:
Merci beaucoup. Je suis très heureuse de comparaître à nouveau devant le comité.
Comme vous le savez, la Société John Howard du Canada est un organisme de bienfaisance à caractère communautaire dont la mission est de favoriser des réactions efficaces, justes et humanitaires face aux causes et aux conséquences du crime. Nous sommes très heureux de vous parler aujourd'hui du projet de loi , dont l'objet est de modifier l'article du Code criminel traitant des méfaits afin de créer une nouvelle infraction liée particulièrement aux monuments commémoratifs de guerre et de l'assortir de peines minimales obligatoires.
Nous respectons tous ceux qui ont combattu en notre nom pour défendre nos valeurs. Nous reconnaissons qu'il est très pénible pour beaucoup de gens de voir certaines personnes manquer grossièrement de respect envers des monuments commémoratifs élevés en l'honneur des combattants. Je note cependant que le Code criminel contient déjà une disposition qui rend les auteurs de telles infractions passibles d'une peine maximale de deux ans de prison.
Pour la Société John Howard, ce projet de loi d'initiative parlementaire suscite des préoccupations de deux ordres. Premièrement, est-il compatible avec les principes du droit pénal? Deuxièmement, apporte-t-il une solution efficace au problème?
En ce qui concerne les principes du droit pénal, il faudrait se demander si le comportement décrit justifie de créer une infraction particulière et, si c'est le cas, si cette infraction devrait être assortie de peines minimales obligatoires.
D'après les bons principes de droit pénal, il est préférable de définir des catégories générales d'infractions plutôt que des infractions particulières. Pour que la loi mérite l'approbation et le respect du public, elle doit présenter une structure rationnelle et cohérente fondée sur des principes plutôt que sur des réactions ponctuelles à des préoccupations particulières. Cela est d'autant plus vrai lorsque des crimes particuliers s'inscrivent naturellement dans une catégorie générale déjà reconnue, soit dans le Code criminel soit dans la théorie du droit pénal. L'évolution du droit — qui l'amène à s'écarter d'une concentration particulière et étroite sur les innombrables détails des troubles sociaux pour adopter une approche moderne fondée sur des catégories rationnelles et cohérentes — reflète la croissance de la société telle que l'a décrite le sociologue Max Weber dans son étude de la transition entre le particularisme et le rationalisme.
Malheureusement, le Code criminel canadien souffre déjà d'une pléthore de particularismes et d'un manque sérieux de principes généraux. On trouve des exemples de cette régression atavique vers un droit désuet dans la criminalisation non seulement du vol, mais aussi du vol d'un véhicule, du vol de bétail ou du vol de bois en dérive, qui devraient logiquement être regroupés dans la catégorie générale du vol. Ce projet de loi d'initiative parlementaire perpétue cette tendance regrettable en définissant une infraction spéciale pour un genre particulier de méfait.
Comme tous les particularismes juridiques nient le fait que le caractère général de la loi renforce, d'une manière simple et efficace, sa capacité de respecter le droit égal de chacun à la protection du droit pénal, cette dernière tentative amènera ceux qui sont attachés à d'autres monuments à se demander pourquoi ils ne bénéficient pas eux aussi d'une protection spéciale. La valeur des monuments élevés aux victimes d'attentats terroristes comme celui de l'avion d'Air India, aux victimes de l'Holocauste, de la famine de l'Ukraine, de la marche forcée des Arméniens, du massacre de l'École polytechnique est implicitement amoindrie si le Code criminel privilégie les monuments commémoratifs de guerre. Les gens se demanderont avec raison pourquoi le courage et le dévouement des pompiers, des infirmières et des médecins morts au service du public ne sont pas également reconnus par le gouvernement dans des dispositions législatives protégeant particulièrement leurs monuments.
Le droit pénal comporte un autre principe essentiel: la peine doit refléter la gravité du crime et le degré de responsabilité de son auteur. Ce principe est clairement établi à l'article 718.1 du Code criminel et remonte en fait à la Magna Carta de 1218. La Magna Carta prévoit en fait que « pour une offense mineure faite par un homme libre, l'amende imposée sera proportionnelle à la gravité de l'offense, et il en sera ainsi pour une offense plus grave ».
Les peines minimales obligatoires privent les juges de la possibilité d'imposer des peines proportionnelles. De plus, elles sont toujours injustes envers ceux dont la peine proportionnelle est inférieure au minimum établi. La Société John Howard est opposée aux peines minimales obligatoires. D'ailleurs, celles-ci encombrent le système judiciaire et rendent plus difficile l'administration de la justice. De nombreuses provinces connaissent déjà de sérieux retards, qui ne seront qu'aggravés lorsque le projet de loi entrera en vigueur.
La seconde question consiste à se demander dans quelle mesure cette approche sera efficace. L'imposition des peines prévues permettra-t-elle d'encourager le respect des monuments commémoratifs de guerre? La recherche établit clairement que les peines ne constituent pas un élément dissuasif. En fait, les minimums croissants prévus dans ce cas suggèrent que la peine minimale obligatoire initiale ne suffira pas pour mettre fin à ce genre d'infraction.
Toutefois, il y a des approches qui ont permis d'aider les auteurs de méfaits à comprendre les conséquences de leur comportement, à ressentir du remords et à s'abstenir de tels actes à l'avenir. Par exemple, les approches de justice réparatrice montrent clairement qu'il est possible d'agir efficacement sur le comportement. Il est très vraisemblable que certaines mesures extrajudiciaires ou des peines à purger dans la collectivité soient plus efficaces pour atteindre les objectifs déclarés du projet de loi. Les peines minimales obligatoires empêcheraient cependant de recourir à de telles mesures.
De plus, des programmes d'éducation et de sensibilisation du public pourraient bien donner de meilleurs résultats que le recours au droit pénal pour encourager le respect des monuments commémoratifs de guerre. De tels programmes permettraient aussi d'éviter à des jeunes d'avoir un casier judiciaire par suite d'un geste irréfléchi et de compromettre leur contribution possible à la société à l'avenir.
