CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 18 juillet 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bon après-midi. Je déclare la séance ouverte.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 16 juin 2016, le Comité poursuit son étude des mesures d'immigration pour la protection des groupes vulnérables.
Nous accueillons cet après-midi l'honorable Yonah Martin, sénatrice et leader adjointe de l'opposition au Sénat. Bienvenue, madame.
Nous entendrons Mme Audrey Macklin, professeure à la faculté de droit de l'Université de Toronto, via vidéoconférence. C'est un plaisir de vous revoir, madame.
Nous entendrons aussi M. Martin Mark du Bureau des réfugiés de l'Archidiocèse de Toronto.
Merci à tous de comparaître devant nous. Je vous rappelle à tous que vous avez sept minutes pour vos déclarations préliminaires. Nous commencerons avec la sénatrice Martin.
Merci, monsieur le président, et merci au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration d'entreprendre cette importante étude sur la façon dont le Canada peut appuyer le mieux les groupes vulnérables dans des régions difficiles d'accès, et d'examiner la façon dont le Canada peut accélérer le traitement des demandes d'asile des yézidis victimes de génocide et des autres personnes vulnérables.
En tant que membre de l'autre chambre, je considère que c'est un honneur pour moi d'avoir cette occasion de parler du rapport récent intitulé Les nombreux oubliés: droits de la personne et transfuges nord-coréens que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a déposé et qui fait état de la situation désespérée des transfuges nord-coréens et de leur parcours périlleux vers la liberté.
Le rapport de la Commission d'enquête sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée du Conseil des droits de l'homme des Nations unies a conclu que les violations aux droits de la personne constituent des crimes contre l'humanité. La gravité, l'ampleur et la nature de ces violations révèlent une situation inégalée dans le monde contemporain. Les conditions de vie se sont détériorées à des niveaux de privation extrêmes auxquels les droits à la nourriture, à la santé et aux autres besoins essentiels sont catégoriquement refusés. Les Nord-Coréens qui ont réussi à faire défection l'ont fait pour leur survie et, jusqu'à ce qu'ils aient obtenu refuge dans un pays sûr, leur vie et la vie d'éventuellement trois générations de membres de leur famille demeurent grandement à risque s'ils sont attrapés en Chine pour avoir traversé illégalement la frontière, ou dans d'autres pays de l'Asie du Sud-Est, s'ils sont rapatriés en Corée du Nord.
En dépit des pressions internationales sur le régime nord-coréen avec la publication du rapport de la Commission d'enquête des Nations unies, la Corée du Nord continue à refuser catégoriquement de coopérer avec les observateurs des Nations unies et les autres observateurs des droits de l'homme dans le monde, et notamment à refuser l'accès au rapporteur spécial du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés au sujet de la situation des droits de la personne dans la RPDC.
Dans le rapport du Sénat, nous avons attentivement examiné la question des transfuges nord-coréens qui constituent un des groupes les plus vulnérables dans le monde et qui se trouvent dans des endroits auxquels les représentants canadiens ont difficilement accès, afin d'offrir des solutions et des recommandations que le gouvernement du Canada pourrait sérieusement envisager afin d'aider ces personnes désespérées et vulnérables. Ayant revu dans le hansard la motion concernant le génocide des yézidis débattue en Chambre les 9 et 15 juin 2016, ainsi que le rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme intitulé 'They Came to Destroy': ISIS Crimes Against the Yazidis confirmant le génocide des yézidis, je félicite ce comité d'avoir adopté l'ordre de renvoi qui est à la base de la présente étude. J'espère sincèrement que mon témoignage au sujet du rapport du comité sénatorial et des solutions proposées pour aider les transfuges nord-coréens se révéleront également utiles pour aider un plus grand nombre de victimes yézidies et d'autres personnes vulnérables à trouver refuge au Canada.
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a commencé son étude avec le témoignage personnel et fascinant d'une transfuge nord-coréenne appelée Hyeonseo Lee, qui a assisté pour la première fois à une exécution publique à l'âge de sept ans et qui est l'auteure du livre The Girl With Seven Names: A North Korean Defector's Story. Son témoignage révèle le fait particulièrement intéressant qu'environ 70 à 80 % des transfuges fuyant la Corée du Nord sont des femmes. Elle a déclaré que les femmes sont victimes de traitements horribles le long de leur trajet qui traverse le plus souvent la Chine. Bien des femmes transfuges deviennent des esclaves sexuelles ou les femmes d'hommes chinois après leur capture, et certaines ont, hélas, même accepté d'être vendues pour pouvoir gagner de l'argent ou pour aider leurs familles désespérées dans leur collectivité. Les femmes sont traitées comme des marchandises et vendues comme des esclaves pour des montants aussi faibles que 80 $, selon leur âge et leur apparence.
Notre étude signale que les femmes enceintes qui sont rapatriées et qui ne peuvent prouver que leur enfant a un père nord-coréen peuvent être forcées à se faire avorter. Nous avons entendu des cas encore plus horribles et terrifiants où des mères ont été forcées de noyer leurs nouveau-nés dans des seaux. Les enfants qui sont amenés en Corée du Nord en provenance de la Chine ne sont pas reconnus comme des citoyens de la Chine et ne sont pas acceptés comme des citoyens de la Corée du Nord, produisant ainsi des enfants apatrides sans protection, droits, ni avantages quelconques.
Selon le directeur exécutif de l'association de soutien HanVoice, Chris Kim, au début des années 1990, trois voies de sortie de la Chine s'offraient aux réfugiés nord-coréens: en traversant la frontière mongole; en demandant l'asile à des missions diplomatiques étrangères en Chine; ou par des chemins traversant l'Asie du Sud-Est, incluant généralement la Thaïlande. La Chine a complètement éliminé les deux premières options, ce qui ne laisse que les pays asiatiques comme la Thaïlande comme seule voie vers la liberté.
À l'heure actuelle, dans la région de l'Asie du Sud-Est, la Thaïlande est le seul pays qui ne rapatrie pas en RPDC les transfuges nord-coréens arrêtés pour entrée illégale. En Thaïlande, les transfuges sont placés dans des centres de détention en attendant que le gouvernement de la Thaïlande leur délivre un visa de sortie vers la Corée du Sud ou, après une attente bien plus longue, vers les États-Unis au titre de la loi américaine sur les droits de la personne en Corée du Sud, loi dont on parlera plus tard.
Nous avons entendu, dans le cadre de notre étude sénatoriale, que le régime nord-coréen actuel a resserré la sécurité le long de la frontière entre la Chine et la RPDC afin d'éviter d'autres défections non seulement de citoyens de la RPDC, mais aussi, de plus en plus, de gardes-frontières du pays. Nous avons aussi appris que, après avoir fui la RPDC, les transfuges nord-coréens se retrouvent dans un dilemme juridique. La constitution sud-coréenne considère que toutes les personnes vivant dans la péninsule coréenne sont des ressortissants sud-coréens. Cela étant, il y a une perception de solution durable selon laquelle tous les transfuges nord-coréens détenus dans un centre de détention thaïlandais peuvent aller en Corée du Sud.
Cependant, dans certains cas, et de toute évidence, il y a des transfuges qui craignent de retourner dans la péninsule même où ils ont tout risqué, y compris leur vie, pour fuir. Leur peur n'est pas causée par la perception que la Corée du Sud ne réussira pas à protéger les transfuges ou à les installer en Corée du Sud, mais elle découle plutôt de la proximité de la Corée du Sud à la Corée du Nord et du traumatisme que certains transfuges devront subir par le fait même d'être si proches de l'endroit où ils ont tant souffert. Ce dilemme juridique place les transfuges nord-coréens dans une situation précaire, suspendus dans une catégorie qui leur est propre, que ce soit comme étant apatrides en Chine, ou non admissibles à la désignation de réfugiés des Nations unies qui leur permettrait d'avoir accès au régime d'asile international.
En 2004, les États-Unis ont adopté la loi sur les droits de la personne en Corée du Sud, reconnaissant l'écart juridique dans la prestation d'aide humanitaire aux Nord-Coréens à l'intérieur de la Corée du Nord; fournissant des subventions à des organisations à but non lucratif privées afin de promouvoir les droits de la personne, la démocratie, la primauté du droit et le développement d'une économie de marché en Corée du Nord; augmentant la disponibilité de l'information à l'intérieur de la Corée du Nord, et fournissant une aide humanitaire et juridique aux Nord-Coréens qui ont fui la Corée du Nord.
Après que nous ayons reçu des mémoires écrits du Conseil des droits de la personne de la Corée du Nord et de la Fédération canadienne des...
Il y a deux recommandations du rapport que j'aimerais voir être prises en considération. Je crois que le Comité les trouvera très pertinentes et utiles. Quand vous recevrez le rapport, vous pourrez examiner les recommandations clairement et directement.
Je termine en disant que l'engagement du Canada à faire avancer la cause des droits de la personne ne repose pas seulement sur les conventions internationales auxquelles nous sommes partie; avec toutes les atrocités qui sont systématiquement infligées à des êtres humains partout dans le monde, c'est tout simplement la chose à faire pour le Canada, comme nous l'avons fait tout au long de l'histoire de notre nation en des temps de guerre et de paix.
J'espère que vous arriverez à de telles conclusions dans votre présente étude.
[Français]
Je vous remercie de cette occasion de vous parler aujourd'hui à partir de Windsor.
[Traduction]
J'appuie ce que je comprends être une proposition de restauration de la catégorie de personnes de pays source, que le gouvernement précédent a éliminée. Je n'apporte pas à ce sujet des connaissances précises concernant les yézidis, ce que j'aimerais préciser clairement dès le départ.
Il y a deux aspects à prendre en considération, à mon avis, en ce qui concerne la restauration d'une catégorie de personnes de pays source.
La première est le défi constant — qui a peut-être eu un rôle dans l'élimination de cette catégorie — que représentent les difficultés logistiques et politiques de la réinstallation des gens qui sont encore dans leur pays d'origine. Il s'agit des personnes qui répondent à la définition de réfugié au titre de la loi, à l'exception du fait qu'elles ne se trouvent pas hors de leur pays d'origine. On pourrait penser que cette distinction ne devrait pas être très importante et, en principe, elle ne l'est pas — autrement dit, nous savons que ce sont des personnes à risque de persécution au titre de la convention —, mais sur les plans pratique et politique, cela pose des difficultés considérables.
Pourquoi? C'est parce que tant qu'elles sont dans leur pays de nationalité, le gouvernement dont elles peuvent bien craindre la persécution, ou le gouvernement qui est incapable de les protéger de la persécution est encore souverain dans ce territoire; par conséquent, aucun gouvernement, y compris le gouvernement canadien, ne peut y accéder pour réinstaller des gens de là sans le consentement et la coopération du gouvernement de la nationalité de ces personnes. En effet, si c'est le gouvernement qui les menace de persécution, ce sera très difficile. Même si ce n'est pas le gouvernement qui risque de les persécuter, mais que celui-ci ne maîtrise pas entièrement son territoire, les choses seront encore très difficiles.
Quelquefois, pour réinstaller des réfugiés, le gouvernement canadien a recours à l'aide du HCR et d'organisations semblables qui oeuvrent dans les pays d'asile pour l'aider à identifier et à sélectionner les personnes à réinstaller. Cela également n'est pas aussi disponible dans une situation de pays d'origine, car le HCR n'y est probablement pas présent. Quelquefois, il l'est pour les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, mais pas forcément, et on suppose que les personnes dont on s'inquiète ne sont pas déplacées à l'intérieur de leur pays. Dans ces pays, les sociétés civiles pourraient identifier les personnes à risque, mais c'est une activité très dangereuse pour elles.
En fin de compte, je crois que le principe visant à identifier une catégorie de personnes de pays source et à pouvoir réinstaller des personnes de leur pays d'origine est louable, mais il est important que le gouvernement ne fasse pas de promesses qu'il ne peut pas tenir, ne crée pas l'attente que des personnes puissent être réinstallées, pour ensuite être confronté à des difficultés logistiques qui en empêchent la réalisation.
Pour les catégories de personnes de pays source, une des possibilités est, entre autres, de concentrer l'attention sur le parrainage privé des réfugiés dans les circonstances où le gouvernement peut appliquer son système d'immigration — autrement dit, dans un pays où les gens sont capables de quitter, que ce soit pour le regroupement familial ou en tant qu'immigrants économiques. Cela signifie que le gouvernement peut, dans un certain sens, mener les activités qu'il doit mener, comme les divers contrôles, aux fins de l'immigration, et pourrait le faire pour les gens réinstallés à partir de ce pays. Le fait de s'appuyer sur des mécanismes privés plus que sur l'aide gouvernementale pour les réfugiés élimine le fardeau pour le gouvernement de trouver une façon proactive d'identifier les réfugiés dans les circonstances où le gouvernement local pourrait ne pas être réceptif et, de fait, pourrait être hostile envers cet effort. C'est une considération.
La catégorie de personnes de pays source présente un deuxième défit, soit l'idée de désigner des sous-groupes particuliers, que ce soit en fonction de leur ethnicité, de leur religion ou autrement, plutôt que de se fonder simplement sur la définition de « réfugié ». Je dirais qu'à cet égard, historiquement, le régime de réfugiés international s'est éloigné de l'identification ponctuelle de groupes particuliers en tant que réfugiés selon un nom de groupe, et tend vers le développement d'une définition générique qui pourrait couvrir n'importe qui. C'est ce que nous avons maintenant avec la définition de « statut de réfugié »: aucun groupe particulier n'est nommé, mais ce sont plutôt les motifs de persécution auxquels un groupe particulier de personnes peut être exposé qui sont cités.
Je précise simplement qu'il n'est pas nécessaire de nommer un groupe en fonction de son ethnicité, de sa religion ou de sa race, ou d'autre chose encore, pour que des membres de ce groupe répondent à la définition de réfugié aux fins de protection et de réinstallation; toutefois, si l'on adopte un système de catégorisation de groupes spécifiques, cette approche pourrait avoir pour effet d'exclure d'autres personnes qui ne font pas partie de ce groupe. De toute évidence, utiliser simplement la définition de réfugié n'entraîne aucune perte d'inclusion, mais il y a une perte par exclusion si l'on adopte plutôt un système qui nomme des groupes précis.
C'est là la teneur de mon discours, et je suis prête à répondre à vos questions. Merci.
Honorables président, vice-présidents et députés, je m'appelle Martin Mark. Je suis employé par l'Église catholique romaine au Bureau des réfugiés de l'Archidiocèse de Toronto. Nous sommes l'un des 100 signataires d'entente de parrainage.
L'an dernier, nous avons entrepris la réinstallation de plus de 2 300 réfugiés de partout dans le monde et, en mars, dans un blitz inattendu, nous avons présenté 700 dossiers supplémentaires que nous avions au bureau depuis l'an dernier. Cette réinstallation de plus de 3 000 personnes n'est pas très encourageante quand on pense au quota que nous a accordé le ministère de l'Immigration pour cette année, soit 1 000 seulement.
Nous nous distinguons un peu des autres signataires d'entente de parrainage. Par exemple, nous allons régulièrement en mission pour visiter des camps et des collectivités de réfugiés afin d'identifier, de sélectionner et de trier des réfugiés en vue de leur réinstallation. Assis derrière moi est un jeune homme que j'ai rencontré il y a cinq ans dans un camp de réfugiés et, grâce à Citoyenneté et Immigration Canada, il est maintenant un Canadien. C'est son premier été ici.
Nous utilisons une méthode tout à fait différente et, dans une semaine exactement, je serai dans un camp de réfugiés au Moyen-Orient, probablement chez des yézidis.
Je vous remercie de votre invitation, et vous remercie d'avoir choisi ce sujet oublié, mais crucial, se rapportant à la majorité des personnes touchées par la crise mondiale de réfugiés de nos jours. C'est un sujet qui n'a probablement jamais été débattu à un niveau aussi élevé et, donc, nous avons grand espoir.
