons améliorer ce projet de loi — le rendre meilleur et plus raisonnable.
Cela m'amène à toute la question des peines minimales. Nous avons un système judiciaire au Canada qui n'est pas parfait et c'est pourquoi nous avons des cours d'appel. Nous nommons des juges et nous les payons très bien. Ils ont une formation juridique et ils sont responsable d'administrer la justice. On leur a donné la responsabilité d'instruire des causes et de prononcer des peines — de déterminer les peines appropriées dans des cas particuliers. Mais le gouvernement nous dit que tout cela est terminé dans de nombreux cas. On nous dit que quelles que soient les particularités du délinquant ou les circonstances du crime, ces juges très bien payés, intelligents et qui ont de l'expérience ne pourront pas prononcer la peine. C'est le Code criminel qui va le faire.
Ceux d'entre nous qui pratiquons la loi depuis longtemps connaissent de nombreux juges. Nous connaissons des juges qui font ce travail depuis longtemps dans les tribunaux. Franchement, ils estiment que ce type de peine minimum... ce n'est pas les insulter, dans le sens que... ils prennent leur rôle très au sérieux. Leur travail est d'appliquer la loi.
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Pour pouvoir discuter de ces facteurs de façon responsable pendant un débat article par article est impossible en cinq minutes. C'est ce que cette motion cherche à imposer au comité et elle ne permet pas une étude raisonnable de ces facteurs.
Nous avons des responsabilités ici et nous avons la possibilité de poursuivre un processus raisonnable. Nous étions censés nous réunir aujourd'hui pendant deux heures. Nous avons une réunion de deux heures prévue pour mardi prochain. Nous avons une réunion de deux heures prévue pour jeudi prochain. Nous avons une série d'amendements qui peuvent être étudiés raisonnablement et débattus d'une façon ou d'une autre.
Si nous étions jeudi prochain, si nous étions la semaine prochaine, que nous n'en soyons qu'à l'article 10 et qu'il devenait apparent qu'il serait impossible de terminer et que rien ne semblait fait pour progresser, si telles étaient les circonstances et que cette motion nous soit présentée pour essayer d'obtenir une période raisonnable pour étudier le projet de loi, alors, ce serait compréhensible. Je pense que les Canadiens comprendraient que l'on ne peut pas éterniser les choses et ne pas avoir une discussion de fond du projet de loi et que l'on ne peut pas retarder les choses indéfiniment.
Mais ce n'est pas ce dont nous parlons, monsieur le président, nous parlons d'une situation où nous avons passé deux heures lundi à discuter de quelque chose qui était présentée au Parlement pour la première fois de façon raisonnable et responsable et nous avons presque réussi.
Aujourd'hui, si nous avions utilisé notre première réunion pour parler des articles suivants, je suis assez sûr que nous n'aurions plus à débattre des articles 10 à 38 parce qu'ils auraient déjà été traités. Ils l'auraient été car il n'y a pas eu d'amendement concernant les infractions d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant ou il y aurait eu une motion avant que des amendements soient présentés pour étudier ces articles collectivement et je pense que cela aurait été accepté.
Bien entendu, les articles 32 à 34, pour une raison connue seulement des rédacteurs, ont fini par être insérés au milieu de cette partie sur les infractions d'ordre sexuel à l'égard des enfants, mais cela aurait été traité séparément. Je suppose que nous aurions dépassé cette disposition et que nous en serions probablement arrivés à la partie sur la Loi sur certaines drogues et substances et aurions pu parler des questions de fond ou de certaines dispositions dont je viens de parler, l'article 39 en étant le premier.
Il y a toute une série de références dans les amendements à la Loi sur certaines drogues et substances qui méritent une discussion et nous en serions là probablement ou nous aurions tout au moins bien avancé.
Nous aurions ensuite eu mardi prochain. Si à ce moment-là les choses avaient l'air de traîner en longueur, nous aurions pu accepter que ceux de l'autre côté nous demandent combien de temps nous allions accorder à l'étude de ces dispositions. Mais commencer aujourd'hui et nous placer tous dans cette situation où aujourd'hui est le seul jour possible de débat article par article et que nous n'allons pas procéder au débat ni à l'étude article par article à moins que la motion ne soit adoptée, c'est nous demander d'accepter de participer à un processus qui ne permet pas d'étudier correctement ce projet de loi. Voilà ce que vous nous demandez. Vous insistez pour qu'il en soit ainsi, sinon vous refusez l'étude article par article.
C'est du tout au rien que le gouvernement nous impose ici, c'est-à-dire que nous agissons comme vous le voulez ou nous ne faisons rien du tout. C'est la proposition qui se trouve dans la motion présentée au comité: « Soit nous agissons à votre façon en adoptant ce projet de loi aujourd'hui ou nous ne sommes pas prêts à étudier les amendements ». Nous n'allons pas étudier les amendements qui ont déjà été proposés, avant mardi... non pas les amendements proposés par la province de Québec, les amendements raisonnables à la Loi sur le système de justice criminelle pour les adolescents ni une étude des efforts du professeur Nick Bala, qui est venu faire valoir que certaines des dispositions auront des effets négatifs à long terme sur le système de justice pénal pour les jeunes au Canada. Nous n'allons pas les étudier, nous n'allons pas en parler.
Nous n'allons même pas parler des amendements du gouvernement, une poignée, que le gouvernement lui-même a proposé. Nous n'allons pas en parler. Nous n'allons parler d'aucun amendement à moins que le comité n'accepte une motion selon laquelle l'étude doit être terminée d'ici 23 h 59 ce soir. Si nous ne sommes pas d'accord, nous n'aurons aucune étude article par article. Voilà la situation.
Nous avons eu une proposition simple présentée par M. Goguen, dès l'ouverture de la séance, pour dire que l'étude article par article devra se terminer à 23 h 59 ce soir. À ce moment-là, toutes les motions seront censées avoir été proposées et le projet de loi sera soumis à la Chambre des communes demain. Et chaque parti n'aura que cinq minutes pour débattre d'un article. C'est ce dont nous débattons maintenant, à savoir si nous aurons cette étude article par article aujourd'hui seulement, à moins que la motion ne soit retirée... Si la motion était retirée, nous pourrions commencer l'étude article par article. Je suppose que l'on pourrait continuer. Ils pourraient utiliser leur majorité pour continuer, mais ils ne vont pas le faire.
On nous présente une motion qui impose une échéance et limite le débat. Les députés du gouvernement ne sont pas venus ici ce matin pour commencer l'étude article par article et nous laisser partir, puis à 10 h 45 présenter une motion pour continuer le débat et voir s'il y a suffisamment de gens disponibles, des gens qui n'ont pas d'autres engagements, pour travailler au projet de loi. Ce n'est pas ce qu'ils ont fait. Ils n'ont même pas attendu de voir les progrès que nous aurions pu faire ce matin. On nous a imposé cette motion à coup de marteau et ont dit: « Non, non, nous n'allons pas faire l'étude article par article à moins que la motion ne soit adoptée d'abord. Nous n'allons pas passer à l'article 8 à moins que la motion ne soit étudiée en premier et si elle n'est pas acceptée nous n'aurons pas l'étude article par article. »
Nous nous opposons à cette méthode, monsieur le président. Nous nous y opposons au nom de tous ceux qui nous ont élus pour faire notre travail au Parlement, à savoir étudier les projets de loi et leur donner l'attention qu'ils méritent.
On a entendu en Chambre — je ne sais pas si on l'a entendu ici aussi — que ces textes avaient déjà été étudiés. Certains l'ont été. Certains sont passés en comité. Certains ont été modifiés en comité au cours de la dernière législature.
Lorsque je regarde la rangée ici, de ce côté du comité, il y a au moins trois personnes qui ne faisaient pas partie de cette législature et qui n'ont pas participé.
Le fait est que les amendements ont été adoptés pour certains de ces projets de loi, les neuf textes, lorsqu'ils ont été étudiés en comité. Ce sont des amendements qui ne figurent pas dans les projets de loi que nous avons devant nous. Les arguments qui ont été proposés et acceptés par notre comité à la dernière législature doivent être de nouveau présentés et débattus. Mais le gouvernement nous dit: « Non, nous ne sommes pas prêts à accorder le temps nécessaire. Nous sommes seulement prêts à faire ce qui peut être fait aujourd'hui à raison de cinq minutes pour chaque article ».
Lorsqu'on présente un important texte de loi à Chambre des communes et que l'on a recours à la clôture à la Chambre, ou à l'attribution de temps, comme on l'appelle maintenant, on le fait parce que l'on veut que le comité en débatte suffisamment. Là, on dit au comité que quelle que soit la discussion, elle doit avoir lieu aujourd'hui, et seulement à raison de cinq minutes par article pour chaque parti. Voilà ce qui se passe aujourd'hui. Peu importe que nous ayons un gouvernement majoritaire. Une majorité, c'est reconnaître que le parti majoritaire peut —
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Merci monsieur le président.
Je remplace ici le professeur Irwin Cotler et bien que je sois assis à sa place, je ne prétend pas une minute pouvoir prendre sa place.
Merci de me permettre d'être ici aujourd'hui pour prendre la parole au sujet de cette motion. J'apporte 17 ans de pratique du droit à l'Île-du-Prince-Édouard. Le cabinet d'avocats où je travaillais, Stewart McKelvey, a travaillé à toutes les poursuites en matière de narcotiques pour la région du comté de Queens à l'Île-du-Prince-Édouard. Au début de ma carrière, j'ai traité de plusieurs affaires pénales et j'ai également de l'expérience dans la défense en matière pénale. Dans une petite collectivité, on prend généralement ce qui passe, jusqu'à ce que l'on acquiert une certaine expérience dans un autre domaine. C'est ce que j'apporte au débat.
Je crois comprendre que le débat d'aujourd'hui porte sur une question de procédure qui a été présentée par les députés du gouvernement pour limiter le temps accordé aux membres du comité pour étudier les articles de ce projet de loi volumineux. Je partage les préoccupations de mon collègue M. Harris et je crois savoir que M. Cotler en a également parlé.
Il me semble qu'un projet de loi aussi complexe que celui-ci, avec les ramifications qu'il aura sur notre société, sur les Autochtones et sur les coffres de nos gouvernements provinciaux — et je dirais même sur le tissu même de notre pays — ne devrait pas être bousculé.
Mon expérience d'avocat à l'Île-du-Prince-Édouard m'a appris que chaque fois qu'on analyse en détail un article de loi — si vous avez trois avocats, vous aurez quatre opinions. Dire que l'on peut rendre justice à un texte de loi ayant les conséquences qu'il aura sur notre société en cinq minutes n'est pas acceptable. Je rejoins donc M. Harris et M. Cotler dans leur opposition à cette motion.
Le mois dernier, j'ai eu l'occasion de rencontrer des représentants de l'association des avocats-conseils de la Couronne du Canada. Ils sont d'accord avec certaines parties du projet de loi, mais d'autres les préoccupent grandement. Ils m'ont dit qu'il semble y avoir beaucoup d'argent pour la police et les prisons mais entre les deux, on a un système qui est tendu jusqu'au point de rupture.
Si c'est actuellement l'état du système judiciaire au Canada et que nous présentons un texte de loi — il semble que l'on veuille accélérer l'adoption d'un texte qui imposera un fardeau encore plus lourd au système judiciaire entre la police et les prisons, et je dirais dans les prisons également. Il est absolument irresponsable de la part de législateurs comme nous de ne pas lui accorder l'attention qu'il mérite.
Concernant les préoccupations soulevées par les procureurs de notre pays, il me semble qu'il est préférable d'aller lentement mais sûrement. Nous le devons à nos électeurs et aux gens qui participent au système judiciaire.
Il s'agit d'un texte de loi extrêmement complexe et long. Il modifie neuf lois et comporte 150 articles. L'examen de chaque article isolément exige que l'on en discute et que l'on réfléchisse aux liens entre les différents articles. Cinq minutes n'y suffisent tout simplement pas.
On nous a dit au cours de ce débat que le taux de criminalité était en régression. Pourtant, face à cette baisse du taux de la criminalité, le gouvernement semble très pressé de faire adopter ce projet de loi de la sévérité. Si il y avait un moment où il fallait prendre son temps et poser toutes les questions nécessaires, comprendre toutes les nuances, examiner les liens entre chaque article et étudier l'impact de chacun sur nos communautés autochtones, sur le système judiciaire et sur les membres vulnérables de notre société, c'est bien maintenant. Il me semble que c'est le type de texte de loi qui devrait exiger le plus notre attention.
Il y a eu des débats considérables sur le projet de loi dans des législatures précédentes et des projets de loi antérieurs. C'est ce qu'invoque la majorité conservatrice pour imposer une limite de cinq minutes à chaque article. Eh bien, je suis un des nouveaux. Je suis la moitié de la classe libérale de 2011. Ceci m'intéresse. Mes électeurs s'y intéressent également, de même que mes collègues. Je veux participer pleinement. Je pense que j'y ai droit et je pense que l'on doit me laisser faire. Je vous parle dans la perspective d'un novice. Selon moi, c'est injuste. Ce n'est pas bien. Nous méritons tous mieux. Voilà un projet de loi complexe, long et qui aura des conséquences et nous lui devons toute notre attention. Je dirais respectueusement que vous devez aux nouveaux parlementaires comme moi cette courtoisie. Je dois ce respect à mes électeurs et à mes collègues. C'est pourquoi je suis ici. J'espère que les oeillères partisanes seront retirées suffisamment longtemps pour que chacun puisse le comprendre.