En conclusion, la Société John Howard du Canada vous exhorte à ne pas adopter le projet de loi . Même si nous appuyons l'objectif de promotion du respect de nos monuments commémoratifs de guerre, nous croyons que les modifications du Code criminel proposées dans ce projet de loi n'atteindront pas ce but. Ces modifications sont incompatibles avec des principes clés du droit pénal, notamment en ce qui concerne la définition d'infractions générales plutôt que particulières et l'imposition de peines proportionnelles.
Les dispositions actuelles du Code criminel suffisent, surtout si elles sont appuyées par des programmes de sensibilisation du public ou des programmes spéciaux. Les modifications proposées amèneront d'autres groupes à se demander pourquoi le gouvernement n'accorde pas une protection égale à leurs propres monuments.
Je vous remercie.
Je voudrais en premier remercier les membres du comité de m'avoir invité encore une fois à comparaître devant eux. C'est toujours un plaisir de discuter de droit pénal avec des parlementaires. Je vous demanderai cependant d'être indulgents envers moi aujourd'hui parce que je n'ai eu que 24 heures pour examiner le projet de loi.
Permettez-moi de dire tout d'abord que je suis avocat au criminel. Je m'occupe exclusivement de droit pénal au cabinet Webber Schroeder Goldstein Abergel d'Ottawa. J'ai presque quatre ans d'expérience comme criminaliste. J'ai comparu devant des tribunaux de tous les niveaux, y compris la Cour suprême du Canada, la Cour d'appel de l'Ontario, la Cour fédérale, la Cour supérieure et la Cour de justice de l'Ontario.
Comme je l'ai dit, j'ai toujours aimé participer au processus politique. Je dirai d'ailleurs à cet égard que je serais très heureux si des membres du comité souhaitent connaître un peu mieux mon domaine, celui de la négociation des plaidoyers et des tribunaux où des dizaines de sentences sont prononcées tous les jours. Si je peux vous intéresser à une visite, je serai très heureux de vous servir de guide.
En tout premier lieu, je voudrais vous dire, après avoir examiné le projet de loi qui définit un méfait particulier lié aux monuments commémoratifs de guerre, qu'il est tout à fait évident que l'objet de cette mesure est de transmettre aux juges un message du Parlement exprimant la condamnation par les Canadiens des méfaits de ce genre. Il est difficile de nier que les méfaits touchant les monuments commémoratifs de guerre, nos anciens combattants et les sacrifices qu'ils ont consentis pour nous sont particulièrement odieux. Par conséquent, en ce qui concerne le message transmis par le Parlement, je peux vous dire que ce message est clair, net et précis.
Ma seule objection concerne les peines minimales obligatoires. Vous m'avez sûrement entendu dire dans le passé ce que je pense des peines minimales obligatoires. Il s'agit là d'un autre genre de message qui me dérange un peu. Le message transmis par de telles peines, c'est que les tribunaux ne prononcent pas les bonnes sentences.
Il y a des moyens de montrer que ce genre de méfait constitue un acte particulièrement haineux, qui mérite d'être spécialement condamné par les tribunaux, sans pour autant lier les mains des juges. Le problème que je vois dans l'amende minimale imposée, c'est qu'elle empêche le juge d'accorder une absolution conditionnelle, qui évite au prévenu d'avoir un casier judiciaire.
Permettez-moi de vous expliquer en quoi consiste exactement une absolution conditionnelle. Les conditions dont elle est assortie peuvent comprendre une longue probation, pouvant durer jusqu'à trois ans, qui impose des conditions assez pénibles et malcommodes. Je dis souvent à mes clients qu'une probation de trois ans est beaucoup plus contraignante qu'une amende de 1 000 $. Elle peut comprendre des conditions telles qu'une visite hebdomadaire à un agent de probation et l'inscription à toutes sortes de programmes de formation ou de conseils, des centaines d'heures de travail communautaire, des dons de charité, etc.
Je vais vous parler de mon expérience personnelle. Si on essaie de persuader le juge qu'une absolution conditionnelle est indiquée, le critère établi par la jurisprudence est le suivant. Premièrement, l'absolution conditionnelle est-elle dans l'intérêt du prévenu? Deuxièmement, est-elle dans l'intérêt public? La plupart d'entre nous passeront rapidement sur le premier critère parce qu'on a souvent affaire à une personne qui n'a pas d'antécédents judiciaires et dont les perspectives de carrière seraient complètement ruinées par un casier judiciaire.
Le second critère auquel il faut satisfaire pour obtenir une absolution conditionnelle est de persuader le juge qu'elle serait dans l'intérêt public. C'est habituellement l'aspect le plus important. Je ne peux pas dire que je me suis occupé de nombreux cas de méfait de ce genre. Mon cabinet s'est occupé de cas de vol de dons faits à l'occasion du jour du Souvenir. Je peux vous affirmer que les juges ne sont pas très indulgents face à des infractions comme celles-ci. Le lien avec les anciens combattants constitue automatiquement une circonstance aggravante.
Cela étant dit, je ne conteste certainement pas l'idée que le Parlement transmette un message définissant particulièrement ces actes comme étant des circonstances aggravantes.
Comme je l'ai dit, ma seule objection est liée au minimum obligatoire. Pour moi, une peine minimale obligatoire enlève un pouvoir discrétionnaire au juge pour le donner au procureur de la Couronne. Je dis cela parce que si la peine minimale consiste en une amende, il est toujours possible de recourir aux dispositions générales concernant les méfaits. De plus, le procureur de la Couronne a toujours la possibilité de retirer une accusation.
Je vous dirai d'expérience que si je reçois un client accusé de ce type d'infraction — comme je n'ai pas eu affaire à des cas de ce genre, je vous parle sur une base hypothétique — et que le client souhaite s'en sortir, je lui conseillerais d'agir de façon proactive pour créer des conditions favorables à une absolution conditionnelle.