Quelque chose a mal été, et nous devons y remédier avant qu'il ne soit trop tard. Il est bien connu à l'échelle internationale à quel point le Canada est généreux quand il s'agit de l'aide humanitaire, surtout l'aide aux réfugiés. Dans mon travail, tant à l'échelle locale qu'internationale, j'entends beaucoup de félicitations et d'appréciation pour ce que le Canada et les Canadiens ont fait et continuent de faire pour les personnes déracinées. Il y a 100 000 personnes, voire un million de personnes, qui ont trouvé la paix, la sécurité et des possibilités inégalées de vie digne et prospère pour eux-mêmes et leurs enfants grâce au système canadien de protection des réfugiés au cours des trois dernières décennies et plus.
En plus de la protection au Canada et de la réinstallation de réfugiés de l'étranger, le Canada était et demeure ouvert aux réfugiés qui peuvent se permettre d'utiliser les autres moyens d'immigration et de venir sans l'étiquette de « réfugié ». Certains migrants économiques, gens d'affaires et autres migrants sont aussi des gens qui ont été forcés à émigrer; cependant, ils ont eu la chance de pouvoir utiliser d'autres méthodes que la demande d'asile pour accéder à la sécurité qu'offre le Canada.
Tout d'abord, il est important de laisser les autres moyens d'immigration ouverts de sorte que les réfugiés qui sont capables de gérer leur vie ne soient pas forcés à utiliser les places de réinstallation limitées que nous avons. En tant que conseil de parrainage privé ou, comme je préfère le dire, de conseil de réinstallation civique, nous avons constaté d'énormes améliorations et une augmentation considérable au cours des dernières années. Cependant, nous avons perdu un grand nombre d'options et nous n'avons pas obtenu des améliorations fondamentales que nous attendions depuis longtemps.
Quand on parle de groupes et de personnes vulnérables dans le contexte de la réinstallation, la première question à examiner est l'accès direct. L'accès direct était la politique des ambassades canadiennes pendant des dizaines d'années. Autrement dit, les personnes vivant dans leur pays qui sentaient que leur situation était dangereuse et que leur vie était menacée avaient la possibilité de s'adresser à un représentant canadien pour demander de la protection. Cela permettait aussi de faire en sorte que les gens n'attendaient pas une décision pendant de longues années ou des décennies dans des camps de réfugiés, comme on l'a vu.
En 2002, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR, a limité l'accès à un certain nombre de pays, ceux-ci étant en réalité les pays appelés « pays source ». En 2012, les changements aux règlements, conjugués à l'élimination de la notion de pays source, ont fait que l'accès direct a lui aussi disparu.
La catégorie de personnes de pays source avait un rôle important dans la protection. Nous savons que cela ne fonctionnait pas très bien dans plusieurs situations. Cependant, son élimination signifie qu'aujourd'hui le Canada exclut une majorité de migrants forcés. Au nombre des 65 millions de personnes relevant de la compétence des Nations unies, seulement 21 millions sont des réfugiés admissibles au système canadien de protection des réfugiés — réinstallation ou autre chose —, tandis que la majorité des personnes déracinées sont des PDIP, soit des personnes déplacées dans leur pays. Ainsi donc, nous excluons 41 millions de personnes qui sont dans le besoin. Quelque chose a mal été et nous devons y remédier avant qu'il ne soit trop tard.
Parlons maintenant de la nature des conflits qui créent les situations de réfugiés et de la façon dont on peut y réagir.
Au cours du XXe siècle, les principales causes de conflit étaient le nationalisme, le racisme et la soif de pouvoir politique. Cela a radicalement changé au XXIe siècle. La lutte pour le pouvoir est toujours le principal motif de plusieurs conflits; cependant, dans la plupart des cas, c'est sous le couvert de la religion.
Ce que nous avons dans le monde maintenant est une série de conflits à prédominance religieuse. Un bon exemple est la Somalie. Quand nous avons commencé des activités de réinstallation de réfugiés de la Somalie, nous devions aider les clans minoritaires — les bajunis, les madhibans et d'autres — parce que la plus grande menace qui s'exerçait contre eux était fondée sur leur origine. Ils étaient ciblés en raison de leur ethnicité. Aujourd'hui, nous réinstallons des somaliens à cause d'Al-Shabaab. Il ne s'agit plus du tout des clans; la seule motivation est l'extrémisme religieux.
Au cours du siècle dernier, lors de la guerre en Yougoslavie, les activistes serbes se battaient tant contre des chrétiens que des musulmans, comme des Croates et des Bosniaques, parce que leur motivation n'avait rien à voir avec la foi: ils procédaient à un nettoyage ethnique, indifféremment. Nous avons réinstallé tant des chrétiens que des musulmans. Ils étaient visés et ils étaient des victimes.
Il s'agit principalement d'identifier pourquoi la personne est persécutée.
En Irak, quand des membres du groupe EI marquent une maison d'un symbole, ils se fondent sur les croyances de la personne. « Nazaréen » signifie « chrétien »; donc, ils les ciblent en fonction de leur foi. La persécution des yézidis et des autres minorités est fondée sur leur foi, et ils deviennent ainsi un groupe des plus vulnérables, dépourvu de toute aide appréciable et exposé à une violence incroyable et à une torture extrême.
De concert avec le révérend Majed El Shafie de One Free World International et le cabinet juridique de Chantal Desloges, nous avons produit une proposition de façon à sensibiliser les populations aux yézidis, le groupe le plus abandonné dans l'histoire de la persécution et de la protection des réfugiés. C'est à vous de fournir le cadre juridique, mais dans notre proposition, nous décrivons une possibilité de projet pilote visant à aider les personnes déplacées dans leur pays qui ne bénéficient d'aucune aide politique ni religieuse et qui sont souvent oubliées.
Avec l'ouverture de la catégorie de personnes de pays source ou avec des décisions ministérielles de politique publique, les parrains civiques pourraient commencer à aider les collectivités traumatisées qui sont désespérément dans le besoin. Si l'on est sincère dans le désir d'aider les plus vulnérables, si l'on cherche sérieusement à assurer un soutien pour la sécurité des femmes à risque, comme nous, Canadiens, le déclarons fièrement, il n'y a donc aucun groupe dans le monde à l'heure actuelle qui a plus besoin d'aide qu'eux.
C'est avec plaisir que je parlerai davantage de cela, mais contrainte de temps obligeant, je ne mentionnerai brièvement que deux choses en conclusion.
Les temps de traitement dans de nombreux endroits du monde sont de trois à cinq ans. Comme un des réfugiés, chanteur, le dit dans la chanson qu'il nous a adressée, protection retardée signifie protection refusée. Nous perdons des réfugiés choisis et triés au profit d'autres pays de réinstallation, même l'Australie. Cela se passe même au Moyen-Orient où, nous sommes très heureux de le dire, le traitement par le Canada est extrêmement rapide. L'arriéré dans le système de réinstallation dans certaines parties du monde rend la réinstallation au Canada quasiment impossible.
Enfin, parlant des groupes vulnérables, il ne faut pas oublier les plus vulnérables: les mineurs et enfants non accompagnés. Nos programmes de réinstallation font généralement exclusion des enfants non accompagnés. Cela est mal et extrêmement triste. Si l'on prend les yézidis, il y a une jeune femme de 18 ans victime de violence que nous ne pourrions peut-être pas aider à cause de l'interdiction de réinstallation. Pourquoi ne suivons-nous pas l'exemple des États-Unis qui ont un programme d'aide aux mineurs extrêmement efficace? Nous ne devrions pas simplement abandonner ces enfants dans les camps.
Merci, et je vous souhaite beaucoup de succès dans vos travaux dans ce domaine. Ensemble, nous pourrions donner de l'espoir aux personnes qui sont sans espoir.
Merci.
Merci, monsieur Mark.
Nous commençons maintenant notre premier tour de questions. Monsieur Sarai, vous avez sept minutes.
Merci, et merci à vous tous de comparaître aujourd'hui.
Monsieur Mark, la proposition que vous mentionnez m'intéresse. Pourriez-vous fournir aux membres du Comité une copie de cette proposition?
Certainement. Je crois que le révérend Majed El Shafie, qui pourrait comparaître devant le Comité dans à peine deux jours, apportera des copies avec lui. C'est un plan très détaillé. Nous y avons travaillé pendant des années et des années, et nous pensons que le moment est venu.
J'ai lu quelque chose à ce sujet dans la presse au début de juin, et je m'y intéresse depuis lors. Plus vite vous pouvez nous le fournir, mieux ce sera parce que c'est une question tellement cruciale.
Voici quelques questions sur la façon dont il fonctionnerait. Votre organisation et One Free World International iraient en Irak, à Erbil, dans le nord, si je comprends bien. Combien de temps seriez-vous là-bas?
Le Bureau des réfugiés de l'Archidiocèse de Toronto a déjà très bien réussi à accéder à des zones où... par exemple, un camp de réfugiés, une collectivité de réfugiés où les Nations unies ne peuvent oeuvrer. Nous avons accès et nous...
Je suis désolé de vous interrompre; vous êtes très aimable d'être venu témoigner aujourd'hui, mais je n'ai que sept minutes et donc, je repose la question: Combien de temps prévoyez-vous...? Quelle sera la durée de ce voyage dans le nord de l'Irak?
Nous ferons un premier voyage d'exploration au cours des prochaines semaines; ensuite, si nous obtenons la permission, nous pourrons probablement sélectionner et identifier environ 400 familles au cours de six à huit semaines.
Avez-vous obtenu...? Eh bien, avant tout ça, permettez-moi de vous poser des questions sur la sécurité. De toute évidence, le nord de l'Irak est plus stable que le reste du pays, mais il n'est pas particulièrement stable. Qu'en est-il de la sécurité? Avez-vous fait quelque chose pour assurer la sécurité?
Nous sommes extrêmement attentifs à la sécurité, parce que nous pourrions certainement devenir des cibles. Nous allons chaque fois avec la coopération de nos partenaires locaux. Nous avons des gens sur place qui travaillent avec les réfugiés, donc les organisations locales de services aux réfugiés nous disent quelles sont les zones et les moments qui sont suffisamment sûrs pour le traitement des...
À mon avis, il est très important que nous disposions de renseignements à jour pour savoir quand et où il est sûr d'aller.
Le KRG, le gouvernement régional du Kurdistan, vous a-t-il donné son approbation? Avez-vous parlé aux gens de M. Barzani? De toute évidence, le Nord de l'Irak est assez autonome. On dit même que c'est en fait un État. Avez-vous reçu la permission des dirigeants là-bas pour ces activités?
Si nous pouvions voir cela par écrit, ce serait génial. Il est manifestement crucial que la permission soit accordée. Si le gouvernement du Canada devait appuyer quelque chose du genre, il faut absolument nous assurer que nous avons la permission des autorités locales.
Je m'intéresse également à la dynamique dans la région. Vous vous concentrez particulièrement sur les yézidis. Certains yézidis parlent l'araméen et l'arabe, d'autres parlent le kurde kurmanji. Le kurde kurmanji est le dialecte kurde le plus couramment parlé. Il n'y a pas grand monde au Canada qui le parle. Il est très difficile. Je sais, parce que j'ai tenté de l'apprendre à un moment donné. Mes efforts ont duré deux jours et j'ai abandonné très vite.
Je répète, les langues parlées sont l'araméen et l'arabe. Emmenez-vous avec vous des interprètes qui parlent ces langues? Comment communiquerez-vous avec la population locale?
Nous travaillons très étroitement avec la collectivité yézidie du Canada. Nous avons été très fiers il y a 14 jours exactement d'accueillir le premier réfugié yézidi que nous avons parrainé.
Nous n'avons aucune inquiétude. Nous prenons toutes les mesures logistiques nécessaires selon la profession. Dans le cas de la réinstallation, nous avons de bons antécédents pour ce qui est de...
Je suis désolé; quand je dis « certainement », je veux dire au moment où le projet a été approuvé. Nous devons d'abord avoir votre approbation avant d'aller plus loin car, rappelez-vous, il n'y a pas encore de cadre juridique nous permettant de faire ceci.
Voici ma dernière question: les femmes ont des besoins très particuliers, manifestement, en ce qui concerne la réinstallation. Comment le projet que votre organisation et One Free World International dirigent apparemment prend-il en compte les besoins uniques des femmes sur le terrain?
C'est une composante importante de la proposition, à savoir que sur le terrain nous devons disposer de counseling axé sur les femmes, de counseling traumatologique ou de toute autre forme de counseling concernant les personnes ayant été maltraitées. Tout comme nous en parlons ici, à l'arrivée ce n'est pas un simple programme comme le RPG, le programme des réfugiés parrainés par le gouvernement, qui a été parachuté sur la ville de Toronto. Nous avons déjà des choses en place pour veiller à ce que les femmes reçoivent le counseling dont elles ont besoin au sujet de la violence sexuelle ou de tout autre problème.
J'ai hâte de voir tout cela en temps et lieu. Merci beaucoup.
Ai-je encore du temps, monsieur le président?
Très bien.
Madame la professeure, je vous remercie de comparaître aujourd'hui.
Vous avez critiqué très précisément la façon dont le gouvernement a réagi à la crise des réfugiés syriens dans vos entrevues avec Carol Off à l'émission As It Happens et lors d'autres témoignages que vous avez fournis.
Je ne cherche pas à souligner cela seulement; de toute évidence, il y a tant de questions que nous devons étudier dans le cadre de cette étude. Toutefois, en ce qui concerne les leçons apprises de cela, je prends le rapport publié par le Globe and Mail intitulé Prime Minister's Office ordered halt to refugee processing.
Comment une telle chose peut-elle se produire dans une démocratie comme le Canada, où nous avons démontré notre compassion tout au long de notre histoire, que ce soit pour les réfugiés vietnamiens ou hongrois? Comment est-il possible qu'un cabinet de premier ministre intervienne pour choisir les réfugiés qui entrent au pays? Cette question porte sur les leçons apprises.
J'ignore s'il y a une réponse juridique à cette question. Il me semble qu'elle relève du domaine politique.
Je ne vois pas très bien le cadre juridique selon lequel un processus qui est déjà établi légalement pourrait être suspendu, ou au titre de quel pouvoir juridique le Cabinet du premier ministre pourrait avoir agi ainsi. Le Cabinet du premier ministre n'avait aucun pouvoir opérationnel ni, généralement, juridique lui permettant de gérer le processus de réinstallation; par conséquent, à mon avis, la réponse relève du domaine politique. Je n'ai vu aucune explication de l'origine du pouvoir juridique permettant au CPM de faire ce qu'il a fait, mais à part cela, il n'y a rien d'autre que je puisse vous dire.
De toute évidence, madame, cela n'a pas accéléré le processus. De fait, cela a créé de graves retards qui auraient pu... Eh bien, s'il n'y avait pas eu les retards, nous aurions pu accepter bien plus de personnes et, ce faisant, leur sauver la vie.
D'après vous, est-ce que les préférences comptent, les idées comptent, en politique? Croyez-vous que la préférence apparente de l'ancien premier ministre pour les « Canadiens de souche » a été un facteur dans tout ceci?
Vous savez, je crois que les autres peuvent répondre à cette question aussi bien que moi.
Cependant, je peux vous dire ceci: ce qui compte, c'est l'intégrité et l'engagement à l'endroit de la primauté du droit. Pour cela, il faut, entre autres, faire preuve de transparence et agir dans le respect des pouvoirs conférés par la loi. Nous avons un cadre juridique au Canada qui nous permet de faire ce que les Canadiens veulent faire et font, soit la réinstallation de réfugiés au Canada. Le fait que cela ait été contrecarré semble être quelque chose qui se serait peut-être produit hors des contraintes de légalité du système.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Mark, au nom de tous les membres du Comité ici, je remercie votre organisation ainsi que tous les autres groupes de parrainage privé de réfugiés dans le pays, dont la majorité a fourni des fonds privés et un soutien privé afin d'amener des réfugiés au Canada. Bien qu'il y ait toujours les séances de photos à prendre, toutes mes félicitations à vous et à tous les groupes qui ont mis la main à la pâte pour réaliser cela sur le terrain.