J'ai reçu des lettres ces derniers jours de collègues de l'Île-du-Prince-Édouard qui sont membres de l'Association du barreau canadien. Comme vous le savez, l'Association du barreau canadien s'inquiète beaucoup de ce projet de loi. Je pense qu'il y a bien des gens dans cette salle qui sont membres de l'Association du barreau canadien — qui représente plus de 37 000 avocats. Ce sont des gens qui travaillent tous les jours dans le domaine du droit.
Ils s'inquiètent du rythme imposé ici. Ils s'inquiètent beaucoup. Le document qui m'a été envoyé très récemment comprend 10 raisons de s'opposer au projet de loi C-10. Je sais que nous avons des membres du barreau dans cette salle des deux côtés de la table. je leur demande comment pouvez-vous faire face à vos collègues et dire que nous allons mettre fin à un débat à ce sujet?
Vos collègues, les gens avec qui vous travaillez, les gens que vous avez côtoyé dans les tribunaux ou dans la salle de conférence ou dans votre cabinet d'avocats ont des préoccupations qu'ils veulent exprimer. Pour se débarrasser de ce projet de loi... et bien, je pose la question: lorsque vous rentrerez dans vos circonscriptions, lorsque vous retournez à Fort McMurray et dans les autres régions où vous exercez votre profession, pouvez-vous regarder vos collègues en face et leur dire —
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Je vais continuer à vous exposer mes arguments.
Vous êtes en train de limiter le débat sur les amendements en fixant à 23 h 59 ce soir l'échéance du débat relatif à l'étude article par article. En limitant ce débat sur les amendements, on fait taire la voix de six chercheurs. François Chagnon, par exemple, dit dans un article sur la criminologie paru à l'automne 2001 que les peines minimales ne fonctionnent pas. Dans un article de M. Gardner, qui a d'ailleurs été écrit il y a un mois, on dit que nous ne tenons pas suffisamment de discussions et qu'il faudrait écouter les experts du domaine de la criminologie. C'est important. Si on limite le débat sur les amendements, comment pourra-t-on prétendre avoir tenu de bonnes discussions et avoir écouté ces experts? Pour moi, ça n'est pas du tout logique.
Tous ces chercheurs, notamment Marian et Katherine Rossiter, en arrivent à la même conclusion. J'ai en ma possession 30 articles. Ces personnes qui ont témoigné ne se feront jamais entendre parce qu'on ne peut pas intervenir plus de cinq minutes sur chacun des articles. Combien de temps nécessite la lecture d'un amendement? Je dirais, selon la longueur de l'amendement, que ça prend environ une minute. Voilà, on prend une minute simplement pour lire l'amendement. Ça permet peut-être ensuite à une personne de parler. Ce n'est pas un débat d'idées. En fait, ça ne nous permet même pas de présenter nos arguments. Tous ces chercheurs, sociologues et criminologues disent tous la même chose. Je vous invite à les lire si vous n'êtes pas convaincus. Or nous ne pouvons pas faire valoir leur opinion et présenter nos arguments parce que nous ne pouvons pas débattre plus de cinq minutes. Pour moi, ce n'est simplement pas assez; c'est ridicule. Je peux lire des amendements qui contiennent quatre dispositions et ça va me prendre cinq minutes. Je ne vois pas de débat ici. Même si vous voulez vous opposer à l'amendement, vous n'aurez pas non plus le temps de le faire. En ce sens, je ne vois pas comment on peut être productif.
Je trouve que les amendements sont une occasion d'exprimer l'opinion de ceux qui ont écrit ces articles et qui en sont tous venus à la même conclusion: les peines minimales ne fonctionnent pas, elles ne contribuent en aucune façon à diminuer le taux de récidive au Canada. Les États-Unis en ont fait l'expérience, et on voit par conséquent qu'on s'en va dans la mauvaise direction. En limitant les débats sur ces amendements, on ne peut pas entendre la voix de tous ceux qui sont venus livrer leur témoignage. Ils n'avaient que cinq minutes pour le faire et on n'avait pas non plus assez de temps pour entendre le débat.
On est ici en train de limiter le débat sur le plan intellectuel, didactique, professionnel et même personnel, dans le cadre de cette Chambre et de cette législature, en ce lieu qui est censé être riche en débats et offrir des solutions, des conclusions et même de l'espérance au peuple. Or on ne peut pas le faire parce qu'on est limité à cinq minutes et parce que, pour une raison ou une autre, tout doit être dit avant 23 h 59 ce soir.
Monsieur le président, j'aimerais bien connaître les plans de ce gouvernement. En effet, il y a sûrement quelque chose de prévu. Je n'ai pas la moindre idée de la raison pour laquelle on ne pourrait pas continuer cette discussion mardi ou jeudi prochain, ou encore la semaine suivante ou celle d'après. Il reste cinq semaines avant la fin de la session; on dispose donc de beaucoup de temps. On peut même recommencer l'année prochaine. Je ne comprends pas pourquoi on doit se limiter et faire en sorte que la voix de tous ces experts ayant étudié la question ne soit pas entendue.
Il faut admettre que nous n'avons pas le temps de faire ce genre de recherches. Nous représentons bien des gens et nous sommes débordés. Nous sommes 308, mais nous ne recueillons pas l'opinion de tout le monde. Avec ces amendements, ces personnes ont pu formulé leur opinion par rapport à ce gouvernement qui ne semble même pas lire ce genre d'articles parce qu'il veut limiter le débat relatif aux preuves.
Pour nous, il est complètement insensé de dire à cette population, à ces experts et à ces recherchistes qui ont étudié ces questions pendant 10 ans, qu'après autant d'années de dévouement on ne veut même pas prendre plus de cinq minutes pour écouter les amendements qu'ils ont à proposer. Je vous invite à lire ces articles, puisque nous pourrons les consulter toute la journée jusqu'à 23 h 59.
Vous comprendrez peut-être l'importance d'entendre ces voix. Si nous ne le faisons pas, nous ne prenons pas sérieusement nos responsabilités. Ce sont des Canadiens et des Américains qui ont étudié le système. Donc, on devrait commencer par entendre ces voix. Si ces personnes proposent des amendements, c'est parce que ce projet de loi comme tel leur cause des difficultés. Elles réalisent qu'il n'est pas parfait. Je vous encourage aussi à dire que ce n'est pas parfait. Il faut plus que cinq minutes pour débattre des amendements, sinon comment pourrions-nous en venir à une conclusion?
On n'a pas plus de cinq minutes pour en discuter. Des députés de trois partis siègent à ce comité. Disons qu'on prend une minute pour lire un amendement et que vous prenez une autre minute pour vous y opposer, alors le troisième parti a-t-il le temps de dire ce qu'il en pense? Je pense que non, et cela ne crée pas une ouverture.
C'est la question que je me pose. Est-ce qu'on se donne vraiment le temps d'étudier cela? Il y a cinq membres de ce côté-ci de la salle. Nous devrions tous avoir l'occasion de parler pendant plus d'une minute. En fait, une minute ne me donne pas suffisamment de temps pour m'exprimer, ni pour exprimer l'opinion de tous ceux qui connaissent la réalité. Il y a beaucoup de gens qui connaissent la réalité et qui sont contre ce projet de loi.
Encore une fois, je veux souligner que les députés du NPD ont, à plusieurs reprises, tenté de faire adopter certains aspects de ce projet de loi auxquels ils sont favorables, mais vous ne nous avez même pas donné la chance de soumettre notre motion à un vote à la Chambre des communes. Cela aurait été une façon de prolonger le temps consacré ici, en comité, à l'étude de chaque article. Certaines parties du projet de loi seraient déjà adoptées si on avait pu le scinder. Cependant, vous étiez complètement contre cette façon de faire.
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Merci, monsieur le président.
Concernant le rappel au Règlement, ce n'est pas un rappel au Règlement; je voulais simplement intervenir pour dire que la motion d'attribution de temps est maintenue, mais en y apportant une légère modification. Quant à sa proposition, le rappel au Règlement se résumait au fait que nous avions eu deux séances et demie ce matin.
Nous n'avons pas eu deux séances et demie ce matin. Nous sommes venus ici pour faire une étude article par article du projet de loi et cette étude article par article a été rendue impossible par le gouvernement. Il a dit: « Non, nous ne sommes pas prêts à faire une étude article par article de ce projet de loi aujourd'hui à moins d'imposer ces limites. Le comité ne va pas faire l'étude article par article, à moins que ce soit selon nos conditions ». Le comité ne peut pas faire une étude article par article du projet de loi. Il ne peut pas l'étudier comme il convient. Il doit procéder en un seul jour, dans les délais fixés pour chaque article, que ce soit cinq ou dix minutes. Voilà quelle était la motion.
Voilà pourquoi nous n'avons pas d'étude article par article aujourd'hui. Nous n'avons pas eu deux séances. Nous avons eu une séance qui a commencé à 8 h 45 et à dix heures moins le quart, une motion a été présentée pour poursuivre, pour ne pas suspendre la séance. Cela peut durer éternellement je suppose. Il n'y a rien de magique dans le délai de 23 h 59. Si le comité ne va pas suspendre ses travaux à une heure, à deux heures ou à minuit, 23 h 59 ne veut rien dire. Il n'y a rien qui dise que cette séance du comité doit se terminer à 23 h 59 ce soir, à moins que l'on accepte cette motion ou que cette motion soit adoptée d'une façon ou d'une autre.
Nous tenons une séance, et la séance jusqu'à présent porte sur le fait que le gouvernement veut interdire l'étude article par article du projet de loi à moins qu'il ne prenne les choses en main, à moins que tout soit terminé aujourd'hui.
Je sais que le gouvernement va en faire une interprétation partisane. Je m'attends à quelque chose comme: « L'opposition s'oppose à une étude article par article ». C'est faux. L'opposition veut une étude article par article. Nous sommes venus ici ce matin justement dans ce but, mais nous avons été accueilli à la place par une motion, dès le départ, qui dit que l'étude article par article doit se terminer à 23 h 30 ce soir et que c'est seulement à cette condition que nous pourrons commencer.
Donc nous ne pouvons pas entamer l'étude article par article. En fait, lorsqu'on commence à parler d'articles, le président juge notre intervention irrecevable. N'est-ce-pas, monsieur le président?
Il hoche la tête, j'avais raison. Lorsque je commence à parler d'un article et d'un problème concernant cet article et de l'impossibilité de l'étudier dans les délais impartis de cinq minutes...même dix minutes comme cela semble avoir été proposé. Cela n'empêche pas que nous sommes venus ici ce matin pour faire une étude article par article du projet de loi, ce que le gouvernement s'y refuse, à moins d'accepter ses tactiques intimidatrices.
Voilà la situation aujourd'hui. Il n'y aura une étude article par article du projet de loi que si c'est aujourd'hui ou jamais et si le projet de loi est renvoyé à la Chambre demain. Il y a neuf textes, dont certains n'ont jamais reçu l'attention que le comité aurait dû leur accorder. Voilà ce qui se passe aujourd'hui. Nous n'avons pas eu deux séances et demie. Je vous accorde que nous somme ici depuis 8 h 45. La raison pour laquelle nous sommes encore ici c'est que le gouvernement refuse un temps de débat acceptable pour l'étude article par article du projet de loi. Il refuse de le faire.
Nous sommes arrivés à 8 h 45. J'étais prêt à écouter l'amendement suivant. M. Cotler avait une proposition pour l'article 8. Il n'a pas pu arriver jusque-là. Pourquoi? Parce qu'avant que quiconque ait pu faire quoi que ce soit, un des députés du gouvernement, M. Goguen, a présenté une motion disant que nous devions terminer l'étude article par article avant 23 h 59 ce soir —sinon, ce sera terminé de toute façon —et nous imposant, mais aussi à tous les Canadiens, une limite de temps pour entendre ce que les gens ont à dire sur ce projet de loi, pour entendre ce que les fonctionnaires du ministère de la Justice ici présents ont à dire en réponse à nos questions, sur les motions que nous proposons, sur les amendements concernant ce que le gouvernement du Québec a qualifié à juste titre de graves préoccupations.
Il y a des amendements à mon nom pour faire suite aux suggestions du gouvernement du Québec. Ils nous ont envoyé une lettre à la suite de la séance du comité de mardi. Ceci ne doit pas être un travail précipité. De quoi s'agit-il exactement? Il s'agit de graves enjeux nationaux qui vont avoir d'importantes conséquences pour l'avenir du droit pénal au Canada et qui vont coûter des centaines de millions, voire des milliards de dollars aux provinces et aux territoires. Nous devons parler de ces conséquences.
