Nous sommes présents pour la dernière réunion sur l'étude de la situation des femmes défenseures des droits de la personne.
Aujourd'hui, nous avons deux témoins.
Notre première invitée n'est pas présente, mais nous allons essayer de communiquer avec elle.
Nous avons au téléphone Mme Hend Bouziri.
Mme Bouziri est la présidente de l'Association Tounissiet, une organisation non gouvernementale tunisienne, fondée après la révolution du jasmin qui est à l'origine du printemps arabe en 2011.
[Traduction]
Nous accueillons également un témoin qui comparaît par vidéoconférence — ou qui comparaîtra bientôt. Il s'agit de la coordonnatrice de la justice dans le secteur minier d'Acción Ecológica, Mme Gloria Chicaiza. Je crois comprendre qu'il y a maintenant, au téléphone, la présidente de la Free Sight Association, Mme Arbia Jebali.
Je vais vérifier auprès de chacune de vous si vous êtes bien là.
Êtes-vous là, madame Arbia Jebali? D'accord.
[Français]
Êtes-vous là, madame Hend Bouziri?
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Je me présente: je suis Hend Bouziri, universitaire. Je représente l'Association Tounissiet.
Cette association a été créée après la révolution pour promouvoir les droits des femmes. Les lois en faveur des femmes sont très importantes, mais ce n'est pas suffisant. Il faudrait des mécanismes pour mettre ces droits en vigueur et des garanties pour que toutes les femmes et les filles bénéficient de ces droits. Bien que la Tunisie possède les lois les plus progressistes en matière de droits des femmes, une large catégorie de femmes ne bénéficie pas de ces droits.
Cinq questions vont être abordées dans mon témoignage, à savoir la justice transitionnelle et le genre, les droits économiques et sociaux, la violence politique, les problèmes concernant l'application de la loi relative à l'élimination de la violence à l'égard des femmes et les droits des femmes migrantes.
Je commence par la justice transitionnelle et le genre. Dans le cadre de notre travail sur la justice transitionnelle et le genre, nous avons constaté que les violations avaient été très graves et qu'elles avaient été commises à l'égard des femmes durant la période de la dictature, avant la révolution. Trois aspects marquent ces violations dans le contexte tunisien. Premièrement, les femmes et les filles victimes sont des activistes ou des parentes d'activistes. Les violations sont aussi graves ou plus graves dans le cas des femmes qui sont des victimes indirectes. Ces femmes ont en effet été utilisées pour punir leurs proches. Ces violations comportent des spécificités. Un important travail a été fait pour souligner ces spécificités, qui sont sexuelles, économiques, sociales, psychologiques, et ainsi de suite. Il y a aussi un fait marquant, et c'est que ces violations ont duré dans le temps. C'est le cas notamment des violations en matière de droit du travail et de droit à la mobilité, du divorce forcé et, bien entendu, des violations sexuelles. La troisième spécificité est que l'État était à l'origine de ces violations, par l'entremise de ses institutions, mais aussi par celle de lois et de décrets spécifiques.
L'Instance vérité et dignité, ou IVD, établie par la loi dans le contexte de la justice transitionnelle, a remis récemment son rapport final, mais celui-ci n'a pas reflété les violations à l'égard des femmes, essentiellement les violences sexuelles. Il en est question seulement dans les recommandations. Le rapport n'expose pas les faits comme il l'a fait dans le cas d'autres violations. Aussi, ce rapport ne souligne pas que l'État doit réhabiliter ces victimes au sein des structures existantes dans les ministères de la Femme et de la Santé, qui ont par ailleurs comme responsabilité la prise en charge des femmes victimes de violence.
Un autre problème concerne l'accès des femmes victimes aux chambres spécialisées. Vu que la plupart des violations ont été commises hors du cadre juridique et que les faits sont difficilement établis par des pièces à conviction, les violations à l'égard des femmes risquent de reprendre. La mémoire n'a pas été préservée, la vérité n'a pas été établie et l'État n'a pas reconnu ces faits. Il est donc nécessaire d'accompagner les personnes dans le processus de justice transitionnelle et de genre, après les avoir aidées. Pour ce faire, nous appelons le gouvernement tunisien à s'engager, fermement et formellement, à élaborer un plan d'action et des programmes reflétant les recommandations du rapport final de l'IVD sur les réformes institutionnelles visant à garantir que les violations des droits de la personne, notamment les droits des femmes, ne se répètent pas. En particulier, nous soulignons l'importance des chambres criminelles spécialisées en tant que véritable gage du processus de la justice transitionnelle et qu'ultime garant de la révélation de la vérité ainsi que de la lutte contre l'impunité.