Supposons que mon client n'a pas d'antécédents judiciaires et que c'est un étudiant d'université dont les perspectives de carrière seraient ruinées par une condamnation au criminel. Il vient me voir et m'expose le résultat auquel il souhaite aboutir. Je lui réponds en général que, s'il veut régler l'affaire et s'en sortir avec une absolution conditionnelle, il doit agir tout de suite de sa propre initiative. Je lui suggère par exemple de faire de nombreuses heures de travail communautaire qui, dans un cas de ce genre, aurait des liens avec les anciens combattants. Il pourrait par exemple aller faire du bénévolat à la Légion ou chez les Amputés de guerre, faire un don ou agir de façon à montrer qu'il regrette vraiment son acte.
Si l'acte en question est lié à la consommation de drogue, je lui recommanderais d'aller de sa propre initiative suivre une cure avant même que l'affaire ne passe devant un juge, avant même de rencontrer le procureur de la Couronne. Ensuite, je peux me servir des mesures proactives prises pour essayer de persuader le procureur qu'une absolution conditionnelle serait dans l'intérêt public.
Si l'infraction particulière est assortie d'une amende minimale obligatoire, j'essaierai de persuader le procureur de la Couronne soit de retirer purement et simplement l'accusation de méfait en contrepartie des mesures proactives prises, soit d'accepter un plaidoyer de culpabilité à une accusation de méfait ordinaire, aux termes de l'article 430 du Code criminel.
Si je n'arrive pas à convaincre le procureur, je n'ai vraiment aucun intérêt à plaider coupable parce que l'absolution conditionnelle est impossible. Je ne saurais trop insister sur l'importance qu'il y a à laisser au prévenu l'espoir d'une absolution conditionnelle. Le maintien de cet espoir rend les prévenus beaucoup plus disposés à collaborer avec la justice.
J'irai même jusqu'à dire que, dans certains cas sinon dans tous — cela a d'ailleurs été mentionné dans le débat qui a entouré ce projet de loi —, les mesures réparatrices de ce genre qui montrent vraiment qu'on regrette les actes commis sont en fait plus punitives qu'une simple amende.
Je dirais qu'une amende n'est pas nécessairement le minimum le plus logique à envisager. D'autres peines et conditions peuvent être imposées pour persuader le délinquant qu'il a vraiment commis un acte particulièrement odieux et pour exprimer la dénonciation unanime de cet acte par tous les Canadiens. Je crois bien que la plupart d'entre nous s'entendent sur la nécessité de transmettre ce message.
Je voudrais vous parler brièvement du modèle de détermination de la peine qu'imposent des minimums obligatoires. On a l'impression que le modèle est presque identique à celui des dispositions relatives à la conduite avec facultés affaiblies. Ce modèle s'attaque en fait au fléau que constitue la conduite en état d'ébriété dans notre société. Nous pouvons tous convenir qu'il y a, dans ce domaine, beaucoup trop de délinquants qui sont des récidivistes et qu'on peut qualifier d'incorrigibles. Ce modèle de détermination de la peine donne des résultats probants dans ce cas, en créant non seulement des éléments dissuasifs particuliers, mais aussi des facteurs généraux de dissuasion pour l'ensemble de la société.
En considérant les dispositions applicables en cas de première, de deuxième et de troisième infraction et les peines croissantes dont elles sont assorties, on se rend compte que ces dispositions sont presque totalement inutiles. Je peux difficilement imaginer une personne qui irait profaner un monument commémoratif de guerre pour la troisième fois. Si c'était le cas, je peux quasiment vous garantir que le juge ne serait vraiment pas porté à l'indulgence. Je ne crois pas qu'il soit vraiment nécessaire d'imposer un minimum obligatoire.
Je vais m'en tenir à cela.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins de leur présence au comité.
Madame Latimer, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que le Code criminel ne devrait pas faire de distinction entre les différentes catégories d'infractions.
Vous avez choisi le cas du vol pour illustrer votre point de vue. Vous avez parfaitement raison. Avec le temps, différentes catégories particulières de vol assorties de différentes peines particulières ont été inscrites dans le Code criminel. Je crois qu'à un moment donné, le vol de bétail était puni de la peine capitale. Ce n'est plus le cas.
Vous conviendrez avec moi que le Parlement a établi des distinctions, parfois strictement monétaires, entre différentes catégories de biens. Ainsi, le Code criminel distingue le vol de moins de 5 000 $ du vol de plus de 5 000 $. Il en est de même des méfaits.
J'aimerais avoir votre avis. Puisque le Code criminel fait déjà une distinction fondée sur une valeur monétaire de 5 000 $, l'infraction est plus grave si l'objet volé ou profané vaut plus de 5 000 $. Pourquoi ne peut-on pas considérer comme une extension logique le fait pour le Parlement de définir, s'il le souhaite, un facteur aggravant particulier — bien qu'on ne puisse pas dire qu'il s'agit ici d'un facteur aggravant puisque c'est plutôt l'imposition d'une peine plus sévère à l'égard d'une chose que le Parlement souhaite mieux protéger — concernant les monuments commémoratifs de guerre?
:
Nous avions alors un juge nommé J.R.H. Kirkpatrick, qui quittait toujours les sentiers battus. Il a inventé ce que nous avons plus tard appelé le renvoi de réadaptation. Lorsqu'un prévenu se présentait devant lui pour une infraction dont il le savait coupable, mais qu'il n'estimait pas que l'infraction correspondait au profil du prévenu, il reportait l'examen de l'affaire avant l'inscription du plaidoyer pour donner à l'intéressé la possibilité de faire un travail communautaire ou bénévole quelconque. Lorsque l'affaire revenait devant lui, il rendait une ordonnance de non-lieu si ses instructions avaient été correctement exécutées. Je suppose qu'il avait l'accord tacite du procureur de la Couronne, mais la procédure est par la suite devenue plus formelle sous le nom d'absolution conditionnelle.
Je vous recommande chaudement ce moyen si vous pouvez trouver le bon juge, si l'infraction en cause est du même type que ce qui est prévu dans ce nouveau projet de loi et si vous estimez qu'elle ne correspond pas au profil prévenu. Si vous pouvez convaincre le juge, il acceptera peut-être, avec l'accord du procureur de la Couronne, d'emprunter cette voie.
