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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 043 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 2 octobre 2012

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Il est 15 h 30. Je déclare donc la séance ouverte. Vous assistez à la 43e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 20 juin 2012, nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, qui porte sur la maltraitance des aînés.
    Nous entendrons aujourd'hui des témoignages. Mais avant, prenez note que la séance de jeudi est annulée pour diverses raisons. Le greffier a avisé les témoins, dont certains sont à l'extérieur. La séance de jeudi n'aura donc pas lieu. Quant aux témoins qui devaient comparaître, nous tentons de les convoquer à la séance du mardi suivant.
    Il s'agit du mardi suivant la semaine de relâche.
    C'est vrai, car nous aurons congé. Il ne reste qu'à déterminer si nous réaliserons l'étude article par article ce jour-là, comme prévu, ou si nous la reporterons au jeudi suivant.
    Je crois que nous avions convenu de décaler l'ensemble du calendrier.
    Dans ce cas, le greffier prendra les dispositions nécessaires pour que l'étude article par article ait lieu le jeudi suivant.
    Nous entendrons aujourd'hui des témoignages, dont celui de Mme Beaulieu, titulaire d'une Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées, qui nous est retransmis par vidéoconférence. Dans la salle, nous accueillons Susan Eng, vice-présidente de la défense des droits de l'Association canadienne des individus retraités, de même que Naila Butt, directrice exécutive du Social Services Network.
    Je pense que le greffier vous avait avisé par écrit que vous pourriez présenter une déclaration préliminaire de 10 minutes. Je vous avertirai dès que 9 minutes seront écoulées, de façon à ne pas interférer avec vos propos lorsque je vous interromprai après 10 minutes.
    Nous allons commencer par Mme Beaulieu, qui utilise la vidéoconférence. Si vous avez préparé un exposé, je vous invite à nous le présenter.

[Français]

    Je vous remercie de me permettre de participer à vos travaux en étant à distance, grâce à la technologie qui lie l’Université de Sherbrooke à Ottawa. J’apprécie les moyens contemporains de communication.
    En tant que titulaire de la Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées, cela me fait grand plaisir de commenter le projet de loi C-36. Avant de faire part de mes commentaires, permettez-moi de présenter la chaire et mon parcours professionnel.
    La Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées a été créée en novembre 2010 pour cinq ans, jusqu'en octobre 2015, dans le cadre du Plan d'action gouvernemental du gouvernement québécois pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées.
    Selon le Réseau international pour la prévention des mauvais traitements envers les aînés, qu'on appelle aussi The International Network for the Prevention of Elder Abuse, Inc. et dont je suis la représentante pour l'Amérique du Nord, il s'agit de la seule chaire de recherche au monde dans le domaine. La chaire poursuit cinq objectifs, dont celui de diffuser les résultats de recherche à divers publics. C'est dans cette optique et riche de plus de 25 ans de pratique de recherche dans le domaine de la maltraitance envers les personnes aînées que je situe ma présente intervention.
    Je remercie le gouvernement fédéral de se préoccuper de la maltraitance envers les personnes aînées. Ce problème social mérite l'attention pour diverses raisons. Je nommerai deux raisons principales.
     La première est le nombre grandissant de la proportion d'aînés dans la population canadienne. Selon Statistique Canada, en 2012, les aînés constituaient 14,9 % de la population canadienne, mais il est estimé que d'ici 25 ans, une personne sur quatre sera un aîné. La seule force du nombre mérite qu’on s’y penche.
    La seconde raison est que la réponse aux besoins des personnes aînées maltraitées et des gens qui les maltraitent est bien inégale d’une région à l’autre du Canada. Nous avons besoin de connaissances, de cadres réglementaires et législatifs et aussi de directives pour guider les pratiques. Vos actions vont dans ce sens.
    Le pas que nous sommes donc en train de franchir en ce moment concerne le Code criminel canadien. Plus précisément, il s'agit du choix de nos législateurs qui est présentement à l’étude, c'est-à-dire la détermination de la peine. D’emblée, je commence par affirmer qu’il m’apparaît impossible d’être contre ce qui est proposé. Néanmoins, vous ne serez pas surpris de voir que je tiens à partager des interrogations avec vous. J’ai regroupé mes commentaires en deux catégories. Je vais d’abord commenter le libellé des changements, puis je vais m’attarder à leur mise en application.
    Le libellé du sous-alinéa proposé se lit comme suit:
(iii.1) que l’infraction a eu un effet important sur la victime en raison de son âge et de tout autre élément de sa situation personnelle, notamment sa santé et sa situation financière,
    Comme premier commentaire en lien avec le libellé, je félicite le législateur de ne pas avoir introduit la notion de vulnérabilité. Je me bats depuis plusieurs années pour faire éclater une équation erronée qui dit qu’être âgé veut nécessairement dire être vulnérable, et qui continue en affirmant qu’être vulnérable, c’est nécessairement être maltraité. Bref, je veux faire éclater ce lien trop rapide entre l'âge, la vulnérabilité et la maltraitance, car tout le monde aura peur de vieillir si la maltraitance devient une inévitable fatalité. De plus, la diversité individuelle entre les gens de 65 à 100 ans, voire entre deux personne de 75 ans, est si grande qu’il est terriblement réducteur de désigner ce groupe par une seule notion, soit celle de la vulnérabilité.
    Cependant, comment le juge va-t-il évaluer la question d’effet important dans la vie d’un aîné? Ceux qui ont été près des tribunaux de droit criminel le savent: en cours de procès, les conséquences ne sont pas amenées en preuve. Ainsi, ce n’est qu’une fois qu’une personne a plaidé coupable ou qu’elle a été reconnue coupable que la cour peut entendre les conséquences pour la victime. La victime est alors invitée à remplir le formulaire de déclaration de la victime au tribunal où elle relatera l’effet du crime sur les diverses sphères de sa vie. Actuellement, le juge peut en tenir compte ou non.
(1535)
    Je me demande combien de victimes aînées remplissent ce formulaire. Je n’ai pas vraiment la réponse à cette question, que je soumets à la discussion. Bien que ce formulaire soit pensé pour donner la parole à la victime, certaines d'entre elles ont de la difficulté à relater et à mettre par écrit tous les effets. Est-ce pire ou est-ce mieux pour un aîné? Je ne le sais pas. Par contre, je suis portée à penser que si un aîné a des limitations cognitives ou fonctionnelles qui affectent sa santé, ce sera une épreuve.
    Ainsi, qu'est-il prévu pour nous assurer que le juge aura accès à cet effet important, pour reprendre le libellé du projet de loi? Si je le traduis dans mes propres mots, voici la question à se poser: comment le juge va-t-il amasser ces conséquences et les traiter? Il est important qu'on le sache. Sinon, on peut avoir l'impression que le sous-alinéa proposé n'apportera rien de neuf, puisque les juges ont toujours eu le pouvoir de tenir compte de la nature du crime, de sa gravité et des conséquences dans la vie des victimes pour étayer leur sentence.
    La seconde question que je me pose concerne l'âge. Comment définir l'âge? Est-ce par l'âge chronologique, qui fait que chaque jour nous serons tous plus âgés que la veille? Est-ce par l'âge physiologique, c'est-à-dire l'état de santé? Est-ce par l'âge cognitif ou les fonctions cérébrales? Est-ce par l'âge social, c'est-à-dire les différentes étapes de la vie qui comprennent, entre autres, l'école, le travail, la vie de couple ou de jeune famille et ensuite la retraite? Bref, dans ce projet de loi, comment la notion d'âge sera-t-elle opérationnalisée?
    La troisième question que je me pose concerne le mot « et » placé entre « âge » et « de tout autre élément de sa situation personnelle », dans le libellé. Dois-je comprendre ici que la seule question de l’âge ne sera pas considérée? Encore ici, comment seront colligés les éléments nécessaires et comment seront-ils pris en compte pour étayer la situation personnelle de la personne aînée victime?
    J'arrive à la deuxième partie de mon commentaire, qui concerne la mise en application.
    Dans tout processus judiciaire, l’étape de la détermination de la peine est celle qui vient clore, ou presque, le processus judiciaire. Cela implique qu’il y a eu d'abord infraction ou commission d’un crime et intervention policière. À cette étape, le dossier a déjà été jugé suffisamment important et possible à étoffer pour qu’il y ait plainte formelle. Le ou les suspects ont été identifiés, même si je reconnais que dans les cas de maltraitance envers les aînés, puisqu'on parle ici d'une relation de confiance, l'identification des agresseurs pose peut-être moins de défis. Le dossier s'est rendu au tribunal, il n'y a pas eu de règlement hors cour, puis le ou les malfaiteurs ont été reconnus coupables ou ont plaidé coupables. Ce n’est qu’à ce moment que le sous-alinéa proposé s’appliquera.
    On comprend tous que plusieurs dossiers de maltraitance risquent de ne pas franchir toutes ces étapes. Qu’adviendra-t-il des situations d’aînés maltraités qui ne se seront pas rendues au bout? En d’autres mots, quelles seront les répercussions réelles de cette mesure ou combien de cas cela concernera-t-il?
    Toute la littérature le démontre et les récits de pratique aussi: une infime proportion des situations de maltraitance se rendent devant les tribunaux. Il y a bien sûr des situations plus subtiles qui ne se rendront jamais devant les tribunaux, comme des tutoiements excessifs ou des impolitesses graves, mais il y a toutes ces autres situations qui ne sont jamais entendues. Plusieurs raisons peuvent nous aider à comprendre pourquoi si peu de cas sont entendus. Il y a d’abord l’âgisme structurel de nos sociétés.
    Pour un policier, que vaut la parole d’un aîné? Comment tient-on compte d'un aîné? Qu'en est-il d'un avocat, d'un juge? Comment un procureur de la Couronne évalue-t-il la capacité d’un aîné à témoigner au tribunal? Dans certains cas, ne vaut-il pas mieux un bon règlement hors cour qu’un procès, parce qu'on craint que ce ne soit difficile pour l'aîné de témoigner?
    Comment un aîné peut-il composer avec la durée des procédures, soit du moment de la victimisation au prononcé de la sentence? Il est bien connu — il ne faut pas faire preuve d’angélisme — que certains avocats de la défense comptent sur les remises pour faire tomber les procès dans lesquels les victimes sont âgées.
(1540)
    Vous aurez donc compris, à la lumière de mes nombreux commentaires et questions qui précèdent, que je m’interroge sur toutes les autres actions nécessaires en amont du changement dont nous discutons aujourd’hui. Puisque je crains qu'il ne touche qu'un nombre limité de situations, que pouvons-nous mettre en place pour assurer l’assistance nécessaire au plus grand nombre possible de personnes aînées maltraitées?
    Si on admet que 10 % des aînés pourraient être victimes de maltraitance au Canada, on pourrait parler de près de 52 000 victimes, car il y a près de 5,2 millions d'aînés au Canada. Si on ne s'entend pas sur 10 % et qu'on accepte la proportion de 5 %, on parle quand même de 26 000 victimes — c'est beaucoup. De ces 26 000, combien se rendront jusqu'au tribunal?
     Je vous invite donc, comme société, et vous comme membres d'un comité parlementaire, à continuer ensemble à développer d'autres actions concrètes pour soutenir les victimes de maltraitance. Ces actions passeront par une meilleure sensibilisation, de même que par la préparation de tout le personnel appelé à intervenir auprès des aînés maltraités.