Le deuxième point de mon témoignage porte sur les droits économiques et sociaux. Les droits des femmes et des filles reflètent un manque d'équité entre les divers milieux, soit les milieux urbains, périurbains et ruraux. Il s'agit essentiellement de la mobilité et de l'accès aux services de transport et de santé.
Il y a deux jours, 12 femmes travaillant en milieu agricole ont perdu la vie, parce qu'elles ont été transportées d'une façon précaire aux champs où elles devaient travailler. Les conditions de travail, le transport des femmes aux exploitations agricoles et la sécurité sociale des femmes en milieu agricole constituent une problématique sociétale touchant près de 30 % des femmes tunisiennes.
L'accès à la santé constitue aussi un problème pour ces femmes et ces filles. Cela a pour effet que la Tunisie a un taux de mortalité à la naissance très élevé. Il est donc nécessaire de se doter de politiques et de services publics locaux sensibles au genre compte tenu de l'émergence de la décentralisation.
Le troisième point en est un autre qui touche à la participation des femmes dans la transition démocratique. Il concerne la violence politique qui touche les femmes se présentant aux élections. Cela est d'autant plus clair que, déjà, le climat politique est très agressif, ce qui a des conséquences particulièrement sur les femmes politiciennes, qui ne participent généralement pas aux débats médiatiques. Cette violence, nous l'avons aussi notée dans notre travail avec les femmes élues dans divers partis politiques qui ne prennent pas en considération le genre dans leur travail et leurs statuts internes. Les femmes se voient exclues des postes de décision dans leur parti. Donc, elles ne sont pas prêtes à tenir des postes d'une façon efficace dans le Parlement et le gouvernement, d'où la nécessité d'inclure la parité dans les directions exécutives et les postes de décision des partis politiques, mais aussi dans les syndicats.
Le quatrième point concerne l'application de la loi organique de 2017 relative à l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Bien qu'elle soit révolutionnaire, le législateur peine à l'appliquer en raison du manque de dispositifs d'accueil des femmes victimes de violence, en plus de l'absence de mise en place de politiques publiques efficaces pour que l'État contribue à l'élimination de toute forme de violence faite aux femmes, comme le stipule la loi. Ces dispositifs doivent obéir aux normes de sécurité et d'accessibilité.
Le cinquième point concerne les femmes migrantes. Selon le bureau de l'Organisation internationale pour les migrations, ou OIM, le nombre de migrants actuellement dans notre pays s'élève à 75 000. Le nombre des femmes et des filles a augmenté ces dernières années. Il a pu atteindre presque la moitié du nombre de migrants irréguliers, demandeurs d'asile et réfugiés. Cette population vulnérable se bute à des problèmes particuliers, par exemple, la connaissance de leurs droits selon la législation nationale ainsi que l'accès à ces droits et leur justiciabilité.
En outre, leur situation irrégulière les expose parfois à des situations de marginalisation et de précarité, à tous types de violence morale, sexuelle et économique et à la traite des êtres humains, précisément à des fins économiques et de prostitution. Ces différents besoins ne sont toujours pas pris en considération par le gouvernement. La loi organique de 2017 relative à l'élimination de la violence à l'égard des femmes ne leur a pas dédié de dispositions spéciales pas plus que la Stratégie nationale de lutte contre la violence à l'égard des femmes. Bien que la future loi organique relative à l'élimination de la discrimination raciale ait incriminé les actes de discrimination basés sur l'origine raciale et l'ethnie, elle n'est pas encore en vigueur. La loi organique de 2016 relative à la lutte contre la traite des êtres humains, bien qu'elle commence à être applicable avec la mise en place de l'instance nationale de prévention de la traite des êtres humains, ne touche pas les cas de violences subies par les migrantes demanderesses d'asile et réfugiées, mais exclusivement celles victimes de traite.
Cela met fin à mon témoignage.
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Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Bonjour.
Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de vous parler de certains cas dans cet espace important et grâce au lien que l'ONG KAIROS nous donne.
Je m'appelle Gloria Chicaiza. Je suis une défenseure des droits environnementaux et des droits de la personne. Je fais partie d'une organisation de l'Équateur qui s'appelle Acción Ecológica. Il s'agit de l'une des plus vieilles organisations en Équateur et l'une des plus importantes. Depuis plus de 30 ans, nous défendons les droits de la nature, de la personne et de l'environnement et les droits liés au territoire. De plus, nous luttons pour les droits des femmes défenseures des droits de la personne.
