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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 056 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 13 avril 2017

[Enregistrement électronique]

(1230)

[Traduction]

    Chers collègues, nos témoins ont déposé certains documents qui sont en anglais seulement. Nous n'avons pas eu l'occasion de les faire traduire. Quelqu'un a-t-il une objection à ce que nous les distribuions quand même?
    On s'entend? D'accord, qu'il en soit ainsi.
    Avant d'entamer la dernière séance de l'étude sur les droits de la personne au Soudan du Sud, je veux présenter l'ancien président du Sous-comité des droits internationaux de la personne, Scott Reid.
    Bienvenue à notre comité. Nous sommes honorés de vous compter parmi nous.
    Bienvenue également au député Kent, l'autre invité cet après-midi.
    Notre premier témoin aujourd'hui vient du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR. Jean-Nicolas Beuze est représentant au Canada auprès du Haut-Commissariat depuis le 16 janvier 2017. Il compte plus de 19 ans d'expérience dans les domaines de l'aide humanitaire et des droits de la personne à l'échelle internationale et a occupé divers postes au sein des Nations unies. Il était jusqu'à tout récemment représentant adjoint du HCR à la protection au Liban.
    J'accueille aussi Michael Casasola. M. Casasola est administrateur chargé de la réinstallation auprès du HCR au Canada depuis 2002. À ce titre, il a pour responsabilités de repérer les plus vulnérables dans les camps de réfugiés ou qui se trouvent dans une situation semblable et de présenter pour eux une demande de réinstallation aux autorités canadiennes de l'immigration.
    Messieurs, merci de vous joindre à nous pour participer à une étude des plus intéressantes. Nous parlons clairement d'un pays au beau milieu d'une crise et d'une catastrophe énormes. Nous sommes ravis que vous ayez pu être ici comme derniers témoins.
    Cela étant, vous disposez de 12 à 14 minutes en tout pour nous livrer votre témoignage. Puis, nous passerons aux questions des députés.
    Merci.
    Monsieur le président, chers membres du Sous-comité, je vous remercie de me donner cette occasion, qui arrive à point nommé, de présenter les efforts déployés par le HCR pour s'occuper de la situation humanitaire en cours au Soudan du Sud et de ses répercussions au plan des déplacements forcés. Au cours des derniers jours, il y a eu un certain nombre de reportages dans les médias, et nous sommes absolument ravis d'être parmi vous aujourd'hui.
(1235)

[Français]

    La crise des réfugiés du Soudan du Sud est devenue la plus grande en Afrique. En termes de nombre, c'est la troisième crise en importance, après la Syrie et l'Afghanistan. Elle mérite certainement une plus grande attention de la part de la communauté internationale.
    Pour citer un nombre, près de 2 000 personnes venant du Soudan du Sud traversent chaque jour en Ouganda. Elles fuient le conflit et la famine du Soudan du Sud et arrivent au nord de l'Ouganda.
    Dans ce contexte, nous apprécions l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de discuter avec vous des questions liées à la protection des droits de la personne et à l'assistance humanitaire.
    Comme vous le savez, le HCR est l'agence des Nations unies qui a pour mandat de protéger et d'aider les personnes déplacées ainsi que de trouver des solutions aux problèmes des réfugiés dans le monde, et ce, en accord avec la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.
    Nous travaillons dans plus de 129 pays. En 2016, notre budget était de plus de 3,7 milliards de dollars américains. Nous prêtons assistance à près de 52 millions de victimes partout dans le monde.

[Traduction]

    Le Soudan du Sud a passé une bonne partie de sa courte existence en guerre — je n'ai pas besoin d'entrer dans les détails — embourbé dans des conflits politiques alimentés par des fractures ethniques qui, une fois de plus, a dégénéré en un bain de sang à la fin de 2013. Depuis le 15 décembre 2013, date où le conflit a refait surface, plus de 1,9 million de personnes ont été déplacées à l'intérieur du Soudan du Sud dont la population se chiffre à 12 millions d'habitants, donc environ 10 %.
    Les effets de la guerre dans les zones où il y a eu des combats sont très clairs et tout le monde les connaît — des villages désertés, des champs en friche et des écoles et des cliniques pillées et détruites —, mais les impacts sont aussi ressentis par des personnes habitant dans des régions qui n'ont pas été directement touchées par les affrontements.
    Les violations des droits de la personne et les abus auxquels se livrent toutes les parties au conflit sont bien documentées — les meurtres de civils fort répandus, le recrutement forcé des enfants, la violence sexuelle et le viol en particulier, la torture et les disparitions forcées, spécialement à Yambio et dans les États d'Unité, de Wau et de Yei du Soudan du Sud. Avec la famine, ce sont près de quatre millions de Sud-Soudanais qui ont pris la route.
    La sécheresse et l'interminable instabilité conjuguées à la destruction généralisée et au déplacement massif font en sorte que l'insécurité alimentaire a atteint des sommets sans précédent. Quelque 4,9 millions des 12 millions de Sud-Soudanais sont maintenant en grave situation d'insécurité alimentaire, incapables de se procurer leur ration alimentaire quotidienne, parce qu'ils ne peuvent récolter. D'après les projections des Nations unies, ce chiffre passera à 5,5 millions, soit près de 50 % de la population, au pic de la saison qui précède les récoltes en 2017, soit en juillet, dans quelques mois.
    Le HCR collabore avec des partenaires sur le terrain depuis l'éclosion du conflit, en décembre 2013, pour offrir une protection, des soins de santé, l'éducation, un toit et des moyens d'existence aux personnes déplacées à l'intérieur du Soudan et aux réfugiés du Soudan du Sud. Je tiens toutefois à attirer votre attention sur le fait que notre aide est très limitée, car le financement est nettement insuffisant. Nous n'avons tout simplement pas les ressources nécessaires pour aider et protéger les Sud-Soudanais au pays et en exil.
    Outre qu'il comble les besoins nutritionnels de concert avec nos partenaires, en particulier le Programme alimentaire mondial et l'UNICEF, le HCR fournit notamment des services médicaux et psychologiques aux victimes de viol, il émet des avis de naissance pour les nouveau-nés afin d'assurer l'unité familiale, et il fournit aussi des bâches en plastique et du savon pour redonner aux gens qui ont voyagé dans des conditions très difficiles un peu de dignité, ou simplement des fournitures scolaires pour que les enfants reprennent les études.
    J'aimerais aussi porter à votre attention ce qui a récemment été souligné dans les médias. Il est encore extrêmement difficile pour nous d'accéder aux zones de conflit. Les actes de violence envers les travailleurs humanitaires, qui sont en hausse, et les obstacles bureaucratiques nous empêchent de nous rendre auprès des démunis.
