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Merci, monsieur le président.
Je vais suivre mon texte parce que je ne suis pas très à l'aise.
La Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle tient à réitérer aujourd'hui son appui au projet de loi de Mme Maria Mourani, députée d'Ahuntsic.
Nous croyons que ce projet de loi, en ciblant les proxénètes et les profits d'une industrie basée sur l'exploitation, assurera une meilleure protection des femmes dans la prostitution et des victimes de la traite à des fins sexuelles.
Le projet de loi de Mme Mourani permet en effet de mieux comprendre les liens essentiels entre prostitution et traite, qui sont toutes deux largement déterminées par des inégalités et, pour paraphraser Gloria Steinem, toutes deux créées par les mêmes clients qui veulent des rapports sexuels inégaux. Le projet de loi souligne ce lien par l'inclusion, entre autres, d'un paragraphe sur l'exploitation sexuelle, à l'article 279.04 du Code criminel portant sur la traite, et par sa volonté de s'attaquer au proxénétisme, ce qui est une avancée non négligeable en matière d'égalité hommes-femmes au Canada.
Au Canada, où la majeure partie de la traite se fait à l'interne, la demande pour des services sexuels est présente dans toutes les localités, dans toutes les provinces, mais elle nécessite la plupart du temps le déplacement de centaines, voire de milliers de filles à l'intérieur même du pays afin de les éloigner de leur famille, de leurs amis et de leurs réseaux sociaux et d'ainsi en faire perdre la trace.
Il est aussi possible de constater, de façon ponctuelle, que des femmes sont massivement déplacées vers des régions précises du Canada afin de répondre à la demande accrue des clients lors d'événements sportifs ou autres.
Pour ces raisons, la précision apportée avant l'alinéa a) du paragraphe 279.01(1) du Code criminel est importante afin de faire reconnaître la traite interne comme un système organisé en tout point similaire à la traite internationale et devant être punie comme telle.
L'inclusion, après le paragraphe (2) de ce même article, de la présomption relative à l'exploitation d'une personne est aussi une mesure claire en faveur de la protection des femmes, principales victimes de la traite au Canada. Le renversement du fardeau de la preuve leur enlève un énorme poids des épaules, alors que, souvent, elles ont peur des représailles si elles témoignent ou préfèrent se taire que d'avoir à revivre leur martyre en témoignant.
De plus, puisque de 80 à 90 % des femmes victimes de la traite le sont en vue de fournir l'industrie du sexe, il nous semble cohérent que ces dernières soient traitées comme le sont les victimes des proxénètes, pour qui le fardeau de la preuve est déjà inversé, comme c'est stipulé au paragraphe (3) de l'article 212 du Code criminel.
Finalement, en demandant des peines exemplaires et consécutives de même que la confiscation des gains des proxénètes et trafiquants de personnes, le projet de loi affirme haut et fort que la marchandisation des femmes dans la traite, qui sont importées et exportées, vendues et revendues au profit des hommes, est un crime grave qui mérite une peine claire.
En conclusion, face à une industrie du sexe qui ne répond qu'à l'appel du profit et aux demandes des clients, il est impératif de s'attaquer aux sources de ce marché. C'est pourquoi, à la Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle, nous croyons que mettre l'accent sur le proxénétisme et la confiscation de l'argent généré par la traite, comme le fait le projet de loi de Mme Mourani, est un premier pas adéquat et urgent pour répondre au problème de la traite à des fins d'exploitation sexuelle au Canada.
Nous croyons aussi qu'afin d'affirmer notre solidarité avec les femmes qui sont trop souvent placées devant des non-choix et d'assurer une réelle protection des personnes prostituées, ces dernières devraient être décriminalisées. Nous espérons que prochainement le Bloc québécois et d'autres partis politiques oseront agir en ce sens et s'attaquer de front à l'industrie du sexe et aux clients qui la font vivre.
En attendant, nous saluons l'initiative prise par Mme Mourani et espérons que son projet de loi sera adopté par l'ensemble des élus canadiens et des élues canadiennes. C'est un pas dans la bonne direction qui nous permet d'espérer qu'un jour nous dépasserons le discours basé sur les choix individuels pour affirmer collectivement le droit des femmes, de toutes les femmes, de ne pas être prostituées.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Walk With Me Canada a été créé par une survivante de la traite de personnes. L'objectif était d'offrir aux survivants des soins de première intervention ainsi que la possibilité de participer à l'élaboration d'une stratégie communautaire coordonnée, susceptible de répondre aux besoins immédiats et à plus long terme des victimes de la traite de personnes.
Depuis sa création en 2009, Walk With Me Canada travaille en étroite collaboration avec les services de police et fournit des services uniques aux nombreuses victimes de la traite de personnes, en Ontario et dans tout le Canada.
La vision de Walk With Me Canada est de transformer la vie des victimes de la traite de personnes et d'éradiquer l'esclavage au Canada. Dirigée par une survivante, l'organisation a pour mission de mettre le problème de l'esclavage au coeur des consciences, de dispenser et de coordonner des services, d'aider les victimes à survivre, et de proposer des mesures et des modifications législatives.
Au cours des trois dernières années, Walk With Me Canada a aidé plus de 200 hommes et femmes à se sauver ou à quitter leur emploi où ils étaient exploités professionnellement ou, le plus souvent, sexuellement. Les hommes et les femmes que nous avons aidés jusqu'à présent avaient entre 14 et 45 ans.
Dans plusieurs cas, il s'agissait de multiples personnes exploitées par le même individu, et nous pensons que c'est très important que ça soit mentionné dans le projet de loi. On emploie souvent le mot « écurie » et je vous prie de m'en excuser, mais c'est le mot qu'on entend dans la rue. Les gens, surtout dans l'industrie du sexe, disent qu'ils ont une écurie de jeunes femmes, et nous pensons donc qu'il est très important de prévoir des peines consécutives.
Walk With Me gère un refuge et dispense des soins de première intervention aux victimes de la traite de personnes. Nous essayons actuellement de trouver des logements qui accueilleront les gens, à leur sortie du refuge, et où ils auront le temps de se réadapter et de s'intégrer à la société.
