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Très bien. Dans ce cas, nous suivrons simplement l'ordre des noms. Je commence.
Je vais m'attarder à l'article 34 du projet de loi C-26, soit les modifications qu'on propose d'apporter aux dispositions en matière de légitime défense. J'insiste sur ce point, car il s'agit de la plus importante modification qu'on ait proposé d'apporter aux dispositions en matière de légitime défense au Canada depuis l'entrée en vigueur du Code criminel en 1892. Le projet de loi pourrait avoir des répercussions majeures sur les dispositions en matière de légitime défense.
Je parlerai d'abord brièvement du rôle que joue généralement la légitime défense dans le droit pénal. Je décrirai ensuite sommairement ce qui me semble être le fondement de la légitime défense et les éléments qui devraient être présents lorsqu'on invoque celle-ci. Enfin, je parlerai de l'article 34 à la lumière de ces deux premiers points.
Je commencerai par quelques commentaires d'ordre général sur la légitime défense.
Dans une société régie par la loi, comme la société canadienne, nous comptons habituellement sur des institutions pour protéger nos intérêts fondamentaux. Nous comptons sur les services de police. Nous comptons sur les tribunaux pour régler les conflits. Normalement, nous n'employons pas la force pour régler nos problèmes. Mais parfois, les institutions ne peuvent pas nous protéger. En situation d'urgence, le problème surgit soudainement. Il n'est pas toujours possible d'appeler la police ou d'attendre la décision des tribunaux pour régler le différend. En pareils cas, le droit pénal reconnaît que des particuliers peuvent commettre des actes qui, en d'autres circonstances, constitueraient des crimes, parfois des crimes fort graves. Les dispositions en matière de légitime défense autorisent plus particulièrement une personne à commettre ce qui serait normalement considéré comme des voies de fait ou un meurtre, lorsque celle-ci ne peut obtenir de protection contre des menaces délictueuses par la voie habituelle, qui consiste à appeler la police, ou par d'autres moyens.
Les dispositions régissant la protection des biens suivent les mêmes règles, mais je me concentrerai principalement sur la notion de défense d'une personne proposée dans l'article 34.
D'une part, nous souhaitons que la légitime défense soit rarissime, dans la mesure où nous espérons que la plupart du temps, la population pourra compter sur la protection des policiers et des autres institutions. D'autre part, en cas de besoin, la légitime défense nous autorise à protéger nos intérêts fondamentaux et notre intégrité physique. Je crois que les dispositions en matière de légitime défense doivent tenir compte de ces deux aspects, soit la nécessité de protéger les intérêts fondamentaux de tous et le fait que celle-ci n'est pas un premier, mais bien d'un dernier recours pour les citoyens confrontés à des menaces délictueuses.
À mon avis, il faut trois éléments pour invoquer avec succès la légitime défense. Leur présence devrait prouver le bien-fondé de la revendication de légitime défense, alors que l'absence de l'un d'eux devrait en entraîner le rejet.
Tout d'abord, la personne qui se défend — bref, le défendeur — est confrontée à un emploi illégal ou à une menace d'emploi illégal de la force contre elle. Le premier élément, c'est donc la présence d'une menace délictueuse.
Le deuxième élément, c'est que la force qu'a employée le défendeur — la réaction de défense — était nécessaire pour repousser l'emploi illégal de la force ou la menace de l'emploi illégal de la force.
Troisièmement, le défendeur a employé une force proportionnelle à la menace à laquelle il était confronté au départ.
Normalement les dispositions en matière de légitime défense exigent que le défendeur ait des motifs raisonnables de croire à la présence de ces trois éléments. Il n'est pas nécessaire qu'ils le soient, mais il devrait au moins y avoir des motifs raisonnables de croire qu'ils le sont.
De nombreux codes criminels et systèmes de droit criminel exigent, à défaut de ces trois éléments précis, des éléments semblables. Les dispositions actuelles du Code criminel — le paragraphe 34(2) — ne les mentionnent pas précisément, mais on a souvent considéré qu'il faut quelque chose s'approchant de ces trois éléments régissant la légitime défense. Dans mon mémoire, j'ai donné quelques exemples tirés d'autres systèmes juridiques, et le droit britannique renferme des dispositions similaires.
