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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 072 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 6 mai 2013

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. Nous attendons deux autres invités, mais nous allons commencer.
    Je tiens à remercier tous les participants à la 72e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 6 mars 2013, nous examinons le projet de loi C-452 Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes).
    Nous recevons trois témoins. Comme vous pouvez le voir dans l'ordre du jour, nous avons jusqu'à 16 h 45, après quoi nous procéderons à l'étude article par article. On verra bien ce que nous aurons le temps de faire. J'espère que nous pourrons terminer aujourd'hui.
    Nos premiers témoins, parmi ceux qui sont arrivés, sont Julie Miville-Dechêne et Nathalie Bissonnette, du Conseil du statut de la femme du Québec.
    Nous recevrons ensuite Naomi Krueger et Michael Maidment, de l'Armée du Salut.
    Nous allons commencer avec un exposé d'environ 10 minutes du Conseil du statut de la femme du Québec.
    Merci d'être là.
    Je vais présenter mon exposé en français.

[Français]

    Le Conseil du statut de la femme du Québec est un organisme de consultation et d'étude qui veille depuis 1973 à promouvoir et à défendre les droits et les intérêts des Québécoises.
    C'est à ce titre que nous avons acquis une expertise sur la prostitution et la traite. En juin dernier, nous avons publié une recherche fouillée à laquelle j'ai participé. Je l'ai avec moi. Si vous la voulez, elle est disponible. Il s'agit d'un avis qui presse les autorités d'agir pour aider les victimes de la traite et les personnes prostituées à sortir du milieu malsain où elles sont exploitées.
    Sur le plan juridique, nous soutenons que le Code criminel doit s'appliquer aux proxénètes et aux clients, car la demande pour les services de nature sexuelle encourage la traite et la prostitution. Par contre, nous croyons qu'il est temps de ne plus criminaliser les personnes prostituées, victimes ou non de la traite, car dans la grande majorité des cas, elles vendent leur corps après avoir vécu une enfance d'abus de toutes sortes. Nous y reviendrons.
    Étant donné notre parti pris pour les femmes, et particulièrement pour les femmes exploitées et vulnérables, le conseil a appuyé publiquement, dès octobre, le projet de loi C-452 de Mme Maria Mourani. Nous estimons que la société doit disposer d'outils dissuasifs puissants pour tenter d'enrayer la traite des personnes, car selon nous, il s'agit d'un crime grave qui touche une grande partie de la planète et également des jeunes filles canadiennes, qui peuvent être nos voisines ou même des membres de notre famille.
    Les modifications proposées par le projet de loi C-452 outillent mieux les policiers. D'autres témoins, comme le sergent-enquêteur Monchamp, vous ont fait valoir ces arguments. Sur le plan des principes, le projet de loi transmet aussi un message clair à ceux qui seraient tentés par cette façon en apparence facile de faire de l'argent au détriment de proies naïves et renouvelables, car il s'agit d'une ressource renouvelable du point de vue des proxénètes. Le message est que les crimes d'exploitation et de traite seront combattus et punis au Canada avec la plus grande sévérité légale possible. Comme ces crimes portent gravement atteinte aux droits fondamentaux de la personne, les modifications proposées par le projet de loi démontreraient, à la face du monde entier, que le système criminel canadien est exemplaire en matière de lutte contre la traite.
    Parmi les changements proposés, des peines consécutives sont prévues pour les infractions de proxénétisme et de traite. Le conseil appuie cette sévérité accrue, car plusieurs crimes violents sont souvent commis en même temps dans les cas de traite. Je vous donne un exemple parmi d'autres survenus à Montréal. Marie — c'est un nom fictif — a été danseuse dans les bars pendant six ans. Elle m'a raconté qu'elle était sous l'emprise d'un proxénète violent. Non seulement elle était confinée dans son logement, battue et violée par son souteneur, qui lui prenait tous ses gains provenant de la danse contact, mais pour passer sa rage, ce même souteneur lui a écrasé son mégot de cigare sur la main et a étranglé son chat sous ses yeux. Ce chat était le seul réconfort qu'il lui restait. On est à un niveau de cruauté mentale et de contrôle difficile à imaginer dans un pays libre, mais oui, cela existe. Cette jeune femme fragile s'est fait embobiner à 17 ans par un homme violent qui lui promettait de s'occuper d'elle. Elle n'osait pas le dénoncer, de peur que sa famille écope, car il menaçait de s'en prendre à sa mère ou à sa soeur si la victime ne lui obéissait pas. Elle a seulement collaboré avec les policiers une fois que son proxénète a été arrêté.
    Le projet de loi C-452 représente un changement important de notre façon de faire les choses, mais nous ne croyons pas que cet article, celui sur les peines consécutives, place les juges dans un carcan et les empêche d'évaluer au cas par cas les causes devant eux. Le projet de loi donne de nouvelles balises, mais rien n'empêche un juge, selon les circonstances, d'exercer son pouvoir discrétionnaire afin d'appliquer le principe de la proportionnalité et de déterminer les peines qui lui apparaissent justes pour la personne accusée.
    Une autre modification notable apportée par le projet de loi est le renversement du fardeau de la preuve. Vous en avez discuté ici. L'accusé devra prouver qu'il ne vit pas de l'exploitation d'autrui lorsqu'on est en présence d'une victime de traite. Cette mesure constitue un autre moyen de faciliter le travail des procureurs, étant donné que les victimes traumatisées ont souvent peur de témoigner contre leur agresseur ou sont aux prises carrément avec le syndrome de Stockholm.
    Dans le cadre de notre recherche, nous avons parlé à plusieurs intervenants, policiers et avocats qui nous ont expliqué que souvent les procureurs se contentaient d'utiliser l'article contre le proxénétisme, et non celui contre la traite, car la preuve était plus difficile à faire dans les cas de traite. Pourtant, dans la plupart des cas, c'est de la traite. En renversant le fardeau de la preuve, on remet une partie du fardeau à l'accusé. Étant donné les longues filatures que comportent les opérations policières qui mènent à des arrestations, il nous semble approprié d'obliger l'accusé à prouver, par ses transactions financières ou autrement, qu'il a des sources de revenus propres. N'oublions pas que, par définition, les revenus de la prostitution ne sont pas déclarés et sont faits de billets sonnants. Cela complique donc passablement le travail des autorités.
    Finalement, le projet de loi prévoit que l'on puisse confisquer les fruits de la criminalité dans le cas d'infractions de proxénétisme et de traite. Bravo! Nous considérons qu'il n'est que justice que les personnes reconnues coupables ne puissent plus jouir des fruits de leurs crimes.
    Voici quelques chiffres. En 2012, 56 cas de traite étaient devant les tribunaux. On parle de 85 accusés et de 136 victimes. Bien sûr, cela semble peu, mais ce n'est que la pointe de l'iceberg, car il est difficile de mesurer l'étendue d'une activité illicite. Ma collègue Mme Dionne vous en parlera un peu plus tard.
    On pense souvent que la traite concerne seulement les femmes des pays moins riches que l'on trouve dans nos bars de danseuses. C'est une erreur. La traite interne, c'est-à-dire qui se fait entre des lieux et des provinces au Canada, représente 90 % de tous les cas judiciarisés. Les intervenantes m'ont parlé de victimes de traite interne au Centre jeunesse de la Montérégie à Longueuil. La façon de faire est connue et répandue. Des gangs de rue constitués de jeunes hommes traînent dans les stations de métro à Longueuil et même autour des écoles. Des jeunes filles se font séduire par les membres de gangs, qui, au début, leur jurent amour et sécurité et les couvrent d'attentions. Puis, le climat change. Les gars ont besoin d'argent, demandent à la jeune fille de les aider, les désensibilisent avec ce qu'on appelle des gangbangs, c'est-à-dire des viols collectifs, avant de les faire danser et se prostituer.
     On parle de traite puisque ces filles sont trimbalées d'appartement en appartement et perdent les moyens de s'enfuir, car elles peuvent être battues et droguées. Certaines Québécoises se retrouvent en Ontario. Je suis sûre que vous avez entendu parler de ce problème dans les bars près de la frontière, notamment à Windsor. Oui, souvent ces jeunes filles sont fugueuses ou viennent de foyers dysfonctionnels, mais des proxénètes profitent d'elles. D'ailleurs, ce ne sont pas toujours des fugueuses, car la séduction est une arme qui peut marcher chez les adolescentes quelles qu'elles soient qui cherchent simplement à s'affranchir.
    Je veux profiter brièvement de cette tribune pour vous faire part d'une de mes préoccupations. Il est important que l'enjeu de la traite n'évacue pas celui de la prostitution. Les deux questions sont intimement liées, car, sur le plan international, selon la Fondation Scelles, la majorité des prostituées seraient aux mains de réseaux de traite humaine. Je suis vraiment consciente qu'il est plus facile d'obtenir un consensus social autour d'un enjeu comme la traite, car le thème lui-même renvoie à l'esclavage et à l'absence de consentement. Toutefois, au pays, il y a également de la prostitution sans traite, phénomène plus complexe, moins noir et blanc, et sans doute un phénomène plus répandu en ce qui a trait au nombre de victimes. Il ne faut donc pas reléguer ce phénomène aux oubliettes. La prostitution, elle, n'est pas toujours liée à la traite, alors que la traite humaine à des fins d'exploitation sexuelle aboutit toujours à la prostitution.
    Je m'explique. Des femmes prostituées qui n'ont pas de proxénète vendent de plus en plus souvent leurs services par Internet. Elles racontent leur histoire dans les médias, parlent avec aplomb de leur choix de vie. Bref, ce ne sont pas des cas de traite. Mais est-ce à dire que ces voix qui affirment le choix des femmes à se prostituer représentent la majorité des femmes qui vendent leur corps pour survivre? Non, mille fois non. Il est peut-être rassurant de penser ainsi, mais il est faux de croire que ce libre choix est la norme. Même selon les avocats représentant celles qui se nomment travailleuses du sexe et qui se sont adressées aux tribunaux ontariens, seulement de 5 à 20 % des prostituées peuvent tirer profit de ce commerce lucratif et font, en effet, un choix « éclairé ».
    Les autres, c'est-à-dire la vaste majorité silencieuse, se trouvent dans des situations d'exploitation et de violence qu'elles n'ont pas choisies et dont elles peuvent difficilement se libérer sans aide extérieure. Ce sont des femmes vulnérables qui, dans de 70 à 84 % des cas, ont vécu des abus au cours de leur jeunesse et ont glissé vers la prostitution et souvent dans la drogue comme moyen d'endurer cette forme d'exploitation. J'ai rencontré certaines de ces femmes.
    C'est pour cela que nous refusons la décriminalisation des clients prônée par le lobby des travailleuses du sexe. En effet, cela ne ferait que banaliser encore plus et augmenter ce commerce qui réduit les femmes à des objets. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé dans des endroits comme les Pays-Bas.
    Au-delà de l'enjeu qui vous préoccupe aujourd'hui, je tiens donc à vous faire valoir notre point de vue plus large sur la question, vous qui êtes en position de demander des changements au Code criminel. Un modèle, et un seul modèle, a fait ses preuves dans le monde en protégeant les femmes contre cette atteinte fondamentale à leur droit à l'égalité. En Suède, seuls les clients et les proxénètes sont criminalisés. Les peines et les conséquences sont sévères. Les prostituées, elles, ne sont pas poursuivies. On leur offre des services sociaux importants pour qu'elles puissent sortir de ce milieu et trouver une occupation. Le modèle suédois a fonctionné.
    Je vous invite, mesdames et messieurs, à réfléchir à ces questions. Au-delà de ce projet de loi sur la traite, qui est important, il y a toute la question de ces femmes aux prises avec la prostitution.
    Merci.
(1540)
    Merci, madame.

[Traduction]

    Merci beaucoup de votre exposé.
    Nous allons maintenant passer à l'Armée du Salut.
    La parole est à vous.
    Merci, monsieur le président et merci aux membres du comité. Je m'appelle Michael Maidment. Je suis agent de liaison du gouvernement fédéral pour l'Armée du Salut au Canada.
    Je tiens premièrement à vous remercier de me donner l'occasion, cet après-midi, de vous présenter un exposé sur la question de la traite de personnes, et, plus précisément, sur le projet de loi C-452.
    Pour commencer, j'aimerais saluer le travail de Mme Mourani dans le cadre de cet important projet de loi et la remercier de son engagement à présenter des solutions complexes au problème de la traite de personnes au Canada. J'ai le privilège aujourd'hui d'être accompagné par Naomi Krueger. Naomi est gestionnaire d'un des premiers refuges au Canada qui vient en aide exclusivement aux victimes de traite de personnes. Le refuge Deborah's Gate, qui a ouvert ses portes en 2009, vise à mettre en place des réseaux de soutien communautaire confidentiels, professionnels et adaptés sur le plan culturel à l'intention des survivantes de ce terrible crime.
    Dans le refuge Deborah's Gate, l'équipe de gestion des cas coordonne des rendez-vous avec des responsables de l'application de la loi, des représentants de l'Immigration, des avocats, des conseillers spécialistes de traumatismes et d'autres fournisseurs de services. D'autres programmes sont offerts pour permettre aux résidentes du refuge d'avoir accès à des paiements d'assistance ou à un revenu durable. Il y a aussi des programmes de traitement des dépendances, des soins de santé et dentaires et des programmes d'intégration communautaires.
    Je veux commencer mon exposé cet après-midi en rappelant que l'Armée du Salut comparaît devant vous aujourd'hui en tant que plus important fournisseur de services sociaux au Canada. L'Armée offre des services depuis 130 années, y compris, bien sûr, des programmes comme le refuge Deborah's Gate. J'espère être en mesure de vous communiquer le point de vue de notre organisation sur le projet de loi, en tant que plus important fournisseur de services sociaux.
    Dans un premier temps, je tiens à souligner que l'Armée du Salut appuie totalement le projet de loi, qui renforce la capacité du système de justice pénale de réagir à la traite de personnes. Comme c'était le cas pour les projets de loi C-268 et C-310, nous appuyons le projet de loi C-452. Nous croyons qu'il fournira aux représentants de l'application de la loi plus d'outils pour poursuivre en justice ceux qui ont commis ce crime haineux, ce qui est essentiel pour prévenir la victimisation à l'avenir.
    En ce qui concerne les modifications précises proposées dans le projet de loi, nous croyons que la possibilité d'imposer des peines consécutives aura deux conséquences positives. Premièrement, une longue peine est importante pour les victimes de la traite des personnes, parce qu'elles sont en sécurité pendant ce temps-là, et elles n'ont pas à penser à la libération prochaine de leur bourreau. La victime a vraiment besoin de cette période pour avoir accès à des ressources de rétablissement et entreprendre un long processus de guérison.
    Les conséquences de la violence et de l'exploitation sur la victime ne disparaissent pas au moment de l'arrestation du trafiquant. Au contraire, la peur, l'anxiété et l'impuissance augmentent souvent, du moins jusqu'à ce que la victime sache pendant combien de temps son agresseur restera en prison.
    Deuxièmement, nous croyons que cet amendement aura un effet dissuasif supplémentaire sur les auteurs de la traite de personnes, qui estiment actuellement que les profits financiers de l'exploitation l'emportent sur les courtes peines d'incarcération auxquels ils s'exposent. Une victime et résidente de notre refuge estime que son exploitation sexuelle a rapporté environ 620 000 $ à son trafiquant sur une période de deux ans.
    J'aimerais mentionner quelque chose au sujet de cet amendement, et c'est qu'il y a de plus en plus de situations où les victimes de la traite de personnes deviennent complices des trafiquants. Elles leur trouvent d'autres victimes et en préparent. C'est en général une stratégie que les victimes de la traite de personnes utilisent pour améliorer leur sort et éviter l'exploitation dont elles ont été victimes. Le fait d'accorder une certaine marge de manoeuvre aux tribunaux relativement à l'application de la disposition sur les peines consécutives empêchera peut-être des victimes de la traite de personnes d'être punies par le système de justice pénale pour avoir tenté de mettre fin à leur exploitation.
    En ce qui a trait au fait d'ajouter le terme « interne » à l'accusation de traite de personnes dans le Code criminel, l'Armée du Salut estime que cet amendement proposé apporte une importante précision dans le Code. La traite de personnes est aussi un problème au pays même. D'autres l'ont dit cet après-midi. Cependant, le mythe selon lequel la traite est uniquement un problème ailleurs persiste chez bon nombre de Canadiens. Le fait de bien décrire la traite de personnes comme un problème interne aidera à dissiper ce mythe durable.
    Le refuge Deborah's Gate a ouvert ses portes en 2009. Plus de la moitié de ses résidentes ont été victimes de la traite de personnes au pays: des résidentes canadiennes victimes de traite de personnes dans des villes canadiennes, et le plus souvent pour être exploitées sexuellement par des hommes canadiens. De plus, notre organisation a constaté que les femmes dans nos refuges ont été ciblées durant l'enfance alors qu'elles avaient aussi peu que 12 ans — bon nombre vivaient dans des réserves du Nord de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et du Manitoba —, à la fois par des trafiquants membres d'un gang et par des particuliers travaillant pour leur compte.
    Le changement provoqué par le projet de loi — le renversement du fardeau de la preuve dans les cas de traite de personnes — est une importante façon de reconnaître l'impact dévastateur de l'exploitation sexuelle sur les victimes. Ce renversement non seulement facilitera la poursuite en justice des trafiquants, mais il permettra aussi de protéger les victimes qui vivent avec les conséquences de l'exploitation.
(1545)
    En ce qui concerne le fait d'élargir les accusations de traite de personnes à ceux qui hébergent une personne exploitée, l'Armée du Salut est heureuse de constater que le projet de loi tient compte du fait que beaucoup de personnes peuvent jouer un rôle criminel dans la traite de personnes sans être visées par les conditions établies dans la définition juridique.
    Même si, souvent, beaucoup de personnes sont responsables de la captivité d'une victime, il est rare qu'elles soient toutes poursuivies en justice. D'après notre expérience, les trafiquants bénéficient de l'aide de nombreux partenaires, qui jouent chacun un rôle pour faciliter l'exploitation. Même si ces partenaires ne profitent pas directement de l'exploitation des victimes, ils supervisent les services sexuels qu'elles offrent, les agressent lorsqu'elles ne respectent pas les ordres de leurs trafiquants et coordonnent leurs déplacements d'un client à un autre.
    Grâce à l'amendement proposé, les agents de la paix seront mieux outillés pour intervenir, compte tenu de la gravité et de la complexité des activités de traite, et tenir toutes les personnes impliquées responsables du crime commis.
    Cependant, il convient de signaler que même si, de façon générale, cet amendement permet une application efficace de la loi dans le cas de l'infraction, le libellé pourrait avoir des conséquences inattendues, et pourrait faciliter le recours à des preuves contraires.
    En particulier, les renseignements communiqués par les victimes à la police, aux professionnels de la santé et à d'autres fournisseurs de services de première ligne qui sont motivés par la peur ou l'instinct de survie, peuvent par la suite être utilisés comme preuve contraire pour nier l'exploitation ou la facilitation de l'exploitation. Les victimes ont souvent dit qu'on leur enseignait parfois comment répondre aux questions posées par les figures d'autorité.
    Très souvent, cet encadrement a mené à la collecte de déclarations contradictoires qui pouvaient être utilisées comme des preuves contraires, au besoin. Une disposition visant à prévenir l'utilisation des déclarations formulées par les victimes lorsqu'elles sont traumatisées ou victimes de coercition pourrait aider à éviter cette conséquence imprévue.
    En conclusion, même s'il est important de renforcer les outils disponibles pour poursuivre ceux qui s'adonnent à la traite de personnes, il est tout aussi important, sinon plus, d'envisager de renforcer notre capacité de prévenir la traite de personnes dès le départ.
    Je vous remercie encore de m'avoir donné l'occasion de témoigner cet après-midi et de votre engagement à l'égard de l'élimination de la traite de personnes au Canada.
    Merci, monsieur. Merci de votre exposé.
    L'autre groupe est maintenant arrivé.

[Français]

    Il s'agit du Comité d'action contre la traite humaine interne et internationale.

[Traduction]

    Merci beaucoup d'être là, madame Dionne et madame Bastien. La parole est à vous pour 10 minutes.

[Français]

    Je vais faire la première partie de la présentation pour vous expliquer ce qu'est le CATHII, puis Mme Dionne fera la deuxième partie.
    Je tiens à remercier les membres du comité de nous permettre de témoigner.
     Le Comité d'action contre la traite humaine interne et internationale, ou le CATHII, travaille depuis 2004 à contrer la traite des personnes, que ce soit à des fins d'exploitation sexuelle ou à des fins de travail forcé. Depuis sa création par des communautés religieuses du Québec, le CATHII a su devenir un acteur incontournable dans la lutte contre cette exploitation et cette atteinte aux droits fondamentaux.
    L'action des membres du CATHII comporte trois volets: la recherche sur la réalité de la traite et sur les lois canadiennes et internationales en lien avec la traite, des formations offertes en vue de l'action et, enfin, une priorité accordée à la création de ressources d'hébergement et d'accompagnement pour les victimes de la traite humaine.
    Le CATHII a aussi été soucieux de contribuer à la compréhension du phénomène. Parmi ses actions, il y a eu la publication, en juin 2009, d'une recherche réalisée en partenariat avec l'anthropologue Aurélie Lebrun afin de mieux comprendre la pratique prostitutionnelle du point de vue des clients prostitueurs. Il a aussi publié, en 2010, un document de réflexion intitulé « Agir contre la traite humaine ».
    En 2006, le CATHII a organisé une journée d'étude. Cette rencontre regroupait les principaux acteurs des milieux communautaire, gouvernemental, policier et universitaire pour définir les besoins des victimes. Plusieurs organismes ont fait le constat qu'il manquait de services pour les victimes de la traite, constat réitéré lors de la rencontre consultative avec les membres du Sous-comité interministériel sur la traite des femmes migrantes du Québec que nous avons organisée en 2007. Une autre rencontre organisée en avril dernier a confirmé la nécessité d'agir ensemble, en s'assurant de mettre les victimes au coeur des préoccupations et des initiatives.
    Récemment, le CATHII a mis en oeuvre une coalition québécoise contre la traite des personnes regroupant plus de 25 organismes intervenant auprès des victimes de la traite des personnes.
    La traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, est une atteinte aux droits fondamentaux des personnes. Il s'agit d'un phénomène en croissance au Canada comme partout dans le monde. Le Canada est à la fois un pays source, un pays de transit et un pays de destination.
    En 2005, le Canada modifiait le Code criminel pour y inclure la traite des personnes. Depuis, il y a introduit des peines minimales pour les trafiquants de mineurs, puis a ajouté la traite des personnes aux infractions commises à l'étranger pour lesquelles les citoyens canadiens et les résidents permanents peuvent être poursuivis au Canada. Le Code criminel est ainsi modifié afin de préciser certains facteurs dont le tribunal peut tenir compte lorsqu'il détermine ce qui constitue de l'exploitation.
    Le projet de loi C-452 s'inscrit dans cet ensemble de mesures visant à outiller les intervenants juridiques et judiciaires qui luttent contre la traite des personnes.
(1550)
    Nous croyons que le projet de loi C-452, Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes), déposé par Mme Maria Mourani, permettra de contrer le proxénétisme et la traite humaine au Canada. Ce projet de loi propose des solutions aux limites du système judiciaire tout en répondant à quelques-unes de nos préoccupations concernant les besoins des victimes. En autres, il permettra d'assurer une part des mesures sociales et économiques nécessaires pour soutenir les personnes exploitées.
    Nous sommes d'avis que la traite à des fins d'exploitation sexuelle et de travail forcé est un phénomène inquiétant qui touche le Canada tant sur le plan international que sur le plan national. En ce sens, nous appuyons l'ajout de la dimension interne du phénomène, qui est d'ailleurs souvent omise. Le Canada est certes un pays de destination et de transit de personnes victimes de la traite en provenance d'autres pays, mais il existe aussi des phénomènes de traite des personnes entre les différentes provinces du Canada et entre régions et centres urbains. Cela est particulièrement vrai pour la traite des femmes autochtones.
    Néanmoins, nous voulons émettre quelques préoccupations. Le projet de loi veut ajouter un caractère dissuasif au crime de traite des personnes. Nous accueillons favorablement l'idée de vouloir dissuader les trafiquants. Nous craignons toutefois que cela puisse se faire au détriment de certaines victimes, car cette mesure risque de ne pas tenir compte du degré de responsabilité du criminel. La traite des personnes est un phénomène complexe et le parcours des victimes l'est tout autant. Il arrive que les victimes deviennent des trafiquantes pour éviter ou faire cesser l'exploitation. Il y a un risque réel de pénaliser des victimes en voulant mettre en place une telle mesure dissuasive. Comment s'assurer que cela ne visera pas des victimes?
    Nous sommes favorables au principe de culpabilité des personnes qui hébergent les victimes de la traite ou qui se trouvent avec elles. Cette présomption de culpabilité facilitera sans aucun doute le travail des policiers et des procureurs. Toutefois, il nous semble que l'application de cet article devra se faire avec circonspection. Nous pensons, en effet, que cela ne doit pas se faire au détriment des droits des personnes en situation de vulnérabilité qui pourraient vivre avec les personnes exploitées. L'accès à la justice est inégal dans notre société. Malheureusement, souvent les personnes les plus vulnérables, dont des victimes de traite, sont les plus concernées. Ces personnes pourraient ne pas être en mesure de faire la preuve de leur innocence, faute de moyens.
    Le projet de loi propose une définition de l'exploitation sexuelle qui s'inspire en grande partie de l'article 3 du Protocole de Palerme. Cette définition permet de dissocier deux phénomènes distincts de la traite des êtres humains, soit le travail forcé et l'exploitation sexuelle. La traite à des fins de prostitution est la plus répandue au Canada, et cet article permettra de statuer clairement les services sexuels dans un contexte de traite à des fins d'exploitation sexuelle. Cet ajout ne doit pas nous faire oublier l'importance de lutter contre le travail forcé, d'autant plus qu'une victime d'exploitation sexuelle peut également être victime de travail forcé. Les derniers rapports internationaux font état d'une augmentation importante de cette réalité négligée de la traite des personnes.
    L'inclusion du proxénétisme et de la traite des personnes dans la liste des crimes susceptibles de mener à la confiscation des biens constitue un moyen de soutenir les personnes exploitées. Cela correspond d'ailleurs aux recommandations de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime concernant l'utilisation de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, comme le mentionne le premier paragraphe de l'article 12 de la convention.
    Toutefois, il ne faut pas perdre de vue le deuxième paragraphe de l'article 14 de la même convention, qui propose d'« envisager à titre prioritaire de restituer le produit du crime ou les biens confisqués à l’État Partie requérant, afin que ce dernier puisse indemniser les victimes de l’infraction ».
     Finalement, nous avons une autre préoccupation. Elle porte encore une fois sur le souci de tenir compte du parcours de l'accusée — ce sont généralement des femmes — et des circonstances qui l'ont amenée à devenir trafiquante.
    En 2012, le gouvernement fédéral a fait connaître le Plan d'action national de lutte contre la traite de personnes, lequel regroupe l'ensemble des initiatives canadiennes en matière de lutte contre la traite humaine. Parmi les points forts, il y a la mesure visant à consolider et regrouper l'action gouvernementale sous un même ministère, soit Sécurité publique Canada. On a aussi le mérite de s'adresser aux principales cibles des trafiquants, soit les femmes et les enfants. Les personnes touchées par la traite humaine sont généralement les plus vulnérables: les travailleuses et travailleurs migrants, les personne migrantes en situation irrégulière, les jeunes en situation de détresse ainsi que les femmes et les filles autochtones.
(1555)
    Bien que la poursuite des criminels soit un aspect important de la lutte contre la traite des personnes, le Canada a fait peu de choses à la suite de son engagement international en matière de protection des victimes. Parmi les mesures efficaces établies afin d'assurer la protection des victimes, il y a celle de privilégier une approche globale et coordonnée, en agissant sur plusieurs fronts: la prévention, la collecte d'information fiable, la coordination intersectorielle, l'identification des victimes et le soutien des initiatives issues des communautés.
    Dans une perspective de protection et de défense des droits des victimes, nous recommandons que le Canada soit plus proactif quant aux causes de la traite des personnes, soit la pauvreté, la discrimination, le racisme et la demande. Parmi les pistes de solution pour contrer la traite à des fins d'exploitation sexuelle, l'approche suédoise est souvent présentée comme un modèle à suivre, car elle s'attaque à la demande en pénalisant l'achat de services sexuels. La pénalisation des clients est accompagnée des mesures suivantes: des campagnes publiques d'affichage ciblant les hommes; des programmes de sensibilisation visant les jeunes et les personnes généralement ciblées par les criminels, et des programmes qui viennent en aide aux femmes désirant sortir de la prostitution.
    Une partie des mesures devraient aider les femmes à sortir de situations violentes, notamment la prostitution, et fournir à celles-ci l'accès à différents services: refuges, conseils juridiques et sociaux, éducation et formation professionnelle.
    Mentionnons aussi qu'un pan important de la traite des personnes est souvent absent des préoccupations liées à la traite, soit celui du travail forcé. Pour ce qui est des enjeux liés à ce dernier, rappelons que le Canada devrait ratifier les conventions internationales en matière de migration du travail et revoir les programmes de travailleurs étrangers temporaires, plus particulièrement ceux visant les travailleurs dits peu qualifiés.
    Je vous remercie.
(1600)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux séries de questions. J'aimerais rappeler aux membres du comité qu'il s'agit de séries de cinq minutes et que la liste des intervenants est pleine aujourd'hui, alors je vais m'assurer que vous ne dépassez pas les cinq minutes qui vous sont allouées.
    Notre première intervenante est Mme Boivin du Nouveau Parti démocratique.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Je remercie les six témoins de comparaître devant le comité aujourd'hui.
    Mes questions vont s'adresser à vous, madame Miville-Dechêne.
     Je veux d'abord vous féliciter pour votre document « La prostitution: il est temps d'agir ». Quiconque s'intéresse à la question aurait avantage à le lire. On n'a pas le choix, en quelque sorte; que ce soit par l'entremise du projet de loi de Mme Mourani ou de l'arrêt dans la cause Bedford, qui nous arrive en plein visage, il va falloir qu'on se branche à un moment donné.
    J'aimerais bien que le projet de loi C-452 change les choses, mais je ne suis pas certaine que ce sera le cas, en pratique. Je ne pense pas que les victimes vont cesser d'avoir peur de se manifester et que les procureurs de la Couronne et les procureurs de la défense vont arrêter de conclure des marchés. Même si on prévoit certaines peines plus sévères, il n'est pas dit que les choses vont se passer de cette façon.
    Je ne suis pas une spécialiste dans ce domaine. Après tout le travail que vous avez fait à ce sujet, vous l'êtes probablement davantage que moi. Quand je lis les articles 212 et 279 du Code criminel, où l'on parle respectivement de proxénétisme et de traite des personnes, j'ai un peu de difficulté à voir ce qui les distingue. Quelqu'un parmi vous pourrait peut-être me l'expliquer. Je trouve que ça se ressemble passablement.
     Dans la cause Bedford, la Cour d'appel s'est prononcée. Or la Cour suprême va rendre sa décision cet été, je crois, bien que ça puisse prendre encore six ou sept mois, si ce n'est pas plus. Ces belles dispositions pourraient alors prendre le chemin du recyclage, et on reviendrait par le fait même à la case départ.
    Qu'en pensez-vous?
    Ça va me faire plaisir de vous expliquer ce que je comprends de la différence entre les articles concernant le proxénétisme et ceux portant sur la traite.
    Bien sûr, il y a des liens, mais la grande différence consiste à déterminer si la victime est contrainte, de diverses façons, à faire de la prostitution. La différence tient au fait que c'est son choix — un mot que je n'aime pas beaucoup. Il s'agirait d'un proxénète qui empoche les gains, mais qui n'oblige pas cette femme, par divers moyens, à rester enfermée et à lui donner tous ses gains. Il y a donc une relation d'affaires entre le proxénète et sa victime.
    Cependant, dans le cas de la traite, généralement tous les gains sont prélevés et la jeune fille ou la femme est contrainte de rester à un endroit, que ce soit de façon physique ou par des moyens psychologiques. En effet, il ne s'agit pas toujours de l'attacher.
    C'est là que réside la différence. La traite est une étape au-dessus. C'est pourquoi on dit qu'il n'y a jamais de consentement dans les situations de traite. On peut évidemment faire valoir que le consentement est relatif dans les cas de prostitution, mais tout est une question de degré.
    Donc, quelqu'un pourrait être coupable de traite à des fins de prostitution ainsi que de proxénétisme.
    Oui, car dès qu'on est coupable de traite, on est coupable de proxénétisme. Toutefois, l'inverse n'est pas nécessairement vrai.
    Que pensez-vous de l'arrêt dans la cause Bedford?
    C'est vraiment compliqué. Vous allez tous être confrontés à la décision de la Cour suprême. En juin, elle se prononcera sur les jugements...
    Je souligne qu'elle ne se prononcera pas nécessairement cet été.
    C'est exact, cela peut prendre jusqu'à un ou deux ans. Vous ne serez peut-être plus là.
(1605)
    Nous serons toujours ici, c'est certain.
    En juin, on entendra les arguments. C'est très difficile, selon nous. Jusqu'à maintenant, les tribunaux ontariens ont fait valoir le droit à la sécurité des prostituées et ont donc affirmé que les articles du Code criminel qui portaient sur les maison closes et sur le proxénétisme étaient inconstitutionnels, car ils mettaient en danger la sécurité des prostituées.
    Nous prétendons qu'on a oublié un petit principe, soit celui de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui est protégé par les deux chartes, c'est-à-dire celle québécoise et celle canadienne. Cette égalité, selon nous, s'allie très mal à l'exploitation sexuelle que constitue la prostitution.
    Vous allez être face à quelque chose de très difficile. La Cour suprême peut décider que les tribunaux inférieurs ont erré — je vous avoue qu'il y a beaucoup de division entre les juristes relativement à ces arrêts — en tenant compte un peu trop de la volonté de quelques prostituées, plutôt que de s'intéresser au sort de la plupart. Toutefois, la Cour suprême peut aussi décider que les articles ne sont pas constitutionnels, auquel cas la balle reviendra dans votre camp, vous les parlementaires. Vous devrez décider de ce que vous allez en faire.
    Ce sera peut-être le moment d'adopter le modèle suédois, qui criminalise les proxénètes et les clients, ceux qui demandent ce service, et décriminalise les femmes prostituées, car ce sont les plus touchées et il faut les aider à sortir de la prostitution. Tel est le modèle suédois et je vous encourage à lire à ce sujet, car il fonctionne.

[Traduction]

    Merci beaucoup de ces questions et ces réponses.
    Du Parti conservateur, nous passons à M. Albas.
    Je tiens à remercier tous les témoins qui sont là aujourd'hui. Bien sûr, beaucoup de témoins sont venus nous parler du projet de loi, et nous avons entendu beaucoup de témoignages à ce sujet, mais j'ai trouvé que les trois groupes d'aujourd'hui avaient des choses très importantes à nous dire, alors je tiens à vous remercier de votre présence.
    Monsieur le président, il me semble que beaucoup de personnes appuient ce projet de loi, parce qu'il renforce la loi et dit clairement que les auteurs de ces crimes contre... Comme on l'a déjà dit, à la lumière des cas dont on nous a parlé, il s'agit principalement d'hommes... Mais j'aimerais aussi parler d'autres mesures que le gouvernement a déjà mises en place ou qu'il mettra en place au cours des prochaines années.
    Par exemple, en juin dernier, le gouvernement conservateur a mis sur pied un plan d'action national pour lutter contre la traite de personnes, renforcer notre capacité de prévenir ces crimes, mieux soutenir les victimes et s'assurer que les trafiquants sont tenus responsables. Le gouvernement l'a demandé, et il prévoit dépenser plus de 25 millions de dollars sur quatre ans pour le mettre en oeuvre.
    De plus, le Fonds d'aide aux victimes a permis de soutenir des projets contre la traite de personnes, y compris grâce à des partenariats dans le cadre du Programme de contribution pour la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la traite des personnes de Sécurité publique Canada, et divers ateliers communautaires pour sensibiliser les gens à la traite de personnes.
    Pour commencer, j'aimerais demander aux trois groupes s'ils appuient ces initiatives. En outre, pourquoi croyez-vous qu'il est important non seulement d'appuyer le projet de loi en y apportant certains amendements, mais aussi de continuer à travailler sur cette question?
    D'accord. Nous allons commencer de ce côté, puis poursuivre dans l'ordre.
    Allez-y, monsieur Maidment.
    L'Armée du Salut a participé à la table ronde qui a mené à la création du plan d'action national, et, bien sûr, à une partie des annonces faites à l'échelle du pays. J'ai mentionné à la fin de mon exposé que nous croyons tout à fait qu'il faut faire ces deux choses parallèlement. Cette stratégie nationale est essentielle pour prévenir la victimisation d'entrée de jeu. Ces stratégies sont à coup sûr très importantes.
    Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter, Naomi?
    J'aimerais simplement dire, au nom des victimes à qui nous offrons des services tous les jours au refuge Deborah's Gate, que, très certainement, les efforts de Mme Smith et les projets de loi C-268 et C-310 nous permettent de mieux appuyer les victimes. Le message que nous tenons à communiquer aujourd'hui, c'est que nous voulons continuer de voir ces types de dispositions créés pour les agents de la paix, ces mesures qui renforcent le travail que nous faisons en première ligne. Au cours de la dernière année, nous nous sommes présentés devant les tribunaux avec deux témoins différents. Elles ont témoigné et elles ont été déçues de la réaction du système de justice, en raison d'un manque de compréhension et d'une capacité déficiente de la part des tribunaux de réagir d'un point de vue pénal.
    Très certainement, nous appuierons tous les efforts visant à créer des occasions qui permettront à nos résidentes de réaliser leurs objectifs et leurs rêves personnels, de façon à ce qu'elles retrouvent leur autonomie et puissent se rétablir et terminer leurs études secondaires, par exemple, et faire toutes ces choses qu'elles souhaitent maintenant qu'elles sont libres et qu'elles peuvent vivre une vie sans exploitation.

[Français]

    Comme nous l'avons mentionné dans notre présentation, nous accueillons favorablement le plan d'action parce qu'il permet de déterminer qui sont les victimes de la traite. Il s'agit de femmes, d'enfants, de femmes autochtones et de personnes migrantes qui, dans bien des cas, font partie de programmes pour les travailleurs peu qualifiés. Ça nous a aussi aidé à faire prendre conscience à la population du fait que la traite existait bel et bien. Il y a aussi des mesures. Par exemple, le CATHII bénéficie du Fonds d'aide aux victimes, de Justice Canada, dans le cadre d'un projet réalisé au Québec.
    Nous aurions aimé que le plan aille plus loin et qu'il donne un peu plus de soutien aux provinces, surtout en ce qui concerne les besoins des victimes, notamment en matière de santé et de soins psychologies. Les victimes souffrent dans bien des cas de choc post-traumatique. Ça relève des provinces, mais le gouvernement fédéral aurait pu leur offrir du soutien en ce sens.
    Nous aurions aussi aimé que le plan soit un peu plus axé sur le modèle suédois en ce qui concerne la demande de services sexuels. Il n'y a aucune mesure dans le plan à ce sujet.
    Ce sont nos bémols. Quoi qu'il en soit, nous avons accueilli favorablement le plan.
(1610)

[Traduction]

    D'accord.
    Monsieur le président, le comité a étudié la suramende compensatoire, que la Chambre a par la suite adoptée. Nous l'avons doublée. Ces fonds sont attribués directement aux provinces.
    Je suis donc content d'entendre cela. Je suis fier de dire que le gouvernement est déjà passé à l'action pour régler certains de ces problèmes.
    Merci.

[Français]

    Je suis assez d'accord avec Mme Louise Dionne. Nous considérons aussi que les principes de ce plan d'action sont un pas dans la bonne direction.
    Au Québec, pour vous dire franchement, contrairement à la Colombie-Britannique, nous n'avons pas de refuges pour les femmes victimes de la traite. De façon générale, nous n'avons pas de services spécialisés pour aider les prostituées à se sortir de ce milieu. Des services spécialisés, de désintoxication, sont nécessaires. Ça ne correspond pas tout à fait aux besoins auxquels répondent les refuges pour femmes agressées et battues. Nous demandons donc des ressources. Évidemment, tout cela est de compétence provinciale, mais tout ce qui peut aider les provinces à appuyer davantage les victimes nous plaît.
    Il y a aussi la formation des policiers. Nous avons vu au Québec des policiers qui avaient été formés. Ça change considérablement la donne quand on voit que ces femmes, prostituées ou autres, qui ont eu une vie difficile et qui peuvent parfois ne pas obéir et avoir l'air menaçantes, sont en fin de compte des victimes. Il faut apprendre à les regarder en face plutôt que de regarder leur décolleté. Bref, il y a toutes sortes de petits trucs que nos forces de l'ordre doivent apprendre pour arriver à échanger avec ces femmes et gagner leur confiance.
    Finalement, il faut s'assurer que les juges, les avocats et tout le système juridique comprennent la question. C'est une autre étape.

[Traduction]

    D'accord, merci.
    Merci de cette question et de ces réponses.
    Nous passons à M. Scarpaleggia du Parti libéral.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Comme je ne suis pas un membre régulier de ce comité, je n'ai pas une connaissance approfondie de la question. Veuillez m'en excuser.
    J'ai trouvé chacun de vos témoignages extraordinaire.
    Vous avez parlé de l'aspect psychologique, en l'occurrence du syndrome de Stockholm. Lorsqu'on pense à la traite humaine, on pense souvent à l'esclavage, à des personnes qu'on oblige physiquement à faire un travail qu'elles ne veulent pas faire. Vous avez dit, de façon juste, qu'un aspect psychologique intervenait dans le cas de ces femmes et qu'elles en étaient prisonnières.
     Est-ce que ça rend la preuve plus difficile à faire, devant les tribunaux, quand il s'agit de contraintes psychologiques?
    Je ne sais pas qui voudrait répondre à la question.
    Par définition, la collaboration de la victime est nécessaire pour comparaître devant la cour. Or la victime passe d'un état à un autre: elle aime son proxénète, elle ne l'aime plus, elle lui trouve des qualités, etc. Quand ce sont des victimes jeunes, mais surtout très influençables, ça s'avère difficile.
    Toutefois, il y a des initiatives assez extraordinaires au Québec, notamment le projet Mobilis. Dans le cadre de ce dernier, tous les services sociaux d'un centre jeunesse s'unissent à un service de police pour essayer de faciliter les témoignages et l'encadrement des victimes. Tout le monde dit que ça tient à l'encadrement des victimes. Si elles sont bien accompagnées au tribunal et qu'elles ne sont pas laissées à elles-mêmes, elles vont témoigner contre leur proxénète.
(1615)

[Traduction]

    Je répondrai que oui, absolument. Il est très difficile de prouver la traite de personnes devant les tribunaux en raison des problèmes psychologiques découlant du processus de préparation et de recrutement. Ce sont des pratiques très précises de manipulation. C'est un comportement prédateur. Ils choisissent des femmes et des filles qui ont un certain besoin. Ils comblent ce besoin, puis ils abusent de ce lien de confiance et le violent. Le fait qu'on demande ensuite à quelqu'un qui ne saisit pas vraiment ce qu'est la confiance de se retourner et d'en parler devant un tribunal et de décrire très clairement à un jury ou un juge ou à quelqu'un qui ne connaît aucunement la définition de confiance le processus utilisé par l'auteur de l'infraction pour les recruter, les préparer et les exploiter peut être très difficile. Souvent, c'est tout simplement néfaste et décourageant pour quelqu'un ne serait-ce que de tenter de le définir et de l'expliquer clairement à ceux qui établissent les peines ou qui déterminent ce qu'il adviendra de leur vie.

[Français]

    Ça devient donc très compliqué.
    Il semble qu'il s'agit d'un phénomène de gangs qui recrutent ces femmes. Il semble qu'on ne parle pas d'une personne seule qui fait de la traite humaine, mais de groupes de criminels. Ce sont donc toujours des gangs, n'est-ce pas?
    Ça dépend. J'ai parlé de gangs parce qu'il y a des phénomènes assez connus, à Montréal, de gangs de rue constitués de jeunes hommes qui se livrent à ce genre de trafic. Toutefois, je n'oserais pas dire que c'est la norme.
    Il peut donc s'agir d'un individu qui fonctionne seul.
    Oui.
    Un peu plus tôt, on a parlé de ce qui amène ces personnes à être des victimes. Le phénomène des bars où l'on trouve les danseuses est-il l'un des conduits principaux de la traite? C'est une évidence, d'après vous.
    Oui, parce que ce sont des endroits qu'on tolère, à cause de l'espèce de vide juridique. Je ne devrais peut-être pas parler de vide. Disons qu'il y a eu des jugements contradictoires sur la danse contact. Cela constitue-t-il ou non de la prostitution? Je crois que, aux dernières nouvelles, ça en constituait.
     Étrangement, les autorités policières n'interviennent pas dans les bars de danseuses où il y a de la danse contact. Savez-vous ce qu'est la danse contact? Cela peut aller pas mal plus loin qu'une petite caresse. On est carrément dans la prostitution. En effet, c'est une porte d'entrée pour ces femmes qui dansent et qui vont dans les isoloirs. Au Québec, malheureusement, il y a plusieurs de ces établissements. Je crois qu'il y en a 200.
    Il y en a plus de 200.
    Ce sont souvent des établissements qui sont gérés par des gangs, en effet. C'est le cas très souvent. Cela fait partie du système qu'on a monté pour exploiter ces femmes.
    Il vous reste une minute, monsieur.
     Mme Bastien ou Mme Dionne a dit qu'il y avait un danger relativement à ce projet de loi. On risque que des victimes soient culpabilisées quand elles habitent avec le proxénète et s'occupent, par exemple, de sa comptabilité ou de quelque chose du genre. Je n'aurais peut-être pas dû dire ça comme ça. Il reste que ça pourrait être quelqu'un qui l'aide sur le plan des opérations.
    Ce n'était pas l'esprit de mon propos.
    Notre crainte a plutôt à voir avec le fait qu'il s'agit d'un parcours. Il faut comprendre que la traite est un univers de manipulation. On n'a pas toujours recours à l'enfermement. Ces gens savent comment amener quelqu'un à accepter de poser des actes sans recevoir de salaire et d'être exploité.
    D'après vous, pourquoi ces personnes seraient-elles culpabilisées?
    Souvent, pour une personne qui est victime d'exploitation, la seule façon de se sortir de cette situation est de devenir trafiquante elle-même. Les rapports internationaux ont indiqué aussi que plus de femmes trafiquantes avaient été arrêtées que d'hommes trafiquants.

[Traduction]

    Merci de ces questions et de ces réponses. C'est excellent.
    Nous passons à M. Seeback, du Parti conservateur. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais parler rapidement des dispositions sur la détermination de la peine du projet de loi, en particulier l'imposition de peines consécutives.
    Madame Dionne, je sais que vous avez dit que cette possibilité vous pose problème, parce que vous croyez qu'il pourrait y avoir des circonstances dans lesquelles une victime pourrait souffrir des conséquences de cet article. J'aimerais que les autres témoins nous disent ce qu'ils pensent des peines consécutives.
    Je crois que l'article envoie un message très important, qu'il condamne ce type de comportement. Il aura pour effet de beaucoup prolonger la durée des peines des personnes condamnées pour ces crimes. Je lance la question, et, s'il me reste du temps, j'aimerais poser deux ou trois questions sur les articles concernant la présomption.
(1620)
    Je crois que c'est l'une des choses que nous avons mentionnées. D'une certaine façon, les trafiquants font le calcul. Si la peine n'est pas appropriée, les trafiquants la considèrent comme un des risques du métier. J'ai mentionné l'expérience d'une victime qui a permis à son trafiquant de toucher environ 620 000 $ sur une période de deux ans. Si la peine est insignifiante, elle devient un risque que les trafiquants sont prêts à prendre pour faire autant d'argent. Et on parlait d'une seule personne dans ce cas. Si un criminel exploite 10 ou 20 victimes, et qu'on additionne l'argent qu'il fait, alors peut-être qu'une année ou deux ou trois ans en prison n'est pas si mal après tout.
    D'autres témoins l'ont aussi dit au comité: si les peines sont purgées de façon concurrente, pourquoi ne pas exploiter six ou dix femmes? C'est quand les peines sont consécutives que ça devient moins intéressant.
    C'est probablement quelque chose que je pourrais dire au nom des survivantes avec qui je travaille chaque jour. Elles se demandent: « Pourquoi est-ce que je fais tout ça? Pourquoi est-ce que je témoigne? Pourquoi est-ce que je passe 55 heures à raconter mon histoire si je sais qu'il va s'en sortir avec un ou deux ans en raison du temps déjà purgé? En quoi est-ce que ça m'aide à long terme? » Non seulement cela enverrait un important message aux victimes qui veulent raconter leur histoire et sont prêtes à se présenter devant un juge, mais ça enverrait aussi un message important aux trafiquants: on a changé la façon de faire au Canada, ce n'est plus toléré, et ils vont être punis.
    C'est un très bon point en fait. Vous pensez que cela aiderait en fait les victimes à sortir de l'ombre parce qu'elles estimeront que leur témoignage en vaut la peine. Je n'y avais pas pensé.
    Merci.
    Madame Bastien ou madame Dionne.

[Français]

    J'ajouterais qu'il est important que justice soit rendue aux victimes, parce que ce sont de réelles victimes, mais il faut faire attention à la façon dont c'est fait.
    Je conviens que c'est un crime horrible dont l'auteur doit être puni, de façon à ce que tout le monde sache qu'au Canada, c'est inacceptable. Cependant, ce n'est pas ce message que je voulais envoyer. Nous voulons être sûrs qu'on tiendra compte de la réalité des victimes et de leur parcours. C'est ce que je voulais clarifier.
    Je dirais aussi que nous sommes favorables aux peines consécutives, d'autant plus que le Code criminel prévoit déjà cette règle pour d'autres crimes. Je pense à la possession et à la fabrication d'une substance explosive ou encore à l'usage d'une arme à feu, réelle ou non, dans la commission d'une infraction. Quand on compare la traite des êtres humains à cela, on peut trouver que celle-ci est en effet aussi grave, sinon pas mal plus grave.
    Cela dit, il ne faut pas être naïf. Vous savez comme moi qu'aux États-Unis, les études montrent que la gravité des peines, allant jusqu'à la peine de mort, n'a pas forcément l'effet dissuasif qu'on souhaiterait et ne diminue pas le nombre de crimes. On peut espérer que ce sera le cas, on peut essayer d'y parvenir, on peut décider que c'est une priorité et agir en conséquence, mais il ne faut pas non plus s'attendre à un miracle.

[Traduction]

    C'est parfait.
    J'aimerais parler rapidement des articles sur la présomption du projet de loi, parce que je crois qu'ils sont aussi très importants. D'autres témoins nous ont dit qu'ils allaient donner à la police un outil très solide pour intenter des poursuites, parce que, parfois, les victimes ne veulent pas parler. Dans ces cas, la police peut utiliser cet article.
    D'après vous, dans quelle mesure est-il important de s'assurer de bien rédiger cet article et de le rendre le plus clair possible?
    Je pose la question à qui veut répondre.
    Il est évident qu'il faut donner les meilleurs outils possible aux agents de la paix pour qu'ils puissent intervenir dans de tels cas. C'est en grande partie ce que nous demandons, et nous demandons aussi une communication efficace des renseignements à ceux qui interviennent dans ces dossiers.
    En ce qui a trait au fait de s'assurer de bien le rédiger, mon collègue a mentionné que, très souvent, certaines de nos résidentes font une déclaration à la police ou au triage de l'hôpital et disent: « non, non. C'est mon petit ami. Il n'y a pas de problème. Je veux qu'il reste dans la salle avec moi. Je suis très heureuse qu'il soit ici. Il m'aide beaucoup. » Puis cette déclaration est incluse dans le dossier et est utilisée comme preuve selon laquelle ce n'était peut-être pas aussi mauvais que ce qu'elle affirme maintenant. Nous ne voulons pas que cela se produise. Nous voulons nous assurer que ce genre de déclaration et ces genres de preuves ne sont pas utilisés comme preuve contraire. Nous savons que les femmes formulent ce genre de déclaration; c'est une technique de survie ou un mécanisme de défense. Elles ne sont qu'un des éléments du dossier de traite, un élément dans un dossier complexe.
(1625)
    Merci de ces questions et de ces réponses.
    Le prochain intervenant est M. Mai, du Nouveau Parti démocratique.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Je vous remercie tous et toutes d'être présents aujourd'hui. Je vous remercie également de votre travail, qui est assez extraordinaire.
    Ma première question s'adresse aux représentantes du CATHII.
     J'ai déjà demandé à l'initiatrice de ce projet de loi si ce dernier pouvait aussi couvrir les personnes exploitées sur le plan du travail, notamment les travailleurs domestiques. Plusieurs experts nous ont confirmé que le projet de loi couvrait ces situations, puisqu'il y avait vraiment un problème de ce côté aussi.
    Je pense que vous l'avez mentionné, mais pourriez-vous nous dire plus en détail comment le projet de loi pourrait aider les travailleurs domestiques?
    Le projet de loi de Mme Mourani est un ajout à ce qui existe au sujet de la traite des personnes. Comme nous l'avons mentionné dans notre présentation, il s'agit souvent d'un parcours. Pour avoir travaillé pendant de nombreuses années auprès de travailleuses domestiques, je sais en effet que dans bien des cas, ces travailleuses migrantes ont eu à se prostituer avant d'arriver au Canada.
    Au Canada, elles sont exploitées dans le contexte du travail domestique, mais c'est peut-être le moins pire aspect de ce qu'elles ont vécu pendant leur parcours. Souvent, il s'agit de la même agence qu'elles ont connue aux Philippines, à Hong Kong, à Paris et à Montréal. Le fait qu'une loi permette de séparer les deux situations tout en tenant compte des deux constitue un ajout, à mon avis.
    Certains experts ont établi une distinction. Ils ont dit que des travailleurs domestiques étaient en effet exploités, qu'ils faisaient l'objet d'un trafic, mais que ça n'était pas directement issu du milieu de la prostitution ou que ça n'allait pas nécessairement dans cette direction. Ils ont affirmé néanmoins qu'il fallait s'attaquer à cette question. On s'entend là-dessus.
    Madame Miville-Dechêne, j'espère pouvoir être présent — et je crois bien que ce sera le cas — lorsqu'on va vraiment parler de prostitution. Il a été question de l'arrêt dans la cause Bedford. En outre, plusieurs experts qui ont comparu devant nous ont parlé du modèle suédois.
     Vous avez dit, je pense, que la prostitution ne menait pas toujours à la traite, mais que la traite menait toujours à la prostitution.
    Ne met-on pas de côté les femmes qui sont exploitées en tant que travailleuses domestiques, mais qui ne sont pas nécessairement reliées à la prostitution?
    Loin de moi l'idée de faire cela. Je disais que la traite des personnes à des fins d'exploitation sexuelle menait toujours à la prostitution, mais non l'inverse.
    Vous avez raison de dire qu'il ne faut pas oublier les femmes — et les hommes, d'ailleurs — qui sont dans cette situation. Nous n'avons pas de chiffres très solides à ce sujet, mais dans le cas de la prostitution, nous savons qu'environ 80 % des victimes sont des femmes et des jeunes filles. Par contre, ces dernières représentent 66 % des victimes dans le cas du travail forcé. Elles sont donc un peu moins dominantes, mais tout de même majoritaires dans ce domaine.
    Je vous avoue que notre expertise ne s'est pas étendue jusque-là. Notre avis porte vraiment sur l'exploitation sexuelle. En ce sens, Mme Dionne est passablement plus outillée que moi.
    Je conviens que l'exploitation à des fins sexuelles est horrible et qu'il faut vraiment s'y attaquer. Cependant, comme on traite de ces sujets et qu'on parle de prévention, je pense qu'il est important d'aborder cette situation qui touche beaucoup de femmes.
    Sur ce, je vais céder le reste de mon temps de parole à mon collègue M. Jacob.
(1630)

[Traduction]

    Il reste du temps pour lui.

[Français]

    L'une des préoccupations que nous avions soulevées concernait les femmes autochtones, qui, je crois, vivent des problèmes particuliers.
     J'aimerais que chacune et chacun d'entre vous nous parle de cette situation.
    Qui veut commencer?
    Les femmes autochtones sont nettement surreprésentées parmi les femmes prostituées. Cet état de fait, qui est absolument triste, est attribuable à plusieurs raisons, notamment l'acculturation et la migration vers les villes. C'est un problème assez terrible.
     Pour ce qui est de la traite, je vais laisser la parole à Mme Dionne. Je dois vous dire, même si je dois m'arrêter un peu abruptement en raison du temps, que c'est une très grande préoccupation pour nous.
    D'accord.
    Les moyens auxquels les femmes autochtones peuvent avoir recours pour s'en sortir passent par le soutien d'initiatives provenant des communautés. Or même si le Plan d'action national de lutte contre la traite de personnes a consacré des programmes spécialement aux femmes et aux groupes autochtones, nous trouvons que le soutien à l'égard des initiatives issues des communautés est encore insuffisant.
    Ces femmes se sentent souvent exclues de la société en général. Pour elles, c'est souvent une façon de prendre le dessus. Pour cette forme d'exploitation, à savoir la traite interne, elles sont surreprésentées, même si elles ne représentent que 2 ou 3 % de la population canadienne. C'est inacceptable qu'on n'agisse pas un peu plus à ce sujet.
    Je voudrais simplement dire que, au gouvernement du Québec, nous venons de lancer une initiative sur la violence faite aux femmes et que celle-ci met l'accent sur les femmes autochtones. Nous n'avons pas encore vu les résultats de cette initiative; elle a été annoncée il y a peu de temps.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Jacob, nous avons une autre série pour le NPD que vous pourrez utiliser.
    Le prochain intervenant est M. Armstrong du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président. Je vais peut-être donner un peu de mon temps à mon collègue.
    Je vais commencer par l'Armée du Salut.
    Madame Krueger, pouvez-vous me dire rapidement ce que vous faites, à la résidence Deborah's Gate?
    Le refuge Deborah's Gate est une maison d'hébergement pour les survivantes de la traite de personnes. Nous avons dix places pour des femmes qui ont été exploitées, au Canada, et à l'étranger.
    Nous sommes là, premièrement, pour leur offrir un endroit sécuritaire, alors c'est situé dans un endroit secret. Un soutien est offert 24 heures sur 24. Nous bénéficions d'un merveilleux soutien communautaire à Vancouver. Il y a des conseillers cliniciens qui offrent du counseling traumatologique, des conseillers en toxicomanie, qui fournissent du counseling individuel. Nous bénéficions d'un incroyable soutien de Citoyenneté et Immigration, nous avons un représentant de CIC, à Vancouver. Nous comptons sur une importante équipe de juristes qui nous parle de différents sujets. Très souvent, il y a des questions liées à un divorce ou au droit familial et d'autres questions du genre, et ils nous fournissent des ressources et des services.
    Nous faisons de notre mieux pour redonner aux survivants ce qu'on leur a pris, que ce soit une douzième année, une relation avec leur famille ou l'occasion d'occuper un emploi désiré. C'est très différent d'un jour à l'autre, mais c'est principalement un environnement sécuritaire de rétablissement.
    On en a parlé en réponse à la question de M. Seeback sur les peines lorsqu'on faisait la différence entre des peines concurrentes ou des peines consécutives. Après votre expérience, y a-t-il beaucoup de victimes qui n'ont pas témoigné parce qu'elles pensaient que leur agresseur n'allait pas se voir infliger une peine assez longue? Même s'il y avait quatre ou cinq femmes qui pouvaient témoigner, si la peine devait être purgée de façon concurrente, elles pouvaient se demander si ça en valait la peine.
    Est-ce une impression courante chez les victimes que vous aidez?
    Je dirais que ce n'est que récemment que nous avons réussi à pousser des victimes à témoigner, parce que ce n'est que récemment que nous avons obtenu le soutien et la compréhension de la collectivité concernant le lien entre la traite de personne et le Code criminel. C'est seulement depuis peu que nous avons pu travailler avec des agents de la paix qui sont prêts à enquêter et à appliquer le Code criminel.
    Le dernier dossier a été très décourageant. Au bout du compte, la victime s'est demandé pourquoi elle s'était donné toute cette peine, pourquoi elle avait accepté de vivre cette expérience. En fait — et c'est assez révélateur — elle a dit: « s'ils ne peuvent pas gérer le processus pénal comme il se doit, comment peuvent-ils assurer ma sécurité? » Elle s'était fait dire par les agents de police qu'elle allait compter sur les meilleurs avocats, et qu'ils allaient arranger les choses. Sa réponse a été que, s'ils n'avaient pas réussi à faire les choses de ce côté, ils n'allaient assurément pas pouvoir assurer sa sécurité.
(1635)
    En ce qui concerne les peines consécutives, combien de temps faudra-t-il pour faire passer le message aux victimes de ce crime? Est-ce que ce sera une victoire pour elles? Le verront-elles ainsi? Est-ce que cela les inspirera ou faudrait-il qu'il y ait d'autres changements par la suite?
    En fait, j'ai eu l'occasion de dire à certaines de nos résidentes qui attendent un procès que j'allais être ici aujourd'hui pour parler en leur nom et je leur ai dit que vous tous au sein du comité étiez prêts à envisager d'imposer des peines consécutives. Voici ce qu'elles m'ont répondu: « Dis-leur seulement que je serais bien plus en sécurité au Canada si c'était le cas. » C'est leur message.
    Merci.
    Je cède le temps qu'il me reste.
    J'ai seulement une minute, monsieur le président? D'accord.
    Très rapidement, Naomi, je sais que j'aurai l'occasion d'y revenir tantôt, alors je veux simplement y aller d'une déclaration. L'Armée du Salut a fait des choses extraordinaires pour aider les victimes de la traite de personnes. Vous nous encouragez, et je crois que l'imposition de peines consécutives sera très très importante pour toutes les victimes...
    Je sais que je n'ai pas beaucoup de temps, alors je vais céder la parole, monsieur le président. J'ai deux ou trois questions très importantes, mais je n'ai pas le temps. Merci.
    Merci, madame Smith.
    Il reste deux groupes. Il y a Mme Morin, du Nouveau Parti démocratique, qui aura les cinq prochaines minutes, puis nous terminerons avec M. Goguen.
    Madame Morin, la parole est à vous.

[Français]

    Je remercie les témoins qui comparaissent aujourd'hui. Leurs témoignages étaient très pertinents.
    J'ai d'abord un commentaire qui s'adresse aux représentantes du CATHII.
     J'étais présente lors de la conférence que vous avez donnée en avril dernier. La plupart des conférenciers ont fait valoir qu'il fallait mettre la victime au centre du processus. J'ai trouvé très intéressant, la première journée, de voir une femme qui avait fait de la prostitution se lever pour nous expliquer à quel point elle trouvait difficile de se sortir de ce processus. Elle a aussi souligné le peu d'aide disponible en ce sens.
    Un des quatre piliers du plan d'action concerne l'aide aux victimes. Or je pense que c'est celui dans lequel on investit le moins.
    Trouvez-vous qu'on aurait pu en faire un peu plus pour ce qui est de l'aide prodiguée aux victimes?
    Ma question s'adresse à tous les groupes.
     Comme je l'ai mentionné plus tôt, dans le cas des femmes autochtones, soutenir les initiatives issues des communautés est vraiment incontournable. Les communautés connaissent les enjeux et elles sont à même de trouver des solutions. Elles en ont.
    Votre collègue a parlé plus tôt des victimes de travail forcé. À ce sujet, il est essentiel, à mon avis, de revoir les programmes d'immigration pour les travailleurs étrangers. Ça les rend vulnérables. Pour ma part, j'ai aidé une travailleuse domestique à se libérer de l'exploitation pour finalement me rendre compte qu'elle était en train de tomber dans un réseau de proxénètes. On règle un problème, mais parce qu'on n'a pas de moyens et de ressources pour venir en aide à ces personnes, elles deviennent victimes de traite interne.
     Il est important de lier les deux situations. Elles ne sont pas indissociables. Le projet de loi de Mme Mourani ne les dissocie pas: il renforce l'un des deux, mais n'enlève rien à l'autre. Je pense qu'il n'y a pas de problème de ce côté.
     Il faut aussi soutenir les provinces pour ce qui est des mesures d'aide, surtout en ce qui a trait à la santé, aux services sociaux et à l'éducation. Il faut aussi aider les femmes à trouver un emploi pour qu'elles puissent se sortir de la prostitution. Autrement, elles vont demeurer vulnérables et rester dans le domaine de la prostitution.
     Mme Dionne a parlé plus tôt de la Convention de Palerme et du fait que le produit du crime et les biens confisqués aux trafiquants pourraient servir aux victimes de la traite. Ça n'a pas été ajouté au projet de loi de Mme Mourani, je crois, mais cette mesure importante pourrait aider les victimes. Les policiers de Montréal qui travaillent dans l'ouest de la ville nous ont dit manquer de ressources, dans leur budget, pour venir en aide aux victimes de la traite. Même eux manquent de ressources pour venir en aide aux survivantes de la traite. C'est vraiment une lacune.
(1640)
    Je me joins à Mme Dionne pour dire que des services sociaux et des services de santé doivent être fournis à ces victimes et qu'il faut, par conséquent, soutenir les provinces. Tout cela coûte cher. De nôtre côté, nous faisons 10 recommandations dans notre avis, dont le soutien aux provinces. Je vous dirais que tout ça repose sur un changement de mentalité. Comment peut-on changer celle des clients? Si des femmes prostituées s'adonnent à la traite, c'est qu'il y a des clients de l'autre côté.
    On parle ici d'un changement de mentalité profond. Il faut convaincre les gens, au moyen de campagnes publiques, qu'aller voir une prostituée n'est pas un acte banal, que c'est une forme d'exploitation. Vous allez peut-être me trouver naïve, mais la Suède a réussi à convaincre une grande partie de sa population que c'était une forme d'exploitation. En ce sens, les campagnes fonctionnent, un peu comme dans le cas de la violence conjugale. On devrait procéder d'une façon semblable pour la traite et la prostitution.

[Traduction]

    Je ne sais pas si vous aimeriez ajouter quelque chose.
    Je devrais simplement ajouter que le refuge Deborah's Gate est entièrement financé par des fonds privés, alors nous sommes à la merci de ceux qui nous soutiennent dans la collectivité. Par conséquent, s'il était possible d'ajouter à l'excellent travail qui a déjà été accompli, le fait de disposer des ressources pour pouvoir appuyer ces initiatives non seulement en Colombie-Britannique, mais partout au pays serait, selon moi, fabuleux. De fait, 620 000 $, c'est beaucoup d'argent, alors s'il y avait une façon de récupérer une partie de ces ressources et de les consacrer au rétablissement et au processus de guérison des victimes, je crois que cela renforcerait beaucoup le travail qui a déjà été fait.
    Merci. C'est tout le temps que vous avez. Je suis désolé, madame.
    Merci de ces questions et de ces réponses.
    Notre dernier intervenant est M. Goguen, du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai une courte question et je vais céder le reste de mon temps à Mme Smith.

[Français]

    Je vous remercie d'être venus témoigner aujourd'hui.
    En novembre 2012, le projet de loi C-10, Loi sur la sécurité des rues et des communautés, est entré en vigueur. Entre autres, cette loi prévoyait qu'il ne serait plus possible pour un juge ayant condamné un individu dans un cas de traite de personnes de permettre à celui-ci de purger sa peine à domicile.
    À votre avis, est-il important que les gens condamnés pour de la traite de personnes ne puissent pas purger leur peine à domicile?
    Bien...
    Il me semble que ça va de soi.
    Les prisons sont pleines. Je ne sais pas si on a les ressources suffisantes pour maintenir tout le monde en prison.
     Nous ne sommes pas contre le principe. Est-ce faisable? C'est la question que je me pose.
    Je cède la parole à Mme Smith.

[Traduction]

    Je dirais simplement qu'il faudrait redéfinir les priorités: il va en prison. Je crois que la traite de personnes doit absolument être abordée du point de vue du Code criminel.
    C'est un crime horrible.
    Mme Naomi Krueger: Oui, c'est horrible.
    Madame Smith.
    Merci.
    Merci aux invités d'être parmi nous aujourd'hui.
    J'ai deux questions. Je suis d'accord avec vous pour ce qui est du modèle suédois. C'est devenu le modèle scandinave, et il faut mettre l'accent sur les auteurs et non les victimes.
    Mais prenons une minute pour parler des victimes.
    Naomi, vous et moi avons vécu des moments très difficiles cette année avec une victime qui a participé à un procès. Son histoire s'est mal terminée, parce que le crime organisé est impliqué. Le crime organisé est extrêmement puissant et a beaucoup de ressources financières.
    Lorsqu'il y a une petite fille assise dans une salle du tribunal et que son agresseur la dévisage et que ses amis entrent dans la salle et font la même chose, non seulement à elle, mais à tous ceux qui sont dans la salle de cour, et qu'on parle des droits des victimes, y compris le droit de témoigner sans cette coercition et cette intimidation, silencieuse, mais bien présentes, qui ressortent clairement du langage corporel et de tout le reste, que peut-on faire en ce qui a trait aux droits des victimes? Que devrait-on faire pour changer cette situation?
    Je crois qu'il faut se rappeler que c'est une question de dignité. Il faut pouvoir témoigner dans la dignité, être témoin dans la dignité et s'assurer que tout le monde comprend que la victime est en train de décrire en détail quelque chose d'horrible à de parfaits étrangers — souvent devant un jury et des juges de sexe masculin. C'est donc un genre de nouveau traumatisme. Je crois qu'il faut vraiment le reconnaître et qu'il devrait y avoir un genre de formation et de sensibilisation sur l'ESPT pour ceux qui participent au processus de justice pénale dans des cas de traite de personnes. Ainsi, quand une victime se présente devant le tribunal et accepte de raconter son histoire, elle peut compter sur la protection de ceux qui assurent sa sécurité.
(1645)
    Prenons le cas de cette victime, parce que vous et moi la connaissons très bien. Elle a passé au travers du procès en sachant que quelque chose ne tournait pas rond, et, maintenant, elle doit se cacher à nouveau, mais vous êtes ici aujourd'hui. C'est très pratique, et je sais que c'est important pour beaucoup de victimes. Vous êtes ici aujourd'hui dans ce Parlement sachant qu'il y a des membres des deux côtés de la Chambre qui travaillent ensemble pour renforcer la loi contre la traite de personnes et qui essaient de rendre la loi le plus efficace possible pour la protéger.
    Ce soir, lorsque nous étions dans cet endroit gardé secret avec les détectives et tous les autres intervenants, elle a dit ce qui suit: « merci de me faire sentir comme si j'en vaux la peine ». Pouvez-vous nous en parler davantage aujourd'hui, nous dire en quoi cela l'aidera à continuer? Parce qu'elle doit attendre plus de un an avant de témoigner à nouveau.
    Dans le cas de cette personne, le procès a été déclaré nul. Ils ont récemment annoncé la nouvelle date du procès, en septembre 2014.
    Alors après avoir attendu un an et demi pour témoigner contre ses cinq trafiquants, la victime a appris que le procès était déclaré nul. Elle devra attendre une autre année et demie avant de témoigner de nouveau.
    Durant cette période, elle allait à l'école. Dès la fin de son témoignage, elle a arrêté de prendre ses médicaments anxiolytiques. Elle avait hâte de retourner aux études. Elle a commencé à faire des plans. Elle allait revoir certains des membres de sa famille. Puis, elle a découvert que le procès avait été déclaré nul, et elle a vraiment été ébranlée. Tout le travail que nous avions fait pendant un an et demi pour lui redonner sa dignité et de l'espoir était à refaire. Lorsqu'elle a appris qu'elle devait attendre une autre année et demie avant de témoigner, elle a vraiment eu de la difficulté à donner un sens à tout ça.
    Je crois que c'est révélateur de ce qui cloche dans notre système de justice pénale lorsqu'on tente de s'attaquer à ce crime. Je crois qu'il faut se rappeler qu'on demande à ces personnes de mettre leur vie en suspens afin qu'on puisse tenir leurs bourreaux responsables de leurs actes. On ne devrait pas imposer un aussi lourd fardeau aux victimes. Je crois que nous devons faire preuve de créativité en ce qui concerne la façon dont nous traitons ces dossiers, et tenons les auteurs responsables sans en demander autant aux victimes.
    Je vais m'arrêter ici.
    Merci beaucoup.
    Merci de vos questions. C'est tout le temps que nous avions.
    Je tiens à remercier les témoins d'aujourd'hui de nous avoir fourni des renseignements concernant le projet de loi à l'étude. Au nom du comité, je remercie chacun d'entre vous et vos organisations du travail que vous faites sur le terrain. Nous comprenons que nous tous, ici présents, n'avons pas à gérer ce problème au quotidien — peut-être que c'est le cas de Mme Smith —, mais nous savons que vous vous en occupez, et nous vous en remercions vraiment.
    Cela dit, nous allons suspendre la séance pour une minute afin de permettre à nos invités de partir. Nous allons demander au personnel du comité de la justice de bien vouloir prendre place, le greffier législatif aussi, en vue de l'étude article par article.
(1645)

(1650)
    Nous reprenons nos travaux.
    J'invite aussi Mme Mourani à participer à la discussion, si elle le souhaite. Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire — son projet de loi —, et je crois que c'est la moindre des choses qu'elle participe à la discussion si elle le souhaite. En ma qualité de président, je vais me plier à sa volonté, car il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire.
    Mesdames et messieurs, je crois que nous avons neuf amendements pour le projet de loi à six articles. Nous avons réservé la période allant jusqu'à 17 h 15, mais nous pouvons rester plus longtemps au besoin, évidemment, car nous devons terminer ce travail.
    Alors, nous procédons à l'étude article par article du projet de loi C-452. Levez la main, nous prendrons des notes et nous vous donnerons la parole. Et si vous avez une question à poser aux représentants du ministère, n'hésitez pas, ils se feront un plaisir de répondre — je ne suis pas certain que Nathalie se fasse un plaisir de le faire, mais elle est là pour ça — ou pour éclaircir un aspect ou un autre de la décision. C'est pourquoi je suis entouré des greffiers, car ils ne croient pas que je sache ce que je fais.
    Ils ont raison.
    Des voix: Oh, oh!
    Et voilà.
    (Article 1)
    Le président: Pour l'article 1, il y a des amendements du Parti libéral et des amendements du Parti conservateur.
    Les greffiers m'informent que, en fait, les quatre amendements des libéraux sont irrecevables, mais je vais laisser le Parti libéral en parler. Ensuite, je vais lire pourquoi, selon l'information du greffier, ils sont irrecevables, puis nous pourrons poursuivre à partir de là.
    Si vous n'êtes pas d'accord avec moi, alors vous devez contester la présidence, puis il faudra présenter une motion pour appuyer la présidence, et ainsi de suite.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Mais nous n'allons pas nous inquiéter de cette éventualité avant qu'elle s'avère.
    Quoi qu'il en soit, pour l'article 1, le premier amendement provient du Parti libéral.
    Monsieur Casey, je vais vous donner la parole, si vous aimeriez proposer votre amendement.
(1655)
    Merci, monsieur le président.
    Vous avez l'amendement LIB-1 devant vous. Le projet de loi C-452 exige des juges qu'ils imposent des peines consécutives pour les infractions prévues à l'article 212 du Code criminel. Cet amendement permet des exceptions si le juge estime que des peines consécutives ne serviraient pas l'intérêt supérieur de la justice, à condition qu'il fournisse une explication écrite dans de tels cas.
    Je n'ai pas assisté aux témoignages, mais je crois comprendre que vous avez entendu des arguments convaincants selon lesquels il fallait renverser la norme actuelle de peines concurrentes pour l'exploitation afin de dissuader les auteurs d'exploitation d'élargir leurs activités. À mon avis, on peut le faire sans compromettre le bon fonctionnement des garanties du système judiciaire ou de la Charte, comme les mesures de protection contre les peines cruelles et inusitées.
    Ainsi, l'amendement ne changerait rien à la directive du projet de loi à l'intention des juges pour que les peines infligées à la suite d'une infraction à l'article 212 du Code soient purgées de façon consécutive, tout en permettant l'imposition de peines concurrentes dans des circonstances exceptionnelles, ce qui confère un certain pouvoir discrétionnaire au juge. En outre, le juge serait tenu d'expliquer par écrit sa décision d'imposer des peines concurrentes le cas échéant.
    Merci, monsieur Casey. Je vais trancher en ce qui concerne cet amendement.
    Le projet de loi C-452 modifie le Code criminel afin d'y introduire des peines consécutives pour les infractions liées au proxénétisme et à la traite de personnes. Avec cet amendement, on propose d'ajouter une disposition qui permet de purger ces peines de façon concurrente.
    Comme le prévoit la Procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, à la page 766, « Un amendement à un projet de loi renvoyé à un comité après la deuxième lecture est irrecevable s'il en dépasse la portée et le principe. »
    Le président est d'avis que l'ajout d'une disposition qui permettrait que les peines découlant de ces infractions soient purgées simultanément serait contraire à l'essence même du projet de loi et, par conséquent, est irrecevable. Comme l'amendement LIB-4 est corrélatif à celui-ci et contient la même disposition, il est également irrecevable.
    Je déclare qu'il est irrecevable. Y a-t-il des questions ou des commentaires à cet égard?
    Je n'en vois aucun, alors nous allons poursuivre. L'article 1 est-il adopté?
    (L'article 1 est adopté.)
    (Article 2)
    Le président: Il y a des amendements pour l'article 2.
    Pour parler de l'amendement du gouvernement G-1, nous avons M. Goguen.
    Monsieur le président, vous avez tous les amendements sous les yeux. Je suis certain que tout le monde en a une copie. J'en déduis qu'il est inutile que je répète l'amendement, alors je vais simplement expliquer le raisonnement.
    Oui, le raisonnement serait fantastique. Je crois que tout le monde a une copie.
    Très bien, monsieur le président.
    L'amendement se rattache au paragraphe 2(1). Nous proposons la suppression du paragraphe 2(1) du projet de loi. Cette disposition proposait d'inclure les mots « que ce soit dans un contexte interne ou international », sous la rubrique « Traite de personnes ». Il s'agit de l'article 279.01.
    L'objectif du paragraphe 2(1) est ambigu et risque d'entraîner des problèmes d'interprétation. S'il a pour objectif de garantir l'application des infractions aux Canadiens coupables d'infraction de traite de personnes à l'étranger, le Code criminel le fait déjà, grâce au projet de loi de Joy Smith, le projet de loi C-310, promulgué en juin 2012, qui étend la compétence extraterritoriale dans un tel contexte. Si l'objectif est de s'assurer que l'infraction englobe les cas de traite de personnes à l'extérieur des frontières canadiennes ainsi que ceux qui ont entièrement lieu au Canada, c'est déjà le cas.
    En outre, l'amendement proposé entraînerait une disparité sur le plan du traitement de l'infraction principale et des trois autres.
    Merci.
    À titre d'information, vous maîtrisez si bien l'anglais que, si vous pouviez ralentir un peu pour l'interprétation à l'avenir, cela serait fantastique.
    D'accord.
    D'accord.
    Y a-t-il des questions au sujet de l'amendement G-1?
    Madame Mourani.

[Français]

    Je voudrais d'abord remercier tous mes collègues d'accepter que je sois ici aujourd'hui pour discuter des amendements présentés. J'aurais pu en parler plus avant, mais malheureusement, je ne les ai reçus que ce matin.
    Je comprends très bien la position de mon collègue M. Goguen. Par contre, l'ajout qui est fait ici ne concerne pas l'extraterritorialité. Il concerne un point qui a été à plusieurs reprises porté à mon attention, à savoir qu'à l'heure actuelle, que ce soit les procureurs ou les policiers, les gens décident un peu comme ils le veulent s'il s'agit ou non de traite de personnes.
    Lorsqu'il s'agit de personnes venant de l'étranger qui arrivent au Canada, la traite est vraiment considérée comme étant internationale, mais lorsqu'il s'agit de traite interne, soit d'une ville à une autre ou d'une province à une autre, il y a une certaine subjectivité. Dans certains cas, c'est considéré comme de la traite, et dans d'autres, c'est vu comme du proxénétisme, s'il y a de l'exploitation sexuelle. Ça ne concerne donc pas l'extraterritorialité, dont traite déjà le Code criminel. C'est d'ailleurs par l'entremise de Mme Smith qu'elle y a été introduite. L'objectif est simplement de préciser que dans les cas où des individus sont déplacés d'une ville à l'autre ou d'une province à l'autre, c'est de la traite; ce n'est pas forcément uniquement du proxénétisme.
    Les témoins que nous avons entendus aujourd'hui ont dit que cette subtilité faisait que dans certains cas, le Code criminel pouvait être interprété différemment, selon les individus qui étaient en cause. Cela permet donc d'apporter une précision, tout simplement.
(1700)

[Traduction]

    Merci.
    Le prochain intervenant est M. Casey.
    En fait, je partage l'avis de Mme Mourani. Le projet de loi C-452 ajoute les mots « que ce soit dans un contexte interne ou international » à la description de l'infraction de traite de personnes. Or, le présent amendement les retirerait, si je comprends bien M. Goguen, parce qu'ils ne sont pas nécessaires et que la disposition s'applique déjà dans un contexte interne ou international.
    Nous savons, à la lumière des témoignages et de différents rapports d'ONG, qu'il s'agit vraiment, en termes généraux, d'un crime international. Je crois que l'énoncé clarifie l'intention du Parlement selon laquelle une infraction de traite de personnes devrait donner matière à des poursuites, que la traite se soit entièrement déroulée en territoire canadien ou non. Je crois qu'il reflète une reconnaissance de la portée et de l'ampleur du problème ainsi que notre désir de prendre toutes les mesures nécessaires pour nous y attaquer. Je crois que ces mots ajoutent quelque chose et je n'estime pas qu'on devrait les retirer ni que l'amendement devrait être adopté.
    Madame Boivin.

[Français]

    J'aimerais demander l'avis de la spécialiste du ministère de la Justice.
     Je comprends le point. D'après ce que je lis, c'est sans aucune limitation. Quand la personne qui a déposé le projet de loi en parle, je constate que c'est aussi considéré dans une optique très large. Vous dites toutes deux la même chose, mais pas avec les mêmes mots. Il serait peut-être intéressant de savoir ce que vous avez à nous dire à ce sujet.
     Le fait d'ajouter les deux expressions est-il limitatif?

[Traduction]

    Madame Levman.
    L'infraction telle que libellée actuellement englobe les cas qui ont lieu en sol canadien ainsi qu'à l'étranger. Ainsi, ce n'est pas nécessaire. La loi le prévoit déjà.
    L'autre préoccupation découle du fait que l'énoncé est seulement ajouté à l'article 279.01. Nous savons qu'il existe une infraction de traite d'enfants ainsi qu'une infraction relative au gain financier et aux documents, qui sont toutes des infractions de trafic au même titre. Si on ajoute un énoncé pour une infraction et pas pour les autres, un tribunal pourrait déterminer que cela signifie quelque chose de différent. À mon avis, le manque de cohérence risque d'être problématique lorsque les tribunaux interpréteront ces dispositions.

[Français]

    C'est d'ailleurs le point que je voulais soulever. Si on ajoute cette expression, il faudrait aussi qu'elle figure à l'article 279.011, autrement il va y avoir un illogisme. De deux choses l'une: on la met partout ou on ne la met nulle part.
    Le problème est qu'on n'a peut-être pas l'information nécessaire pour déterminer si on peut l'ajouter dans d'autres dispositions. J'ai tout de même pu voir, en consultant la section dans son entier, que ça aurait pu s'appliquer à l'article 279.011 également. Je ne comprends pas pourquoi ça ne s'applique plus dans le cas des mineurs alors que ça s'applique dans d'autres contextes.
    Je pense que vous avez répondu à cela. D'après ce que je comprends, même si cette notion n'est pas incluse dans le projet de loi, le résultat recherché par Mme Mourani est obtenu de toute façon. Est-ce bien ce que vous nous dites?
(1705)

[Traduction]

    Oui, l'infraction englobe les cas nationaux et les cas internationaux.
    L'autre chose que vous voudrez peut-être examiner, c'est la question de savoir s'il y a ou non d'autres types d'infractions comportant des aspects internationaux auxquelles vous aimeriez ajouter cet énoncé. Je dis cela, parce que les tribunaux pourraient déterminer — même si les mots sont ajoutés à toutes les infractions de traite — qu'il y a une différence entre la traite et d'autres types d'infractions qui ont lieu en sol étranger.
    Merci beaucoup de ces réponses.
    Tous ceux qui sont pour l'amendement G-1?
    (L'amendement est adopté.)
    Le président: Maintenant, nous allons passer à l'amendement G-2.
    Monsieur Goguen.
    Lentement...
    Eh bien, moins vite...
    Je plaisantais, monsieur le président.
    Nous proposons de modifier le paragraphe 2(2).
    Cette disposition ajoute une présomption d'exploitation d'une victime de traite pour une personne qui s'avère être souvent en sa compagnie.
    L'amendement que nous proposons intégrerait à la disposition la notion de véritable présomption, semblable à celles qui existent dans le Code criminel, comme celles prévues au paragraphe 212(3) du Code. Les présomptions permettent aux procureurs de démontrer l'existence d'un élément constituant de l'infraction en établissant un fait connexe, qui n'entre pas dans la composition de l'infraction.
    Selon son libellé actuel, la présomption proposée n'atteint pas cet objectif, surtout parce que le fait présumé que l'accusé exploite la victime ne correspond pas vraiment à un élément constituant de l'infraction de traite.
    Notre amendement permettrait aussi de s'assurer que la présomption proposée s'applique également aux infractions de traite d'enfants, prévues aux paragraphe 279.01(1), entrées en vigueur en juin 2010, à la suite du projet de loi d'initiative parlementaire de Joy Smith, le projet de loi C-268, Loi modifiant le Code criminel (peine minimale pour les infractions de traite de personnes âgées de moins de 18 ans).
    Merci.
    Nous avons des commentaires de Mme Boivin.

[Français]

    Je ne sais pas si c'est parce que je suis grippée et que mon cerveau est un peu embrumé, mais je comprends mal les numéros relatifs à cet article.
    En adoptant l'amendement G-1, en fin de compte, on a supprimé le paragraphe 2(1) du projet de loi. Ça veut donc dire que l'article 2 ne comprend plus de paragraphe (1). Je ne suis pas certaine que les numéros soient cohérents, mais c'est peut-être moi qui suis un peu confuse. On dit ici:
Que le projet de loi C-452, à l'article 2, soit modifié par substitution, aux lignes 1 à 6, page 2, de ce qui suit :

« (3) [...]
    Cependant, ce n'est plus le paragraphe (3). Je présume que ça devrait être le paragraphe (2).

[Traduction]

    Aimeriez-vous répondre?
    Je crois que (3) se rapporte à l'endroit où cela figurerait dans le Code proprement dit...
    ... le projet de loi en tant que tel, mais nous comprenons qu'il ne s'agirait plus de (3), parce que (1) vient tout juste...
    Permettez-moi de répondre.
    Seulement pour nous assurer de ce que nous faisons...
    Selon le greffier, à l'article 279.01, la seule chose que prévoyait l'amendement était d'éliminer les mots « que ce soit dans un contexte interne ou international ». Le paragraphe du document existe toujours. Tout ce verbiage avait pour but de supprimer ces sept ou huit mots.
    Le numéro est clair dans le projet de loi, mais pas dans la loi.
    Est-ce que cela vous va?
    Monsieur Casey, puis Mme Mourani.
    Le verbe « héberger » a été retiré. Il figure dans la version originale, mais l'amendement le supprimerait. Y a-t-il une raison de le supprimer?
    La nouvelle définition en tiendrait compte, n'est-ce pas?
    Aimeriez-vous répondre à cette question?
    « Héberger » correspond à l'un des actes qui caractérisent l'infraction proprement dite. Ici, on décrit le fait connexe que le procureur serait tenu d'établir. Alors, le procureur établirait que l'accusé « vit avec » une personne exploitée ou « se trouve habituellement en sa compagnie » et, une fois qu'il l'a fait, il a établi un véritable élément constituant de l'infraction, qui consiste à exercer un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements de la personne.
    Il s'agit en quelque sorte d'une modification de forme, mais, si vous regardez le paragraphe 212(3), ce qui est très utile... Il est inspiré du paragraphe 212(3), que la Cour suprême du Canada a déclaré constitutionnel en 1992, et c'est pourquoi nous nous en sommes servi comme modèle.
(1710)
    D'accord.
    Est-ce que ça va, monsieur Casey?
    J'ai quelques observations à ce chapitre. La réponse à la question me satisfait, mais j'ai des préoccupations quant à l'amendement; permettez-moi de les exposer, monsieur le président. Mes observations reposent sur quelques données hypothétiques, alors elles sont un peu longues et ont été préparées à l'avance.
    L'amendement remplace la disposition clé contenant la présomption selon laquelle quiconque vit avec une personne victime d'exploitation est réputé avoir exploité la personne ou avoir facilité son exploitation aux fins de la traite de personnes.
    Le comité sait que nous avons également soumis un amendement à cette disposition, qui sera peut-être présenté ou débattu. Il prévoit particulièrement « vivre des produits », ce qui, à notre avis, est un élément important qui devrait être intégré. Mes préoccupations par rapport à l'amendement G-2 proposé se rattacheront nécessairement au fait que, à notre avis, « vivre des produits » devrait figurer dans la disposition.
    La première préoccupation générale découle du fait que la présomption en question s'applique non pas à une personne qui n'est pas victime d'exploitation, mais à quiconque « vit avec une personne exploitée ou se trouve habituellement en sa compagnie ». Cela soulève la question des mineurs dont les parents seraient des trafiquants ou qui ne sont pas au fait de ce qui se produit. La présomption s'appliquerait aussi, par exemple, aux enseignants, qui ignorent peut-être qu'un enfant dans leur classe est victime d'exploitation, car on pourrait faire valoir qu'un enseignant est « habituellement en sa compagnie ».
    Bien entendu, nous voulons faciliter la poursuite des trafiquants, mais pas au risque de créer une définition trop générale. Ainsi, j'espère que, si l'amendement G-2 est adopté, on examinera en profondeur l'amendement LIB-3, pour protéger les mineurs contre l'application de cette disposition. Si le libellé n'est pas acceptable pour le gouvernement, j'espère qu'il proposera un sous-amendement à l'amendement G-2, pour régler le problème.
    Ma deuxième préoccupation se rattache aux détails de la présomption en question. Dans le projet de loi C-452, on propose de présumer que quiconque vit avec une personne exploitée ou se trouve habituellement en sa compagnie exploite cette personne ou en facilite l'exploitation. Selon l'amendement G-2, toute donnée démontrant qu'une personne est dans cette situation constitue la preuve qu'elle exerce un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements de la personne exploitée. Je crois que cette présomption est problématique et va à l'encontre de notre but partagé qui consiste à renforcer la poursuite des trafiquants.
    Selon la présomption du projet de loi C-452, ce qui est discutable, c'est la question de savoir si une personne en a exploité une autre ou a facilité son exploitation. Il s'agit d'une différente présomption à réfuter, qui va au cœur de la question, c'est-à-dire l'exploitation. Le libellé de l'amendement donne à penser que nous nous attachons à l'identité de la personne qui exerce un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements de la victime ou des victimes d'exploitation.
    Imaginons une situation où deux frères vivant ensemble exploitent un réseau de trafiquants à partir de leur domicile. Le frère qui interagit avec les personnes exploitées serait assurément visé par cette présomption, mais celui qui ne s'occupe que des finances et n'a aucune interaction réelle avec les victimes d'exploitation pourrait faire valoir que ses actes ne donnent pas lieu au contrôle ou à l'influence des mouvements des personnes. Il ne tombera peut-être pas sous le coup de cette présomption, tandis que le simple fait qu'il partage sa résidence suffirait à présumer qu'il est impliqué dans l'infraction, aux termes du projet de loi sans modification et aux termes du projet de loi contenant l'amendement libéral.
    Cet exemple illustre les limites de la présomption après l'amendement G-2, mais, dans certains cas, la présomption pourrait être trop générale. Par exemple, des femmes qui se côtoient en tant que travailleuses du sexe ignorent peut-être la mesure dans laquelle une d'entre elles est sous le contrôle de son proxénète, sur le plan financier ou autrement. Mais, en interprétant cette présomption de façon trop générale, toutes les travailleuses du sexe habituellement en sa compagnie seraient coupables d'avoir facilité son exploitation. Je ne crois pas que telle soit notre intention.
    Nous savons tous qu'une présomption semblable, se rattachant à des cas de prostitution, fait l'objet d'un examen par la Cour suprême dans l'affaire Bedford. Je n'ai aucune intention de nuire à son analyse, mais je crois que cette présomption pourrait avoir un effet profondément indésirable, voire inconstitutionnel.
(1715)
    Merci de votre patience, monsieur le président.

[Français]

    Madame Mourani, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais tout d'abord remercier mon collègue de cet amendement. Je trouve que cela a amené un peu plus de mordant. Par contre, sur le plan du français, je voudrais, si possible, ajouter le mot « et » après « exploitée », pour qu'on lise « qui n'est pas exploitée et vit ». Cela se lit mieux que « qui n'est pas exploitée vit avec une personne », formulation qui me semble un peu bizarre.
    Au-delà de cela, j'aimerais poser à Mme Levman une question à propos du fait d'ajouter ce qui suit: « [...] la preuve qu'elle exerce un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements de cette personne en vue de l'exploiter ou de faciliter son exploitation. » Cela ne va-t-il pas compliquer la tâche aux policiers qui devront faire la preuve, bien qu'il y ait un renversement? L'article initial stipule qu'à partir du moment où un individu vit avec une personne exploitée et qu'il n'est pas lui-même exploité, il est réputé exploiter celle-ci, à moins qu'il ne prouve le contraire. C'est tellement large que c'est beaucoup plus facile pour les policiers, avec d'autres méthodes d'enquête, d'en faire la démonstration hors de tout doute.
    Cependant, l'ajout des mots « contrôle », « direction » et « influence » ne met-il pas un peu plus de bâtons dans les roues aux policiers qui devront faire la preuve? Dans ce cas, ne vont-ils pas devoir d'abord prouver qu'il y a un contrôle, une influence, une direction avant d'appliquer le renversement de la preuve?

[Traduction]

    Non, en fait, la présomption ne fonctionnerait pas ainsi. La police aurait seulement à prouver que la personne vivait avec la victime d'exploitation ou était habituellement en sa compagnie. Une fois qu'elle l'a prouvé, elle a établi l'un des éléments constituants de l'infraction. L'expression « exerce un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements d'une personne » a seulement été choisie parce qu'on estimait qu'elle reflétait particulièrement bien le type d'actes que poserait une personne vivant avec la victime d'exploitation ou habituellement en sa compagnie.
    Alors, il n'est pas nécessaire de prouver cet élément particulier de l'infraction. Si le fait connexe est établi, l'élément est présent. Seulement à titre de clarification — il s'agit d'une question secondaire — cet énoncé a en fait déjà été interprété par la Cour d'appel du Québec, dans une affaire intitulée Perreault c. R., et le critère est très facile à respecter.
    Même si la présomption ne fonctionne pas pour une raison ou une autre et que la police et les procureurs doivent prouver devant un tribunal qu'une personne exerce un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements d'une autre personne, il est assez facile d'établir cela à la lumière de l'arrêt de la Cour d'appel du Québec. De fait, dans une affaire récente intitulée Urizar c. R., on a interprété ces mots à la lumière de l'arrêt Perreault.
    Je suis convaincue que cet énoncé est significatif en droit, même s'il n'est pas nécessaire de l'établir pour que la présomption fonctionne. C'est seulement une question secondaire qui est venue sur le sujet.
    Y a-t-il autre chose?

[Français]

    Merci beaucoup, c'est un bon point.

[Traduction]

    D'accord, merci.
    Madame Boivin.

[Français]

    J'aimerais m'assurer d'avoir bien saisi, en ce qui concerne le fardeau de la preuve pour les policiers, ou plutôt pour la Couronne, puisque c'est le procureur de la Couronne qui aura à faire la preuve. Cela ne complique pas plus la vie à ces gens que ne le faisait le contenu initial du projet de loi. Sauf erreur, on reprend davantage la terminologie employée aux articles 279.01 et 279.011 du Code criminel à cet égard, un peu comme on reprend la terminologie de l'article 212 pour ce qui est de la présomption, pour dire que c'est la preuve qu'une personne vit avec une personne prostituée ou se trouve habituellement en sa compagnie. Donc, on reprend toujours la terminologie de l'infraction comme telle. Cela semble plus clair que ce qu'il y avait initialement dans le projet de loi C-452. C'est ce que vous nous dites, finalement.
    L'emploi de cette terminologie ne change en rien la force du fardeau de la preuve pour la Couronne, ce qui est l'objectif visé par le projet de loi, c'est-à-dire donner des outils additionnels pour enrayer un fléau. Cela devrait être notre préoccupation. En fait, si on envoie le message clair, net et précis que c'est tolérance zéro pour la traite humaine et qu'on veut donner des outils additionnels aux policiers, le test mentionné là convient tout à fait.
    Ai-je bien compris? Si c'est le cas, ça me va.
(1720)

[Traduction]

    Je crois que oui. Je crois que le critère atteint le même résultat que le projet de loi C-452, mais il reflète mieux la terminologie déjà présente dans le Code criminel, dont la constitutionnalité a été confirmée, alors il est plus prudent. Mais il a la même incidence.
    Est-ce que les exemples qu'a donnés M. Casey vous inquiètent? Je trouvais qu'ils étaient un peu tirés par les cheveux, dans une certaine mesure, car je ne crois pas qu'un enseignant serait... J'ai du mal à le concevoir, honnêtement. Je veux dire, bien sûr, je peux prendre les cas les plus extrêmes, mais si l'objectif est vraiment d'envoyer un puissant message de lutte contre la traite de personnes, devrais-je m'inquiéter de la possibilité que des enseignants soient traduits en justice?
    Il faudrait imaginer une situation où un enseignant vit avec une personne exploitée ou « se trouve habituellement en sa compagnie », alors je m'en remets à votre...
    Merci.
    Y a-t-il d'autres commentaires sur l'amendement G-2?
    Comme je n'en vois pas, tous ceux qui sont pour?
    Madame Smith, vous ne pouvez pas voter. Je suis désolé. Je sais que vous aimeriez le faire, mais vous ne pouvez pas.
    Des voix: Oh, oh!
    (L'amendement est adopté.)
    Le président: C'est adopté, et, maintenant, nous pouvons passer à l'amendement LIB-2, qui, dans une certaine mesure, je crois, a essentiellement été présenté par M. Casey.
    Aimeriez-vous le présenter?
    Oui, s'il vous plaît.
    Monsieur le président, vous avez le projet de loi C-452 devant vous. Je l'ai mentionné dans mon intervention relative à l'amendement G-2. Essentiellement, l'amendement ajoute aux dispositions relatives au fait de vivre des produits de la traite ou de l'exploitation d'une personne, alors il se rapporte à l'exemple que j'ai donné pour l'amendement G-2, l'exemple des deux frères, dont un pourrait se soustraire à la présomption. L'un d'eux serait obligé de réfuter la présomption, mais pas celui qui s'occupe des finances. Il ne serait pas visé.
    Je partage toutefois les préoccupations de la marraine du projet de loi et des témoins découlant des faibles taux de poursuite de trafiquants et conviens du fait que les dispositions de présomption peuvent être avantageuses. De telles dispositions existent dans le Code criminel, mais le nombre en est limité, à juste titre, compte tenu de la présomption d'innocence. Le comité a entendu des témoignages selon lesquels ce renversement aiderait à condamner des délinquants dont la victime d'exploitation a trop peur pour témoigner. Il s'agit d'un objectif légitime, et je ne cherche pas à éliminer le renversement du fardeau de la preuve.
    Je cherche toutefois à m'assurer que cette mesure extraordinaire n'entraînera pas accidentellement la condamnation de personnes non coupables. Selon le libellé actuel du projet de loi, la disposition s'applique à quiconque se trouve habituellement en compagnie d'une personne exploitée, ce qui est trop vaste. Avec l'amendement, il faudrait démontrer qu'une personne vit du produit de l'exploitation pour qu'il y ait renversement du fardeau de la preuve.
    Compte tenu de l'importance de ces dispositions de renversement du fardeau au détriment de la présomption d'innocence, je crois qu'il est extrêmement important de ne pas faire d'erreur. On a dit que l'exemple était peut-être tiré par les cheveux, mais je ne crois pas que c'est le cas de l'exemple des deux frères. J'ai entendu M. Calkins parler de la possibilité d'invoquer les dispositions en matière de complicité dans le Code criminel, qui pourraient aider sur le plan de l'infraction en tant que telle, mais, en ce qui concerne la présomption réfutable que nous intégrons, ce n'est pas le cas.
    Je demanderais de prendre cela en considération. Merci.
(1725)
    Merci. En ma qualité de président, je vais déclarer cela irrecevable et je vais vous donner une version abrégée de la raison pour laquelle il en est ainsi.
    L'amendement suppose la création d'un nouveau paramètre à l'intérieur duquel la présomption ne pourrait pas exister à moins qu'on prouve tout d'abord que la personne vit « des produits de l'exploitation ». Comme le prévoit la Procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, encore une fois, à la page 766,« Un amendement à un projet de loi renvoyé à un comité après la deuxième lecture est irrecevable s'il en dépasse la portée et le principe. »
    Le président est d'avis que l'inclusion de ce paramètre va à l'encontre du fondement de base de la présomption contenue à l'article 2 et, par conséquent, l'amendement est irrecevable.
    Y a-t-il d'autres commentaires sur cette question? Non? D'accord.
    Nous allons maintenant passer à l'amendement LIB-3.
    Aimeriez-vous le présenter, monsieur Casey?
    Merci, monsieur le président.
    L'amendement est devant vous. Il est assez direct. Il exempterait les mineurs des dispositions en matière de renversement du fardeau que nous venons d'aborder. Je dois vous rappeler que les mineurs pourraient toujours être poursuivis pour avoir commis cette infraction avec toute la rigueur de la loi. L'amendement libéral ne change rien à cela. Le seul changement tiendrait au fait que le mineur ferait l'objet d'une poursuite normale de la Couronne, à qui incomberait le fardeau de la preuve durant tout le processus et qui ne pourrait pas recourir à cette présomption réfutable. Alors il ne change rien au fait qu'un mineur peut être poursuivi. Il modifie toutefois le renversement du fardeau de la preuve que prévoit actuellement la loi. C'est ce qui est proposé ici.
    Je demanderais à tous les membres du comité de m'aider à intégrer cette importante mesure de protection au projet de loi.
    Merci.
    Merci.
    Je vais maintenant déclarer que cet amendement introduit une exception aux dispositions relatives à la présomption en limitant leur application aux personnes âgées de plus de 18 ans et, bien sûr, selon la Procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, encore une fois, à la page 766 — je devrais lire la page plus attentivement, j'imagine —, « Un amendement à un projet de loi renvoyé à un comité après la deuxième lecture est irrecevable s'il en dépasse la portée et le principe. »
    Le président est d'avis que, en limitant l'application de cet article, l'amendement introduirait une nouvelle exception. Il s'agit d'un nouveau concept qui dépasse la portée du projet de loi, et, par conséquent, l'amendement est irrecevable.
    (L'article 2 modifié est adopté.)
    (Article 3)
    Le président: Pour l'article 3, nous avons l'amendement G-3, le troisième amendement du gouvernement.
    La parole est à vous, monsieur Goguen.
    D'accord, monsieur le président.
    On a les paragraphes 3(1) et 3(2), et nous proposons de supprimer le paragraphe 3(2), alors il n'y aura plus de paragraphe 3(1), seulement un article 3. Voilà les deux parties de l'amendement.
    Maintenant, je vais vous expliquer pourquoi nous proposons d'éliminer le paragraphe 3(2).
    Le paragraphe créerait une nouvelle définition d'exploitation aux fins de la traite de personnes, qui comprendrait des moyens particuliers, comme le recours à la force, la fraude, la tromperie et l'abus de pouvoir ou une situation de vulnérabilité. Le paragraphe 3(2) est vague et englobe des concepts qui n'ont pas été interprétés en droit canadien et, par conséquent, va probablement semer la confusion. En outre, l'enjeu auquel se rapporte l'amendement est déjà pris en compte dans le projet de loi C-310 de Joy Smith, Loi modifiant le Code criminel (traite de personnes), qui donnait lieu à une disposition interprétative sur les facteurs que peuvent examiner les tribunaux au moment de déterminer si un accusé a exploité une autre personne au sens des dispositions relatives à la traite de personnes.
    Parmi ces facteurs, il y a le recours à la force ou à la tromperie ou l'abus de la confiance d'une personne, ou du pouvoir de l'accusé.
    Merci. Y a-t-il des questions ou des commentaires?
    Madame Mourani.

[Français]

    D'après ce que je comprends, le point a) de l'amendement vise à enlever, à l'article 3, la version réécrite du paragraphe 279.04(1) du Code criminel.
    Mme Levman pourra peut-être nous confirmer cela, mais dans la version anglaise actuelle, le paragraphe 279.04(1) dit « to provide, or offer to provide ». Or dans la version française, cette nuance n'existe pas. C'est écrit « à fournir son travail », et non pas « à fournir son travail, ou à offrir de fournir son travail ». Il y a une incohérence entre l'anglais et le français.
    Cette disposition a pour but de corriger cette incohérence. Est-ce que je me trompe?
(1730)

[Traduction]

    Et vous avez tout à fait raison. À vrai dire, j'ai participé à la rédaction initiale de la disposition, et c'est le libellé initial, je crois, malheureusement, à tort. Le projet de loi C-310 l'a fait disparaître lorsqu'il est entré en vigueur. C'est seulement quelque chose qui a échappé aux rédacteurs.
    Alors je suis certaine que tout le monde vous saura gré de cette correction. On revient au libellé initial.

[Français]

    Je voudrais faire remarquer à mon collègue que le fait d'indiquer dans l'amendement G-3 « par substitution, à la ligne 7, page 2 » a pour effet de réintroduire l'ancien paragraphe en français, qui n'est pas le même qu'en anglais. On retourne alors à la case départ.
    À l'heure actuelle, le paragraphe 279.04(1) du Code criminel ne comprend pas la nuance qui existe en anglais. En faisant cette substitution, on risque de se retrouver à la case départ. C'est le premier point que je voulais faire valoir concernant l'amendement.
    Je vous laisse répondre à cela, monsieur Goguen.
    En réalité, on ne touche pas du tout à la définition proposée pour l'article 279.04(1) du Code criminel. En fait, puisqu'on élimine le deuxième paragraphe de l'article 3 du projet de loi, il ne reste plus qu'un seul paragraphe. Au lieu d'avoir le paragraphe 3(1), on aura tout simplement l'article 3, puisqu'il n'y aura aucun paragraphe subséquent.
    La définition que vous avez proposée ne changerait pas du tout. On ne changerait que la numérotation. On accepte donc la correction que vous apportez.
    Vous parlez donc de la correction qui consiste à ajouter les mots « ou à offrir de fournir ». Est-ce bien ce que vous dites? Vous dites accepter cette correction, mais je ne la vois pas, je m'excuse.
    Je vais vous le montrer, ce sera plus facile.
    En effet, je suis visuelle. Allez-y.

[Traduction]

    Cela va-t-il être long?
    Une voix: non.
    Des voix: Oh, oh!
    Je vais parler lentement.

[Français]

    Il n'y a plus de paragraphe (2), alors on enlève la mention du paragraphe (1). Ainsi, ça devient l'article 3.
    Je comprends. C'est bon.
    Par contre, j'aimerais soulever un autre point concernant l'amendement.

[Traduction]

    Une voix: Le gouvernement est là pour aider.
    Des voix: Oh, oh!

[Français]

     Mme Maria Mourani: L'autre élément de l'amendement vise à supprimer le paragraphe (1.1), lequel avait été ajouté pour parler précisément d'exploitation sexuelle. Si cela avait été ajouté, c'est qu'à l'heure actuelle, dans le Code criminel, le travail est défini comme suit: « Pour l’application des articles 279.01 à 279.03, une personne en exploite une autre si elle l’amène à fournir son travail ou ses services [...] » Toutefois, la prostitution et l'exploitation sexuelle ne sont pas des services. Il faut faire attention.
    Tous les groupes de femmes que j'ai pu consulter demandent que le Code criminel arrête de considérer la prostitution comme un service ou comme un travail. Ce n'est pas un service ni un travail. On parle d'exploitation sexuelle.
    En fait, on ne change rien au paragraphe 279.04(1). On ne fait qu'ajouter le paragraphe (1.1), qui définit le plus clairement possible toutes les façons par lesquelles les proxénètes peuvent attraper leurs victimes et les exploiter. On ajoute ce paragraphe au sujet de l'exploitation sexuelle pour essayer de couvrir tous les événements, qu'il s'agisse de fournir ou d'offrir de fournir des services sexuels par la menace, l'usage de la fraude, la tromperie, la manipulation, l'obtention du consentement, etc. On a essayé de tout couvrir, car on m'avait même raconté que, dans certains cas, des proxénètes pouvaient se défendre en disant qu'ils n'avaient jamais remis l'argent aux victimes. On a donc ajouté la notion de promesse, même s'il n'y avait pas d'acceptation de paiement. C'est tellement détaillé que cela couvre le plus possible tous les cas qu'on m'a relatés.
    J'invite donc mes collègues du gouvernement à repenser cet amendement. Je pense qu'il est fondamental de faire la différence entre l'exploitation sexuelle, le service et tous les détails qui viennent avec cela.
(1735)

[Traduction]

    D'accord, merci.
    Y a-t-il des commentaires?
    Madame Boivin.
    Vous pourriez peut-être nous éclairer sur les deux arguments.
    Je peux expliquer l'amendement. Il crée effectivement un critère juridique distinct pour l'exploitation, alors ce serait aux policiers de décider quelle définition ils veulent appliquer. Des témoins antérieurs ont fait valoir à juste titre qu'une grande partie du libellé provient de l'article 3 du protocole des Nations Unies contre la traite de personnes et, comme on l'a déjà souligné, les tribunaux n'ont pas interprété ce libellé au Canada, alors il y a réellement un problème sur le plan de l'imprécision et en ce qui a trait à la portée excessive potentielle à cause du libellé. Il pourrait semer la confusion en matière d'application de la loi et pourrait donner lieu à des considérations relatives à la Charte.
    En ce qui a trait aux mots « travail » et « services », l'article 279.04 actuellement en vigueur est conçu, bien entendu, pour viser tous les types de travaux ou de services, dont les services sexuels. Le projet de loi C-452 fait effectivement mention des services sexuels dans son critère juridique distinct et, bien sûr, cela renvoie aux dispositions sur la prostitution, qui font également mention des services sexuels.
    Ce terme a une signification dans notre droit, il est intelligible et a déjà été interprété par les tribunaux.
    Merci.
    Ai-je raison de dire, en parlant de la définition modifiée de l'article 2, que nous examinons maintenant, qu'il semble un peu plus complexe pour la Couronne d'obtenir la preuve de tous ces éléments? J'ignore si ce n'est qu'une impression personnelle. Le texte tel quel semble un peu plus simple, et il est plus facile d'y intégrer de multiples éléments.
    Pour être juste, le projet de loi C-452 contient effectivement le mot « ou ». La Couronne n'aurait qu'à prouver un élément. Vous avez tout à fait raison de dire que certaines de ces expressions n'ont aucune signification juridique en droit canadien, tandis que, dans l'article 279.04 actuellement en vigueur, chaque mot est soigneusement choisi et a fait l'objet d'une interprétation judiciaire. Alors on peut faire valoir que cette disposition serait plus facilement interprétée par un tribunal canadien, et, bien sûr, c'est là l'objectif.
    J'imagine qu'il faudrait plutôt vous demander si vous envisagez des problèmes ultérieurs, qui permettraient à une personne de passer entre les mailles en raison du libellé de l'article, que l'amendement pourrait rétablir. Ou peut-être n'envisagez-vous aucun problème?
    Je crois que la définition actuelle s'applique à tous ces différents scénarios. Le projet de loi C-310 contenait aussi un outil d'interprétation, qui est vraiment utile, à mon avis. Son libellé a une signification en droit canadien, afin d'aider les juges à interpréter les cas d'exploitation au sens de l'article 279.04.
    Merci beaucoup.
    Mettons l'amendement G-3 aux voix.
    Tous ceux en faveur de l'amendement G-3?
    (L'amendement est adopté.)
    Une voix: Notre temps s'écoule, monsieur le président.
    Le président: Je vais aborder cette question dès que nous aurons terminé ici.
    Il est question de l'article 3 modifié.
    Tous ceux qui sont pour?
    (L'article 3 modifié est adopté.)
    Le président: Nous avons dépassé de sept ou huit minutes l'heure prévue pour la fin de la séance. Selon les règles, nous pouvons prolonger la séance si la majorité est consentante.
    Je peux vous dire, seulement pour que vous compreniez où nous en sommes, qu'il nous reste l'article 4 sans amendement, l'article 5 avec un amendement et l'article 6 avec un amendement. Nous sommes rendus au moins à la moitié sinon plus loin. Si vous voulez continuer, j'en serais ravi, et je peux reposer la question à 18 heures, si nous n'avons pas encore terminé à ce moment-là.
    Monsieur le président, je suis de service à la Chambre et je suis déjà en retard.
    Nous pouvons poursuivre mercredi, alors.
    Nous avons de la place mercredi.
    Mon idée, pour être franc avec vous, était de terminer tout cela aujourd'hui, de sorte que nous n'ayons pas à nous réunir mercredi, seulement le mercredi après notre retour...
    Nous n'avions pas prévu que Mme Mourani commente chaque amendement.
    Je sais. Cela vous exaspère probablement, mais, dans le cas d'un projet de loi d'initiative parlementaire, je crois que tous les députés ont le droit de venir parler du projet de loi et des amendements qui y sont apportés. C'est pourquoi je l'ai invitée à se joindre à nous. Je crois que cela est juste pour tous les députés de la Chambre, comme on en a récemment discuté à la Chambre des communes.
(1740)
    Nous n'avons pas fait cela pour les autres députés.
    Je vais être franc avec vous, monsieur Seeback. Nous avons invité d'autres députés à assister à l'étude article par article, et ils ne sont pas venus. Mme Mourani a fait un choix.
    C'est sans importance. La question ne se pose plus maintenant.
    Je vais recevoir une motion pour continuer si elle est appuyée par la majorité. Que voulez-vous faire?
    Monsieur Albas.
    Monsieur le président, je crois que nous devrions tout simplement clore la séance.
    Je vais simplement souligner qu'il devrait y avoir un vote du comité. Il s'agit du choix du comité et non pas du vôtre, avec tout le respect que je vous dois.
    Je vais prendre cela en considération pour la prochaine fois.
    Je présente une motion d'ajournement.
    Tous ceux qui sont pour l'ajournement?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: D'accord. Nous nous réunirons mercredi.
    La séance est levée.
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