Je suis très fier du fait que ce mode innovateur d'administration de la justice a vu le jour dans ma ville natale. En fait, le système pénal de Kitchener a bénéficié de nombreuses autres innovations. C'est parfois un moyen d'améliorer les choses.
Pour revenir à la question des principes, je dois dire, madame Latimer, que je suis un peu intrigué par cette notion du général par opposition au particulier. Je connais par mes études la notion selon laquelle les cas concrets aboutissent à de mauvaises lois, mais j'estime que cela s'applique au particularisme de certains cas plutôt qu'au particularisme de thèmes généraux de la loi.
Quand je pense au nombre des thèmes généraux de la loi qui ont donné lieu à des particularismes fondés, je ne suis pas du tout persuadé qu'il y a là quelque chose qui serait mauvais par nature.
Par exemple, on pourrait dire que la conduite en état d'ébriété n'est qu'une forme de conduite négligente. Il n'en reste pas moins que je tiens à garder l'infraction particulière de conduite avec facultés affaiblies.
On pourrait dire que la violence conjugale n'est qu'une forme particulière d'agression, mais je voudrais quand même des réactions et des systèmes juridiques spéciaux pour traiter la violence conjugale parce que certains principes qui interviennent dans cette violence comme dans la conduite en état d'ébriété les distinguent nettement des autres cas d'agression ou de conduite négligente.
Ce que je retiens de ce que vous avez dit, c'est que nous devrions nous efforcer de chercher des principes. Si j'examine le principe dans le cas du projet de loi C-217, j'arrive à la conclusion que certaines formes de méfait justifient une approche particulière de dénonciation. Je veux bien convenir avec vous qu'il y a d'autres genres de méfaits qui s'inscrivent probablement dans le même principe. S'il s'était agi d'un projet de loi du gouvernement, je voudrais peut-être en élargir quelque peu le champ d'application pour couvrir tous les cas qui s'inscrivent dans le même principe. Bref, j'aime bien l'idée de la recherche du principe.
Il semble que ce soit acceptable d'émettre des commentaires sans poser de questions. On m'a un peu reproché de l'avoir fait mardi dernier, mais enfin...
J'ai apprécié vos témoignages, qui ont permis d'éclaircir certains points. J'aimerais poser quelques questions précises à Me Russomanno.
La façon dont le projet de loi est énoncé me donne l'impression qu'en déterminant ce genre de sentences, on avait un peu à l'esprit la conduite avec facultés affaiblies, à savoir une première offense et une deuxième, pour laquelle on impose 14 jours, puis une troisième, pour laquelle on impose une autre pénalité. Comme vous pratiquez dans ce domaine, j'aimerais vous poser la question suivante.
On voit régulièrement dans les manchettes des médias des titres comme Drunk driver: seventh time. On se demande alors pourquoi cette personne est encore en liberté et pourquoi on ne lui a pas retiré son permis de conduire. Ce projet de loi nous donne peut-être une fausse impression de sévérité. En effet, dans bien des cas, la Couronne n'a même pas le temps de vérifier les antécédents de l'accusé avant le dépôt de l'acte d'accusation, que ce soit pas voie sommaire ou par voie de mise en accusation. C'est pourquoi je pense que le méfait d'un récidiviste, par exemple la destruction d'un monument, risque fort d'être traité comme une première offense.
Est-ce que je me trompe en disant cela?
Madame Latimer, comme je ne disposais pas du texte de votre exposé, j'ai pris quelques notes. J'espère que je ne me suis pas trompé. Vous semblez dire qu'en vertu des principes de la common law, la loi devrait avoir une application assez générale pour mériter le respect du public. C'est cela que vous semblez dire.
Et bien, je dois vous dire très gentiment que je ne suis pas d'accord avec vous. Je crois que des lois qui reflètent les valeurs de la collectivité suscitent en fait du respect.
Ayant écouté les témoignages des anciens combattants qui ont comparu devant le comité au début de cette semaine et ayant discuté de cette question avec mes électeurs, je peux vous dire qu'une telle mesure augmentera le respect du public pour la loi parce que les gens estimeront que la loi tient compte de leur point de vue sur la gravité de la profanation d'un monument commémoratif de guerre.
Je voudrais vous demander si vous avez discuté avec un grand nombre de Canadiens de la question de savoir si cette mesure intensifiera leur respect pour la loi, ou si vous vous fondez simplement sur certains principes énoncés antérieurement.
:
Je voudrais remercier les témoins de leur présence au comité aujourd'hui.
J'aimerais revenir sur une question abordée tout à l'heure par M. Cotler, à savoir la spécificité et le symbolisme. Nous savons tous que le Code criminel prévoit différentes infractions liées au méfait, comme le méfait touchant des biens religieux et des biens culturels.
Madame Latimer, vous soutenez que les infractions que je viens de mentionner ne sont pas assorties de peines minimales obligatoires, contrairement à l'infraction que le projet de loi propose de créer. Vous dites essentiellement que cela crée un déséquilibre entre différentes valeurs. À la base, le Code criminel est une codification de l'ordre public. Il est évidemment plus odieux d'assassiner quelqu'un que de se rendre coupable d'un vol à l'étalage. Il y a toujours une échelle de valeurs.
En gardant à l'esprit le fait que cette mesure législative ne s'applique pas à de jeunes délinquants, qui seraient assujettis à la Loi sur le système de justice pour les jeunes, je soutiens qu'il est justifié d'attribuer une plus grande valeur à cette infraction particulière. Les gens qui ont donné leur vie et que nous honorons en élevant des monuments à leur mémoire ont combattu pour la démocratie, pour la liberté de religion, pour la culture et pour tout ce que protège notre Charte des droits, qui est notre loi fondamentale.
Ne sommes-nous pas fondés à accorder à l'État un plus grand pouvoir dissuasif dans le cas des gens qui sont morts pour la cause ultime, celle de la liberté?