Voilà trois exigences parfaitement logiques. Prenons la première, l'exigence qu'il y ait une menace délictueuse. Si l'emploi de la force n'est pas délictueux, la personne devrait s'y soumettre. Elle ne devrait pas y résister. Le meilleur exemple serait celui d'une arrestation légale, à laquelle vous n'êtes pas censé résister. En fait, c'est là une infraction distincte, car l'emploi de la force est alors légal. Il n'est pas délictueux.
La deuxième exigence concerne la nécessité. Si vous pouvez échapper à la menace sans employer la force — surtout une force mortelle — contre votre attaquant, c'est la ligne de conduite que vous devriez adopter, plutôt que de commettre une infraction.
Enfin, si la réaction est disproportionnée, on considère alors que le défendeur a dépassé les bornes pour protéger son propre intérêt et qu'il a nui à l'équilibre que les dispositions en matière de légitime défense tentent d'établir entre les intérêts et l'intégrité physique de chacun.
Si ces trois éléments sont nécessaires pour invoquer la légitime défense, quelles répercussions aura l'article 34 à cet égard? Quelle conséquence cet article aura-t-il sur les dispositions en matière de légitime défense?
Tout d'abord, l'article 34 est, à un égard du moins, une excellente initiative. Les dispositions actuelles du Code criminel ont souvent fait l'objet de critiques parce qu'elles manquent de clarté, se chevauchent de manière parfois nébuleuse et sont difficiles à expliquer aux jurys. Des avocats, des juges et des universitaires ont émis une longue série de critiques portant sur la difficulté d'interpréter et d'appliquer les dispositions existantes. Par conséquent, la tentative de réunir tout ce qui a trait à la légitime défense dans un seul article qui serait clair et qui s'appliquerait à tous les crimes éventuels est, à mon avis, une excellente chose.
Cela étant dit, je crains toutefois que l'article 34, sous sa forme actuelle, ne reflète pas de manière adéquate les principes régissant la légitime défense telle que je l'ai définie. Je crains que le libellé de l'article comporte un problème structurel.
L'article exige qu'on menace d'employer la force. Il ajoute ensuite que la personne peut se défendre pourvu que ce soit de la légitime défense — jusque-là, tout va bien — et qu'elle agit de façon « raisonnable dans les circonstances. »
Le paragraphe 34(2) énumère ensuite une liste de facteurs pertinents pour déterminer si la réaction était raisonnable dans les circonstances. La source de mon malaise, ce n'est pas l'énumération de facteurs comme telle; c'est que les éléments clés de la légitime défense — notamment, la nécessité et la proportionnalité — deviennent de simples facteurs à considérer, ce qui signifie que d'autres facteurs pourraient possiblement avoir plus de poids qu'eux.
À mon avis, la menace délictueuse, la nécessité de réagir et la proportionnalité de la réaction devraient être les éléments régissant la légitime défense. Les facteurs énumérés dans le paragraphe 34(2) du projet de loi sont pertinents, mais ils ne devraient pas pouvoir l'emporter sur les éléments régissant la légitime défense.
Comme mon temps s'achève, permettez-moi de vous donner un exemple qui me préoccupe beaucoup. L'alinéa 34(2)h) du projet de loi indique qu'il faut notamment tenir compte du facteur suivant: « la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d'emploi de la force qu'elle savait légitime. » Il s'agit d'un facteur à considérer.
À mon avis, ce facteur devrait invariablement faire échec à une revendication de légitime défense. Si le défendeur sait qu'une menace d'emploi de la force est légitime, il devrait s'y soumettre. Celle-ci ne devrait pas être reléguée au rang facteur sur lequel d'autres facteurs comme la taille, l'âge et le sexe des parties impliquées dans l'incident pourraient primer. Voilà qui montre, à mon avis, comment la légitime défense, aux termes de l'article 34 du projet de loi, pourrait donner lieu à un acquittement injustifié.