Ma question se rapporte à la façon dont le gouvernement pourrait protéger le mieux les personnes vulnérables dans la région moyenne-orientale dans le cadre de son initiative visant les réfugiés. Si j'ai bien compris, sous la direction du gouvernement précédent, les réfugiés irakiens étaient exempts du plafond établi pour les réfugiés parrainés par le secteur privé. À quel point l'annulation de cette exemption a-t-elle nui à la capacité de votre organisation d'amener au Canada certains des groupes les plus vulnérables, notamment les chrétiens et les yézidis persécutés?
Merci beaucoup.
Sous la direction du gouvernement précédent, nous avions certainement un nombre illimité de places pour aider les réfugiés irakiens et syriens. Soudainement, sans aucun préavis, nous nous sommes réveillés au début de l'année avec un quota très strict, ce qui est dévastateur, surtout pour les membres de la collectivité canadienne qui vivent ici mais qui ont des parents qui sont dans une situation semblable à celle de réfugiés.
Nous avons travaillé toute la nuit à Noël et la veille du jour de l'An pour respecter la date de tombée du 31 décembre et soumettre autant de dossiers que possible. Quand les vannes se sont ouvertes de nouveau le 30 mars pour une journée, nous avions donc 700 dossiers prêts à être présentés. Cela signifie que maintenant que nous n'avons que 1 000 places, nous devons les répartir entre Africains, Irakiens, Afghans et Somaliens que nous pouvons aider. C'est une grave coupure.
Quand je parlerai avec les membres de la collectivité, comme mercredi, par exemple, quand je travaillerai à Toronto, je rencontrerai certaines personnes pour les calmer. Nous tenterons de recourir à diverses méthodes pour amener ici des personnes, parce que les besoins ont augmenté. Le gouvernement et le système entier a encouragé les gens à aller de l'avant, puis a soudainement coupé l'élan, ce qui n'est pas bien pour le secteur bénévole.
Votre organisation, qui est une des plus grandes organisations responsables de réinstallation de minorités persécutées, a-t-elle reçu une explication quelconque? Le gouvernement vous a-t-il consultés ou vous a-t-il expliqué pourquoi il a retiré l'exemption pour les réfugiés irakiens, l'Irak étant le pays duquel la majorité des yézidis et des minorités persécutées proviennent, comme nous avons entendu le HCR le dire plus tôt aujourd'hui?
Merci.
Nous avons tenté de négocier avec les représentants du gouvernement pour obtenir une période de transition — par exemple, premiers venus premiers servis illimités jusqu'au 1er août —, ce qui aurait été équitable et aurait encouragé les collectivités à préparer leurs dossiers des personnes les plus vulnérables pour que nous puissions les présenter, mais malheureusement, cela n'a mené à rien.
Pensez-vous que revenir à la politique antérieure nous aidera à réinstaller certaines des personnes les plus vulnérables de cette région?
Malheureusement, cela a créé une ruée. Les gens qui ont de l'argent peuvent retenir les services d'un avocat ou faire quelque chose pour que ces dossiers puissent être traités rapidement et présenter ces dossiers rapidement. Ce n'est pas seulement notre bureau, mais tous les répondants.
Cependant, nous essayons d'aider, avec des levées de fonds et des dons, les personnes qui sont marginalisées, les membres de la collectivité qui sont faibles — surtout la collectivité yézidie qui est l'une des collectivités les plus marginalisées au Canada. Il y a le projet Abraham et d'autres initiatives que nous menons. Cependant, les choses vont très lentement et nous courons contre la montre, parce que les places disparaissent rapidement.
Au cours des deux dernières heures, je crois avoir entendu un long discours bureaucratique de la part de certains membres du gouvernement à ce comité en ce qui concerne les raisons pour lesquelles nous ne pouvons peut-être pas ou ne devrions pas accélérer le traitement des demandes des minorités persécutées. Il va sans dire que nous reconnaissons l'existence d'une crise humanitaire qui touche un grand nombre de personnes, mais y a-t-il quelque chose de pratique que nous puissions faire?
Nous pouvons débattre jusqu'à la fin des temps des raisons pour lesquelles nous ne devrions pas agir. J'ai l'impression que le gouvernement essaie de trouver des raisons pour lesquelles nous ne devrions pas faire cela.
D'après vous, et si l'on se fonde sur le nombre de demandes de parrainage de personnes qui font partie des groupes les plus vulnérables déposées par les groupes de parrainage privé, y a-t-il quelque chose que nous pourrions faire tout de suite pour aider ces groupes? Nous savons que certains groupes ont identifié des esclaves sexuelles yézidies. Nous savons que le HCR est ... Que pouvons-nous faire tout de suite pour aider ces personnes qui sont en train d'être éliminées de la surface de la Terre?
Je crois que nous pouvons nous en remettre aux initiatives citoyennes. Je parle au nom de plusieurs comités et groupes de parrainage, qui ne défendent aucun intérêt particulier, et qui souhaitent simplement aider vraiment les yézidis les plus vulnérables. Je suis sûr que si le gouvernement nous le permettait, nous pourrions parrainer des déplacés internes originaires du nord de l'Irak.
Il faut se baser sur la reconnaissance prima facie et également traiter les demandes par groupe. Le secteur privé pourrait ensuite, avec l'aide du gouvernement, intervenir de façon tout à fait unique et nouvelle pour aider des gens qui n'ont bénéficié jusqu'ici d'aucune aide.
Comment le programme de parrainage privé peut-il aider à accélérer le traitement des demandes de groupe comme les yézidis, comme le HCR l'a demandé au Canada? Comment cette façon de faire pourrait-elle réduire l'arriéré des demandes ou lorsque nous entendons les Nations unies nous dire qu'ils n'ont pas vraiment de programme leur permettant d'accélérer le traitement de ces demandes, qui pourraient être intégrées au programme des réfugiés parrainés par le gouvernement? Pourriez-vous nous parler de l'importance d'accorder la priorité aux minorités ethniques et persécutées grâce au mécanisme du parrainage privé, ainsi que de l'exemption dont devaient bénéficier les Irakiens, mais que le gouvernement n'a pas encore mise en oeuvre?
Il y a deux mois, j'étais en mission au Liban. Je me trouvais avec une équipe de 12 bénévoles spécialisés et avec des partenaires locaux. Je leur ai dit que je paierais le souper de celui qui réussirait à trouver un réfugié yézidi en Jordanie, et personne n'a réussi à le faire.
Cela veut dire que, pour ce qui est de la détermination du statut de réfugié, la mission de l'ONU s'attache principalement aux réfugiés qui se trouvent à l'extérieur de leur pays. Cet organisme ne peut même pas procéder à cette détermination pour les personnes qui se trouvent à l'intérieur de leur pays. L'étape suivante serait la réinstallation, mais sa mission ne lui permet pas de le faire. Néanmoins, nous et d'autres organismes internationaux, comme l'Organisation pour les migrations internationales ou la Commission internationale catholique pour les migrations, sommes en mesure de travailler dans le monde entier lorsqu'il s'agit de recommander des réfugiés. Il serait très simple de se rendre dans le nord de l'Irak et de choisir des candidats à la réinstallation.
En qualité de représentant d'une des principales organisations de parrainage privé du Canada, qui effectue un travail incroyable, pensez-vous qu'il serait souhaitable de recommander au gouvernement de donner suite à la recommandation des Nations unies consistant à accélérer le traitement des demandes yézidies et d'accorder la priorité à ce groupe dans le cadre du programme des réfugiés pris en charge par le gouvernement et de faire ce qu'il faut par le biais du parrainage privé des réfugiés pour que des groupes minoritaires persécutés comme celui-ci puissent venir au Canada grâce à notre programme? Aimeriez-vous que cette recommandation soit transmise au gouvernement?
Tout à fait, parce que ces groupes sont en fait persécutés à cause de leur religion. Si ce n'était pas le cas, alors je dirais non, mais dans cette situation, lorsque le motif de la persécution est la croyance, il faut le mentionner et accélérer les choses.
Merci à la sénatrice Martin d'être venue devant le comité.
J'aimerais continuer à parler avec vous du rapport du Sénat intitulé Les nombreux oubliés: droits de la personne et transfuges nord-coréens. Vous alliez passer aux recommandations, je crois, et ensuite, vous avez manqué de temps, de sorte que j'aimerais revenir sur ces recommandations.
La recommandation un propose qu'à titre de solution à court terme pour les transfuges nord-coréens, le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire de l'article 25 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés pour permettre l'entrée au Canada des transfuges nord-coréens les plus vulnérables, notamment ceux qui sont coincés en Thaïlande et dans d'autres pays tiers, en accordant particulièrement attention aux femmes et aux enfants. Un projet pilote devrait être réalisé en Thaïlande pour identifier les candidats nord-coréens qui pourraient s'établir au Canada. C'est votre première recommandation.
Sur ce point, les divers représentants ministériels nous ont dit aujourd'hui que le gouvernement ne considère ces personnes comme des réfugiés que si elles ont été acceptées par le HCR en suivant le processus de traitement des demandes. Il s'agit là d'un groupe de personnes qui ne répondent pas à ce critère. Pouvez-vous nous en dire davantage au sujet de la première recommandation qui prévoit un projet pilote? Faudrait-il alors renoncer à appliquer les directives actuelles pour l'identification de ce groupe de réfugiés?
Merci d'avoir posé cette question.
Il s'agit de créer une catégorie exceptionnelle grâce au pouvoir discrétionnaire que l'article 25 de la loi attribue au ministre. Je sais que M. Mark est au courant de ce projet pilote, qui est également mentionné dans l'étude par rapport à ce qu'ont déclaré à ce sujet certains groupes de défense d'intérêts. Il s'est même rendu dans un centre de détention thaï, je crois, pour mieux comprendre la situation.
Le ministre possède certains pouvoirs discrétionnaires, comme ses représentants nous l'ont dit, qu'il exerce sur une base ponctuelle, même si les représentants du Canada ne se trouvent pas dans le centre de détention — ils n'ont pas accès à cet endroit — et que le HCR déclare que les transfuges nord-coréens qui se trouvent à l'extérieur de la péninsule coréenne ne sont pas admissibles à être désignés comme réfugiés. Ils se trouvent dans une sorte de vide juridique, comme je l'ai expliqué. Nous pensons qu'une des solutions à court terme serait que le ministre exerce ce pouvoir discrétionnaire, comme il l'a déjà fait. Il a été utilisé dans le passé à l'égard de personnes déplacées qui se trouvaient dans des situations semblables, comme les réfugiés vietnamiens apatrides et les Tibétains en Inde.
Ces programmes spéciaux complètent les programmes de parrainage privé des réfugiés. Il existe des organisations privées qui travaillent au Canada sur le terrain avec la communauté yézidie, la communauté canado-coréenne et d'autres, de sorte que nous pensons que l'on pourrait utiliser ce pouvoir discrétionnaire, après avoir soigneusement étudié la situation. C'est peut-être une chose qui pourrait être envisagée pour le peuple yézidi et d'autres groupes vulnérables.
Proposez-vous que le projet pilote vise également à identifier des groupes parrainés par le privé? Je vois que vous hochez la tête.
Oui, tout à fait. C'est un projet pilote, il faudrait donc le tester de cette façon. Nous savons déjà que les Canadiens ont renforcé leur action à l'égard des réfugiés syriens. Il existe des groupes de défense des intérêts et des organismes communautaires très généreux et très compétents. Je connais également certains fournisseurs de service à Toronto qui seraient également en mesure d'aider les femmes vulnérables qui ont besoin de counselling en traumatisme et d'autres services de ce genre.
Nous étudions très attentivement cette question depuis des années. Cette étude est parue récemment, mais c'est un sujet qui a été soulevé ces dernières années auprès du gouvernement précédent et du gouvernement actuel.
Quel serait le nombre des personnes visées que vous proposeriez au gouvernement, s'il décidait de mettre sur pied un tel programme pilote? Avez-vous un chiffre à recommander? Combien de personnes se trouvent à l'heure actuelle dans le centre de détention en Thaïlande? J'ai lu dans le rapport qu'il s'y trouvait habituellement entre 100 et 200 personnes.
Quels devraient être, d'après vous, la taille et l'objectif de ce programme pilote?
Il est difficile de fournir des chiffres précis. Nous savons qu'avec le régime actuel, ces chiffres ont considérablement diminué, parce que les frontières sont très étanches et font l'objet d'une surveillance attentive. Cela met en danger beaucoup d'autres choses et il y a de moins en moins de transfuges qui sont en mesure de s'enfuir. Cependant, habituellement, il se trouve entre 100 et 200 personnes dans le centre de détention. Je crois que cela dépend uniquement du gouvernement au pouvoir, si cette possibilité était envisagée pour ce groupe ou pour d'autres groupes vulnérables, et si nous voulions le faire de façon à développer nos capacités. Il n'est pas possible de tout faire en même temps.
Ce ne sont pas des nombres très importants, à mon avis, si l'on pense au nombre total des personnes qui se trouvent dans ce centre habituellement.
Pour ce qui est de la suggestion relative aux pays source dont nous avons parlé plus tôt au cours de la séance du comité, la suggestion — je crois, qu'elle venait de Mme Macklin — consistait à élargir ce mécanisme à tous les différents groupes pour ce qui est du pays source. Lorsqu'il s'agit d'identifier les personnes vulnérables qui demandent l'asile ou le statut de réfugié ailleurs, il conviendrait d'ouvrir ce processus à tous les groupes. Est-ce bien la suggestion que vous faites, madame Macklin?
Cela devrait être ouvert à tous ceux qui répondent à la définition de réfugié. Les yézidis répondent à la définition de réfugié. Il y a peut-être d'autres groupes qui répondent à la définition de réfugié. Il ne faudrait pas empêcher ceux qui ont besoin de protection d'avoir accès à ce programme pour des motifs religieux, puisque c'est de cela qu'il s'agit, que ce soit dans un sens ou dans l'autre.
Puis-je revenir un peu en arrière et vous dire quelques mots de la proposition concernant les Nord-Coréens, si vous le permettez?
C'est une... proposition, mais il faudrait d'abord régler un problème existant. Le gouvernement précédent a mis sur pied un régime qui qualifie certains pays de « sûrs » et cette désignation était fondée sur l'idée selon laquelle la demande d'asile présentée par un citoyen de ce pays ne pouvait être, aux yeux du gouvernement, authentique.
Il se trouve néanmoins, comme l'a déclaré le sénateur Martin, que la Corée du Sud estime que les Coréens du Nord sont des citoyens de la Corée du Sud. Le fait de désigner la Corée du Sud comme un pays sûr visait en réalité non pas à limiter les Coréens du Sud, mais à empêcher les Nord-Coréens qui arrivaient au Canada de présenter des demandes d'asile.
Si vous voulez que cette proposition soit mise en oeuvre, une proposition intéressante et qui mérite qu'on s'y attarde, vous allez devoir faire face à la contradiction qui existe à l'heure actuelle, à savoir que le fait de désigner la Corée du Sud comme un pays sûr a en pratique pour effet d'empêcher les Nord-Coréens qui arrivent à se rendre au Canada de présenter des demandes d'asile susceptibles d'être accueillies. Il faudrait peut-être aller jusqu'à supprimer la notion de pays d'origine sûr si vous voulez aller de l'avant avec cette proposition.
Merci, madame Macklin.
Nous allons maintenant passer au tour suivant.
Allez-y, madame Zahid, vous avez sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être venus aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à Mme Macklin. J'aimerais comprendre pourquoi la définition juridique internationalement acceptée de réfugié, qui exige que la personne en question ait franchi une frontière internationale, empêche la communauté internationale de fournir de l'aide aux déplacés internes et comment le fait de ne pas avoir le statut juridique de réfugié met en danger les déplacés internes?