:
Voici ce que je propose... Avez-vous le texte que j'ai écrit?
[Traduction]
Avez-vous mon texte? Je ne voudrais pas me tromper. Je n'arrive pas à lire mon écriture…
Des voix: Oh, oh!
Mme Françoise Boivin: Pas dans celui-là.
[Français]
Je propose donc qu'on ajoute, à la page 1, ligne 7, après « Quiconque »: « , étant motivé par des préjugés ou de la haine, ».
[Traduction]
Dans la version anglaise, je propose qu'on ajoute, à la page 1, ligne 16, après « cemetery »:
if the commission of the mischief is motivated by bias, prejudice or hate,
la suite étant « is guilty of an indictable offence or... ».
La raison de cet amendement, c'est que, dans la version actuelle du Code criminel... Je crois que nous sommes tous d'accord autour de cette table pour trouver épouvantable la profanation d'un monument, d'une mosquée ou d'un édifice religieux du même genre, église ou autre.
[Français]
Au paragraphe 430(4.1) du Code criminel, qui concerne les cultes religieux, on dit ceci:
Quiconque, étant motivé par des préjugés ou de la haine fondés sur la religion, la race, [...], commet un méfait à l’égard de tout ou partie d’un bâtiment ou d’une structure [...]
À mon avis, cela préserverait à tout le moins cette même façon d'écrire le Code criminel dans le cas d'infractions d'égale sévérité, ou encore une même façon de les percevoir. Ce serait une bonne façon de rester conséquent à ce niveau. Je pense à la lecture qu'on fait du Code criminel.
Cela permettrait peut-être de régler certains problèmes qu'on soulève de notre côté, du moins. On comprend mal qu'un certain type d'infractions soient traitées différemment alors qu'elles comportent le même degré de gravité. C'est la raison d'être de cet ajout.
:
Mon amendement, monsieur le président, est que le projet de loi C-217 soit modifié à l'article 1 par suppression des lignes 21 à 30, page 1.
Cela aurait pour effet de supprimer l'alinéa a) du projet de loi afin de ne conserver que les alinéas b) et c), qui seraient renumérotés.
Avant d'exposer mes arguments, je voudrais lire au comité une lettre adressée au président, lettre qu'il a mentionnée un peu plus tôt mais dont on n'a pas encore la traduction. Le professeur Archibald Kaiser, professeur à la Schulich School of Law et au département de psychiatrie de l'Université Dalhousie, nous dit ceci :
M. MacKenzie, membres du comité,
Je vous remercie de me donner l'occasion d'exprimer mon opinion sur ce projet de loi qui, je l'espère, ne sera pas adopté par la Chambre des communes. Pour ne pas perdre de temps, je serai très bref dans mon analyse.
Le projet de loi n'est pas nécessaire
À ma connaissance, l'infraction que ce projet de loi est censé sanctionner n'est pas très répandue. Je soupçonne d'ailleurs que très peu d'incidents d'un comportement aussi méprisable sont signalés à la police chaque année. Le projet de loi ne semble donc pas s'appliquer à un comportement antisocial particulièrement fréquent.
Dès 1969, les auteurs du rapport Ouimet avaient énoncé ce que maints tribunaux considèrent depuis comme des valeurs canadiennes fondamentales qu'il convient de respecter si l'on veut définir de nouvelles infractions ou alourdir les peines prévues pour des infractions existantes.
Aucun acte ne doit être proscrit par le droit pénal « à moins qu'il ait une incidence, réelle ou potentielle, considérablement préjudiciable pour la société ». Aucun acte ne doit être interdit par le droit pénal « si son incidence peut être adéquatement contrôlée par des mesures sociales autres que le processus pénal. Aucune loi ne saurait donner lieu à un préjudice, social ou personnel, plus important que celui qu'elle était censée prévenir. » Le droit pénal ne doit être utilisé qu'en « dernier recours » et on ne doit infliger de peine que si « le fait de ne pas intervenir causerait un tort manifeste ». La Commission de réforme du droit s'était faite l'écho de ces principes en 1976 et avait ajouté que « le mot d'ordre, c'est la retenue - en ce qui concerne la portée du droit pénal, le sens donné à la culpabilité criminelle, le recours au procès criminel et l'imposition d'une peine au criminel ».
Donc, selon moi, ce projet de loi ne satisfait pas au critère rigoureux qui a été établi pour invoquer le droit pénal ou pour alourdir des peines.
Ce comportement est déjà sanctionné par d'autres dispositions
On trouve à l'article 430 du Code criminel plusieurs dispositions réprimant déjà ce genre de comportement, notamment le paragraphe 430(4) définissant le méfait général, et peut-être aussi le paragraphe 430(4.1) concernant les méfaits touchant les biens religieux, dont les cimetières, ainsi que le paragraphe 430(4.2) concernant les méfaits touchant les biens culturels.
La peine maximum prévue dans chacun de ces cas est très sévère pour des comportements qui ne mettent pas la vie en danger.
Il n'est pas nécessaire de prévoir une peine minimale
Dans toute la mesure du possible, les juges doivent conserver leur pouvoir discrétionnaire de déterminer la peine, ce qui fait partie des anciennes traditions de la common law et est précisé au paragraphe 718.3(1) du Code criminel. Ce pouvoir leur permet de rendre la justice dans les affaires dont ils sont saisis en imposant des « sanctions justes » qui contribuent « au respect de la loi et au maintien d'une société juste, paisible et sûre », comme l'indique l'article 718 du Code criminel qui énonce « l'objectif essentiel » des peines. Si la Couronne estime qu'une peine est trop légère, elle peut toujours la porter en appel.