L'inverse est également possible, car la nécessité et la proportionnalité sont considérées comme de simples facteurs. Il est donc envisageable, aux termes de l'article proposé, qu'une personne utilise une force nécessaire et proportionnelle pour se défendre contre une menace délictueuse, mais qu'elle soit néanmoins condamnée, parce qu'aux yeux du juge ou du jury, d'autres facteurs ont plus de poids que la nécessité et la proportionnalité de la réaction. Une personne pourrait donc être condamnée même si sa conduite répond à ce qui me semble être les éléments fondamentaux d'une revendication de légitime défense.
Je n'entends pas par là que les facteurs du paragraphe 34(2) ne sont pas pertinents, mais plutôt qu'ils devraient être subordonnés aux éléments régissant la légitime défense, soit la menace délictueuse, la nécessité de réagir et la proportionnalité de la réponse.
Merci.
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Bonjour, je me présente rapidement. Mon nom est Greg Preston. Je suis le chef de police intérimaire du Service policier d'Edmonton, mais je représente aussi l'Association canadienne des chefs de police, l'ACCP, et son comité des amendements législatifs.
J'aimerais d'abord vous dire que l'ACCP appuie le projet de loi . À notre avis, il est important de reconnaître que les citoyens passent aux actes et de leur permettre de revendiquer la légitime défense quand cela se produit. Nous croyons que cela aidera la police à apprécier la situation, afin de reconnaître plus facilement la légalité de l'intervention d'une personne. Voilà ce que permettra le processus simplifié du projet de loi, et cela nous sera bien utile.
Il y a un autre sujet que nous aimerions aborder. Même si nous préférerions que ce soit des policiers formés et outillés qui procèdent aux arrestations, nous savons qu'en fait, il y a des cas où des citoyens passent aux actes, par civisme envers autrui ou tout simplement pour être secourables. Ainsi, les gens vont passer aux actes. Je le répète, l'idéal serait que nous soyons sur tous les coins de rue, mais c'est de l'utopie. Il est donc inévitable que cela se produise, et c'est pourquoi nous sommes assurément en faveur de l'idée de reconnaître ce genre d'intervention.
J'aimerais soulever une question dont le comité pourrait peut-être discuter afin de déterminer s'il est nécessaire d'effectuer un amendement au projet de loi. Il s'agit du libellé actuel du paragraphe 494(2) et des modifications proposées, car il est encore question d'« une personne qu'il trouve en train de commettre ». Le libellé de l'article actuel, « trouve en train de commettre », est le même que celui du projet de loi. Dans le document d'information, le projet de loi porte sur l'idée d'être pris sur le fait.
Je veux simplement souligner que, de toute évidence, il y a eu au cours des dernières années des changements technologiques grâce à la télévision en circuit fermé. Par exemple, bien souvent, les grands magasins — pas uniquement, mais nous recevons souvent des appels de leur part —, utilisent la télévision en circuit fermé pour prévenir les pertes. Les agents de prévention des pertes se servent de la télévision en circuit fermé pour surveiller les tentatives de vol à l'étalage. Ils surveillent donc les écrans de la salle de contrôle. S'ils voient quelqu'un qui semble être en train de commettre un délit, ils appellent alors un agent de prévention des pertes sur le plancher. Normalement, ils le font au moyen d'une radio ou d'un téléphone cellulaire. Ils racontent ce qui se passe et ce qui les porte à croire que la personne est en train de commettre un délit. Ils transmettent cette information à l'agent de prévention des pertes qui est sur le plancher. Normalement, à un moment donné, l'agent en question décidera de procéder à l'arrestation.
Bien souvent, dans une situation comme celle-là, l'agent de prévention des pertes n'a pas vu la commission du délit. En fait, bien souvent, il reste à l'écart afin de ne pas alerter l'individu et lui faire peur. Il veut vérifier si la personne est réellement en train de commettre un délit ou si elle vaque simplement à ses occupations. C'est une fois le délit commis, après avoir appris que la personne a choisi un article, l'a caché et se dirige maintenant vers la sortie que l'agent de prévention des pertes procédera à l'arrestation.