Walk With Me Canada appuie le projet de loi — les trois amendements —, sous réserve de quelques modifications du libellé, sur lesquelles nous comptons. Le projet de loi vise à apporter trois modifications au Code criminel du Canada. Il prévoit des peines consécutives pour les infractions liées au proxénétisme et à la traite de personnes; il crée une présomption relative à l'exploitation d'une personne par une autre et il ajoute des circonstances présumées constituer de l'exploitation; finalement, il ajoute les infractions de proxénétisme et de traite de personnes à la liste des infractions visées par la confiscation des produits de la criminalité.
Walk With Me Canada appuie les trois amendements, sous réserve de la modification du libellé et de la suppression de certains chevauchements avec des amendements apportés au projet de loi .
S'agissant des infractions liées au proxénétisme et à la traite de personnes, notre organisation n'a pas eu le temps, vu sa création relativement récente, de rassembler des données scientifiques sur les peines concurrentes par opposition aux peines consécutives. Nous avons cependant constaté, en comparant les peines infligées pour le trafic de drogue et pour la traite de personnes, que nos tribunaux infligent des peines plus sévères pour le trafic de drogue que pour la traite de personnes, qu'il s'agisse, dans ce dernier cas, de travail forcé ou d'exploitation sexuelle. Le trafic de drogue ne doit certes pas être pris à la légère, mais c'est un fait que les peines auxquelles il donne lieu sont plus sévères que pour la traite de personnes.
De plus, notre organisation a suivi de près la plus grosse affaire de traite de personnes qu'on ait jamais eue au Canada. Elle concernait des Hongrois roms, et le tribunal de Hamilton a infligé des peines à la plupart des infracteurs. Le cerveau de tout ce trafic, un certain Ferenc Domotor, a écopé d'une lourde peine, mais elle était concurrente.
Après la détermination de la peine, nous avons rencontré plusieurs des victimes et nous avons discuté du procès avec elles. L'un des jeunes Hongrois se demandait si, malgré l'enfer qu'il avait vécu, il avait eu raison de faire des poursuites car ça avait été une expérience traumatisante, et finalement, le coupable n'était condamné qu'à une seule peine alors qu'il y avait de nombreuses victimes. Je ne pense pas qu'il connaissait la différence entre peines concurrentes et peines consécutives, mais il supposait que la peine infligée à M. Domotor aurait été la même, avec une ou dix victimes.
Quand on sait que la multiplicité des victimes augmente les gains des trafiquants, il est clair qu'il faut prévoir des peines consécutives pour ce crime odieux. À l'heure actuelle, un trafiquant court relativement peu de risques de se faire imposer une peine plus lourde s'il exploite plusieurs victimes, mais par contre ça lui rapporte gros. Autrement dit, quand vous réussissez à gagner entre 200 000 et 300 000 $ par victime par an, et que le seul risque que vous courez est une peine concurrente pour chaque victime supplémentaire, le trafiquant est très tenté de développer son empire, vu le peu de risques.
Pour toutes ces raisons, nous appuyons cet amendement.
Walk With Me Canada appuie l'amendement qui crée « une présomption relative à l'exploitation d'une personne par une autre et ajoute des circonstances présumées constituer de l'exploitation ».
Même si, à première vue, nous pensons que le libellé risque de conduire à l'arrestation de badauds innocents, cette présomption est importante pour les victimes qui craignent pour leur vie. Bien souvent, les trafiquants envoient des menaces aux familles des victimes, et menacent de tuer les victimes elles-mêmes ou leurs amis. La plupart du temps, ces victimes ont été transplantées dans une autre ville, voire dans un autre pays. Par conséquent, elles sont effrayées quand, après avoir été libérées de leur esclavage, on leur demande de témoigner.
Nous avons constaté que, dans bien des cas, il fallait éloigner les femmes de la ville ou même de la province pour assurer leur sécurité. Le stress post-traumatique, l'anxiété et la dépression qui frappent les victimes après qu'elles ont été libérées sont tels qu'elles sont réticentes à témoigner. Nous sommes satisfaits que l'on propose d'ajouter au Code criminel le renversement de la charge de la preuve, une fois que la Couronne a présenté une preuve suffisante à première vue. La victime aura plus de chances de se rétablir si elle n'est pas obligée de témoigner ou si elle ne sent pas que la police a absolument besoin de son témoignage pour procéder à des inculpations.
Souvent, le fait d'attendre la tenue du procès interrompt son processus de rétablissement, car la victime ne pense plus qu'à ça, à sa confrontation avec l'accusé, et elle sait que le procès n'aboutira que si elle témoigne et met sa vie en danger.
C'est pour toutes ces raisons que notre organisation appuie cet amendement.
Le troisième amendement consiste à « ajouter les infractions de proxénétisme et de traite de personnes à la liste des infractions visées par la confiscation des produits de la criminalité ». Les statistiques ne manquent pas sur les gains réalisés par les proxénètes. On sait qu'une jeune femme exploitée par un proxénète lui rapporte 280 000 $ par an. Si elle a entre 12 et 25 ans, elle peut lui rapporter 300 à 1 500 $ par jour en gains illicites et non déclarés. Un tableau préparé par le gouvernement, que nous avons annexé à notre mémoire, montre qu'une femme exploitée par un proxénète lui rapporte en moyenne 900 $ par jour, pour un gain total annuel de 280 000 $, et qu'un proxénète qui a une écurie de 10 jeunes femmes peut engranger des gains annuels de plus de 3 milliards de dollars. Nous donnons l'exemple du site Backpage.com, qui est un site unique pour trouver des femmes au Canada. Notre exemple montre que cinq femmes y ont été présentées entre 11 heures et 16 heures, dans une chambre d'hôtel, et que les tarifs étaient de 60 à 80 $ la demi-heure, et de 120 à 180 $ l'heure. En consultant la pièce jointe, j'ai vu que le tarif de la jeune femme était de 200 $ l'heure. Imaginez ce que ça vous rapporte si vous avez quatre ou cinq femmes qui travaillent chaque jour pour vous. Bien sûr, il s'agit de gains illicites, qui ne sont pas déclarés. Ce sont donc des profits nets.