Réduire le pouvoir discrétionnaire du juge en matière de détermination de la peine expose notre appareil judiciaire à de nombreux dangers. Les peines seront alourdies (progressivement ou ponctuellement) de manière générale, ce qui privera les juges de la possibilité d'infliger une peine plus lourde si cela s'impose au vu de toutes les circonstances. Certains contrevenants seront traités de manière inutilement sévère si les juges perdent cette souplesse, ce qui finira par miner la confiance du public à l'égard du processus sentenciel et nuira à la sécurité publique au lieu de la rehausser. Des peines excessivement sévères iront à l'encontre d'autres dispositions de la common law et du Code criminel, notamment du « principe fondamental de détermination de la peine » énoncé à l'article 718.1 du Code, qui dispose que la peine doit être proportionnelle « à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant ».
Les juges doivent avoir la possibilité de tenir compte de TOUS les objectifs de la détermination de la peine énoncés à l'article 718 du Code, de façon à fixer des peines intégrant avec sagesse de nombreux objectifs parfois conflictuels, comme la réprobation, la dissuasion, la mise à l'écart du délinquant si nécessaire, la réadaptation et le châtiment. Les peines minimales abolissent cet impératif d'équilibrage.
Endommager un monument commémoratif de guerre est déjà passible d'une peine plus lourde
Les juges sont tenus de prendre en considération toutes les circonstances aggravantes et atténuantes dans chaque cas, au titre de la common law et de l'article 718.2 du Code criminel. L'alinéa 718.2a) du Code énonce certains des facteurs susceptibles d'alourdir une peine, notamment le fait que des motifs tels que « des préjugés ou de la haine » sont à l'origine de certains types d'infractions ou d'actes de « terrorisme ».
Cela renvoie à l'amendement de Mme Boivin.
De plus, tous les citoyens et tous les juges sont conscients de l'importance particulière des monuments commémoratifs de guerre, qui sont des biens publics empreints d'une profonde signification pour notre histoire nationale. Les juges infligeraient certainement une lourde peine dans les circonstances appropriées si un tel monument était profané. Comme il est dit dans Sentencing, 7th Ed. (Ruby et al) au sujet des peines infligées pour des méfaits concernant les biens : « Des peines plus lourdes seront aussi infligées si le motif du crime est particulièrement offensant » (p. 966).
Les lourdes peines n'ont pas d'effet dissuasif sur le contrevenant typique
Des études faisant autorité ont démontré de manière convaincante que « le degré de sévérité de la peine n'a aucune influence sur le taux de criminalité dans la société » (Doob & Webster, “Sentencing Severity and Crime: Accepting the Null Hypotheses”). Comme l'affirment les auteurs, la sévérité de la peine ne pourrait avoir une incidence que si le délinquant potentiel croyait qu'il serait appréhendé, savait que la peine a été modifiée, tenait compte des conséquences et se demandait si l'acte valait la peine d'être commis au regard de cette peine plus sévère.
Je ne crois pas me tromper en disant que le contrevenant typique commettant le genre d'acte envisagé dans le projet de loi C-217 présentera bon nombre des caractéristiques suivantes, qui ne sont pas susceptibles de concorder avec le genre de mécanismes de dissuasion susmentionnés : jeunesse, ivresse, et ignorance de la nature du monument commémoratif ainsi que du risque d'appréhension et de la nature de la peine.
Infliger des peines plus lourdes n'empêchera tout simplement pas le genre de conduite criminelle que vise ce projet de loi. Celui-ci n'aura strictement aucun effet pour réduire la fréquence d'une infraction qui reste rare.
Sévérité des peines du projet de loi C-217 et proportionnalité avec d'autres infractions
Une comparaison attentive des peines prévues dans le projet de loi et de celles correspondant à d'autres actes criminels, autant contre les biens que contre la personne, révèle que les premières sont largement plus sévères que celles dont sont passibles beaucoup d'autres infractions causant probablement plus de tort aux membres de la société.
Un tel déséquilibre des peines mine la légitimité de la sanction pénale.
Il y a d'autres manières d'atteindre les objectifs de ce projet de loi
Comme nous l'avons dit, il ne faut pas employer l'instrument brutal du droit pénal si d'autres méthodes permettent à la société d'atteindre les mêmes objectifs, probablement plus efficacement.
C'est M. Tilson, je crois, qui a déclaré en Chambre le 12 février 2012 qu’il faut rappeler aux Canadiens « que les sacrifices de nos soldats ne seront jamais oubliés ni sous-estimés » et que « le Canada continuera de rendre hommage à ceux qui sont morts au champ d'honneur », par ce projet de loi. Certes, M. Tilson a raison de veiller à ce que le sacrifice des soldats ne soit pas oublié, mais je tiens à dire très respectueusement que ce projet de loi n'est pas la meilleure ou la bonne manière de le faire. En outre, je pense que les soldats canadiens, comme l'ensemble de la population, tiennent à ce que notre droit pénal soit empreint de sagesse, de justice, de compassion, de souplesse et de conformité avec les traditions canadiennes.
Donc, pour ce qui est des autres mesures qui permettraient d'atteindre les mêmes objectifs, voici plusieurs possibilités.
- Rehausser l'éducation sur les sacrifices des soldats canadiens pendant les guerres, les missions de maintien de la paix et le service national en général.
- Des programmes d'éducation focalisés dans les collectivités où des infractions ont été commises.
- Encourager la publication d'éditoriaux et d'articles là où des monuments nationaux ont été profanés.
- Offrir d'autres formes de sanctions axées sur la réadaptation, notamment aux jeunes délinquants lorsque des monuments ont été endommagés, ce qui impliquerait la participation d'anciens combattants expliquant le sens du sacrifice des soldats, et les blessures psychologiques que causent de tels méfaits.
- Inviter les organisations pertinentes à présenter des déclarations de victimes dans les cas pertinents de crimes contre des monuments.
- Donner aux procureurs de la Couronne l'instruction de réclamer des dédommagements dans les affaires de crimes contre des monuments.
- Effectuer des recherches sur les rares cas où de tels comportements ont été constatés, afin d'essayer d'en cerner les motifs et de formuler des recommandations pour une dissuasion efficace à long terme.
Je regrette de ne pas avoir suffisamment de temps pour apporter une contribution plus étoffée à vos délibérations mais j'espère avoir montré que le projet de loi C-217 constitue une utilisation du droit pénal qui est inappropriée, inutile et, en fin de compte, dommageable.