En fait, notre organisation se compose essentiellement de femmes. La majorité de ses membres sont des femmes. Je dois dire que ces dernières années, surtout au cours de la dernière décennie, en près de sept ans seulement, à deux reprises, on a essayé de détruire notre organisation en s'attaquant systématiquement aux membres et en employant des manoeuvres d'humiliation publique. On a été hostile envers nous et on nous a intimidés. Il y a un manque de sécurité et de démocratie en Équateur.
Dans ce contexte, Acción Ecológica collabore avec des réseaux internationaux. J'aimerais vous parler du travail qu'accomplit le réseau, le réseau latino-américain des femmes défenseures des droits, qui défend également les droits sociaux et environnementaux. J'aimerais aussi parler des cas locaux et régionaux de ce réseau, qui travaille dans 10 pays latino-américains, de même que des perspectives régionales que nous avons élaborées afin de présenter des rapports à la Commission interaméricaine des droits de l'homme.
Tout cela est attribuable à la demande internationale croissante de minéraux et surtout, d'extraction. La demande de minéraux exerce une forte pression sur nos territoires, ce qui a d'importantes répercussions. Cela a des répercussions particulières sur les femmes. Être une femme défenseure des droits en Amérique latine comporte des risques.
Malheureusement, le lien entre la défense des droits liés au territoire et à l'environnement est devenu une menace concrète en Amérique latine, et certainement dans le monde entier.
Nous avons relevé une série d'indicateurs, et nous avons présenté des rapports d'organismes comme Global Witness, Amnistie internationale et la Commission interaméricaine des droits de l'homme. Par exemple, des rapports de Global Witness de 2015 indiquaient que 185 chefs de file en matière d'environnement dans le monde avaient été assassinés, dont 122 en Amérique latine.
Des défenseurs de première ligne ont signalé qu'en 2016, 281 personnes dans 25 pays ont été assassinées, et 49 % d'entre elles travaillaient à la défense de l'environnement et du territoire. On parle de villages ruraux où vivent des peuples autochtones et des paysans. Dans 143 de ces cas, cela s'est passé en Colombie, au Brésil, au Honduras, au Guatemala, au Salvador et au Pérou, soit les pays où se trouvent nos bureaux du réseau latino-américain. Voilà pourquoi je mets l'accent là-dessus.
Au début de 2017, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a publié un communiqué de presse dans lequel elle disait que, jusqu'à ce moment-là, en 2017, elle avait déjà signalé 14 meurtres de défenseurs des droits de la personne: 7 en Colombie, 2 au Guatemala, 2 au Mexique et 3 au Nicaragua. La Commission interaméricaine des droits de l'homme s'est dite préoccupée par la hausse dévastatrice du nombre d'actes de violence perpétrés contre des gens qui manifestent contre des projets de développement ou des projets miniers, ceux qui défendaient les ressources naturelles ou les territoires, et les peuples autochtones de la région, d'après les renseignements fournis par la société civile.
Ils représentent maintenant 41 % de tous les homicides ou les meurtres dans la région, de défenseurs dans la région. Environ 14 % des victimes des meurtres commis sont des femmes défenseures, mais ces statistiques ne suffisent pas. Elles ne nous parlent pas de tous les meurtres qui sont commis et ne nous expliquent pas tout ce qui s'est passé en réalité. Il se cache bien des choses derrière les statistiques.
Au-delà des meurtres, un nombre important d'autres types d'agression sont commis. En fait, en 2014, l'initiative méso-américaine des femmes défenseures a recensé plus de 700 agressions contre des femmes défenseures au Salvador, au Guatemala, au Honduras et au Mexique. Parmi les 287 cas, 38 % concernaient des défenseures des ressources naturelles et du territoire. Dans ce contexte, les types d'agression commis étaient principalement les suivants: calomnie, campagne de diffamation, menaces, avertissements et ultimatums, intimidation, et intimidation psychologique des femmes.
En plus de ce panorama déchirant, les États ne prennent aucune mesure pour réglementer ousurveiller les droits des citoyennes et des défenseures pour mettre en oeuvre les normes et les procédures qui devraient assurer le soutien de ces femmes. Comme je l'ai dit, les répercussions sur les femmes sont différentes et même si elles sont invisibles, je veux les mentionner ici. Je veux vous parler de leur expérience d'un point de vue régional.