Les victimes nous disent qu'au départ, on leur donne une partie des revenus de leur exploitation, qu'on leur offre de belles choses. Mais que très rapidement, une fois que le proxénète les a bien entubées, elles reçoivent de moins en moins de salaire et de cadeaux, et que l'argent va directement dans les coffres du proxénète.
Dans l'affaire de Hamilton, l'une des personnes qui a plaidé coupable à l'accusation de travail forcé possédait une maison à Ancaster, Ontario, évaluée à 750 000 $. Cet amendement aurait permis à l'avocat de la Couronne de faire saisir la maison comme produit de la criminalité. L'enquête de la GRC et les preuves présentées au procès, auquel j'étais présent, indiquaient que les trafiquants avaient plusieurs comptes bancaires bien garnis, y compris des versements d'aide sociale. Tout cela aurait également pu être saisi si l'amendement avait été en vigueur. Dans cette affaire, le trafiquant s'est vu infliger une peine concurrente et, fort probablement, une ordonnance de déportation, mais il a pu garder la propriété de sa maison et de ses comptes bancaires.
Il faut mettre un terme aux profits que font le crime organisé, les gangs de rue et les entrepreneurs qui exploitent de jeunes Canadiens, hommes et femmes, ainsi que des immigrants qui viennent s'établir dans notre pays. En plus des peines consécutives, le risque de se faire saisir tous les biens et gains ainsi accumulés devrait les dissuader de commettre ce crime odieux.
Pour les raisons que je viens de donner, Walk With Me appuie les trois amendements. Nous espérons qu'ils aideront la justice à imposer des peines plus proportionnelles à la gravité du crime et à procéder à la saisie des biens et gains que les trafiquants ont tirés de leurs activités illicites.
Je vous remercie, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Hooper et madame Legault-Roy, merci de comparaître devant notre comité aujourd'hui.
Monsieur Hooper, nous nous connaissons très bien. Timea Nagy est une victime étonnante qui a réussi à s'en sortir et qui aide maintenant les policiers en accomplissant un travail extraordinaire. Monsieur Hooper, vous êtes l'avocat de son organisation, et je tiens à vous remercier de tout le travail de bénévolat que vous faites vous aussi.
Vous avez fort bien décrit la situation pour laquelle nous essayons de trouver des solutions. Vous avez raison, ça peut être la fille qui habite à côté. Ça peut être aussi des étrangères. Je me souviens lorsque Timea Nagi est arrivée pour la première fois au Canada. Elle était victime de la traite, et les trafiquants lui ont fait quitter la Hongrie. Aujourd’hui, elle a réussi à devenir l'un des grands défenseurs des victimes de la traite.
À propos de l'affaire dont vous avez parlé au sujet du travail forcé, je sais qu'avec Timea et Toni Skarica, nous avons réussi, avec quelques autres, à faire un travail formidable.
S'agissant du projet de loi de Maria Mourani, vous n'ignorez pas que les projets de loi et s'attaquaient à certains aspects de la traite de personnes. J'aimerais toutefois que vous nous expliquiez davantage comment le projet de loi va aider les victimes de la traite, parce que le problème qui se pose bien souvent, c'est que les victimes se rendent au tribunal mais qu'elles refusent de parler. Je sais que, dans cette affaire de travail forcé où les victimes étaient des hommes, ça a été pour eux un véritable enfer, car il y avait des hommes du crime organisé de Hongrie qui essayaient de venir au Canada pour s'en prendre à eux. Dans le projet de loi C-310, nous reconnaissons le principe de l'extraterritorialité, afin de pouvoir poursuivre les citoyens canadiens ou les résidents permanents qui se livrent à la traite de personnes à l'étranger. Ensuite, nous avons ajouté une disposition d'interprétation, afin d'élargir la définition de la traite de personnes, pour que les tribunaux puissent poursuivre les auteurs de ce crime. Le projet de loi C-452 va lui aussi venir en aide aux victimes.
Et justement, monsieur Hooper, j'aimerais que vous nous expliquiez davantage comment il va venir en aide aux victimes. Je vous en prie.
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Très bien. Je vous remercie de témoigner devant le comité, où je suis ravie de siéger aujourd'hui en tant que membre invité.
J'aimerais féliciter la députée de Saint-Paul pour tout ce qu'elle fait depuis un certain nombre d'années.
Madame Legault-Roy, vous avez parlé des manifestations sportives. Il se trouve que j'ai présenté une motion un an avant les Jeux olympiques de Vancouver de 2010, pour qu'on adopte un plan de lutte contre la traite de personnes, conformément aux obligations que nous avons contractées dans le cadre du Protocole de Palerme. La députée de Saint-Paul l’a appuyée, mais malheureusement, je n'ai pas réussi à obtenir le consentement unanime.
Mais je suis ravie de voir que les choses bougent. Je sais que le Parti libéral appuie vivement le projet de loi de Mme Mourani — qui reconnaît le principe de l'extraterritorialité pour les crimes commis à l'étranger, entre autres choses.
Il y a toutefois deux choses qui nous préoccupent. La première concerne les peines consécutives, par opposition aux peines concurrentes. Je crois savoir que les juges ont déjà le pouvoir d'imposer des peines consécutives. Quand on veut restreindre la latitude des juges, limiter leur pouvoir, il faut toujours le faire avec la plus grande prudence. J'aimerais savoir pourquoi vous estimez que c'est important, étant donné que la loi autorise déjà les juges à prononcer des peines consécutives.
Deuxièmement, nous avons des réserves quant à la présomption de culpabilité, car il se peut que, dans certaines situations, des mineurs soient impliqués et n’aient pas la capacité, les ressources ou les soutiens nécessaires pour se défendre si ils ou elles sont présumés coupables.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, et je m'adresse aux deux témoins.
Merci.
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Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins de comparaître devant notre comité.