[Traduction]

    Neuf minutes sont écoulées.

[Français]

    Je vous remercie de votre attention.
    C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
(1545)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    N'hésitez pas à me poser vos questions dans les deux langues.
    Merci.
    Madame Eng, êtes-vous prête à nous présenter votre exposé de 10 minutes?
    Je suis ravie de comparaître aujourd'hui pour vous exprimer mon appui à l'endroit du projet de loi C-36.
    L'Association canadienne des individus retraités est une organisation nationale non partisane à but non lucratif qui compte 55 sections régionales et plus de 300 000 membres partout au pays. Nous nous préoccupons avant tout d'améliorer la qualité de vie de tous les Canadiens d'un âge avancé. Par conséquent, nous croyons que tous les Canadiens ont le droit de vivre à l'abri de la discrimination fondée sur l'âge, dont la pire forme est la maltraitance des aînés; c'est au coeur de notre mandat.
    J'ai pris connaissance de vos délibérations de la semaine dernière en préparation à la séance d'aujourd'hui, et je crois que les membres de l'Association canadienne des individus retraités seront emballés de l'appui que tous les partis ont manifesté à l'égard de la proposition d'infliger une peine plus lourde aux individus trouvés coupables de maltraitance à l'endroit d'un aîné. Au nom des victimes qu'ils connaissent et parfois en leur propre nom, nos membres se réjouiront de constater que le Parlement passe à l'action dans le but d'enrayer ce fléau.
    Ils seront aussi ravis du fil conducteur de vos délibérations, à savoir que la proposition constitue simplement un aspect de la stratégie globale visant à prévenir la maltraitance des aînés, à la déceler et à favoriser son signalement, les enquêtes et les poursuites.
    L'association a déjà demandé la création d'un guichet unique de premier contact ou d'un service d'écoute téléphonique en matière de maltraitance des aînés pour les cas où il existe des preuves de mauvais traitements. Au nom de la responsabilité sociale, les citoyens devraient être tenus de signaler les situations semblables. La maltraitance des aînés n'est pas une simple affaire personnelle, mais bien un crime d'intérêt public.
    Nous croyons qu'il faut accorder plus de soutien aux quelque 2,7 millions de Canadiens qui prennent actuellement soin d'un proche à la maison. Il faut aussi un soutien aux enquêtes spécialisé, de même que des services d'aide et des refuges pour les aînés victimes de maltraitance. Ces demandes s'ajoutent à l'adoption rapide du projet de loi C-36.
    Il va sans dire que les autres instances gouvernementales ont un rôle à jouer elles aussi. Les enquêtes et les poursuites entourant les crimes à l'endroit des aînés relèvent de la compétence des provinces. Les provinces et les municipalités peuvent également offrir des services d'aide et des refuges aux victimes de maltraitance. Grâce à leurs priorités en matière de dépenses, toutes les instances gouvernementales peuvent améliorer l'accès des logements à prix abordable, atténuer la pression exercée par la personne soignante et offrir un soutien du revenu, des mesures qui contribuent à prévenir la maltraitance des aînés. Il ne s'agit pas d'excuser la situation, mais plutôt de réfléchir aux facteurs pouvant y donner lieu.
    Pour que ce soit parfaitement clair, l'Association canadienne des individus retraités considère la maltraitance des aînés comme un crime de prédation. Nous ciblons donc les prédateurs, dont le crime est encore plus grave du fait qu'ils profitent du rapport de force déséquilibré entre leur victime et eux. Le plus souvent, le prédateur abuse d'une relation de confiance, de l'amour familial ou d'un lien de dépendance, ce qui rend la victime vulnérable. C'est pourquoi la grande majorité des auteurs font partie de l'entourage de la victime, contrairement à d'autres crimes. C'est aussi pour cette raison que l'association appuie le projet de loi C-36, qui cible justement ce type d'exploitation ainsi que les répercussions exacerbées par l'âge et par d'autres situations personnelles.
    Lors de notre première comparution en février 2011, c'est l'Association canadienne des individus retraités qui avait recommandé cette disposition à Julian Fantino, qui était ministre des Aînés à l'époque. Puisqu'il avait été chef de police, je savais qu'il comprendrait immédiatement le fonctionnement de l'article 718 du Code criminel, qui permet d'infliger une peine plus lourde en présence de certaines circonstances aggravantes. Par un malheureux hasard, nous avons eu l'occasion de mettre en application la discussion un mois plus tard dans l'affaire d'une grand-mère de Toronto forcée à passer l'hiver dans un garage qui n'était pas chauffé.
    Le projet de loi C-36 ajoute une disposition à l'article 718.2, mais il est bon de se rappeler que l'article original du Code criminel exigeait une peine plus sévère si l'infraction était motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que la race, le sexe, la religion, l'âge, et ainsi de suite. Nous sommes d'avis que le projet de loi cible plus directement les prédateurs et leurs motifs. Il précise que les répercussions exacerbées par l'âge de la victime constituent une circonstance aggravante supplémentaire.
    Ensemble, nous croyons que ces dispositions répondent aux objectifs de dissuasion et de prévention.
    L'association est d'avis qu'un cas de maltraitance des aînés, c'en est déjà un de trop, mais les chiffres méritent quand même d'être mentionnés. D'après leurs enquêtes, les membres de l'association estiment que 10 p. 100 des aînés canadiens sont victimes d'une forme ou d'une autre de mauvais traitement, ce qui correspond aux conclusions des recherches universitaires et de Statistique Canada. Selon les données du dernier recensement qui viennent d'être publiées, il y avait 4,9 millions d'aînés en 2011. Si 10 p. 100 d'entre eux subissent un type de maltraitance, cela signifie qu'un demi-million d'aînés canadiens pourraient en être victimes.
(1550)
    D'ici aussi peu que 10 ans, on estime que 7,9 millions de citoyens seront âgés de 65 ans et plus. Si rien n'est fait pour diminuer la fréquence de la maltraitance, environ 750 000 aînés pourraient en souffrir.
    Plusieurs facteurs peuvent aggraver l'estimation de 10 p. 100.
    Tout d'abord, une recherche britannique démontre que le taux de mauvais traitement pourrait être plus élevé et atteindre 25 p. 100 chez les aînés vulnérables, qui dépendent du soin des autres ou qui souffrent d'un handicap.
    En deuxième lieu, les crimes ne sont pas toujours dénoncés. Statistique Canada estime qu'au Canada, 7 crimes sur 10 à l'endroit d'un aîné ne sont pas signalés à la police. Aux États-Unis, des études sur la maltraitance des aînés démontrent que ce sont jusqu'à 90 p. 100 de l'ensemble des cas qui sont tus.
    Troisièmement, le pire, c'est que ce genre de crime est surtout commis là où la victime aurait dû être en sécurité, à savoir auprès de sa famille et de ses amis. La violence en milieu familial à l'endroit des personnes âgées a augmenté de 14 p. 100 depuis 2004. Comme le ministre de la Justice l'a dit dans son témoignage, parmi les 7 900 actes de violence à l'endroit des aînés qui ont été signalés, environ le tiers ont été commis par un membre de la famille, et un autre tiers par des connaissances.
    J'ai une dernière remarque au sujet de la sensibilisation du public. Il est évident que la population doit être en mesure de mieux reconnaître la maltraitance des aînés et, surtout, qu'elle doit savoir quoi faire. Les avis de la fonction publique au sujet du programme Nouveaux Horizons ont largement contribué aux efforts de sensibilisation. La police et les procureurs ont besoin de formation et de ressources supplémentaires afin de mener des enquêtes sur les auteurs de mauvais traitements et de les traduire en justice. Toutefois, ils ne recevront rien à moins que l'ensemble des instances gouvernementales priorise clairement la lutte contre la maltraitance des aînés. C'est pourquoi il est important que le ministre de la Justice exprime notre horreur de la maltraitance des aînés devant le Parlement et le comité, puis que vous adoptiez le projet de loi C-36.
    Au point où on est rendu, la Journée internationale de sensibilisation pour contrer les abus envers les personnes aînées devrait plutôt s'appeler la Journée visant à mettre fin à la maltraitance des aînés.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Madame Butt, vous pouvez maintenant nous présenter votre déclaration préliminaire.
    Je voudrais remercier le Comité permanent de la justice et des droits de la personne d'avoir invité le Social Services Network. Votre comité se penche sur le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel (maltraitance des aînés).
    Je m'appelle Naila Butt et je suis la directrice exécutive du Social Services Network, organisme de bienfaisance à but non lucratif de Markham.
    Le Social Services Network a été créé en 2004 afin de fournir des services adaptés aux différences culturelles et linguistiques de notre communauté sud-asiatique. Son objectif consiste à informer et à appuyer cette communauté pour lui donner les moyens de vivre une vie indépendante et enrichie au Canada. Grâce à notre personnel multilingue, nous offrons de plus en plus de services et de projets à ces Canadiens sud-asiatiques venant de pays différents et appartenant à des cultures et à des religions diverses. Nous administrons 27 projets avec 32 partenaires, dont des bénévoles. Nous coordonnons plus de 800 activités de sensibilisation et de bien-être auprès de 4 000 clients. Nous comptons sur l'aide de plus de 50 000 membres dans la collectivité.
    Ces deux dernières années, nous sommes devenus un interlocuteur provincial et national important, particulièrement à cause de notre expertise en matière de violence dans les familles sud-asiatiques et de maltraitance des aînés.
    Nous nous attaquons principalement à ce problème dans le cadre de notre conférence provinciale annuelle sur les répercussions de la violence au sein des familles sud-asiatiques.
    Ressources humaines et Développement des compétences Canada a reconnu notre expertise en nous accordant des fonds pour mener à bien un projet pancanadien dans le cadre de son programme Nouveaux Horizons pour les aînés. Ce projet s'adresse aux aînés sud-asiatiques appartenant à diverses collectivités culturelles et linguistiques ainsi qu'aux intervenants s'occupant de prévention de la violence et de la maltraitance. L'objectif consiste à cerner les risques de maltraitance, à coordonner l'intervention de la collectivité en cas de maltraitance, à sensibiliser la population à ce problème et à offrir des solutions judicieuses.
    En tablant sur le développement communautaire dans les diverses localités, le projet est actuellement mis en oeuvre dans quatre régions de l'Ontario: York, Toronto, Peel et London. Nous voulons nous attaquer au problème de la maltraitance des aînés afin d'en réduire son incidence.
    Pourquoi la maltraitance des aînés devient-elle un problème au sein des familles sud-asiatiques?
    C'est un problème de plus en plus préoccupant. C'est l'avis de notre personnel de première ligne, et nous avons abordé la question dans le rapport que nous avons produit dans la foulée de notre conférence sur les répercussions de la violence familiale.
    Publié le 5 mai 2011, le rapport énumère les diverses solutions proposées par plus des 200 participants et experts pour s'attaquer au problème.
    Nous manquons de données quantitatives concrètes pour expliquer l'étendue de la maltraitance des aînés dans la communauté sud-asiatique. Cependant, les travaux de la conférence et d'autres groupes de réflexion que nous avons créés nous indiquent que c'est un phénomène qui est répandu au sein de la communauté sud-asiatique et est passé sous silence.
    Lors de nos conférences de 2011 et de 2012, nous avons organisé un atelier sur la maltraitance des aînés sud-asiatiques. Parmi les participants, on comptait du personnel de première ligne qui intervient auprès des aînés appartenant à des collectivités linguistiques, religieuses et culturelles diverses; des aînés sud-asiatiques; des universitaires experts en la matière; des organisations comme le Réseau ontarien pour la prévention des mauvais traitements envers les personnes âgées et l'Advocacy Centre for the Elderly ainsi que les services de police de Toronto, de York et de Peel qui interviennent dans les cas de maltraitance des aînés.
    Pour vous aider à mettre en contexte le problème, je vous cite les propos de l'un de nos six travailleurs communautaires qui interviennent auprès des familles et des personnes âgées:

    Les personnes âgées ignorent ce qu'est la maltraitance des aînés. Ils ne connaissent pas leurs droits. Ils ont peur de dénoncer. Beaucoup ont honte de la façon dont leurs enfants et leurs petits-enfants les traitent. En raison d'obstacles linguistiques et culturels, ils ne peuvent utiliser les nombreuses ressources auxquelles ils ont accès.
    De toute évidence, les aînés sud-asiatiques sont isolés et négligés. La plupart cohabitent avec leurs enfants adultes qui travaillent et leurs petits-enfants qui étudient. La communication fait défaut dans ces familles. À cause de leur emploi du temps, enfants adultes et petits-enfants n'ont pas le temps de bien s'occuper des grands-parents.
    Bien des aînés sont exploités financièrement. On leur enlève leur chèque de pension. On leur demande de s'occuper des enfants, d'effectuer les tâches ménagères et de préparer les repas, activités qui peuvent se révéler difficiles pour des aînés dont la santé est fragile.
(1555)
    La dynamique familiale est complexe. De multiples facteurs augmentent le stress au foyer, notamment les problèmes financiers auxquels font face les enfants d'immigrants à l'âge adulte, leur difficulté de se trouver un emploi et leur obligation de subvenir aux besoins des enfants et des parents.
    Dans la culture sud-asiatique, les enfants s'occupent de leurs parents âgés de la même façon que ceux-ci se sont occupés d'eux. Dans leurs pays d'origine, c'est ainsi que les choses se passent. Cependant, les familles d'immigrants sont aux prises avec divers obstacles, notamment la discrimination sur le marché du travail et dans les établissements d'enseignement et d'autres facteurs de stress qui mettent à mal cette coutume sud-asiatique.
    Les aînés et les intervenants ont décrit la violence psychologique et verbale dont font l'objet les personnes âgées et qui conduisent à la dépression et à d'autres problèmes de santé mentale. Certains aînés sud-asiatiques, notamment des Tamouls, ont vécu la guerre et souffrent du trouble de stress post-traumatique. Ils se soucient de la sécurité de leur famille dans leur pays d'origine. Des aînés sont également exploités financièrement. Ils sont dépendants de leurs enfants adultes même pour payer leur transport.
    Les aînés font également l'objet de négligence active et passive. Leurs droits sont violés. Les agresseurs se servent de diverses tactiques pour exercer leur dominance sur eux. On leur donne de faux renseignements sur leurs droits à titre d'immigrants parrainés et on table sur leur crainte d'être expulsés et leur peur de la police.
    En outre, ces aînés connaissent mal les lois et le système canadien. Ils ignorent auprès de qui obtenir de l'aide. On nous a parfois signalé des cas de sévices au foyer.
    Les aînés ne sont pas enclins à divulguer la maltraitance en raison de barrières systémiques et culturelles. C'est là l'un des principaux problèmes qui ressort de nos travaux sur la question. Nous pouvons donc en déduire que la maltraitance des aînés est encore plus répandue.
    Qu'est-ce qui empêche ces aînés d'avoir accès aux services? Ils craignent beaucoup de jeter la honte sur leur famille ou ils sont trop fiers pour faire part de leurs problèmes à d'autres. Toute la famille est couverte de honte si d'autres membres de leur collectivité culturelle ou religieuse pensent que les enfants négligent leurs parents.
    L'enfant adulte estime qu'il est honteux d'avoir recours à quelqu'un de l'extérieur pour aider ses parents âgés, ce qui complique la tâche de ces familles déjà débordées. Les barrières linguistiques, les conflits culturels, la perte de leur réseau social et leur nouveau rôle au sein de la société canadienne rendent également les aînés plus vulnérables. Ceux-ci ignorent à qui s'adresser et ne sont pas au courant de leurs droits. Enfin, ils hésitent à recourir aux services communautaires de crainte qu'une telle intervention conduise à la désintégration de la famille.
    Cependant, nous reconnaissons que les facteurs conduisant à la maltraitance des aînés au sein des familles sud-asiatiques sont complexes. Il n'y a pas que la tension familiale et les différences culturelles qui sont en cause. Les formalités d'immigration et d'établissement constituent les facteurs de stress les plus importants pour bien des Sud-Asiatiques vivant au Canada. Ces derniers essaient de se trouver un emploi et un logement abordable, de payer le loyer, de nourrir leur famille et de comprendre le système de justice canadien.
    Le stress et la pauvreté mettent à mal leur santé physique et mentale. Ils sont alors aux prises avec l'isolement, la frustration et la dépression. Ils vivent dans des foyers surpeuplés et doivent composer avec la nouvelle nécessité d'avoir plus d'un soutien de famille ainsi qu'avec les nouveaux rôles que doivent jouer femmes et aînés.
    Les problèmes de violence au sein des familles sud-asiatiques sont complexes et déroutants. Et de les expliquer par les différences culturelles ne constitue qu'une analyse simpliste du phénomène.
(1600)
    Il vous reste une minute.
    Comment faut-il s'attaquer au problème?
    Nous appuyons entièrement le projet de loi. Notre projet sur la maltraitance des aînés et nos autres initiatives intersectorielles en Ontario mettent l'accent sur plusieurs stratégies.
    Premièrement, il faut sensibiliser les immigrants à ce qui les attend au Canada, les renseigner sur notamment les droits, les libertés, les lois et le système de justice de notre pays, ainsi que sur les restrictions financières et la cohabitation des aînés avec petits-enfants et enfants.
    Il faut offrir à tous les membres de la famille du counseling qui doit être donné par des conseillers sud-asiatiques.
    Nous devons appuyer davantage les enfants adultes qui s'occupent de leurs parents ainsi que les programmes destinés aux aînés sud-asiatiques et offerts par des organismes comme le SSN. Il faut davantage de groupes d'entraide.
    Les renseignements sur la maltraitance des aînés doivent être donnés dans la langue parlée par les personnes âgées. Il faut les informer de ce qu'est la maltraitance, de ses conséquences et des moyens mis à leur disposition. Il faut également offrir des programmes de soutien pour aider les personnes âgées ainsi que les professionnels de la santé et des services sociaux à détecter les signes de la maltraitance. Il faut donner de la formation adaptée aux différences culturelles et portant sur divers domaines.
    Il faut procurer des refuges aux aînés sud-asiatiques et s'attaquer aux divers problèmes avec tous les membres de la famille. Il faut également financer davantage les services en santé mentale.
    En résumé, il faut mettre davantage l'accent sur la sensibilisation et le soutien des aînés et de leur famille, à toutes les étapes du processus d'immigration et offrir de la formation aux professionnels de la santé et aux travailleurs sociaux pour les aider à détecter les différents symptômes de la maltraitance. Il faut offrir des programmes de counseling familial adaptés aux différences culturelles et linguistiques. Il faut favoriser la collaboration intersectorielle et aider davantage les enfants adultes et les autres membres de la famille.
    En conclusion, la communauté sud-asiatique canadienne augmente rapidement. Elle constitue toujours l'une des minorités visibles les plus importantes en Ontario. La population canadienne augmente rapidement elle aussi. Dans la seule région de York, on estime que le nombre d'aînés augmentera de 400 p. 100 d'ici 2026.
    Ces données démographiques et les statistiques sur la maltraitance des aînés prouvent ce que nous avançons, c'est-à-dire que la maltraitance est aussi répandue en Ontario que...
    Je vous remercie. Nous manquons de temps.
    Dre Naila Butt: Très bien.
    Le président: Madame Boivin, je pense avoir dit, lors de notre dernière réunion, que les interventions étaient de sept minutes au cours de la première série de questions. C'est plutôt cinq minutes pour chaque série de questions. Je m'excuse d'avoir induit mes collègues en erreur.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Je ne me suis pas plainte.

[Français]

    Je vous remercie tous trois d'être ici aujourd'hui pour discuter de cette question qui est si importante. Je pense qu'on partage tous la même vision sur la question de la maltraitance envers les aînés. Madame Beaulieu, vous avez dit, je crois, qu'on ne pouvait pas être contre cela. Je lance le défi à quiconque de se lever et de se dire opposé au projet de loi C-36.
    Par contre, je refuse toujours de tomber dans la facilité. Je ne crois pas avoir entendu, au cours de vos trois présentations, quelqu'un dire que le projet de loi C-36 était une panacée. C'est un problème qui est beaucoup plus profond et beaucoup plus subtil qu'on ne le pense et qui touche une des catégories d'individus qui se plaignent le moins — ce n'est pas dit de façon péjorative —, mais qui auraient peut-être le plus des raisons de se plaindre.
    Lorsque j'ai commencé la pratique du droit — je vais révéler mon âge — il y a presque 30 ans, quand j'ai été admise au Barreau, la question de la violence conjugale commençait à faire l'objet de plus d'attention. Tout ce que j'ai lu jusqu'à maintenant entourant le projet de loi C-36 m'a beaucoup fait penser à cela. Autrement dit, cela prendra beaucoup d'éducation, de publicité, chose qui a bien commencé au Québec. En effet, j'ai beaucoup apprécié les publicités avec Yvon Deschamps, par exemple, qui s'attaque au tabou rattaché à la question de la maltraitance envers les aînés.
    J'ai une inquiétude relativement au projet de loi C-36 et à la façon dont il est rédigé. En effet, je ne suis pas certaine qu'il réussira réellement à représenter ce qu'on pense. Madame Beaulieu, vous avez bien abordé la question quand vous avez indiqué que cela arrivait à la toute fin du processus. Encore faut-il qu'on ait commencé, qu'il y ait eu une accusation contre quelqu'un. Beaucoup d'articles du Code criminel, que ce soit en matière de négligence criminelle, de fraude ou peu importe, pourraient être utilisés dans des cas de maltraitance envers les aînés.
(1605)