Au moment de procéder à l'arrestation, cet agent ne trouve pas la personne « en train de commettre ». En fait, il s'appuie sur des motifs raisonnables et probables. D'aucuns pourraient argumenter que l'auteur du délit est encore en train de perpétrer un crime à ce moment-là, et que par conséquent la personne est toujours « en train de commettre » une infraction. À mon avis, ce n'est pas le cas, car l'agent de prévention des pertes s'appuie en fait sur des motifs probables et raisonnables.
J'aimerais vous présenter l'exemple de l'affaire La Reine c. Biron. Il s'agit d'une décision de la Cour suprême rendue en 1976. Elle est citée dans les documents que j'ai fournis, mais je signale aux fins de consultation qu'il s'agit de [1976] 2 R.C.S. 56 — page 72. Je crois que cette décision appuie ma position selon laquelle il s'agit en fait de motifs probables et raisonnables et non d'un acte qu'une personne est « en train de commettre ».
En pareil cas, ce n'est pas un problème si la police intervient directement, mais j'aborde tout de même la question, car en vertu du paragraphe 494(3), il faut appeler la police sur-le-champ quand un incident de la sorte se produit, afin qu'on nous livre la personne et que nous puissions vérifier la légalité de l'arrestation. Autrement, on pourrait soutenir que nous effectuons une arrestation illégale, à moins de trouver d'autres motifs pour procéder. Parfois, on nous appelle pour enquêter sur un agent de prévention des pertes en raison d'une arrestation illégale, pour voies de fait.
La question nous intéresse. Nous croyons qu'il serait bon d'étudier ce point en particulier. Mis à part cela, nous appuyons l'adoption du projet de loi.
Je vous remercie de votre temps et d'avoir donné au milieu policier l'occasion de se faire entendre. Bien entendu, je répondrai volontiers à toutes vos questions.
Mon nom est Alex Scholten. Je suis le président de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation. Cette association représente les intérêts économiques des propriétaires de 25 000 dépanneurs situés dans des collectivités aux quatre coins du Canada.
Mon propos d'aujourd'hui portera surtout sur les aspects concrets de l'expérience de nos membres en ce qui a trait au vol à l'étalage et au droit pénal actuel concernant l'arrestation par des citoyens. L'association est heureuse de donner son point de vue à l'égard de ces dispositions et de fournir des considérations d'ordre général étayant celui-ci.
Je parlerai brièvement des trois sujets suivants. Le premier concerne l'industrie des dépanneurs et les répercussions qu'a le vol à l'étalage sur nos profits. Le deuxième touche les problèmes auxquels sont confrontés les propriétaires de dépanneur aux termes des dispositions actuelles du Code criminel concernant l'arrestation par des citoyens. Troisièmement, je parlerai de l'affaire David Chen, où un propriétaire de dépanneur a été inculpé, aux termes des dispositions actuelles concernant l'arrestation par des citoyens du Code criminel, pour avoir séquestré un voleur à l'étalage.
Je conclurai mon exposé en faisant des recommandations précises sur les dispositions du projet de loi , plus particulièrement sur le paragraphe 494(2) qui traite des modifications à apporter aux dispositions du Code criminel concernant l'arrestation par des citoyens.
Pour la majorité des Canadiens, être victime d'un vol est plutôt rare. Toutefois, pour les propriétaires de dépanneur, c'est une préoccupation constante. La nature même de l'industrie — de longues heures d'ouverture, souvent 24 heures par jour — tant à la campagne qu'en ville, fait que la question du vol à l'étalage et du cambriolage revient constamment. En outre, plus de dix millions de Canadiens fréquentent quotidiennement les 25 000 dépanneurs de notre association. L'accessibilité de nos commerces nous expose davantage à être régulièrement victimes de vols.
Par conséquent, notre point de vue sur la mesure législative concernant l'arrestation par des citoyens est très pertinent, car contrairement à la moyenne des Canadiens, le commun des propriétaires de dépanneur doit régulièrement faire face à des problèmes de vol qui attaquent le droit de propriété. De plus, dans le milieu concurrentiel d'aujourd'hui, les pertes et la freinte qu'entraîne ce type de crime ont des répercussions directes sur la capacité de survie des propriétaires de dépanneurs.