C'est curieux parce que je réfléchissais aux questions que j'allais poser, et vous vous êtes mis à parler de peines « concurrentes » et de peines « consécutives ». Je suis un ancien policier de la GRC à la retraite, et j'ai souvent constaté que, lorsque le juge a le choix entre des peines concurrentes et des peines consécutives, il choisit toujours les peines concurrentes, car de cette façon, il ne se montre pas trop sévère. Et quand on commence à utiliser les peines concurrentes, on finit par toujours choisir cette option. C'est ce que j'ai constaté neuf fois sur dix. Je suis donc très content de voir qu'on prend des mesures.
Mme Murray a demandé un exemple de l'effet dissuasif que ça peut avoir. Je vais vous en donner un qui s'est passé en Colombie-Britannique, même si c'est un exemple assez banal, et ensuite, je poserai ma question, si vous me le permettez, monsieur le président.
La Colombie-Britannique a décidé de lutter contre la conduite avec facultés affaiblies en en faisant faire directement le constat, sur le procès-verbal provincial, par le policier et non plus par le juge, de sorte que le conducteur en infraction perdait automatiquement son permis pendant 90 jours et l'utilisation de sa voiture pendant 30 jours, et qu'il devait payer une amende de plus de 5 000 $.
Ça a été un tollé général; les gens étaient furieux. Mais est-ce que c'était efficace? Bien sûr que ça l'était. Les gens ont cessé de conduire après avoir consommé de l'alcool. Au bar, ils hésitaient à boire ne serait-ce qu'un verre, et l'industrie des alcools a commencé à s'inquiéter sérieusement parce que les ventes de boissons alcoolisées n'étaient plus ce qu'elles étaient. Bien sûr que ça a marché.
C'est donc un bon exemple qui vous montre que, si vous faites preuve de la fermeté nécessaire, ça a un effet dissuasif.
Maintenant voici ma question. Notre gouvernement conservateur administre, depuis 2012, un plan d'action national qui va permettre d'injecter 25 millions de dollars sur quatre ans dans la mise en oeuvre de certains programmes qui vont nous être utiles à ce niveau-là. Dans le cadre des fonds prévus pour les victimes, nous avons lancé, sous la tutelle du ministère de la Sécurité publique, le programme de lutte contre l'exploitation des enfants et la traite de personnes. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur ces initiatives?
J'aimerais également savoir si, à votre avis, le gouvernement fédéral devrait prendre d'autres mesures pour aider les victimes d'actes criminels.
Je pense notamment au fait que les victimes, et je ne parle pas seulement des victimes dont vous vous occupez mais de la plupart des victimes de crimes sexuels, ces victimes, donc, sont absolument épouvantées à l'idée de témoigner parce qu'elles doivent à ce moment-là confronter l'accusé. Je me demande si on pourrait mettre sur pied des programmes de mentorat pour aider les victimes à se préparer à témoigner, afin qu'elles se sentent plus à l'aise.
Deuxièmement, je me demande si on pourrait — sinon par une intervention du gouvernement fédéral, tout au moins dans le système judiciaire — faire en sorte que, lorsqu'il s'agit d'une infraction sexuelle accompagnée de violence réelle ou imminente, la victime soit automatiquement autorisée par le juge à témoigner par communication vidéo.
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Je vais essayer d'en faire autant.
Ce sont des options intéressantes, et j'aimerais ajouter que...
[Français]
Il est important que l'accusé puisse confronter la personne qui l'accuse, mais on doit rendre cela un peu plus facile dans certains types de dossiers. Que des personnes ne témoignent pas car elles sont terrorisées, cela me fatigue beaucoup.
Initialement, j'avais quelques questions à poser au sujet du projet de loi. Mes questions allaient un peu dans le même sens que ce que disait Mme Murray tout à l'heure en ce qui a trait à la présomption. Autant lors des comparutions de lundi que lors de vos deux témoignages, vous avez bien répondu aux questions concernant la présomption.
Selon moi, l'argument ne tient pas. Il s'agit assurément d'un renversement du fardeau de la preuve. Mais compte tenu des circonstances et puisque cela se fait déjà dans le code, ce n'est pas comme si l'on inventait quelque chose. Je suis donc à l'aise à ce sujet.
Pour ce qui est de la question des sentences consécutives, je ne sais pas si vous avez pu lire le témoignage des policiers qui ont comparu devant nous lundi. Mon collègue M. Mai le disait tout à l'heure, et c'est entre autres ce que faisait valoir le sergent-détective Monchamp.
Je suis une femme pratique. J'aime beaucoup les textes de loi. En tant qu'avocate, j'ai travaillé toute ma carrière en me servant des textes de loi. Il y a le côté pratique de la chose.
Le sergent-détective Monchamp disait que peu importe les cas de sentences consécutives, et malgré les meilleures intentions qui soient, un fait demeure, soit qu'on verra beaucoup de plea bargaining. Je faisais une blague à cet égard pendant qu'il faisait ce commentaire précédemment.
Il mentionnait qu'une personne accusée devant répondre de huit chefs d'accusation pourrait recevoir une peine minimale d'emprisonnement de six ans et des peines consécutives. Je serais très surprise que la personne, après l'étude de son dossier, se voit attribuer une peine d'emprisonnement de 48 ans.
Comme il le disait, il y a tellement de façons de contrer tout cela. Alors, atteint-on réellement les buts recherchés? Certains s'inquiètent quant à l'imposition de peines consécutives. C'est le danger auquel on fait face, car on va imposer des peines plus petites qui donneront néanmoins à peu près le même résultat qu'avant.
À mon avis, l'éléphant blanc dans la salle ici est le concept de prostitution lui-même. Je ne me suis pas encore fait d'idée à ce sujet et je demeure ouverte à cet égard. D'une part, des gens militent en faveur des droits des travailleurs du sexe, et de l'autre, nous essayons de faire adopter cette loi. Jusqu'où peut-on aller avec un tel projet de loi dans une société où certains comportements ne sont pas nécessairement jugés inacceptables? Je me le demande et je suis curieuse d'entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.
Je tiens à remercier nos témoins d'aujourd'hui.