Merci d'avoir pris la peine de lire mon opinion.
Professeur, Schulich School of Law and Department of Psychiatry, Faculty of Medicine (Cross-Appointment)
Le professeur Archibald ne pouvait pas participer à nos délibérations par téléconférence, mais ses arguments sont très convaincants, en tout cas de notre côté.
Il est par ailleurs évident qu'on a dû remonter cinq, six, sept, huit ans en arrière quand on a voulu trouver des exemples de ce comportement. Si on compare la situation avec la conduite en état d'ivresse, par exemple — les 30 années durant lesquelles nous avons essayé de mettre fin au carnage sur nos routes ont abouti aux dispositions que nous avons aujourd'hui —, on constate que démarrer avec ce genre de peines est une solution extrême.
La position que nous avons exprimée en deuxième lecture est que nous sommes favorables à l'intégration d'un chapitre distinct dans le Code criminel pour attirer l'attention sur l'importance des monuments commémoratifs de guerre, lesquels seraient traités de la même manière que d'autres types de biens dans le chapitre des méfaits. N'oublions pas cependant qu'on tient compte dans le Code criminel de la gravité des infractions en prévoyant une peine maximale C'est pour cette raison qu'on trouve au paragraphe 430(2) une peine maximale d'emprisonnement à perpétuité quand on commet un méfait mettant la vie d'autrui en danger — « méfait » n'étant que le terme juridique désignant la destruction ou l'endommagement de biens.
Donc, quiconque endommage des biens mettant réellement la vie en danger est passible d'une peine maximale d'emprisonnement à perpétuité parce que le législateur a tenu à souligner la gravité d'un tel acte dans le Code criminel. On ne voit cependant ici aucune peine minimale, car, comme d'autres intervenants l'ont dit, ce n'est pas nécessaire.
Nous croyons que les juges doivent conserver la latitude voulue dans ce genre de situation. Nous n'avons pas besoin d'une solution détournée pour assurer la justice en disant que la Couronne possède cette latitude. Nous parlons en effet ici d'un système judiciaire, pas d'un système administratif, et il importe d'assurer un minimum d'uniformité dans les peines que nous prévoyons dans le droit et dans le Code criminel. L'article 430 du Code criminel serait incohérent si cet amendement n'était pas adopté afin de supprimer la peine minimale dans ce genre de situation, ce qui préserverait non seulement l'imposition d'une amende de 1 000 $, mais, aussi, dans tous les cas, l'établissement d'un casier judiciaire.
En vertu du Code criminel, comme le savent tous les juristes, l'existence d'une amende minimale signifie que le juge n'a plus le pouvoir d'accorder une absolution conditionnelle ou inconditionnelle si les circonstances le justifient. Or, nous ne voulons pas priver le juge ou le procureur de la Couronne de cette latitude. Les procureurs de la Couronne sont des agents de l'État. Les juges sont des personnes qui agissent dans l'intérêt de la justice, au nom des deux parties. Ils écoutent les arguments des deux parties, ils prennent connaissance des faits et des circonstances, et ils rendent ensuite une décision.
Le professeur Kaiser a fait une excellente démonstration. Il n’est malheureusement pas ici pour répondre à nos questions parce que son horaire ne le lui permettait pas. Toutefois, il nous a fourni une analyse approfondie, bien que brève, de ce projet de loi dans le contexte du droit pénal.
Monsieur le président, cela met fin à mon argumentation en faveur de l'amendement visant à supprimer la première partie de la disposition sentencielle, ce qui préserverait la possibilité d'intenter des poursuites par mise en accusation ou par déclaration sommaire de culpabilité avec les peines prévues dans le projet de loi que propose M. Tilson.
:
Je serai brève, monsieur le président.
Ce que je trouve spécial, en qui a trait à ce projet de loi, c'est que j'ai l'impression qu'on envoie un faux message à nos anciens combattants. Entre autres, je pense aux témoins qui étaient ici mardi; j'ai énormément de sympathie et de respect pour ce qu'ils représentent.
Cela étant dit, on leur laisse croire que ce projet de loi de M. Tilson va régler leur problème qui consiste à croire qu'on peut impunément massacrer l'honneur de ceux qui ont combattu pour leur pays. Il n'y a pas de plus grand geste qu'on puisse poser, selon moi, dans sa vie. On sait pertinemment que, malgré ce projet de loi, on va se retrouver avec des procureurs de la Couronne qui seront souvent tellement débordés par le nombre de dossiers qu'ils auront à traiter tous les jours, on va se retrouver avec des gens qui vont dire que c'est un pauvre petit jeune qui a fait telle chose, qu'il ne pensait pas, et ces gens vont demander qu'on s'en tienne à un verdict de méfait.
On fait croire à des gens qu'on est en train de régler un problème sérieux en faisant ça de cette façon, alors qu'on pourrait arriver à l'essentiel en envoyant un message clair selon lequel c'est une infraction en soi que de massacrer des monuments de guerre, des cénotaphes et autres. C'est donc le problème que je vois dans projet de loi.
En ce qui concerne les peines minimales, je pense que M. Seeback a soulevé un bon point tout à l'heure, lorsqu'il a dit que peu importe qu'il y ait un minimum, cela n'empêchera pas les gens de travailler et d'arriver, justement, à une sentence moindre et ainsi de suite. Or c'est peut-être justement ça qui me dérange dans tout le processus qu'on est en train de faire. On fait croire au peuple canadien, à nos anciens combattants, quelque chose qui n'aura même pas de conséquences à cet égard.
Je veux dire aussi qu'à mon avis — mais je suis prête à entendre le contraire —, il n'y a aucun cas de récidive répertorié à ce sujet. Encore une fois, ça donne l'impression qu'on met nos gros sabots et qu'on dit: voici ce qui va arriver lors d'une deuxième infraction, d'une troisième infraction. De plus, on laisse entendre que ça arrive fréquemment.