    Depuis le début du conflit, les attaques contre les travailleurs humanitaires se poursuivent en toute impunité et à tout le moins 79 d'entre eux ont perdu la vie depuis décembre 2013. Il s'agit de l'un des pourcentages de perte de vie les plus élevés parmi nos collègues sur le terrain. Les parties au conflit doivent respecter les travailleurs humanitaires et donner libre accès à tous ceux qui sont dans le besoin.
    Je reviens à la situation des réfugiés, si vous le permettez. À l'extérieur du pays, nous assistons à un exode massif, en particulier des femmes et des enfants. En moyenne, pendant la première semaine de février 2017, près de 3 500 nouveaux réfugiés du Soudan du Sud sont arrivés chaque jour dans des pays hôtes, dont 2 000 en Ouganda.
    Près de 1,7 million de personnes ont demandé l'asile dans des pays voisins, surtout en Ouganda qui en a accueilli plus de 800 000 depuis le début de la crise. D'autres se sont réfugiés au Soudan, en Éthiopie, en République démocratique du Congo, au Kenya et en République centrafricaine. Dans une large mesure, il s'agit d'une crise régionale, et nous devons vraiment adopter une perspective régionale dans notre démarche d'aide humanitaire et de protection, comme nous le faisons maintenant avec la situation en Syrie.
    Tous les pays voisins du Soudan du Sud ont ouvert leurs frontières et ont offert l'asile et la sécurité aux réfugiés, et il faut vraiment les en féliciter. Ils ont su composer avec le nombre d'arrivées et garder leurs frontières ouvertes tout en nous permettant de nous installer et en mettant leurs propres ressources à profit pour accueillir les réfugiés et les soutenir, et ils doivent en tirer une grande fierté.
    Si la cadence se maintient, plus d'un million de Sud-Soudanais auront fui le pays avant le milieu de l'année en cours, avant l'été, et dans plus de 60 % des cas, ce sont des enfants.
    Bien que l'approche de l'Ouganda face aux réfugiés soit parmi les plus progressistes, puisqu'elle consiste à favoriser l'autonomie des réfugiés et de leurs hôtes en leur donnant des parcelles de terre ainsi que l'accès aux cliniques et à l'éducation, le sous-financement chronique a toujours des effets sur les opérations de secours. Vous avez peut-être vu le haut-commissaire et le premier ministre de l'Ouganda crier à l'aide pour obtenir du soutien financier. Sans cette aide, nous craignons que la capacité d'accueillir les réfugiés dans le Nord de l'Ouganda ne sera pas atteinte et qu'il pourrait y avoir une réaction défavorable, d'où la fermeture des frontières et le refus d'offrir aux réfugiés un espace de protection.
    Fournir des rations alimentaires convenables — vous savez que le Programme alimentaire mondial peine à répondre à la demande avec son budget — et des services de santé et d'éducation et simplement faciliter l'accès à l'eau potable représentent pour nous des défis de taille. J'ai vécu deux ans dans le Nord de l'Ouganda et je peux vous affirmer que j'avais de la difficulté, en tant que mzungu blanc, c'est ainsi qu'ils nous appellent, à me procurer de l'eau potable; je peux donc facilement imaginer ce que cela signifie pour les réfugiés sud-soudanais et mes collègues sur le terrain.
    À l'heure actuelle, nous avons besoin de plus d'un quart de million de dollars américains pour appuyer les Sud-Soudanais qui se sont réfugiés en Ouganda en 2017. Vous avez peut-être aussi entendu le secrétaire général parler de la famine qui sévit dans la partie Est de la Corne de l'Afrique et nous mettre en garde contre la possibilité que des gens meurent si les Nations unies ne reçoivent pas très bientôt des fonds en conséquence.
(1240)
    En 2017, le HCR réclame 780 millions de dollars pour poursuivre ses opérations au Soudan du Sud et dans la région. À ce jour, l'échelle de financement est à 12 %, et nous sommes en avril.
    En guise de comparaison, pour vous donner des chiffres, l'an dernier, nous n'avons reçu que 45 % des fonds dont nous avions besoin; autrement dit, la moitié des besoins que nous avions relevés n'ont pu être comblés. Nous parlons de services offerts à des gens qui ont été torturés et qui ont survécu, à des victimes de viol, à des enfants retirés des écoles et à des enfants qui ont été obligés de s'enrôler dans des groupes militaires et qui devront être réintégrés.
    Cependant, je tiens à exprimer au Canada la profonde gratitude du Haut-Commissariat pour le financement qu'il a récemment annoncé à l'appui des secours humanitaires dans quatre pays africains ravagés par la famine et la sécheresse, dont le Soudan du Sud. Comme vous le savez mieux que moi, près de 120 millions de dollars canadiens ont été affectés à ces quatre pays et 37 millions spécifiquement au Soudan du Sud, dont 4,15 millions pour le Haut-Commissariat pour les réfugiés. Nous vous en sommes très reconnaissants. Ces fonds viennent s'ajouter au financement consenti par le Canada pour le Haut-Commissariat au titre de ses activités en Afrique, soit 25 millions de dollars, dont, comme je l'ai dit, 1,4 million de dollars de plus seront affectés au Soudan du Sud.
    À l'instar des autres crises humanitaires qui éclatent dans le monde aujourd'hui, celle du Soudan du Sud ne pourra être résolue que par un règlement politique négocié. Vous avez, à maintes reprises, entendu l'ancien haut-commissaire, M. Guterres, qui occupe maintenant le poste de secrétaire général, dire qu'il ne faut pas compter sur le travailleur humanitaire pour faire la besogne du politicien. Il s'agit d'un dilemme politique que nous, les travailleurs humanitaires, ne pouvons régler.
    Le 9 juillet 2011, c'était journée de grandes réjouissances à Djouba, la célébration du jour de l'indépendance, pour cette jeune nation, et d'espoir de voir triompher la démocratie, la primauté du droit, le développement et les droits de la personne. Aujourd'hui, malheureusement, il faut de toute urgence, et j'insiste vraiment sur le mot « urgence », bonifier l'engagement et le soutien financier au peuple du Soudan du Sud tant à l'intérieur du pays, avec toutes les complications que j'ai mentionnées à propos de l'accès à l'aide humanitaire, qu'à l'extérieur, afin que nous puissions garantir un espace de protection pour les réfugiés dans les pays avoisinants, spécialement en Ouganda. Imaginez 2 500 personnes qui traversent la frontière chaque jour. Ainsi, nous attendons avec beaucoup d'impatience votre recommandation, en tant que comité sur les droits de la personne, pour trouver une façon dont nous pouvons collectivement aider et soutenir les réfugiés et les déplacés sud-soudanais.
    Merci beaucoup.
(1245)
    Merci beaucoup.
    Nous passons directement aux questions en commençant par M. Kent.