Au nom du comité, je tiens à vous remercier individuellement, ainsi que les groupes que vous représentez, de tout ce que vous faites pour aider les victimes d'actes criminels. Soyez assurés que nous en sommes bien conscients, et que nous essayons d'adopter des lois pour lutter contre ce type d'activités illicites.
Nous allons maintenant passer au groupe suivant, mais auparavant, j'aimerais rappeler aux membres du comité que nous aimerions avoir le texte de leurs amendements, le cas échéant, d'ici vendredi après-midi.
Je dois également vous informer qu'après discussion, il a été décidé que, lundi, nous entendrons trois témoins pendant les 75 premières minutes. Et qu'ensuite, nous consacrerons une demi-heure à l'examen article par article, avant de discuter du programme et de la procédure pendant les 15 dernières minutes. Nous déciderons ainsi de notre programme de travail pour les prochaines semaines.
Cela signifie que mercredi prochain, il n'y aura pas de réunion. Je sais que vous êtes tous choqués et honteux, mais puisque c'est possible, c'est ce que nous ferons.
Cela dit, nous allons faire une pause de trois ou quatre minutes.
Je dirige un tout petit organisme à but non lucratif, la Maison de Marthe, à Québec. Je travaille quotidiennement sur le terrain depuis 12 ans avec des femmes qui en sont venues à se prostituer.
J'ai une formation d'infirmière et d'anthropologue, avec une spécialisation en santé publique. Dans un premier temps, j'ai travaillé pendant cinq ans avec ces femmes pour les aider à se situer au coeur de leur vie, dans le but de faire une intervention pertinente. Je suis dans la capitale, à Québec.
J'ai découvert une tragédie tellement effroyable que j'ai décidé de faire la première enquête auprès d'hommes consommateurs de prostitution pour essayer de comprendre pourquoi ils consommaient de la prostitution. Par la suite, j'ai mené une enquête auprès de deux proxénètes pour cerner les trois acteurs principaux de la prostitution. Un livre été publié à ce sujet et je l'ai apporté pour le laisser comme référence.
Après cette démarche, je croyais partir à la retraite, mais j'ai finalement été rattrapée par le travail que j'avais fait. Il m'est venu la phrase suivante: le plus important n'est pas comment on entre dans la prostitution, mais comment on en sort.
Il n'existe aucune politique sociale pour simplement aider les femmes lorsqu'elles sont impliquées dans la prostitution. Nous avons toutes sortes de programmes pour les femmes au sujet de la violence, les abus sexuels et autres, mais il n'existe aucune politique sociale pour aider les femmes et simplement les accompagner ou même leur offrir la possibilité de quitter la prostitution.
Face à cette situation, j'ai décidé de poursuivre le travail que j'avais entrepris. J'ai ouvert un petit local en 2006. Les bénévoles et les fonds sont venus automatiquement. Il y a sept ans que la Maison de Marthe existe. C'est d'ailleurs son anniversaire aujourd'hui. Elle est simplement un lieu d'accueil pour aider les femmes de toutes les manières possibles dans toutes les étapes des processus de sortie de la prostitution.
Aujourd'hui, je voudrais mettre mon expertise au service de votre comité. Plutôt que de commencer tout de suite sur la question des modifications au projet de loi, je voudrais vous parler du personnage central de la prostitution qui, contrairement à ce qu'on peut penser généralement, n'est pas la femme prostituée, puisqu'elle en est la victime.
En effet, le personnage central de la prostitution, c'est le client pour qui est créé ce fabuleux marché qui offre une marchandise sexuelle humaine. Qui sont ceux qui recherchent des femmes prostituées? Ce sont les clients, les acheteurs de sexe, des hommes mais pas tous les hommes. Ce sont certains hommes. Qui sont-ils?
Je voudrais vous en parler parce que si nous voulons comprendre le phénomène de la prostitution, nous ne pouvons y arriver qu'en nous questionnant sur la demande pour la prostitution, la motivation des hommes à cet égard et en nous interrogeant sur ce qui est acheté et sur quel genre de rapport ils ont avec ces femmes.
Dans la littérature, on dit toujours que l'homme consommateur de prostitution, c'est M.Tout-le-Monde. Toutefois, je veux vous dire que ce n'est pas M. Tout-le-Monde parce que M. Tout-le-Monde ne paie pas pour avoir du sexe. Il se lève debout et il fait la conquête des femmes. Après tout, on se donne assez de mal pour plaire aux hommes qu'il est normal qu'ils fassent leur part pour essayer de nous conquérir.
Les vrais hommes ne paient pas pour de la prostitution. Tous les hommes ne consomment pas de la prostitution. Des études ont fait des estimations pour essayer de déterminer comment cela se passait dans différentes les pays.
Le professeur Månsson, un chercheur suédois, a estimé qu'en Grande-Bretagne, seulement 7 % des hommes consomment de la prostitution, alors que ce chiffre monte à 19 % en Suisse, où la prostitution est légalisée, et à 39 % en Espagne. La référence est fournie dans mon texte.
Quelle est la différence entre tous ces hommes? Ce n'est pas la libido ou le désir sexuel, mais c'est la culture et l'éducation fournie aux hommes. Ce sont les rapports entre les hommes et les femmes, ainsi que la façon dont ils sont éduqués et construits sur le plan culturel.
Je peux vous dire, en me fondant sur l'enquête que j'ai menée, que la première et la plus importante motivation de cet homme consommateur de prostitution est le non-engagement. Il veut du sexe, mais il ne veut pas les responsabilités que cela implique. Il veut, dit-il, avoir une femme dans les bras, mais pas sur les bras. Je me retiens de faire des commentaires sur cette phrase terrible.
Il veut de la prostitution parce que c'est facile et que ce n'est pas engageant. Il ne veut même pas d'une maîtresse parce qu'il trouve cela encombrant, embarrassant, et que cela pose une foule de problèmes. Je pourrais vous citer ces discours, mais je n'ai pas assez de temps pour le faire. Il considère aussi que le sexe est un besoin physiologique et irrépressible chez l'homme. Pour lui, la prostitution est une nécessité et un droit. Certains considèrent même que les femmes sont là pour les servir sexuellement. On se croirait au Moyen Âge.
