SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 29 mars 2018
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue à la 101e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne. Il s'agit aujourd’hui d'une séance d’information sur la situation des droits de la personne en Syrie. La dernière fois que nous avons entendu des témoignages sur la question, ce mois-ci, c’était pendant le siège de la Ghouta orientale.
Nous accueillons aujourd’hui trois témoins des Casques blancs, soit le vice-président du conseil d’administration, Munier Mustafa, un membre du conseil d’administration, Nidal Ezeddin, et l’officier médical du centre, Mayson Almisri.
Avant de passer aux témoignages, je tiens à souligner que nous atteignons ce mois-ci les sept ans de conflit en Syrie. Sept ans de brutalité, de peur, de drames pour des millions de Syriens. Au milieu de cela, nous avons vu se manifester ce que l’humanité a de meilleur: des gens qui, avec abnégation et au péril de leur vie, se sont portés quotidiennement au secours d'autrui. Ces héros, ce sont les Casques blancs, et je ne saurais dire à quel point nous admirons ce que vous et votre organisation faites à la ligne de front pour sauver des vies. Merci de vous être libérés pour comparaître devant le Sous-comité. Je vous invite à faire vos déclarations liminaires, après quoi nous passerons aux questions des membres du Sous-comité.
Merci beaucoup.
M. Nidal Ezeddin (membre du conseil d'administration, The White Helmets) (traduction de l'interprétation):
Tout d’abord, bienvenue. Nous sommes très, très heureux de comparaître afin de livrer une partie de notre message et de décrire ce qui se passe en Syrie depuis sept ans. C’est un drame épouvantable. Vous aurez déjà pris connaissance d'une certaine information à ce sujet. Depuis quatre ans, les Casques blancs sont les premiers témoins de toutes les violations des droits de la personne perpétrées en Syrie. Aujourd’hui, quatre ans après le début du travail des Casques blancs...
Un instant, s’il vous plaît, pendant que nous vérifions l'interprétation. Je crois qu'il y a un problème du côté de l'interprétation en français. Peut-on simplement le confirmer, s’il vous plaît?
[Français]
[Traduction]
J’ai le français. Je vais écouter le témoin en arabe. Ça va. Je pense que l’interprétation de l’arabe au français ne marche pas.
Oui, c’est là qu'il y a un problème, il me semble. Il suffira d'une seconde pour le régler.
Tout va bien. Nous pouvons continuer. Merci beaucoup, et je suis désolé de cette interruption. Veuillez poursuivre.
M. Nidal Ezeddin (traduction de l'interprétation):
Merci. Je reprends. Aujourd’hui, quatre ans après le début du conflit et à la faveur du travail des Casques blancs, nous avons été les premiers témoins de toutes les violations des droits fondamentaux perpétrées en Syrie. Après sept ans de tragédie en Syrie, nous pourrions commencer à parler d’un très grand nombre de violations des droits de la personne. Honnêtement, je vais parler d’une infime partie de ces violations. Mes collègues vous donneront aussi plus de détails.
Je viens de Homs. Vous devez connaître cette ville. Elle se situe en plein milieu de la Syrie. Sa population à des origines ethniques diverses. La ville est diversifiée, et c'est là que s'est amorcé le mouvement de protestation contre le régime, surtout après ce qui s’est passé à Daraa en 2011. Le régime s’est vengé férocement contre les habitants de la ville. Je suis de ceux qui ont été forcés de la quitter en 2012, et je ne peux pas y retourner. Aujourd’hui, nous sommes sous le coup d'une peine de mort, tout comme un million d’autres personnes qui ont été expulsées et forcées de quitter Homs.
Nous nous souvenons tous du premier exode, puis du deuxième, cette fois dans la vieille ville de Homs. De nombreux autres traités n’ont pas été mis en oeuvre en Syrie. Pensons à la Ghouta orientale, à la Ghouta occidentale, à Heleh, à Alep. C’est un crime énorme que d’évacuer des zones entières et de chasser leurs habitants, de les priver de leur vie, de leur confisquer tous leurs souvenirs, de leur enlever leur famille. Rien ne peut donner au régime le droit d'agir de la sorte.
Aujourd’hui, les chiffres sont énormes. Malheureusement, c’est d'abord à cause de cela que les réfugiés ont afflué dans le monde entier. Il n’y avait pas d’autres raisons. Aujourd’hui, j’ai perdu mon pays. J’ai perdu mes souvenirs. J’ai perdu ma terre et je n’ai pas de maison à Ghouta. Je dois trouver une nouvelle vie.
Il y a tellement de Syriens qui ont connu les mêmes souffrances. Les déplacements, les sièges, tout cela dure depuis trois ou quatre ans, et des petites localités sont privées de fournitures médicales, de ravitaillement alimentaire. Les gens ont été obligés de partir, de quitter ces régions. Quatre-vingt-dix pour cent de ces habitants ne portent pas d’armes. Ils n’ont participé à aucune agression qui les aurait amenés à être au premier rang des victimes, à être déplacés. Malheureusement, devant ces déplacements, le silence de la communauté internationale a été assourdissant.
C’est une bien grande question. Heureusement, les Casques blancs conservent tous les dossiers qui étayent leurs affirmations. Ces gens qui vivaient dans certaines régions, qui sont-ils? Habitaient-ils vraiment là avant la crise? Comment ont-ils été déplacés? Quelles sont leurs identités? Quel est l'état de santé de ces hommes, femmes et enfants? Ont-ils des documents? Nous sommes en mesure de fournir ces documents à quiconque est intéressé.
Merci.
