SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 2 avril 2019
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je vous souhaite la bienvenue et suis heureuse de vous voir tous ici pour cette audience de témoins. Nous poursuivons notre étude sur les femmes défenseurs des droits humains.
Nous entendrons deux témoins aujourd'hui.
Nous accueillons Sara Hossain, par vidéoconférence, de Genève.
Mme Hossain pratique le droit constitutionnel, d'intérêt public et familial à la Cour suprême du Bangladesh. Elle siège à titre bénévole en tant que directrice générale honoraire au Bangladesh Legal Aid and Services Trust, abrégé sous le sigle BLAST. Cette fiducie veille à rendre le système juridique du Bangladesh plus accessible aux gens défavorisés et marginalisés. Vous verrez notamment dans sa biographie qu'elle est directrice générale honoraire de services d'aide juridique et qu'elle a remporté l'International Women of Courage Award en 2016, remis par le secrétaire d'État américain.
Nous commencerons par Mme Hossain, mais je vais tout d'abord présenter le témoin qui se trouve parmi nous ici aujourd'hui: Asiya Nasir, politicienne pakistanaise et parlementaire affiliée au parti politique Jamiat Ulema-e-Islam. Elle a siégé à l'Assemblée nationale du Pakistan de 2002 à mai 2018. Elle s'oppose à l'interdiction de consommer de l'alcool pour les Pakistanais non musulmans et à l'interdiction pour les non-musulmans d'être élus premier ministre ou président du Pakistan. Son CV a également été distribué aux membres du Comité.
Je souhaite la bienvenue aux deux témoins. Je vous rappelle que nous étudions bien sûr les difficultés et les enjeux auxquels sont confrontées les femmes défenseurs des droits humains dans le monde.
Nous allons commencer par la vidéoconférence.
Madame Hossain, vous avez 10 minutes pour livrer votre déclaration liminaire.
C'est parfait. Je vous remercie beaucoup.
Bonjour et merci de l'occasion de témoigner dans le cadre de votre étude sur les femmes défenseurs des droits humains. Je pense que vos travaux actuels répondent à un besoin criant.
Ma déclaration se fonde sur mon expérience au sein du Bangladesh Legal Aid and Services Trust. Je vais parler des risques qu'affrontent les femmes défenseurs des droits de la personne afin d'obtenir l'accès à la justice, pour elles ou pour d'autres, et de la façon dont divers enjeux qui se recoupent les touchent, comme l'ethnicité, la sexualité, la langue et les handicaps.
Comme vous l'avez entendu, je suis avocate en pratique privée et je travaille à titre bénévole chez BLAST. Ma déclaration ne portera pas sur mes circonstances personnelles, mais plutôt sur les expériences que vivent mes collègues et clientes qui sont des femmes défenseurs des droits de la personne.
Avant que je vous présente nos principales préoccupations, permettez-moi d'aborder le travail que nous faisons chez BLAST. Nous sommes une organisation inhabituelle établie dans la foulée d'une résolution du Conseil du Barreau du Bangladesh, notre organisme de réglementation professionnelle, dans le cadre de son engagement à fournir de l'aide juridique aux personnes démunies et aux communautés marginalisées. Notre organisation a été fondée à l'époque où le Bangladesh effectuait la transition entre le régime militaire et le gouvernement élu.
Après 25 ans d'existence, nous offrons des services dans les 64 districts du pays et les associations du barreau local gèrent nos bureaux dans chaque district. Nous comptons quelque 500 employés et 2 500 avocats membres d'un réseau d'avocats bénévoles. Nous travaillons de plus en plus avec les organisations communautaires et les universités dans le cadre de cliniques juridiques et de cliniques de droit communautaire.
Nos services juridiques comprennent des programmes de sensibilisation communautaire aux droits, aux recours et aux services. Nous défendons majoritairement des particuliers en matière de droit familial, mais aussi en ce qui a trait au droit foncier et constitutionnel ainsi qu'au droit du travail et à la justice pénale. Sur le plan stratégique, nous contestons également les lois, les politiques et les mesures discriminatoires ou arbitraires.
Nous participons activement à la condamnation de l'impunité dans les cas de violence à l'égard des femmes et, en particulier, de mariage d'enfant, de violence conjugale et de viol. Nous défendons des femmes et des filles victimes de violence issues des communautés marginalisées. Certaines de nos contestations historiques en matière d'égalité portent sur la violence prétendument fondée sur la fatwa, le port du voile forcé, la discrimination policière dans le traitement des plaintes pour viol déposées par des femmes autochtones, l'interdiction récente de ce qu'on appelle le test des deux doigts — une procédure médico-légale — ainsi que sur la discrimination des personnes handicapées relativement à l'emploi dans la fonction publique.
De notre point de vue, les femmes défenseurs des droits de la personne oeuvrent à défendre une panoplie de droits et de communautés. Leurs efforts portent notamment sur les droits civils et fondamentaux, les disparitions alléguées, les extraditions menant au meurtre ou à la torture de membres de la famille; la liberté d'expression et d'association, surtout concernant les militantes des droits du travail; les droits économiques et sociaux liés au logement et à la contestation des évictions forcées; et le droit à l'éducation et à la santé. Ces femmes aident entre autres des communautés autochtones, des minorités sexuelles, des personnes handicapées ou les Dalits.
J'aimerais tout d'abord vous présenter quelques cas emblématiques qui, je l'espère, illustreront nos grandes préoccupations à l'égard des femmes défenseurs des droits de la personne.
Kalpana Chakma résidait dans la région des collines de Chittagong dans le Sud-Est du Bangladesh, dont la population se composait majoritairement d'Autochtones jusqu'à récemment. Kalpana était une femme défenseur des droits de la personne, une dirigeante de la Fédération des femmes des collines et une militante bien connue des droits des femmes. Elle aurait été kidnappée chez elle en 1996. Depuis plus de 20 ans, cette affaire demeure sous enquête. Une troisième enquête a été lancée, et on n'en voit pas la fin. Il s'agit d'un cas clair, vérifiable et flagrant d'impunité totale qui a été vécu comme une douche d'eau froide par les femmes militantes dans la région et le reste du pays.