En 2007, un sondage effectué par le Conseil canadien du commerce de détail auprès de ses membres a établi que le taux moyen de la freinte de stock, ou la mesure des pertes attribuables au vol à l'étalage ou à la fraude rapportés par les répondants représentait 1,54 p. 100 des ventes nettes. Puisque les ventes totales des dépanneurs s'établissaient à 33,8 milliards de dollars en 2010, cela représente des pertes de plus de 500 millions de dollars pour les dépanneurs au Canada.
Des sondages auprès de nos membres nous ont permis de constater que leurs profits avant impôt représentent au plus de 1 à 1,5 p. 100 des ventes nettes, c'est une marge de profit bien mince. Je vous ferais remarquer que c'est presque l'équivalent des pertes attribuables au vol et à la fraude, selon les chiffres du Conseil canadien du commerce de détail.
L'Association canadienne des dépanneurs en alimentation reconnaît l'importance du travail des policiers et de l'application du droit pénal, mais nous nous préoccupons beaucoup du fait que la poursuite des voleurs à l'étalage ne figure pas parmi les grandes priorités des services de police. Nous comprenons pourquoi il en est ainsi, car ce type d'activité criminelle, par son seul volume, rend l'application de la loi ardue pour les policiers. Cette situation a toutefois pour résultat de laisser aux propriétaires de dépanneur bien peu de recours pour contrer ce type de crime.
Comment les propriétaires de dépanneur réagissent-ils au vol à l'étalage? Lorsqu'un propriétaire ou l'un de ses employés choisit de réagir à un vol, il dispose de fort peu de marge de manoeuvre. En plus d'avoir à déterminer rapidement si un crime a été commis, il doit aussi décider de la mesure à prendre. Normalement, cela signifie regarder les enregistrements de sécurité afin de confirmer les gestes auprès du propriétaire.
Contrairement à la situation dans les grands magasins, dont a parlé M. Preston, nous ne disposons pas d'équipes spécialisées. Normalement, dans nos dépanneurs, il y a tout au plus une ou deux personnes qui travaillent en même temps. Cela demande plus de temps. Il est plus laborieux pour ces deux personnes de se livrer à ce genre d'activités.
Normalement, quand on examine les enregistrements et qu'on prend la décision d'appréhender quelqu'un, le temps presse. Les voleurs à l'étalage entrent et sortent des magasins très rapidement.
En ce qui concerne l'arrestation par des citoyens, les dispositions actuelles du Code criminel sont très restrictives. Ce genre d'arrestation n'est permis que lorsqu'on surprend une personne en train de commettre un acte criminel. Cela signifie qu'il faut prendre le délinquant sur le fait. Le propriétaire de magasin doit donc fonder sa décision sur une réaction spontanée.
L'ACDA n'encourage pas ses membres à se faire justice à eux-mêmes. Toutefois, nous devons reconnaître que de telles situations sont inévitables. Comme notre secteur est très peu rentable, même le vol d'une très petite somme peut mettre nos membres dans une situation très précaire. Dans une telle situation, la plupart des gens trouvent déraisonnable qu'un propriétaire de dépanneur puisse être poursuivi en justice, aux termes de la loi actuelle, pour avoir protégé ses biens en détenant une personne ayant commis un vol à l'étalage. Le fait qu'une victime peut soudainement être accusée va à l'encontre du principe universel de justice et d'équité. Par conséquent, nous sommes d'avis que les dispositions du Code criminel concernant l'arrestation par des citoyens doivent être beaucoup moins restrictives, et qu'il faut établir des lignes directrices claires pour faire en sorte que les victimes de crime ne deviennent pas la cible du système judiciaire.
J'illustrerai mon propos en me fondant sur le cas récent d'un propriétaire de dépanneur de Toronto. Le 23 mai 2009, David Chen, propriétaire du Lucky Moose Food Mart, situé sur la rue Dundas Ouest, à Toronto, ainsi que ses deux employés, ont appréhendé et détenu un homme qui avait volé des plantes dans leur magasin. Le délinquant avait été condamné de nombreuses fois pour des vols à l'étalage. Au procès, on a indiqué qu'il avait déjà été condamné 40 fois pour vol à l'étalage. On lui avait déjà interdit, pendant trois ans, de se rendre dans le quartier chinois de Toronto, et dans un quartier voisin, Kensington Market, en raison des nombreux vols qu'il avait commis dans des commerces locaux. En août 2009, il a plaidé coupable aux chefs d'accusation de vol à l'étalage liés à l'incident en question, et on l'a condamné à 30 jours de prison.