Il montre une préférence très marquée pour une sexualité qui n'est pas relationnelle. Il faut bien comprendre que dans la prostitution, il n'y a pas de préparation à l'acte. On utilise des lubrifiants et toutes sortes de subterfuges. Il ne veut pas construire une relation. C'est d'ailleurs une caractéristique de la prostitution. Rien n'est plus loin de l'amour que la prostitution. Pour ma part, je considère que ce n'est même pas de la sexualité, étant donné que cette dernière est le don de ce qu'on a de plus précieux et de plus intime. Il n'y a pas de don dans la prostitution, et la femme prostituée elle-même ne se donne pas. Elle joue un rôle, comme le client en joue un. La prostitution, c'est de la frime dont le seul objectif est l'éjaculation ou le plaisir de l'homme, aussi rapidement que possible. Comme le disent les femmes, ce n'est pas comme le mariage. Ça presse et il faut que ça aboutisse rapidement.
Ce que les hommes consommateurs de prostitution aiment, c'est le sexe pour le sexe, la génitalité. Je dirais que c'est du McSexe, dans le sens de McDonald's. Excusez l'expression terrible, mais ils commandent une femme comme ils commandent une pizza. Ils appellent, disent ce qu'ils veulent et reçoivent la livraison à domicile. Ils ont le choix. C'est là où nous en sommes. Ils se justifient en disant que tous les hommes consomment de la prostitution parce que leurs femmes n'aiment pas le sexe et qu'ils sont sexuellement insatisfaits. Or j'ai pu établir dans mon enquête, précisément à partir des données dont ils m'ont fait part, que cette affirmation était totalement fausse. Sur les 84 clients avec qui j'ai discuté, j'en ai retenu 64 pour les fins de l'enquête, et seuls 15,6 % d'entre eux étaient insatisfaits des relations sexuelles avec leurs femmes.
Je demandais à ces hommes s'ils avaient parlé avec leur femme de tout ce qu'ils m'avaient raconté sur leur vie sexuelle. Ils répondaient tous par la négative. Je leur disais que le problème était là, qu'ils devraient en parler avec elle et la reconquérir. Je leur disais de faire quelque chose, suivre un cours, par exemple, parce que la prostituée ne pouvait pas être un bon substitut.
L'analyse montre aussi qu'ils ont une sexualité perturbée. Ces hommes ont une dépendance sexuelle ou des troubles de la sexualité qui impliquent toutes sortes d'autres problèmes, par exemple des problèmes financiers ou professionnels. Ils ont aussi des problèmes relationnels avec les femmes. Dans certains cas, leur perturbation profonde les amène à transférer et à projeter leurs problèmes psychologiques sur les femmes en ayant recours à la violence pour les humilier et les dégrader. Ils entretiennent sur eux-mêmes, sur les femmes en général et sur les femmes prostituées en particulier un certain nombre de croyances et de préjugés.
J'ai déjà utilisé tout mon temps de parole. Il me reste une minute?
Il existe un lien étroit entre la prostitution et l'esclavage. Ce sont d'abord les femmes esclaves qui ont été exploitées dans les bordels, suivies par les femmes issues des classes plus pauvres. Selon les Nations Unies, il y a aujourd'hui plus de personnes achetées, vendues et transportées à des fins d'exploitation sexuelle ou autre que durant les 300 années d'esclavage. Aboli depuis 150 ans, l'esclavage est toujours présent dans nos sociétés modernes. La traite des esclaves africains a fait 11,5 millions de victimes, tandis que la traite aux fins de prostitution dans la seule région de l'Asie du Sud-Est a fait 33 millions de victimes.
Depuis plusieurs années, cela se passe différemment, soit par le recrutement, le transport et l'hébergement, afin d'exploiter en grande majorité des femmes et des enfants. Entre 2002 et 2011, il y a eu presque cinq millions de victimes d'exploitation sexuelle. On estime à plus de 30 milliards de dollars les bénéfices annuels générés par l'exploitation des victimes de la traite. À bien des endroits, la traite correspond à la « santé économique » des industries du sexe, soit la pornographie, la prostitution, le tourisme sexuel et, comme on l'a mentionné plus tôt, le massage érotique.
Les êtres humains victimes de la traite à des fins de prostitution sont beaucoup plus nombreux que ceux faisant l'objet d'un trafic à des fins d'exploitation domestique ou destinés à servir de main-d'oeuvre à bon marché. Entre 70 % et 80 % des personnes prostituées au Canada étaient des enfants lorsqu'elles ont commencé à être prostituées. En 1997, le nombre d'enfants prostitués au Canada était estimé à 10 000. Les femmes et les filles embrigadées dans la prostitution au Canada connaissent un taux de mortalité qui est 40 fois supérieur à la moyenne nationale. Les femmes prostituées comptent pour 15 % des suicides rapportés par les hôpitaux américains, et les données sont similaires pour la France.
La prostitution est une violence en soi. La première violence est la soumission de ces prostitués à la satisfaction des plaisirs sexuels de leurs clients. La deuxième violence est qu'on devient prostitué à la suite de violences sexuelles, physiques et psychiques dans 90 % des cas. Le rapt, le viol, l'abattage — il existe en effet des camps d'abattage dans plusieurs pays européens où l'on vend des êtres humains —, la terreur et le meurtre font partie de la « fabrication des marchandises ». Ce sont des moyens utilisés pour rendre les personnes prostituées « fonctionnelles ».
En 10 ans, soit de 1990 à 2000, 77 500 jeunes femmes étrangères ont été la proie des trafiquants. De 1999 à 2010, 200 000 jeunes femmes étrangères ont subi le même traitement. Ce sont souvent des mineures qui sont vendues. Elles subissent des dizaines et des dizaines de contacts par jour. La traite et la prostitution ont connu un essor considérable durant la dernière décennie.