Ici, par exemple, il y a l'appropriation des terres par les sociétés minières, qui entraîne la contamination de la terre. Il y a une pénurie d'eau, et cela fait en sorte que les femmes doivent aller ailleurs en raison du manque de ces ressources ou parce qu'elles ne peuvent plus y avoir accès. Les femmes sont obligées d'essayer de trouver des ressources et de la nourriture pour leur famille. Elles risquent alors de se retrouver dans une situation de plus grande pauvreté, d'être exploitées et de subir différents types de violence.
De plus, ces sociétés compromettent la capacité des femmes d'utiliser les terres, étant donné qu'il est difficile d'y accéder. Au Pérou, par exemple, 79 % des terres sont détenues par des hommes et seulement 21 %, par des femmes.
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Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Le fait est que les femmes qui défendent les droits, qu'il s'agisse de droits sociaux ou de droits environnementaux, sont menacées. Elles se font intimider. Cela ne facilite pas les choses et, en plus, les actes sont commis en toute impunité à tel point qu'il est difficile pour nous de faire notre travail. Toutes sortes de dangers créent des obstacles et font en sorte que des femmes perdent l'envie de mener ces activités de défense des droits de l'environnement et de la personne.
En ce qui concerne ces menaces, même les menaces à la vie, ce que nous constatons, essentiellement, c'est que les États ne prennent pas de mesures concernant ces droits, qui doivent être respectés. Les pays d'où proviennent les sociétés minières devraient également les respecter. Si des minéraux sont utilisés dans un territoire donné, dans un territoire où ils n'ont pas été produits, cela signifie qu'il récolte les fruits des sacrifices d'autres territoires et d'autres personnes. D'un côté, ces États doivent nous donner une protection. Ils doivent assurer notre sécurité afin que nous puissions défendre nos droits. Également, les lois actuelles — les lois canadiennes par exemple — doivent être plus strictes sur le plan du respect des droits de la personne et faire en sorte que les entreprises qui mènent des activités sur nos territoires respectent les droits de la personne et ne commettent pas des violations du fait des interventions minières, par exemple, du Canada, sur notre territoire.
Merci beaucoup.
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Merci, madame la présidente.
J'ai écouté l'intervention de l'activiste de la Tunisie, et les points que j'ai préparés pour mon témoignage sont pratiquement les mêmes que les siens.
Les points 2, 3 et 4 étaient relatifs aux droits économiques et sociaux, à la parité aux élections et à la loi intégrale relative à la lutte contre la violence à l'égard des femmes. Afin de gagner du temps, je vais simplement ajouter deux autres points.
Premièrement, le gouvernement doit être plus sérieux pour ce qui est de suivre les mécanismes d'application des lois approuvées. Comme l'a dit ma collègue, une catastrophe a causé la mort de plusieurs femmes qui travaillaient dans le domaine de l'agriculture, il y a deux jours. Il existe un protocole de coopération et une convention entre les parties prenantes. Cependant, le suivi de notre gouvernement, et spécialement du ministère de la Femme, de la Famille, de l'Enfance et des Seniors, n'est pas sérieux. C'est pourquoi nous n'arrivons pas à résoudre nos problèmes relatifs à la violence faite aux femmes.
Deuxièmement, le harcèlement que subissent les femmes est difficile à prouver. Dans la loi intégrale, plusieurs types de violence sont mentionnés, mais, en pratique, il n'y a pas de mécanismes ou d'outils pour les prouver. C'est très difficile de prouver cela surtout quand il n'y a pas de témoin. On se base sur d'autres lois, les lois administratives par exemple, pour prouver que la femme est toujours fautive. On le voit souvent contre les défenseurs des droits de la personne en général et des droits des femmes en particulier.
C'est ainsi que se termine mon témoignage.
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Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Merci beaucoup.
Je parle de deux différentes organisations. Il y a l'organisation locale, Acción Ecológica. En sept ans, à deux reprises, des mesures ont été prises dans le but de détruire notre organisation. Cependant, je parle aussi de l'organisation régionale, soit le Réseau latino-américain des femmes défenseures des droits sociaux et environnementaux, qui est présente dans plusieurs pays latino-américains. Ce réseau a été harcelé à plusieurs reprises.
Par exemple, des gens, comme Berta Cáceres, ont été assassinés, mais d'autres formes de violence ont été utilisées également, comme la stigmatisation. Dans d'autres cas, on s'est montré hostile envers les femmes, comme l'a fait l'ex-président Correa.