Le système de vidéosurveillance a capté le premier vol commis par le délinquant dans le magasin, mais l'homme a réussi à quitter le magasin sans se faire prendre. Une heure plus tard, il est retourné au magasin. L'ayant reconnu grâce à la vidéosurveillance, M. Chen et ses deux employés l'ont interpellé et appréhendé, puis ils l'ont mis en détention en l'emprisonnant à l'arrière d'un fourgon de livraison du magasin, en attendant l'arrivée de la police. Comme le magasin était petit, il n'y avait aucun autre endroit où emprisonner le délinquant.
Lorsque les policiers sont arrivés, ils ont arrêté le voleur à l'étalage, qui a été accusé de deux chefs de vol de moins de 5 000 $. M. Chen et ses deux employés ont aussi été arrêtés et accusés de séquestration, de port d'arme dissimulée — il s'agissait d'un découpeur de boîtes dont M. Chen se servait pour découper des boîtes dans son magasin — et de voies de fait. Ces accusations étaient beaucoup plus graves que celles portées contre le voleur à l'étalage.
Quel était le délit commis par M. Chen dans ce cas? Il a été accusé pour avoir mis en détention un voleur à l'étalage qui avait volé des biens dans son magasin. Comme le voleur avait déjà quitté le magasin après son acte illégal, les dispositions actuelles du Code criminel interdisaient à M. Chen d'appréhender le voleur lorsque ce dernier est retourné au magasin une heure plus tard.
La Couronne a fini par laisser tomber l'accusation de port d'arme dissimulée, portée contre M. Chen, mais elle a maintenu les accusations de séquestration et de voies de fait. Comble de malheur, le voleur à l'étalage était le principal témoin de la Couronne lors du procès contre M. Chen et ses deux employés. Heureusement, 18 mois après la mise en accusation, les chefs d'accusation portés contre M. Chen et ses deux employés ont été rejetés, le juge ayant conclu que M. Chen avait essayé de pallier les lacunes du système judiciaire.
M. Chen a été considéré à la fois comme un justicier et un défenseur du peuple. Nous croyons qu'il est simplement un propriétaire d'entreprise honnête qui travaille fort pour se tirer d'affaire dans un secteur très précaire.
Les dispositions du paragraphe 494(2) du Code criminel concernant l'arrestation par des citoyens sont trop restrictives pour permettre à une personne de protéger ses biens. Au lieu de permettre l'arrestation par des citoyens seulement lorsqu'une personne est surprise en train de commettre un crime, ces dispositions doivent être modifiées de manière à ce qu'elles permettent également à un particulier d'arrêter une personne dans un délai raisonnable, après le délit en question, lorsqu'il soupçonne que cette personne est responsable de l'acte criminel, et s'il a de bonnes raisons de croire qu'il est impossible, compte tenu des circonstances, que les forces de maintien de l'ordre procèdent à cette arrestation. Les modifications proposées dans le projet de loi offrent une telle latitude.
L'ACDA appuie les dispositions du projet de loi concernant l'arrestation par des citoyens et le fait qu'on précise les circonstances dans lesquelles les Canadiens respectueux des lois peuvent procéder, au besoin, à de telles arrestations, car cela fournit à nos membres propriétaires de petite entreprise des clarifications et des lignes directrices quant à leurs droits et à ce qui constitue une contribution acceptable au maintien de l'ordre.
Même si on apportait les changements proposés au Code criminel, nous n'encouragerions pas les propriétaires de dépanneur à se faire justice à eux-mêmes, car ce devrait être la responsabilité de la police. Cependant, étant donné que la lutte contre le vol à l'étalage n'est pas une grande priorité pour la police, les victimes de crime du secteur des dépanneurs ne devraient pas être transformées de nouveau en victimes par le système de justice pénale lorsqu'ils essaient de protéger leurs biens, alors que la police n'est pas là pour les aider.