[Traduction]

    C'est à vous trois que je pose ma question.
    Dans vos études — nous avons entendu les chiffres sur la proportion de gens touchés ou censés être touchés par ce problème —, saviez-vous que les juges ne tenaient pas compte de ces statistiques pour considérer cette violence comme une circonstance aggravante lors de la détermination de la peine pour en faire un élément dissuasif? Les représentants du ministère nous ont dit la semaine dernière qu'ils en tenaient déjà compte. Êtes-vous de cet avis?
    Je ne suis pas de cet avis. Les peines infligées suscitent tout simplement l'incompréhension. D'emblée, on estime que ces peines sont insuffisantes. Elles autorisent presque la maltraitance. Bien sûr, on fait valoir parfois diverses excuses, notamment que l'agresseur ne peut être incarcéré puisqu'il s'occupe de l'aîné. On a même fait valoir dans un cas que la personne était diminuée et ne pouvait faire mieux.
    C'est pourquoi, en l'absence de statistiques pertinentes montrant que les juges auraient peut-être décerné des peines plus lourdes si cette disposition avait été en vigueur, nous ne pouvons qu'affirmer que c'est une des raisons possibles que les peines sont insuffisantes.
    Êtes-vous toutes convaincues que, lorsqu'on précise

[Français]

dans le projet de loi, « a eu un effet important sur la victime en raison de son âge »,

[Traduction]

cela ne signifie pas nécessairement qu'il doit s'agir d'une personne âgée? On fait référence à l'« âge ». Qu'est-ce que cela implique?
    Cela ne voudrait rien dire d'autre.
    Je pense que Mme Beaulieu veut apporter une précision. Je vous en prie.

[Français]

    Je vous remercie, madame Boivin, de vos commentaires que j'apprécie énormément.
    En effet, vous revenez sur des éléments que j'avais soulignés brièvement lors de ma présentation de 10 minutes. Je me demande si les juges n'utilisent pas déjà leur pouvoir discrétionnaire et ne considèrent pas le fait qu'ils ont devant eux une victime âgée.
    Je suis préoccupée par le fait que si peu de cas se rendent devant les tribunaux. Quand on fait une recherche dans la jurisprudence, ce que j'ai fait il y a deux ou trois ans, on trouve finalement peu d'éléments.
    Toutefois, l'une des solutions réside probablement dans le fait qu'il faut sensibiliser l'ensemble des intervenants du réseau de la justice à ce que veut dire intervenir avec des aînés. C'était ma recommandation un peu plus tôt, lorsque j'ai dit que les policiers devaient apprendre à travailler avec des aînés et à amasser la preuve. Cette recommandation s'applique aussi aux procureurs de la Couronne, aux avocats de la défense et aux juges.
    Cette modification va-t-elle apporter beaucoup plus? Ce sera peut-être le cas pour le petit nombre de causes qui se rendent jusqu'à la condamnation. Toutefois, je crains foncièrement qu'on ne touche quand même qu'une minorité de situations, alors qu'on pourrait agir beaucoup plus en amont.
    Par conséquent, jamais je ne m'opposerai au projet de loi C-36, mais je vais toujours demander aux parlementaires canadiens de continuer à envisager toutes les autres étapes, notamment les étapes axées sur la prévention et sur un meilleur accompagnement.
    Pour ma part, j'ai un projet de recherche qui vise à développer de meilleures pratiques policières auprès des aînés, parce que tout commence là. Si on n'a pas la bonne façon d'amasser la preuve dès le départ, on ne se rendra jamais jusqu'à la condamnation.
(1610)

[Traduction]

    Merci. Votre temps de parole est écoulé. Cette question sera peut-être abordée un peu plus tard.
    Monsieur Seeback, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je demeure perplexe. Mme Boivin m'a surpris en disant que ce n'était peut-être pas suffisant. C'est presque comme si elle avait fait valoir qu'il faudrait envisager une peine minimale obligatoire, mais je ne fais que...
    J'aurais dû m'en douter.
    Madame Butt, vous avez surtout abordé les problèmes de la communauté sud-asiatique. Ma circonscription, Brampton-Ouest, compte une communauté sud-asiatique extrêmement importante et dynamique. Certains de vos propos m'amènent à vouloir plus de détails de votre part.
    Vous avez évoqué les problèmes de maltraitance des aînés sud-asiatiques. Il s'agit, selon moi, d'un problème dont on ne parle pas beaucoup. Du moins, personne ne m'en a parlé. Vos propos semblent indiquer qu'il s'agit d'un problème réel auquel nous devrions trouver des solutions.
    Je voudrais maintenant aborder avec vous les solutions possibles. Je sais que votre organisation a pris certaines mesures. Je pense que vous avez reçu des fonds dans le cadre du programme Nouveaux Horizons. Je comprends ce à quoi vous faites allusion lorsque vous parlez des obstacles qu'il faut éliminer, notamment les obstacles linguistiques et la honte. Comment pourrions-nous venir en aide à ces aînés, particulièrement dans une circonscription comme la mienne?
    Il faut essentiellement adopter une approche communautaire en intervenant auprès des aînés et de leurs familles. Nous devons les sensibiliser davantage. Nous devons collaborer avec tous les intervenants. Il ne faut pas une approche verticale. Il faut tenir compte de chaque cas et de la collectivité en général. Quels sont ces obstacles qu'il faut éliminer?
    On passe ce problème sous silence parce qu'on estime que ce sont les enfants qui s'occupent de leurs parents âgés. Ce sont les problèmes auxquels ces collectivités font face.
    Que devons-nous faire pour sensibiliser davantage les aînés susceptibles de faire l'objet de maltraitance? Quelle solution...?
    Il faut davantage de groupes d'entraide communautaire et de conseillers. Les organismes communautaires devraient faire connaître les services offerts. Il faudrait le faire dans les langues parlées dans les collectivités. Les conseillers devraient être au courant des caractéristiques de leurs collectivités. Nous devons compter sur des intervenants qui ont la confiance de la collectivité. Les dirigeants religieux ont un rôle très important à jouer. Les lieux du culte sont un autre aspect qu'il ne faut pas négliger. Il faut mettre à contribution tous les secteurs de la société.
    C'est effectivement un problème. Le projet de loi est très important, mais il sera inefficace si vous n'offrez pas les ressources pertinentes pour soutenir les interventions dans la communauté. Même pour les personnes qui ne doivent surmonter aucun obstacle linguistique, l'accès au système de justice demeure un problème.
    Il reste beaucoup de chemin à parcourir. Il faut changer en profondeur les mentalités avant que les gens aient suffisamment confiance pour faire valoir leurs droits. Nous en faisons la promotion dans le cadre de nos conférences annuelles sur les répercussions de la violence familiale. La prochaine conférence se tiendra en 2013. Nous y invitons tous les intervenants, y compris les services de police, les établissements d'enseignement, les organismes communautaires, les organisations de la société civile ainsi que les représentants du système de justice, pour examiner les diverses solutions.
    Naturellement, les responsables des orientations politiques ont également un rôle important à jouer. Il faut les mettre à contribution, lancer des initiatives de sensibilisation et mettre en oeuvre des programmes communautaires pour répondre aux besoins de ces aînés. Il faut recourir à des campagnes de sensibilisation du public.
(1615)
    D'accord. Je souhaiterais beaucoup collaborer avec vous afin de sensibiliser davantage la population, certainement dans ma circonscription de Brampton-Ouest. Je suis heureux d'apprendre que vous appuyez cette mesure législative. Je suis d'accord avec vous qu'il s'agit d'une étape importante et que cela cadre bien avec plusieurs autres programmes que nous avons mis en oeuvre.
    Ce problème prend de l'ampleur. Notre population est vieillissante et le nombre de victimes risque d'augmenter. En plus des programmes qu'il propose, ce projet de loi touche également la dénonciation. Ce sera très utile. Aussi, il est bon de savoir que ce genre de comportement sera dénoncé dans toutes les collectivités du pays.
    Merci, monsieur Seeback.
    Monsieur Cotler, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Eng, dans votre déclaration, vous avez dit souhaiter l'adoption rapide du projet de loi C-36. Pourtant, dans votre mémoire, vous recommandez l’adoption d’une approche exhaustive pour sanctionner les manifestations les plus grossières de la maltraitance envers les aînés, ainsi que pour prévenir les abus en premier lieu. Les trois témoins ont souligné l'importance de la prévention.