M. Munier Mustafa (vice-président du conseil d'administration, The White Helmets) (traduction de l'interprétation):
Je m’appelle Munier Mustafa. Je vis dans le Nord d'Idlib. Je vais parler de deux crimes qui ont été commis contre le peuple syrien. Le premier est l’utilisation par le régime d’armes interdites à l’échelle internationale, comme les armes à dispersion qui ont été employées plusieurs fois à l’intérieur de la Syrie. Évidemment, il y a aussi des armes chimiques, comme nous l’avons vu à Khan Cheikhoun, dans le Sud d’Idlib, et le régime a utilisé du chlore gazeux dans plusieurs régions du Nord de la Syrie et dans la région assiégée de la Ghouta, autour de Damas. De toute évidence, ces violations ont été répétées au vu et au su de la communauté internationale. On a parfois même eu recours au veto pour protéger le criminel qui autorise l'utilisation de ces armes en Syrie.
Le deuxième crime dont je voudrais parler, c’est le bombardement des institutions essentielles et des centres de services, comme les centres de protection civile et les hôpitaux, qui sont répartis dans tout le Sud de la zone contrôlée par la Syrie et qui fournissent des soins de santé, des services ambulanciers et des premiers soins. Par exemple, lorsqu’un marché a été ciblé dans cette région, 94 personnes y ont été tuées. Tous étaient des civils. C’était un énorme massacre commis contre le peuple syrien. Autre exemple de ciblage des centres de protection civile: le centre Kafr Zeta, qui offrait des services aux enfants et aux femmes. Le centre a été directement ciblé. Sept membres des Casques blancs sont morts et il y a eu d’autres victimes. Le centre a été complètement paralysé parce que tous ses outils et instruments ont été détruits.
Pour commettre ces deux crimes, on a utilisé des armes prohibées et ciblé des zones où sont dispensés des services essentiels destinés à la population locale.
Merci.
Mme Mayson Almisri (officier médical du centre, The White Helmets) (traduction de l'interprétation):
Bonjour. Je m’appelle Mayson Almisri. Je viens de Daraa, qui a été le berceau de la révolution en Syrie. Pour dire la vérité, il y a beaucoup de drames et de souvenirs de drames horribles, mais ce matin, je me suis sentie terriblement effrayée. Je voulais allumer mon téléphone, mais je me demandais si je n’allais pas apprendre que quelqu’un d'autre avait été martyrisé. Pour ma part, j’ai perdu neuf membres de ma famille — des frères, des soeurs, des neveux, des nièces. Une cinquantaine de personnes, si je compte les cousins et autres membres de la famille.
Daraa est détruite à plus de 95 %. L’infrastructure a disparu. Nous sommes obligés de puiser l'eau dans des puits. Il n’y a pas d’électricité; nous dépendons de l’énergie solaire et de simples génératrices.
Nous avons un énorme problème médical sur les bras. Il n'y a plus rien pour la chirurgie ou les tomographies axiales. Des gens risquent de mourir à cause du manque d’installations médicales.
En 2013, 19 personnes ont perdu la vie. Il y avait beaucoup de crimes contre la personne. Mon propre frère a été touché. Il venait de la ferme. Comme il y avait des tirs à Daraa, un couvre-feu a été imposé. Ceux qui venaient de la ferme ne pouvaient rien savoir. Dès qu’ils sont entrés dans la zone résidentielle, mon frère a été ciblé et tué par un tireur d’élite. La balle lui a traversé le dos et s’est retrouvée dans le corps de mon neveu.
C’est un drame personnel très pénible. Mon frère était très proche de ma mère, et sa fille était là. Il était très difficile de lui donner les premiers soins ou de l’emmener à l’hôpital, dont les installations sont également ciblées. La dernière image que nous avons de lui, c'est juste avant son dernier souffle, et nous entendons encore les sanglots. Nous n’avons pas pu l’aider. Il n'y avait rien que nous puissions faire.
Nous n'étions pas au bout de nos souffrances, car nos maisons ont été ciblées. Nous avons dû nous déplacer, nous réfugier dans les fermes. J’ai perdu un autre frère, des neveux et des nièces. Je ne suis pas mariée, mais j’ai la responsabilité d'au moins 10 enfants qui ont perdu père et mère. Nous devons les protéger. Ils ne peuvent pas aller à l'école. Il n’y a aucun endroit sûr.
Hier, j’ai parlé à mon frère et je lui ai demandé où on en était. Il a répondu: « Je ne sais pas quoi te dire; je ne sais pas où aller. »
La Ghouta est en ruines. Les gens ne font que regarder. Nous ne savons pas ce qui nous attend, nous ne savons pas ce qui va se passer. Physiquement, je suis ici, mais en esprit, je suis avec ma famille. Je serai de retour à Daraa dans quelques jours. Je ne sais pas ce qui m’attend là-bas, je ne sais pas si je vais retrouver ma famille, si nous allons pouvoir vivre ou si nous risquons de mourir à tout moment. Il n’y a pas d’avenir pour nous; nous ne savons pas ce qui va se passer. Je ne sais pas ce qui nous attend, ma famille et moi.
Les crimes sont si nombreux qu’il est difficile de les décrire. Quand on voit un baril d'explosifs largué par un avion, on ne sait pas quoi faire. Que faire? Fuir? Essayer de sauver sa peau?
Je me souviens d’une fois où je revenais de la protection civile. C'est là que je travaillais. Un baril a été largué. J’avais la possibilité de m’enfuir, mais j’ai décidé de rester avec ma famille, de ne pas l'abandonner en fuyant. Dans la vie ou dans la mort, nous resterons ensemble. Voilà de quoi il s'agit. Il n’y a pas moyen de se protéger des roquettes ni des barils qui sont largués sur nous.
Nous avons vu des choses horribles. Nous avons vu des bouts de corps d'enfants, et parfois il ne restait plus rien de ces corps. Parfois, nous devions nous déplacer et nous nous apercevions tout à coup que nous marchions sur des restes humains et du sang. Nous n’avons pas de maison, les premières nécessités de la vie nous manquent, et il n'y a aucune sécurité. Et tout cela perdure.
Nous disons à nos enfants que la guerre prendra fin demain. C'est tout ce que nous leur disons. Nous leur expliquons que les criminels seront jugés, mais nous savons, au fond de nous, qu’il n’y a pas d’espoir. Parfois, nous n’avons même pas de quoi manger. Nous avons vécu un siège où nous avons dû renoncer à notre propre nourriture pour que les enfants puissent manger. À Daraa, nous étions relativement mieux lotis qu'on ne l'était dans d’autres villes assiégées, mais nous savons que d'autres malheurs nous attendent et, franchement, nous ne voulons pas quitter notre pays.
Avant de me joindre à la protection civile, j’étais journaliste à SANA, une agence de presse officielle qui est le porte-voix du gouvernement syrien, mais je ne pouvais pas continuer ce genre de travail. Les médias syriens nous ont forcés à déformer les faits, à nier qu’il y ait une révolution et à dire qu’il s’agissait simplement de terrorisme. En fait, nous avons vu des gens éduqués, y compris des femmes et des enfants, qui réclamaient la liberté. Essentiellement, nous voulions que notre pays mérite le nom de « Syrie », mais je ne sais pas quoi penser. Cette guerre dépasse l’imagination. Nous ne méritons pas tous ces malheurs. Tout ce que nous voulions, c’était la liberté. Tout ce que nous voulions, ce sont les éléments essentiels de la vie.
Hier, lorsque je suis arrivée au Parlement, je me suis mise à pleurer. Je me suis demandé: « Comment se fait-il que nous soyons privés de telles institutions? » Le Parlement devrait représenter la population et la défendre, mais malheureusement, notre situation est ce qu'elle est.
Les souvenirs reviennent constamment... Je préférerais en avoir de meilleurs, mais ils sont profondément douloureux. Même s’il y a de quoi manger, l’appétit fait défaut. Nous ne pouvons pas dormir. Que ressent-on lorsqu'on regarde ses enfants dans les yeux et qu'on se sait incapable de les protéger? C’est un destin horrible et incertain. Nous sommes ici aujourd’hui, mais nous ne savons pas si nous serons en vie demain.
Je parle à des personnes, pas à des gouvernements. Je souhaite qu'on n’oublie pas les Syriens qui sont exterminés par toutes sortes de moyens. Je suis sûr que les tueurs resteront impunis, mais nous espérons que certains exigeront des comptes de ces criminels. Nous avons perdu confiance dans notre système de justice.
Merci.
Merci beaucoup à vous trois. Je suis sûr que je parle au nom de tous les membres du Sous-comité si je dis que nous sommes anéantis et renversés par vos témoignages.
Passons immédiatement à la première série de questions. Ce sera d'abord le député Sweet. Merci.
Merci, monsieur le président. Choukran. Merci de votre courage, de votre dévouement. As–salaam alaikum, la paix de Dieu soit avec vous.
Monsieur Ezeddin, vous avez dit que vous êtes sous le coup d'une peine de mort, même si vous avez un code de conduite très clair selon lequel vous vous engagez à ne pas vous aligner sur un parti politique quelconque, à vous limiter à porter secours à ceux qui sont en difficulté et à ne pas vous faire utiliser pour recueillir de l’information sensible de nature politique, militaire ou économique. Pourquoi seriez-vous condamné à mort, puisque vous avez pris ces engagements?
M. Nidal Ezeddin (traduction de l'interprétation):
Honnêtement, comme je l’ai dit tout à l'heure, les Casques blancs sont les premiers témoins de toutes les violations des droits de la personne en Syrie. Cela a agacé le régime et ses alliés. Pour cette raison, les alliés ont fait de nous leur première cible. Nous sommes condamnés à mourir dans toute opération menée contre la population. Nous faisons des sauvetages et nous cherchons des personnes qui ont survécu, mais nous sommes traités comme des terroristes. Le régime nous perçoit comme des terroristes.
Cette question devrait s’adresser à ceux qui nous accusent d’être des terroristes: « Pourquoi condamnez-vous à mort ces 4 000 personnes, ainsi que les ambulanciers paramédicaux qui travaillent avec elles? Quel mal faisons-nous à la collectivité? »
Nous donnons la vie. Nous soutenons la vie. Nous prenons des risques et mettons notre vie en danger. Nous n’attaquons personne. Nous donnons la vie. Nous aurions dû être mieux pris en considération par le régime. S’il tient vraiment à trouver une solution pacifique, il ne devrait pas éteindre cette bougie d’espoir.
M. Nidal Ezeddin (traduction de l'interprétation):
Oui.M. Nidal Ezeddin (traduction de l'interprétation):
Nous en avons perdu 243 Casques blancs. Trente-trois bénévoles étaient des femmes.
J’ai une dernière question à poser, après quoi je voudrais donner à M. Aboultaif la possibilité d'en poser une.
Quelle est la gravité du problème actuel des mines et des munitions non explosées? Ces projectiles non explosés sont-ils nombreux? À quel point les mines sont-elles dangereuses à l’heure actuelle?
M. Munier Mustafa (traduction de l'interprétation):
À différents endroits, des bombes à dispersion ont été utilisées, et nous avons marqué les zones ciblées par ces armes. Nous avons un rapport complet et détaillé sur la question. Évidemment, je n’ai pas assez de temps pour parler de tous ces détails au cours de cette séance. Mais nous savons exactement où se trouvent ces bombes et quand elles pourraient exploser. Notre travail consiste essentiellement à localiser ces bombes, à en retirer le plus grand nombre possible des zones résidentielles et à nous en débarrasser. Toutefois, il y a encore beaucoup de bombes dans les fermes et dans les zones ouvertes. Nous avons des cartes. Nous avons des rapports de la protection civile concernant la distribution de ces bombes. Évidemment, cela va prendre beaucoup de temps. Il nous faudra peut-être des dizaines d’années pour nous débarrasser de tout cela. Nous avons besoin d’aide. Nous avons besoin d’équipes plus nombreuses pour nous appuyer pour éliminer complètement ces armes.
Salaam alaikum.
Il y a Homs, Daraa et le Nord d’Idlib. Daraa a été la première cible, au début du conflit, puis Homs, puis le Nord d'Idlib. Où sont allés les habitants d’Homs, du Nord d’Idlib et de Daraa? Vers quels pays ont-ils fui?
M. Munier Mustafa (traduction de l'interprétation):
Je vais répondre à cette question. En raison des hostilités actives dans des endroits comme Homs, le Nord d’Idlib et Daraa, certaines des personnes qui vivaient dans ces régions ont dû être déplacées vers des pays voisins. Plus de quatre millions de personnes se trouvent en Turquie, 1,5 million en Jordanie, et certaines sont allées en Europe pour demander la protection des réfugiés et l'asile. Certaines personnes sont également venues ici, au Canada, comme réfugiés. Il s'agit de gens qui ont été déplacés et qui ont fui la mort. Certaines personnes fuient la mort pour la trouver — c'est ainsi que je veux le dire. Elles quittent une zone dangereuse et aboutissent dans une autre zone dangereuse. Elles fuient une zone de conflit et se rendent dans une autre zone où elles trouvent la mort.
Un de mes collègues a parlé plus tôt des opérations de déplacement. Des gens ont été obligés de quitter leur maison et de déménager dans différentes zones à l'intérieur des mêmes pays. Cependant, il n'y a aucune protection de l'État pour ces personnes qui, par conséquent, ont été ciblées. Beaucoup de gens ont été tués et blessés. Ils sont ciblés par différents types d'armes.
Certaines personnes ont été déplacées à l'extérieur de la Syrie comme réfugiés et certaines ont perdu leur maison en Syrie. Les gens sont ici et là.
M. Nidal Ezeddin (traduction de l'interprétation):
Il s'agit d'une tactique utilisée par le régime. On oblige les gens à se déplacer pour contrôler la région. Je vais vous parler des quartiers est d'Alep, de Homs, de la Ghouta, de Darayya, de Mu'adamiyah, d'Al-Zabadani, de Madaya et de la Ghouta orientale. Dans toutes ces régions, si vous prenez la densité de population, vous constatez que le déplacement forcé s'est amorcé il y a deux ans. Le chiffre réel dépasse cinq millions de personnes. Aucune d'entre elles n'est revenue chez elle. C'est un crime dans le meilleur sens du mot.
Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais dire que je vais partager une partie de mon temps de parole avec le député Fragiskatos.
Merci beaucoup d'être venus et d'avoir présenté un témoignage très convaincant. Il s'agit d'une question dont notre sous-comité est saisi depuis quelques années, depuis sa création, je pense. Merci de tout le travail que vous faites et merci d'être venus témoigner devant nous.
J'ai quelques questions.
Vous avez dit quelques mots au sujet de votre interaction avec les autres parties au conflit. Avez-vous des communications continues avec ces parties? Si oui, de quelle nature?
M. Munier Mustafa (traduction de l'interprétation):
Pour ce qui est de la coopération avec les autres parties, bien entendu, la défense civile est entièrement indépendante. Il ne s'agit pas d'une organisation politique ou militaire. Cependant, il doit y avoir une certaine coopération et coordination. Les militaires et les régiments militaires sont répartis dans différents endroits partout au pays. Parlez-vous de la coordination externe ou interne?
M. Munier Mustafa (traduction de l'interprétation):
Différentes parties se trouvent sur le terrain. La défense civile est très indépendante. C'est d'ailleurs un très bon aspect, parce qu'on peut faire notre travail sans faire partie d'une organisation militaire ou d'un parti politique. Nous coordonnons nos efforts pour atteindre certains endroits. Il y a des installations qui sont interdites au personnel de la défense civile par le gouvernement de Bachar al-Assad et ses alliés. Les Casques blancs n'ont pas le droit d'y aller et de faire le travail correctement en raison de la condamnation à mort qui pèse contre nous, parce que nous sommes considérés des terroristes. Toutefois, nous avons accès aux zones qui ne sont pas sous le contrôle du régime et nous pouvons y aller très facilement. Il faut une certaine coordination, une coordination très simple, pour offrir nos services très facilement à la grande majorité des gens.
Vous avez mentionné qu'environ 243 Casques blancs ont trouvé la mort à cause des services qu'ils fournissent. Que faites-vous pour assurer la sécurité de vos quelque 3 700 bénévoles civils? Comment assurez-vous la sécurité de vos bénévoles?
M. Nidal Ezeddin (traduction de l'interprétation):
Honnêtement, les services que nous offrons font partie de la mission de notre foi. Il nous incombe de protéger la vie humaine, peu importent son affiliation, sa culture, sa religion ou son ethnicité. Pour nous, une victime est une âme qu'il faut sauver. Nous tenons beaucoup à poursuivre notre travail à cet égard. Pour ce qui est des personnes qui sont mortes, je ne trouve pas les mots pour vous exprimer le sentiment qui m'habite de perdre un ami, un collègue, dans les Casques blancs. Aujourd'hui, nous avons perdu plus de 10 bénévoles à Ghouta et, avant cela — au cours des quatre dernières années —, 233 personnes ont été tuées. C'est la foi. C'est notre foi qui nous ordonne d'être là. Nous devons continuer de faire ce que nous faisons pour donner de l'espoir aux gens. Espérons qu'un jour les amis du peuple syrien ressentiront notre agonie et ouvriront tous les dossiers que nous avons en notre possession afin que les gens puissent être remboursés et qu'ils reprendront leurs droits.
Merci beaucoup.
As-salaam alaikum.
Merci beaucoup d'être ici. C'est un véritable honneur d'être en votre présence. Je ne peux qu'imaginer la tragédie indescriptible, la violence innommable et la brutalité dont vous avez été témoins.
Vous avez mentionné — et je l'ai remarqué à quelques reprises — que les Casques blancs sont entièrement indépendants. Je suis tout à fait d'accord. Cela ne fait aucun doute. J'ai suivi de très près le travail que vous faites au fil des ans. L'un des points vraiment importants au sujet des Casques blancs, c'est qu'ils se composent d'un très grand nombre de personnes aux antécédents très variés. Nous ne parlons pas seulement de médecins, d'infirmières et d'ambulanciers paramédicaux. Nous parlons d'anciens enseignants, ingénieurs, tailleurs, pompiers, etc. Il s'agit d'un véritable effort bénévole et d'un véritable mouvement organique à partir de la base.
Pendant que bien des gens dans le monde le reconnaissent, il y en a qui continuent de vous voir non pas comme un groupe indépendant, mais comme des terroristes liés à Al-Qaïda. Une recherche rapide dans Google vous permettra de le constater. Cela a beaucoup à voir avec la propagande russe.
Je vais vous donner une citation. Elle est tirée d'un livre d'un universitaire britannique, David Patrikarakos, intitulé War in 140 Characters: How Social Media is Reshaping Conflict in the Twenty-First Century. Il dit qu'autrefois, les Soviétiques essayaient de présenter l'Union soviétique comme une société modèle, mais que maintenant, il s'agit de confondre tous les problèmes avec tellement de récits que les gens ne peuvent pas reconnaître la vérité lorsqu'ils la voient.
Comment la Russie a-t-elle essayé de le faire? De toute évidence, vous le savez, mais je veux que cela figure au compte rendu. Nous parlons de robots Twitter qui diffusent de la propagande et des mensonges à votre sujet. L'État russe fait particulièrement la promotion des blogueurs — dont beaucoup ont des liens avec le soi-disant mouvement « La vérité sur le 11 septembre », qui continue de dire que le 11 septembre est le résultat d'un travail à l'interne qui est l'oeuvre de Bush fils, Wolfowitz, Rumsfeld, etc. Tous ces propos sont tenus dans des médias comme Russia Today.
Aux fins du compte rendu et pour les Canadiens qui s'intéressent à cette question, pouvez-vous nous expliquer comment cette campagne de propagande a vraiment créé une perception de l'organisation qui est complètement fausse?
M. Munier Mustafa (traduction de l'interprétation):
Oui, franchement, si nous regardons cette propagande, nous voyons beaucoup de contradictions dans ce qu'on y dit et dans les accusations portées contre les Casques blancs. Ils se contredisent. Parfois, nous sommes liés à Al-Qaïda. Parfois, nous en sommes la branche médicale ou encore nous collaborons avec les Britanniques ou les Américains. Ces accusations contradictoires prouvent simplement qu'il s'agit de désinformation contre les Casques blancs qui travaillent en Syrie. Vous vous demandez peut-être aussi pourquoi ces accusations ont été portées contre les Casques blancs. Comme nous l'avons mentionné, les Casques blancs sont les premiers à se rendre dans les endroits où des crimes sont commis. Ils sont les premiers témoins oculaires de ces crimes. Ils prennent des photos. Ils transmettent la vérité de façon neutre, sans exagérer, et ils ne font que montrer les faits sur ce qui se passe en Syrie.
Évidemment, c'est très inquiétant pour les criminels. Lorsqu'un criminel voit que vous montrez le crime qui est commis, il est certain que vous ferez l'objet de nombreuses accusations, parce que vous documentez le crime.
C'est d'ailleurs l'une des principales raisons pour lesquelles le régime Assad et ses alliés ciblent les Casques blancs en lançant des accusations qui visent à prouver au monde...
Comme vous l'avez mentionné, ce que le monde voit n'est vraiment pas grand-chose. Il y a très peu de gens qui croient ces mensonges. Je suis convaincu qu'il y a beaucoup d'amis dans le monde qui connaissent la vérité, qui voient la vérité telle qu'elle est et qui reçoivent notre documentation. En matière de défense civile, nous payons par notre sang et nos vies pour aider la population civile à l'intérieur des territoires syriens.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie infiniment d'être venus témoigner devant nous. Nous ne pouvons que nous incliner devant le courage dont vous faites preuve, au péril même de votre vie.
Vous avez abordé la question des violations des droits de la personne visant, entre autres...
Il ne semble pas y avoir d'interprétation, monsieur le président.
[Traduction]
[Français]
Je vous remerciais du courage dont vous faites preuve et d'être venus témoigner aujourd'hui.
J'ai une question à vous poser sur les violations des droits de la personne qui visent notamment les hôpitaux et les écoles. Savez-vous combien de ces établissements sont attaqués et à quelle fréquence?
[Traduction]
Oui, les Casques blancs ont des rapports et des documents sur toutes les opérations qui se déroulent à l'intérieur de la Syrie et qui ciblent les écoles, les hôpitaux et les marchés, sans oublier les centres de défense civile. Ils ont des rapports complets et des photos qui sont disponibles et les Casques blancs de même que les membres de la défense civile sont prêts à les remettre, sur demande, à toute organisation ou à toute entité qui pourrait contribuer à mettre fin à de tels crimes.
Des rapports cycliques sont produits, même lorsqu'il s'agit d'un petit processus pour secourir quelqu'un et le déplacer d'un endroit à un autre. Il y a aussi des photos qui établissent la véracité de ces rapports.
Pour ce qui est de cibler des écoles, des hôpitaux et d'autres endroits cruciaux à l'intérieur de la Syrie, tout cela est documenté à l'aide de photos et de rapports. Des témoins sont prêts à témoigner relativement à des incidents donnés et à dire à quel moment ces incidents sont survenus, ce qui s'est passé, le nombre de victimes, de décès et de personnes disparues ainsi que la nature de l'endroit ciblé.
S'agissait-il d'une école où se trouvaient des enfants? Était-ce un hôpital avec des médecins et des fournisseurs de soins de santé? Tout cela a été documenté auprès de la défense civile et les rapports sont disponibles depuis le début de la création du service de défense civile jusqu'à maintenant. On parle de plus de quatre ans.
[Français]
Je vous remercie.
J'ai d'autres questions à poser par rapport aux civils, particulièrement en ce qui a trait aux femmes et aux enfants. Je vois que des femmes font partie de votre organisation. Ont-elles des responsabilités particulières envers les femmes et les enfants qui sont des victimes? À quel point ces femmes et ces enfants ont-ils subi des violences sexuelles?
[Traduction]
Mme Mayson Almisri (traduction de l'interprétation):
Lorsqu'il s'agit de violences sexuelles, il y en a, mais pas beaucoup. Je ne connais aucune société qui en est exempte, mais les chiffres sont relativement faibles. Pour les femmes en général, il y a tellement de risques, comme les bombardements directs, le fait que nous n'avons pas d'abri sûr. Même lorsque nous faisons notre travail quotidien de défense civile, nous ne sommes pas certains de retourner à la maison ce jour-là. Il y a aussi le problème des arrestations. Beaucoup de femmes ont été détenues. Elles ont disparu. Nous ne savons pas ce qui leur arrive. Certaines personnes quittent leur lieu de détention et subissent des tortures horribles. Par conséquent, les arrestations et les détentions sont une préoccupation très importante.
Oui, il y a les bombardements, mais la détention est très grave, tout comme la situation économique des femmes. Il y a tellement de femmes qui ont perdu leur conjoint ou leurs fils et qui assument la responsabilité totale de leur propre famille. Parfois, une femme doit être déplacée dans l'espoir d'être en sécurité. Il y en a beaucoup qui espèrent trouver la sécurité et des ressources économiques pour la famille.
Un nombre important de femmes et de jeunes filles ont dû quitter l'école. Elles n'ont pas pu poursuivre leurs études parce que le régime détenait les femmes et s'en servait comme armes pour amener les familles à se rendre et à cesser de participer à la révolution. Les femmes ne peuvent pas faire d'études au-delà de la 9e année.
Pour ce qui est des services de santé prodigués aux femmes, certaines femmes enceintes sont mortes. Elles sont mortes à cause d'un manque de fournitures médicales ou d'installations médicales où des interventions chirurgicales pouvaient être pratiquées.
Beaucoup d'enfants ont perdu leurs parents. Il y a énormément d'enfants qui ne peuvent pas faire des études. Ils ne peuvent ni lire ni écrire. Beaucoup d'enfants ont subi des blessures et sont devenus handicapés. Il n'y a aucun centre de réadaptation pour ces enfants handicapés.
Beaucoup de femmes et d'enfants ont éprouvé des difficultés psychologiques, ont subi des chocs psychologiques graves et ont des problèmes psychologiques parce qu'ils ont vu des scènes horribles se produire dans leur famille ou parce qu'ils ont vu leurs parents être tués.
Imaginez un enfant qui regarde la tête de sa mère qui a été la cible d'une roquette alors qu'il pensait être en sécurité au sous-sol d'un bâtiment. Lorsque les enfants ont été secourus, ils étaient couverts de sang et de parties du corps de membres de leur propre famille, à tel point que vous ne saviez pas s'ils étaient blessés ou non. Ces enfants sont aux prises avec la peur et l'horreur dès qu'ils entendent le moindre bruit. Même s'il n'est pas fort, ils hurlent.
Lorsque je suis arrivée au Canada, j'ai entendu un autobus à un moment donné et je me suis pensée à Téhéran. J'ai pensé qu'il y avait un avion et j'ai commencé à chercher un abri. Voilà le genre de souffrance psychologique que nous avons. Nous ne pouvons pas laisser ce climat de guerre qui nous hante. Imaginez les femmes et les enfants qui ont été victimes de crimes horribles.
M. Munier Mustafa (traduction de l'interprétation):
J'ai autre chose à ajouter au sujet de la violence sexuelle en Syrie. La plupart de ces violences contre des femmes en Syrie ont lieu à l'intérieur des centres de détention dirigés par le régime Assad. Il y a tellement de gens qui en sont témoins. Il y a tellement de femmes qui ont été détenues. Maintenant, elles sont libres et sont prêtes à témoigner de ce qui leur est arrivé.M. Nidal Ezeddin (traduction de l'interprétation):
J'ai une expérience personnelle de cette situation. En 2013, ma femme a été arrêtée à l'Université de Damas. Elle a été détenue et est restée emprisonnée environ 10 jours, jusqu'à ce qu'elle se remette des effets physiques de la détention. Cinq ans plus tard, elle est isolée. Elle est incapable d'avoir des amis. Elle ne parle à personne. Elle est psychologiquement détruite. J'ai essayé de l'amener chez un psychiatre, mais malheureusement sa situation a été très difficile, et ce, après une période de détention relativement courte. Imaginez les femmes qui ont été détenues pendant un an, deux ans ou trois ans. On ne sait pas ce que sera leur avenir. On ne connaît pas leur destin. De toute évidence, ces personnes auraient souffert encore plus que ma femme.
M. Munier Mustafa (traduction de l'interprétation):
Il y a de nombreux cas de grossesse à l'intérieur des centres de détention, en raison des abus sexuels et des viols systématiques.
Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. Wrzesnewskyj, puis nous terminerons avec le député Aboultaif.
Merci, monsieur le président.
As-salaam alaikum.
Dire merci ne résume pas entièrement la gratitude que nous devons vous exprimer pour le travail que vous faites. Vous faites l'œuvre de Dieu dans un endroit où il semble que les portes de l'enfer se sont ouvertes. Ce sont les atrocités humaines les plus horribles du XXIe siècle. Que Dieu vous protège dans votre travail.
Cela dit, nous avons aussi une responsabilité et nous ne pouvons pas être des spectateurs passifs. Par vos témoignages et par ce que vous avez vu, vous nous avez montré l'enfer de la Syrie. Peut-être qu'un point de départ pour nous tous est d'être clairs, de façon à ne pas être simplement des spectateurs passifs. Nous devons appeler les choses par leur nom et nous devons affirmer clairement que le régime et ses facilitateurs russes — les généraux et les diplomates — commettent des crimes de guerre systémiques, à répétition, en toute connaissance de cause, planifiés méthodiquement et exécutés avec minutie, y compris l'utilisation d'armes prohibées, l'utilisation de tactiques prohibées, le ciblage de civils. On dénombre neuf cas documentés par l'ONU de massacres intentionnels.
Au moment où les diplomates de l'ONU discutaient de ce qui se passait et que le ministre des Affaires étrangères de la Russie, M. Lavrov, parlait de paix, des bombes incendiaires — des bombes au phosphore blanc — étaient chargées dans des avions pour être larguées sur des endroits comme Raqqa et des bombes antibunker étaient chargées dans des avions russes pour être larguées sur Alep, ciblant des civils — les enfants que vous avez décrits et qui se cachaient dans les sous-sols.
Je n'ai pas de questions à vous poser. Ma seule question s'adresse à nous tous: qu'allons-nous faire à ce sujet?
Merci.
Merci.
J'ai une question au sujet du Nord d'Idlib. Elle est plutôt technique. Idlib se trouve près de la côte syrienne où on retrouve un mélange d'ethnies et de groupes confessionnels. Avez-vous remarqué à Idlib un déplacement de certains groupes? Par exemple, les sunnites ont-ils été remplacés par des alaouites dans la région? Quelles sont les nouvelles concernant cette région en particulier? J'aimerais avoir un mémoire à ce sujet.
M. Munier Mustafa (Traduction de l'interprétation):
Les gens au nord d'Idlib, qu'ils soient alaouites, chrétiens, sunnites ou chiites, sont des êtres humains. Ce sont des Syriens. Ils ne se sont pas révoltés à cause de leur secte; la révolution était contre le régime qui les prive de démocratie. De très nombreux membres de la collectivité et de la société, quelle que soit leur confession, se sont révoltés contre le régime. Les sunnites sont peut-être la majorité, mais il y a aussi beaucoup d'autres minorités, notamment les chrétiens. Ils travaillent même avec nous en défense civile. Nous avons des gens de tous les horizons et de toutes les confessions. Ils travaillent avec les Casques blancs. Ils aident les Casques blancs. Nous sommes des frères et des sœurs qui travaillons main dans la main. Rien ne nous sépare. La cible commune, c'est que nous sommes tous condamnés à mort par le régime, parce que nous sommes les témoins oculaires de toutes les atrocités et de tous les crimes commis contre les gens et tous les partisans du régime également. Donc, je ne pense pas qu'il y ait un groupe précis de personnes ciblées dans les déplacements.
Je sais aussi que les Druzes dans de nombreux autres villages, comme au nord d'Idlib, ont déjà été ciblés, notamment dans des villages comme Kaftin. Je ne peux pas me rappeler de tous. Il y a sept ou huit villages et ces villages sont habités par des sectes différentes. Il y a aussi des chrétiens qui sont encore là et personne ne les cible. Il n'y a pas de problèmes.
Cependant, nous n'avons jamais pensé, comme Casques blancs, à faire des statistiques fondées sur des sectes et des confessions religieuses, parce que cela ne fait pas partie de notre travail. Cela n'a rien à voir avec la nature de nos activités.
Le dénominateur commun, c'est que nous sommes considérés comme des ennemis par le régime. Tous ceux qui vivent dans le Nord sont considérés comme des agents, simplement parce que nous réclamons la démocratie et rejetons la fausse démocratie pratiquée par le régime.
Merci beaucoup.
Le Canada a versé 12 millions de dollars aux Casques blancs et six autres pays ont également fourni des fonds, soit le Danemark, les Pays-Bas, les États-Unis, l'Allemagne, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni.
Pourriez-vous nous expliquer à quoi servent ces fonds?
M. Munier Mustafa (Traduction de l'interprétation):
Je vais d'abord parler des fonds versés par le Canada, puis d'autres dons faits par d'autres amis aux Casques blancs. L'argent canadien a servi à faire de la place aux femmes dans les Casques blancs et à augmenter le nombre de femmes qui font du bénévolat au sein des Casques blancs. Le pourcentage était de 0,5 % jusqu'en 2018. Maintenant, il est de 10 % et c'est grâce à l'argent et aux dons des Canadiens aux Casques blancs.
Comme vous le savez, dans toutes les collectivités, les femmes représentent la moitié de la population. En Syrie, notre culture est peut-être un peu différente de celle de l'Occident. Toutefois, sans ces dons, nous n'aurions pas eu accès à tous les milieux et toutes les parties de la collectivité. Depuis que nous avons reçu l'aide du Canada, nous avons été en mesure d'employer environ 400 femmes dans différentes régions de la Syrie. Nous avons eu accès aux collectivités, aux femmes et aux enfants, et nous avons offert nos services de façon plus efficace. Nous avons prodigué des soins médicaux. Des femmes ont prodigué des soins médicaux et des premiers soins à d'autres femmes. Tout cela grâce aux dons des Canadiens au cours des deux dernières années.
En ce qui concerne le reste des dons provenant d'autres amis, ils ont servi à faire des recherches, à retracer des gens, à acheter de l'équipement pour les recherches, à acheter de la machinerie et à verser des récompenses. Nous disons que ce sont des « récompenses », parce que ce ne sont pas des sommes importantes. Nous ne pouvons pas les appeler des « salaires ». Il s'agit de bénévolat, mais une partie de cet argent a été versée sous forme de récompenses ou de dons à d'autres membres et à d'autres bénévoles qui sacrifient leur vie. Ils ont tous une famille. Ils prennent soin de leur famille et ils avaient grandement besoin de cet argent.
Une partie de cet argent a aussi servi à des campagnes visant à informer les gens et à leur faire connaître les agressions systématiques et les préoccupations concernant les armes, les bombes, etc.
De plus, nous utilisons cet argent pour former nos bénévoles, comme ceux de la défense civile. Comme vous le savez, toute erreur commise par un officier de la défense civile pourrait lui coûter la vie. C'est donc un travail très dangereux. C'est pourquoi la formation est essentielle et cruciale à cet égard. Nous offrons des services. Nous offrons de la formation sur les services de lutte contre les incendies.
Il y a plus de détails. Je ne veux pas m'éterniser dans mes explications, mais si vous avez besoin de plus de renseignements, je serai heureux de vous en faire part.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je remercie beaucoup les témoins de leurs témoignages très impressionnants.
Nous vous suivons de loin depuis longtemps et, comme le disait ma collègue, nous apprécions grandement votre courage.
Je sais que vous recueillez de l'information sur le terrain et que vous la conservez. Certains de ces renseignements seront probablement très importants pour la suite des choses, par exemple pour s'assurer que justice sera rendue, notamment dans les cas de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.
De quelles ressources avez-vous besoin pour continuer à faire le suivi de ces crimes?
Merci. Choukran.
[Traduction]
M. Munier Mustafa (Traduction de l'interprétation):
Bien entendu, le premier besoin pour que les Casques blancs continuent leur travail, c'est que le soutien se poursuive. Sans cet appui, nous ne pouvons pas être au service de la population. Nous ne pouvons pas poursuivre nos missions de lutte contre les incendies et notre défense civile. Nous aidons les gens dans les collectivités à se réinstaller et nous les aidons aussi à revenir chez eux, à se réinstaller chez eux. C'est la première demande que nous vous faisons, mesdames et messieurs. Nous avons besoin de votre appui pour poursuivre notre travail pendant de nombreuses années.
Bien entendu, il y a des difficultés. Nous sommes aux prises avec de nombreuses difficultés, notamment le transfert d'argent. Il est très difficile pour le gouvernement canadien de nous fournir de l'argent à l'intérieur des territoires syriens, peut-être à cause des sanctions.
Les sanctions ne visent pas les Casques blancs. Il s'agit de sanctions générales. Nous travaillons dans les territoires syriens, de sorte que nous avons été visés par ces sanctions. Par conséquent, il est extrêmement difficile que cet argent parvienne aux Casques blancs, aux membres et aux bénévoles. L'argent arrive quand même, mais c'est extrêmement difficile.
Je vais vous donner un exemple simple. Depuis trois mois, nous n'avons pris aucune récompense, le petit montant que nous offrons aux bénévoles pour les aider à subvenir à leurs besoins. Depuis trois mois, les bénévoles sont privés de cette petite récompense que nous leur offrons. Cet argent sert à l'achat de nourriture, de produits de première nécessité comme l'essence et à d'autres besoins humanitaires. Nous n'avons pas reçu d'argent depuis trois mois en raison de la difficulté de transférer de l'argent. C'est une perspective générale. Je vous donne un aperçu général.
J'aimerais beaucoup aider, mais les difficultés sont surtout d'ordre logistique, à cause des sanctions.
L'autre chose que je dois réitérer et sur laquelle je dois insister, c'est de continuer à nous soutenir pour que nous puissions poursuivre notre travail.
M. Nidal Ezeddin (Traduction de l'interprétation):
Je veux aussi préciser quelque chose en toute honnêteté. L'immense aide apportée par les amis du peuple syrien nous permet de rester sur un fondement solide. Nous ne pouvons pas continuer à aider et à secourir les gens. Nous devons brosser un tableau très brillant de la paix. Nous devons mettre un terme à cette destruction en Syrie. Nous en faisons tous partie. L'appui de la population, l'appui politique, est important.
Nous voulons que les choses reviennent comme elles étaient. Nous voulons que la vie revienne. Je suis dentiste. Munier, mon ami, est pompier. « Sarah », ou Mayson, est journaliste. Notre travail nous manque, notre vie nous manque. Aidez-nous à nous relever. Aidez-nous s'il vous plaît.
Merci.
Merci beaucoup à vous trois. Vos témoignages ont été tout aussi fascinants que déchirants. Encore une fois, je sais que je parle au nom de tous les membres de notre sous-comité. Nous vous avons entendus il y a près d'un an et demi et nous continuons d'espérer que les choses vont s'améliorer, mais nous comprenons très clairement qu'elles ne s'améliorent pas. Le fait que vous soyez ici en personne et que vous racontiez votre histoire aux Canadiens de partout au pays et sur la Colline du Parlement fait une différence.
Nous amplifierons votre voix et nous veillerons à ce que votre message soit entendu, tant au sein de notre propre caucus que par les Canadiens de notre collectivité, parce que, comme mon collègue l'a dit, c'est la pire situation à l'heure actuelle dans le monde et il est important que vous documentiez ces crimes et que vous continuiez à faire ce travail afin qu'un jour, justice soit rendue et que ceux qui commettent ces atrocités soient jugés.
Sur ce, je vous remercie. La séance est levée.
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