Il y a aussi le cas de Rizwana Hasan, avocate et dirigeante de l'Association des avocats en droit environnemental du Bangladesh, qui a mené une poursuite historique en matière de droits et de justice environnementale. Il y a quelques années, son mari a été enlevé. Il n'a été retrouvé qu'après les appels publics qu'elle a lancés, notamment au premier ministre. Il s'agit d'un autre cas à glacer le sang pour nombre d'entre nous.
Permettez-moi d'évoquer un cas plus récent qui ne concerne pas une personne bien connue comme Kalpana ou Rizwana, mais une jeune femme tout à fait ordinaire. Cette enseignante d'une ville d'un district éloigné a fait appel à nos services l'an dernier. Enceinte de six mois, elle a été arrêtée à environ une heure du matin chez elle, où elle dormait avec son mari et son fils de cinq ans. La police affirme qu'elle a publié son appui sur Facebook à un mouvement étudiant sur la sécurité routière. Elle a été détenue pendant la nuit au poste de police et durant plusieurs semaines dans une prison locale n'offrant aucun soin de santé aux femmes. Le tribunal de première instance et la cour d'appel lui ont refusé la libération sous caution. Elle l'a finalement obtenue en cour supérieure après que nous avons fourni un certificat médical sur l'évolution de sa grossesse. Le bureau du procureur général n'avait pas la possibilité de présenter un contre-argument, même s'il s'opposait à sa libération.
Permettez-moi de vous parler de quelques cas de menace et de risque quotidiens auxquels sont confrontées les femmes défenseurs des droits de la personne. Comme je l'ai dit, nous considérons non seulement les avocats, mais aussi d'autres personnes comme des défendeurs des droits de la personne, c'est-à-dire tous ceux et celles qui protègent et défendent ces droits.
Nos collègues de première ligne, nos parajuristes, font face à des risques particuliers. Surtout celles qui travaillent dans des quartiers informels urbains situés dans des communautés à faible revenu ont mentionné de nombreuses situations, souvent quotidiennes, où les dirigeants communautaires, en particulier ceux qui sont âgés et influents, les ont menacées et essayé de les empêcher de fournir un soutien aux femmes et aux enfants victimes de violence.
Dans un cas, par exemple, de violence sexuelle envers un enfant, l'une de nos femmes parajuristes essayait de soutenir cet enfant et sa famille dans cette épreuve. Elle s'est retrouvée encerclée dans ce lotissement densément peuplé et, craignant d'être blessée physiquement, elle a dû quitter les lieux et n'a pas pu poursuivre son travail.
Les femmes parajuristes nous disent aussi qu'elles font face à de nombreuses menaces auxquelles ne pensent même pas leurs collègues masculins. Par exemple, elles ne peuvent pas travailler dans ces quartiers après le crépuscule, car les risques d'agression physique sont trop élevés. Même en plein jour, elles font constamment l'objet de commentaires au sujet de leurs vêtements, de leur apparence ou du simple fait qu'elles rentrent chez les gens, et on les accuse souvent de briser des familles ou d'essayer de troubler la paix.
On leur reproche souvent de ne pas avoir elles-mêmes de familles. On les interroge sur leur situation personnelle: on veut savoir si elles sont mariées ou pourquoi elles ne le sont pas, combien d'enfants elles ont, etc. On leur fait généralement sentir que leur état matrimonial est plus pertinent que leurs capacités et leurs aptitudes à travailler.
Elles sont aussi nombreuses à recevoir des cybermenaces. Leurs collègues masculins en reçoivent également, mais les femmes y sont particulièrement exposées, encore une fois en raison de leur sexualité, de leur comportement et de leur tenue vestimentaire.
Nous comptons aussi des défenseurs des droits de la personne qui sont transgenres, de la communauté hijra, qui essaient de faire respecter et de promouvoir les droits des communautés hijra, vu la récente reconnaissance de cette communauté par des hauts placés du gouvernement. Elles font face à des menaces particulières à trois niveaux: premièrement, celles provenant d'autres groupes de hijras, avec lesquels elles peuvent avoir des rivalités; deuxièmement, celles proférées par des dirigeants de la communauté hijra; et troisièmement, celles qui proviennent des services policiers, lesquels refusent souvent de recevoir leurs plaintes ou sont peu disposés à le faire lorsqu'elles se rendent dans les postes de police pour dénoncer la violence de leur propre collectivité.
Quant aux femmes défenseurs des droits de la personne qui se préoccupent des droits des LGBT, la menace de violence est particulièrement grave, qu'elles soient elles-mêmes membres de la communauté ou non. C'est parce qu'il y a très peu d'espaces sûrs pour parler des questions relatives aux LGBT. Comme pour une grande partie du monde postcolonial, nous sommes toujours confrontés à ce tristement célèbre article 377 de notre Code pénal qui, en réalité, criminalise les relations homosexuelles.
Les meurtres de deux éminents militants LGBT en 2016 ont ébranlé le mouvement dans ses fondements. Au Bangladesh, c'est un mouvement émergent des 10 dernières années, mais il a connu un sérieux recul à la suite de cet incident de 2016. La réponse des autorités — qui ont, bien sûr, reconnu qu'elles poursuivaient les enquêtes, mais qui, en même temps, ont condamné publiquement les relations homosexuelles et affirmé, tant à l'échelle nationale qu'internationale, que ces relations sont « contraires à la culture bangladaise » — a de nouveau créé peurs et inquiétudes dans la communauté, au point où elle ne peut s'exprimer, ne peut se manifester et ne peut faire valoir ses droits puisque la loi elle-même les criminalise.