Les déplacés internes sont des gens très vulnérables. Ils peuvent répondre à la définition de réfugié de toutes sortes de façons, mais ils n'ont pas franchi une frontière internationale, comme cela est exigé. Néanmoins, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, il est très difficile d'avoir accès à ces personnes. Il n'est pas possible de communiquer avec elles sans le consentement du gouvernement souverain du pays où ils résident. Il arrive que ce gouvernement cherche en fait à les persécuter, ou ne soit pas en mesure de contrôler le territoire en question ou qu'il y ait même des acteurs non étatiques qui les persécutent.
Cela soulève d'énormes problèmes de logistique qui peuvent être, à mon avis, résolus de façon ponctuelle. Dans la mesure où le mécanisme des personnes de pays source a déjà donné de bons résultats, c'est parce que dans certains pays concernés ou dans certaines situations personnelles, on arrive quand même à le faire, mais c'est là un obstacle institutionnel qui n'existe pas lorsque vous visez des personnes qui se trouvent à l'extérieur de leur pays d'origine.
Quels sont les obstacles juridiques à ce qu'on apporte de l'aide aux personnes déplacées à l'intérieur des frontières d'une nation souveraine, défavorable à ces personnes ou de celles d'un État en faillite ou près de l'être?
Vous ne pouvez pas vous y rendre.
L'obstacle juridique est qu'aucun autre pays ne peut se rendre sur ce territoire et faire quoi que ce soit sans le consentement du gouvernement au pouvoir et si le gouvernement refuse son consentement, alors vous n'avez aucunement le droit d'y être.
Pensez-vous que la définition juridique actuelle, internationalement acceptée, de « réfugié » est dépassée, compte tenu de la nature changeante des conflits et des déplacements pour des raisons humanitaires?
Si la définition de réfugié était modifiée pour supprimer la condition que la personne en question se trouve à l'extérieur de son pays d'origine, cela ne réglerait pas les problèmes concrets associés à la nécessité d'avoir accès à ces personnes et d'essayer de les protéger. Je ne pense pas qu'il s'agisse vraiment de modifier la définition de réfugiés. Il s'agit davantage de trouver la façon d'avoir accès aux déplacés internes et de leur fournir une aide et une protection qu'il est très difficile de leur fournir.
Il est vrai que de nombreux pays autorisent diverses agences de l'ONU à venir sur leur territoire et fournir de l'aide aux PDIP, mais c'est une permission partielle, incomplète et très volatile. Elle peut être retirée rapidement.
Merci.
Ma question suivante s'adresse à M. Mark.
Vous avez parlé du nombre de places que vous aviez cette année. Combien de personnes avez-vous fait venir en 2014 et en 2015?
Nos chiffres étaient beaucoup plus faibles. Il est certain que les chiffres de l'année dernière étaient meilleurs, à cause de cette possibilité.
Nous aimerions avoir davantage de chiffres au sujet du nombre des personnes que vous avez fait venir en 2014 et également, en 2015.
Certainement. Je peux vous les envoyer par courriel. Ce n'est pas un problème.
Il y a effectivement eu une augmentation. Ces cinq dernières années, ces chiffres ont augmenté chaque année, mais il était encore plus élevé l'année dernière parce que nous avons eu cette possibilité illimitée.
Vous avez parlé d'une durée de trois à cinq ans pour le traitement des demandes. Avez-vous des demandes en traitement pour les personnes dont vous vous êtes occupés? Combien de temps travaillez-vous sur ces demandes?
Le mois dernier, nous avons eu une arrivée, un réfugié afghan, et cela faisait six ans que sa demande était en traitement. Nous avons encore des demandes qui ont été présentées avant 2011. Nous avons divers types de dossiers, ce qui malheureusement...
Qu'est-ce qui a retardé les demandes que vous avez reçues depuis 2011? Est-ce que ce sont les vérifications de sécurité?
Cela ne dépend pas d'un cas particulier. L'ambassade canadienne mentionne même sur son site Web que la durée moyenne du traitement d'une demande est de trois à cinq ans. Si vous allez au Haut-Commissariat du Canada à Islamabad ou à Prétoria, vous constaterez que le temps de traitement moyen est extrêmement long, malheureusement.
Au sujet des plans concernant cette proposition, je me demande si vous avez suffisamment d'argent? Serez-vous en mesure de couvrir toutes les dépenses pour les réfugiés parrainés par le privé que vous projetez de faire venir?
Je pensais, tout comme à propos de la question de M. Fragiskatos, qu'il serait irresponsable de faire des plans détaillés avant de connaître le cadre juridique. Nous avons bien sûr très hâte de planifier tout cela. Oui, nous avons une possibilité et un plan. Nous avons besoin d'un contexte juridique pour aller de l'avant, parce que nous ne pouvons pas simplement nous rendre dans un pays et commencer à réinstaller des personnes dont la situation ne correspond pas à ce qu'exige le droit de l'immigration du Canada. Ce serait du trafic de personnes.
Nous avons prévu une levée de fonds et il est également prévu de demander des fonds au gouvernement, parce que je pense que, si l'on veut obtenir quelque chose rapidement, le secteur privé ne réagit pas aussi rapidement lorsqu'il s'agit de grands nombres. Comme je l'ai mentionné, notre premier réfugié yézidi est arrivé il y a deux semaines, ce qui montre que nous obtenons déjà des résultats. Nous serions heureux de pouvoir les multiplier. Nous avons un fonds, Project Abraham, qui consiste à lever des fonds pour les yézidis. Cette levée de fonds a permis d'obtenir des dizaines de milliers de dollars. L'argent arrive. Par contre, si nous voulons travailler sur une échelle plus vaste, je pense qu'il faudrait combiner les ressources du gouvernement et celles du secteur privé, et je suis convaincu que nous sommes en mesure de gérer tout cela.
Il m'a semblé qu'il serait irresponsable de prévoir un financement tant que nous n'aurons pas le feu vert juridique. Pour le moment, c'est illégal. Immigration Canada me renverrait le dossier en me disant « Martin, qu'est-ce qui t'est arrivé? Tu as bu ou quoi? Pourquoi as-tu présenté une demande yézidie du nord de l'Irak? C'est illégal. »
Si cela était légal, nous mobiliserions des parrains, des leveurs de fonds, tout le monde, et j'en suis convaincu, parce que j'ai vu que le gouvernement était également prêt à s'engager à...
Cet aspect comporte effectivement deux parties. Le premier est que le gouvernement canadien procède à des vérifications d'antécédents et de sécurité approfondies et nous l'aidons autant que nous le pouvons. De plus, pour le programme de réinstallation privée ou civique, nous disposons de renseignements communautaires supplémentaires qui nous permettent d'écarter les personnes dangereuses ou suspectes. Nous suivons un processus très long pour le traitement des demandes. Nous parlons en fait de 400 dossiers, ce qui est un chiffre peu élevé par rapport à celui du nombre des réfugiés, et il est donc facile de choisir les dossiers qui ne font pas problème. Nous ne voulons pas être la cause de retards.
Monsieur Mark, je me dois d'intervenir. Mes collègues du Comité sont en train de critiquer votre lenteur, alors que je sais que ce n'est pas le cas, à lever des fonds privés pour aider les réfugiés, alors que le gouvernement n'est même pas en mesure de calculer le coût de son programme des réfugiés pris en charge par le gouvernement. Je trouve cela un peu fort. Je trouve que c'est fort, étant donné que vous appuyez une organisation qui essaye de mettre en place des postes de soutien des réfugiés sur place de façon à faciliter leur intégration, alors que nous n'avons même pas encore obtenu les plans à long terme pour la formation linguistique. Je trouve que... Excusez-moi; je voulais simplement mentionner tout cela.
Au cours des années précédentes, le Canada a traité plus de 23 000 — je crois que c'est le chiffre — réfugiés irakiens. Je ne veux pas lancer une guerre des chiffres, puisque nous sommes en train de parler de la façon d'aider les plus vulnérables, mais j'aimerais savoir s'il y a des dossiers que vous avez commencé à examiner au cours de l'année dernière et qui ont été présentés dans le cadre de ce plafond de 23 000. Les chiffres qui ont été calculés correspondent vraiment à celui-là?
Merci.
Je remercie la sénatrice Martin, M. Mark et Mme Macklin pour les témoignages que vous avez donnés aujourd'hui.
Je suis sûr que tous les membres du Comité vous souhaitent bonne chance, monsieur Mark, pour la mission que vous entamez la semaine prochaine et qu'ils ont hâte d'entendre les réponses et les renseignements que vous allez en rapporter.
Le gouvernement a indiqué très clairement récemment, et encore une fois aujourd'hui, qu'il ne suit pas les réfugiés réinstallés, selon leur origine ethnique ou religieuse. Est-ce que l'Archidiocèse de Toronto ou vos organismes de parrainage privé possèdent ce genre d'information, ces chiffres?
Je vous remercie.
Essentiellement, nous cherchons à savoir dans chaque dossier quelle est la raison à l'origine de la persécution. Je pense que le meilleur exemple est la communauté érythréenne. Nous avons réinstallé beaucoup d'Érythréens. Comme nous le savons, la communauté érythréenne en Érythrée est composée d'environ 50 % de musulmans et de 50 % de chrétiens. La persécution ne dépend pas toutefois de la religion, de sorte que nous n'avons pas de renseignements sur cet aspect. Néanmoins, lorsque nous nous rendons dans une collectivité qui est persécutée à cause de sa religion, alors oui, nous l'inscrivons dans le dossier. Nous ne faisons pas de résumé des statistiques, parce que notre objectif n'est pas exprimé en pourcentage.
Le Darfour est un autre exemple. Habituellement, nous oublions le génocide au Darfour, une région du Soudan. Encore une fois, la moitié de la population est chrétienne et l'autre moitié, musulmane. Nous ne savons pas qui est musulman ou qui est chrétien. Ces personnes sont persécutées, donc nous les aidons.
Je pense qu'il serait très hypocrite de nier qu'une personne donnée a été persécutée parce qu'elle est Chaldéenne ou Syriaque. Ce serait un peu comme si nous disions qu'il ne faut pas mentionner le sexe d'une femme qui a été agressée. Nous sommes des professionnels. Nous ne nous intéressons pas à la rectitude politique, ni aux intérêts politiques. L'important est de découvrir le motif de la persécution. Au Moyen-Orient, comme j'ai essayé de le mentionner, la persécution est clairement religieuse. Il convient d'identifier les victimes en se fondant sur la persécution dont elles font l'objet.
Pouvez-vous nous fournir des chiffres approximatifs pour ce qui est du travail qu'a effectué l'archidiocèse au cours des cinq dernières années, par exemple, avec les réfugiés irakiens et plus récemment, syriens?
Tout à fait. Pour ce qui est des dossiers de réinstallation traités par l'Archidiocèse de Toronto, si je me base sur mon expérience personnelle — parce que chaque dossier passe entre mes mains — je dirais que la majorité des réfugiés sont des chrétiens ou d'autres minorités religieuses qui ont été persécutés: mandéens, sabéens, quelques yézidis et d'autres. Je dirais qu'au total, à peu près 80 % de ces réfugiés appartiennent à des minorités, mais n'oubliez pas que nous parrainons également les musulmans ahmadiyyas, qui constituent également une minorité. C'est ce que nous faisons. Il s'agit de la vie des gens. Si vous êtes étiqueté comme étant ahmadiyya et que vous êtes donc persécuté, nous sommes là pour vous aider.
Je me demande si vous pourriez répondre à une critique que nous a transmise la collectivité arménienne selon laquelle dans les trois dossiers qu'ils ont suivis, les demandes d'asile présentées à la mission de Beyrouth ont été refusées au motif que les demandeurs ne répondaient pas au critère qui exige « craindre avec raison d'être persécuté du fait de sa race [ou de] sa religion ». En fait, ces personnes s'étaient enfuies d'Alep, où elles étaient persécutées. Elles ont été forcées de quitter leurs maisons et leur cathédrale a été délibérément ciblée.
Je me demande si vos demandeurs d'asile vous ont raconté des histoires comparables au sujet du refus de reconnaître le danger que courent les chrétiens au Liban.
Certainement. Nous avons souvent entendu parler de ce problème.
Je me suis rendu au bureau des visas au Liban. Les employés font de l'excellent travail; ils ne sont toutefois pas autorisés à effectuer une reconnaissance prima facie. Si le gouvernement le permettait, cela accélérerait le processus. Cela le simplifierait et les ressources nécessaires en seraient réduites. Deuxièmement, si ces Arméniens retournaient à Alep, on leur dirait « Aha. Vous êtes une PDIP. Vous n'êtes pas un réfugié. Vous n'êtes pas admissible ».
Si l'on décidait d'utiliser le mécanisme des personnes de pays source ou d'autoriser les PDIP à participer à ce programme, cela réglerait le problème.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Mark, j'aimerais tout d'abord vous féliciter pour votre hauteur de vue et l'intérêt que vous portez à tous ces groupes en Irak. Cela dit, je partage néanmoins certaines préoccupations qui ont été exprimées par d'autres collègues aujourd'hui.
Avez-vous déjà été en Irak?
Vous demandez néanmoins de vous rendre en Irak, notamment dans des zones enclavées, dans des zones où même le HCR ne s'aventure pas. Est-ce bien exact?
Pensez-vous que le gouvernement canadien se poserait des questions au sujet de votre sécurité si vous le faisiez?
Oh, bien sûr. Dans le domaine des réfugiés, nous travaillons toujours en équipe parce que chacun a sa responsabilité. Les questions de sécurité, de langue ou de budget, par exemple, sont confiées à des personnes différentes. C'est la façon dont nous fonctionnons en équipe.
Au cours des 10 dernières années, notre bureau a acquis un dossier impeccable pour ce qui est de se rendre dans différents pays, parfois pour la première fois, pour d'abord établir les faits et ensuite, savoir ce que veut dire travailler dans ce pays.
Absolument, je le comprends, et vous aidez les groupes lorsqu'ils arrivent au Canada, ce qui est extrêmement utile.
Néanmoins, lorsqu'il faut se rendre en Irak, sur le terrain, pour essayer d'aider, c'est une autre paire de manches. Par exemple, comme vous le savez parfaitement, la plupart des personnes déplacées en Irak n'ont pas accès à des documents. C'est là un défi considérable auquel vous feriez face. Une autre difficulté, bien sûr, serait que, dans le cas où vous choisiriez effectivement ne serait-ce que 400 personnes, vous devriez également assurer leur sécurité jusqu'au moment où elles quitteraient le pays.
Comment pensez-vous pouvoir régler cette série de problèmes auxquels tout groupe qui se rend en Irak doit faire face?
Je vous remercie.
Je vois vraiment ce qui vous préoccupe et j'en suis heureux, parce que cela démontre que nous allons probablement pouvoir élaborer une excellente résolution. La plupart des gens qui feront partie de cette délégation ont déjà été en Irak ou alors, ce sont des Irakiens, des Kurdes ou d'autres personnes. Nous avons également des collègues qui travaillent sur le terrain depuis des années, de sorte que nous travaillerons ensemble.
Pour ce qui est du manque de documents, je crois que la situation est très semblable à celle que nous avons connue avec le programme somalien. À Dadaab ou à Kakuma où se trouvent des Somaliens qui ne possèdent aucun document, de quelque origine que ce soit, le droit canadien des réfugiés nous aide vraiment à leur montrer comment il faut faire et nous avons l'accès à la collectivité pour être sûr d'obtenir l'identité et la composition familiale de ces personnes.
J'essayais simplement d'illustrer une des nombreuses difficultés auxquelles vous feriez face.
Excusez-moi de poser la question, mais comme vous le savez, une partie des groupes les plus vulnérables se sont déjà enfuis. Ils se trouvent dans des camps de réfugiés en Turquie. Avez-vous pensé à vous rendre en Turquie, plutôt que de vous rendre directement en Irak?