    Le projet de loi C-36 ne comporte qu'un seul article, qui permettrait à un juge de tenir compte de l'âge de la victime et de tout autre élément de sa situation personnelle, notamment sa santé et sa situation financière comme étant des circonstances aggravantes lors de la détermination de la peine. Donc, cette mesure propose de punir ceux qui sont coupables de violence envers les personnes âgées plutôt que de protéger les aînés. D'ailleurs, en vertu du Code criminel, les juges ont déjà le pouvoir de tenir compte de toutes circonstances aggravantes ou atténuantes pertinentes.
    Certains avancent que le projet de loi C-36 est inutile. De plus, l'ajout des éléments, comme la santé et la situation financière des victimes, pourrait causer certains problèmes, car ils pourraient être mal employés lors du procès. Lorsque vous dites souhaiter l'adoption rapide du projet de loi C-36, parlez-vous de la mesure dans sa forme actuelle qui n'est pas proactive ou d'une version modifiée qui porterait également sur la prévention, étant donné l'importance de cet aspect?
    Merci pour cette question.
    Je n'ai jamais été criminaliste, mais j'imagine que certains caractériseraient mes anciens clients comme étant des criminels. J'ignore la forme que devrait prendre ce projet de loi, mais selon nous, la prévention est la clé. Nous savons aussi que le but de cette mesure législative est de faire de la peine un élément dissuasif. Nous sommes pleinement conscients que plusieurs étapes précèdent la détermination de la peine — la détection, l'enquête et la poursuite — et nous encourageons l'ajout de ressources pour ces étapes, ainsi qu'une plus grande sensibilisation au problème.
    Bien entendu, la détection et la prévention devraient être prioritaires. Mais cela ne fait pas partie du Code criminel. Nous croyons sincèrement que ce projet de loi et l'attention qu'on y accordera suffiront à inciter les provinces à affecter des ressources aux enquêtes et aux poursuites, et les Canadiens à dénoncer ce crime qui ne doit plus rester caché. Le système et les Canadiens pourront désormais intervenir. Évidemment, nos recommandations vont au-delà de cette disposition: elles concernent également les autres ressources dont dispose le citoyen moyen pour agir lorsqu'il est témoin de violence envers les aînés, ainsi que l'intégrité de ces ressources.
(1620)
    Je comprends que votre mémoire présente sept recommandations précises, que celles-ci font partie d'une approche globale, comme vous le soulignez, et qu'ensemble elles s'attaquent au problème de la violence envers les personnes âgées.
    En principe, nous appuyons tous ce projet de loi. Je me demande simplement s'il n'y aurait pas quelques modifications à y apporter pour qu'il soit proactif et qu'il protège davantage les aînés contre les gestes de violence plutôt qu'uniquement punir le crime.
    Je comprends ce que vous dites.
    À l'époque où l'article 718.2 a été ajouté au Code criminel, je travaillais à la lutte contre le racisme. Évidemment, nous voulions que des dispositions concernant les crimes haineux soient ajoutées au Code criminel, mais ce ne fut pas le cas. Cependant, on y a ajouté des dispositions qui reconnaissent le fait que bon nombre des crimes haineux sont des voies de fait et d'autres crimes recevables exacerbés par la haine. En analysant le paragraphe 718.2(a), nous avons remarqué que l'âge figurait parmi les facteurs, mais que le tout était flou. Impossible de savoir s'il est question d'écart d'âge ou simplement parce que la victime est une personne âgée.
    À mon avis, intégrer l'effet important sur la victime améliore cette disposition et ouvre la porte à d'autres ajouts. Nous recommandons que l'établissement d'une infraction criminelle pour mauvais traitement envers les aînés soit envisagé. Nous ne recommandons pas l'adoption d'une telle disposition. Il faudrait d'abord examiner cette possibilité et effectuer des recherches. Mais, si nécessaire, une disposition semblable pourrait être ajoutée au Code criminel.
    Merci, monsieur Cotler.
    Madame Findlay, vous avez la parole.
    Merci à toutes d'être ici aujourd'hui. Il est clair que nous abordons un sujet important pour nous et tous les Canadiens.
    Malheureusement, j'ai dû composer à maintes reprises avec ce genre de situation, notamment lors de litiges familiaux et successoraux. C'est parfois très triste et difficile. À mon avis, de nombreux cas ne sont pas déclarés ou sont sous-déclarés, comme on le souligne ici.
    Toutefois, nous tentons d'ajouter une disposition au Code criminel pour permettre aux juges d'être plus uniformes dans la détermination de la peine. À ce chapitre, je souligne que les tribunaux semblent plus conscients de la situation.
    Je vais citer quelques cas à titre d'exemple. Dans l'affaire R. c. Foubert, à la Cour supérieure de justice de l'Ontario, en 2009, un préposé aux services de soutien à la personne a plaidé coupable à des accusations de voies de fait sur quatre anciens combattants atteints d'Alzheimer et de démence dont il prenait soin. L'accusé a été condamné à une peine d'emprisonnement accompagnée d'une ordonnance de probation comprenant de lourdes conditions. Le juge a souligné que la violence envers les personnes âgées est un phénomène croissant dans notre société et qu'il faut sérieusement s'y attaquer.
    En 2010, il y a eu l'affaire R. c. Manuel, à la Cour suprême de Terre-Neuve-Labrador. L'accusé était entré à deux reprises par effraction chez un ancien combattant âgé et l'avait battu et volé. Il a été condamné à six ans et demi de prison. En rendant sa décision, le juge a clairement indiqué que la peine imposée était dans l'intérêt public, notamment parce qu'elle servait à dissuader les criminels d'entrer par effraction dans les domiciles et qu'elle cadrait avec le devoir public de protéger les aînés de la société.
    Toujours en 2010, il y a eu l'affaire R. c. Kos Rabcewicz Zubkowski. L'accusée a été reconnue coupable de voie de fait sur sa mère âgée et de défaut de lui fournir les choses nécessaires à l'existence.
    Bien entendu, la détection et la prévention sont essentielles. D'autres l'ont souligné aujourd'hui, et je sais que c'était l'opinion du gouvernement lorsqu'il a proposé, notamment, l'Initiative de lutte contre les mauvais traitements envers les aînés. Il s'agissait d'un projet de trois ans d'une valeur de 13 millions de dollars visant à sensibiliser davantage la population à ce problème. Selon nous, même si ce fut un succès, il ne faut pas nécessairement s'arrêter là. Nous croyons que ce projet fait partie d'un ensemble d'initiatives dans ce domaine.
    En vertu de ce projet de loi, si l'infraction a eu un effet important sur la victime — et je crois, madame Eng, que vous avez mis l'accent sur ce point — en raison de son âge et de tout autre élément de sa situation personnelle, notamment sa santé et sa situation financière, cela est considéré comme une circonstance aggravante. Selon nous, une fois adoptée, cette modification assurera une détermination de la peine plus uniforme.
    Je vais d'abord poser ma question à Mme Eng, puisque nous sommes toutes les deux diplômées en droit.
    Croyez-vous qu'une détermination de la peine plus uniforme fera en sorte que la violence envers les personnes en raison de leur âge sera prise au sérieux, peu importe les circonstances? Croyez-vous que ce projet de loi aura cet effet?
(1625)
    Absolument. Sinon, je laisserais cela à la discrétion des juges.
    Je crois que l'important dans cette approche, c'est qu'elle ressemble beaucoup à celle adoptée dans le cas des crimes haineux. Si l'on regarde strictement les faits... Disons qu'il s'agit de voies de fait n'ayant causé aucune blessure permanente. Disons aussi qu'il y a eu abus de confiance, que l'accusé est le fils de la victime, que celle-ci en est bouleversée et qu'elle a perdu sa dignité, entre autres. Habituellement, dans un cas semblable, la cour tiendrait compte du fait qu'il n'y a eu aucune blessure physique permanente et n'imposerait pas de peine.
    Lorsque la victime est totalement défaite en raison de cet abus de confiance par un membre plus jeune de sa famille dont elle dépend, cela justifie une peine plus sévère. C'est la raison pour laquelle l'ajout au Code criminel selon lequel ces circonstances — la différence d'âge et la vulnérabilité de la victime — doivent être prises en considération est approprié.
    Je suis convaincu que cela aura un impact positif. Nous avons beaucoup tendance à nous fier à l'opinion publique. Même si personne n'approuve la violence envers les aînés, le citoyen ordinaire n'entend parler de ce dossier que lorsqu'une peine sévère est imposée. Cela les fait réfléchir. Ils réalisent que, dans les circonstances, la peine représente bien l'opinion publique envers ce genre de comportement. Si ces personnes n'arrêtent pas de poser ces gestes violents, au moins ils réaliseront peut-être qu'ils risquent de se faire prendre et d'être punis.
    Merci.
    Madame Blanchette-Lamothe, vous avez la parole.