    Merci, monsieur le président.
    Merci pour le travail essentiel que vous faites dans les pays voisins du Soudan du Sud.
    J'aimerais connaître votre opinion sur un aspect que les comités de la Chambre des communes ont examiné sous divers angles au cours des dernières années, soit le statut des personnes déplacées à l'intérieur du pays dans les protocoles opérationnels du Haut-Commissariat pour les réfugiés. Nous avons assisté à des échanges emplis d'émotion au sujet de la situation des yézidis déplacés à l'intérieur du pays, dans le Nord de l'Irak.
    Compte tenu du fait que 1,7 million de civils sont déplacés à l'extérieur du Soudan du Sud en raison de diverses circonstances et de la violence, et qu'il y a encore plus de déplacés à l'intérieur du pays — 1,9 million, donc près de deux millions, selon les chiffres que vous avez présentés —, y a-t-il des camps? Vous avez parlé des nombreux OSBL qui sont présents au Soudan du Sud à leurs risques et périls.
    Vu la nature des conflits du siècle en cours, ne serait-il pas temps pour les Nations unies de revoir les procédures et protocoles opérationnels eu égard au nombre exceptionnellement élevé de personnes déplacées à l'intérieur du pays?
    En outre, la famine apporte une autre dimension à cette horreur. Pensez-vous que le temps est venu pour le HCR d'examiner sa politique sur les personnes déplacées à l'intérieur d'un pays en crise?
    Merci beaucoup d'avoir soulevé cette question qui circule depuis quelques années déjà au Haut-Commissariat. Permettez-moi de faire brièvement le point sur notre position à cet égard.
    Vous avez raison quand vous dites que sur les 65 millions de personnes déplacées dans le monde, seulement 21 millions sont des réfugiés. Les autres sont des personnes déplacées à l'intérieur du pays.
    Pendant longtemps, le Haut-Commissariat pour les réfugiés a envisagé la question des personnes déplacées à l'intérieur du pays sous l'angle de la protection, en se disant qu'il devait empêcher qu'elles ne soient déplacées à titre de réfugiés, nous devons agir avant qu'elles ne quittent le pays. Quand les réfugiés retournent dans leur pays, ils sont aussi souvent des personnes déplacées à l'intérieur du pays ou se retrouvent au sein d'une population qui a été déplacée à l'intérieur du pays.
    La discussion a vraiment décollé avec l'ancien haut-commissaire Aga Khan, dans les années 1970, en Amérique latine. Au sein des Nations unies, nous avons pris les devants dans le dossier de la protection. Cela était très officialisé à l'époque où Jan Egeland était coordonnateur des secours d'urgence. Nous parlons d'il y a environ 15 ans quand il y a eu répartition du travail entre les différentes organisations des Nations unies. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, le BCAH, coordonne l'aide offerte tous azimuts, mais il y a entre 9 et 12 pôles comme on les désigne, notamment, la protection, les télécommunications, le logement, l'eau, l'assainissement et l'hygiène, WASH, l'éducation qui ont été affectés aux divers organismes en matière de déplacement à l'intérieur d'un pays. L'UNICEF s'occupe de l'eau, l'assainissement et l'hygiène, et de l'éducation, le Programme alimentaire mondial, de la nourriture et des télécommunications; on parle de logistique, je pense. Le Haut-Commissariat pour les réfugiés s'est vu confier le mandat du logement et de la protection en raison de son expertise.
    La coordination est un défi, comme dans chaque famille. Inutile d'entrer dans les détails, mais ça fonctionne bien, car nous parvenons à évaluer les besoins communs et à donner suite aux besoins d'aide humanitaire. En ce qui concerne le Haut-Commissariat pour les réfugiés, nous devons continuer à faire la distinction entre les réfugiés et les personnes déplacées à l'intérieur du pays, car c'est une question de souveraineté de l'état. En votre qualité de membres du comité sur les droits de la personne, vous êtes les mieux placés pour savoir que tant et aussi longtemps que les gens sont dans les limites de l'état et qu'ils peuvent se prévaloir de la protection qu'il leur offre, il est très difficile pour nous d'intervenir tandis que si les gens sont à l'extérieur du pays, nous pouvons les réinstaller, par exemple, au Canada; nous vous sommes grandement reconnaissants du nombre de personnes que vous avez accueillies, soit dit en passant.
    Il faut conserver la distinction du point de vue juridique, mais quand il est question de combler un besoin, nous ne faisons aucune distinction. Une victime de viol, que ce soit une personne déplacée ou refugiée, demeure pour le HCR une victime de viol. Nous devons offrir des services psychosociaux et médicaux, de l'aide juridique et des moyens de subsistance, nous devons l'aider à se réintégrer et ainsi de suite. Il n'y a plus de distinction.
    La question des camps est importante dans une situation comme celle du Soudan du Sud. Nous ne préconisons pas l'installation de camps pour les populations déplacées, car il est extrêmement compliqué de les gérer dans l'optique de la sécurité et en termes de logistique. Oui, d'une façon, cela simplifie les choses, car on peut installer nos propres cliniques et écoles, mais on isole aussi la population déplacée de la communauté qui l'accueille et on ne lui permet pas, comme ce qui se passe en Ouganda, de vraiment contribuer à l'économie locale et au développement de la région du pays. Nous renonçons à une politique de camps pour les personnes déplacées.
    Dans le cas du Soudan du Sud, comme vous le savez probablement, certaines personnes ont trouvé refuge dans les complexes des Nations unies. C'est très difficile pour nous de gérer la situation, spécialement quand il n'y a pas de résolution du Conseil de sécurité permettant aux responsables du maintien de la paix d'avoir recours à la force pour protéger les civils. C'est le cas dans l'Est de la RDC où le Conseil de sécurité a donné ce mandat, mais à ma connaissance, ce mandat n'a pas été confié dans le cas du Soudan du Sud. Ainsi, les gens se réfugient dans les complexes, mais quand ceux-ci sont attaqués, nous n'y pouvons pas grand-chose. Vous vous souviendrez peut-être qu'il y a deux ans, ou 18 mois, des travailleurs humanitaires ont été attaqués et violés. Une jeune femme a été violée dans un hôtel et les gardiens de la paix autour n'ont rien pu faire, car ils étaient submergés par la puissance des tirs du groupe.
    Il est toujours possible d'améliorer les choses, mais j'aimerais terminer en disant qu'il y a une répartition du travail aux Nations unies en ce qui concerne le déplacement interne.
(1250)
    À mon avis, la véritable question, si je peux faire une suggestion, porte entièrement sur la protection des civils. Je pense que les Nations unies n'ont pas encore trouvé la formule magique — et non seulement les Nations unies, selon moi, mais aussi les ONG et leurs partenaires — pour protéger les civils dans des conflits de cette nature. Je ne suis pas né au XIXe siècle, mais nous nous en sortions mieux à l'époque, parce que les lois de la guerre étaient plus claires. Il y avait un groupe, puis un autre groupe.