Les proxénètes, qu'on appelle les pimps, gagnent énormément d'argent au détriment de leurs victimes. Ils peuvent se présenter sous diverses formes: notre conjoint, les journaux, certaines annonces de voyage, quelqu'un qui se dit notre ami, mais qui ne l'est pas, ou une personne en qui nous avons mis toute notre confiance. La prostitution n'est pas un métier qu'on choisit librement: c'est un système d'exploitation sexuelle. Se prostituer, c'est perdre sa personnalité, son identité, mais surtout sa dignité.
La légalisation de la prostitution ne protège pas plus les femmes que les enfants. Au contraire, la création des bordels les rend prisonniers de la violence des proxénètes et des clients. Ces clients sont persuadés qu'ils peuvent tout faire, qu'ils ont tous les droits, parce qu'ils paient. Dans la prostitution, l'échange d'argent n'atténue pas les violences et ne prouve pas le consentement des victimes. Au contraire, il prouve la préméditation des violeurs et le profit des proxénètes.
Il n'y a pas de clients, mais des hommes prostitueurs qui achètent l'impunité d'un viol. Il n'y a pas de femmes, d'hommes ou d'enfants qui louent ou vendent des services sexuels: il n'y a que des victimes de violences sexuelles qui, à un moment donné, se voient forcées ou contraintes d'être violées par des inconnus.
Pour plusieurs, la prostitution est un mal nécessaire, un mal pour la femme, mais nécessaire pour plusieurs hommes afin qu'ils puissent satisfaire leurs besoins sexuels. Certaines personnes croient même que la prostitution peut aider à prévenir les viols. Le Conseil du statut de la femme estime que ce n'est pas la meilleure façon de calmer les pulsions sexuelles des hommes.
Abolir toute forme de prostitution veut dire s'attaquer à l'impunité des violeurs et commencer à reconnaître que les enfants et les femmes sont des êtres humains à part entière dont l'intégrité physique ne peut pas être violée.
Abolir le système prostitueur est la seule solution pour vivre dans une société humaine. Aux Pays-Bas, la prostitution est réglementée depuis le 1er octobre 2000. Cette législation est tout simplement un échec puisque seulement 4 % des prostitués se sont enregistrés. C'était censé mettre fin à la prostitution des personnes mineures. L'Organisation pour les Droits de l'enfant estime que le nombre de mineurs qui se sont prostitués est passé, aux Pays-Bas, de 4 000 en 1996 à 15 000 en 2001, dont au moins 5 000 sont d'origine étrangère.
Comme en font foi les expériences néerlandaises, grecques et autrichiennes, le nombre de personnes prostituées légales originaires du pays diminue progressivement et le nombre de prostituées clandestines, illégales ou victimes de la traite augmente. La légalisation de la prostitution n'a donc pas amélioré le sort des personnes prostituées.
Depuis la légalisation, la prostitution des enfants a connu une croissance importante. Le nombre de bordels illégaux surpasse le nombre de bordels légaux. L'industrie illégale est devenue hors de contrôle. La traite des femmes et des enfants en provenance d'autres pays a augmenté considérablement. La légalisation de la prostitution dans certaines régions de l'Australie a eu pour conséquence une nette croissance de l'industrie.
Déjà en 1984, l'Afeas souhaitait le démantèlement de tous les réseaux de prostitution et réclamait des peines sévères contre les personnes qui vivent des fruits de la prostitution. Lors de son dernier congrès provincial annuel au mois d'août dernier, les membres de l'Afeas ont adopté plusieurs positions concernant la prostitution. Elle réclame, entre autres, l'adoption de lois interdisant la prostitution, la criminalisation des clients de la prostitution, des politiques sociales pour aider les personnes désireuses de quitter ce milieu et des programmes d'éducation sexuelle dans les écoles valorisant une sexualité saine et égalitaire.
L'Afeas, qui représente 10 000 Québécoises, appuie le projet de loi . Ce projet rejoint entièrement les positions prises lors de notre dernier congrès. Il fait suite à de nombreuses consultations, notamment auprès des policiers du SPVM, section de la moralité et du module exploitation sexuelle des enfants, du Barreau du Québec et de groupes de défense des droits des femmes et des victimes.
Il faut prendre les moyens pour faciliter l'arrestation des proxénètes et des clients. La traite humaine rapporte plus d'argent que la drogue. Rien n'existe, comme le disait Mme Dufour plus tôt, pour venir en aide aux victimes, les accueillir et les aider à s'en sortir.
Je vous remercie.
Je vous remercie infiniment de comparaître devant notre comité aujourd'hui. Ça nous aide beaucoup dans notre examen du projet de loi.
Comme vous le savez, il s'agit de la traite de personnes. Les études nous montrent que ce sont surtout des mineurs qui se font embobiner par des trafiquants, lesquels les obligent à travailler pour eux en menaçant de les frapper, de les violer ou de les doper avec des stupéfiants s’ils se rebiffent. J'ai travaillé avec des victimes pendant 14 ans, alors je sais comment ça se passe.
Comme vous le savez, au Canada, c'est en 2005 que nous avons adopté un premier projet de loi sur la traite de personnes. Il s'agissait du projet de loi . Un homme a été reconnu coupable d'avoir exploité sexuellement une jeune fille de 15 ans et demi. C'était Imani Nakpangi, vous vous en souvenez sans doute. Ensuite, il y a eu le projet de loi et le projet de loi , en 2010. Maintenant, c'est le projet de loi C-452, que nous examinons aujourd'hui.
Je n'ai pas eu assez de temps pendant l'heure précédente, quand j'expliquais que c'était parce que les projets de loi sont relativement récents que nous n'avons pas de statistiques fiables. En fait, ils sont tous récents.
Vous avez dit quelque chose que je trouve tout à fait pertinent. Je m'adresse à Mme Duval. Vous avez parlé de dignité personnelle. Vous avez parlé du droit de chacun de jouir de la liberté, de pouvoir faire ses propres choix. Pouvez-vous me dire, dans le cadre de notre examen du projet de loi de Maria Mourani, pourquoi il est si important d'aider les victimes de la traite de personnes?