De plus, nos images, nos visages, ont été exposés publiquement sur des écrans pour nous stigmatiser et stigmatiser les femmes. On nous accuse de ne pas rester à la maison, de ne pas travailler uniquement à la maison. On s'en prend à ces femmes parce qu'elles participent à des manifestations et qu'elles y participent activement avec leurs enfants. Les femmes des communautés rurales en particulier se font harceler. On les harcèle parce que leurs enfants sont avec elles.
Des femmes autochtones et des paysannes des communautés rurales participent souvent à des manifestations avec leurs enfants et, par conséquent, on les stigmatise. Trois types d'acteurs les stigmatisent: les dirigeants locaux, les entreprises qui sont présentes dans la communauté et le gouvernement.
Je devrais peut-être mentionner rapidement que nous avons présenté un rapport à la Commission interaméricaine des droits de l'homme. Nous avons mentionné, par exemple, le meurtre de Dora Sorto et la criminalisation des femmes défenseures des droits de la personne, ainsi que le cas de l'Équateur, par exemple, sur le territoire Shuar, où denombreuses femmes autochtones du peuple des Shuars subissent les effets de la militarisation.
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Les choses ont totalement changé après la révolution. Les types de violation ne sont plus des violations par l'État. Elles viennent peut-être d'actions indépendantes de policiers ou autres à l'égard des personnes qui essaient de s'exprimer sur Internet et sur les réseaux sociaux. Ce ne sont pas des mesures qui ont été, en quelque sorte, préétablies par l'État, mais plutôt des actions indépendantes. Dans notre travail sur la justice transitionnelle et le genre, nous avons eu quelques problèmes relativement à des actions menées de façon indépendante par des soi-disant policiers. Cela n'a pas été fait de façon claire. Par exemple, après le témoignage d'une participante, cette dernière a subi une action dans la rue de la part d'un soi-disant policier, qui était en civil et qui l'a sommée de se taire. Le système de l'État, c'est-à-dire les services de sécurité, n'est pas affilié à la justice transitionnelle. Ainsi, pour nous, c'est important que l'État s'engage à favoriser la non-répétition des actions et des violations qui ont été faites avant la révolution. Pour nous, c'est très important d'accomplir le processus sur la justice transitionnelle et le genre. C'est très important que les recommandations de l'IVD et de la société civile soient prises en considération pour qu'il y ait une rupture avec l'impunité de ces violations.
Nous attendons que les États démocratiques accompagnent la Tunisie dans l'application de la justice transitionnelle, et, essentiellement, dans l'intégration du genre dans ce processus, la réhabilitation des victimes et l'établissement de la vérité.
Nous accomplissons notre travail, c'est vrai, dans le cadre de séminaires et d'ateliers, mais nous travaillons aussi avec la population, sur le terrain, avec les femmes, dans les milieux ruraux. C'est important pour nous de favoriser la promotion des droits sociaux et économiques. Pour l'avenir, pour l'établissement de la paix et de la sécurité et pour la lutte contre le terrorisme, c'est aussi très important d'avoir ce climat de paix et de sérénité dans les milieux les plus favorisés. On parle essentiellement des zones rurales et des zones périurbaines, là où il y a un taux élevé de radicalisation et de migration clandestine.
Pour ce qui est du harcèlement des défenseurs des droits des femmes, des blogueuses ou autres, des femmes qui travaillent et qui sont actives en matière de plaidoyers, de propositions de loi et de programmes, qui font des suivis, et qui plaident pour faire pression sur le gouvernement afin qu'il applique les lois et soit plus efficace vis-à-vis des droits des femmes, voici ma réponse: oui, nous subissons tout le temps des arrestations et du harcèlement, surtout dans les manifestations. Nous avons plusieurs témoignages à cet égard.
Il y a les agressions directes et indirectes. Je peux moi-même témoigner au sujet des agressions indirectes. J'ai travaillé 20 ans dans un ministère et, à cause de mon activisme, j'étais victime de harcèlement administratif. Je suis passée devant des conseils de discipline jusqu'à ce que je quitte mon poste au ministère. C'est une sorte de violence, et cela se produit même pendant les rencontres du conseil de discipline. On me dit que, depuis quelques années, je ne suis pas correcte, je ne suis pas — comme on le dit à la tunisienne — comme avant, c'est-à-dire avant de faire de l'activisme.