J'aimerais mentionner rapidement nos propres problèmes organisationnels. BLAST est une organisation de premier plan qui milite pour le respect de l'arrêt de la Cour suprême exigeant la mise en place de mécanismes d'enquête sur le harcèlement sexuel de la part de tous les organismes publics et privés. Nous donnons fréquemment de la formation dans des organismes partout au pays, et pourtant certaines de nos collègues, toutes des avocates diplômées ou en exercice qui travaillent à notre administration centrale, ont été victimes de harcèlement sexuel soutenu de la part d'un jeune collègue, également avocat. Toutes ces victimes sont malheureusement restées silencieuses pendant des semaines. Nous avons finalement découvert qu'elles craignaient d'être stigmatisées si elles dénonçaient, parce que la plupart d'entre elles sont célibataires, non mariées ou divorcées.
Cet incident illustre bien pour nous la façon dont les normes et les attitudes sociales prévalentes influent sur les femmes défenseures des droits de la personne, y compris les jugements moraux fondés sur la sexualité, ainsi que l'importance énorme que l'on accorde au mariage comme étant garant de la respectabilité et de la valeur d'une personne. Cet incident a également permis d'illustrer, au bout du compte, comment la mobilisation, grâce à l'appui d'hommes et de femmes, peut permettre d'apporter des changements.
Dans ce cas-ci, le secret qui avait été maintenu pendant de nombreuses semaines a été rompu lorsqu'une jeune femme victime s'est finalement confiée à une collègue plus âgée qui, soit dit en passant, siège à notre propre comité de plaintes contre le harcèlement sexuel. La collègue plus âgée a ensuite signalé le problème aux ressources humaines ainsi qu'à un membre masculin du comité, un chef de file du barreau, connu à l'échelle nationale.
Nous avons, finalement, pu mener une enquête et prendre des mesures contre l'avocat fautif, et nous avons ensuite pris d'autres mesures systématiques. Nous avons fait publier des affiches ainsi que du matériel de communication informatif, modifié complètement nos politiques de vérification interne, offert de la formation au personnel en plus de commencer à rendre des comptes à notre conseil d'administration pour la conformité. Nous luttons maintenant avec les associations du barreau au pays, ainsi qu'avec le conseil du barreau, pour faire adopter les lignes directrices de la Cour suprême afin que des changements systémiques puissent voir le jour.
Oui.
J'allais simplement mentionner les autres initiatives qu'il nous faut prendre. Je pense qu'il est clair que nous avons besoin de normes et de structures. Les politiques ne suffisent pas. Il faut faire en sorte qu'elles soient appliquées. Il faut assurer un suivi des politiques qui doivent être mises en place. Il est très important de dire que nous avons besoin de mettre en lumière l'importance de la civilité et du respect et de reconnaître l'importance du respect des personnes les unes envers les autres.
En terminant, il y a 25 ans, j'ai eu l'occasion de participer à la Conférence mondiale sur les droits de l'Homme à Vienne. Nous avons parlé des droits des femmes et des droits de la personne. À l'heure actuelle, étant donné l'état du monde et notre propre contexte national, je pense qu'il est très important pour nous en tant que femmes défenseures des droits de la personne de parler de l'universalité des droits et d'insister sur la nécessité de respecter les droits de tous, la liberté d'expression, la liberté d'association et le droit à la vie et à la liberté.
Cela veut dire qu'il faut remettre en question les lois et les systèmes qui en réalité restreignent nos droits. Je pourrai peut-être vous en parler davantage pendant la période de questions et réponses, mais je crois...
Oui, laissez-moi terminer rapidement.
Les restrictions visant, par exemple, la parole, la sécurité numérique et le fonctionnement des ONG, sont les types de restrictions auxquelles font face les femmes défenseures des droits de la personne, ainsi que les hommes.
Je vous remercie.
Merci beaucoup.
J'espère que vous aurez l'occasion d'entrer davantage dans les détails sur ces sujets pendant la période de questions et réponses.
Nous accueillons également aujourd'hui Asiya Nasir. Nous sommes très heureux de vous avoir avec nous, surtout en tant que collègue parlementaire.
Je vous invite à prendre la parole, vous avez jusqu'à 10 minutes.
Merci beaucoup, honorable président et membres du Comité, de me donner cette occasion de faire consigner ma déclaration au sujet de mon expérience comme parlementaire ces 16 dernières années.
Je m'appelle Asiya Nasir. Je suis mariée et j'ai trois enfants. Je viens de la province du Balochistan, dans le sud-ouest du Pakistan. J'ai été politicienne au sein du parti islamique religieux Jamiat Ulema-e Islam. J'ai peut-être été la première personne chrétienne à se joindre à ce parti islamique puisque, jusque-là, on jugeait que les partis islamiques étaient fermés aux minorités dans ce pays où essentiellement toute la population a la même religion.
J'ai commencé ma carrière comme éducatrice, mais étant issue d'un milieu politisé, j'ai été enjointe de me lancer en politique. En 2002, j'ai été élue pour la première fois à l'assemblée nationale du Pakistan. J'y ai complété trois mandats consécutifs comme parlementaire, où j'ai défendu les droits de mon peuple.
Je suis convaincue que Dieu m'a placée là pour une raison spéciale, et que le parti que j'ai choisi et pour lequel j'ai été critiquée, non seulement par mon peuple, mais également par d'autres libéraux et les laïcs... Pourquoi une femme chrétienne voudrait-elle se joindre à un parti religieux islamique? Je suis toujours membre de ce parti.
Mon objectif était d'intégrer les minorités pakistanaises, car si vous connaissez le Pakistan, vous saurez que les minorités ont grandement contribué à la création et à la construction du pays. Elles ont participé à l'éducation du peuple et aux services de soins de santé. Malheureusement, leur statut est en déclin. Nos ancêtres ont consenti à faire partie du Pakistan, croyant qu'ils jouiraient du respect et de l'honneur qui leur était dû, mais malheureusement leurs rêves ont été trahis.