    En effet.
    C'est devenu extrêmement difficile. Nous avons accentué la surveillance dans notre lutte contre l'impunité en faisant planer l'épée de Damoclès de la CPI, la Cour pénale internationale, mais je n'ai pas l'impression qu'un seul seigneur de guerre au Soudan du Sud se sent menacé par la possibilité de comparaître à La Haye pour répondre de ses actes.
    Donc, la vraie question est de savoir comment... C'est pour cela que nous devons veiller à maintenir le droit d'asile, c'est parce que c'est le seul moyen pour les gens de se mettre à l'abri, c'est-à-dire en franchissant une frontière internationale et en déclarant qu'ils se sentent menacés dans leur pays, que personne ne les défend là-bas et qu'ils ont le droit de demander l'asile.
    Voilà l'enjeu de l'heure, parce que si nous ne recevons pas les fonds... Comme le président l'a dit, j'étais au Liban et j'ai vu le changement: 50 000 franchissaient la frontière quotidiennement, cette frontière qui faisait problème aux Jordaniens. Pour le Libanais, le problème, c'était les autorités turques. Nous ne voulons pas que la même chose se reproduise pour les Ougandais, le Kenyans ou les... Les Kenyans ont déjà des problèmes de réfugiés et nous devons donc nous efforcer de protéger ce coin du monde. Nous n'y parviendrons que si nous pouvons acheminer l'aide, non seulement aux réfugiés, mais aussi aux communautés d'accueil qui sont regroupées, par exemple, dans le nord de l'Ouganda.
    Excusez-moi pour cette longue réponse.
(1255)
    C'est bien. Merci.
    Nous allons maintenant passer au député Marwan Tabbara, s’il vous plaît.
    Je vous remercie tous les deux de votre présence ici aujourd’hui. C’est un plaisir de vous revoir. Nous nous sommes rencontrés au Liban avec la délégation et l’ancien ministre Dion.
    Je vais vous poser une question au sujet de votre déclaration. Vous avez mentionné trois éléments clés pour soutenir le Soudan du Sud: les rations alimentaires, l’accès à l’eau potable et le quart de milliard de dollars pour soutenir ce pays. Si le parti au pouvoir est réticent à ce que les Nations unies et l’Union africaine se rendent sur le terrain pour promouvoir la paix et la sécurité — vous avez parlé de protection des civils à mon collègue, M. Kent —, comment pouvons-nous protéger les civils et offrir ces services dont le peuple soudanais a tant besoin?
    Je pense que nous comptons beaucoup sur le soutien politique qu’un pays comme le Canada peut offrir en jouant les intermédiaires entre les différentes parties et le gouvernement du Soudan du Sud pour que les Nations unies et nos ONG partenaires puissent avoir accès sans entrave à toutes les régions du pays. Je le répète, à mon avis, la question est politique; elle n’est pas abordée uniquement sous l’angle humanitaire. Quand bien même nous parlerions de la responsabilité de protéger, de respecter les normes internationales et des lois humanitaires, cela ne réglera pas le problème. Nous avons réellement besoin d’intervenants comme le gouvernement du Canada qui, avec l'appui de leurs assemblées et de leur parlement, affirment que ces décès peuvent être évités. En fait, les déplacements massifs, les conflits et la destruction des terres sont tels — il n’est plus possible de cultiver la terre — que la famine sera le risque le plus important à venir pour près de 50 % de la population.
    Je pense qu’un pays comme le Canada est bien placé pour transmettre un message politique fort au gouvernement du Soudan du Sud et aux parties au conflit. Il nous faut également penser au financement, parce qu’avec les 12 ou 13 % du montant demandé qui a été alloué, nous ne pourrons pas louer de camion pour transporter l’eau potable. Nous ne pouvons tout simplement pas avoir une vision à long terme; nous ne pouvons pas penser embaucher une compagnie pendant six mois pour livrer de l’eau. Nous devons planifier pour ainsi dire de mois en mois. Je sais que mes collègues signent des contrats avec des fournisseurs de services à tout moment, ce qui retarde les services offerts sur le terrain. Avec une vision à long terme, on a de bonnes chances de faire de meilleures affaires en ce qui concerne les services, mais aussi d'assurer la continuité de ces services. Je pense que le financement fait partie de l’aspect politique et que la politique et le financement vont de pair.
    Enfin, il ne faut pas oublier que ce n’est pas seulement la famine qui est en jeu, mais aussi la protection, et pour résoudre ces problèmes, des services doivent être offerts à l’intérieur et à l’extérieur pour la réunification des familles. Lorsque les gens fuient les conflits, les familles sont divisées. Nous avons donc la responsabilité, généralement avec le Comité international de la Croix-Rouge et le comité national, de retracer et de réunifier les familles en retraçant l'endroit où se trouvent les parents. Cette démarche est absolument essentielle, parce que si des enfants sont séparés, vous comprenez, ce qu’il nous en coûte pour leur permettre de survivre est beaucoup plus élevé que ce qu’il en coûte pour retracer leurs parents. Nous devons vraiment tenir compte des deux dimensions: la famine et le besoin de protection.
    Mes collègues sur le terrain me disent que les récits de viols des gens qui arrivent en Ouganda sont vraiment horribles.
(1300)
    Cette question s’adresse à M. Casasola.
    Peut-être auriez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet, mais quelles pourraient être les solutions à court terme? Nous terminerons sous peu notre examen de cette étude. Je pense qu’il faudra bien des années avant de trouver une solution au Soudan du Sud. Je cherche des solutions à court terme facilement accessibles, une manière de venir en aide et de protéger le plus grand nombre possible, un moyen qui permette au Canada de jouer un rôle à court terme.
    Je vais simplement mettre en lumière certains points que Jean-Nicolas a soulevés.
    Il y a évidemment la question relative à l’accès au territoire et la question touchant la poursuite de la surveillance. L’Ouganda a besoin de savoir qu’il n’est pas laissé à lui-même avec ce problème et il souhaite que la communauté internationale lui en donne l'assurance, car même s’il s’agit d’un problème régional, l’Ouganda est néanmoins durement touché par ce mouvement.
    Quand nous travaillons à l'échelle internationale, avec des pays comme l’Ouganda, notre travail consiste en partie à élaborer des modèles. Nous ne cherchons pas à résoudre un problème à la fois; nous cherchons plutôt à obtenir un aperçu global des besoins financiers et des besoins en matière de protection des populations de réfugiés. Notre travail s’inscrit dans une perspective à court terme. Il n'apporte pas de solution politique. Devant les pressions exercées sur la Somalie, sur le Congo et sur de nombreux autres pays — sans compter tous les peuples de la région des Grands Lacs — l’Ouganda est devenu une importante terre d’accueil pour les réfugiés de ces pays. Je pense qu’il est extrêmement important qu’ils sachent que nous entendons fournir diverses formes d'aide, y compris une aide humanitaire sur le terrain.
    Nous pouvons également espérer un jour voir des populations de réfugiés atteindre l'autosuffisance à plus grande échelle. Mais la question d’argent et le besoin de protection reviennent toujours sur le tapis.
    Merci.
    J’aimerais souligner un point. Vous vous souvenez du Sommet des dirigeants qui s’est tenu à New York en septembre dernier avec le président Obama et que votre premier ministre coprésidait. Le Sommet portait sur les réfugiés et l’impact des migrations et nous avons essayé dans ce cadre de déterminer les pays qui avaient adopté les meilleures pratiques en matière d’accueil, d’hébergement, d’intégration et de moyens de subsistance. Étonnamment — ou peut-être pas — le pays aux meilleures pratiques qui est venu à l’esprit de tous les responsables du HCR était l’Ouganda, parce que depuis des années ce pays est… l’Ouganda a ses propres problèmes en matière de droits de la personne, mais il fait figure de modèle pour ce qui est de l’accueil des réfugiés, de l’intégration locale, de l’accès aux terres et de l’éducation.
    Le pays a d'abord eu sa propre population déplacée à la suite de l'insurrection de l’Armée de résistance du Seigneur, il y a 20 ans. On a alors compris très rapidement et très intelligemment qu’il y avait un lien entre le développement et l’aide humanitaire, une approche que tous inscrivent dorénavant à l’ordre du jour.
    Ce pays a compris que grâce au développement humanitaire, il pouvait obtenir des acteurs qui contribueraient au développement du pays à long terme et de manière viable.
    C’est ce qui se passe dans le Nord de l’Ouganda, une région où la productivité économique était très faible. Cette région avait besoin de main-d’oeuvre dans une certaine mesure pour cultiver la terre et autres travaux. En utilisant cette double approche du développement humanitaire et du développement économique, le pays a pu répondre aux besoins en matière de protection et respecter les lois internationales tout en accueillant des réfugiés et en développant intelligemment la région à très long terme.
    Merci beaucoup.
    La députée Hardcastle.
    Merci, monsieur le président.
    J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur les stratégies que nous devons adopter et sur les efforts supplémentaires que nous devons fournir sur le plan politique, plus précisément en ce qui touche la mise en œuvre du plan à long terme que vous avez mentionné et la présence prédominante d’enfants de moins de 18 ans dans les camps de réfugiés. Quelles sont les différences? Par ailleurs, qu’avez-vous vu et pensez-vous que nos besoins iront dans ce sens à l’avenir?
(1305)
    Les principaux besoins sont probablement l’accès à l’éducation et l'accès à des activités récréatives et psychosociales pour les enfants afin qu’ils puissent retrouver un semblant de normalité. Laissez-moi porter à votre attention qu’en règle générale, seulement 3 % des enfants qui ont subi une expérience traumatisante, comme un déplacement ou un conflit, auront besoin d’un traitement psychothérapique spécialisé. Les autres, soit 97 %, seront en mesure de reprendre leurs activités, de retourner à l’école ou d’être accueilli ou mis à l’abri avec leur famille dans un environnement privé où la dynamique familiale pourra être reconstruite.
    Voilà ce qui est en jeu aujourd’hui. Si nous voulons concentrer nos efforts sur les enfants, nous devons nous assurer de pouvoir fournir les ressources nécessaires. Je regrette de devoir toujours revenir sur la question des ressources mais c'est ce qui est en jeu en fin de compte. Nous devons nous assurer que les enfants vont à l’école, et qu’après l’école ils ont des activités récréatives organisées par les partenaires de la société civile, et plus particulièrement les partenaires de l'Ouganda, du Kenya ou ailleurs, de sorte qu'ils puissent renouer avec leur enfance. C’est aussi simple que cela. Il s’agit de rétablir le contact.
    Il est possible de rétablir ce contact dans 97 % des cas, sans intervention psychiatrique spécialisée, mais l’éducation coûte cher. Fournir un refuge coûte également très cher. Les maisons doivent être reconstruites de toutes pièces. La vie de famille sous une bâche de plastique n’est pas une vie. On ne peut avoir de vie privée sous une bâche. Les parents n’ont pas l’espace nécessaire pour continuer à être parents et les enfants ne peuvent y vivre une vie d’enfants non plus. Chacun y vit deux par deux.
    Voilà ce qui est en jeu. En Ouganda un petit lopin de terre est offert aux réfugiés. Les communautés d’accueil offrent la terre et il reste à fournir les outils et le matériel nécessaires à la construction de modestes maisons pour qu'ils aient davantage qu’une simple bâche.
    J’ai déjà travaillé pour UNICEF, une organisation qui se spécialise dans la prise en charge des enfants, et depuis, s’il y a une chose sur laquelle j’insiste toujours, c’est qu’il faut également répondre aux besoins des parents. Il est extrêmement difficile de répondre aux besoins de protection d’un enfant et de traiter son traumatisme lorsque les parents sont instables, qu’ils ne se sentent pas les bienvenus ou qu’ils n’ont pas l’impression d’être soutenus. Au HCR, nous essayons toujours d’avoir une approche intégrée en tenant compte de l’âge, du sexe et de la diversité. Les enfants ont chacun leurs caractéristiques propres.
    Je m’explique. Un enfant avec un handicap n’a pas les mêmes besoins qu’un enfant normal. Une femme avec un handicap n’est pas considérée comme étant pleinement autonome, et il en va de même pour une femme qui n'a pas de handicap. Nous devons avoir cette approche intersectionnelle de la protection et nous occuper d’une famille comme une entité à part entière.
    Je ne suis pas certain d’avoir répondu à votre question de manière exhaustive.
    Non, c'est bien.
    Mon autre question concerne notre approche ou ce que nous devons faire pour aider à résoudre le problème de l’impunité. Vous avez parlé de ces attaques. Ce n’est pas comme dans ces camps de réfugiés, je pense, où nous avons tellement de travailleurs humanitaires qui viennent en aide aux civils. Devrions-nous envisager une nouvelle approche de la collecte d'éléments de preuve pour mettre un terme à l'impunité? Je ne veux pas vous paraître cynique, mais est-ce le genre de problème qui finit par se régler de lui-même pendant que vous en réglez d'autres?
(1310)
    Je viens d'un milieu spécialisé dans la protection des droits de la personne et je sais que toute tentative de lutte contre l'impunité passe nécessairement par la surveillance de la violation des droits de la personne. La mission du DOMP, le Département des opérations de maintien de la paix des Nations unies au Soudan du Sud est essentiellement axée sur la surveillance des droits de la personne. Une importante équipe assure la protection des civils qui recueillent quotidiennement les témoignages des victimes de violations commises par toutes les parties au conflit dans le Soudan du Sud. Il est bien sûr beaucoup plus facile de le faire de l'extérieur, et c'est ce que nous faisons toujours; nous recherchons les réfugiés pour qu'ils nous racontent leurs histoires, car ils ne sont plus à risque de représailles. Nous pouvons leur assurer l'entière protection, alors ils sont beaucoup plus confiants et mieux disposés à donner de l'information.
    Mais après, qu'est-ce qu'on fait? C'est là le problème. Les rapports suivront la filière hiérarchique des Nations unies semaine après semaine, mois après mois; ensuite, ils seront éventuellement envoyés à l'Assemblée générale. Ils se rendent parfois jusqu'au Conseil de sécurité. Le problème c'est d'aller plus loin, c'est de prendre les mesures nécessaires pour que les responsables rendent des comptes et qu'ils soient punis pour avoir commis ces atrocités.
    Le Canada est depuis longtemps un ardent défenseur de la justice pénale internationale et de la Cour pénale internationale. Ce n'est pas simple dans le contexte du Soudan du Sud pour des raisons de sensibilités ou de ramifications politiques que nous connaissons tous. La documentation relative à la violation des droits de la personne est un élément clé. Nous l'avons expérimenté dans d'autres parties du monde. Cela peut prendre 10 ans, voire 15 ans, mais tout de même, elle finit par servir à un moment donné. N'oublions pas que l'impunité, c'est non seulement l'absence de châtiment pour un crime commis mais également l'absence de reconnaissance de la victime en tant que victime.
    C'est là un élément clé de la reconstruction d'une société. C'est tout le concept de justice transitoire; s'assurer qu'il y a une reconnaissance, un compte rendu historique des violations qui se sont produites dans un pays. Le seul moyen pour la société sud-africaine — ou pour la société argentine — de rester unie, c'est de rechercher la vérité, de tenir un registre des témoignages, éventuellement de rendre des comptes, mais également de reconnaître que ce que vous avez fait n'était pas répréhensible; que vous étiez une victime d'un régime, d'un groupe armé, et ainsi de suite. Nous devons continuer à assurer une surveillance, mais nous devons l'envisager à plus long terme.
    Merci.
    Passons maintenant à M. Fragiskatos.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence ici aujourd'hui.
    Les conflits ne sont absolument pas inévitables. Malheureusement, on a souvent l'impression qu'ils ne peuvent être évités. Le présent comité en est à sa dernière journée d'examen du conflit au Soudan du Sud et de la crise humanitaire qui en découle. Les conflits, comme nous le savons, sont généralement le résultat d'inégalités, de trajectoires historiques particulières. Ils sont le résultat d'un manque de démocratie, de luttes intestines entre les élites politiques et ainsi de suite.
    Voici ce qui va se passer dans quelques semaines. Ce comité déposera son rapport. Le gouvernement en fera la lecture. Il sera lu par les journalistes et par les membres de différentes organisations internationales. Certains membres du public y jetteront certainement un coup d'oeil. Ce qui me préoccupe et ce que je crains, c'est que lorsque les citoyens canadiens ou tous autres citoyens qui attachent de l'importance à cette question allumeront leur téléviseur et qu'ils verront ce qui se passe au Soudan du Sud, ils en viendront fatalement à la conclusion qu'il en est ainsi dans toute l'Afrique du Sud. Ils tireront peut-être la même conclusion pour les conflits que ce comité a examinés, le cas des Rohingya, le génocide yézidi, la situation au Burundi, nommez-les.
    Pouvez-vous parler des points que vous avez soulevés tout au début devant le comité, et plus précisément du fait que ces conflits sont d'origine humaine, qu'ils sont causés par l'homme et que les catastrophes humanitaires qui s'ensuivent auraient pu être évitées, qu'elles sont le produit d'expériences vécues dans ces pays et que des raisons historiques expliquent la situation dans laquelle le Soudan du Sud se trouve aujourd'hui? Ce point est fondamental et aidera à démystifier cette fausse perception selon laquelle ces drames humains ne peuvent être évités, que les conflits et les bains de sang font naturellement partie de l'expérience africaine, et de l'expérience du Soudan du Sud en particulier.
(1315)
    Je ne suis pas certain de pouvoir ajouter quoi que ce soit à votre très éloquent énoncé du dilemme.
    Je pense que vous le pouvez, parce que vous êtes sur le terrain. Vous avez vu ce qui s'y passe. Pourriez-vous intégrer ces points dans votre réponse?
    Nous avons attiré l'attention sur le fait que, bien souvent, c'est une question de lacunes dans l'état de droit, de lacunes dans le développement et, comme vous l'avez si bien dit, de lacunes dans la répartition équitable des dividendes découlant des investissements dans un pays. Du point de vue économique, nous devons vraiment nous pencher sur toutes ces questions.
    Voilà pourquoi nous avions espoir suite à la création du Soudan du Sud, en 2011. Les Nations unies y ont fortement investi, comme l'ont fait les acteurs du développement et les ONG. Nous devons demeurer vigilants et être conscients du fait qu'il existe un clivage au sein de la société depuis bon nombre d'années, puisque le partage des ressources naturelles n'a jamais été fait de manière juste et équitable. Nous avons tenté de régler ces problèmes au niveau politique, en ayant un président et un vice-président provenant de différents groupes ethniques et différentes alliances politiques. Cependant, le fait que les ressources disponibles soient si limitées complique grandement les choses au Soudan du Sud. C'est difficile de faire le partage quand il y a si peu de choses à partager. C'est l'un des problèmes.
    Je reviendrai à ce que j'ai mentionné plus tôt. Nous ne regardons pas assez les questions de réconciliation, de justice transitionnelle et de responsabilisation des gens. C'est le second problème, selon moi. Bon nombre de ceux qui sont au pouvoir en ce moment sont les mêmes qui, avant 2011, menaient la guerre. Vous devez faire certains compromis pour que le pays se retrouve sur la bonne voie, mais il y a là aussi une limite, parce que, ce faisant, vous ancrez le clivage politique dans la structure politique.
    Je m'excuse de vous interrompre, mais mon temps est limité.
    Au début de votre réponse, vous avez mentionné que le Soudan du Sud est un tout nouveau pays. Ce n'est pas juste pour vous, car c'est une question qui demande plus de temps, mais elle doit tout de même être posée.
    Dans un pays si nouveau, les institutions naissent à peine. Pensez aux Français. Nous sommes bien loin de l'expérience du Soudan du Sud, ou même de l'Afrique. La Révolution française a amené une période de démocratie et d'espoir, puis, soudainement, la France est tombée dans une sanglante période de dictature. Ensuite, elle est revenue à la démocratie, puis encore une dictature, et ainsi de suite. Ce n'est qu'au milieu du XXe siècle que la véritable démocratie s'est installée une fois pour toutes.
    Pouvez-vous nous parler de l'importance de mettre en oeuvre des institutions et du fait que celles-ci sont de véritables conditions préalables à l'obtention de la paix à long terme?
    Il s'agit d'avoir les bonnes institutions, mais aussi d'avoir les bons dirigeants au sein de ces institutions. C'est beaucoup plus compliqué, car les Nations unies ou les groupes d'experts externes ne peuvent pas l'imposer. Les dirigeants doivent être choisis par le peuple. Quand il s'agit d'une démocratie naissante, je crois que c'est aussi un défi de s'assurer que le peuple prenne part au processus démocratique et qu'il choisisse les dirigeants qu'il tient à avoir comme représentants.
    J'aimerais revenir sur un point. Vous avez dit que la population ou les médias canadiens regarderont le rapport sans être autrement interpellés par le problème.
(1320)
    Les Canadiens sont politiquement engagés, certes, mais je crains que ce soit simplement...
    Je voudrais appuyer cette affirmation par une citation de notre haut-commissaire, prononcée lors de la plus récente réunion de notre comité de direction. Pour la situation en Syrie, nous recevons 60 % de notre financement. Pour tout pays d'Afrique subsaharienne, nous ne recevons que 20 %. C'est inacceptable. Un enfant africain doit aller à l'école, au même titre qu'un enfant syrien réfugié au Liban. Le coût pour envoyer un enfant à l'école est peut-être bien différent, mais en réalité, dans plusieurs cas, ces coûts sont beaucoup moins élevés en Afrique qu'ils ne le sont pour nos opérations en Syrie.
    C'est une décision politique. Où est-ce que la communauté internationale veut envoyer son argent? Qui veulent-ils aider? Selon moi, et je suis convaincu que vous avez vos propres objectifs avec ce rapport, si une chose peut être réalisée grâce à ce rapport, c'est de vous prévenir d'être vigilants. Nous sommes dans une situation où il y a 1,9 million de personnes déplacées à l'intérieur de leur pays et 1,7 million de réfugiés. Chaque jour, 2 000 personnes se rendent en Ouganda. Nous arrivons à peine à leur fournir de l'eau potable. Quelles valeurs défendons-nous en ne soutenant pas les Sud-Soudanais? Je vous laisse tirer vos propres conclusions, chers Canadiens. Je peux aussi plaider en faveur d'autres crises africaines, tandis que nous mettons beaucoup d'efforts à régler une autre crise.
    Je ne veux rien enlever à la Syrie. Ce n'est pas mon objectif, parce que nous étions ensemble au Liban. Je sais que les besoins sont énormes, car j'y ai habité pendant quatre ans. Mais je crois que c'est vraiment une question éthique qui devrait être prise en considération par ce comité. La dignité humaine est la même pour tout le monde, que l'on habite à Winnipeg, à Yei, à Juba ou ailleurs, mais le soutien que nous offrons n'est pas le même quand vient le temps de respecter les droits de la personne de ces gens.
    Merci.
    Passons maintenant à M. Reid.
    Merci.
    Malheureusement, nous passons à une plus courte période de questions et réponses, cinq minutes plutôt que sept. Laissez-moi vous poser cette question. Selon votre réponse, ceci pourrait prendre tout votre temps.
    Vous avez dit que les Ougandais avaient une façon drôlement efficace de permettre aux gens d'entrer au pays, afin de gagner les camps de réfugiés, je crois. Mais ce ne sont pas des camps conventionnels. Ils sont beaucoup plus étendus. Je me demandais si vous pouviez nous expliquer comment ils gèrent ces camps. L'Ouganda n'est pas un pays vaste, peu peuplé, où il y a beaucoup de terrains disponibles. Ils doivent probablement prendre des terrains qui appartiennent à des individus ou à des collectivités. Aussi, pourriez-vous nous dire s'il s'agit d'un modèle qui pourrait être utilisé ailleurs, ou est-ce unique à la culture et aux structures de propriétés foncières, etc., de l'Ouganda?
    Ce n'est pas unique à l'Ouganda. Nous essayons par tous les moyens de le reproduire en tenant compte des questions d'habitation, de terrains et de droits de propriété. En Ouganda, trois groupes différents détiennent des terres: l'État, les individus ou les tribus. Dans le nord de l'Ouganda, il y a un grand nombre de tribus et de sous-groupes différents. Les terres privées sont très rares dans le nord du pays. Ce sont surtout des terres publiques ou qui appartiennent à des tribus.
    Dans le premier cas, le gouvernement a attribué des terres aux citoyens. Lorsque cela est devenu impossible, parce qu'il y avait trop de gens, les tribus hôtes ont décidé de prêter les terres aux nouveaux venus, en s'entendant pour que ces derniers cultivent les terres et remettent une partie des récoltes à la communauté. La beauté de la chose, c'est que cette entente avantageait à la fois les réfugiés et les hôtes ougandais, qui étaient défavorisés parce que, comme vous le savez peut-être, le nord du pays est l'endroit où la LRA, menée par Joseph Kony, a établi ses quartiers pendant une longue période. Ce secteur était sous-développé, ce qui a permis aux acteurs de développement d'intervenir, de reconstruire les routes et de mettre en oeuvre des projets agricoles.
(1325)
    C'est exact. D'une certaine façon, il y a maintenant de l'espace pour que les gens puissent s'installer et contribuer à l'économie. Ce sont pour ainsi dire des fermiers locataires.
    Oui.
    Il est possible de voir une telle personne comme étant, et j'essaie de trouver le bon mot, un contributeur serviable pour l'économie.
    Bien sûr, mais ils partagent aussi l'école et l'accès à l'eau potable. Donc, si les communautés hôtes ne sentent pas qu'elles sont aidées équitablement, elles verront simplement les nouveaux venus comme étant des fardeaux qui ne leur amènent aucun avantage.
    Il doit y avoir une décentralisation quelconque de la prise de décision. On ne parle pas ici d'une réponse monolithique de la part du gouvernement ougandais. Ce sont plutôt les tribus individuelles qui nous indiquent qu'elles sont prêtes à l'accepter via le processus décisionnel qu'elles ont établi. Je présume que cette volonté du gouvernement central de permettre la décentralisation de la prise de décision explique en partie le succès de la démarche.
    Ce sont les deux, puisqu'en fait, il y a un puissant groupe de coordination ministériel à Kampala, auquel le HCR a ajouté du personnel afin de les aider à mettre en oeuvre les politiques. En fait, c'est ce que nous faisions il y a 10 ans: élaborer une politique sur les personnes déplacées à l'intérieur du pays, que le gouvernement pourra ensuite coordonner. Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que c'est aussi dû à la décentralisation. C'est organisé par, et je n'arrive pas à me souvenir du nom, ce n'est pas le gouvernorat, où les autorités locales sont très bien représentées au sein des clivages tribaux et sont en mesure de prendre ces décisions. Mais cela ne se produit pas qu'en Afrique subsaharienne. C'est ce que nous tentons de reproduire. Si vous pensez à l'Afrique occidentale, par exemple, vous voyez le même modèle de société et de délégation du pouvoir.
    Tout à fait. Les proto-États qui existaient avant l'intervention européenne sont essentiellement saisis et maintenus.
    Vous dites que les enfants des communautés de réfugiés vont ensuite à l'école. Fréquentent-ils les écoles existantes?
    Ils fréquentent les écoles existantes. Il y a une question de capacité d'absorption au niveau de l'espace, mais aussi des professeurs. Un professeur qui avait 40 élèves, soit le ratio habituel dans cette région du monde, se retrouve subitement avec 80 élèves. Nous devons aussi soutenir les professeurs, par exemple, afin d'avoir plus de professeurs ou d'inverser le matin et l'après-midi.
    Je sais que j'arrive à la fin du temps qui m'est alloué, mais j'ai une dernière question.
    Je soupçonne que cela se produit en partie parce que les enfants parlent la même langue que les enfants des communautés hôtes.
    C'est exact.
    Merci.
    Passons à Mme Khalid, pour une dernière, très brève question.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, pour votre témoignage d'aujourd'hui. C'était très intéressant.
    J'ai une très brève question. Je veux simplement faire un suivi sur la situation en Ouganda que vous avez décrite, et leur façon d'intégrer les réfugiés à leur pays. Une famille de réfugiés arrive en Ouganda, se met à l'agriculture et y passe 10 ans. Puis le conflit dans le pays d'origine de la famille prend fin. Qu'arrive-t-il? Sont-ils obligés de faire leurs valises et de rentrer dans leur pays?
    De plus, vous avez mentionné que ce modèle d'accueil des réfugiés n'est pas unique à l'Ouganda. Pouvez-vous nous dire quels autres pays utilisent cette méthode d'intégration?
    Oui. En droit international, il y a ce que nous appelons la clause de cessation, qui dit que vous détenez le statut de réfugié tant et aussi longtemps que vous ne pouvez pas vous prévaloir de la protection de votre pays d'origine, de votre pays de nationalité ou de résidence habituelle. Effectivement, il viendra un temps où les États-Unis et le HCR, notre agence, décideront qu'il est sécuritaire pour les gens de rentrer dans leur pays d'origine, puisqu'il y a eu des changements politiques fondamentaux, ou que la paix est revenue. Dans ce cas, le HCR encouragera les réfugiés à rentrer dans leur pays d'origine via un programme de rapatriement volontaire et les appuiera dans leurs démarches.
    Il est important de noter que c'est volontaire parce qu'il y aura toujours des gens qui vont refuser de rentrer parce qu'ils ont un certain profil ethnique, ou parce qu'ils étaient des journalistes et qu'ils pourraient toujours subir des représailles s'ils rentraient dans leur pays d'origine. Ce n'est pas une couverture automatique. Nous étudions tous les cas individuellement. Les gens doivent faire un choix libre et informé. Mais, en effet, les gens vont rentrer dans leur pays d'origine.
    La deuxième meilleure solution est d'intégrer les gens au niveau local. C'est ce qui se produit dans plusieurs pays, comme le Canada, par exemple. Ils peuvent demander l'asile, sont reconnus en tant que réfugiés et ils reçoivent la citoyenneté en moins de cinq ans. C'est le cas dans plusieurs pays. Tout dépend de la situation économique, des affinités linguistiques et ethniques, et ainsi de suite.
    Pour ce qui est de votre deuxième question, prenons un exemple de notre région du monde, soit les déplacements internes en Colombie. Les gens ont été déplacés depuis plusieurs années. Ils ont été en mesure de réintégrer la société en tant que personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, de s'éloigner des réfugiés, de joindre de nouvelles communautés, dans d'autres secteurs du pays. Ils sont considérés comme des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays parce qu'ils ne sont pas dans leur lieu d'origine, mais ils se sont très bien intégrés dans un autre secteur du pays. Bien entendu, c'est beaucoup plus simple lorsque vous êtes un citoyen de votre propre pays, parce que vous êtes libres de vous déplacer à l'intérieur des frontières de votre propre pays.
    C'est ce qui se produit dans bon nombre d'endroits. Par exemple, il y a la question du Kenya et des camps de Dadaab et Kakuma. Comment pouvons-nous transformer ces gigantesques camps en véritables centres urbains, qui permettront d'intégrer la population et de contribuer à l'économie de la région ou même du pays? Voilà l'enjeu des discussions qui ont présentement cours entre le HCR et le gouvernement kenyan.
(1330)
    Avant de conclure, j'aimerais poser une autre brève question.
    Curieusement, nous allons mener une étude d'un jour au camp Dadaab en mai. Cette étude a été présentée au comité par les députés Anderson et Tabbara. Nous allons analyser la situation tout juste avant la fermeture, je crois.
    L'une des choses que nous avons entendues plus d'une fois de la part de plusieurs témoins est le rôle que jouent les autres pays de la région dans le conflit. Par exemple, on nous a dit que l'Ouganda appuie le gouvernement, alors que le Soudan appuie l'opposition. Pendant ce temps, nous avons différents flux de réfugiés.
    Vous avez parlé des milliers de réfugiés qui affluent en Ouganda. Pourquoi est-ce que l'Ouganda est si impliqué dans l'insurrection, compte tenu du fait qu'il provoque l'exode des réfugiés hors des frontières? Je veux être équitable avec tout le monde. Pouvez-vous me donner une courte réponse là-dessus? C'est un sujet qui est revenu souvent.
    Ce sera très bref, puisque je ne répondrai pas à la question. Je suis un travailleur humanitaire neutre et impartial. Je suis désolé, mais je ne suis pas en mesure de commenter ces aspects politiques.
    D'accord, je comprends.
    Sur ce, messieurs, je vous remercie infiniment. C'était une façon très pertinente de conclure les témoignages, de même que notre examen. Nous apprécions grandement votre présence ici. Vous nous en avez beaucoup appris.
    À tous les membres de ce comité, au personnel, ainsi qu'à tous les autres qui sont présents, j'aimerais souhaiter, à ceux et celles qui les célèbrent, de très joyeuses Pâques. Nous nous reverrons dans quelques semaines.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    La séance est levée.
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