[Français]

    Je veux que ce soit bien clair: il y a un commun accord pour dire qu'on soutient en général le projet de loi C-36. Le but de notre rencontre aujourd'hui est vraiment de voir si on peut améliorer ce projet de loi et, si oui, de quelle façon. Bien sûr, il faut également souligner, comme vous l'avez très bien fait d'ailleurs, que ce n'est pas parce qu'on met en avant un tel projet de loi qu'on peut ensuite s'asseoir et dire qu'on a fait ce qu'il y avait à faire au sujet de la maltraitance des aînés.
    Ma première question s'adresse à Mme Beaulieu.
    Le ministre a parlé du projet de loi C-36 devant ce comité et a dit que ce dernier agirait probablement comme un facteur de dissuasion contre la maltraitance des aînés. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Un projet de loi comme celui-ci peut-il être un facteur de dissuasion? Peut-il parvenir à diminuer le taux de maltraitance des aînés, par exemple?
    Je serais tentée de faire le parallèle avec les apprentissages qu'on a faits en matière de violence conjugale. Je dois dire que j'ai été diplômée à peu près en même temps que Mme Boivin, donc on se rappelle où en était le dossier de la violence conjugale il y a 30 ans. On s'était demandé si, pour faire changer les choses, il fallait vraiment créer des articles de loi spécifiques ou s'il ne fallait pas plutôt s'assurer que les articles existants étaient bien appliqués dans toutes les circonstances. On n'a donc pas créer un nouveau crime qui s'appelait « violence conjugale ». Toutefois, on a travaillé dans toutes les étapes du processus pénal pour s'assurer que les situations de violence conjugale allaient être prises au sérieux et que les choses allaient être bien faites quand on allait devoir se présenter devant les tribunaux.
    C'est normalement la posture que j'adopte le plus. Ce qui compte actuellement, c'est de se rendre compte qu'on a beaucoup de mécanismes qu'on n'emploie pas lorsque ce sont des aînés. C'est pour cette raison que je parlais plus tôt d'âgisme structurel dans nos systèmes. Si, à chacune des étapes, on éveillait les consciences et qu'on travaillait ensemble pour faire réaliser que la maltraitance existe, on irait beaucoup plus loin.
    J'aimerais revenir sur une autre chose qui n'a pas beaucoup été mentionnée aujourd'hui. La définition même de la maltraitance qu'on est tenté d'utiliser la plupart du temps est celle qui a été donnée par l'Organisation mondiale de la santé, soit la suivante: « Il y a maltraitance quand un geste singulier ou répétitif, ou une absence d'action appropriée, se produit dans une relation où il devrait y avoir de la confiance, et que cela cause du tort ou de la détresse chez une personne aînée. »
    La notion de relation de confiance est fondamentale. Il est question ici de conjoints, d'enfants, de petits-enfants, de voisins, de dispensateurs de services. Il s'agit de gens qui ne sont pas étrangers à la personne âgée et, la plupart du temps, de gens avec qui elle veut continuer à être en relation. Cela signifie que lorsqu'on parle de maltraitance, on exclut les crimes commis par des étrangers. Tout à l'heure, lors de son intervention, une autre personne a donné des exemples forts intéressants de jurisprudence où il était question d'introduction par effraction chez une personne âgée. Selon moi, cela constitue un crime général où un aîné est victime. Cela est fort différent de la dynamique de maltraitance qui se produit entre proches.
    Ce projet de loi aura-t-il un effet dissuasif? Je n'en suis pas certaine. Je suis beaucoup plus certaine qu'on aura un effet dissuasif quand on rappellera à chacun des intervenants, à chacune des étapes, l'importance de considérer la maltraitance des aînés.
(1630)
    Vous avez aussi émis des doutes quant au libellé du projet de loi en tant que tel. Cela était fort intéressant.
    Avez-vous des suggestions pour améliorer le libellé de ce projet de loi? Vous avez souligné les mots qui vous faisaient douter peut-être de son efficacité. Quels amendements pourraient être apportés à ce projet de loi, ou encore quelles modifications pourraient être apportées au Code criminel en général, afin de nous fournir les outils pour déceler les crimes de maltraitance des aînés et punir leurs auteurs adéquatement?
    En fait, une recension avait été faite de l'ensemble des articles du Code criminel pouvant être appliqués dans des situations de maltraitance des aînés. Je ne l'ai pas sous les yeux, mais on peut la trouver, entre autres sur le site Internet du Réseau canadien pour la prévention des mauvais traitements envers les aînés. Si l'on réexaminait avec un regard spécifique la façon dont chacun de ces articles pourrait être mieux appliqué à des aînés, ce serait déjà beaucoup.
    Les questions que je me suis permise de poser tout à l'heure portaient peut-être moins sur le libellé en tant que tel que sur l'application du projet de loi. Pour ce qui est de la notion d'effet important, je suis d'accord. Par exemple, la définition de l'Organisation mondiale de la santé que je vous ai donnée parle de tort ou de détresse chez une personne âgée. Cela se rapproche d'un effet important. Je veux seulement m'assurer que, au moment de prononcer sa sentence, le juge a entre les mains tout ce qui lui est nécessaire pour évaluer ces effets importants.
    Je parlais du formulaire de déclaration de la victime au tribunal. Ce formulaire n'est pas facile à remplir. Il ne faut pas oublier qu'un certain nombre d'aînés au Canada sont des analphabètes fonctionnels. Je ne suis pas certaine qu'ils soient capables de mettre par écrit tout ce qu'ils ont vécu.
    Si on veut bien appliquer ce changement, il faudra se donner des mécanismes pour vraiment écouter le point de vue des aînés. Sinon, j'ai peur qu'on ne passe à côté de quelque chose.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Albas, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Pour faire suite à mes commentaires de la semaine dernière lors de la première réunion portant sur l'étude du projet de loi C-36, j'ai été rassuré de constater, en tant que nouveau membre du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, qu'il semblait y avoir un consensus sur la nécessité d'adopter cette mesure législative.
    Pour en apprendre davantage sur le sujet, j'ai décidé de consulter les débats de la Chambre des communes. Certains commentaires mémorables ont été émis par la dernière intervenante, Mme Blanchette-Lamothe, une des porte-parole du NPD sur la question des aînés. Lors de la deuxième lecture du projet de loi C-36, elle a déclaré: « Le NPD appuiera le projet de loi C-36, mais il doit être clair que ce n'est pas suffisant. »
    Il semble que la députée d'en face ait appuyé cette mesure à contrecoeur. Je ne dois pas oublier qu'il s'agit tout de même d'un appui et qu'il faudrait s'en réjouir.
    Il faudrait également souligner que le gouvernement a toujours défendu un point de vue plus vaste sur la question de la violence envers les personnes âgées et qu'il a agi. D'ailleurs, dans le cadre de son témoignage devant le comité la semaine dernière, le ministre Nicholson a affirmé que le gouvernement ne considère pas cette mesure législative comme étant l'unique solution à ce problème, mais qu'il s'agissait d'un complément aux autres initiatives du gouvernement dans ce domaine.
    Le ministre Nicholson a répondu à de nombreuses questions des membres du comité, dont les miennes, au sujet de ces compléments. Il nous a rappelé que le gouvernement conservateur continue à se pencher sur la question de la violence envers les aînés grâce, notamment, au programme Nouveaux horizons pour les aînés. De plus, les Budgets 2010 et 2011 proposaient d'affecter de nouveaux fonds au programme portant le financement annuel total à 45 millions de dollars pour favoriser, entre autres, la mise en oeuvre de projets visant à sensibiliser la population à l'exploitation financière des personnes âgées.
    Je crois comprendre que le réseau de services sociaux a reçu des fonds du programme Nouveaux horizons pour les aînés afin de sensibiliser la communauté sud-asiatique à la violence envers les personnes âgées. Je vais donc poser ma question à Mme Butt.
    Le gouvernement conservateur propose une approche à deux volets, soit contribuer financièrement par l'entremise du programme Nouveaux horizons pour les aînés et proposer des projets de loi, comme le C-36. Selon vous, cette approche est-elle la bonne?
(1635)
    Oui, je pense que les deux mesures vont de pair.
    Vous avez dit que l'approche devait non seulement être descendante, mais aussi servir un objectif plus vaste. Pouvez-vous expliquer certains avantages dont profiterait la communauté grâce au financement du programme associé au projet de loi C-36 et qui répondraient à certaines préoccupations de M. Cotler?
    Grosso modo, nous allons élaborer pour ce projet un programme fondé sur les commentaires des aînés. Nous allons former des groupes de discussion dans les quatre régions que j'ai mentionnées et élaborer à la fin du projet une trousse d'outils composée d'un guide pour les divers secteurs et la communauté et d'une vidéo pour accroître la sensibilisation.
    Ce qui compte vraiment, c'est de faire participer la communauté et de la sensibiliser davantage. Lorsque tout le projet sera terminé, il pourrait s'appliquer non seulement à la communauté d'Asie du Sud, mais aussi à d'autres communautés aux prises avec la barrière des langues. Le projet aura une influence sur le plan national.
    Je pense que c'est une mesure très importante et nécessaire. Le projet de loi est un facteur dissuasif, mais nous devons disposer des ressources nécessaires et offrir notre soutien à la communauté.
    Je tiens également à souligner qu'il y a certaines occasions à saisir dans le système. Dans la culture de cette communauté, les parents ne sont pas censés vivre dans des maisons de retraite. Puisque les soins de longue durée prodigués aux aînés constituent un lourd fardeau, nous pourrions aider le système de santé et donner de meilleurs soins en soutenant à coût minime les familles et les aidants naturels qui éprouvent des difficultés.
    M. Seeback s'est dit très préoccupé pour son comté. Pensez-vous que cette approche à deux volets fonctionnerait bien dans d'autres régions que la vôtre?
    Oui, mais nous le saurons après trois ans. Cette approche a du potentiel, et nous avons hâte de la mettre en oeuvre.
    Merci beaucoup. Merci à tous de vos témoignages aujourd'hui.
    Merci.
    Monsieur Jacob.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Bonjour. Ma première question s'adresse à Mme Beaulieu.
    Je suis d'accord avec vous pour dire que parmi les 52 000 personnes qui souffrent potentiellement de ce problème, seulement un petit nombre de cas se rendent au tribunal. Vous avez parlé d'agir en amont. Agir en amont, cela veut dire faire de la prévention, avoir un meilleur accompagnement et augmenter la qualité du tissu social. Le projet de loi C-36 ne règle pas tous les problèmes, mais c'est un pas dans la bonne direction. Je suis donc d'accord avec tous ceux qui en ont parlé de ce côté-ci.
    Je suis très sensible au fait que vous avez parlé de la dépendance vis-à-vis de l'agresseur. Souvent, ce sont des personnes proches. Vous l'avez dit, ce sont les conjoints, les enfants, les amis, les voisins et même les aidants naturels qui vont maltraiter nos personnes âgées. J'aimerais que vous me précisiez une chose. Vos propos préliminaires traitaient de la différence entre vulnérabilité et personnes aînées. Faites-vous la différence entre les concepts de vulnérabilité et ceux du rapport de force ou rapport d'autorité?
(1640)
    Je vous remercie de cette question, monsieur Jacob. C'est vraiment une question cruciale pour moi.
    Je vais reprendre les résultats des travaux de recherche d'une équipe américaine dirigée par Mme Terry Fulmer. Elle a vraiment bien démontré l'importance d'apprécier la vulnérabilité, qui est souvent rattachée à des facteurs plus personnels à la personne âgée. Elle distinguait cela des facteurs de risque. Dans les facteurs de risque, elle mettait tout l'entourage de la personne âgée, y compris la personne qui maltraite.
    Ce qu'elle est arrivée à démontrer est crucial, selon moi. Dans certains cas, une personne âgée peut être objectivement très vulnérable parce qu'elle peut avoir des pertes cognitives, des problèmes de santé et autres, mais elle ne sera jamais maltraitée parce que son entourage est adéquat.
    Malheureusement, à l'inverse, on peut aussi voir des situations où une personne âgée qui est objectivement peu ou pas vulnérable sera quand même maltraitée. Pourquoi? C'est parce que des gens dans son entourage cherchent quand même à exercer leur pouvoir sur elle ou à poser de mauvaises actions.
    Par conséquent, l'appréciation de la maltraitance ne peut jamais se faire seulement d'après les caractéristiques de l'aîné. Il faut toujours prendre en compte l'interaction ou le lien dynamique avec l'entourage, dont celui de la personne qui maltraite. Quand on focalise uniquement sur la vulnérabilité des aînés, on a une vision partielle du problème, et je vous dirais même une vision partiale.
    Je vous remercie de ces précisions, madame Beaulieu.
    Je vais céder la parole à mon collègue M. Raymond Côté.
    Merci beaucoup, cher collègue.
    Mesdames, merci d'être ici pour présenter votre expertise et répondre à nos questions.
    Je dois vous avouer que je suis un peu pris au dépourvu par le service que m'a rendu mon collègue immédiatement, mais je dois vous dire tout de suite que ma présence au comité m'a fait apprendre beaucoup de choses. On a parlé entre autres du facteur de dissuasion que pouvait représenter le projet de loi. J'ai pu comprendre, selon les témoignages de beaucoup d'experts au cours de nos travaux, que la loi par elle-même n'avait pas énormément d'effet dissuasif. En tout cas, j'en suis arrivé à cette conviction.
    Il ne faut pas se le cacher, les gens qui commettent des crimes le font en prenant en compte le fait qu'ils ne se feront pas prendre en flagrant délit et qu'ils ne seront pas dénoncés. C'est quand même un élément que je trouve très important de considérer, ce qui n'empêche pas que j'appuie clairement ce projet de loi. J'espère simplement qu'il va être suffisant pour sanctionner enfin certains comportements criminels.
    Je veux vérifier une chose avec vous, madame Eng. Dans votre mémoire, vous avez présenté passablement d'éléments intéressants. Pourrait-il y avoir des éléments plus systématiques qui pourraient réduire la vulnérabilité ou, disons, l'exposition des aînés à être victimes de maltraitance? Je parlerais entre autres de questions liées à la situation financière, de l'inscription automatique des aînés à la Sécurité de la vieillesse ainsi que de la possibilité de leur offrir des pensions plus généreuses pour les mettre à l'abri de circonstances qui les amènent à être dépendants de personnes proches, par exemple. Il ne faut pas se le cacher, la grande majorité de ces questions de maltraitance y sont liées.
    Je vais vous laisser répondre.

[Traduction]

    Vous pourriez simplement retenir votre idée, car le temps est écoulé et M. Côté va prendre la parole durant la prochaine série...
(1645)

[Français]

    Très bien. J'ai trop parlé.

[Traduction]

    ... vous pourrez donc répondre à ce moment-là.
    Monsieur Goguen.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Ma première question s'adresse à toutes nos invitées. Évidemment, tout le monde a des recommandations sur la façon d'améliorer ce projet de loi, lequel ne contient qu'une seule modification proposée, en fait.
    J'aimerais que vous nous disiez s'il y a des éléments positifs dans ce projet de loi et quels sont les éléments les plus forts. Qu'est-ce qui aidera à diminuer la maltraitance des aînés, selon vous?
    Il n'y a pas d'ordre de priorité.