Pour conclure, nous remercions le comité permanent de nous donner l'occasion d'exprimer notre opinion.
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Je crois qu'elle est aussi précise que possible. Ce genre de situation est inévitable. Les gens prennent la fuite. La personne qui essaie de procéder à l'arrestation perd le délinquant de vue, et il semble que la version actuelle des dispositions le prive de ce pouvoir d'arrestation.
On essaie de composer avec le véritable problème, avec le fait que les gens doivent être en mesure d'arrêter, dans un délai raisonnable, une personne ayant commis un crime.
Selon les amendements proposés, les gens devraient trouver le délinquant dans un délai raisonnable après le délit. Comme je l'ai dit, toutes nos lois tiennent compte du caractère raisonnable. Si ce principe se trouve dans toutes les autres dispositions du Code criminel, nous devons supposer que les gens, et particulièrement les policiers, comprendront ce que ça veut dire. Ainsi, lorsque vient le temps de mettre ces dispositions en pratique, les circonstances dictent ce qui est raisonnable dans tous les cas.
Toutefois, dans ce cas-ci, nous comprenons qu'il faut que l'arrestation se produise pratiquement en même temps que le délit. C'est ainsi qu'on l'expliquerait à nos membres. Je suppose qu'une arrestation qui se produirait des jours après le délit ne respecterait pas ce critère. Nous ne pouvons pas dire à quelqu'un, par exemple, qu'il peut procéder à l'arrestation dans un délai précis, mais qu'il ne serait pas raisonnable d'arrêter le délinquant après ce délai. Je ne crois pas qu'on ait déjà tenté, par une loi, de limiter à ce point tout aspect de l'emploi de la force ou de l'arrestation par les autorités légitimes.
Il y aura toujours matière à discussion sur ce qui est raisonnable. Je crois que ces dispositions ne nous posent aucun problème, et que nous laisserons les circonstances dicter notre conduite et nous guider. Ça fait partie de la réalité actuelle. Comme on l'a mentionné, nous devons mettre en place des mesure de protection pour ceux qui interviendront, et ils interviendront, que nous le voulions ou non. Soyons-en conscients, et donnons à ces personnes des pouvoirs raisonnables. Je crois que les dispositions à l'étude sont raisonnables. Nous sommes donc d'avis qu'elles ne posent pas problème.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui. Nous tenons une discussion très intéressante sur ce projet de loi.
J'aimerais simplement soulever une question. Je pense que le comité se penche notamment sur l'équilibre. A-t-on établi un juste équilibre entre l'arrestation par des citoyens et la légitime défense? Je sais qu'il est très difficile d'avancer des hypothèses sur les défis supplémentaires que posera le projet de loi. En l'examinant cependant, on constate qu'il ne vise pas seulement la personne dans le commerce, le propriétaire ou un employé, mais aussi les personnes autorisées. J'imagine qu'il pourrait s'agir d'agents de sécurité. Je sais que dans certaines zones commerciales, des associations de commerçants embauchent des agents de sécurité. Je sais que c'est le cas dans le quartier chinois de Vancouver. La personne autorisée peut être employée par une association.
Je me demande si aux termes de ce projet de loi, les gens seront plus facilement ciblés en raison de stéréotypes et si une personne autorisée ou une personne qui travaille dans le commerce, le propriétaire ou un employé, à cause de l'apparence et des actions d'un individu, pourraient penser que celui-ci est en train de commettre une infraction.
Monsieur Stewart, j'aimerais entendre vos observations à ce sujet. Le projet de loi ne stipule pas que l'on peut arrêter une personne qui commet une infraction criminelle. On a donc l'impression qu'il faut être témoin du crime, mais même avec des caméras de télévision en circuit fermé, on ne peut pas être absolument certain de ce qui se passe à partir de ce que l'on voit sur un petit écran. Je me demande si on ne risque pas que des gens soient ciblés à cause de stéréotypes, notamment à cause de ce qu'ils portent ou parce qu'ils ont l'air de criminels, de toxicomanes, de voyous, etc. À la lumière de ce que je viens de dire, le projet de loi risque-t-il de donner lieu à plus d'arrestations, à des arrestations injustifiées?