Ma vision était d'être une voix pour ceux qui n'en avaient pas afin de défendre leurs droits alors qu'ils vivent dans un État islamique. Mes objectifs étaient d'intégrer les minorités pakistanaises en défendant leurs droits constitutionnels, en luttant pour leurs droits socioéconomiques, éducatifs et politiques afin d'éliminer toute forme de discrimination de la société; en travaillant pour les communautés marginalisées avec les organisations locales à promouvoir l'avancement sociopolitique et économique des minorités; et en réglant tous les problèmes qui empêchaient l'intégration des minorités afin d'avoir une démocratie inclusive. Je suis convaincue que nul pays ne peut faire de progrès sans garantir et assurer tous les droits politiques, sociaux, économiques, éducatifs et religieux de tous. Tous doivent jouir d'une vie sous le signe de l'égalité et de l'équité. C'étaient mes objectifs quand je me suis lancée en politique. J'ai également fixé des objectifs pour les jeunes de mon pays.
Puisque je veux laisser un maximum de temps pour les questions, je veux aborder les défis que j'ai affrontés tout au long de mon parcours et de ma lutte ces 16 ou 17 dernières années. Il n'a pas été facile pour moi de travailler au sein d'un parti religieux, car j'ai commencé comme politicienne sans expérience au sein d'un parti religieux islamique. Je vivais aussi de l'incertitude.
Je souhaite prendre le temps d'exprimer mon appréciation et ma gratitude à mon parti politique. Il s'agissait d'un grand parti de droite religieux, mais qui m'a toujours appuyée et encouragée. Il m'a donné une tribune à partir de laquelle je pouvais parler pour mon peuple. J'ai parlé de façon très éloquente et sentie au Parlement. Chaque fois que je prenais la parole pour défendre les droits de mon peuple, je craignais que ce serait toujours la dernière fois, que je serais éjectée du parti, mais cela ne s'est jamais produit. Au contraire, mon parti m'a toujours appuyée et défendue. Chaque fois que je prenais la parole, il me confirmait que je défendais bien sa politique de parti. Je pense que les minorités du Pakistan ont été soulagées et réconfortées qu'un parti religieux les appuie, alors que cela semblait être une impossibilité pour les minorités.
En 2012, l'un des grands journaux du pays m'a classée parmi les 100 femmes pakistanaises les plus influentes — des femmes qui façonnent le Pakistan et l'avenir des femmes pakistanaises. C'était après mon discours sur le meurtre du ministre Shahbaz Bhatti. Je pense que ce discours vous a été remis pour votre gouverne. Dans ce discours, je parle efficacement des luttes que livrent les minorités face à une majorité islamique.
Les gens me connaissent bien parce que je prononce des discours audacieux au Parlement, mais pas seulement pour mes discours, mes déclarations ou la défense de ceux que je représente; c'est aussi parce que je participe très activement aux affaires législatives du Parlement.
J'ai présenté au Parlement 14 projets de loi, surtout pour les minorités religieuses, ce qui est un record pour un député de la minorité. En parcourant mon CV, vous en verrez quelques-uns, y compris le projet de loi sur la protection des femmes de 2010, le projet de loi sur la violence conjugale de 2008, le projet de loi sur les pratiques préjudiciables aux femmes, un projet de loi pour l'augmentation des sièges pour les minorités aux échelons provincial et national, des amendements au projet de loi sur le harcèlement des femmes en milieu de travail et un projet de loi sur les crimes haineux.
J'aimerais m'attarder à cette mesure législative sur les crimes motivés par la haine, que j'ai présentée au Parlement. D'après nos observations et notre expérience, il n'est pas rare que des membres de la majorité, ou une poignée de gens aux vues extrémistes, aient des préjugés marqués et agissent de façon discriminatoire à l'égard des minorités. Rien ne les empêche de mettre le feu aux maisons ou autres biens des membres de la minorité. Ce n'est pas criminalisé par notre Constitution. J'attire votre attention sur ce projet de loi, car ces actes motivés par la haine doivent être criminalisés. Personne ne devrait faire l'objet de discrimination ou de préjugés en raison de sa religion.
De plus, le gouvernement a inclus deux de mes amendements dans son projet de loi sur la cybercriminalité concernant les actes terroristes.
J'ai ensuite déposé le projet de loi sur la protection des droits de l'enfant et, en 2018, un projet de loi sur l'accès des minorités à l'éducation supérieure et un autre sur une politique nationale favorisant l'harmonie interconfessionnelle. Quand j'aborderai les défis, je reviendrai à cette politique, car la collaboration et les réseaux sont très importants.
Un de ces réseaux est l'International Panel of Parliamentarians for Freedom of Religion or Belief. L'honorable David Anderson, qui préside ce groupe, est ici présent. Je suis l'un des membres fondateurs de ce réseau qui existe depuis 2014. Ce groupe a beaucoup contribué à soutenir la défense des droits des minorités un peu partout dans le monde, peu importe leur appartenance religieuse.
Il m'a aussi motivée à présenter au Parlement la politique nationale favorisant l'harmonie interconfessionnelle, qui a été adoptée par le Cabinet. Pour la première fois de son histoire, le conseil des ministres du Pakistan s'est doté d'une politique nationale pour l'harmonie interconfessionnelle. Cela représente une grande réalisation pour ce panel de parlementaires qui m'a aussi amenée à créer un groupe multipartite de parlementaires pour la liberté de religion au Parlement pakistanais. Ce caucus compte plus de 60 membres qui appuient la liberté de religion et l'harmonie interconfessionnelle au Pakistan.
Parlons maintenant des défis. La situation des droits de la personne au Pakistan est loin d'être bonne, et c'est encore pire pour les femmes qui défendent les droits de la personne. Elles font face à de nombreux défis et doivent lutter contre le statu quo sur tous les fronts: au sein de leur famille, dans leur milieu de travail et même auprès des autres défenseurs des droits de la personne.
Pour ma part, j'ai eu du mal à me faire accepter. Quand je me suis lancée en politique, c'était un milieu où il était difficile pour les hommes d'accueillir une femme comme leader. Ils s'opposaient toujours à ma présence, se demandant pourquoi ils devraient écouter ou suivre une femme en politique.