[Traduction]

    Vous pouvez toutes répondre à la question.
    Ma réponse à la question précédente s'applique aussi à votre question. Par exemple, il y a l'obligation de rapporter les cas de maltraitance, mais elle comporte bien des désavantages. Certains s'opposent à cette obligation, qui infantilise les aînés.
    Toutefois, les caissiers ont été formés et sensibilisés pour prévenir l'exploitation financière. Western Union et toutes les entreprises de transfert d'argent ont été utilisées pour frauder les aînés au Canada et elles ont appris à au moins détecter et à prévenir les cas d'exploitation. Elles pourraient les rapporter si un tel mécanisme existait. Étant donné que de nombreux cas restent anonymes, les caissiers peuvent à tout le moins éviter l'exploitation des aînés.
    Une membre d'une de nos sections s'est précipitée au comptoir de Western Union pour envoyer des fonds à sa petite-fille coincée dans une certaine région, la fraude habituelle. Le caissier lui a indiqué que ce n'était sans doute pas une bonne idée et qu'elle devrait contrevérifier ses informations. Il a prévenu cette fraude, mais combien de fois est-ce que ça arrive? C'est très clair que nous pouvons nous intéresser davantage à la question, examiner les activités d'autres entreprises et trouver ensemble une façon de prévenir beaucoup de maltraitance.
    Faut-il ajouter une autre disposition au Code criminel? C'est difficile à dire, mais nous soutenons l'obligation d'aider à détecter et à rapporter la maltraitance.
    Madame Beaulieu.

[Français]

    Monsieur Goguen, vous demandez quelle serait la force du projet de loi et comment on pourrait le bonifier. Cela me rappelle un principe de droit qu'on appelle le principe de Beccaria, selon lequel ce n'est pas tant la sévérité d'une peine qui compte que sa célérité. Donc, il importe de s'assurer non pas que la peine est sévère, mais qu'elle est continuellement donnée. Peut-être qu'une des forces du projet de loi C-36 est de rappeler que, dans tous les cas, on va considérer le fait que c'est une personne âgée. Selon moi, c'est une force.
    Comment peut-on bonifier le projet de loi? Ma préoccupation porte moins sur le libellé qu'on pourrait bonifier. Je reviens plutôt sur un élément que j'ai soulevé tout à l'heure et qui m'apparaît important: tout est dans l'application de la loi. Si on veut que le juge en tienne compte, il doit pouvoir accéder aux informations fournies par la personne âgée ou encore par ses proches, aux informations relatives aux conséquences et à la façon dont tout cela a joué sur la santé d'une personne âgée, qu'il s'agisse de sa santé physique ou de sa santé financière. Ma crainte est qu'on n'ait pas toujours les bons mécanismes pour que les juges soient bien informés de tout cela. Comme élément de bonification, il s'agirait de travailler pour redonner une meilleure place aux aînés, pour recueillir le point de vue des aînés et de leurs proches.

[Traduction]

    Merci.
    Si les immigrants aînés et leurs familles connaissent le projet de loi avant d'arriver au pays et savent ce qui peut se produire si on n'accorde pas assez de temps aux aînés ou si on les maltraite d'une manière ou d'une autre, c'est un facteur dissuasif. La sensibilisation avant et après l'arrivée des immigrants est bénéfique. Nous devons donc sensibiliser davantage les gens et indiquer que la maltraitance est illégale.
    Mais au fond, je pense que nous sommes tous d'accord que la modification d'un article du Code criminel ne règle pas tous les problèmes.
    Nous avons mis en oeuvre le programme Nouveaux Horizons pour les aînés. Nous diffusons des publicités télévisées qui montrent que ces comportements sont clairement inadéquats et qu'il faut les signaler aux autorités.
    Pensez-vous qu'en plus de l'article de loi, ce programme entraîne des retombées positives? A-t-il une façon d'augmenter ces retombées?
(1650)
    Je dois vous demander de garder votre réponse, car le temps est écoulé pour cette série.
    Monsieur Côté, vous pouvez maintenant rendre la pareille à M. Jacob, si vous voulez.

[Français]

    Oui. Merci beaucoup.
    Madame Eng, je vais vous laisser répondre à ma très longue question.

[Traduction]

    Je peux répondre à cette question. Les publicités des services publics ont reçu un accueil très favorable. Vous savez peut-être que nous sondons nos membres aux deux semaines. Lorsqu'on a commencé à diffuser ces publicités, nous avons ajouté un lien menant à elles et nous avons demandé à nos membres ce qu'ils en pensaient.
    Tout d'abord, presque tous nos membres connaissaient ces publicités. Ensuite, ils pensaient qu'elles auraient un effet positif, qu'elles étaient efficaces.
    Nous avons aussi demandé si nous devions investir davantage dans ces publicités. Nos membres ont répondu que non et qu'il fallait plutôt mettre l'accent sur les interventions. Selon eux, il faut investir dans les spécialistes, former les procureurs et les équipes d'enquête et examiner la possibilité de mettre sur pied un organisme de protection des aînés, comme aux États-Unis. Un tel organisme n'est peut-être pas approprié ici, mais nos membres y étaient favorables.
    Ils pensaient que les interventions comptaient même plus que la recherche. Nos membres voulaient que des mesures radicales soient prises presque sur-le-champ.

[Français]

    Merci beaucoup de votre réponse.
    Le principal écueil que je vois dans ce projet de loi se situe en amont, c'est-à-dire dans la possibilité d'avoir les moyens de le mettre en application. Il y a aussi l'écueil lié au type de relation qu'entretient la victime avec la personne qui pose le geste criminel. C'est justement lié aux proches, aux liens de dépendance et aux liens affectifs. On peut imaginer tout cela, et c'est quand même très difficile. Je crois que ce projet de loi aura un effet positif, mais que trop de cas risquent de ne pas être couverts si on ne prévoit pas de moyens suffisants.
    Dans la ville de Québec, il y a un magnifique organisme, L'Autre Avenue, dont j'ai parlé lors de la séance précédente, qui offre des possibilités de justice alternative, entre autres des voies de justice réparatrice qui ont été mises en oeuvre surtout pour ce qui est de la délinquance chez les adolescents. Cela permettait entre autres aux victimes de ne pas se sentir oubliées par le système de justice. Un des constats intéressants de L'Autre Avenue est que plusieurs victimes d'actes criminels, par exemple du vandalisme ou du vol, ne ressentaient pas le besoin de punir les gens ou même d'avoir une compensation. Elles voulaient simplement voir la personne qui les avait maltraitées être consciente de son geste et s'assurer qu'elle ne recommencera plus.
    Que pensez-vous de cette avenue, étant donné que ce sont des enfants, des conjoints et des personnes que la victime de telles actions n'envisagera jamais de poursuivre ou de dénoncer?

[Traduction]

    Merci.
    Je pense qu'il faut tirer des leçons de notre travail lié à la violence conjugale et envers les enfants, qui s'applique d'une certaine manière dans le cas présent. Ici aussi, on parle la plupart du temps d'une relation de confiance. Bien sûr, il se peut que la personne que nous voulons punir soit aussi l'aidant naturel de la victime. Le problème est donc très complexe. Honnêtement, s'il y avait plus de gens dans l'entourage, la maltraitance n'aurait peut-être pas lieu, mais il y a une dépendance. La justice réparatrice est peut-être plus appropriée.
    Il reste que cette disposition sur la détermination de la peine est importante. Je pense que nous devons étudier les autres options et reconnaître que ce genre de crime est répandu et de plus en plus fréquent. Jusqu'ici, nous n'avons pas adopté d'approche globale pour régler ce problème. Je pense que la disposition qui porte sur certains aspects de cette infraction est très importante.
(1655)
    Madame Beaulieu veut dire quelque chose; allez-y.

[Français]

    Bonjour, monsieur Côté. J'aimerais, moi aussi, répondre à votre question.
    J'aimerais clarifier une première chose qui a été évoquée plusieurs fois. Quand on parle d'une relation de confiance dans une situation de maltraitance de nos aînés, on ne parle pas toujours d'une relation de dépendance. Il faudrait faire attention de ne pas réduire les situations de maltraitance des aînés uniquement à des dynamiques entre un proche aidant et une personne âgée en perte d'autonomie. C'est beaucoup plus large que cela. Je parlais des enfants, des conjoints, des petits-enfants, des voisins et des dispensateurs de services de toutes sortes. Or, cela n'implique pas toujours une perte d'autonomie et, donc, une relation de dépendance.
    L'avenue que vous proposez, soit la justice réparatrice, est une avenue fort importante. Un projet-pilote se met actuellement en route à la Cour municipale de Montréal pour aller en ce sens. C'est mené entres autres par des procureurs de la Couronne. Il faut dire que la Cour municipale de Montréal est particulière: comme il s'agit d'une très grande cour municipale, on y pratique du droit criminel, ce qu'on ne voit pas nécessairement ailleurs.
    Une procureure de la Couronne me disait que dans les cas qui se retrouvent le plus souvent devant les procureurs de la Couronne, la dynamique la plus claire est celle d'une femme âgée dont le fils vit avec elle parce qu'il a un problème de toxicomanie, de santé mentale ou de jeu. Par moments, il peut être très bien avec sa mère, mais lorsqu'il est en crise ou en mauvaise situation, il peut aussi devenir plus violent, ou même aller chercher de l'argent si c'est un joueur pathologique. La mère finit souvent par accepter de porter la cause devant le tribunal non pas pour voir son fils s'en aller en prison, mais pour qu'il puisse accéder à des services dont il a besoin. Elle a le sentiment, par moments, que le réseau de la santé ne lui offre pas ce dont cette personne a besoin.
    C'est là que cela devient intéressant. Il faut comprendre les motivations qu'ont les victimes à se rendre jusqu'au tribunal et voir la panoplie de services qu'on peut donner. Dans ces cas, ce n'est peut-être pas la sévérité de la peine qui est importante, mais bien de donner un service qui va permettre de régler le problème particulier de la personne maltraitante.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Seeback.
    Madame Eng, j'ai écouté votre témoignage avec intérêt. Je sais que vous avez siégé au Conseil des services de police de Toronto. Vous avez pas mal d'expérience concernant les services de police et le système de justice pénale.
    Je pense que nous devons revenir à une question. Je suis d'accord avec vous que la maltraitance des aînés est un crime de prédation. Vous avez dit qu'il devait être dénoncé, un aspect très important du système judiciaire selon les gens de notre côté de la table. Merci de vos commentaires à ce propos.
    Compte tenu de votre expérience dans le milieu policier, cette mesure législative aura-t-elle un effet dissuasif, d'après vous? Vous pensez sans doute qu'elle en aura un. C'est une question controversée au comité. Contrairement à nous, certains membres ne croient pas que l'imposition de peines substantielles est bel et bien un facteur dissuasif.
    Voulez-vous commenter la question davantage?
    Un facteur dissuasif, c'est la probabilité de se faire prendre. C'est extrêmement important que les gens inconscients de leurs propres comportements sachent ce qui est condamnable. La probabilité de se faire prendre est un facteur important. C'est pourquoi j'insiste tant sur l'obligation de rapporter les comportements répréhensibles et sur la responsabilité des travailleurs de première ligne. Il faut augmenter cette probabilité pour qu'on risque vraiment de faire l'objet d'une enquête, d'être poursuivi, d'être condamné et de recevoir une peine.
    Je veux parler rapidement de l'obligation de rapporter la maltraitance. Un certain nombre de témoins nous ont dit que bien des gens n'étaient pas forcément à l'aise de communiquer de l'information. Mais les données laissent penser qu'une personne formée reconnaîtrait les signes. J'estime donc que la sensibilisation est une excellente idée.
    Comment envisagez-vous l'obligation de signaler la maltraitance? Qui doit être visé par cette obligation, et comment faut-il l'appliquer?
(1700)
    Je répète que nous devons être très prudents, parce que ce n'est pas comme la violence envers les enfants, qui doit à tout prix être dénoncée par les enseignants, les médecins et les travailleurs sociaux. Les gens qui travaillent dans les maisons de retraite et dans les établissements de santé doivent aussi signaler la maltraitance en vertu des lois qui les concernent, mais nous devons faire très attention de ne pas infantiliser les aînés au Canada, qui ont peut-être eux-mêmes fait le choix. Le fils qui gère toujours le compte en banque n'exploite pas forcément son parent.
    Il faut établir des protocoles pour poser des questions polies qui ne vexent personne et pour sensibiliser les gens à ce type de questions, qui ne visent pas à les offusquer. Certains protocoles sont nécessaires, mais en tant que société, nous devons à mon avis commencer à accepter le besoin de nous ingérer un peu dans la vie de famille des autres pour prévenir la maltraitance. Il faut simplement être très prudent, concernant ce genre de difficultés.
    Néanmoins, si nous participons tous à la prévention, nous devons négocier des méthodes de détection, dont l'obligation de rapporter la maltraitance des aînés.
    Très bien.
    Me reste-t-il du temps?
    Une minute.
    Merci.
    Madame Butt, avez-vous un commentaire?
    Tout le monde doit signaler la maltraitance. La sensibilisation est très importante pour que chacun soit conscient de cette obligation si un aîné — ça peut être n'importe qui — est victime de maltraitance.
    Concernant l'autre question soulevée, on ne veut pas être séparé. Le fils et le père, ou la fille et le père, ne veulent pas être séparés.
    Ce projet de loi constitue un facteur dissuasif. Au fond, les aînés ou les parents veulent simplement qu'on les respecte. Je pense que cette mesure législative peut servir à simplement informer les gens des conséquences de la maltraitance. Il faut s'employer à unir les familles plutôt qu'à les diviser, ce qui est un dernier recours.
    Merci.
    Madame Boivin, très brièvement.