Nous avons entendu des témoignages. Oui, nous avons entendu des témoins, et il y a un débat public. Mais il y a un débat public que le gouvernement veut museler. On nous dit qu'il faut passer à autre chose. Il a le contrôle. Il a le pouvoir. Il veut passer à autre chose car ce débat ne sert pas son intérêt. Il n'aime pas être critiqué par d'autres gouvernements pour son manque de consultations. Il sait que le procureur général du Québec —
Je me suis laissé distraire par quelqu'un qui me parlait. Excusez-moi, monsieur le président.
J'étais en plein vol quand j'ai constaté qu'il était deux heures moins dix et que j'avais manqué le repas.
Nous avons eu une petite pause pendant la période des questions, ce qui m'a permis de réfléchir à certains aspects importants de la question qui nous occupe, des aspects qui méritent d'être repris à mon avis.
Le président nous rappelle de temps en temps qu'il faut s'en tenir au sujet, et je ne manquerai de m'y efforcer. Le sujet, bien entendu, c'est la décision du gouvernement de surseoir à un débat raisonné et ordonné et à l'étude article par article, à moins que l'on ne commence par adopter la motion de clôture voulant que tout soit réglé dès aujourd'hui. Car il s'agit manifestement d'une motion de clôture, ou d'attribution du temps.
Ce n'est pas quelque chose d'inédit au Parlement. On y assiste de temps en temps et je suppose que c'est nécessaire parfois, lorsque les débats traînent en longueur et s'éternisent des journées durant sans que personne ne semble vouloir y mettre de sa part. Mais quand cela se produit à ce stade-ci du débat, les parlementaires s'insurgent, et à juste titre.
Je vous cite à titre d'exemple un extrait du Hansard du 27 novembre 2001:
Il est inacceptable que le gouvernement ait recours à la clôture et à l'attribution de temps. Cela envoie le mauvais message aux Canadiens. Cela dit aux Canadiens que le gouvernement a peur du débat, qu'il craint la discussion et qu'il a peur de devoir justifier publiquement les mesures qu'il a prises.
Eh bien sachez que je suis d'accord avec cette affirmation, monsieur le président. Je tiens d'ailleurs à ce que vous sachiez qui en est l'auteur. Non, ce n'est pas Stephen Harper, pas cette fois-ci. Il s'agit de Vic Toews, le ministre de la Sécurité publique, celui-là même qui s'en prend aux avocats qui font carrière en plaidoyant pour la défense. Je sais toutefois que sa remarque ne s'adressait pas à M. Jean. Il visait très concrètement le chef de l'opposition officielle.
Tels étaient les propos de Vic Toews en 2001, notre actuel ministre de la Sécurité publique. Ce n'est pas la seule fois qu'il a exprimé ses inquiétudes à l'égard du recours aux mesures de clôture. En effet, dès le lendemain, il affirmait —, et je vous préviens qu'il n'avait pas la langue dans sa poche —:
Monsieur le président, le premier ministre du Canada a usé du couperet hier et pris le Parlement à la gorge. L'heure était venue pour les membres du comité de se pencher sur le projet de loi C-36 et voilà que les députés de tous les partis se sont fait museler d'un seul coup; ils ne pouvaient plus exprimer les préoccupations des Canadiens. Or, si le projet de loi était de mise, pourquoi le premier ministre a-t-il commis l'erreur d'invoquer la clôture?
Cela rejoint mes propos de ce matin, monsieur le président, à savoir la possibilité pour les Canadiens de faire entendre leur voix aux députés, une fois que le comité a entendu les témoignages, et permettre que le débat ait lieu... si le projet de loi est une bonne chose, pourquoi ne pas pouvoir en débattre, pourquoi ne pas avoir cette discussion sous réserve de pouvoir justifier les mesures prises face au public?
M. Toews s'est livré à ces remarques quand il était dans l'opposition et je pense qu'il est bon de le rappeler aujourd'hui.
Une autre citation de l'époque serait celle de Stockwell Day, qui fut à son tour ministre de la Sécurité publique:
Un chroniqueur a écrit quelque chose d'intéressant aujourd'hui. Il disait qu'à son avis la décision d'invoquer la clôture pour un projet de loi revenait pour ainsi dire à signer l'arrêt de mort du Parlement. Or, le Parlement est là pour permettre aux représentants élus de débattre les enjeux et de tâcher d'enrichir la vie et, en l'occurrence, d'améliorer la sécurité des Canadiens. Le gouvernement fédéral libéral a trompé les Canadiens, disait-il.
Il suffit de remplacer « libéral » par « conservateur », monsieur le président, et nous avons là un message important à transmettre au gouvernement et aux Canadiens.
Il y aurait toute une série d'exemples de la sorte, monsieur le président. Il me semble que M. Jean a demandé une citation de Stephen Harper, le premier ministre. J'en ai une du mois de décembre 2002, qui dit à peu près ceci:
Nous assistons à la clôture aujourd'hui justement parce qu'il n'y a pas de date limite, il n'y a pas de plan. Au lieu d'avoir des dates limites, des plans et des objectifs, il nous faut absolument avancer car le gouvernement se sent de plus en plus confus par l'état des débats et il s'agit de passer à autre chose.
Le gouvernement semble assez confus du fait que la province du Québec est revenue se prononcer ici, comme elle a déjà fait la semaine dernière, déclarant que le gouvernement fédéral n'est pas prêt à coopérer, qu'il néglige de répondre à la requête du Québec qui voudrait pouvoir peser sur le sort de la Loi sur les jeunes contrevenants. Cette semaine encore, le Québec cherche à obtenir la coopération du gouvernement au chapitre de la sécurité publique, inutilement.
Telle est la situation. Le gouvernement a de quoi se sentir confus et c'est la seule justification que je vois pour expliquer cette motion de clôture. Pour lui, il s'agit de se mobiliser avant que les débats aboutissent à l'épuisement général. Deux petites heures d'étude du projet de loi, point final. Nous n'allons plus l'étudier article par article à moins que l'on s'en tienne aux conditions de la motion de clôture qui veulent qu'on se limite à en discuter aujourd'hui —, un projet de loi qui contient 207 articles dont seuls six ou sept ont été discutés.
Sachez que nous avons un emploi du temps, monsieur le président. Nous avons ici des députés investis d'importantes obligations, parfois acquises des mois à l'avance auprès de leurs électeurs pour leurs travaux au Parlement ou dans leurs divers rôles au sein des comités. Or, les voilà pris au dépourvu par cette motion de clôture qui leur tombe dessus sans la moindre considération pour leur horaire ou autres devoirs. En tant que parlementaires, nous ne savons que trop bien —même si le public canadien n'est pas nécessairement au courant, ce qui est par ailleurs tout à fait compréhensible— les contraintes qui sont les nôtres et à quel point notre emploi du temps est chargé.
Et néanmoins, voilà qu'on nous impose cette motion sans autre forme de procès et sans la moindre offre de coopération —et je dis bien sans la moindre. En effet, personne ne s'est donné la peine de me contacter, moi, ni qui que ce soit d'autre parmi les membres du comité pour nous demander de faire preuve d'un peu de bonne volonté et de nous efforcer de prévoir une adoption aussi rapide que possible. Mais non. À 8 h 45 ce matin, on nous flanque une motion, une véritable provocation, sans aucune forme de préavis. Nous avons eu des discussions depuis, mais pas avant le coup du maillet, pas avant que le bureau du premier ministre n'ait demandé à quelqu'un de venir apporter cette motion ici au comité pour couper court à nos travaux, le projet de loi, le débat, clôturer le tout aujourd'hui afin que le projet de loi puisse être déposé à la Chambre dès le lendemain. Le gouvernement en a assez. Il en a assez du débat sur ce projet de loi. Il en a assez de se voir descendre dans la presse. Peut-être réussira-t-il à limiter les dégâts en raccourcissant le débat.
Le gouvernement a de plus en plus mauvaise presse. Les Canadiens se plaignent, tout comme les membres des associations du barreau canadien, des experts, des professeurs en droit, voire des gens qui savent de quoi ils parlent. Ce sont eux que le gouvernement craint par dessus tout: les leaders d'opinion au sein de nos collectivités, nos universités, nos barreaux et nos gouvernements provinciaux, des gouvernements qui savent de première main ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Le gouvernement fait piètre figure à côté de cela car il suit un cheminement idéologique au lieu de s'en tenir aux faits.
De temps en temps les gouvernements affirment que les politiques publiques doivent s'appuyer sur des faits, des réalités éprouvées. Eh bien, en l'occurrence, c'est tout le contraire.
Des experts, des spécialistes, des gens chevronnés qui étudient ces domaines et publient des articles savants depuis de nombreuses années, — certains possédant des doctorats des meilleures universités du monde— sont ici pour nous dire ce qui peut marcher et ce qui ne peut ne pas marcher. Et voilà que le gouvernement se sent gêné, confus, parce tout cela va à l'encontre de ses projets. Ergo, mettons fin au débat.
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J'en conviens, monsieur le président, et peut-être que je devrais expliquer au membre le pourquoi de mes allusions au témoignage de gens intelligents et chevronnés qui font autorité dans leur domaine.
Ces allusions sont pertinentes parce qu'elles ont trait au genre de débat public que l'on interrompt avec cette motion. Ils veulent que tout soit fini aujourd'hui-même. Ils veulent se réveiller demain matin et se frotter les mains parce que le dossier est clos. Ils veulent pouvoir remercier leur bonne étoile parce que ces gens n'ont plus de voix, qu'ils ne seront pas reconnus dans les médias, qu'il n'y aura plus de nouvelles chroniques à leur sujet, car le débat est clos. Il est passé aux annales de l'histoire. « Hier c'était hier, aujourd'hui c'est aujourd'hui. Nous en sommes à l'étude article par article, nous avons avancé, et demain nous reviendrons à la Chambre pour l'étape de rapport ». Et il ne sera plus question des fâcheux petits détails du projet de loi qui, à en croire certains spécialistes, aura des conséquences dramatiques sur le plan du récidivisme et de la croissance de la criminalité, multipliant ainsi les victimes. C'est cela qu'ils veulent éviter. Ils veulent éviter la discussion.
C'est tout à fait pertinent. Je demande pardon au président si je ne suis pas en train de réussir à expliquer le pourquoi de mes allusions. Je n'essayais pas de faire de la récitation pure et simple. Je pense que ces gens ont été appelés à témoigner et ceux qui y ont su prêter l'oreille les ont entendus.
Le débat sur l'étude article par article consiste à déterminer le moment où il s'agira de présenter tel ou tel témoignage à l'encontre de tel ou tel article que les experts nous ont demandé de ne pas adopter ou simplement de modifier. Les témoignages feront donc partie du débat. Mais cette motion vient nous dire que nous ne sommes pas du tout prêts à parler du projet de loi, article par article, à moins que tout se passe aujourd'hui sans rien laisser pour demain, et que nous allons être clouées sur place toute la journée, jusqu'à minuit. C'est ainsi que l'on procédera, un point c'est tout.
Vous savez, nous n'avons même pas eu la moindre indication que le gouvernement soit prêt à accepter ne serait-ce que l'un de ces amendements. Le gouvernement prétend faire adopter les motions et limiter les choses à une seule journée. « Allez-y, présentez vos motions, nous voterons contre et tout sera fini à minuit et demain nous passerons à la Chambre — point final. Passons à autre chose. Nous avons gagné et vous avez perdu. » C'est ce dont le gouvernement voudra se targuer demain en plus de vouloir que l'on soit d'accord, qu'on n'y trouve rien à redire.
Ce ne sont pas les citations concernant la clôture qui manquent, et nous voilà repartis...
Il fut un temps, qui semble correspondre à l'époque où les Conservateurs formaient l'opposition, où vous aviez une attitude très différente à l'égard de la clôture des débats. Je cite Peter Mackay en 2004, l'actuel ministre de la Défense:
C'est le principe d'une motion de clôture qui nous mène à la conclusion qu'il est impossible d'appuyer les agissements du gouvernement. En moins d'une semaine civile, il a déjà invoqué une motion de clôture pour utiliser le couperet et interrompre les débats à la Chambre des communes sur un certain nombre de projets de loi.
Eh bien, monsieur le président, c'est arrivé à sept reprises, sept projets de loi ont eu droit à une motion de clôture depuis le 20 septembre.
M. Mackay d'ajouter:
Cette démarche n'est pas inusitée, mais la rapidité avec laquelle le gouvernement a entrepris ces clôtures ne laisse aucun doute sur la façon dont le premier ministre et son gouvernement entendent s'attaquer au soi-disant déficit démocratique qui existe dans notre pays et que le premier ministre a découvert dans une sorte de révélation.
Eh bien, s'il y avait un déficit démocratique à l'époque, ce que l'on constate aujourd'hui c'est carrément une récession ou dépression démocratique, ou quelque chose de bien plus grave qu'un déficit. Ce que l'on vit actuellement c'est un échec de la démocratie, lorsque neuf projets de loi peuvent être regroupés en un seul projet de loi à présenter à la Chambre des communes, et que l'on invoque la clôture à la deuxième lecture afin que le comité puisse en discuter à fond.
Une discussion à fond, c'est justement ce qui est censé avoir lieu en comité. Nous avons l'occasion semble-t-il en comité de procéder à des débats complets dans le cadre d'une étude de projet de loi, article par article. Or, on ne nous donne pas cette possibilité si cette motion est adoptée. On nous demande d'accepter une motion qui dit que tout sera fini d'ici minuit. On nous demande d'accepter qu'une journée de débat sera suffisante.