J'ai aussi fait l'objet de discrimination de la part de mes camarades défendant les droits de la personne comme moi, ainsi que de la part de femmes ministres oeuvrant aussi pour les droits de la personne. On soulevait toujours comme objection le fait que j'étais membre d'un parti religieux. J'ai fait l'objet de discrimination pour cette raison. On s'opposait au fait que je couvre ma tête, que ce sont les femmes musulmanes et non pas les femmes chrétiennes qui s'habillent ainsi, ce genre de chose.
J'ai choisi la voie la plus difficile en restant membre d'un parti religieux tout en tentant de changer les attitudes. Il est souvent question de la nécessité d'intégrer les minorités. C'est ainsi qu'on peut intégrer les partis. Il était important que les minorités au sein du parti adhèrent aux groupes religieux, car ceux-ci exercent une grande influence, notamment sur une grande partie de la population au Pakistan.
Nous avons des problèmes de sécurité, absolument. Ces deux dernières décennies, le Pakistan a affronté son lot de problèmes, y compris en termes de sécurité. La discrimination existe, la marginalisation économique aussi. Les politiques gouvernementales frappent souvent les gens de plein fouet.
En fin de compte, je veux dire que je ne suis pas la seule femme qui se bat pour les droits de mon peuple; d'autres femmes m'accompagnent dans cette lutte. Je souhaite vous montrer une courte vidéo d'une ou deux minutes qui illustre la bataille que livrent les femmes, dont moi-même, au Pakistan. Et je souhaite terminer sur une déclaration: vous voyez devant vous le vrai visage d'une femme pakistanaise: forte, courageuse, engagée, infatigable, consciente de ses droits, respectueuse de ses valeurs religieuses et culturelles, déterminée à se frayer un chemin malgré tous les obstacles, et déterminée à assurer la prospérité et un avenir meilleur aux générations futures.
Je vous remercie infiniment une fois de plus.
Merci.
Je vois qu'il y a consentement pour dépasser notre temps afin de visionner cette vidéo de deux minutes, ce que nous ferons tout de suite.
Cela veut dire que nous n'aurons probablement qu'une seule série de questions, si cela vous convient.
Si nous avons des difficultés techniques avec la vidéo, je propose alors que l'on commence tout de suite la période des questions. Ensuite, nous pourrons visionner la vidéo à la fin des questions si nous arrivons à régler les problèmes d'ici là.
Commençons par les questions. Nous ferons une seule série.
Nous commencerons par M. Anderson, qui aura sept minutes.
Merci, madame la présidente.
Je souhaite à remercier les deux témoins de leur présence.
Madame Nasir, je voulais vous dire que le discours que vous avez fait en mars 2011, trois ans avant notre rencontre, après la mort de Shahbaz Bhatti, vaut bien la peine d'être lu, si mes collègues veulent bien prendre le temps d'y jeter un coup d'oeil. C'est un discours empreint de courage, selon moi, surtout puisque le gouverneur Taseer et Shahbaz Bhatti ont payé de leur vie pour avoir fait des discours très semblables au vôtre.
J'aurais deux questions à vous poser, aussi, je vous demanderai d'être brève dans votre réponse à la première.
Les tribunaux du Pakistan sont-ils utiles aux femmes qui défendent les droits de la personne ou leur mettent-ils des bâtons dans les roues? Les nouvelles qu'on reçoit dans les médias semblent être équivoques. Je sais que deux groupes, TWO et Women in Struggle for Empowerment, sont retournés devant les tribunaux et ont réussi à récupérer leur certification.
Je me demandais quel rôle jouent les tribunaux dans votre lutte pour la justice pour les femmes et l'ensemble des Pakistanais?
Merci beaucoup, monsieur Anderson.
J'estime que les tribunaux du Pakistan sont autonomes et indépendants. Nous avons une grande confiance dans nos tribunaux et notre appareil judiciaire. Deux ou trois décisions rendues récemment, notamment celle dans l'affaire Asia Bibi, ont prouvé que notre système judiciaire fonctionne bien. Vous avez raison de souligner le travail important qu'accomplissent les tribunaux en matière de droits de la personne, surtout quand il s'agit de militantes pour les droits de la personne; les tribunaux sont en effet de plus en plus actifs.
Récemment, le juge en chef et l'ancien juge en chef sont devenus plus actifs et se sont dits très préoccupés par la situation de droits de la personne au Pakistan.
Merci.
Voici une question pour vous deux. Les détails diffèrent peut-être, mais vous avez évoqué la protection des femmes et des enfants, ce qui est parfois la même chose. Récemment au Pakistan, 45 filles hindoues ont été enlevées. On les a forcées à se convertir et on les a mariées. Je sais aussi qu'une mère de trois enfants, mariée depuis 16 ans, a été enlevée, forcée de se convertir, puis mariée.
Que pouvez-vous nous dire sur les conversions et les mariages forcés? Dans quelle situation ces jeunes femmes se trouvent-elles et que leur arrive-t-il par la suite?
On a commencé à examiner la question des conversions et mariages forcés. C'est un enjeu d'actualité au Pakistan depuis bien des années, car ce n'est pas d'hier que des filles hindoues ou chrétiennes sont enlevées, forcées de se convertir et mariées de force à un homme de la religion majoritaire. C'est un enjeu de taille pour nous.
Des législateurs ont déjà tenté d'apporter des modifications à la loi sur la conversion à l'islam, surtout, mais, encore une fois, il y a eu des déclarations controversées et des protestations de la part de la majorité qui a refusé d'établir un lien entre la conversion et l'âge. Nous voulions fixer à 18 ans l'âge légal pour se convertir. Comment un mineur, une personne de moins de 18 ans, qui ne comprend pas sa propre religion, pourrait-il se convertir en toute connaissance de cause à une autre religion?
Nous avons aussi souligné le fait que seules les femmes minoritaires étaient visées. Pourquoi pas aussi les hommes? Pourquoi les hommes ne souhaitent-ils pas se convertir à d'autres religions? Pourquoi est-ce que ce sont seulement les filles et les femmes qu'on enlève, qu'on convertit et qu'on marie de force à des hommes musulmans?