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Dans le contexte de la détention, il n'y a pas de mesures qui sont appliquées de façon systématique à l'égard des défenseurs des droits de la personne, mais il y a des actions isolées. Quand il s'agit de femmes, on craint toujours qu'il y ait plus de violations. Or les faits démontrent que l'État n'est pas impliqué de façon systématique dans des violations à l'égard des activistes, que ce soit des hommes ou des femmes. Cependant, des mesures sont prises de façon isolée. Il y a quelques témoignages, mais ils ne sont pas de nature à démontrer que c'est fait de façon systématique.
D'autre part, parce que nous vivons dans une période transitoire, que nous avons connu la dictature et qu'il n'est pas garanti que ce système ne sera pas réinstauré, en tant que membres de la société civile et que défenseurs des droits de la personne, nous soutenons le travail de la justice transitionnelle. Nous essayons en quelque sorte de dévoiler les violations commises envers les activistes hommes, mais essentiellement envers les femmes — parce qu'elles sont plus graves dans le cas des femmes — et nous tentons de faire en sorte que l'État s'engage de façon ferme et formelle à ce que ce système de violations ne soit pas réinstauré. Pour le moment, l'État ne s'engage pas dans ce processus. Le gouvernement a seulement accepté un rapport très récemment et rien, sur le plan politique, ne garantit que les résultats de la justice transitionnelle seront adoptés.
Comme je l'ai dit, le plus grave est que, même dans le rapport de l'IVD, on n'a pas rapporté de façon équitable les violations commises envers les femmes, essentiellement des violations sexuelles. En tant que membres de la société civile, nous essayons de faire en sorte que l'État reconnaisse ces violations pour que ces pratiques prennent fin.
Concernant les violences politiques, nous traversons une période de transition vers la démocratie et nous allons bientôt — c'est-à-dire en 2019 — vivre des élections législatives et présidentielles. Or, bien que le cadre législatif soit fortement en faveur de la participation des femmes, nous notons qu'elles sont toujours réticentes. Les femmes ne participent pas de façon active à la politique parce que les violences politiques touchent davantage les femmes, essentiellement dans le cadre de débats agressifs dans les médias. En outre, les partis politiques ne prennent pas en considération ce problème dans leurs statuts internes, et les femmes se voient éliminées des postes de décision, même si le cadre législatif général stipule qu'il y a parité. Les femmes sont poussées vers la participation, mais cette participation n'est pas effective.
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Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Oui, la violence sexuelle et la violence physique font partie des manifestations les plus importantes de la violence faite aux femmes lorsque, par exemple, l'industrie minière est présente dans certaines régions. Il ne fait aucun doute que nous avons besoin d'une intervention efficace pour mettre fin aux situations où les femmes sont vulnérables. Elles peuvent être victimes de répression et de détention. Elles peuvent être insultées, harcelées ou menacées. Elles pourraient même être violées. Dans ce cas, je crois que l'intervention d'un ombudsman serait essentielle, et qu'il serait important qu'il soit indépendant de l'industrie minière afin de jouer un rôle vraiment utile et d'assurer le respect des protocoles actuels dans notre pays.
Il pourrait également nous aider à avoir accès à la justice, même à la justice au Canada, car c'est un défi pour nous en ce moment. Il nous est difficile d'avoir accès à la justice compte tenu des violations commises dans notre pays. Il s'agit des violations que vous avez déjà mentionnées, mais également des violations des droits de la personne et de l'environnement commises par des sociétés minières dans notre pays. Des rapports spécifiques et spécialisés sur les femmes seraient d'une très grande importance également, tout comme d'exiger que le gouvernement équatorien ait des politiques de protection des défenseurs des droits de la personne. Ce serait également très important.
Dans les lois sur la lutte contre la violence, on ne mentionne pas que la violence peut être commise par l'État. Pour nous, il est très important que, dans l'application des lois, on tienne compte du fait que l'État peut aussi exercer ce type de violence. Lorsque cette violence est commise par l'État, cela devient plus grave que lorsqu'elle est le fait d'un conjoint ou d'une autre personne. Il est très important que soit inscrite cette catégorie de violence. Il faut procéder à des réformes institutionnelles, du système de détention et des forces de sécurité pour garantir que ce type de violence, par exemple les viols, ne recommence pas.
Le Canada pourrait contribuer à cette lutte contre la violence au moyen de programmes pour appuyer l'État tunisien. Nous, de la société civile, trouvons très important que, dans l'application de tels programmes et dans le suivi et l'audit des projets, on garantisse l'égalité des chances et des genres.