Monsieur le président, nous avons de nombreuses réserves à l'égard de cette loi et il ne faut pas qu'il s'agisse d'un échec de la démocratie, il faut au contraire que ce soit un débat complet.
Il n'est pas nécessaire de tout faire aujourd'hui. Est-ce que les gens finiront par comprendre? Il n'y a rien de magique au 17 novembre, pas plus qu'à 8 h 44 ce matin. Mais à 8 h 45, M. Goguen a subitement décidé que c'est ainsi qu'il voulait procéder. Tout d'un coup, le 17 novembre est devenu la date vedette de son calendrier et il tenait à ce qu'il en fût autant dans les calendriers de tous les membres du comité. Il espérait que nous serions tellement séduits par le 17 novembre que nous n'hésiterions pas à siéger de 8 h 45 à 23 h 59 pour adopter ce projet de loi. Tout cela alors que la séance d'aujourd'hui avait déjà été convoquée depuis un certain temps, une autre pour jeudi, et une troisième pour jeudi prochain, pour deux heures chaque fois.
Écoutez, on est raisonnable de notre côté. Si on avait eu un débat de deux heures en séance ordinaire aujourd'hui, si on avait fait des progrès, et si lundi on avait pu discuter ou avoir une téléconférence pour essayer de terminer jeudi, nous demander si on pouvait procéder ainsi et la sorte de collaboration qu'il nous fallait pour y arriver... si les choses s'étaient déroulées ainsi, je suis persuadé que les députés de notre côté auraient dit: « Oui, nous avons des arguments extrêmement importants à évoquer et nous tenons à les débattre en bonne et due forme ». Nous pourrions y réfléchir et échanger des idées, et nous ne manquerions pas de faire valoir notre empressement à l'endroit de la résolution des diverses questions.
Nous avons neuf projets de loi sur les bras et des gens raisonnables — je dis bien des gens raisonnables —peuvent trouver le moyen de veiller à ce que le processus parlementaire se poursuive, que le rôle du gouvernement soit reconnu, mais qu'il en soit tout autant pour le rôle de l'opposition lorsqu'on discute de questions en deuxième lecture. Voilà ce que nous aimerions. C'est ce qui s'appelle faire fonctionner le Parlement.
Si nous ne sommes pas ici pour faire fonctionner le Parlement...
On retourne peut-être à l'époque du gouvernement précédent, lorsqu'un parlement dysfonctionnel était à l'ordre du jour, lorsque les députés de l'opposition, conservateurs, ont rédigé des manuels sur l'art d'interrompre les travaux des comités. Une fois au pouvoir, ils ont mis leurs préceptes à l'oeuvre pour prouver que les comités étaient dysfonctionnels et se trouver une excuse pour avoir des élections, bravant les dispositions législatives en la matière. Je ne sais pas si les gens s'en souviennent. Je n'étais pas au Parlement à l'époque. J'étais à l'autre bout du pays dans un autre parlement, mais nous avons tous entendu parler de comment ils s'y prenaient pour que le Parlement ne puisse pas fonctionner.
Est-ce là ce qui se passe aujourd'hui? Ils se disent « Faisons fi du Parlement. Nous avons repris le pouvoir et cette fois-ci nous avons la majorité ». Au lieu de dire « Écoutez, on peut se détendre, on a la majorité, on a quatre ans, on a du travail à faire et on va le faire et on va suivre le processus parlementaire comme il faut, travailler avec les autres partis en tâchant de les persuader de la justesse de la cause, on ne va pas traîner indéfiniment, on a une marche à suivre et des positions à défendre et on de demande qu'à le faire, les défendre au Parlement en principe en deuxième lecture et ensuite en comité et lors de l'étude de chacun des articles, il n'est pas question de précipiter les choses en une seule journée... »
Comme je l'ai dit, lorsqu'ils étaient à l'opposition, et je crois qu'il importe de le rappeler... il faut faire attention aux propos que l'on tient lorsqu'on est dans l'opposition parce qu'un jour on pourrait former le gouvernement et ces propos reviendront nous hanter. L'actuel ministre de l'Immigration, Jason Kenney, a dit en 2002
Monsieur le président, je suis heureux de me lever pour m'opposer au projet de loi. Je déplore le fait que le projet de loi représente la 75e fois où le gouvernement impose l'attribution du temps de parole depuis 1993, abusant ainsi de ses immenses pouvoirs pour limiter et interrompre les débats plus que tout autre gouvernement dans l'histoire du Canada.
Je pense qu'il faut contester ces actes.
Parlement est dérivé du mot « parler » c'est-à-dire, échanger des propos. C'est au Parlement que les représentants du peuple s'occupent des enjeux dans l'intérêt commun. En interdisant pour la 75e fois les députés de prendre la parole au nom des électeurs sur de pressantes questions d'intérêt national, dont le projet de loi budgétaire, le gouvernement ne fait qu'afficher un nouvel exemple de sa croissante arrogance et de son croissant mépris à l'égard des conventions de la démocratie parlementaire.
Voilà qui est dit, monsieur le président, «— croissante arrogance et croissant mépris à l'égard des conventions de la démocratie parlementaire ». Quelles sont ces conventions? Elles comprennent la possibilité d'une étude détaillée d'un projet de loi article par article en comité. C'est la raison d'être des comités. Ce n'est pas la Chambre toute entière qui s'en occupe.
Cela semblait même presque rationnel. Bien sûr, il peut parfois être nécessaire de limiter les débats lorsque les textes de loi sont très compliqués à la Chambre et chaque intervenant n'a que 20 minutes pour faire son discours et 10 minutes pour les questions et commentaires, et le projet de loi est beaucoup trop long et compliqué, et il faut donc se limiter aux points saillants. Le gouvernement dit invoquer la clôture parce qu'il pense qu'un projet de loi doit passer au comité dès que possible pour un examen détaillé. Nous y sommes.
Il a fallu entendre des témoins et nous l'avons fait — un peu vite, certes, les gens n'ont pas tellement eu le temps de se prononcer —, mais nous avons accueilli bon nombre de témoins et voilà que nous devons passer à l'étude détaillée. Nous en sommes à l'étude article par article, et c'est là que les choses passent au concret lorsqu'on parle de législation.
Lorsqu'on dit qu'il s'agit d'assurer la sécurité des rues et des localités... c'est l'évidence même. Tout le monde y croit du côté du gouvernement aussi bien que de l'opposition. Il y a donc consensus là-dessus.
La pomme de la discorde fait son apparition lorsqu'on passe au concret, aux amendements à apporter à notre droit pénal, à notre Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, ou encore à la Loi sur l'immunité des États ou toutes les autres lois qui sont touchées par les neuf autres projets de loi regroupés sous le projet de loi qui nous occupe. C'est dans ce contexte qu'il faut respecter les conventions du processus démocratique.
Selon les propos de Jason Kenney en 2002, « interdire les députés d'intervenir au nom de leurs électeurs pour de graves questions d'intérêt national est encore un autre signe déplorable de l'arrogance et du mépris toujours croissants du gouvernement à l'égard des conventions de la démocratie parlementaire ».
Nous avions un manuel sur la manière de perturber les travaux des comités il y a quelques années. Il avait été créé par le parti qui est maintenant au pouvoir.
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Cela pourrait ralentir l'obstruction systématique, si c'est de cela qu'il s'agit.
Il ne s'agit pourtant pas d'une obstruction; mais d'une occasion, d'une tentative de passer à un débat sur ces articles.
L'argument de M. Jean est tout de même intéressant. Il se résume à dire que le gouvernement est prêt à passer ce qu'il nous reste de temps jusqu'à Noël à discuter s'il faut oui ou non clore le débat, mais qu'il n'est pas préparé à passer deux jours la semaine prochaine, à consacrer deux ou trois séances à une étude article par article.
En quel honneur? Est-ce que vous cherchez à intimider vos adversaires pour en finir avec le processus? Voulez-vous limiter les débats sur les articles? Eh bien c'est ce qui est en train d'arriver. Nous sommes venus ici ce matin prêts à aborder l'examen article par article, avec nos amendements tout prêts sous le bras comme il sied à un membre du comité et autres intervenants — sans parler des amendements que le gouvernement voudra apporter pour sa part — et au lieu d'entamer le processus, voilà que nous assistons à une motion du gouvernement qui revient à dire à toutes fins pratiques qu'il n'y aura pas de débat article par article à moins d'adopter une motion exigeant que le tout s'achève d'ici minuit.
Ce n'est pas raisonnable, voyons. Si vous avez le temps de venir siéger d'ici Noël, comme M. Jean semble suggérer, vous avez sûrement le temps de vous asseoir et de vous entendre sur une méthode ordonnée de procéder à l'étude article par article, au lieu d'insister mordicus sur cette tactique d'intimidation où vous nous dites que ce débat doit se dérouler en une seule journée, et que cette journée c'est aujourd'hui et qu'il faudra y passer la journée entière. Donc, à part le petit répit que nous avons pris pour la période de questions, nous y voilà pour de bon. Et si la motion est adoptée, nous resterons ici jusqu'à minuit, un point c'est tout.
Mais expliquez-moi donc quel serait le problème si on pouvait s'entendre pour faire une partie des travaux le mardi et les achever jeudi —, voire le mardi même? Pourquoi faut-il que les choses se fassent comme vous l'entendez ou pas du tout? Voilà ce à quoi nous avons été confrontés ce matin: soit on fait les choses à votre manière, soit pas du tout; les choses se passeront à votre manière ou nous serons toujours là à Noël.
C'est M. Jean qui parle d'être ici jusqu'à Noël. Cela me fait l'effet d'une menace ou d'un défi. D'une façon ou d'une autre, ce n'est pas particulièrement utile. À mon sens, une telle affirmation se contente d'insinuer que si les gens ont du temps, il n'en tient qu'à eux de décider à quoi le consacrer. C'est le seul choix: qu'allons-nous faire de ce temps? Le passerons-nous à discuter si le gouvernement a l'audace de tenter obstruer le débat, ou le consacrerons-nous à un véritable débat, sans que le Parlement ne soit pris à la gorge par le couperet, pour reprendre les propos de Vic Toews en 2001?
Est-ce là le climat dans lequel le gouvernement tient à légiférer? Est-ce là le climat qui convient à nos débats publics sur des enjeux aussi graves que la sécurité publique, la sûreté publique, la liberté des Canadiens, les peines de prison, leur durée, les circonstances dans lesquelles on peut être emprisonné et autres dispositions de la Loi sur le système correctionnel? Ce sont là des questions d'État importantes qui méritent notre considération, sans avoir le couperet tout prêt sur nos têtes, mais de manière raisonnable, de sorte que les politiciens professionnels élus pour travailler en faveur des Canadiens puissent siéger et se pencher sur ces enjeux.
Mais nous sommes muselés ici par un groupe de personnes qui cherchent à obstruer le débat, qui ne veulent pas que les Canadiens soient au courant des menus détails de la loi au-delà d'un échéancier choisi par eux à la dernière minute et sans le moindre préavis au public ni aux membres du comité — sans même avoir la déférence de passer un coup de fil pour nous dire « Nous voulons que cela fonctionne mais nous sommes à la merci des délais. Pouvez-vous être raisonnables? Êtes-vous prêts à vous occuper de cela en deux, trois ou quatre, ou cinq séances? » — ou peu importe le nombre de séances, mais « parlons-en—». Nous n'avons rien entendu de la sorte. Nous avons seulement eu droit à une motion, une motion où il ne s'agit pas de transiger ni de faire le Parlement fonctionner ou respecter les conventions de la démocratie parlementaire; une motion qui ne fait qu'afficher un véritable mépris à l'égard de ces conventions. Voilà le pourquoi du présent débat.
Nous sommes ici parce que le gouvernement ne veut pas se pencher sur la loi article par article à moins que ce soit dans les conditions de son choix, dont le contrôle du maillet pour veiller à ce que le débat ne s'étende pas au-delà d'aujourd'hui — sans qu'il n'y ait de raison à cela. On ne nous a pas donné la moindre raison, pas la moindre. Il n'y a rien pour nous expliquer la quelconque nécessité de cette motion en termes de politique publique, d'échéancier ou de quoi que ce soit.
Il n'y a pas la moindre raison, aucune justification — et on ne se donne même pas la peine d'essayer de justifier la démarche. On se contente de nous présenter la motion. La voici, c'est ainsi que nous tenons à faire les choses. Et c'est fait avec une arrogance telle qu'on ne croit même pas avoir à le justifier. On ne nous a pas soufflé mot des motifs pour lesquels ce projet de loi doit nécessairement être adopté aujourd'hui, ni pourquoi il ne serait pas convenable de nous contenter de deux heures de réunion ordinaire pour continuer par la suite — et pourquoi nous n'aurions pas pu poursuivre aujourd'hui — avec un débat ordonné, responsable et professionnel sur les autres aspects du projet de loi.