Que se passe-t-il alors? Si vous vous adressez au tribunal et que le tribunal tranche, quel genre de décision rend-il? Ordonne-t-on que ces filles soient renvoyées dans leurs communautés? Quand cela se produit, quels sont les recours?
Sur cette question particulière, nous ne comprenons pas ce que font les tribunaux. Il y a eu un incident où une chrétienne mineure de 14 ans a été convertie à l'islam et mariée à un garçon musulman. Le tribunal l'a laissé partir avec son mari, alors que les parents et la famille soutenaient qu'elle était mineure. Comment l'a-t-on laissé se convertir et partir avec son mari?
Je pense qu'il arrive souvent que le tribunal dise qu'une fois qu'elle s'est convertie et qu'elle se présente devant le magistrat et enregistre sa déclaration, elle s'est convertie en donnant son consentement pour pouvoir aller vivre avec son mari et quitter sa famille.
Nous protestons contre le fait que cette loi est erronée. Nous n'acceptons pas cela parce qu'un mineur ne peut pas être converti. Ils n'ont pas le droit de voir leurs familles, leurs parents.
Oui. Je pense que c'est une situation assez différente au Bangladesh. Nous n'avons pas vraiment le même genre de situation en ce qui concerne les conversions ou les conversions forcées en masse.
En ce qui concerne le mariage précoce et forcé des enfants, je pense que c'est un problème très grave au Bangladesh. Toutefois, nous disposons d'une loi récente, la Loi sur la restriction du mariage des enfants, qui prévoit un certain nombre de mesures préventives, notamment la création de comités de district pour lutter contre cette pratique. Elle prévoit également des mesures de protection. Par exemple, elle précise que les officiers d'état civil doivent vérifier l'enregistrement des naissances ou les documents d'identité avant d'enregistrer un mariage.
Il y a un problème avec ce projet de loi, qui, à mon avis, est malheureusement dû en grande partie à un accommodement de l'État avec des groupes religieux et fondamentalistes. Il y a une exception dans la loi qui dit que, dans certains cas, un mariage ne sera pas traité comme un mariage d'enfant même lorsqu'il implique des parties mineures, c'est-à-dire une fille de moins de 18 ans ou un garçon de moins de 21 ans, si les parents conviennent que cela devrait être traité de cette façon et si le tribunal l'exige. Les raisons pour lesquelles cette exception a été invoquée étaient, vraisemblablement et implicitement, qu'en vertu du droit religieux ou personnel, et en particulier du droit personnel musulman, une fille peut se marier une fois qu'elle a atteint la puberté. Il semble que c'est pour couvrir cette situation.
De plus, il existe une situation semblable à celle que décrivait l'intervenante précédente. Il y a des situations où il y aura des mariages intercommunautaires, où une adolescente de 16 ou 17 ans choisit d'épouser quelqu'un d'une autre communauté, en exerçant son propre consentement, et ses parents essaient ensuite de mettre fin à ce mariage et à cette relation. En fait, dans ces situations, je pense qu'il y a conflit de droits. La jeune fille essaie d'exercer son droit d'épouser qui elle veut et les parents viennent et invoquent le droit pénal, souvent en faisant de fausses allégations de conversion forcée, mais aussi de viol, de traite ou d'autres allégations, pour essayer d'empêcher cette fille d'exercer son consentement. Je pense que c'est un scénario plus compliqué et que c'est aussi une question de conflit de droits.
Il me reste très peu de temps.
Madame Hossain, vous avez parlé de l'importance du civisme et du respect pour en arriver à l'universalité des droits. Je me demandais si vous avez des suggestions à nous proposer quant à la façon de créer une telle situation, puisque nous semblons partager ce même défi partout dans le monde.
Oui. Il s'agit en définitive d'un défi mondial. C'est notamment pour cela que nous sommes reconnaissantes que vous abordiez ces enjeux, car nous ne sommes pas en mesure de le faire chez nous.
Je crois qu'il est important de mettre l'accent sur la tolérance, notamment en tant que femmes défenseures des droits de la personne. Le fait que, dans certains cas, nous avons tendance à nous sentir plus rapidement offusqués que d'autres pose problème. Je crois que nous devrions véritablement essayer — bien évidemment, cela exclut tout ce qui a trait au discours haineux — de nous diriger vers une plus grande liberté d'expression, plutôt que le contraire. Il nous incombe de lutter pour des espaces plus vastes, justement dans le monde dans lequel nous vivons en ce moment, qui semble plutôt axé sur la restriction, le resserrement, la répression et l’intolérance.
Merci, madame la présidente.
Mes questions s'adresseront à un témoin en particulier, mais si vous souhaitez renchérir, veuillez s'il vous plaît lever votre main si vous souhaitez répondre à la même question.
Madame Hossain, j'aimerais d'abord parler de votre témoignage.
Vous avez dit à quel point cela peut être difficile pour les femmes qui ont besoin d'aide dans les centres urbains. Quels sont les emplacements principaux dans les centres urbains dans lesquels les femmes se sentent suffisamment à l'aise pour parler avec des groupes communautaires afin d'obtenir de l'aide?
Je dois vous expliquer que dans le contexte du Bangladesh, nous avons plusieurs initiatives de développement. Nous avons un programme multisexuel géré par le gouvernement qui s'occupe de la violence à l'égard des femmes auquel sont associés des centres de soutien de la police, des centres de crise à guichet unique dans nos hôpitaux médicaux, et des partenariats étroits entre le gouvernement et des ONG qui travaillent de concert. Nous avons donc un excellent programme en place. Ce n'est pas assez; il n'est pas offert dans tous les districts, mais c'est un excellent modèle.
Cela étant dit...
Si je peux me permettre très rapidement, il y a les ONG et il y a le gouvernement. Est-ce que les gens iraient vers l'un plutôt que l'autre? J'essaie de comprendre où se trouve l'aide.
Vous avez tout à fait raison. Je crois que le gros problème, c'est qu'il n'y a pas assez de toutes ces choses. Si on observe le scénario urbain, le Bangladesh s'urbanise rapidement. Notre capitale, Dhaka, est une des villes qui croissent le plus rapidement au monde. Le problème, c'est que nombre de personnes vivent encore dans des quartiers informels, surtout des groupes à faible revenu. Il n'y a aucun lien entre l'endroit où ils habitent et là où les services se trouvent.