Je me suis rendu en Turquie à plusieurs reprises et nous pensons qu'effectivement, la situation en Turquie est pire que celle que l'on retrouve dans certains pays voisins, mais pour les yézidis, la zone la plus dangereuse est le Nord de l'Irak; de sorte que, si l'on veut apporter une aide humanitaire, comme je l'ai mentionné, nous avons un programme qui existe en Turquie, mais...
Comme vous le savez, on trouve également des yézidis dans les camps de réfugiés situés en Turquie, il serait donc bon que les groupes qui s'intéressent à eux se rendent dans ces camps de réfugiés et leur apportent une aide plutôt que d'affronter toutes les difficultés qu'implique le fait de se rendre dans un pays où ils ne sont pas invités.
Bien sûr, je suis sûr que vous avez réfléchi au fait que, si plusieurs groupes privés décidaient de se rendre dans les pays en crise, cela aurait des répercussions considérables pour chacun d'entre eux et je crois franchement que cela compliquerait beaucoup la tâche consistant à apporter une aide. Avez-vous réfléchi à cet aspect particulier?
Pour répondre à la première partie de votre question, je vous prie de m'excuser si je n'ai pas été clair. Nous avons en traitement des centaines de demandes présentées par des personnes qui se trouvent en Turquie. Nous utilisons bien sûr toutes les possibilités qui s'offrent à nous de réinstaller des réfugiés en utilisant le cadre actuel. Nous estimons toutefois qu'en Turquie, si l'on se fonde sur l'expérience de mes collègues, la situation ne peut absolument pas se comparer à celle que connaissent les yézidis dans le Nord de l'Irak.
Nous pensons que laisser de côté le Nord de l'Irak... Il y a certaines régions du Nord de l'Irak qui sont suffisamment sûres puisqu'on y trouve des diplomates, puisque les Nations unies exercent leurs activités, et que nos partenaires travaillent sur le terrain, de sorte que nous ne pouvons pas tout simplement laisser de côté cette région. La mission pontificale possède un représentant permanent qui travaille dans les camps de réfugiés yézidis. Cela ne nous préoccupe aucunement. Nous suivons la situation. Si celle-ci devait évoluer, nous pourrions bien sûr modifier notre plan, mais dans le monde des réfugiés, c'est la façon dont nous travaillons.
Aujourd'hui, la région est pacifique et demain, il faut la quitter. Nous avons toujours des plans d'urgence.
... d'entendre le témoignage de Mme Macklin. Elle a expliqué de façon très convaincante que le programme humanitaire international utilise de moins en moins les groupes et s'attache davantage aujourd'hui à préciser les motifs pour lesquels certaines personnes devraient être réinstallées dans d'autres pays.
Avez-vous des réserves au sujet d'une telle approche?
Je pense tout comme vous que nous pourrions élargir la catégorie des personnes de pays source en se basant sur différents types de persécution ou sur les éléments qui figurent dans la Convention de Genève et qui sont applicables à un groupe. Le seul fait de supprimer la condition que la personne doit se trouver à l'extérieur du pays aurait pour effet de résoudre complètement le problème et nous aiderait, avec l'aide des gouvernements locaux, à commencer à réinstaller les PDIP qui doivent l'être.
Pour le compte rendu, monsieur Mark, je ne pense pas que Mme Zahid ou Ali ou moi ayons voulu vous critiquer personnellement. Les questions que nous vous avons posées concernaient le plan. Je sais que...
J'invoque le Règlement, monsieur le président, parce que je ne comprends pas pourquoi mon collègue va...
J'aimerais avoir la possibilité de répondre à cela et qu'on m'accorde du temps supplémentaire pour le faire, comme on le fait pour mon collègue. C'est un sujet de discussion.
Je tiens simplement à préciser que nous avons posé des questions au sujet du plan. Il n'y avait là rien de personnel.
Lorsque la séance sera suspendue, tous ceux qui veulent faire des commentaires aux témoins pourront alors le faire.
Nous allons maintenant suspendre la séance.
Reprenons.
J'aimerais accueillir les témoins suivants. M. Balpreet Singh de la World Sikh Organization of Canada, d'Ottawa, fait partie du second groupe de témoins que nous allons entendre. Nous allons également entendre des témoins par vidéoconférence: Mme Tarjinder Bhullar de Calgary, M. Kang et M. Mattoo de la Law firm of Kang and Company. Ces personnes se trouvent à Surrey.
Merci.
Monsieur Singh, vous avez sept minutes.
Bonjour. Je suis le conseiller juridique de la World Sikh Organization of Canada. C'est un organisme de défense des droits de la personne sans but lucratif, qui a été créé en 1984 et qui a pour mission de promouvoir et de protéger les intérêts des sikhs canadiens ainsi que de promouvoir et d'assurer la protection des droits de la personne de tous les individus, quel que soit leur race, leur religion, leur genre, leur origine ethnique ou leur statut socioéconomique.
La notion traditionnelle de réfugié est celle d'une personne qui a fui son pays par crainte d'être persécutée et qui demande l'asile à l'extérieur de son pays d'origine. Mais que se passe-t-il lorsqu'un groupe est menacé et persécuté et n'est pas en mesure de quitter son pays d'origine? Qu'arrive-t-il à ces personnes? Ce scénario est en fait la situation des sikhs et des hindous en Afghanistan et je suis reconnaissant au Comité du fait qu'il prenne le temps d'examiner cette question urgente.
À titre de contexte, je dirais qu'en Afghanistan, les sikhs et les hindous se trouvent dans de nombreuses régions du pays dans des situations invivables. Les collectivités hindoues et sikhes qui vivent en Afghanistan depuis des siècles représentent à l'heure actuelle environ 2 000 personnes. Avant 1992, cette population était d'environ 200 000.
Mes premiers contacts avec les sikhs afghans ont commencé en novembre 2014; j'ai alors reçu une série de messages désespérés provenant d'une collectivité sikhe afghane isolée qui faisait face à un danger imminent. On avait publiquement boycotté leurs commerces et on leur avait lancé des pierres. Depuis cette époque, j'ai rencontré des membres de cette collectivité, qui sont devenus mes amis, et certains d'entre eux ont réussi, avec beaucoup de difficultés, à s'enfuir en Inde, grâce à de l'aide.
En Afghanistan, les sikhs sont opprimés dans à peu près tous les aspects de la vie quotidienne. Ils ne peuvent quitter librement leurs maisons par crainte d'être agressés et harcelés. Les sikhs ne peuvent trouver du travail, ni même exploiter librement leurs entreprises. Les enfants sikhs ne peuvent fréquenter l'école par crainte d'être harcelés, agressés physiquement et de subir des pressions pour qu'ils se convertissent. Les femmes sikhes ne peuvent quitter leurs maisons sans être accompagnées et doivent porter la burka. Les filles sont bien souvent mariées avant l'âge de 16 ans, parce que leur famille craint qu'elles soient enlevées, violées, converties de force et mariées si elles n'étaient pas mariées auparavant. Les sikhs et les hindous ne peuvent incinérer leurs morts selon leurs rites, parce que les processions funéraires sont souvent la cible de jet de pierres et empêchés de poursuivre leur chemin. Les funérailles ont lieu de façon clandestine. Les terres dont les sikhs et les hindous sont légalement propriétaires depuis des siècles sont occupées. Les policiers ou les représentants du gouvernement ne sont pas en mesure de faire quoi que ce soit ou ne souhaitent pas le faire. C'est la raison pour laquelle les sikhs et les hindous vivent regroupés dans des gurdwaras.
De nombreux hindous et sikhs afghans sont également obligés de payer la djizîa, qui est un impôt que doivent payer mensuellement les non-musulmans; ils sont forcés de le payer par les talibans ou d'autres éléments extrémistes, sous peine de mort.
Les hindous et les sikhs afghans sont, par quelque définition que ce soit, des personnes assiégées et en grave danger. À mesure que la situation se durcit, les sikhs afghans ont donc de plus en plus de difficulté à voyager, parce que les sikhs sont facilement reconnaissables à cause des articles de leur croyance. On les accoste dans la rue et ils font l'objet de fouilles au hasard par les policiers, au cours desquelles on leur retire de force leur turban pour les humilier.
Je vais vous citer une anecdote; je connais un sikh afghan qui m'a dit qu'il voyageait un jour dans un autocar qui est tombé en panne. Il a été pratiquement lynché par les autres passagers, qui lui ont reproché d'attirer la malchance parce qu'il n'était pas de la bonne religion.
Les sikhs qui décident de voyager le font en petits groupes, car ils risquent sinon d'être enlevés.
Pour ce qui est de la situation actuelle des sikhs, on retrouve des collectivités sikhes dans trois grandes régions: Kaboul, Jalalabad et Ghazni. Il y a également des membres de ce groupe qui exploitent des commerces dans des petites villes, mais dans l'ensemble, ceux qui se trouvaient dans de petites collectivités ont pour la plupart déménagé dans les villes ou ont quitté l'Afghanistan. Les sikhs et les hindous qui demeurent en Afghanistan sont pour la plupart des personnes vulnérables qui n'ont pas pu partir par manque de moyens financiers. Cela comprend des femmes célibataires qui élèvent leurs enfants, et dont les membres mâles de leur famille ont disparu ou ont été tués dans les conflits. La collectivité comprend également des anciens qui ont été abandonnés par leurs enfants qui se sont enfuis à l'étranger au cours de conflits précédents.
Pour ce qui est des solutions, il est difficile d'évaluer quelle est la situation véritable des sikhs et des hindous dans les différentes régions de l'Afghanistan, parce que les membres de cette collectivité se méfient des gens de l'extérieur, ils craignent de subir des représailles et ils sont donc réticents à parler ouvertement de leur situation. Les sikhs afghans qui quittent l'Afghanistan sont également réticents à même fournir leur nom, parce qu'ils craignent que les membres de leur famille qui sont demeurés dans ce pays pourraient être la cible d'enlèvement ou d'extorsion. Ce ne sont pas là des craintes injustifiées si l'on pense à ce qu'a vécu Kulraj Singh, un sikh afghan de 22 ans qui nous a raconté en septembre 2015 qu'il avait passé 40 jours en captivité au cours desquels il avait été torturé et obligé de se convertir. Il n'a été libéré qu'après que des sikhs locaux aient versé une rançon de 500 000 roupies.
Le déplacement des sikhs ou des hindous à l'intérieur des frontières de l'Afghanistan n'est pas non plus une option viable. Il n'y a aucune région en Afghanistan qui soit disposée à accueillir ces collectivités ou qui les autorise à pratiquer librement leur foi. En outre, les sikhs afghans sont des cibles visibles en raison des articles de leur croyance et ils sont en danger lorsqu'ils voyagent, notamment à la recherche d'un refuge intérieur, danger qui prend la forme d'EEI, d'attaques en chemin, d'enlèvements et d'exécutions sommaires.
Des membres du gouvernement afghans ont proposé de créer une municipalité qui serait réservée aux sikhs et aux hindous et où seraient réinstallés tous les membres de ces collectivités. Comme vous pouvez le comprendre, cette idée est profondément viciée et troublante, puisqu'elle revient à obliger tous ces groupes à s'établir dans ce qui serait l'équivalent d'un ghetto qui offrirait une cible facile aux extrémistes.
La fuite vers les États voisins n'est pas non plus une solution pour les minorités religieuses hindoues et sikhes. Les réfugiés hindous et sikhs afghans qui se sont enfuis vers l'Inde et le Pakistan voisin font face depuis des dizaines d'années à de la discrimination en tant que minorités et on leur a systématiquement refusé l'accès aux soins de santé, à l'éducation de leurs enfants et on leur a refusé un statut juridique à long terme.
En raison de l'impossibilité de vraiment s'intégrer localement ou de pouvoir envisager un retour volontaire vers un pays de moins en moins stable, la réinstallation permanente des demandeurs d'asile minoritaires afghans dans des pays tiers est la seule solution qui soit viable et durable à long terme. Nous proposons que les collectivités sikhes et hindoues d'Afghanistan soient étudiées par des ONG en qui ils auraient confiance, en vue de déterminer le type d'aide qu'il serait possible de leur fournir, qu'il s'agisse d'aide matérielle, politique en matière de sécurité, ou autre. Ces mesures pourraient permettre à un certain nombre d'entre eux de demeurer dans leur pays, où ils vivent depuis des siècles.
Lorsque de telles collectivités ne peuvent exercer leurs droits humains fondamentaux et qu'elles font face à des dangers et à une discrimination massive, le Canada a l'obligation humanitaire de les aider à quitter ce pays et à se réinstaller. Il est déjà arrivé que le Canada accueille directement des personnes qui se trouvaient dans des situations comparables à celles d'un réfugié sans qu'elles puissent être connues comme des réfugiés au sens de la convention grâce à la catégorie des personnes de pays source, qui a été supprimée en 2011. D'autres pays, reconnaissant la gravité des violations des droits humains, ont également accueilli et protégé des demandeurs d'asile se trouvant dans leur pays d'origine. En 2015, le Canada a également temporairement écarté les obligations en matière de documents associés à la reconnaissance du statut de réfugié pour les réfugiés parrainés venant de Syrie et d'Irak.
Parmi les sikhs canadiens, on constate une volonté de plus en plus forte de faire venir au Canada les membres des communautés hindoues et sikhes d'Afghanistan qui se trouvent dans une situation intolérable. Ce projet était parrainé par mon ami Manmeet Singh Bhullar, décédé depuis, qui s'est consacré de façon tout à fait désintéressée au cours des derniers mois de sa vie au projet de mettre en sécurité les hindous et sikhs afghans les plus vulnérables. Malgré les grandes difficultés que j'ai décrites il y a un instant, les efforts se poursuivent pour faire progresser son projet.
Pour ce qui est des difficultés en matière de mobilité et de déplacement, nous pensons qu'il y aurait lieu de mettre sur pied une procédure accélérée ou simplifiée pour les réfugiés hindous et sikhs afghans.
Merci, monsieur Singh.
Nous allons maintenant entendre Mme Tarjinder Bhullar, de Calgary. Vous avez sept minutes.
Bonjour aux membres du Comité ainsi qu'à mes collègues du groupe de témoins.
Pour dire les choses simplement, je suis ici aujourd'hui parce que la personne qui aurait dû vous parler de toute cette question n'est plus parmi nous. Je m'appelle Tarjinder Bhullar. Je suis la soeur de Manmeet Singh Bhullar.
La fête de l'Action de grâce d'octobre 2015 est la dernière fête que j'aurais passée avec mon frère. Au cours de ce dîner et des nombreuses fêtes de l'Action de grâce précédentes, nous arpentions la pièce en nous disant tout ce dont nous devions être reconnaissants. Au cours de cette dernière fête, Manmeet était particulièrement joyeux. C'est peut-être parce qu'il aimait bien poser des colles aux autres lorsque c'était à leur tour de prendre la parole ou peut-être parce qu'il avait vraiment compris qu'il devait être reconnaissant de beaucoup de choses et qu'il n'avait pas beaucoup de temps pour nous le dire.
Il s'est levé pour formuler ses remerciements et a commencé par exprimer sa gratitude envers sa femme. Il a poursuivi avec sa voix puissante et avec une petite lueur dans ses yeux en disant « Je suis reconnaissant pour les sikhs d'Afghanistan ». J'aurais bien aimé me souvenir de toutes les paroles qu'il a prononcées, mais malheureusement, je n'en suis pas capable. Néanmoins, celles qui sont gravées en moi sont celles qu'il a prononcées lorsqu'il a dit qu'assurer la sécurité des minorités afghanes était sa mission et je n'oublierai jamais ces paroles.
Et il a continué. J'ai vu Manmeet s'emparer de n'importe quel auditoire et saisir n'importe quelle occasion, qu'il s'agisse d'une fête d'anniversaire, d'un repas familial, d'une première rencontre de cousins par alliance, de toutes sortes de réunions sociales, de réceptions de noces, d'entrevues devant les médias; il voulait faire savoir à tous combien les minorités en Afghanistan vivaient des souffrances inimaginables pour ceux d'entre nous qui ont le privilège d'être Canadiens.