Bien entendu, si d'ici la fin de mardi la semaine prochaine nous étions toujours en train de débattre l'article 10 au lieu d'avoir déjà parcouru les trois quarts du projet de loi sans nous attarder sur le rythme auquel il s'agirait de procéder, et que quelqu'un nous demandait alors si nous serions d'accord pour conclure les travaux dès la fin de la séance de jeudi, nous pourrions raisonnablement nous entendre pour accepter une telle proposition, sous réserve d'avoir effectué des progrès et que le débat ait pu se dérouler en bonne et due forme.
En l'occurrence, quel est donc l'échéancier? Je n'ai jamais entendu parler d'un échéancier, sauf pour les 100 jours. Eh bien, il nous reste beaucoup de temps avant que les 100 jours ne s'écoulent; le Parlement n'a pas encore siégé aussi longtemps. Nous avons mis l'accélérateur pour cette législation. Monsieur le président, vous avez fait un excellent travail pour ce qui est de veiller à ce que les choses se poursuivent en temps voulu sans que nous ayons eu à brûler la chandelle ni à ajouter des réunions pour faire comparaître les témoins. Nous avons tout mis de notre part pour accepter la programmation des témoignages, nous avons fait preuve de bonne volonté et conclu des ententes, et les choses ont fonctionné. Nous n'avons pas entendu autant de témoignages que nous aurions souhaité, mais il est vrai qu'il y a toute une légion de personnes désireuses de témoigner. Nous nous sommes invariablement arrangés pour accueillir autant de témoins que possible dans un laps de temps jugé raisonnable.
Je ne sais pas pourquoi les choses ont changé. Est-ce que quelqu'un a fait quelque chose mardi pour les déplaire? Personnellement, je n'ai rien constaté d'inapproprié mardi. On ne nous a pas parlé d'un article complètement nouveau qui n'avait jamais encore été discuté... Nous avons eu un débat utile et intéressant sur des amendements qui ont fini par ne pas être adoptés. Certains auraient dû l'être et nous les avons appuyés. Le temps nous apprendra si les amendements proposés avaient ce qu'il fallait pour résoudre les problèmes avant qu'ils n'éclosent. Nous le saurons tôt ou tard si le projet de loi reste tel quel.
Nous aurions pu faire énormément de progrès d'ici la fin de notre réunion ordinaire aujourd'hui, et — qui sait? — si, dans le souci de nous laisser le temps de conclure nos travaux, quelqu'un avait proposé la tenue d'une deuxième réunion aujourd'hui, sous réserve de la disponibilité des membres, ou si on nous avait demandé si nous pouvions assister à une deuxième réunion le mardi de la semaine prochaine, sous prétexte que le gouvernement avait hâte de quitter la Chambre pour passer au Sénat...
Nous n'avons rien entendu de la sorte. Voilà le genre de démarche raisonnable qui aurait pu prévaloir... Et c'est ainsi que le Parlement doit fonctionner, à ce que je sache. Je ne suis pas le parlementaire le plus chevronné du monde. J'ai été élu une première fois en juillet 1987 alors j'étais ici pour la 33e législature, c'est-à-dire le gouvernement majoritaire de Brian Mulroney. J'étais là.
Je suppose que vous m'accuserez de nouveau de faire un peu vieux jeu, madame Findlay.
Mais j'étais ici à l'époque et dans un autre parlement pour cinq assemblées générales de la législature de Terre-Neuve-et-Labrador, alors disons que j'ai une certaine expérience parlementaire. De plus, je suis ici depuis octobre 2008. Si vous ajoutez le tout, je suis peut-être sur le point de conclure une vingtaine d'années de travaux parlementaires.
J'ai vu passer toutes sortes de gouvernements au fil du temps — la plupart majoritaires, du moins ceux que j'ai vécus de première main — et le mot d'ordre était à la coopération. Chaque gouvernement a son propre programme. Je comprends l'engrenage des gouvernements majoritaires. Je suis juste étonné de constater que celui-ci semble s'écarter du moule.
J'essaie de me remémorer un autre exemple de gouvernement majoritaire qui aurait jugé nécessaire de s'occuper de ce genre de législation de la sorte. Nous pouvons tous passer à l'hyperbole, comme le voudrait l'allusion de Vic Toews à un Parlement qui avait le couperet à la gorge, mais je crois que je préfère les propos de Jason Kenney au sujet de l'arrogance et du mépris dont ce gouvernement fait preuve à l'endroit des conventions de la démocratie parlementaire. Je crois que votre gouvernement devrait faire un peu attention.
Les gens veulent des parlementaires dignes de leur respect. Ils veulent savoir que leurs députés élus sont là pour faire fonctionner le Parlement et qu'ils ont une voix eux aussi... que l'on ai voté oui ou non pour ce gouvernement.
Quand je reçois des courriels et des lettres d'avocats des quatre coins du pays m'apprenant qu'ils s'inquiètent sérieusement des séquelles de ce projet de loi, j'ai le devoir et l'obligation de faire connaître leurs inquiétudes. Quand l'Association du barreau canadien vient déposer une analyse soigneusement réfléchie du projet de loi, relevant l'avis des procureurs aussi bien que des avocats de la défense — des personnes qui font affaire au droit pénal au quotidien, au Code criminel, à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, des représentants du système correctionnel — quand j'entends l'ombudsman du service correctionnel, Howard Sapers, parler de ses inquiétudes, quand j'entends les professeurs de droit qui ont étudié le système correctionnel pendant des lustres faire part de leurs préoccupations à l'égard des amendements proposés qui dérogent aux décisions de la Cour suprême du Canada en termes de meilleures pratiques et de mesures moins restrictives comme devant être l'étalon à utiliser dans le système correctionnel pour veiller à ce que les personnes incarcérées soient traitées conformément à la Charte des droits et libertés et à ce qu'il y ait séparation entre les pouvoirs de la cour de prononcer sentence et l'obligation d'un établissement pénal d'agir d'une certaine manière sans participer à la détermination de la peine de quelle que façon que ce soit, de se contenter d'assumer le rôle qui lui revient...
Lorsque des questions aussi graves sont avancées, je crois que les Canadiens s'attendent à ce que leurs parlementaires soient préparés à étudier les questions et à mener un débat attentif et intelligent — non pas indéfiniment, pas plus que sous forme d'un marathon imposé à des gens qui sont déjà pas mal occupés dans la vie et qui ont des obligations à l'égard de leurs électeurs et dans le cadre de leurs travaux parlementaires; ce n'est pas raisonnable. D'aucuns pensent que les Canadiens ne s'occupent pas de ce qui se passe entre ces quatre murs. Peut-être que dans le fond on espère que les Canadiens en font abstraction. Quant à moi, je crois que les Canadiens s'intéressent à tout cela et je crois qu'ils savent ce qui se passe. Ils savent voir et deviner l'arrogance, le mépris affiché à l'égard du processus parlementaire dès qu'ils ont vent de choses comme celles qui se passent aujourd'hui.
Quand on nous apprend qu'il y a neuf projets de loi à être soi-disant étudiés article par article et que la seule manière dont le gouvernement est prêt à s'en occuper c'est que l'on adopte une motion voulant que tout soit adjugé et vendu en une seule journée par des gens qui n'en ont même pas eu vent... Le mardi, je n'ai entendu personne dire « Au fait, apportez vos pyjamas le jeudi, parce que nous allons y passer la nuit. Apportez votre brosse à dents. Songez à apporter votre boîte à lunch, parce que nous commencerons à 8 h 45 et nous y resteront cloués jusqu'à minuit. » Personne n'a dit cela le mardi — non pas que l'idée m'aurait semblé meilleure le mardi, pas plus qu'aujourd'hui.
N'est-ce donc pas un attentat contre le bon sens, contre la courtoisie la plus élémentaire? « Est-ce ainsi que les parlementaires s'entendent entre eux? », se demandent les Canadiens. « Est-ce donc cela qui nous attend quand nous cherchons à être élus et que nous nous jetons dans l'arène en disant ‹ Je veux être parlementaire parce que c'est une vocation noble ›? » C'est une vocation noble que de représenter nos électeurs au Parlement, d'être en mesure d'exprimer leurs voix devant la nation. Et voilà qu'une fois arrivés là, on ne nous fait même pas l'honneur de nous dire qu'on veut accélérer un peu les choses et qu'on aimerait donc discuter avec nous des moyens d'y arriver. Non, nous n'y avons pas eu droit.
J'étais en train de dire avant que vous n'arriviez, madame Boivin, que quand on cherche à être élu au Parlement — je sais que vous l'avez raté alors je vais le répéter — on s'attend au moins à ce que... Il y a beaucoup de gens idéalistes qui songent à se présenter pour les élections au Parlement en se disant « Je vais faire partie de cette élite professionnelle qui travaille en faveur des Canadiens et s'efforce de leur rendre la vie meilleure. » Si on leur avait dit qu'ils pouvaient se présenter un matin à 8 h 45 dans l'idée de s'attaquer à l'étude d'un projet de loi article par article pour laquelle ils s'étaient préparés à l'avance et s'ils trouvaient que personne ne s'était même donné la peine de leur dire « Au fait, nous allons proposer une motion pour que vous restiez là jusqu'à minuit, et j'espère que vous avez apporté votre brosse à dents, parce que la journée promet d'être longue » tout cela sans préavis — il semble que les parlementaires n'aient même pas droit aux courtoisies les plus élémentaires de la vie — je crois qu'il auraient été vraiment révoltés.
Nous ne sommes pas sans ignorer les complexités du projet de loi, mais nous espérions tout de même pouvoir toucher un mot des motifs de notre opposition à certaines dispositions et apprendre en passant pourquoi elles ont l'appui du gouvernement. Au lieu de cela, on nous apprend que les choses ne se passeront pas ainsi.
C'est bien beau de dire que nous avons été ici assez longtemps pour avoir fait une partie du travail. Peut-être — et je dis cela parce que nous avons fait preuve de bonne volonté pour l'instant, et je ne vois pas pourquoi nous y aurions renoncé — si quelqu'un avait dit « Trouvons le moyen d'avoir une ou deux réunions supplémentaires » ou « Nous tenons à avoir un débat en bonne et due forme sur ce projet de loi, mais le temps nous tombe dessus et nous voudrions déposer la nouvelle version à la Chambre d'ici telle ou telle date », nous aurions été ouverts à en discuter pour faire les choses comme il faut. L'expérience m'a appris que la coopération est toujours possible. Et c'est justement ce à quoi je me serais attendu dans une démocratie parlementaire qui se respecte. Je ne comprends pas le pourquoi du débat d'aujourd'hui.
Je reprends en passant les propos de M. James Moore, un autre de vos collègues de la Chambre et ministre du Patrimoine, qui a dit en 2002:
Monsieur le président, c'est reparti. Il s'agit d'une question d'intérêt public très importante et très complexe, et le gouvernement fait preuve d'arrogance en invoquant encore une fois la clôture. L'arrogance du Parti libéral, c'est comme le Grand Canyon. C'est un phénomène naturel tellement gigantesque qu'il ébahit.
C'est très imagé, mais en l'occurrence moi je remplacerais « Parti libéral » par « Parti conservateur » et je vous inviterais à songer si vous n'avez pas fini par adopter vous-même l'approche que vous aviez critiquée quand vous étiez dans l'opposition.
Contempler le Grand Cayon c'est comme contempler le Parti libéral? Bon, voyons qu'est-ce que nous contemplons ici? Nous contemplons un gouvernement qui a invoqué la clôture après deux heures de débat dans le cadre d'une étude article par article, et non seulement pour dire que nous conclurons nos travaux d'ici jeudi prochain mais que nous allons les finir dès minuit aujourd'hui-même, alors que la réunion avait été convoquée pour une durée de deux heures. Nous n'allons pas seulement invoquer la clôture, vous devez obligatoirement siéger pendant 15 heures.
C'est bien cela?
C'est 15 heures et 15 minutes.
Quand vous vous présentez à 8 h 45 pour une réunion de deux heures et que vous finissez par y être pendant 15 heures et 15 minutes, sachez en passant que vous pouvez dire adieu à tous les autres projets que vous aviez pour la journée ou... « allez-y si vous voulez mais nous nous contenterons d'adopter le projet de loi en votre absence ».
Voilà le message que nous avons eu ici ce matin à 8 h 45 sans aucune autre forme de procès, sans la moindre discussion, la moindre consultation, la moindre sollicitude. On nous a cloués sur place ou, en reprenant les propos colorés mais plutôt violents du ministre de la Sécurité publique, on a mis le couperet à la gorge du Parlement. C'est à cela que nous avons eu droit ici ce matin à 8 h 45, et c'est pourquoi nous en parlons en ce moment-même. C'est de la provoque, un geste provocateur d'un gouvernement qui n'a même pas besoin de s'en donner la peine.
Ça suffit messieurs. Vous êtes la majorité. Vous savez que vous aurez la majorité pendant quatre ans.
Les débats raisonnés, voilà la raison d'être du Parlement. Si vous croyez en ce que vous affirmez, si vous croyez un tant soit peu aux dispositions que vous prenez, vous aimeriez sans doute avoir l'occasion de les expliquer et de les défendre une par une, ne serait-ce que pour répondre aux genres de critiques formulées par des experts qui ont témoigné devant nous.
Si le professeur Nick Bala venait à déconseiller un certain cheminement et qu'il expliquait pourquoi, ses détracteurs pourraient sûrement affirmer « Nous avons écouté les propos de M. Bala, avec ses 25 années d'expérience comme professeur de droit et comme expert en droit des enfants, des jeunes et de la famille, une personne dont les propos ont maintes fois été cités par la Cour suprême du Canada, nous avons entendu ce qu'il a dit, mais — »
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Voilà pourquoi je vais me pencher sur ce que la motion est en train de dire en réalité. Elle est essentiellement en train de dire que le débat sur l'étude article par article s'achèvera cette nuit. Si cette motion venait à être adoptée, le projet de loi proprement dit devra être adopté comme s'il avait été étudié article par article. Le gouvernement a pris cette décision du haut de sa sagesse. Monsieur le président, cela limite gravement le temps dont un intervenant peut disposer pour parler d'un article ou présenter des questions ou idées, voire des possibilités d'amendement.
Ce qui ne laisse pas d'être curieux, c'est que le gouvernement prétend qu'il faut la même quantité de temps, quel que soit l'article dont il s'agit. Je prétends quant à moi que certains articles pourraient être adoptés relativement vite. D'autres non.
J'aimerais citer un témoin qui a justement souligné cet aspect. Je crois que cela vaut la peine de lire ce que ce témoin a dit, monsieur le président. Il s'agit de Mme Kathy Vandergrift. Il est notoire qu'elle est la présidente du conseil d'administration de la Coalition canadienne pour les droits des enfants, et donc une partie prenante importante, si j'ose dire, monsieur le président. Vous trouverez sans doute que de nombreux intervenants, avant de faire leur présentation, ont sans doute l'occasion de consulter toutes sortes de personnes — d'autres intervenants, des personnes pas nécessairement expertes, des relations professionnelles et autres. Dans la présentation de Mme Vandergrift, il y a une partie que je tiens à reprendre ici:
Nous voudrions formuler les suggestions suivantes qui sont conformes à la Convention relative aux droits de l'enfant, que le Canada a ratifiée en 1991. Tout d'abord, nous tenons à exprimer notre appui à une meilleure protection des enfants de l'exploitation sexuelle telle que prévue dans la partie 2. Deuxièmement, nous proposons que vous supprimiez la partie 4 du projet de loi omnibus et que vous le laissiez tel quel en attendant que tous les députés soient parfaitement renseignés sur les manières dont ces changements respectent ou dérogent aux obligations du Canada en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant.
Il me semble, monsieur le président, que ce témoin est en train d'affirmer qu'il existe certains articles dans ce projet de loi qui méritent d'être adoptés. Mais si vous suivez sa recommandation sur la partie 4, vous constaterez que certains articles sont beaucoup plus controversés. Ainsi, pour peu que vous y réfléchissiez, l'application d'une seule règle aurait des répercussions sur ces deux types d'articles — d'où le besoin de procéder à un débat en bonne et due forme, un débat qui s'impose, d'après moi. Nous ne devons pas chercher à limiter le débat. Or, c'est ce que fait très précisément cette motion, monsieur le président. Elle limite le débat. Comparez-la donc, comme je l'ai déjà dit, à des motions qui n'exigent que très peu de débat.
Je dois donc vous manifester mon opposition, monsieur le président. Il faut toujours mettre les choses en perspective. Le projet de loi C-10 est un projet de loi unique en son genre. Le processus qui nous a mené à ce stade-ci a été extrêmement intéressant. Ce projet de loi a subi des modifications par le passé. Elles ont été amalgamées en un projet de loi, celui que nous avons devant nous en ce moment. Ce projet de loi contient plus d'une centaine d'articles. Si vous vous donnez la peine de l'examiner, vous vous apercevrez qu'il est extrêmement exhaustif et qu'il a une incidence sur de nombreuses autres lois. Je ne puis m'imaginer comment un tel projet de loi pourrait en fait être adopté par le comité en à peine quelques heures, si nous y allons vraiment article par article.
Notre système est fait de telle sorte qu'il nous laisse le loisir de croire à un climat de respect mutuel où nous nous efforçons d'atteindre des compromis.
On aurait pu, par exemple, dire à notre porte-parole que le comité allait continuer son étude article par article ce matin, qu'il aurait pu s'attendre à une rencontre de deux heures, qu'il y aurait beaucoup d'échanges et que le projet de loi serait finalement adopté, même sans un véritable préavis. En revanche, se faire dire qu'il faut renoncer à tout ce qu'on a fait ou à tout autre rendez-vous dans la journée parce que ce gouvernement a pris la décision de faire adopter ce projet de loi aujourd'hui... Il y a deux ou trois choses qui me viennent à l'esprit quand j'entends ce genre de choses, monsieur le président.
D'abord et avant tout, qui a donné cette instruction? D'où vient-elle? C'est la première question que je me pose. L'autre question concerne toute cette idée d'équité envers nos porte-parole. Il faut respecter le fait que les porte-parole, les députés et les ministres ont tous des engagements, des obligations. Très souvent — en fait, plus souvent qu'autrement — ces gens-là essaient de modifier leur programme pour répondre aux exigences des comités, parce que nous reconnaissons à quel point les séances de comité sont importantes, que nous reconnaissons l'importance de maintenir le dialogue dans toute la mesure du possible, un dialogue constructif, pour essayer de changer les choses.
Il aurait été ainsi avisé pour le gouvernement de nous signaler ses intentions au moment où nous sommes arrivés ici ce matin. J'estime que le gouvernement a fait une énorme erreur en ne se comportant pas ainsi. C'était un simple geste de courtoisie qu'il aurait pu faire et cela aurait permis au porte-parole libéral ou au porte-parole du NPD de pouvoir discuter au sein de leurs caucus respectifs pour voir si cela était faisable. Dans la négative, le gouvernement aurait dû alors permettre à ces porte-parole et aux députés appropriés ou éventuellement aux leaders en Chambre, de s'asseoir ensemble.
Les filibusters se produisent souvent parce que les ministres, les porte-parole, les leaders en Chambre et, dans une certaine mesure, les whips des partis ne parviennent pas à s'entendre. Comme je le disais, à l'instar de ma collègue du NPD, j'ai la chance d'avoir un bagage de député provincial, fonction que j'ai assumée pendant 18 ans. Malheureusement, j'ai toujours siégé dans l'opposition, mais j'ai tout de même acquis de l'expérience dans le fonctionnement d'une assemblée législative. J'ai eu l'occasion d'être leader en Chambre pendant plusieurs années. Je comprends pourquoi il est si important... Si vous voulez que le système soit efficace, efficient, qu'il fonctionne, vous devez négocier. Il faut qu'il y ait discussion. S'il n'y a pas de négociations, c'est l'échec garanti. On rentre dans le mur, même quand on est majoritaire au gouvernement, c'est l'échec assuré.
Je me rappelle quand un autre gouvernement majoritaire avait eu l'impression de pouvoir faire tout ce qu'il voulait, de pouvoir marcher sur l'opposition. Eh bien, en fin de compte, il n'est pas parvenu à faire adopter une série de projets de loi, monsieur le président, parce qu'il n'avait pas collaboré avec l'opposition pour faire en sorte que certaines choses se fassent.
Nous voilà maintenant dans un comité qui vient d'être saisi d'une motion. Je ne pense pas qu'aucun député conservateur ayant participé à la séance d'aujourd'hui jusqu'ici ait eu quoi que ce soit à faire avec cette idée de motion. J'irai jusqu'à dire, monsieur le président, que cette motion émane soit du ministre, soit même du Cabinet du Premier ministre.
Cette motion est due, je crois, à cette nouvelle conviction du gouvernement qu'il est majoritaire et que l'opposition ferait mieux de respecter cette réalité, sans quoi, il est en droit de s'en foutre et de faire tout ce qu'il veut.
Les conservateurs ont décidé de faire passer le projet de loi le plus rapidement possible dans le système sans respecter les besoins ni les désirs des députés de l'opposition. Ils estiment plutôt avoir le mandat de faire ce qu'ils sont en train de faire, monsieur le président.
Il est possible qu'ils soient en partie animés d'un ressentiment refoulé envers les partis de l'opposition pour toutes les années passées en situation minoritaire. Si le Cabinet du Premier ministre pouvait envisager sérieusement les conséquences de ce qu'il demande aux députés membres de ce comité... Quant à moi, c'était une mauvaise idée. S'ils avaient fait un geste de bonne foi, de bonne volonté, pour collaborer avec les porte-parole de l'opposition, nous n'en serions pas là où nous en sommes actuellement, monsieur le président.
Au bout du compte, je juge important de faire ce que nous faisons. Parce que, vous voyez, monsieur le président, si nous ne faisons pas des choses de cette nature et que vous permettez au gouvernement, que ce soit à ce comité ou à la Chambre, d'écraser les députés de l'opposition, et de bafouer leurs droits de s'exprimer librement et de traiter des enjeux, les choses vont empirer. Voilà pourquoi... nous y sommes, il n'y a même pas six mois, sept mois que ce gouvernement a accédé à la majorité et regardez tout ce qu'il a fait jusqu'ici. Si l'opposition ne lui dit pas d'arrêter, voyez ce que le gouvernement essaie de faire, et si nous ne disons pas que ça suffit, si nous ne prenons pas position, le gouvernement continuera de bafouer nos droits. Voilà comment je vois les choses.
J'estime que tout ce problème est dû au fait que le gouvernement a adopté cette nouvelle mentalité selon laquelle il a la majorité et qu'il s'en fout pas mal de ce que l'opposition a à dire au sujet d'un projet de loi ou du budget, qu'il a le droit de faire passer des motions de ce genre. De plus, il est majoritaire à tous les comités, alors il peut demander à ses députés de proposer des motions comme celle-là qui limite le temps de parole à l'étape de l'étude article par article.
C'est délicat, monsieur le président. J'étais en chambre quand ma collègue du NPD a parlé du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. Vous souvenez-vous du projet de loi C-10 en deuxième lecture? Il avait également été proposé de limiter le temps d'intervention à ce sujet. Eh bien, je ne suis pas prophète, mais je me doute que le gouvernement va sûrement essayer d'imposer de nouveau une limite de temps sur l'étude de ce texte quand il se retrouvera en chambre, monsieur le président.
Pourquoi? Eh bien parce qu'il estime être en mesure de pouvoir le faire. Il est majoritaire. Il ne se soucie pas du reste. Un autre bon exemple, monsieur le président, est celui de la motion qui a été déposée l'autre jour en chambre par laquelle le gouvernement a voulu ajourner le débat et nous contraindre à voter, et même pas un membre de l'opposition n'a été autorisé à prendre la parole au sujet de la motion. C'est essentiellement ce qui est en train de se produire ici.
Il est question de la capacité des députés d'appliquer un processus équitable leur permettant de poser les questions qu'ils veulent poser et les autorisant à déposer les amendements qu'ils jugent nécessaires, monsieur le président. J'estime que le gouvernement ferait bien mieux de reconnaître qu'il doit retirer sa motion dans l'espoir qu'on puisse passer à l'étude article par article.
C'est la meilleure chose que le gouvernement pourrait faire aujourd'hui. S'il retirait immédiatement sa motion, nous reprendrions le débat sur l'étude article par article et, si nous devions nous retrouver ici mardi et jeudi... Je ne pense pas que qui que ce soit ici ait l'intention de retenir ce projet de loi après jeudi. Je ne le crois pas. Je n'en suis pas certain à 100 p. 100, mais au moins permettons l'étude article par article sans restrictions.
Ce faisant, en ce qui concerne les articles très importants, l'opposition aurait la possibilité de faire les modifications qu'elle juge nécessaires et elle aurait la possibilité d'en débattre.
Monsieur le président, comme j'ai l'impression que j'aurai l'occasion de reprendre la parole, je vais m'arrêter ici pour écouter ce que les autres ont à dire. Il faut que je change de salle, mais je vais tout de même écouter pour être en mesure de contribuer plus tard si le débat devait se poursuivre au sujet de cette motion.
Je recommande que nous n'adoptions pas cette motion. Je compte sur les autres membres du comité pour faire en sorte que cette motion ne soit pas adoptée. J'espère que nous allons poursuivre le débat sur la motion en soirée et, idéalement, que le gouvernement se montrera assez sage et qu'il retirera la motion pour que nous puissions discuter du projet de loi et passer à des échanges de questions et de réponses à l'étape de l'analyse article par article. Le gouvernement ne doit pas craindre que ce projet de loi ne soit pas adopté parce que c'est ce qui va se passer quand le moment viendra, monsieur le président. Il faut espérer que les esprits vont se calmer.
Je poursuivrai mon intervention un peu plus tard ce soir. Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
J'avais commencé à parler un peu de cela ce matin. Depuis, beaucoup de choses se sont produites. J'ai dû m'éclipser, je m'en excuse. J'ai donc dû manquer les propos fort intéressants de mes collègues dans cette salle, car je devais participer à la réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
Depuis mon élection le 2 mai dernier, le gouvernement dit régulièrement, à la Chambre, qu'on a élu un gouvernement fort, majoritaire et stable. Pourtant, je n'ai jamais vu un gouvernement agir à ce point comme s'il était faible et à la veille de tomber. On a une loi qui impose la tenue d'élections tous les quatre ans. Il n'y a donc pas de danger immédiat pour le gouvernement. Pourtant, il agit comme s'il était terrorisé à l'idée d'entendre les arguments de la partie adverse parce qu'ils ne sont pas semblables aux siens.
Ce matin, alors que j'assistais à la réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, j'écoutais des membres de l'Association canadienne des chefs de police venus s'exprimer sur l'abolition du Registre canadien des armes à feu. Ils disaient clairement aux parlementaires en général, et au gouvernement en particulier, qu'on ne peut pas, d'une part, les écouter lorsqu'ils comparaissent devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne et, d'autre part, ne plus les écouter quand ils arrivent au Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Ils ont le sentiment que ce qu'ils disent à un endroit est vrai pour le gouvernement, et que ce qu'ils disent ailleurs n'a subitement plus de sens aux yeux et aux oreilles de ce même gouvernement.
On a entendu tellement de choses, tellement de témoins, mais je reste encore sur ma faim. Même si le processus qui avait été imposé par les collègues conservateurs a limité le nombre de témoins ainsi que la durée des audiences, j'étais quand même un peu optimiste mardi quand j'ai vu la façon dont le comité, y compris les conservateurs, faisait un travail extrêmement sérieux, soit l'étude article par article. Je me sentais aussi confiante puisque des spécialistes du ministère de la Justice étaient venus nous aider lors de l'étude article par article, au cas où nous aurions des questions d'ordre technique ou autres.
On le dit souvent, mais je ne suis pas certaine que mes collègues conservateurs le comprennent bien: il s'agit tout de même de neuf projets loi qui sont inclus dans un seul projet de loi omnibus. Chacun de ces projets de loi constitue un domaine de spécialisation. Je ne connais pas beaucoup de gens qui font du droit relatif aux jeunes délinquants et qui sont aussi des spécialistes en matière de droit relatif au terrorisme international, par exemple. Ce sont des spécialisations différentes qui ont chacune une grande portée. Les juristes autour de la table — il y en a dans tous les partis — savent combien un mot, ou parfois une mauvaise traduction, peut tout changer.
D'ailleurs, le ministre de la Justice du Québec a présenté, le 15 novembre, une lettre adressée au président de notre comité pour bien faire valoir trois amendements. Ces derniers n'avaient rien de dramatique. En effet, le parti du gouvernement et les partis de l'opposition ne s'entendent peut-être pas sur le concept de protection durable du public, mais il aurait valu la peine d'avoir ce débat lors de l'étude, article par article, de ce projet de loi omnibus. Par exemple, on voulait remplacer le verbe « encourager » par le verbe « favoriser ». Il est parfois intéressant d'avoir le temps d'utiliser les compétences de nos spécialistes qui étaient ici, et qui doivent nous écouter avec grand intérêt et une grande passion.
J'étais donc raisonnablement optimiste, mardi dernier, même si j'étais restée sur ma faim en ce qui a trait aux témoins et au temps dont j'avais pu disposer pour les interroger et parfois même les forcer à aller au bout de leur façon de voir les choses, et ce, peu importe leur position. En effet, notre but ultime à tous devrait être d'avoir le meilleur projet de loi possible. Quand le comité va en faire rapport et le renvoyer à la Chambre pour sa prochaine lecture, ça devrait aller au-delà de simplement dire qu'on est, par exemple, sept conservateurs et que c'est au nom de ces sept qu'on accepte, adopte ou rejette les amendements ou les articles.
J'ai l'impression que c'est de la pure mathématique plate et bête. Pourtant, il s'agit d'un projet de loi tellement fondamental, qui touche à tellement de champs de spécialisation, qui aura des conséquences directes sur la vie de tous les Canadiens, que ce soit sur le plan du système judiciaire, sur le plan diplomatique, sur le plan des jeunes contrevenants ou même sur le plan des relations politiques entre la nation québécoise et le Parlement fédéral, par exemple.
Avant de revenir ici, j'étais en train de participer à une émission. J'écoutais des représentants de l'opposition au Québec parler d'urgence, compte tenu de la décision forcée vers laquelle se dirige notre comité, c'est-à-dire l'accélération du processus d'étude du projet de loi article par article. Pourtant, le 15 novembre, on recevait une lettre du ministre de la Justice. Il me semble que la décence, si on parle de fédéralisme d'ouverture — et j'ai toujours entendu le premier ministre parler d'un fédéralisme d'ouverture —, aurait été au moins de porter attention à ces propositions. On aurait pu s'attarder, par exemple, à l'amendement sur les jeunes contrevenants, car il vise à s'assurer qu'on pourra se servir de son jugement avant de commencer à publier des noms de jeunes contrevenants. Ce ne sont que des exemples, mais tout cela fait partie du processus. On est en train de créer quelque chose d'inutile puisque les membres du comité faisaient un travail sérieux.
Mis à part la promesse conservatrice lors de la campagne électorale, aucune limite de temps n'était prévue pour ce comité. Au début de nos travaux, personne n'a dit que le comité devait avoir terminé l'étude article par article avant une date précise.
Par contre, cela avait été annoncé au Comité permanent de la sécurité publique et nationale dans le cas du Registre canadien des armes à feu. On avait annoncé qu'il y avait une date butoir, on a fixé le nombre de témoins et on savait quand on commençait l'étude article par article. Cela permet aux parties en présence, aux parlementaires qui veulent faire un travail sérieux, de pouvoir se préparer en conséquence.
Ici, la décision est arrivée par surprise, de façon brutale ce matin alors qu'on s'apprêtait à continuer un travail sérieux, à moins que cette décision n'ait été dictée ailleurs qu'ici. Cependant, si les collègues sont honnêtes pour deux secondes, ils vont admettre comme moi qu'un travail sérieux avait quand même été fait.
Bien sûr, il y avait les articles sur le terrorisme, la loi qui touche différents volets relativement au terrorisme et aux victimes d'actes terroristes. On avait en M. Cotler quelqu'un qui se penche sur cette question depuis longtemps et qui tentait de faire profiter le comité de sa grande expertise sur la question pour rendre le projet de loi encore meilleur, en faisant preuve de plus de prudence afin d'éviter les contestations.
Chers collègues, vous qui écoutez avec attention ce discours, sachez que j'ai eu une pratique en droit du travail surtout orientée vers la négociation de conventions collectives. Je disais toujours aux gens que mon rêve, pour chacun des dossiers, était de m'assurer que mes clients, que ce soit la partie patronale que j'ai représentée plus souvent ou la partie syndicale, auraient besoin de moi le moins souvent possible, une fois mon travail terminé. Pourquoi? C'est parce que cela voudrait dire que nous avions fait notre travail de créateurs et concepteurs de clauses de conventions collectives. Si nous faisions notre travail correctement, en atteignant les buts fixés et en écrivant le tout dans un langage compréhensible, nous courrions moins de risques de devoir nous présenter devant les tribunaux à cause de griefs, etc.
C'est le même concept, ici. Nous finissons par digérer notre frustration d'opposition officielle qui passe si peu de temps à questionner les témoins. J'avoue que c'est ce qui me manque le plus dans cet exercice. En effet, on nous a imposé des limites et nous avons entendu des témoins se faire couper la parole en plein milieu d'une phrase, car la période de cinq minutes était écoulée. Cela ne permet pas de rechercher la vérité, la réalité, et de les interroger de façon à faire ressortir leurs contradictions ou leurs convictions.
Ce projet de loi comprend beaucoup d'aspects techniques et de termes qui ne sont pas nécessairement familiers à la grande majorité des gens autour de la table, car ce n'est pas un langage qu'ils sont habitués d'utiliser.
Je pense qu'en toute décence, quand on se lèvera à la Chambre pour voter pour ou contre le projet de loi à l'étape finale, il faudra sentir qu'on fait cet exercice en toute connaissance de cause. Pour ma part, je suis entrée avec cet objectif. Je vais voter en sachant pertinemment ce que je fais. Je suis à l'aise de voter comme je vais le faire. Toutefois, je ne peux pas confirmer aux gens de Gatineau, qui m'ont élue à 62 p. 100, que le comité pourra, avec cet exercice, affirmer qu'il vote en toute connaissance de cause ou qu'il est persuadé d'offrir à la population canadienne un projet de loi qui règle des problèmes. J'ai plutôt l'impression qu'avec cette façon de nous empêcher d'entendre ce que les parties avaient peut-être à dire, on va offrir à la population un projet de loi qui va causer encore plus de problèmes, en escamotant ainsi la démocratie.
Je trouve que c'est une drôle de coïncidence. C'est même un peu spécial de constater que le ministre de la Justice du Québec écrit au président de notre comité le 15 novembre et que, le 17 novembre au matin, on se fait passer une motion pour s'assurer qu'on termine l'analyse, et ce, en sachant fort bien que nous étions rendus à l'article 6 ou 7 et qu'en suivant l'ordre, on avait de bonnes chances de ne pas se rendre aux questions face auxquelles le gouvernement n'est peut-être pas à l'aise.
Comme je l'ai entendu lorsque j'étais en entrevue, voici le message reçu par Québec: bien qu'on ait fait venir le ministre ici pour s'adresser à notre comité, il n'a pas eu le temps nécessaire pour s'exprimer. Il a trouvé notre concept un peu rock and roll — je lui mets des mots dans la bouche, mais une chose est certaine, c'est que le processus l'a un peu surpris. Car du côté de l'Assemblée nationale, il y a un peu plus de respect envers les témoins qui viennent comparaître devant les commissions parlementaires. En effet, ils ont la chance de s'exprimer. Ici, on paie pour faire venir un témoin — on a des dépenses approuvées pour le faire venir ici —, mais on ne le laisse parler que cinq minutes. J'ai bien hâte de voir les prochains budgets présentés par certains présidents de comité conservateurs.
Le ministre de la Justice du Québec vient ici et prend le temps, avec ses spécialistes, de nous fournir non pas 150, mais trois modifications, dont une est de remplacer le verbe « encourager » par le verbe « favoriser ». À mon avis, il ne nous aurait pas fallu 200 heures de débat pour déterminer si cela avait une utilité, ou pour trouver une façon de permettre au moins à certains tribunaux de la jeunesse de protéger l'identité de jeunes qui ne méritent peut-être pas qu'on rende leurs actes criminels à tout jamais et qu'on leur impose le sceau du criminel pour le restant de leurs jours. Cela pourrait être très dommageable et très nuisible, d'autant plus qu'on observe un taux de succès absolument phénoménal sur cette question au Québec.
Je ne me prétends pas porte-parole du Québec, mais sachez qu'on entend dire qu'il s'agit là d'un affront. C'est certainement un affront qui fait souffrir la relation entre les provinces et le gouvernement fédéral. Si c'est comme ça qu'on traite des gens avec qui on veut travailler à un fédéralisme d'ouverture, je ne voudrais pas voir comment on traite ceux avec qui on ne veut pas travailler.
Le ministre de la Sécurité publique du Québec le disait, ce matin. On lui a demandé, en comité, s'il pensait qu'il y avait encore une chance d'empêcher l'abolition du registre des armes à feu et de ses données. Grand diplomate qu'il est, mais ne sachant peut-être pas ce qui se passait ici, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, il a dit l'espérer encore. Je l'ai trouvé très optimiste, compte tenu du passé et de ce qu'on vit depuis déjà belle lurette au sein des différents comités, et non seulement dans ce comité-ci.
C'était toute une surprise, ce matin. Qui plus est, il y aurait eu lieu de s'attaquer au fond de la question et d'étudier tous les amendements proposés. À la lumière des documents qui ont été transmis par le greffier, j'ai constaté qu'après l'article 9, on aurait pu passer directement à la mise aux voix des articles 10 à 33 puisqu'ils ne font l'objet d'aucune demande d'amendement. Puis, pour l'article 34, quelques amendements avaient été suggérés. Après ça, on aurait pu traiter les articles 35 à 38, et ainsi de suite pour toutes les pages du projet de loi.
Certains diront que tout ce temps qu'on prend aujourd'hui pourrait servir à en finir avec le projet de loi. Or, là n'est pas la question. À 8 h 30, avant même de sentir qu'il y aurait quelque tentative d'obstruction, nos collègues conservateurs ont présenté la motion, probablement en se disant que les deux premières heures passées sur ce projet de loi seraient deux heures d'obstruction systématique. Je m'insurge contre cela si c'est le message qu'ils voulaient nous envoyer ce matin. On nous dit aujourd'hui que M. Cotler, député du Parlement canadien et ancien ministre de la Justice, sommité en matière de droits de la personne, a présenté ses amendements dans le but de faire de l'obstruction. On nous accuse de présenter nos amendements dans le but de faire de l'obstruction. Pourtant, ce sont des amendements que nous croyons bons et au sujet desquels nous nous exprimerons, pour lesquels on votera en faveur ou non, et la majorité l'emportera. J'aimerais bien réussir à vous convaincre du bien-fondé de certains amendements qu'on propose pour certains articles. À mon point de vue, ils permettraient d'atteindre les finalités que vous visez, tout en les traduisant un peu mieux.
Il y a parfois avantage à avoir plusieurs paires d'yeux pour regarder un texte. Il est parfois avantageux d'avoir des gens pour le regarder sans y avoir le nez collé. Ils peuvent déceler les petites erreurs, comme lorsque le gouvernement du Québec a suggéré de changer un mot: « encourager » par « favoriser ». Ainsi, il est clair qu'on nous tire le tapis de sous les pieds et qu'on entrave la démocratie.
Bien sûr, le gouvernement est majoritaire. Toutefois, je ne le répéterai jamais assez, il est majoritaire grâce à notre système parlementaire qui permet au premier parvenu à la ligne d'arrivée d'être élu. Pour ma part, je me sens à l'aise parce que je représente 62 p. 100 de la population de mon comté. À la place des conservateurs qui sont majoritaires après avoir obtenu 39 p. 100 des votes, je serais parfois gênée de prétendre avoir été élue par une si grande majorité. Certains, qui aiment se targuer de statistiques qui, au fond, ne sont pas très flatteuses pour eux, sont peut-être moins gênés que moi. Cela dit, le gouvernement devrait au moins convenir qu'il faut laisser libre cours à la démocratie.
Ce n'est pas la première fois que ça se fait. Selon les chiffres que j'ai reçus de l'équipe de recherche du Nouveau Parti démocratique, cet exercice qui consiste à proposer une motion de clôture a déjà été fait neuf fois, monsieur le président, et sept fois depuis notre retour à l'automne. À ceux qui nous écoutent, je dis honte au gouvernement conservateur majoritaire qui ne devrait pas avoir peur des résultats des votes démocratiques sur les articles.
Tout le monde se demande où est l'urgence. Mardi, j'avais commencé à vous parler d'un article. Le Barreau du Québec au complet s'est opposé au projet de loi . Je veux que ce soit clair: ce n'est pas tout le projet de loi C-10 qui pose problème, mais certaines parties qui, soit dit en passant, n'ont jamais été étudiées par le comité auparavant. Il me semble que c'est une raison de plus pour qu'on en fasse une étude sérieuse. Nous sommes membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Il ne s'agit pas d'un comité de broche à foin qui adopte n'importe quoi en se disant que les juges... D'ailleurs, on sait que les conservateurs ne les estiment pas beaucoup et veulent donc leur enlever certains pouvoirs en matière d'imposition de peines. Peu importe, il faut au moins s'assurer qu'on n'aura pas à se présenter devant les tribunaux continuellement.
Des organismes aussi sérieux que l'Association du Barreau canadien et le Barreau du Québec, des juristes de toutes les parties, qu'il s'agisse de procureurs de la Couronne, de procureurs de la défense, de professeurs d'université ou de quiconque s'intéressant à la justice dans ce beau pays, nous disent de faire attention et nous suggèrent certains amendements. Où pensez-vous que nous prenons nos amendements? Pensez-vous que nous nous sommes levés un matin et qu'ils nous sont tombés du ciel? Nos amendements sont basés sur certains problèmes soulevés par certains spécialistes et sur l'expérience de certaines provinces. Vous trouvez peut-être amusant de qualifier ma province de soft on crime, mais, n'en déplaise à plusieurs, c'est encore la province qui a non seulement le taux de criminalité le plus faible, mais aussi le taux de récidive le plus faible. Nous n'avons pas de leçons à recevoir de qui que ce soit à cet égard. Au contraire, il vaut peut-être la peine d'entendre ce que ces gens ont à nous dire et de les entendre pendant un tout petit peu plus que cinq minutes précises, questions incluses. Cet exercice est tellement court-circuité. Cela ne fait pas honneur à cette enceinte.
Je l'ai mentionné lors de la réunion de l'autre comité et je vais le dire encore: j'ai le privilège d'avoir avec moi aujourd'hui une jeune demoiselle, une jeune étudiante de l'Université McGill. Je ne parle pas de ma collègue députée qui fait honneur à son université, mais d'une autre jeune femme qui marchera peut-être sur ses traces. Elle s'appelle Chloe Silvestre et elle a eu le malheur de venir au Parlement canadien aujourd'hui.
[Traduction]
Honte à nous parlementaires.
[Français]
En effet, je suis extrêmement gênée de constater qu'elle vient vivre sa journée au Parlement dans le cadre du programme Femmes au Parlement alors que se produit un des plus grands moments de détournement de démocratie auquel je serai appelée à assister. Je pensais que j'avais fini de voir le gouvernement poser des gestes pour forcer des gens à retourner au travail, pour retirer le droit de grève et le droit de lock-out en imposant des conventions collectives. Je pensais avoir tout vu en juin, mais non, pas du tout. Cette pauvre Chloe, qui vient me voir aujourd'hui pour me suivre au cours de ma journée de travail, apprend qu'elle me suivra jusqu'à 23 h 59 à tout le moins. Alors, bravo!
Toutefois, là n'était pas la question, car le temps importe peu. Le contenu est ce qui compte. Ce n'est pas édifiant. C'est cet aspect que ce Parlement choisit de montrer à ses contribuables, ses électeurs et ses citoyens. On montre que lorsque le gouvernement est fatigué des débats ou qu'il n'en veut pas, il met la clé sous la porte. Que sera la prochaine chose? On va proroger le Parlement quand on en aura assez de se défendre, quand on sera fatigué? N'est-ce pas fatigant d'avoir des gens qui ne pensent pas comme nous? C'est bien fatigant.
:
Mais quelle est-elle cette motion, monsieur le président? La motion vise à mettre un terme au débat à 23 h 59. Elle consiste à nous priver du droit de discuter, de modifier et de débattre. Donc, tout ce qui touche de près ou de loin ces notions a trait à la motion dont nous parlons. Je ne sais pas si quelqu'un en a parlé aujourd'hui, parce qu'il a fallu que je sorte pour aller traiter d'un autre dossier important que les conservateurs essaient de faire passer en force également, je veux parler du registre des armes à feu. Je me rappelle un certain premier ministre qui s'était prononcé contre de telles motions. Je vais sortir de cette pièce sous peu — avant ma mort, j'espère. J'ai l'intention de faire des choses plus agréables. Cependant, je me demanderai toujours comment le premier ministre en 1996 a pu qualifier le même genre de motion d'antidémocratique.
[Français]
C'était une arme qui était utilisée par un gouvernement qui avait tellement peur d'entendre l'opposition. J'ai hâte d'entendre les explications qu'on va nous donner, de l'autre côté.
Si M. Goguen avait présenté ce genre de motion dans deux semaines, ça aurait peut-être été différent. Un peu plus tôt aujourd'hui, mon collègue M. Harris mentionnait qu'il restait cinq semaines d'ici au congé du temps des Fêtes. Il restait donc un certain nombre de jours, soit les mardis et les jeudis, pour débattre des amendements à l'étude. Ainsi, au cours des quatre semaines qu'il nous restait, incluant la journée d'aujourd'hui, il aurait certainement été possible pour le comité de compléter l'étude, article par article, du projet de loi .
Mais non, ce n'est pas ce qu'on a fait. Qu'a-t-on fait à la première occasion? On n'a même pas pris le temps de tenir deux, trois ou quatre séances. Si on avait tenu trois ou quatre séances et qu'on avait constaté qu'on n'en était encore qu'à l'article 8, j'aurais pu comprendre. Je peux comprendre ce que M. Jean disait mardi. J'admets avoir eu la même inquiétude à un moment donné, vu l'allure que prenaient les choses. Or, parfois il faut aller au fond de ces questions.
Par la suite, comme je le disais plus tôt, de longues séries d'articles auraient pu être adoptées sans aucune proposition d'amendement. Vous pouvez le constater comme moi dans les documents déposés par le greffier. On aurait pu les mettre aux voix rapidement. Nous n'aurions peut-être pas voté en faveur de ces articles, mais nous aurions pu tenir rapidement des votes sur la question.
Mais non, on n'a même pas attendu que l'opposition officielle et le troisième parti soient pris en flagrant délit d'obstruction, en prenant leur temps et en exagérant. On n'a passé que deux heures à étudier un projet de loi aussi complexe que celui sur les victimes d'actes terroristes.
Les amendements proposés à ce projet de loi étaient, en grande partie, présentés par le deuxième parti de l'opposition. Je pense que personne dans ce comité ne dira que le collègue de Mont-Royal a une propension à exagérer ou à faire de l'obstruction à la première occasion. Je ne crois pas du tout que c'était la raison d'être des présentations de M. Cotler. Ce n'était pas non plus la raison d'être de nos propositions d'amendement. Nous voulions rendre le projet de loi sur les victimes d'actes terroristes plus sûr, afin qu'il ne soit pas trop contesté devant les tribunaux et qu'il atteigne les fins recherchées. Bref, comme le disait si bien un de nos collègues mardi, nos amendements cherchent à aider le gouvernement à avoir un meilleur projet de loi. Ça aurait été intéressant d'entendre ce que les spécialistes alors présents à la table avaient à dire sur la question.
À la première occasion, qu'a-t-on fait? On nous a sorti cette motion, sans même que l'opposition officielle ou un autre parti de l'opposition aient volontairement causé de délais. Quand je regarde ça, je n'en reviens pas. En tant qu'avocate, je suis habituée à établir une conclusion basée sur les faits qui sont devant moi. Ma conclusion est la seule conclusion logique qui me vienne à l'esprit: les représentants du gouvernement, qu'ils le fassent d'eux-mêmes ou qu'ils y soient incités par leur chef, ne veulent plus entendre ces arguments.
Les rencontres avec les témoins ont été bousculées puis avortées tellement rapidement que personne du public n'a pu comprendre de A à Z tout ce qui s'est dit à cet égard. Quoi qu'il en soit, si on en fait l'étude article par article, comme on l'a fait mardi, on retrouve des faiblesses évidentes dans certains articles. Ces faiblesses seraient apparues très clairement à des gens intelligents, comme le sont toutes les personnes autour de cette table.
Je doute que quiconque du côté conservateur ayant travaillé à concevoir le projet de loi ne connaisse tous les articles qui y sont énumérés. Comme je le disais plus tôt, il contient quand même 208 articles. Il y a des articles pour lesquels on aurait pu trouver, tout le monde ensemble, ce qui n'allait pas, tant en français qu'en anglais. En discutant, on aurait pu améliorer considérablement ce projet de loi.
Évidemment, cela aurait été difficile, compte tenu du temps qui nous était imparti. On ne se cachera pas que ces deux côtés de la Chambre ne se seraient certainement pas entendus sur certains aspects du projet de loi, par exemple en ce qui touche la Loi sur les jeunes contrevenants, ou encore les jeunes délinquants. C'est bien correct, je l'accepte; c'est la démocratie. Ça nous permettra de questionner les électeurs, dans quatre ans, sur la vision qu'ils aiment. Ce sera à eux de faire un choix. Quand ils auront vu qu'il est possible d'élire un gouvernement majoritaire avec seulement 39 p. 100 des voix, peut-être que les quelque 41 p. 100 des gens qui ne se sont pas présentés aux urnes réaliseront que leurs mots et leur vote comptent, comme on se plaisait à le leur dire.
On prive ici les parlementaires de leurs privilèges. Ce n'est peut-être pas une question de privilège au sens même du terme. En effet, je pourrais chialer parce qu'il y a encore dans mon comté des pancartes où l'ancien député s'affiche comme tel, bien que je ne le fasse pas. Or, il me semble que ceci est encore plus frustrant. À vrai dire, ce n'est pas frustrant, mais ça me peine terriblement. Ce n'est pas moi que ça affecte. Ce sont les justiciables qui seront touchés par le projet de loi qu'on n'aura pas étudié à 100 p. 100. Si mes collègues faisaient preuve d'honnêteté intellectuelle, ils ne pourraient pas dire que tous ces projets de loi inclus dans le projet de loi ont fait l'objet d'analyses assez poussées pour que, au moment du vote, nous puissions prétendre que nous votons en toute connaissance de cause et assurer aux citoyens canadiens que nous avons fait notre travail de législateurs.
Les gens du Barreau du Québec disaient être réticents devant certaines parties du projet de loi C-10, que ce soit l'imposition de peines minimales ou d'autres choses. En même temps, ils sont favorables à d'autres parties. En fin de compte, ce qui ressort surtout, comme on l'a écrit dans l'édition de novembre du Journal du Barreau du Québec, c'est qu'il n'est pas nécessaire d'adopter cette réforme à cette vitesse. Tout le monde dit que ce n'est pas urgent. Or, on nous force à nous presser. Je trouve ça malheureux, et je m'en excuse auprès de tous les Canadiens, spécialement auprès des gens de Gatineau qui m'ont élue. Je leur dis que malheureusement, il semblerait qu'ils doivent éliminer le mot « démocratie » de leur vocabulaire pour les quatre prochaines années quand ils parleront du Parlement canadien. Ce n'est pas la première fois que je dis à mes concitoyens que les députés se font couper la parole et enlever le droit de s'exprimer et de faire valoir leurs points de vue.
Merci, monsieur le président. C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant. Je sens que je vais me crinquer de nouveau dans peu de temps.