Une des choses qu'essaient de faire les organisations de la société civile, c'est de combler cet écart, d'être présents là où les groupes le sont, soit grâce à de la sensibilisation ou de plus en plus maintenant à travers la technologie. Elles essaient de connecter ces groupes aux services existants, que ce soit des cliniques de santé, des services juridiques, des organisations d'aide juridique ou encore les services d'aide juridique du gouvernement.
Je crois que c'est le cas, et de façon significative. Nous avons une très bonne couverture mobile au Bangladesh et nous utilisons maintenant la technologie mobile pour offrir des conseils et de l'information, par exemple, aux travailleurs concernant leurs droits en milieu de travail. Nous sommes en train de mettre au point de nouvelles applications sur la façon de le faire pour nos clients défavorisés, en ce qui touche les droits de la famille, la violence familiale, notamment, et le mariage des enfants ainsi que la violence sexuelle.
Madame Hossain, laissez-moi vous poser la même question, sauf que cette fois-ci, on parle du contexte rural à l'extérieur des villes.
Je pense que le problème de la distance est beaucoup plus important lorsqu'il s'agit de se rendre à des endroits où des services sont offerts, mais de nombreux organismes de développement travaillent en région rurale. Une des plus grandes organisations de développement au monde, BRAC, avec qui nous travaillons également, est présente partout au pays.
De bien des façons, nous avons des travailleurs de première ligne disponibles dans les régions rurales. Même si les gens habitant ces régions ne peuvent pas toujours se rendre dans les institutions de justice officielles, comme par exemple les tribunaux et les postes de police, elles ont accès à nombre de processus informels. Par exemple, la médiation offerte par les ONG est également disponible pour le règlement des différends, pas pour les crimes sérieux, bien entendu, comme nous le suggérons.
Comment un pays tel que le Canada peut-il aider à reproduire ces réussites, que ce soit dans les régions urbaines ou rurales, concernant l'établissement de liens avec les gens et le fait de leur permettre de sentir très à l'aise d'aller vers vous?
Je crois qu'il y a déjà des leçons à tirer du Canada concernant la façon dont les services qui tiennent compte des femmes ont été gérés. Il y a aussi plusieurs leçons à tirer non seulement de la pratique, mais surtout de la jurisprudence. La Cour suprême du Canada a émis des arrêts faisant jurisprudence qui ont vraiment été importants concernant la façon dont nous revoyons et comprenons nos droits.
Travailler avec notre système judiciaire, avec certaines de nos institutions officielles, mais aussi sur la façon dont les femmes ont été habilitées à réclamer leurs droits, seraient des façons pour vous de travailler efficacement avec vos homologues du Bangladesh.
Merci beaucoup.
Madame Nasir, mes questions pour vous... En fait, il y en a plusieurs, et n'hésitez pas à revenir sur ce qui vient d'être mentionné, si vous le souhaitez, mais j'aimerais connaître votre point de vue à titre de parlementaire depuis, quoi, 14, 15 ans?
Mes excuses. J'approche moi aussi des 16 ans.
J'aimerais vous parler du système. Votre système a-t-il changé au niveau national, ou encore régional, de sorte que les minorités sont davantage représentées à votre Parlement? Y a-t-il eu des changements fonctionnels apportés à votre gouvernance?
Oui, au fil des ans, des changements assez nombreux ont été apportés. Les gouvernements précédents ont pris de nombreuses initiatives pour intégrer les minorités. Nous sommes représentés à la Chambre haute, le Sénat, puisqu'il n'y avait pas de représentation au Sénat pour les minorités.
Quatre sièges sont réservés aux minorités de chaque province, étant donné que toutes les provinces sont représentées de façon égale au Sénat. Il y a un siège réservé aux minorités confessionnelles de chaque province. En outre, nous avons 10 sièges réservés aux minorités à l'Assemblée nationale du Pakistan, mais en plus de ces 10 sièges réservés, une minorité peut briguer n'importe quel siège général de n'importe quelle circonscription au Pakistan.
Je vois, mais vous avez tout de même une représentation à la Chambre qui se fonde sur les minorités uniquement, pas sur la géographie.
Non, cela ne se fonde que sur la minorité, pas la géographie, parce que, selon moi, la démocratie n'a pas progressé ni évolué au Pakistan au point où une majorité irait voter pour les minorités. Il y a tout de même des précédents, puisque récemment, un député hindou a été élu à un siège général du parti populaire pakistanais dans la province de Sindh.
Je pense que oui parce que, si les partis politiques revoient leurs manifestes et appuient les minorités aux élections générales, les minorités pourront sans aucun doute gagner des sièges aux élections générales.
Pensez-vous que ce type de changement représente un changement qui s'opère aussi dans toute la société? Si je vis une situation horrible, où que ce soit au Pakistan, puis-je me sentir à l'aise de faire appel au gouvernement si j'ai un problème particulier, comme, par exemple, un problème lié à un mariage forcé?
Oui, il y a des changements. Le gouvernement prend de nombreuses initiatives. Récemment, au sujet des conversions forcées qui ont eu lieu, le gouvernement s'est dit très préoccupé, car de nombreuses pressions sont exercées non seulement au pays, mais aussi à l'extérieur.
Le gouvernement se penche sérieusement sur la question. Il y a un ministère responsable des droits de la personne qui s'est approprié le dossier. Récemment, j'ai appris qu'une loi sera proposée pour empêcher les mariages forcés au Pakistan.
Merci beaucoup. Votre temps est écoulé.
Nous allons passer à Mme Hardcastle pour la dernière série de questions.
Vous avez sept minutes.
Ma question s'adresse à vous deux. Je peux commencer par vous, madame Nasir, puisque vous êtes juste là, pendant environ trois minutes, puis les trois minutes restantes seront pour vous, madame Hossain.