En mai 2015, Manmeet a été réélu à son poste de député de l'assemblée législative pour la circonscription de Calgary-Greenway, avec toutefois une différence très importante. Il était maintenant membre de l'opposition. Sa famille et ses amis ont pensé naïvement que cela le libérerait et lui donnerait le temps de se reposer, de se consacrer davantage à lui-même et d'une façon générale, de ralentir un peu son rythme effréné. Cela semble maintenant un peu ridicule parce qu'il n'était pas dans sa nature d'agir ainsi. Il savait que son temps était précieux et qu'il devait le consacrer à faire du seva, qui est un service désintéressé.
C'est à la suite de conversations qu'il avait eues avec des amis de confiance, comme l'honorable Tim Singh Uppal et M. Balpreet Singh, qu'il en est arrivé à connaître la détresse des sikhs en Afghanistan. Manmeet était constitué de telle façon que, s'il savait que quelqu'un avait des difficultés, ces difficultés devenaient les siennes.
Pendant les sept mois qui ont suivi, Manmeet a utilisé tous ses moments libres pour trouver une solution aux problèmes auxquels faisaient face ses frères et soeurs hindous et sikhs en Afghanistan. Il l'a fait non pas pour faire progresser un programme ou une carrière politique, non pas parce que c'était un sujet séduisant qui retiendrait l'attention des médias sociaux. Il l'a fait parce qu'il savait que savoir que quelqu'un était traité de façon injuste et ne rien faire pour corriger la situation n'était pas la façon dont il avait été élevé, ce n'était pas ce qu'on lui avait appris à croire et ce n'était pas ce que les Canadiens faisaient.
Pendant des mois, Manmeet a communiqué avec des sikhs en Afghanistan, en refusant que les décalages horaires et les langues soient des obstacles. Il a en fait modifié autant que possible son horaire pour qu'il puisse être à l'écoute de ces personnes lorsqu'elles avaient besoin de parler à quelqu'un. Il est même allé jusqu'à imiter leur façon de parler le punjabi pour qu'ils se sentent à l'aise de raconter leur vécu à une personne qui parlait presque exactement comme elles.
Manmeet ne parlait pas à ces personnes pour simplement sauver les apparences. Il leur parlait pour bien comprendre les difficultés quotidiennes auxquelles elles faisaient face. C'est ainsi qu'il travaillait. Quelle que soit la tâche à accomplir, il avait besoin de connaître la question à fond pour examiner minutieusement les renseignements et pour en arriver à une solution magistrale, ne craignant jamais qu'elle paraisse trop ambitieuse ou trop opposée aux autres. Je ne vous dis pas tout cela pour dire qu'il était meilleur que les autres, mais parce qu'il avait simplement cette qualité innée qui l'empêchait d'accepter un refus et lui disait qu'il y avait toujours une solution.
En août 2015, Manmeet avait décidé de se rendre en Afghanistan pour rencontrer directement ces familles. Une série d'attentats à la bombe dans le centre-ville de Kaboul lui a montré qu'il n'était pas sûr de voyager à ce moment-là. Empêché de se rendre en Afghanistan, Manmeet s'est rendu en Inde pour rencontrer ceux qui avaient pu y venir en sécurité. Il a également traversé le Canada et s'est rendu en Belgique et au Royaume-Uni pour parler à des personnes, à des organismes, à des représentants du gouvernement, essentiellement à toute personne dont il pensait qu'elle pouvait faire quelque chose et participer à la solution.
Avec l'aide d'un personnel dévoué et loyal, Manmeet a travaillé avec des sikhs en Afghanistan pour veiller à ce qu'ils puissent se rendre en sécurité en Inde. Il a démontré combien il s'engageait dans ce projet non seulement en demandant aux autres de faire des dons, mais en donnant beaucoup de sa personne. Rendu en Inde, il a réuni les personnes locales pour leur faire rencontrer des sikhs afghans; il a aidé ces derniers à s'inscrire comme réfugiés auprès des Nations unies et ensuite, à se rendre dans la province du Punjab où les attendait un abri.
En octobre 2015, pendant que notre père était en Inde, Manmeet lui a demandé d'aider les sikhs afghans qui arrivaient et de les accueillir provisoirement dans notre maison familiale.
En novembre 2015, Hamreet Bains s'est engagée envers ce projet en se rendant en Inde et en apportant de l'aide à ceux qui arrivaient d'Afghanistan et en coordonnant les ressources sur le terrain pour leur assurer une transition aussi douce que possible.
Elle communiquait régulièrement avec Manmeet pour voir ce qu'il était possible de faire pour les faire venir en Inde. Jusqu'ici, 206 afghans ont trouvé un refuge temporaire au Punjab. Leurs enfants fréquentent l'école. Les femmes se trouvent dans une collectivité où leur sexe n'en fait pas des cibles d'agressions violentes, et les hommes sont en train d'acquérir des habiletés professionnelles qui leur permettront de nourrir leurs familles. Mais il est évident que ce n'est qu'une solution temporaire. Leurs besoins essentiels sont comblés pour le moment, mais les abris sont limités et les ressources dépendent de la générosité des personnes du Punjab et de celles du Canada qui se sont engagées à réaliser ce projet.
Manmeet a pu rencontrer les premiers afghans qui sont arrivés en Inde, mais il n'a pas pu les voir reprendre une vie nouvelle, une vie qui sera, nous l'espérons, pleine de promesses. Manmeet était convaincu que les sikhs d'Afghanistan devraient pouvoir venir au Canada. Il pensait que le Canada pourrait alors leur donner un endroit sûr où ils pourraient vivre, travailler, jouer, un endroit où la religion ne fait pas de vous une cible.
Manmeet savait très bien que la procédure et les politiques du gouvernement pouvaient être modifiées pour répondre aux défis actuels parce que c'est ce qu'il avait lui-même fait lorsqu'il était ministre. Il savait que le changement se heurtait souvent à des réticences, mais il cherchait toujours à trouver des solutions qui reflétaient les valeurs et les idéaux qui doivent être ceux des Canadiens. Si Manmeet était ici aujourd'hui, en train de vous parler, il vous implorerait de trouver le moyen d'aider à faire venir des sikhs afghans au Canada. Il vous dirait que les processus bureaucratiques, même s'ils sont nécessaires et respectables, peuvent toujours être révisés pour trouver le moyen de mieux faire les choses. Il vous dirait que les délais peuvent toujours être raccourcis. Il vous rappellerait que les Canadiens sont, par nature, des personnes généreuses qui ouvrent leurs portes à ceux qui sont dans le besoin. Il prendrait le temps de vous promettre, comme je le fais aujourd'hui, que les sikhs que nous accueillons au Canada vous donneront encore plus que ce que vous leur aurez donné.
Tout comme ceux qui sont venus avant eux, ils vont appliquer les principes sikhs qui consistent à donner aux autres et à partager avec eux. Les sikhs canadiens ont prouvé à maintes reprises qu'ils savaient que les droits et les privilèges de la citoyenneté s'accompagnaient de responsabilités. Nous ne demandons pas la charité, nous voulons donner un coup de main à nos amis canadiens. Nous allons travailler activement pour que les sikhs qui viennent au Canada obtiennent les ressources dont ils ont besoin et nous demanderons en retour que vous leur donniez de l'espoir.
Merci.
Je tiens à remercier le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de l'occasion d'évoquer devant lui la question des mesures d'immigration pour la protection des groupes vulnérables. Je suis sensible à l'honneur qui m'est fait.
Après mon exposé, mon confrère du Barreau de la Colombie-Britannique, Me Jasdeep Mattoo, se penchera avec davantage de détail sur la question de la catégorie des personnes de pays source. Je tiens à le remercier de sa contribution à la rédaction de mon exposé.
Permettez-moi de préciser que j'exerce depuis 1991 dans le domaine du droit international public des droits de l'homme. J'ai également, de 2002 à 2010, par deux fois, été nommé par décret en conseil, à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. En 2007, à la fin de mon mandat, j'ai repris mes activités d'avocat de pratique privée.
Il y a dans le monde de nombreux groupes qui méritent d'être protégés, dont les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays. Je remercie le Comité de s'intéresser particulièrement à deux groupes qui ont, dans leur pays d'origine, fait l'objet de telles persécutions qu'ils sont devenus des déplacés internes. Il s'agit des yézidis d'Irak et de Syrie, et des sikhs afghans, également appelés sikhs pathans ou sikhs hazaras.
Je tiens, en ce qui concerne cette deuxième catégorie de personnes, à saluer les efforts d'un membre éminent, maintenant décédé, de l'Assemblée législative de l'Alberta, l'honorable Manmeet Singh Bhullar, qui a trouvé prématurément la mort l'an dernier alors qu'il tentait d'aider un automobiliste tombé en panne. Sa disparation a profondément affecté les Canadiens dans les diverses régions de notre pays.
Pour ce qui est des yézidis, le 16 juin 2016, il y a donc à peu près un mois, la Commission chargée par les Nations unies d'enquêter sur d'éventuelles violations des droits de l'homme a rapporté que l'État islamique en Irak et dans le Cham, l'ISIS, qu'on appelle également ISIL et Daech, se livre contre le peuple yézidi à des actes de génocide constitutifs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Des centaines de milliers de yézidis, déplacés internes, se trouvent actuellement dans les camps de réfugiés établis dans les régions frontalières de la Syrie jouxtant l'Irak, ainsi qu'en Irak même.
Selon des sources subjectives liées tant aux Nations unies qu'au gouvernement afghan, environ 4 000 sikhs se trouvent actuellement isolés en Afghanistan ou déplacés à l'intérieur du pays, et il semblerait que la communauté hindoue ait pour ainsi dire disparu. C'est un sort bien triste.
Avant que l'Union soviétique n'envahisse l'Afghanistan, la communauté sikhe était beaucoup plus étendue qu'aujourd'hui, comptant des centaines de milliers de personnes formant une communauté dynamique et bien intégrée. Il existe de nombreux points communs entre les sikhs d'Afghanistan tels qu'ils étaient avant d'être pris pour cible par des talibans extrémistes, et la situation des yézidis avant les ravages provoqués parmi eux par l'ISIS. Il est donc tout à fait opportun que votre comité se penche sur les mesures qui permettraient au Canada ou à d'autres entités d'accorder une protection à ces populations.
En Afghanistan les sikhs ont fait l'objet de lois leur interdisant, par exemple, de construire de nouveaux lieux de culte, de circuler à cheval dans les villes, de porter les mêmes vêtements que les musulmans, de serrer la main d'un musulman ou de partager un logement avec des musulmans. Ils sont contraints de faire flotter, au-dessus de leurs maisons et de leurs magasins, des fanions jaunes qui les distinguent des autres habitants. Nul besoin d'être historien pour saisir la signification de ce type de mesure.
On ne s'étonne guère qu'ils soient, au cours des dernières décennies, si nombreux à avoir fui l'Afghanistan, mais la situation de ceux qui n'ont pas pu partir est devenue extrêmement grave. Les yézidis et les sikhs afghans ont malheureusement en commun le fait d'être essentiellement persécutés par des acteurs non étatiques que le gouvernement ne peut pas ou ne veut pas contrôler.
Or, en ce domaine, notre droit interne est, comme vous le savez, régi par la définition de réfugié retenue par les Nations unies, notamment dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Cette définition était adaptée à la période d'après-guerre, quand les agents de persécution étaient généralement aux ordres d'un État. Mais cette définition, qui convient à de nombreux groupes de personnes persécutées, ne concerne que les personnes ne se trouvant plus dans leur pays d'origine. Je précise que, selon la jurisprudence canadienne en la matière, la multiplication des mesures de harcèlement permet de conclure que les personnes qui en font l'objet peuvent très bien craindre avec raison d'être persécutées. C'est un point important, car cela veut dire qu'aux fins de la définition, il n'est pas nécessaire que les personnes concernées attendent de tomber effectivement sous le coup des persécutions.
En attendant une modification conséquente de la Convention de 1951, à laquelle ont adhéré plus de cent États, les personnes déplacées à l'intérieur de leurs pays ne sont, officiellement, guère protégées.
Étant donné le temps qui m'est imparti pour cette intervention, je tiens à concentrer mon exposé sur deux moyens permettant de venir en aide aux personnes qui, à l'intérieur même de leur pays d'origine, font l'objet de persécutions. J'entends par cela la possibilité de qualifier de génocide ce qui se passe actuellement, et de faire jouer de manière un peu différente l'obligation de protéger.
Nous avons, en juin 2016, retenu la qualification de génocide, ce qui ne se fait que rarement en droit international. C'était la première fois qu'étaient qualifiés de génocide des actes commis par des acteurs non étatiques, c'est-à-dire autres que les autorités d'un État ou une milice à ses ordres.
C'est un pas important, car de nouvelles technologies et une meilleure logistique permettent désormais aux conflits de s'affranchir des frontières. C'est ainsi qu'en Syrie, des acteurs non étatiques tels que l'ISIS agissent avec impunité dans de nombreuses régions, mais, dans les régions où leurs opérations sont qualifiées de génocide, les Nations unies seraient en droit, pour sauvegarder la paix, de mettre en oeuvre des mesures robustes auxquelles le Canada pourrait activement participer.
Cette lacune évidente dans les dispositions applicables joue dans l'intérêt des survivants, mais il faut pour cela qu'il y ait déjà eu un grand nombre de victimes. Cela étant, comment le Canada pourrait-il intervenir de manière proactive et ne pas se contenter de réagir aux événements?
Il faudrait pour cela sortir des sentiers battus et je voudrais, si vous me le permettez, proposer une autre manière de procéder, fondée sur l'obligation de protéger. Je songe en cela à des mesures novatrices permettant de mieux asseoir la sécurité des personnes. Il s'agit d'ailleurs d'un régime que le Canada a contribué à instaurer grâce à l'appui d'un ancien premier ministre du Canada, M. Paul Martin. L'idée a été adoptée en septembre 2005 lors du sommet organisé au Siège de l'Organisation des Nations unies, à New York.
Jennifer Welsh, une Canadienne enseignant à l'Université d'Oxford, est spécialiste des relations humaines internationales. Elle explique que le premier ministre Martin, ayant contacté plusieurs responsables internationaux, les a convaincus d'accorder leur appui en vue de l'adoption de dispositions reconnaissant les responsabilités qui, en matière de protection des populations contre les atrocités de masse, incombent tant aux États qu'à la communauté internationale dans son ensemble. Selon le premier ministre Martin, l'obligation de protéger veut dire que si un gouvernement opprime sa population, ou s'il se révèle incapable de la protéger de l'oppression, d'autres pays ont le devoir d'intervenir et de rétablir la situation.
L'accent est ainsi porté davantage sur la sécurité des personnes que sur la sécurité nationale, notion fréquemment invoquée par les États nations pour justifier les mesures de gouvernance prises à l'intérieur de leurs frontières. Or, désormais, l'obligation de protéger veut dire que la souveraineté d'un État va dépendre du degré de protection qu'il est en mesure d'assurer à sa population. Si cette protection se révèle insuffisante, un État peut voir sa souveraineté circonscrite.
Je reconnais que dans ce type de situation le critère d'intervention est extrêmement strict. Un ancien ministre a en effet précisé qu'avant que l'ONU autorise une intervention armée contre un État nation, il faut qu'aient été épuisés tous les autres moyens à sa disposition tels que sanctions, embargos sur les armes et zones d'exclusion aérienne.
Je rappelle que l'obligation de protéger est un apport canadien et que la protection des yézidis et des sikhs afghans s'inscrit dans la logique même de ce concept. Le Canada a ainsi à nouveau l'occasion de proposer des mesures permettant de venir en aide à ces personnes.
C'est à regret, monsieur Kang, que je vous signale l'épuisement de votre temps de parole, car nous avons dépassé la limite de sept minutes.
Je comprends que l'interprétation a en l'occurrence soulevé des difficultés, car le ronflement des haut-parleurs a rendu impossible l'interprétation simultanée de vos propos.
Il va en être ainsi pour l'ensemble des témoins de ce groupe, mais cela ne devrait créer pour aucun membre du Comité un obstacle insurmontable.
Une deuxième solution consisterait, hélas, à remercier notre invité de l'exposé qu'il nous a présenté, mais il ne pourrait alors plus participer à la séance.
Sauf objection, nous devrions, me semble-t-il, continuer en l'état.
Je pense qu'il y a pour cela un consentement unanime.
Nous allons donc poursuivre. Je tiens à remercier notre groupe d'intervenants des exposés de sept minutes qu'ils nous ont présentés. Nous passons maintenant à la première série de questions, chacun disposant, là encore, de sept minutes. La parole est d'abord à M. Sarai.
Je remercie l'ensemble de nos intervenants. Ma première question s'adresse à Mme Bhullar. Votre famille, à commencer par votre regretté frère, l'honorable Manmeet Bhullar, a beaucoup fait pour venir en aide à ces minorités et votre famille a poursuivi en son nom l'oeuvre qu'il a entreprise. Nous saluons les efforts accomplis en ce domaine par Manmeet et la famille Bhullar.
Votre famille a contribué à la réinstallation, ou du moins à l'installation provisoire de centaines de personnes qui ont quitté l'Afghanistan pour se rendre en Inde. Je sais que vous continuez à subvenir à leurs besoins.
Pourriez-vous nous dire quelles étaient en Afghanistan, et d'après les conversations que vous avez eues avec eux, les principales difficultés auxquelles se heurtaient ces personnes?
La question mérite en effet d'être posée. Elles ont dû faire face à des difficultés très diverses, mais disons qu'en Afghanistan, elles ne parvenaient plus à satisfaire leurs besoins les plus élémentaires.
Certains m'ont dit, par exemple, qu'il leur était interdit d'assurer à leurs morts les rites funéraires. Or, selon la tradition sikhe, le corps du défunt doit être incinéré. Cela leur était interdit. Il était interdit aux enfants d'aller à l'école. Il était interdit aux femmes de sortir si elles ne portaient pas la burka. Ils ne pouvaient participer à aucun rassemblement religieux. La plupart du temps, lorsqu'ils se réunissaient, ils craignaient une attaque à la bombe ou des actes de violence. Les commerçants qui n'étaient pas musulmans s'exposaient, par exemple, à ce qu'on leur urine dessus. Il arrivait qu'un restaurateur travaillant dans sa cuisine se voie asperger d'huile brûlante.
On sait également que des personnes ont été enlevées et rançonnées. Un homme nous a dit avoir peur d'emmener sa petite fille avec lui au marché par crainte qu'elle soit enlevée et soumise par des hommes à des sévices que tout père veut éviter à sa fille. Voilà quelques exemples des difficultés auxquelles ils se heurtaient, et dont le souvenir subsiste même après leur installation en Inde. Selon Hamreet Bains, un des bénévoles qui s'est rendu là-bas, les enfants ne vont plus jouer dehors tant s'est installée chez eux la peur des dangers qui les guettent à l'extérieur.
Merci, madame Bhullar.
Je voudrais maintenant poser une question à Balpreet Singh. Vous avez, dans votre exposé, parlé des dangers que courent les sikhs et les hindous qui tentent, au Pakistan ou en Inde, de se rendre dans les locaux d'une mission canadienne. Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet des dangers auxquels sont particulièrement exposés les sikhs et les hindous?
Vous n'ignorez pas que les sikhs sont d'aspect très différent, ce qui fait qu'ils sont assez exposés lorsqu'ils voyagent. Ils se déplacent donc généralement en groupe en raison des risques d'agression. Ils peuvent effectuer de brefs déplacements, essentiellement locaux, mais ils m'ont dit qu'il est très dangereux de se déplacer dans l'intérieur du pays et, par exemple, de se rendre à Kaboul à partir d'une région un peu éloignée. Les sikhs ne savent jamais si l'un d'entre eux ne va pas être enlevé, ou agressé. Il ne s'agit pas d'une simple possibilité, mais de quelque chose qui s'est déjà produit et qui leur inspire une crainte permanente.
Vous nous avez dit que les sikhs afghans et les membres des minorités hindoues craignent de voir leur nom inscrit sur des listes, même après leur départ. Pourriez-vous nous expliquer un peu le problème qui se pose et pourquoi l'on voudrait inscrire le nom des personnes qui souhaitent quitter l'Afghanistan, voire le nom de personnes qui sont déjà parties?
D'abord, il est difficile ne serait-ce que de quitter l'Afghanistan. Si l'on est tellement reconnaissant à Manmeet c'est parce qu'il a fait l'impossible. Je me heurtais au problème depuis six mois et ce n'est qu'après avoir pris contact avec Manmeet que j'ai pu le régler. Nous regrettons qu'il ne soit plus parmi nous.
Les gens craignent que l'on publie leur nom. En effet, si l'on publie leur nom, ou même si l'on indique simplement leur région d'origine, ils risquent de voir enlever et rançonner un membre de la famille. C'est particulièrement vrai des personnes qui soit ont les moyens de verser une rançon, soit sont en contact avec des gens à même de les aider à verser la rançon. C'est pour cela qu'il est tellement difficile de quitter l'Afghanistan.
Que peut-on dire de la coexistence des hindous et des sikhs? Je sais que les deux communautés entretiennent des liens très particuliers, fondés sans doute sur la commune volonté de survivre. Pourriez-vous nous expliquer un peu les raisons qui ont poussé ces deux communautés à nouer des liens aussi étroits?
Les sikhs et les hindous étaient à l'origine surtout connus comme prêteurs. Ils étaient très prospères. Ceux qui ont pu quitter l'Afghanistan sont partis, mais ceux qui sont restés ont dû, par simple nécessité, s'entraider. C'est ainsi que, si vous vous rendez à Kaboul dans un des quartiers sikhs, vous pourrez voir que les sikhs et les hindous habitent essentiellement les mêmes quartiers, ont leurs lieux de prière dans les mêmes endroits et cela, encore une fois, par la force des choses. Ils ont tissé entre eux des liens.
Monsieur Kang, en tant qu'ancien membre de la section d'appel de la CISR, vous connaissez bien la procédure d'accueil des réfugiés au Canada. D'après vous, les règles et règlements actuellement en vigueur permettent-ils d'aider suffisamment les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, tels que les minorités sikhes et hindoues d'Afghanistan? Si c'est le cas, pourriez-vous nous dire dans quelle mesure il en est ainsi, et sinon, quels seraient les changements qu'il conviendrait d'apporter?
Permettez-moi de dire que la réglementation en vigueur ne donne pas des résultats satisfaisants. Il est clair que cette réglementation a été conçue en fonction de réfugiés de l'intérieur, et que pour les réfugiés qui se trouvent à l'étranger, les procédures d'établissement s'enlisent dans les dédales de la bureaucratie. Ce n'est qu'après être parvenues à fuir leur pays d'origine que les personnes qui étaient déplacées à l'intérieur de leur pays répondent à la définition de ce qu'est un réfugié au sens de la Convention.
Nous avons, faute de temps, suspendu les analyses portant sur le pays source. Il conviendrait d'après moi de les rétablir. C'est une des questions sur lesquelles le Comité pourrait se pencher. Il conviendrait en effet de désigner certains pays à l'égard desquels il y aurait des mesures à prendre pour obtenir en toute sécurité la sortie de ces minorités.
Permettez-moi de revenir brièvement sur le concept d'obligation de protéger. Il serait d'après moi utile de l'élargir afin de permettre au Canada, dans l'exercice de cette responsabilité, de prendre contact avec le pays d'origine afin d'obtenir le libre passage de ces minorités vers un autre pays.
Pour répondre à votre question, donc, la réglementation actuelle n'est pas satisfaisante.
Merci, monsieur le président.
Je tiens d'abord, Tarjinder, à vous exprimer mes condoléances. La perte que vous avez éprouvée est ressentie par tous les Canadiens. Ce n'est qu'après le décès de Manmeet que j'ai pris connaissance de ce qu'il avait fait, à lui seul, pour les sikhs afghans. C'est une grande perte et nous partageons tous votre chagrin.
Cette question s'adresse à M. Singh.
Dans les années 1970 et 1980, il y avait en Afghanistan environ 200 000 sikhs. Or, il n'en reste actuellement que 2 000. Que leur est-il arrivé?
Après la chute du régime prosoviétique, on a commencé à s'en prendre aux libertés religieuses. Comme le disait M. Kang, les talibans exigeaient, par exemple, que les lieux habités par des sikhs, et les sikhs eux-mêmes, soient revêtus de signes permettant de les identifier. Ceux qui avaient les moyens de partir s'en sont servi pour partir. Ceux qui sont restés étaient tellement démunis qu'ils n'avaient pas les moyens d'aller vivre ailleurs. Plus la situation se dégrade, moins ils sont en mesure de partir, et les persécutions et pressions dont fait l'objet cette communauté ne font qu'augmenter.
Ce n'est, d'après moi, pas le cas. Les sikhs sont simplement plus faciles à repérer. En raison des principes religieux auxquels ils adhèrent, les hindous peuvent se couler plus facilement dans l'ensemble de la population. D'après ce qu'on me dit, cependant, les inégalités de traitement visent aussi bien les hindous que les sikhs.
Que pourrait-on faire pour résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés — les persécutions religieuses, l'interdiction d'incinérer le corps des personnes décédées, la peur, le manque de moyens d'instruction, les agressions, et le manque d'écoles entre autres? Si vous pouviez établir une liste de desiderata, qu'y inscririez-vous?
Notre principale difficulté est au niveau de la communication avec ces diverses communautés. Il nous faudrait en effet pouvoir évaluer objectivement leurs besoins. Les populations sikhes et hindoues sont installées en Afghanistan depuis des centaines d'années. Pour nous, l'objectif prioritaire serait de leur donner les moyens de continuer à y vivre. Or, pour de nombreux sikhs d'Afghanistan, cela n'est plus possible. Ils ont en effet atteint le point de non-retour. Ils ne peuvent pas continuer à vivre dans ce pays.
Il conviendrait, d'après nous, avec l'aide d'ONG ou d'autres organismes sur place, de nouer avec eux des contacts afin de voir quels sont leurs besoins. Si, comme nous jugeons probable, ils ne peuvent pas continuer à vivre dans ce pays, il nous faudrait leur donner les moyens d'en partir le plus rapidement possible.
Un jour, à la Chambre des communes, j'ai pris la parole sur le problème sikh. Deux minutes plus tard, j'ai reçu à mon bureau de député, un appel téléphonique de quelqu'un qui disait ne pas être sikh, mais qui faisait valoir qu'il nous faudrait aider à sortir d'Afghanistan, pays musulman, tous les sikhs, les hindous, les chrétiens et autres minorités.
D'après moi, ils ne peuvent en effet guère continuer à y vivre. La solution serait peut-être de donner les moyens de partir.
Mais que faire?
C'est délicat, car le problème c'est, justement, comment les faire sortir. Il y a de nombreuses choses que Manmeet faisait, dont nous ne pouvons pas parler ouvertement. J'entends par cela, par exemple, la région dans laquelle il opérait, le nombre de personnes qu'il a aidées, et comment il s'y est pris. Il a eu, par exemple, à faire sortir, sans que personne ne le sache, ces six personnes qui craignaient que l'on découvre leur projet de départ. Cela lui a posé d'énormes difficultés.
Avec le soutien de la communauté sikhe, Manmeet et sa famille sont parvenus à faire sortir 200 personnes. Si vous envisagez d'en faire sortir 2 000, vous saisissez tout de suite l'ampleur de la tâche. C'est en effet presque impossible. Manmeet a pu se servir de ses contacts et de ses relations pour y parvenir, mais il avait de formidables contacts que n'a pas le commun des mortels.
Il nous faudrait, comme je le disais tout à l'heure, l'aide d'une ONG opérant sur place. Je sais que le Canada, avec sa mission militaire et son ambassade, a de nombreux contacts qui pourraient nous aider à communiquer avec les membres de la communauté afin de voir qu'elle est au juste la situation, et quels seraient les meilleurs moyens de les aider. Si comme il est probable, il va falloir les faire sortir, cela nous aidera à trouver le moyen d'y parvenir.
Oui. Vous m'avez demandé tout à l'heure quels seraient mes desiderata. Si vous me permettez de vous répondre franchement, ce que nous souhaiterions ce serait d'obtenir l'aide du gouvernement, soit peut-être par l'entremise d'ONG ou d'organismes gouvernementaux présents en Afghanistan, afin d'établir une liste des sikhs et des hindous afghans se trouvant actuellement dans une situation qui ne saurait durer. Nous souhaiterions obtenir une aide officielle nous permettant de dresser la liste de ces personnes et de voir si elles possèdent les documents de voyage nécessaires. Nous pourrions après cela, de concert avec le gouvernement canadien, trouver les moyens de les faire venir au Canada.
Je sais que, d'après les règles en vigueur, il leur faudrait, avant de pouvoir venir au Canada, déposer une demande à partir d'un pays tiers. Mais disons, pour simplifier, que nous voudrions, à partir du moment où nous savons combien ils sont, accélérer leur arrivée au Canada en tant que réfugiés.
C'est cela que nous souhaiterions faire.
Si j'ai bien compris, vous voudriez savoir si nous ne pourrions pas modifier les règles en vigueur afin de permettre aux sikhs afghans de venir au Canada plutôt que de se rendre au Pakistan ou en Inde.
Oui, cela s'est déjà fait et nous voudrions pouvoir en faire autant pour la communauté sikhe en permettant à ses membres de venir directement au Canada à partir de l'Afghanistan.
Je tiens à remercier nos témoins d'aujourd'hui.
Je souhaiterais obtenir quelques précisions au sujet du nombre de personnes concernées. A-t-on dit qu'on dispose à cet égard de chiffres précis? Selon le document qui nous a été distribué sur la situation des sikhs et hindous d'Afghanistan, il s'agirait d'environ 395 familles. Est-ce bien le chiffre, ou est-ce que nous ne sommes pas pour l'instant sûrs du nombre de personnes en question?
Vous avez parfaitement raison, car en ce qui concerne le nombre de familles qui s'y trouvent encore, plusieurs chiffres ont été avancés. Selon six personnes récemment arrivées d'Afghanistan, il y a probablement moins que 395 familles. Mais il faut également tenir compte de ceux qui sont restés en Afghanistan après avoir envoyé leur famille vivre à l'étranger. Certaines familles ont été séparées.
Tarjinder a bien dit que nous ne savons même pas combien de personnes s'y trouvent encore, et sur ce point-là nous aurons aussi besoin d'aide.
Vous avez évoqué l'idée de demander à une ONG opérant en Afghanistan d'évaluer la situation. Entendez-vous par cela une ONG financée par le gouvernement canadien et ayant sur place le personnel capable de recueillir les renseignements qu'il nous faudrait pour décider des mesures à prendre? C'est ma première question.
Il semble aussi, parmi les recommandations figurant dans le mémoire, qu'une des clés du problème soit l'instauration d'une nouvelle catégorie, celle des personnes de pays source. D'après vous, devrions-nous attendre pour cela les résultats de l'évaluation envisagée, ou devrions-nous donner suite sans attendre à la recommandation touchant la création d'une nouvelle catégorie de réfugiés de pays source?
J'adresse la question à l'ensemble de nos témoins, mais, monsieur Singh, je voudrais commencer par vous.
Qui sera chargé de cette évaluation? Il ne sera pas par cela nécessaire d'obtenir un financement du gouvernement. Je pense que la communauté sikhe sera en mesure de fournir ce qu'il nous faut. Ce qu'il y a, cependant, c'est que nous n'avons pas, sur place, le personnel voulu et que nous ne savons pas qui pourrait se charger de ce travail. Je pense cependant que l'ambassade du Canada et d'autres organismes canadiens sauront comment procéder.