[Français]

    Je serai très brève.
    Cela rejoint certainement le débat qu'on a parfois avec soi-même et aussi avec les autres. Et s'il est une chose que je n'aime pas particulièrement, c'est faire de la politique sur le dos des aînés.
    Lorsque, en campagne électorale, tous partis confondus, on va rencontrer les aînés dans les centres de soins de longue durée ou dans les résidences pour aînés autonomes, on entend parfois des histoires d'horreur. Un peu plus tôt, on parlait de peines sévères. Je veux bien, mais encore faut-il qu'on se rende jusqu'à l'incrimination, c'est-à-dire qu'on reconnaisse l'infraction. Toutefois, on a un problème: les personnes aînées n'osent pas le dire, elles n'osent pas dénoncer, elles ont peur. Elles n'iront pas dire que c'est leur fils qui — pardonnez-moi l'expression — est en train de les fourrer. Des histoires comme celles-là à Gatineau, j'en ai entendu plusieurs. Cela fend le coeur. Il n'y a pas une personne en particulier sur qui devrait reposer la responsabilité de dénoncer cela. Je pense qu'il appartient à nous tous, comme membres de la société, de le faire lorsque nous sommes témoins de choses pareilles.
    Madame Beaulieu, vous avez dit au début quelque chose qui m'a frappée. Je feuilletais tout à l'heure quelques documents. Sauf erreur, vous avez remercié les législateurs et le gouvernement de ne pas avoir introduit la notion de vulnérabilité. Pourtant, le sommaire du projet de loi, qui constitue toujours l'explication qu'on en donne, mentionne que « le texte modifie le Code criminel pour que la vulnérabilité due à l'âge soit considérée comme une circonstance aggravante lors de la détermination de la peine ». Je voudrais savoir si vous êtes toujours aussi fière de nous. Peut-être pouvez-vous expliquer un peu ce que vous essayiez de nous dire.
    J'ai compris que cette modification de l'article 718 qu'on propose vise justement à faire ressortir comme facteur aggravant le fait qu'on utilise l'âge d'une personne pour la maltraiter encore plus. Cela n'a-t-il pas un peu une connotation de vulnérabilité, ou est-ce moi qui comprends mal le libellé utilisé?
    Vous avez raison. Je le voyais dans le sommaire, mais je ne le voyais pas dans le libellé de l'article 718 qu'on cherche à modifier. Sauf erreur, je me disais que le sommaire ne se retrouverait pas dans le Code criminel canadien. Au moins, le fameux mot piège « vulnérabilité » n'y sera pas, et je dis...
    On va plaider à cet égard, comme on plaide au sujet du titre et au sujet d'une multitude de choses quand on va devant les tribunaux.
(1705)
    Comme je vous l'expliquais un peu plus tôt, la notion de vulnérabilité est une notion dangereuse. Si « aînés » rime avec « vulnérabilité » chaque fois, il y a quelque chose qui cloche. Si « vulnérabilité » rime avec « maltraitance », ça cloche encore plus. Je connais des aînés qui ne sont pas vulnérables et je connais des gens vulnérables qui ne sont pas maltraités.
     J'insiste là-dessus. Il peut y avoir des aînés très vulnérables qui ne seront jamais maltraités, alors que d'autres qui objectivement ne le sont pas seront maltraités.
    C'est clair.
    La notion d'une vulnérabilité d'emblée associée à l'âge me donne de l'urticaire.
    C'est parfait, j'ai compris.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Findlay.
    J'ai fait très attention de parler de victimisation dans ma question précédente, pas de vulnérabilité.
    Dans ma circonscription de Delta—Richmond-Est, en Colombie-Britannique, les gens d'Asie du Sud et les Sino-Canadiens sont nombreux. Les électeurs m'ont dit que la langue et la culture moins répandues sont un facteur important. C'est facile de se sentir isolé, surtout si on ne peut pas s'exprimer ou si on ne sait pas à qui s'adresser.
    Je veux parler de l'effet dissuasif et de la sanction publique établie par une modification du Code criminel. Dans ma région, un fils exploitait financièrement sa mère. Cette affaire est devenue publique, car cette femme a fini par être hospitalisée et le personnel de l'hôpital lui a posé des questions. Les factures demeuraient impayées, et on ne répondait pas à ses besoins essentiels.
    Au bout du compte, j'ai appris qu'il y avait une unité spécialisée dans la maltraitance des aînés au service de police. Bien sûr, cette unité cherchait avant tout à sécuriser la situation de cette femme.
    Par ailleurs, j'ai appris que même si la mère ne voulait pas témoigner contre son fils, l'enquête policière a dissuadé ce dernier de lui causer plus de tort. À son âge, elle aurait selon moi été très stressée et elle n'aurait pas été très efficace, de toute façon. D'autres membres de la famille qui avait à coeur les intérêts de la mère ont pu prendre le relais.
    Les cas sont souvent résolus ainsi, peut-être pas devant les tribunaux. Comme Mme Eng l'a souligné, la sanction publique contre ce genre de comportement peut mener à la protection d'un aîné qui était vulnérable.
    Nous avons aussi parlé de la confiance. Le ministre a déclaré devant nous qu'à peu près un tiers des délinquants était dans la famille, qu'un tiers était des connaissances et qu'un tiers était des étrangers.
    Pour avoir soigné ma mère qui est maintenant décédée, je sais que même si l'on est très présent dans la vie des personnes âgées, d'autres peuvent établir très, très vite une relation de confiance avec elles dans certaines circonstances. Un jour, j'ai appelé ma mère et j'ai entendu la voix d'un étranger sur le répondeur, même si je pensais qu'elle n'en avait pas. Je suis allée à son appartement pour demander ce qui se passait et j'ai appris que deux personnes l'avaient aidée à faire son épicerie. Elle les avait invitées chez elle, et ces gens lui ont conseillé d'installer un répondeur. C'est ce qu'ils ont fait le lendemain, en prenant le thé.
    Je ne sais pas ce qu'ils avaient en tête, mais ma mère était très fâchée contre moi parce que je pensais que ce n'était pas une bonne idée.
    Parfois, les gens sont seuls, même si leur famille prend soin d'eux. Ils vivent seuls, et c'est très facile d'établir un lien de confiance en vue de profiter d'eux.
    Êtes-vous d'accord avec moi que certaines questions ne concernent que les aînés?
(1710)
    Je pense qu'avant tout, cette mesure permet d'entamer la discussion.
    Lorsqu'on a annoncé le projet de loi, les journaux et les médias de toutes les langues en ont parlé. Cette mesure permet d'amorcer la discussion dans les foyers partout au pays. Les gens y réfléchissent et se demandent s'ils connaissent un aîné qui pourrait être maltraité, s'ils ont constaté un signe particulier et s'ils devraient être plus prudents. Ce genre de chose peut se produire. Je pense que c'est le message lancé par ce projet de loi très en vue qui porte sur une question qui était jusqu'ici cachée et ignorée.
    Nous devons bien sûr combler les lacunes. Nous ne pouvons pas en rester là. Il faut s'assurer que les gens comprennent l'enjeu.
    Je veux commenter brièvement la façon de surmonter l'isolement dû à la culture et à la langue, qui constitue bien sûr un problème pour la communauté chinoise aussi. À Toronto, une famille chinoise a laissé une femme dans un garage durant l'hiver. Si on accepte le stéréotype des obligations filiales des Asiatiques, c'est certainement une histoire de cruauté. Mais il y a eu une importante couverture médiatique, et les réactions de la population ont été abondamment rapportées. Si les médias parlent en long et en large d'une telle histoire, la barrière des langues ne pose pas de problème. Les médias dans les autres langues sont très efficaces partout au pays et ils vont dire aux communautés que la loi est en vigueur. Cette mesure permet d'entamer la discussion.
    Une voix: Je suis d'accord.
    Ça met fin aux séries de questions.
    Je tiens à remercier les témoins de leur présence. À mon avis, c'est très important de transmettre le message. J'espère que les médias vont parler de la séance d'aujourd'hui et des commentaires des témoins, parce qu'ils sont appropriés et que les Canadiens doivent être mis au courant selon moi.
    La séance est levée.
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