Comme le disait M. Harris, nos témoins ont eu de la difficulté à répertorier des cas récents, et on le sait. Je pense que ce qui s'est fait ici, à Ottawa, en 2006 entre autres, a entraîné des deux côtés de la rivière un sentiment populaire contre les gestes qui avaient été posés. Cela a écoeuré bien des gens. J'ai donc l'impression que cela a été en soi très éducatif. Je défie quiconque d'essayer de faire la même chose la prochaine fois, compte tenu des conséquences publiques que cela a eues.
N'oubliez pas non plus la Légion royale canadienne. Je ne sais pas si tout le monde a reçu la lettre de Mme Varga. On parle quand même de la Légion royale canadienne, on parle quand même d'un organisme pancanadien qui est composé de beaucoup d'anciens combattants qui le disent eux-mêmes. Je vais vous lire en français l'extrait où elle nous dit clairement, elle aussi, qu'ils nous remerciaient de leur offrir l'occasion de commenter le contenu du projet de loi .
La Légion royale canadienne — comme nous — appuie fermement l’esprit du projet de loi C-217, lequel vise à ériger en infraction les actes de méfait commis à l’égard d’un monument commémoratif de guerre, d’un cénotaphe ou d’un objet visant à honorer les Canadiens et les Canadiennes qui ont consenti le sacrifice suprême au Canada pendant la guerre ou lors d’opérations s’étant déroulées depuis la guerre de Corée, ou à rappeler le souvenir de ces personnes.
Nos membres sont tout à fait d’accord qu’il faut souligner la nature sérieuse de ces incidents, compte tenu des sentiments et des émotions exprimés par tous les Canadiens contre ces actes. Toutefois, nous estimons que les peines imposées dans chaque cas devraient refléter la nature des gestes posés et que les tribunaux devraient avoir une certaine latitude lorsque vient le temps d’évaluer la gravité de la situation.
La peine devrait être proportionnelle au crime, et même si aucun incident de cette nature ne peut être toléré, le projet de loi devrait contenir des dispositions de justice réparatrice, notamment une rencontre obligatoire entre les délinquants et des groupes d’anciens combattants. Le projet de loi devrait encourager les délinquants à assumer la responsabilité de leurs actes et à réparer les dommages qu’ils ont causés en demandant pardon à des anciens combattants ou en effectuant des heures de travail bénévole. On aide ainsi les délinquants à éviter la récidive et à mieux comprendre les conséquences de leurs gestes.
Il ne s'agit pas de n'importe qui. Ces propos émanent de la Légion royale canadienne.
Encore une fois, je souligne qu'on envoie un faux message, qu'on donne de faux espoirs à nos anciens combattants. Ne serait-ce qu'à cause de cela, je m'inscris en faux contre la démarche. Même si elle est bien présentée, elle ne permettra pas du tout d'atteindre le résultat recherché. Compte tenu de la responsabilité que nous avons de bien faire notre travail de législateur, je crois que nous devrions être très prudents.
Merci, monsieur le président.
:
Merci, monsieur le président.
Nous appuyons évidemment la réprobation des comportements témoignant d'un manque de respect envers les Canadiens morts au champ d'honneur. Toutefois, nous exprimons des réserves au sujet de la structure sentencielle proposée, car elle risque d'avoir une conséquence négative imprévue. Je parle ici de la peine maximale.
Sous sa forme actuelle, le projet de loi fixe pour une poursuite par mise en accusation une peine maximale inférieure à celle qui existe actuellement pour un méfait similaire au titre de l'article 430 du Code criminel. La peine maximale actuellement envisagée est de cinq années d'incarcération au lieu de dix. Par conséquent, je propose un amendement à l'article 1 du projet de loi.
Je propose que l'alinéa 430(4.11 b) du projet de loi soit modifié en supprimant le mot « cinq » à la ligne 3 de la page 2 pour le remplacer par « dix ». Ainsi, la peine maximale proposée en cas de poursuite par mise en accusation serait de 10 années d'incarcération, ce qui serait conforme à la peine prévue pour d'autres méfaits dans le Code criminel.
C'est une question d'uniformité, monsieur le président.
:
Je trouve cet argument assez spécieux, monsieur le président, étant donné l'absence d'uniformité dans la totalité du projet de loi du point de vue des méfaits sanctionnés par l'article 430 du Code criminel.
En fait, on pourrait presque dire que M. Tilson était plus cohérent en prévoyant un maximum de cinq ans pour la nouvelle infraction qu'il propose, car celle-ci ne suppose pas le niveau de motivation, de préjugé ou de haine que suppose l'article avec lequel il veut assurer l'uniformité.
Aucun facteur de motivation n'est obligatoire. Nous parlons d'uniformiser avec… Comme on l'a dit auparavant, nous avons une peine minimale obligatoire pour quelqu'un qui urine sur un monument commémoratif de guerre — ce qui peut arriver, peut-être par inadvertance — avec quelqu'un dessinant une swastika sur le mur d'une synagogue ou profanant un cimetière juif, comme c'est arrivé à Toulouse après les terribles événements de la semaine dernière.
Je ne vois là absolument aucune uniformisation, dans ce cas. Nous avons entendu des arguments où nous avons accepté le fait que, comme le disait la direction nationale de la Légion canadienne… Quand je parle de la direction nationale, je fais évidemment référence à l'organisation nationale, à toute la structure de la Légion canadienne, et à la présidente qui nous a écrit pour nous inviter à faire preuve de souplesse dans cette affaire.
Elle a déclaré, au nom de la direction nationale, qu'il faut faire preuve de souplesse, alors que nous disons ici qu'il faut uniformiser avec cette autre disposition qui exige que l'acte ait été motivé réellement par des préjugés ou de la haine à l'égard d'une religion donnée, ou n'importe quelle autre forme de haine.
Donc, quand on dit qu'il faut que la peine maximale soit la même, c'est-à-dire dix ans, alors qu'aucune motivation de cette nature n'est prise en compte dans le projet de loi de M. Tilson, nous répondons que nous ne sommes pas d'accord.