[Français]
Je vous remercie beaucoup de votre travail. C'est un enjeu très important.
Comme vous le savez sûrement, mon collègue Irwin Cotler, qui a été ministre de la Justice, a présenté un projet de loi semblable. Le projet de loi de Mme Mourani apporte de nouveaux éléments. Cet enjeu nous préoccupe. Nous appuyons ce projet de loi, parce qu'il apporte des changements importants.
Cependant, deux dispositions nous préoccupent. Il est important d'avoir une discussion à cet égard pour trouver la meilleure voie pour tous.
[Traduction]
J'aimerais les aborder toutes les deux.
La première concerne les peines concurrentes, par opposition aux peines consécutives. Nous sommes tous horrifiés par les abus dont nous avons entendu parler. On en arriverait presque à vouloir enfermer quelqu'un et à jeter la clé. Mais, comme l'a déjà dit un membre du comité, il existe d'autres options, comme la négociation de plaidoyer, mais elles ne permettent pas d'atteindre cet objectif.
M. Wilks a fait remarquer que, si l'on menace de confisquer votre voiture pendant 30 jours, vous allez éviter de boire de l'alcool avant de prendre le volant. Mais ce n'est pas tout à fait le même ordre de grandeur. On parle de 48 ans d'emprisonnement. Avec tout le respect que je vous dois, je pense que le fait de donner ce genre d'exemple contribue à diminuer l'importance du problème qui nous préoccupe.
Je pense que, pour contourner le fait que les peines concurrentes sont devenues la norme, il faudrait légiférer la procédure inverse, mais sans supprimer toute discrétion au juge. Par exemple, l'article disposerait que: « Les tribunaux imposent des peines consécutives, sauf si c'est contraire aux intérêts de la justice. »
Que pensez-vous de la solution qui consisterait à donner au juge la possibilité de renoncer à imposer des peines consécutives, si c'est contraire à l'intérêt de la justice?
Merci, mesdames. C'était certainement intéressant, même si cela ne touchait pas nécessairement le projet de loi. Je ne vous questionnerai pas comme si vous étiez juristes. Ce n'est pas dans ce but que vous êtes ici.
Vous avez pratiquement fait mon éducation sexuelle, madame Dufour, du moins beaucoup plus que les religieuses du collège que j'ai fréquenté. Elles évitaient un bon nombre de termes que vous avez utilisés. On ne voyait que des photos.
Cela étant dit, je pense que l'enjeu est énorme. Comme je le disais lundi, quand on vient d'une ville comme Gatineau, on ne pense pas au proxénétisme, à la prostitution ou à la traite de personnes. Ce sont de gros mots. On s'imagine que cela se passe ailleurs, dans des pays exotiques. C'est le projet de loi de ma collègue Joy Smith qui m'a en quelque sorte ouvert les yeux à ce sujet. Même si on lit l'actualité, on ne s'imagine jamais que cela se passe dans sa propre cour et que certains comportements existent bel et bien. C'est une façon de parler, mais nous sommes tous un peu complices de tout cela.
Je pense que vous avez mis le doigt sur le problème. Même si on adopte la loi la plus sévère qui soit, on n'est pas sortis du bois. Je ne fais qu'imaginer comment les policiers pourront mettre en application cette loi si elle est adoptée. Ce n'est pas le lendemain de l'adoption de cette loi qu'on va pouvoir, entre autres, résoudre tous les crimes en matière de proxénétisme et de traite des personnes. Même s'il y a une présomption, il n'est pas dit que la personne ne viendra pas témoigner en faveur de son proxénète. Il n'est pas dit non plus que la personne ne refusera pas de témoigner. On a encore énormément de travail à faire. Ce n'est pas demain matin qu'on va régler tout ça. Je ne veux pas terminer la séance sur une note négative, mais je crois qu'il faut la conclure sur une note réaliste. Il faut que nous soyons conscients qu'il reste beaucoup de travail à faire.
En passant, j'apprécie le travail que vous accomplissez à l'Afeas. Je vous félicite pour ce que vous faites sur le terrain. C'est extrêmement important. J'ai bien apprécié la question de mon collègue. C'est en effet un tout. Le Code criminel en est un des aspects. Comme vous l'avez dit, il y a aussi les municipalités, mais encore faut-il qu'elles disposent d'une réglementation. Toutes les municipalités n'ont pas mis en vigueur de tels règlements. Cela prend une certaine volonté. Madame Dufour, je parlais du fait d'être complice. Or, le fait de permettre l'exploitation d'un bar de danseuses nues parce que c'est lucratif en termes de taxes est un choix que font les municipalités. Cela fait partie de l'ensemble.
Ce que je vais dire ici est surtout un commentaire. J'avais envie de me défouler un peu. Je ne m'attends pas à ce qu'on réponde à tout ce que je vais dire.
Il n'y a pas si longtemps, je suis allée dans une réserve située dans la région de Maniwaki. Deux petites filles avaient disparu. Les policiers ont mis du temps à entamer une enquête. On sait tous que dans les cas où il ne s'agit pas de Blancs, cela prend un certain temps. Ils ont parlé de fugue, mais les parents étaient assez convaincus qu'elles avaient pu être interceptées par des réseaux de proxénétisme, même si l'hypothèse d'une fugue pouvait être fondée en partie. Des personnes disparaissent de cette façon.
On a tous été jeunes et fait certaines bêtises. On peut être très bien élevé et avoir de bonnes valeurs, mais le fait de ne pas avoir été intercepté par un certain réseau est parfois une question de chance. Les choses se passent bien pour certains jeunes et ils s'en sortent. Par contre, d'autres se font intercepter, et c'est malheureux. Ils tombent dans la drogue ou d'autres choses du genre.
Je veux simplement dire qu'il faut se tenir loin de la pensée magique, éviter de croire qu'en adoptant un projet de loi, on règle tout. Par contre, parfois, le fait d'offrir des outils supplémentaires ou d'envoyer un message peut être aussi important. Quoi qu'il en soit, il reste beaucoup de travail à faire. C'est le seul commentaire que je voulais formuler.
Merci.