La catégorie des personnes de pays source a été supprimée en 2011. Nous croyons savoir que cette catégorie posait de sérieuses difficultés en ce qui concerne, par exemple, la liste des pays concernés et les divers problèmes qu'on y relevait. Il serait, d'après nous, peut-être possible d'instaurer un programme de parrainage privé. C'est une solution qu'il va falloir envisager, car à l'heure actuelle aucune solution viable ne semble s'offrir aux personnes déplacées à l'intérieur de leur pays.
Je ne peux que répéter ce qu'a dit M. Balpreet Singh. Pour ce qui est du financement de cette étude, nous espérons que le gouvernement nous aidera à trouver les moyens de la mener. Si c'est uniquement une question d'argent, j'ai bon espoir qu'il n'y aura pas d'obstacle. Si le gouvernement fait en sorte que cette étude soit menée de manière efficace et en toute sécurité, nous réunirons les fonds nécessaires.
Je suis entièrement d'accord avec Mme Bhullar lorsqu'elle dit que nous n'aurons pas grand mal à obtenir un financement privé. La communauté sikhe du Canada a de nombreuses relations et cela ne devrait poser aucun problème.
La seconde solution, c'est-à-dire le rétablissement de la catégorie des personnes de pays source me paraît tout à fait valable. Cette catégorie était à l'origine prévue dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et son règlement d'application. Il serait relativement aisé de réintroduire cette catégorie en la modifiant légèrement pour tenir compte de la situation actuelle et du besoin de faciliter le départ des déplacés internes, personnes qui ne répondent pas entièrement à la définition de ce qu'est un réfugié au sens de la Convention.
D'après vous, les personnes appartenant à cette catégorie seraient-elles parrainées en tant que réfugiés par le gouvernement, ou par des personnes ou organismes du secteur privé au titre de la catégorie des personnes de pays source?
C'est également mon avis. J'estime qu'en l'occurrence ils devraient être parrainés par le secteur privé.
Devrait-on, d'après vous, entreprendre dès maintenant les démarches nécessaires, alors même que nous cherchons les moyens de réunir sur place les renseignements voulus?
Est-ce exact, madame Bhullar?
Oui, cela correspond à ce que je disais dans mon exposé. Je reconnais pleinement la valeur des procédures actuelles, mais je pense que l'on pourrait en l'occurrence les accélérer et les rendre plus efficaces.
Je tiens à remercier nos témoins d'aujourd'hui, et souhaite moi aussi exprimer mes condoléances à la famille Bhullar.
Monsieur Singh, vous nous avez dit tout à l'heure que les sikhs et les hindous d'Afghanistan ne peuvent pas circuler librement, n'ont pas le droit d'avoir un commerce, et sont en but à de nombreuses autres formes de discrimination. Quel est le statut des sikhs qui se rendent au Pakistan ou en Inde en tant que personnes déplacées? Sont-ils munis, lors du passage des frontières, d'un titre officiel émanant des autorités afghanes?
La question se pose effectivement. Les déplacés internes ont tendance à se regrouper dans les derniers lieux de culte qui leur sont permis de fréquenter. Une des principales difficultés auxquelles se heurtaient ces 200 personnes qui souhaitaient quitter le pays provenait justement de leur manque de papiers d'identité ou de passeports. Manmeet a pu régler le problème en faisant jouer ses relations. Il a trouvé quelqu'un parlant l'anglais et a pu parvenir à une solution. Cela n'a pas été facile et il ne sera pas possible d'en faire autant pour la majorité des personnes en cause.
Parmi les 200 personnes en question, la plupart n'avaient pas de passeport, mais Manmeet a fini par trouver une solution.
Les enfants nés dans ces familles se voient-ils délivrer des attestations officielles? Vous disiez tout à l'heure qu'il faudrait que des ONG vous aident, sur le terrain, à préciser le nombre de personnes en cause. Ces personnes ont-elles des papiers d'identité ou des titres de voyage?
Je ne peux pas vous dire ce qu'il en est de la majorité, mais c'est un fait que dans la plupart des régions d'Afghanistan, les sikhs ne sont plus scolarisés depuis au moins deux générations et ils éprouvent donc, dans leurs contacts avec les autorités, de grandes difficultés. D'après moi, la plupart d'entre eux ne possèdent pas le moindre titre officiel.
Les sikhs et les hindous qui sont coincés en Afghanistan entretiennent-ils des liens avec le Canada? Ont-ils des proches ici ou dans d'autres pays occidentaux?
Là encore la question mérite d'être posée. Certains ont effectivement des proches qui sont parvenus à s'échapper. La plupart de ceux qui pouvaient partir l'ont fait, et ont aidé leurs proches à partir eux aussi.
On trouve, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni, d'importantes communautés d'expatriés ou de réfugiés, mais beaucoup moins au Canada. Il y a néanmoins des réfugiés sikhs qui, ayant fui l'Afghanistan, ont pu parvenir ici en passant par l'Allemagne ou par d'autres pays.
Disons, de façon générale, que ceux qui restent coincés en Afghanistan sont les plus vulnérables. Ils ne possèdent pas les liens ou les contacts leur permettant de trouver refuge dans un autre pays.
Cette question s'adresse à l'ensemble de nos témoins. Si le Canada permettait le parrainage, par le secteur privé, de personnes qui se trouvent dans une situation analogue à celle de réfugiés, mais qui se trouvent encore dans leur pays d'origine, pourrait-on, dans le secteur privé, trouver un nombre de répondants suffisant à régler la question des sikhs et des hindous coincés en Afghanistan?
Je pense qu'il n'y aurait aucun problème au niveau du parrainage privé, du moins au sein de la communauté sikhe, mais je vais laisser à d'autres le soin de vous répondre sur ce point.
Depuis la mort de Manmeet, le sentiment d'urgence que cette situation inspire à la communauté sikhe n'a fait que s'accroître. Il mettait continuellement à jour la liste des personnes acceptant de parrainer des réfugiés, et cette liste ne cesse de s'allonger. On contacte mon père, des amis, des collaborateurs de Manmeet pour dire « Nous voulons contribuer à cet effort, dites-nous quand et comment nous pouvons être utiles ».
C'est vrai que nous attendons seulement que le gouvernement nous donne le signal. Vous disposerez alors d'une liste complète de personnes acceptant de parrainer ceux qui sont restés en Afghanistan.
Il est clair que la communauté dans son ensemble est prête à assurer sans attendre ces parrainages privés.
On commençait ici à ne plus faire grand cas de cette situation, mais, en ce qui concerne notamment la question des papiers d'identité, je me souviens de l'époque où j'ai commencé à travailler dans ce domaine. Il s'agissait alors des réfugiés érythréens et éthiopiens admis à s'établir au Canada bien qu'ils n'aient pas les passeports ou papiers d'identité que l'on aurait normalement exigés d'eux. Je précise qu'il y a bien des moyens d'identifier ces personnes, même en l'absence de documents officiels. Il s'agit, là encore, d'un obstacle essentiellement bureaucratique facilement surmonté au moyen de preuves par affidavit ou de divers autres éléments que l'on peut se procurer à l'étranger.
Je suis persuadé qu'avec l'appui du gouvernement fédéral la population canadienne serait dans son ensemble favorable à un programme d'accueil des réfugiés organisé correctement.
Je vous remercie.
Il vous reste une minute et demie. Nous pourrions également passer à la prochaine série de questions.
J'aurais trois questions à poser. Par crainte de manquer de temps, je vais les poser toutes les trois ensemble.
Ma première question s'adresse à M. Balpreet Singh. Vous avez parlé des dangers auxquels sont exposés en Afghanistan les proches de sikhs qui sont parvenus à s'enfuir. Cela correspond bien à d'autres témoignages recueillis aujourd'hui. D'après vous, comment résoudre ce problème? Va-t-il falloir régler tous les cas en même temps? Si nous voulons assurer la sécurité de l'ensemble des membres de cette communauté, va-t-il falloir organiser, en même temps, le départ de familles entières, ou allons-nous pouvoir procéder peu à peu?
Je voudrais ensuite demander à Bhullar, au sujet de l'aide qu'il faudrait obtenir d'ONG, si la collecte des renseignements nécessaires ne risque pas de mettre en danger les personnes qui se trouvent encore en Afghanistan?
Et je souhaiterais que M. Kang nous précise si, pour faire avancer les choses, il nous faudrait ancrer dans le droit international la définition de « déplacés internes »? Le Canada pourrait-il prendre en cela l'initiative?
Non. Ce n'est pas une question de tout ou rien. On peut procéder progressivement, mais il y a toujours eu un délicat problème de coordination, car il y a des limites à ce qu'une personne peut accomplir à elle seule, même s'il s'agit de Manmeet. Pourtant, il y était parvenu. Parviendra-t-on à refaire ce qu'il a fait? Je ne sais pas.
Oui, il y a effectivement des risques, mais ce genre de chose s'est déjà fait. C'est bien pour cela qu'il va nous falloir obtenir l'aide du gouvernement pour trouver le moyen d'assurer l'efficacité et la sécurité de notre action.
Je pense effectivement, monsieur Virani, qu'il va falloir enraciner en droit international une définition de ce qu'est un déplacé interne. C'est pour cela que, comme je le disais tout à l'heure, il conviendrait d'élargir le concept d'obligation de protéger afin de permettre au Canada et à d'autres entités d'assurer la sortie de personnes en danger qui, si elles se trouvaient hors de leur pays d'origine, correspondraient à la définition de ce qu'est un réfugié au sens de la Convention.
Merci, monsieur le président. Je vais, pour une fois, m'exprimer avec concision.
Tarjinder, je tiens d'abord à vous remercier de tout ce que votre famille fait à l'égard de cette situation. Je remercie votre frère qui a soutenu ma candidature et m'a encouragé à défendre cette cause.
Je pense que vous allez en cela recevoir l'appui de tous les partis. Nous étions déjà, lorsque nous étions au pouvoir, favorables à un renforcement des efforts en ce sens. Je souhaiterais qu'à l'égard de ce problème, cette séance du Comité aboutisse à des recommandations pratiques.
Je vous remercie d'avoir épousé cette cause. Cela n'a pas été facile, mais au nom du Comité tout entier, je vous remercie de ce que Manmeet a fait, et des effets bénéfiques que son action a eus sur tant de vies. Son souvenir ne s'estompera jamais.
Merci.
Je voudrais maintenant poser une question à M. Singh Kang.
M. Virani a un peu manqué de temps, mais sa question me paraît importante. C'est même, je dirais, une idée qu'on ne parviendra pas à écarter, et qui finira par s'imposer.
Nous avons dit que l'ordre juridique international n'est pas vraiment adapté au grave problème des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays. Je rappelle qu'on entend par cela plus de 40 millions d'êtres humains. Puis-je vous demander de nous en dire un peu plus sur l'un ou l'autre des aspects de la question?
Je rappelle l'existence de conventions relatives aux apatrides. Selon les spécialistes, cependant, ces conventions ne vont pas assez loin et n'offrent pas aux membres de la communauté internationale, tels que le Canada, les moyens de venir en aide aux personnes déplacées à l'intérieur de leur pays. Quel est votre avis sur ce point?
Ce qu'il convient d'entendre par déplacé interne revêt une importance particulière, car la question peut se poser dans l'optique d'un peuple tout entier, ou dans l'optique de personnes prises individuellement. Dans le cas des yézidis, il s'agit d'une situation collective, commune à tout un peuple sans que l'on ait à démontrer que tel ou tel de ses membres a effectivement fait l'objet de persécutions.
Je suis, moi aussi, d'avis que sous leur forme actuelle, les conventions sont dépassées, je dirais presque obsolètes, car comme les médias nous permettent de le constater, la nature même des conflits a évolué. Elle a évolué au point où nous ne parvenons même plus à en entrevoir la fin. Vous avez raison de rappeler qu'il existe des dizaines de milliers de personnes déplacées à l'intérieur de leur pays. Cela dit, l'ampleur du problème ne doit pas décourager les efforts en vue d'une solution. La situation des yézidis, ou des sikhs afghans montre bien ce qui risque d'arriver lorsqu'on tarde à avancer des solutions.
Face à ce genre de situation, le Canada doit adopter une attitude proactive. Rappelons-nous ce qui s'est passé en 2015. Il y a maintenant un peu plus de 10 ans, notre premier ministre de l'époque, et son gouvernement ont défendu avec énergie le concept d'obligation de protéger. Les efforts en ce sens se sont parfois relâchés. Cela est vrai non seulement du Canada, mais aussi de plusieurs autres pays. Or, les nations progressistes ont collectivement, les moyens de défendre la cause de ces populations. Les déplacés internes méritent d'être protégés et l'on ne devrait pas s'en tenir à la règle dépassée selon laquelle notre obligation de protéger n'entre en vigueur qu'une fois franchie la frontière. Le problème des migrants en Europe en est l'illustration. En effet, si nous ne pouvons accorder notre protection qu'aux personnes ayant atteint un camp de réfugiés, et que sont ainsi exclus les déplacés internes, ceux-ci iront d'eux-mêmes se chercher un refuge. J'estime que le Canada a l'obligation morale de remédier aux lacunes des pactes et conventions internationales, et d'agir en cela sans attendre.
Je vous remercie.
J'ai évoqué tout à l'heure les conventions relatives aux apatrides. Il est clair toutefois que ces textes ne vont pas assez loin, car si certains déplacés internes sont effectivement apatrides, bon nombre ne le sont pas. Bon nombre d'entre eux, tout en ayant la citoyenneté, correspondent néanmoins à la définition de ce qu'est un réfugié alors même qu'ils se trouvent encore dans leur pays d'origine. Je vous remercie d'avoir souligné le besoin de faire progresser en ce domaine les règles du droit international.
Monsieur Singh, je ne saisis pas très bien l'historique du problème, mais, sans savoir au juste si c'est vous ou M. Singh Kang qui a évoqué la question, j'ai été frappé d'apprendre qu'avant l'invasion soviétique, les sikhs et hindous d'Afghanistan formaient des communautés dynamiques intégrées au reste de la société. Que s'est-il passé? La situation s'est-elle inversée après l'invasion soviétique? Les pratiques discriminatoires qui se sont instaurées sont-elles le fait des talibans? J'ai cru comprendre, des témoignages qui nous ont été livrés, que jusqu'alors les sikhs et les hindous entretenaient avec la majorité musulmane des relations relativement harmonieuses. Quand la situation s'est-elle retournée?
La chute du régime prosoviétique a vu naître divers groupements extrémistes et mouvements insurrectionnels. C'est alors que des pressions ont commencé à s'exercer sur la communauté sikhe. Toutes les communautés en ont souffert. Les populations sikhes et hindoues étaient avant cela tolérées, et même protégées, mais cela a pris fin et elles ont été de plus en plus en but aux maltraitances. Des sikhs afghans nous ont dit qu'ils étaient, sous le régime des talibans, tenus de porter des insignes les identifiant, de faire flotter sur leurs habitations des fanions permettant, là encore, de les identifier. On leur imposait des règles bizarres. Dans la mesure où ils acquittaient la jizîa, et suivaient toutes ces règles, ils continuaient à bénéficier d'une certaine protection, mais après la chute des talibans, et l'avènement du gouvernement Karzai, après une brève période de retour à la normale, la situation s'est dégradée au point où ils ne peuvent tout simplement pas continuer à vivre dans ce pays. D'après eux, le gouvernement n'est pas en mesure de les protéger. On tente continuellement de leur extorquer de l'argent. La situation n'a fait qu'empirer.
Je vous remercie.
Je tiens à remercier l'ensemble de nos intervenants des témoignages qu'ils nous ont livrés, des éléments de compréhension qu'ils nous ont fournis. Je tiens en particulier à remercier Mme Bhullar. Je vous remercie, madame, vous, votre famille et votre regretté frère pour tout ce que vous avez fait, et tout ce que vous continuez à faire pour la minorité sikhe d'Afghanistan actuellement en péril.
Je vous remercie. La séance est levée.
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