J'aimerais vous parler de la politisation du système judiciaire — les dossiers judiciaires ainsi que les décisions qui sont prises — puis des autres événements politiques, comme le fait d'appuyer ou de fermer des organisations qui soutiennent les droits des femmes. Existe-t-il un lien? Que peut faire le Canada en vue de faire avancer ce dossier, si nous passons par les Nations unies ou le haut commissariat? Devrions-nous appuyer directement les relations bilatérales à un niveau plus régional ou local? Devrions-nous nous concentrer sur l'aspect politique, ou devrions-nous également nous pencher sur le système judiciaire?
Selon moi, pour l'instant, le système judiciaire n'est pas politisé au Pakistan; il n'a rien à voir avec les organisations responsables des droits de la personne. Je pense que c'est davantage lié aux politiques gouvernementales parce que, récemment, les politiques gouvernementales n'ont pas été très favorables aux organisations qui travaillent dans le secteur des droits de la personne.
On a demandé à de nombreuses organisations de quitter le Pakistan. Cela soulève de nombreuses questions et interrogations parmi les habitants et la société civile du Pakistan, parce que nous pensons qu'il y a beaucoup de travail à faire dans le secteur des droits de la personne. La situation liée aux droits de la personne au Pakistan n'est toujours pas si acceptable.
Nous avons besoin que le gouvernement canadien et le haut commissariat du Canada au Pakistan oeuvrent davantage du côté politique et que les arguments politiques soient formulés en vue d'examiner les politiques gouvernementales concernant les ONG travaillant dans le secteur des droits de la personne. Nous avons vu récemment que toutes les organisations et les personnes qui se prononcent en faveur des droits de la personne ont été forcées de se taire et de quitter le Pakistan. Ce n'est pas un très bon signe pour un gouvernement ou pour un pays.
Merci beaucoup d'avoir soulevé ce point. L'espace se rétrécit pour les défenseurs des droits de la personne de tous les genres, et c'est un problème grave dans notre contexte.
Il m'est difficile de répondre à la question touchant le pouvoir judiciaire parce que nous avons des lois strictes en matière d'outrage. Cela étant dit, je dirais qu'on obtient quand même une certaine justice. Bien sûr, nous offrons surtout des services juridiques. Toutefois, je crois que dans certains dossiers soi-disant délicats dans lesquels des joueurs puissants sont impliqués ainsi que des intérêts politiques, il est de plus en plus difficile de trouver une forme de réparation.
Quand on examine les types d'interprétation qu'on a faits de certaines lois récentes... Par exemple, la Loi sur la sécurité numérique qui a récemment été mise en oeuvre. En plus de fournir des protections et, par exemple, des protections pour les données, la loi contient des dispositions problématiques qui permettent aux agents de police de première ligne d'arrêter quelqu'un sans mandat simplement par contrariété religieuse, pour diffamation, ou pour avoir nui à l'image du pays. C'est au titre de cette disposition particulièrement problématique qu'une entraîneuse de soccer, nouvellement membre de la FIFA, a été emprisonnée pendant trois jours à cause d'une plainte déposée par un tiers parti alléguant qu'elle aurait formulé des commentaires à propos d'un dirigeant.
Il existe aussi certaines lois qui restreignent la réception de dons étrangers versés par des organisations non gouvernementales. Cette loi en particulier prévoit que tout commentaire dérogatoire par rapport à la constitution ou à tout organisme constitutionnel, y compris le Parlement, peut entraîner des représailles sévères contre une organisation.
Vous vous demandiez ce que le Canada pouvait faire et quelle serait la meilleure réaction. Le Canada a été un bon ami du Bangladesh au cours des deux dernières années relativement à la crise des Rohingyas. J'estime toutefois que nous accueillerions très positivement votre engagement par rapport à la situation des Bangladais au Bangladesh même et par rapport aux inquiétudes liées à l'espace démocratique et civil.
J'aimerais pouvoir m'adresser ainsi à mon Parlement mais, malheureusement, ce genre d'audience n'a pas été proposé. Des audiences ont eu lieu à propos de la loi dont je viens de parler, mais on n'a malheureusement pas beaucoup prêté attention aux recommandations formulées par la société civile. Je pense qu'il s'agit exactement du genre de chose qu'on pourrait accomplir.
Nous avons parlé plus tôt de l'importance du civisme, de la tolérance et du respect — dont nous avons grandement besoin partout dans le monde. Encore une fois, dans notre contexte, je crois que le dialogue entre nos pays qui met l'accent sur le genre de pratiques qui peuvent être mises en place est très important, et ce, sans diaboliser ceux qui revendiquent leurs droits, sans systématiquement étiqueter ceux qui revendiquent leurs droits comme étant antinationalistes, contre l'indépendance ou l'histoire. Il faut comprendre que nous sommes tous très fiers de notre pays et que nous voulons qu'il change et qu'il se développe. Nous voulons toutefois y arriver en maintenant la liberté d'expression et en étant en mesure d'exprimer des opinions contraires relativement à la manière dont nous progressons dans l'atteinte des objectifs communs.
Je pense que le Canada pourrait faire partie de ce dialogue, et contribuerait au sérieux de l'exercice, notamment en s'engageant à renforcer les institutions existantes. En tant qu'hommes et femmes défenseurs des droits de la personne, nous craignons certains manques... Les bonnes institutions sont vraiment menacées à tous les égards, qu'il s'agisse du Parlement, du pouvoir judiciaire ou d'autres organismes constitutionnels ou régis par une loi. Voilà ce sur quoi il faut mettre l'accent parce que nous avons besoin d'un plus grand espace de parole, d'action et d'association.
Merci beaucoup.
Je tiens à vous remercier toutes les deux pour vos témoignages très instructifs, ainsi que pour votre travail courageux.
Il ne nous reste que trois minutes, ce qui est juste assez pour regarder la vidéo que Mme Nasir nous a fournie.
[Présentation audiovisuelle]
Merci beaucoup.
Sur cette note remplie d'espoir, nous pouvons lever la séance.
Merci à vous deux d'avoir été ici.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication